III. L'IRLANDE, UN EXEMPLE RÉCENT DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE ARTICULANT LA MISE EN PLACE DE CONVENTIONS NATIONALES ET L'ORGANISATION DE RÉFÉRENDUMS TOUS AZIMUTS
L'Irlande a expérimenté deux nouvelles formes de démocratie participative à grande échelle, d'abord sous la forme d'une Convention sur la Constitution entre 2012 et 2014 , puis avec l'installation d'une Assemblée des citoyens entre 2016 et 2018 . Les recommandations de ces forums citoyens nationaux ont conduit directement à la convocation de multiples référendums et à des révisions constitutionnelles échelonnées entre 2015 et 2019 .
L'idée était non seulement d'accroître la participation des citoyens à la préparation et à la prise de décision, notamment pour reconfigurer certains éléments du système politique, mais aussi de dépasser des clivages politiques très durs sur des questions sensibles notamment le blasphème, l'avortement et le mariage homosexuel. Le processus n'est pas achevé mais le gouvernement irlandais songe déjà à reproduire l'expérience, même si la question de l'articulation avec les pouvoirs du Parlement n'est pas clairement tranchée.
La Convention et l'Assemblée des citoyens ont, toutes les deux, été créées par des résolutions des deux chambres du Parlement irlandais, qui définissaient les sujets soumis à leur réflexion, les conditions et le processus de sélections des membres, ainsi que quelques règles de procédure. Présidées par des personnalités indépendantes, la Convention et de l'Assemblée des citoyens recevaient toute l'expertise technique et juridique nécessaires à leurs travaux, notamment par la création connexe de groupes consultatifs d'experts. Elles recevaient également les contributions de tous les citoyens qui souhaitaient s'adresser à elles. Les recommandations finales étaient chacune adoptées par des séries de votes à la majorité 114 ( * ) et non par consensus.
Les compositions de la Convention et de l'Assemblée des citoyens étaient différentes, puisque seule la Convention prévoyait un dialogue entre parlementaires et citoyens . La Convention constitutionnelle comprenait 100 membres : 1 président nommé par le Gouvernement ; 66 citoyens sélectionnés par un sondeur pour refléter la population en termes d'âge, de répartition géographique et de genre ; 33 parlementaires des deux chambres à la proportionnelle des groupes. 115 ( * ) Tout citoyen faisant partie d'un groupe de pression ou d'opinion constituée sur un des sujets soumis à réflexion était exclu. 116 ( * ) En revanche, tous les cent membres de l'Assemblée des citoyens, à l'exception du président nommé par le Gouvernement, étaient des citoyens sélectionnés par un sondeur pour former un panel représentatif avec les mêmes règles d'exclusion des personnes à l'engagement connu.
Le tableau ci-après récapitule les sujets et les suites données aux travaux de la Convention et de l'Assemblée des citoyens. On ne peut que relever l'étendue des transformations constitutionnelles impulsées par ces forums citoyens innovants.
En matière de modalités des référendums, il convient de relever certaines propositions formulées et adoptées par l'Assemblée des citoyens (AC) en 2018 :
- autorisation de la convocation de plusieurs référendums le même jour sur des sujets sans lien entre eux ( pour : 80 % de l'AC ), mais pas plus de deux ( majorité relative de l'AC, pour : 41,7 % ) ;
- autorisation des référendums constitutionnels à choix multiples avec plus de 2 options ( pour : 76 % de l'AC ) ;
- dans le cas, des référendums à choix multiples, la décision est emportée par le système du vote unique transférable (système de Hare) comme pour les élections irlandaises classiques, ce qui implique pour les électeurs de classer les différentes options selon leur ordre de préférence ( pour : 52 % de l'AC ).
Convention sur la Constitution 2012-2014 |
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Thèmes |
Suites données |
Abaissement de l'âge du droit de vote |
Référendum prévu en 2019 |
Réduction à 5 ans du mandat présidentiel |
Référendum en 2015 (échec) |
Place des femmes en politique |
Référendum prévu en 2019 |
Mariage homosexuel |
Référendum en 2015 (succès) ; législation adoptée |
Réforme électorale |
Ne nécessitait pas de révision constitutionnelle. Recommandations acceptées par le Gvt, qui a mis en place une Commission électorale, chargée d'exécuter la réforme |
Abolition du délit de blasphème |
Référendum en 2018 (succès) ; retrait de la mention dans la Constitution et dépénalisation |
Octroi du droit de vote aux élections présidentielles aux Irlandais de l'étranger |
Référendum prévu en 2019 |
Réforme de la Chambre basse |
Reprise de certaines recommandations dans une révision du Règlement |
Protection de droits économiques, sociaux et culturels |
Recommandations renvoyées pour examen aux commissions parlementaires |
Assemblée des citoyens 2016-2018 |
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Thèmes |
Suites données |
Levée de la prohibition constitutionnelle de l'avortement |
Référendum en 2018 (succès) - législation en cours d'adoption parlementaire |
Comment répondre au vieillissement de la population ? |
Propositions soumises en décembre 2017 - en attente de décision du Gvt irlandais |
Durée fixe du mandat parlementaire |
Propositions soumises en juin 2018 - en attente de décision du Gvt irlandais |
Modalités des référendums |
Propositions soumises en juin 2018 - en attente de décision du Gvt irlandais |
Comment mettre l'Irlande à l'avant-garde de la lutte contre le changement climatique ? |
Une Commission spéciale parlementaire analyse les conclusions. |
* 114 Deux jours de votes avec l'examen de 16 possibilités logiquement ordonnées ont été nécessaires à l'Assemblée des citoyens en pour définir la recommandation en matière d'avortement.
* 115 Les parlementaires d'Irlande du Nord furent également invités à participer, les unionistes déclinèrent.
* 116 53 membres sur 100 de la Convention constitutionnelle ont été remplacés pour ce motif. Le seul fait d'avoir signé une pétition ou pris une position publique sur un sujet comme le blasphème, le mariage homosexuel ou l'avortement a suffi pour exclure des membres de la Convention ou de l'Assemblée.