M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Madame la ministre chargée du logement, 735 personnes sont mortes dans la rue l'an dernier ; 350 000 sont sans domicile fixe, chiffre en hausse de 6 % en un an et de près de 17 % en deux ans ; plus de 4 millions de Français sont mal-logés et, parmi ceux qui ont un toit, 30 % indiquent avoir eu froid dans leur logement l'an passé.

Ces constats sont ceux de la Fondation pour le logement des défavorisés, qui présentait hier son trentième rapport sur l'état du mal-logement en France.

Oui, cela fait huit ans qu'année après année notre pays s'enfonce toujours un peu plus dans la crise du logement, les réponses des gouvernements successifs étant loin d'être à la hauteur. Pour nombre de nos compatriotes qui cherchent à se loger, particulièrement les plus modestes, c'est tout simplement un parcours du combattant qu'il faut emprunter.

La situation est inédite : durcissement de la crise de la construction, grippage du marché immobilier, effets de l'inflation, aggravation des inégalités…

Les files d'attente s'allongent pour obtenir un HLM. Fin juin, l'Union sociale pour l'habitat (USH) recensait 2,7 millions de ménages demandeurs. Là encore, les chiffres sont à la hausse, d'autant plus que la production de logements sociaux est au plus bas depuis vingt ans.

Comment pourrait-il en être autrement ? L'effort public en faveur du logement est tombé à 1,5 % du PIB, son plus bas niveau depuis trente ans. Faute d'être reconnu comme une priorité, le logement a été délaissé. De fait, 2024 aura été une nouvelle année de renoncement.

Madame la ministre, allez-vous enfin agir pour résorber le mal-logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du logement. (Mme Évelyne Perrot applaudit.)

Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la sénatrice, vous avez évidemment raison de dire que le logement vit un moment de crise inédite ; les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Nous voyons arriver cette crise depuis plusieurs années : augmentation du coût des travaux, hausse des taux d'intérêt, contexte général peu propice à la création de logements. Pour ces raisons, sous l'autorité du Premier ministre et eu égard à nos ambitions pour l'avenir, nous avons intégré au budget pour 2025 des dispositions qui, vous le savez, ne sont pas négligeables.

Tout d'abord, en ce qui concerne le logement social et l'accès à la propriété des plus modestes, le prêt à taux zéro a été élargi à l'ensemble du territoire et y sont désormais éligibles les logements neufs individuels ou collectifs, mais aussi, en zone détendue, les acquisitions dans l'ancien.

Ensuite, nous améliorons les fonds propres des bailleurs sociaux via une diminution de la réduction de loyer de solidarité, qui se conjugue à une baisse du taux du livret A permettant de mobiliser 850 millions d'euros. Vous le voyez, nos ambitions en matière de production et d'agrément de logements sociaux, mais aussi de rénovation, sont élevées et, en tout état de cause, largement à la hauteur des besoins ; nous les dévoilerons dans les jours qui viennent, en lien avec l'Union sociale pour l'habitat.

Désormais, il faut embarquer les bailleurs et les collectivités dans l'effort de construction. Comme vous le savez, nous allons travailler sur le statut du bailleur privé pour stimuler l'investissement locatif et inciter tous ceux qui le peuvent, dans la sphère privée, à mettre des moyens au service de cette relance de la construction.

Croyez-le, madame la sénatrice, le Gouvernement a bien compris la nécessité d'être au rendez-vous en ce domaine. Nous sommes mobilisés !

J'ajoute que, grâce au Parlement, le budget de la rénovation thermique des logements sera préservé en autorisations d'engagements. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDSE. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.

Mme Corinne Féret. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais la France s'enfonce dans la crise du mal-logement : il y a urgence à agir !

Vous nous dites que l'on voit cette crise arriver depuis de nombreuses années. Reconnaissez que les mesures qui ont été prises depuis 2018, envers les bailleurs sociaux notamment, n'ont pas été de bonnes mesures, voire qu'elles ont eu tendance à aggraver la situation et à mettre ces derniers en grande difficulté.

Les besoins sont d'une telle ampleur que votre réponse n'est guère rassurante.

M. Michel Savin. Très bien !

Mme Corinne Féret. Pourtant, vous le savez, le logement est déterminant dans la vie de chacun de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et sur des travées du groupe GEST.)

intelligence artificielle

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Fabien Gay. Alors que la France s'apprête à accueillir un sommet sur l'intelligence artificielle (IA), cette question s'avère plus que jamais politique. Les promoteurs de l'IA ambitionnent de révolutionner notre quotidien dans son ensemble. Cette technologie porte en elle autant de promesses d'émancipation que de risques d'aliénation.

Son développement est donc un enjeu majeur. Les États-Unis vont investir près de 500 milliards de dollars au titre du projet Stargate, porté par le géant OpenAI, quand la Chine rayonne avec DeepSeek ; et la France ? Le crash de l'application Lucie est le terrible exemple d'une industrie détricotée et d'une recherche affaiblie, une nouvelle fois amputée, dans votre budget, de 1,5 milliard d'euros.

