Mme Valérie Boyer. Et la gauche ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Tout d’abord, à mon collègue qui affirme que nous voulons supprimer la retraite par répartition, je réponds que c’est complètement faux : au Sénat, depuis des années, nous disons simplement qu’il faudra peut-être ajouter à notre régime par répartition un petit peu de capitalisation.

J’en viens, ensuite, à la présente proposition de loi. J’ai bien écouté Mme Poncet Monge, qui a fait un très bon discours, très étayé. Elle dit que le premier critère d’accès aux prestations est l’exercice d’une activité professionnelle. C’est vrai : c’est par le travail que l’on s’intègre. À cet égard, les étrangers ne sont pas attaqués : aux termes du texte que nous examinons, dès lors qu’ils travaillent, ils percevront immédiatement toutes les aides sociales auxquelles ils ont droit actuellement.

Autrement dit, cette PPL est complètement différente du projet de loi pour contrôler l’immigration, qui conditionnait le bénéfice de prestations sociales à une durée de résidence d’au moins cinq ans ou à une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle en France. Le présent texte ne relève pas du tout de la même logique : dût-il s’appliquer, j’y insiste, toute personne qui exercerait une activité professionnelle percevrait immédiatement lesdites prestations.

Mme Laurence Rossignol. Et les femmes ?

M. Daniel Chasseing. Pour l’accès à l’APL, aux prestations familiales, à l’allocation personnalisée d’autonomie, on passerait de neuf mois à deux ans de durée minimale de résidence. Mais aucune modification n’est prévue ni pour le RSA ni pour l’allocation de solidarité aux personnes âgées, et les étudiants sont exemptés de cette condition de résidence. Quant à ceux qui travaillent, je l’ai dit, ils continueront de percevoir les aides auxquelles ils ont droit actuellement.

Je rappelle qu’en toute hypothèse peu de gens sont concernés : ne le sont ni les ressortissants de l’Union européenne ni ceux des États tiers avec lesquels la France a conclu une convention bilatérale de sécurité sociale.

Pour toutes ces raisons, et en ce qui me concerne, je voterai cette proposition de loi (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 234 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 99
Contre 243

Le Sénat n’a pas adopté.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Narassiguin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une nouvelle fois nous nous retrouvons pour évoquer un thème qui tourne à l’obsession chez certains dans cet hémicycle : l’immigration. Malheureusement, cela commence à devenir une habitude…

Avec cette proposition de loi, vous tentez pour la troisième fois,…

Mme Florence Lassarade, rapporteure. Nous sommes persévérants !

Mme Corinne Narassiguin. … après le projet de loi Immigration et Intégration de Gérald Darmanin puis la proposition de référendum d’initiative partagée de Bruno Retailleau, de restreindre les prestations sociales dont bénéficient les étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France légalement.

Comme en 2023, vous nous proposez de consacrer la préférence nationale pour l’attribution de certaines prestations sociales.

La préférence nationale, donc : il s’agit là d’un principe, un de plus, que vous choisissez d’emprunter à l’extrême droite. « J’aime mieux mes filles que mes nièces, mes nièces que mes cousines, mes cousines que mes voisines », proclamait jadis Jean-Marie Le Pen. « Il faut faire passer les nôtres avant les autres », résumait, en 2022, le programme de Marine Le Pen.

Avec ce texte, vous nous proposez donc la synthèse de ce qui se fait de mieux à droite aujourd’hui : l’obsession des étrangers et une politique antisociale de maintien des gens dans la pauvreté.

Non contents de promouvoir le rejet de l’étranger, vous vous attaquez au cœur de notre pacte social, à savoir notre système de protection sociale. L’universalité des prestations, décidée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, a été consacrée par la loi du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale, sous Jacques Chirac, alors Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing, deux personnages dont certains ici osent encore se revendiquer.

Vous tentez donc une nouvelle fois de revenir sur cet héritage direct de l’esprit du Conseil national de la Résistance, qui inspira la création de la sécurité sociale, et ce au détriment des vies de centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui résident dans notre pays en situation régulière et cotisent toutes et tous pour notre système social commun.

Pourquoi ce texte ? Vous prétendez vouloir lutter contre un « appel d’air » imaginaire, mythe selon lequel un étranger choisirait son pays d’accueil après s’être livré à un benchmark des différentes politiques sociales et des bénéfices qu’il pourra en tirer. Cela a été dit voilà quelques instants : l’ensemble des travaux consacrés aux déterminants de la migration montrent qu’il n’existe aucune corrélation entre les politiques d’accueil et l’orientation des flux migratoires.

Il est largement établi, par plusieurs études, que les déterminants de la migration sont l’attractivité économique et la présence d’une diaspora sur le territoire d’accueil. Mais, comme le dit avec aplomb le ministre de l’intérieur, « la réalité dément les études ». Quelle réalité ? Une réalité virtuelle que vous imposez au débat public en occultant volontairement les apports économiques et culturels de l’immigration.

Ma collègue Laurence Rossignol l’a dit en défense de notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, ce texte est contraire à la Constitution. Mais nous savons bien qu’il ne s’agit plus là d’un argument susceptible de vous faire revenir à la raison : piétiner notre loi fondamentale est devenu chez vous une habitude. Si celle-ci ne va pas dans votre sens, la réponse est toute trouvée : il faut changer la Constitution.

Heureusement, les rapporteurs ont eu, en commission, quelques éclairs de lucidité.

Le premier leur a permis de constater que ce texte est largement dépourvu d’objet, en raison des conventions et accords internationaux qui régissent les droits sociaux des étrangers extracommunautaires résidant en France de manière régulière. En effet, un grand nombre de conventions internationales conclues entre la France et des États tiers conduiraient à exempter, en tout ou partie, les ressortissants des pays concernés de l’application de la présente proposition de loi. Quel est l’intérêt d’un tel texte s’il ne s’applique à presque personne ? Sans doute ne s’agit-il que d’un effet de manche – un de plus.

Leur deuxième éclair de lucidité, les rapporteurs l’ont eu pour retirer du texte le droit au logement opposable. En effet, ce droit est un principe constitutionnel : il s’agit de la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent, consacrée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 19 janvier 1995.

Si nous saluons ce recul, ce texte reste inconstitutionnel. Quand vous avez tenté de conditionner le bénéfice des prestations sociales à une durée minimale de résidence de cinq ans, via la procédure de référendum d’initiative partagée engagée par M. Retailleau, le Conseil constitutionnel a considéré que cela portait une atteinte disproportionnée à la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées.

L’exigence de cinq ans de résidence étant donc inconstitutionnelle, vous nous sortez de votre chapeau une durée de deux ans. Pourquoi ? On ne sait pas bien… Serait-il plus acceptable de maintenir dans la précarité pendant deux ans, plutôt que cinq, des hommes, des femmes et des enfants ?

Ce texte n’est pas qu’un texte anti-étrangers, c’est aussi un texte antisocial. Avec cette proposition de loi, vous voulez priver des étrangers en situation régulière des aides et accompagnements nécessaires à leur insertion durable dans la société, et ce au moment où ils en ont le plus besoin.

Loin de dissuader des étrangers de venir en France, cette proposition de loi, si elle était appliquée comme son auteure le souhaite, ne ferait qu’accroître la pauvreté de familles et de personnes âgées. Celles-ci perdraient leurs droits à nombre de prestations sociales tout en cotisant aux régimes de protection sociale qui les alimentent. Déjà très souvent en situation précaire, les personnes concernées ainsi que leur famille verraient leur revenu disponible diminuer de plusieurs centaines d’euros par mois.

Ce texte vise également les enfants migrants, qui sont déjà très souvent en situation de grande pauvreté et qui sont aussi l’avenir de notre pays, un avenir que vous ne souhaitez pas voir.