La question est pourtant existentielle : la France sera-t-elle vassalisée par ces nouveaux impérialismes, ou sera-t-elle capable de bâtir une régulation plus ambitieuse que l'AI Act européen, bien trop timoré, face aux tyrans numériques ? L'IA doit être un bien commun de l'humanité, mis au service de progrès humains, écologiques et scientifiques, et non un outil détenu par quelques milliardaires et mis au service de leurs seuls profits.

À cet égard, votre politique du « en même temps » est intenable : on ne peut dénoncer – à raison – l'alliance internationale de tous les réactionnaires et en même temps dérouler le tapis rouge à Elon Musk, l'homme qui fait des saluts nazis (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) et s'invite au congrès de l'AfD (Alternative für Deutschland) après avoir participé à la victoire de Trump ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Cet homme met sa fortune au service de la désinformation – via X –, des guerres commerciales et des conquêtes coloniales, du Groenland à Gaza, contribuant à accélérer encore la destruction de l'ensemble du vivant !

Madame la ministre chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, nous demandons donc solennellement au Gouvernement de signifier clairement à Elon Musk qu'il n'est pas le bienvenu à ce sommet, car nous ne partageons pas son projet de société ; d'agir pour le développement d'une IA éthique, fiable et souveraine à l'échelle européenne ; et de proposer une COP mondiale sur l'IA sous l'égide des Nations unies. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST et sur des travées du groupe RDSE. – MM. Bernard Buis, Alain Duffourg et Loïc Hervé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.

L'IA transforme nos vies, je vous rejoins sur ce point. Nous étions hier à l'institut Gustave-Roussy, centre d'excellence internationale, où nous avons pu voir comment les chercheurs français utilisent l'intelligence artificielle pour accélérer la recherche contre le cancer. Nous sommes pleinement conscients de l'importance pour la France de disposer d'intelligences artificielles souveraines.

Depuis 2018, nous n'avons pas attendu les entreprises comme celle que vous avez mentionnée…

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. … pour nous saisir du sujet, nous doter d'une stratégie nationale pour l'intelligence artificielle et investir 2,5 milliards d'euros dans le développement de cette technologie.

M. Fabien Gay. Les États-Unis, c'est 500 milliards !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Vous me parlez des 500 milliards d'euros annoncés par M. Trump,…

M. Hussein Bourgi. Et Elon Musk ?

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. … mais aussi du modèle chinois DeepSeek, qui aurait été entraîné pour un coût très inférieur. Ce que cela nous dit, c'est que nous sommes au début de cette technologie et que la meilleure réponse est la nôtre : investir – investir dans nos talents,…

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. … les chercheurs français étant reconnus dans le monde entier, investir dans nos infrastructures et investir dans les entreprises. Je pense par exemple à l'entreprise Altametris, installée en Seine-Saint-Denis, qui utilise l'IA pour l'industrie. Nous sommes au rendez-vous !

La question de la vision est cruciale, car – vous avez raison – l'intelligence artificielle n'est pas seulement technologique, elle est absolument politique ; il suffit pour s'en convaincre de demander à DeepSeek ce qu'il pense des faits historiques.

L'enjeu – la réponse – est également diplomatique : il faut mettre tout le monde autour de la table ; nous y travaillons… (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Fabien Gay. Et inviter Musk ? Ne venez pas pleurer après !

M. le président. Laissez la ministre répondre !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Si, voilà vingt ans, nous nous étions assis tous ensemble pour développer les technologies du numérique, nous n'en serions pas là aujourd'hui. La meilleure réponse à ces menaces est d'innover ici en France, en Européens, de rester très fermes sur nos valeurs et de développer nos propres solutions. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

inondations en ille-et-vilaine

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Bernard Fialaire et Michel Masset applaudissent également.)

Mme Anne-Sophie Patru. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique. J'y associe les autres sénateurs d'Ille-et-Vilaine, Dominique de Legge, Sylvie Robert et Daniel Salmon.

Madame la ministre, notre département a été frappé par des crues historiques : Rennes, Guipry-Messac, Redon, Bruz, Guichen, Pacé, Noyal-Châtillon-sur-Seiche – et j'en passe –, voilà autant de communes dont les habitants ont affronté la montée des eaux de l'Ille, de la Vilaine et de la Seiche alors qu'à la dépression Herminia a succédé la tempête Éowyn.

Face à cette situation inédite pour notre territoire, M. le ministre de l'intérieur a annoncé que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle devrait être accélérée pour aider nos populations à se remettre sur pied, ce dont nous remercions le Gouvernement. Je pense notamment aux commerçants, aux agriculteurs et à tous les professionnels qui ont été touchés, mais également aux forces de sécurité et de secours – les pompiers, la sécurité civile, les services de la préfecture –, qui continuent en ce moment même d'œuvrer pour protéger les populations et répondre à l'urgence.