Vous écartez des dispositions de ce texte les étrangers qui travaillent, et c’est heureux. Mais n’y a-t-il pas une contradiction à réserver le bénéfice de prestations sociales aux étrangers qui travaillent et à en priver ceux qui ne travaillent pas, donc ceux qui, précisément, en ont le plus besoin ?

Certains ici font le parallèle avec le RSA, dont le versement est conditionné à une résidence stable de cinq années – Mme Boyer y fait référence dans son exposé des motifs. Toutefois, mes chers collègues, cela n’a rien à voir : deux logiques complètement différentes sont à l’œuvre.

C’est le Conseil constitutionnel lui-même qui l’affirme lorsqu’il précise, dans une décision du 17 juin 2011, que le délai de cinq ans est conforme à la Constitution, considérant que cette prestation a pour objet « d’inciter à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle ». En d’autres termes, notre pays soutient les étrangers arrivant sur notre sol, mais les encourage à trouver leur place dans la société par leur travail et à ne pas dépendre dès leur arrivée et pour une longue période de revenus minimums financés par la solidarité nationale, quand les prestations visées par ce texte répondent avant tout à une logique de solidarité et servent à l’entretien immédiat de la vie quotidienne.

Vous semblez donc avoir un problème avec l’intégration.

Mme Florence Lassarade, rapporteure. C’est insupportable d’entendre ça…

Mme Corinne Narassiguin. Vous n’aimez pas les étrangers et vous ne cherchez pas à les intégrer dans notre société. Vous faites même tout pour rendre leur intégration impossible. Comment ?

Madame la ministre, votre collègue Gérald Darmanin a défendu une loi Immigration qu’il a osé intituler « Immigration et Intégration » alors qu’il a tout fait pour empêcher l’intégration – à cet égard, nous avions donné l’alerte à plusieurs reprises.

Ce texte a accru le niveau exigé en français pour l’obtention d’une carte de séjour, tout en réduisant les moyens alloués aux cours. En lieu et place de cours en présentiel, les étrangers devront se débrouiller sur une simple plateforme internet ; et si, au bout de trois ans, ils n’atteignent pas le niveau collège, ils seront considérés comme expulsables. Conséquence, ce sont près de 20 000 immigrés qui n’obtiendront pas le renouvellement de leur titre de séjour et 40 000 qui se verront refuser la carte de résident.

Désormais, vous voudriez que ces personnes, dont le parcours d’intégration par la langue et par le travail est déjà une course d’obstacles quasi infranchissables, soient aussi privées de prestations sociales.

Mme Laurence Rossignol. Oui, c’est ça qu’ils veulent !

Mme Corinne Narassiguin. Mes chers collègues, hormis des mesures qui provoqueront des situations de précarité et qui nuiront à l’intégration, que proposez-vous ?

Que proposez-vous pour faciliter l’accès à des cours de français ? Que proposez-vous pour faciliter l’accès à un emploi ? Que proposez-vous pour sortir les personnes migrantes de la précarité, pour qu’elles s’intègrent plus vite dans notre société et contribuent au vivre ensemble ?

La réponse est simple : rien, sinon la préférence nationale, la haine de l’étranger et l’attaque contre les plus pauvres ! C’est là un bien triste projet de société. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

Mme Laurence Rossignol. Tiens, voilà du soutien !

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos collègues de la majorité sénatoriale veulent instaurer, par ce texte, la priorité nationale, en imposant une obligation de résidence en France d’au moins deux ans pour qu’un étranger qui ne travaille pas puisse bénéficier des prestations familiales, de l’allocation personnalisée d’autonomie, de l’aide personnalisée au logement et du droit au logement opposable.

Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 11 avril 2024, avait interdit un référendum d’initiative partagée sur ce thème pour non-respect du principe de solidarité nationale. Pour le socialiste Laurent Fabius et pour ses amis, « la préférence nationale […] est contraire à la Constitution ». Sans distinction entre un Français et un étranger, les juges ont consacré l’ouverture de notre système social au monde entier, au moment même où ce dernier connaît les mouvements de population les plus importants de l’histoire de l’humanité ! Inutile de chercher plus loin pourquoi nous sommes le plus taxé de tous les pays développés…

Cette décision fut un véritable tournant dans l’affirmation d’un gouvernement des juges, ligotant un peu plus encore la souveraineté nationale. Même Michel Rocard est mis hors des clous de la jurisprudence constitutionnelle, lui qui avait admis qu’on ne pouvait accueillir toute la misère du monde et qui avait concrétisé cette idée en conditionnant l’obtention du RMI à cinq ans – cinq ans ! – de présence sur le territoire français, en 1988 ! (Mmes Corinne Féret et Raymonde Poncet Monge sexclament.)

Cette orientation est tout à fait à contre-courant de l’urgence française, alors que nous sommes menacés dans notre existence par le double record de la dette sociale et de l’immigration, avec près de 340 000 premiers titres de séjour délivrés en 2024.

Elle est tout aussi bien à contre-courant de l’histoire internationale : aux États-Unis, si vous êtes au chômage depuis trois mois, vous êtes expulsés ; et cela était déjà vrai sous l’administration Biden !

Mme Silvana Silvani. Quel exemple…

M. Stéphane Ravier. Plus au sud et plus à gauche, même le Brésil de Lula – j’y insiste, même le Brésil de Lula ! – impose la préférence nationale.

Cette préférence nationale que la gauche française criminalise n’est pourtant pas d’extrême droite : elle est d’extrême droit ! Faire la différence entre un national et un non-national, c’est la définition même – la raison d’être – de la nation. Elle est là, la véritable discrimination positive !

Ce texte est une avancée bien timide eu égard aux enjeux, mais je le voterai comme un moindre mal. Je tiens d’ailleurs à préciser que je rejette totalement et définitivement tout financement de la famille étrangère.

Mme Silvana Silvani. Ça, c’est clair !

M. Stéphane Ravier. En France, c’est exclusivement la famille et la natalité françaises que l’on doit soutenir !

Si nous voulons reprendre le contrôle, souvenons-nous, mes chers collègues, des paroles de bon sens qui furent celles de saint Augustin : « Comme tu ne peux être utile à tous, tu dois surtout t’occuper de ceux qui, selon les temps et les lieux ou toutes autres opportunités, te sont plus étroitement unis comme par un certain sort ». Autrement dit, charité bien ordonnée commence par soi-même.

Cette sagesse spirituelle, on la retrouve dans le combat temporel d’un certain Jean-Marie Le Pen, dont je salue ici la mémoire et dont le seul tort aura été d’avoir eu raison trop tôt, avant tout le monde. Nous nous apprêtons, du reste, à lui rendre la reconnaissance politique qu’il mérite en inscrivant dans la loi ce slogan qu’il porta fièrement toute sa vie comme un étendard : « Les Français d’abord ! »

Mme Silvana Silvani. Voilà ! Ça, c’est clair !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi créant une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France est un pays ouvert et solidaire, doté d’un modèle social qui compte parmi les plus généreux au monde.

Elle consacre près d’un tiers de son PIB aux prestations sociales, un niveau exceptionnel à l’échelle internationale.

Ce modèle social est un pilier de notre République : il garantit un filet de sécurité à ceux qui en ont besoin. Mais, pour en assurer la pérennité, nous devons aussi veiller à son équilibre et à son équité. C’est dans cet esprit que cette proposition de loi vise à instaurer une condition de résidence de deux ans pour l’accès à certaines prestations sociales, sauf en cas d’exercice d’une activité professionnelle.

Cette mesure est raisonnable et proportionnée, bien loin des neuf ans exigés au Danemark ou des cinq ans proposés par le Sénat dans le projet de loi Immigration en 2023.

L’objectif est clair : garantir la viabilité de notre système de protection sociale tout en conservant son caractère solidaire. Notre modèle social, en effet, n’a de sens que s’il est soutenable dans la durée. Il s’agit ici non pas de restreindre l’accès aux aides, mais de poser un cadre juste et responsable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas du tout l’objectif énoncé !

Mme Marie-Claude Lermytte. Soyons transparents avec les Français.

Ce texte conditionne le versement de certaines prestations sociales, notamment l’allocation personnalisée d’autonomie, les aides au logement et la plupart des prestations familiales, à une durée de résidence en France de deux ans.

Actuellement, ces aides sont accessibles aux étrangers en situation régulière sous réserve d’une résidence stable de neuf mois.

D’autres prestations, comme le RSA et l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ne sont pas concernées, car elles répondent déjà à des critères plus stricts : cinq ans de résidence pour le RSA, dix ans pour le minimum vieillesse.

L’évolution proposée permet d’harmoniser notre système d’aides tout en assurant une meilleure adéquation avec la réalité des ressources publiques disponibles.

L’un des débats soulevés en commission des affaires sociales porte sur les répercussions concrètes de cette mesure : combien de personnes seront concernées ? À ce stade, les données précises manquent, nous le déplorons.

Toutefois, au-delà des chiffres immédiats, cette réforme s’inscrit dans une réflexion plus large sur l’efficacité et la pérennité de nos politiques sociales.

Ce texte met en lumière nos engagements internationaux en matière sociale. La France a signé de nombreuses conventions bilatérales garantissant une égalité de traitement entre ses ressortissants et ceux d’autres pays – États membres de l’Union européenne, mais aussi Maroc, Algérie, Égypte, Tunisie ou encore Liban, pour ne citer que ces exemples.

Si ces conventions permettent aux Français établis à l’étranger de bénéficier des mêmes prestations que les ressortissants des pays signataires, nous devons néanmoins nous interroger quant à leur pertinence. Sont-elles réellement équilibrées, alors que la France est le seul pays proposant un modèle social aussi généreux ?

Notre situation budgétaire impose d’aborder ce sujet avec lucidité. Ce n’est pas seulement une question financière : c’est une question de justice. L’équité entre les citoyens français et les étrangers bénéficiant de notre protection sociale est essentielle et nous devons veiller à ce que cet équilibre soit respecté.

Ce texte ne constitue que la première pierre d’une réflexion plus large sur la maîtrise de nos dépenses sociales. Il pose un principe, mais, dans les faits, la disposition qu’il consacre restera une exception tant que nos conventions internationales ne seront pas réexaminées.

En d’autres termes, cette réforme est une étape, mais elle doit s’accompagner d’un travail plus approfondi sur la rationalisation de notre modèle de protection sociale.

Enfin, soyons clairs, cette mesure ne répond pas au problème de l’immigration illégale. La situation de Mayotte illustre bien l’ampleur des défis à relever, mais la question dépasse largement ce territoire : elle concerne l’ensemble du pays. Il nous faut une réponse globale, articulant politique migratoire, contrôle des frontières et gestion rigoureuse de nos finances publiques.

Nous ne devons pas craindre un débat honnête sur ces sujets. Plus que jamais, la France doit reprendre le contrôle de ses frontières, de ses finances publiques et de ses choix stratégiques. Elle doit retrouver sa pleine souveraineté, et c’est là l’un des défis de notre époque.

Cette proposition de loi est un premier pas dans la bonne direction. S’y affirme une volonté de responsabilité et de justice sociale.

C’est dans cet esprit que notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier notre collègue Valérie Boyer, qui nous permet, avec ce texte, de reprendre le fil de débats que nous avons eus dans le passé sur la durée de résidence nécessaire en France pour obtenir le versement de prestations sociales et familiales, ainsi que du minimum vieillesse.

Ces prestations étant versées aux étrangers qui n’exercent pas d’activité professionnelle, il semble légitime de demander à leurs bénéficiaires d’être suffisamment présents sur notre sol pour être associés à la vie collective et aux principes de solidarité qui la sous-tendent.

Par ailleurs, comme notre rapporteure l’a rappelé, le Conseil constitutionnel avait censuré, en avril 2024, un article voté au Sénat sur ce sujet, non pas sur le fond,…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il l’a fait en d’autres occasions !

Mme Laurence Muller-Bronn. … mais parce qu’il constituait, selon lui, un cavalier législatif et que la durée imposée, qui était de cinq ans de résidence, était disproportionnée.

Aujourd’hui, nous proposons de ramener cette durée à deux ans. En outre, plusieurs prestations ne seront pas concernées par cette nouvelle condition : la prestation de compensation du handicap, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, l’allocation journalière de présence parentale et le droit au logement opposable.

Rappelons de surcroît que notre Constitution permet de conditionner le bénéfice de certaines prestations sociales à une durée de résidence stable et régulière ou d’activité professionnelle.

Cette proposition de loi s’inscrit donc pleinement dans notre droit fondamental.

Elle s’inscrit également dans un contexte économique et social que nous ne pouvons ignorer.

Aujourd’hui, l’accès de plein droit aux prestations sociales est acquis après neuf mois consécutifs de résidence en France.

Certes, cette durée minimale était de six mois avant le 1er janvier 2025, mais, en dépit de ces trois mois supplémentaires, la France reste l’un des pays les moins exigeants en la matière. Nos voisins tels que l’Italie, Chypre, l’Irlande, le Danemark ou encore la Grèce conditionnent le versement de leurs prestations à une durée de résidence qui peut aller, dans certains cas, jusqu’à cinq ans.

Pour la parfaite information de nos concitoyens, il est utile de rappeler la liste de ces prestations qui sont acquises aujourd’hui avec neuf mois de résidence en France : la prestation d’accueil du jeune enfant ; les allocations familiales ; le complément familial ; l’allocation de logement ; l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ; l’allocation de soutien familial ; l’allocation de rentrée scolaire ; l’allocation forfaitaire versée en cas de décès d’un enfant ; l’allocation journalière de présence parentale ; l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ou minimum vieillesse.

Pour ce qui est de ce dernier sujet, je veux souligner ici que le minimum vieillesse, versé sans condition de nationalité ni de travail, est de 1 034 euros par mois pour une personne seule et de 1 605 euros par mois pour un couple. Au moment où nous apprenons que le conclave sur la réforme des retraites ne mènera nulle part, les Français étant appelés à travailler bien au-delà de 64 ans, je rappelle que les catégories les plus pénalisées par cette réforme, c’est-à-dire les femmes et les seniors mis au chômage dès 55 ans, n’auront guère plus en moyenne, alors qu’ils auront travaillé et cotisé pendant des décennies.

Par conséquent, demander deux ans de résidence en France en contrepartie de ces prestations ne me paraît pas obéir à une quelconque idéologie réactionnaire ou xénophobe :…

Mme Laurence Muller-Bronn. … c’est au contraire prendre en considération la situation de nos concitoyens précaires, dont la vie professionnelle n’a pas été un long fleuve tranquille, à l’image des femmes, dont les carrières hachées les obligent à occuper des emplois précaires au-delà de 64 ans (Mmes Raymonde Poncet Monge et Laurence Rossignol sexclament.) ; à l’image également des seniors, condamnés dès 55 ans au chômage, puis au RSA, alors qu’ils ne demandent qu’à travailler. (Mme Valérie Boyer applaudit.)

De même, il faudrait être aveugle pour ne pas voir la bombe sociale du logement, qui est en train d’exploser et qui, là encore, touche des salariés et des familles modestes dont, pourtant, les deux parents travaillent.