Quant aux élus locaux – et en particulier les maires, socles de la République et fantassins de nos territoires – et aux équipes d'agents municipaux, ils ont été une nouvelle fois au rendez-vous, premier maillon du lien d'urgence établi avec nos habitants.

Ces événements s'inscrivent dans le cadre du changement climatique, qui démultiplie et augmente l'intensité des épisodes extrêmes. Face à ces risques accrus, les communes sont de plus en plus confrontées à des refus d'assurance. Notre collègue Jean-François Husson a dénoncé ce phénomène dans son rapport d'information publié l'année dernière sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.) L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a fait de même, et notre collègue Jean-François Longeot a récemment posé, sur ce sujet, une question d'actualité au Gouvernement. (Ah ! sur des travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Excellent !

Mme Anne-Sophie Patru. Tous ont tiré la sonnette d'alarme sur les difficultés croissantes que rencontrent les collectivités pour obtenir une couverture d'assurance.

Madame la ministre, nos élus ont engagé leurs communes, leurs services et les budgets communaux pour pallier l'urgence. Quelles compensations envisagez-vous de mobiliser, au travers des fonds d'urgence, pour ces communes ? Quelles actions le Gouvernement compte-t-il déployer pour répondre à ce risque assurantiel croissant ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST et sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Patru, je veux commencer par apporter à mon tour, au nom du Gouvernement, tout mon soutien aux sinistrés de la longue série d'intempéries qui ont frappé l'ouest de notre pays.

Je vois que vous êtes assise à côté de la sénatrice Amel Gacquerre, qui elle aussi a dû faire face à pareil épisode sur notre territoire commun. Vous avez raison de dire que ces événements sont liés au dérèglement climatique et qu'ils sont appelés à se répéter.

Je tiens à saluer l'excellence des services de prévision – Météo-France et Vigicrues – et des forces de secours, dont la mobilisation a permis qu'il n'y ait aucune victime et que, en dépit du traumatisme, la situation soit traitée de la manière la plus apaisée possible.

La première réunion au cours de laquelle pourront être déclarés des états de catastrophe naturelle se tiendra le 6 février. Mes services de Vigicrues, qui doivent préparer les dossiers, ont reçu des consignes pour qu'ils soient instruits le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les mesures d'urgence, vous savez qu'il existe un dispositif de soutien, la DSECG, ou dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques, qui contribue à la réparation et à la reconstruction des infrastructures qui ne sont pas assurées. Je pense évidemment aux routes ou aux ponts – la question s'est notamment posée récemment dans la Loire. Nous mobiliserons cette enveloppe pour réparer les dégâts causés par les épisodes que vous évoquez, madame la sénatrice.

Quant aux travaux que nous pouvons faire pour rehausser notre résilience face à des événements climatiques, c'est tout l'enjeu du fonds vert que de les financer. Ce fonds a été renforcé dans la dernière ligne droite de la discussion budgétaire, et je remercie les nombreux sénateurs qui y ont contribué.

Enfin, vous avez raison de dire qu'il est inadmissible de ne pas pouvoir être assuré, que l'on soit, d'ailleurs, un particulier ou une collectivité locale. Avec mes collègues François Rebsamen et Éric Lombard, nous travaillons à régler ce problème.

M. Jean-François Husson. Et la solution ? Tout de suite, maintenant ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Comme vous le savez, l'une de mes missions est de rééquilibrer le régime des assurances et de trouver les voies et moyens d'une amélioration de la prévention. Je souhaite à cet égard inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi de votre collègue Christine Lavarde visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, qui a été adoptée à l'unanimité au Sénat (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre applaudit également.),…

M. Jean-François Husson. Voilà ! Très bien !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … parce qu'elle apporte de premières solutions. (M. François Patriat applaudit.)

remise en liberté d'étrangers sous oqtf interpellés lors d'opérations de police à nantes

M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Garnier. Monsieur le garde des sceaux, ce qui s'est passé à Nantes il y a quelques jours est absolument sidérant.

Le ministre de l'intérieur a lancé en Loire-Atlantique, à la fin du mois de janvier, seize opérations de police pour lutter contre le trafic de drogue et la délinquance, qui pourrissent la vie des habitants de nos villes et de nos quartiers. Ces opérations ont permis cinquante-trois interpellations et douze placements en centre de rétention administrative (CRA). Deux des douze individus placés en CRA ont été libérés avant-hier pour des vices de procédure.

Le premier est de nationalité algérienne et se trouve être depuis un an et demi sous OQTF (obligation de quitter le territoire français). Il a été libéré parce que la définition par le procureur de la zone de réquisition ne listait que les rues formant le périmètre et pas celles qui sont à l'intérieur de la zone. (Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Que fait Retailleau ?

Mme Laurence Garnier. Le second est de nationalité libyenne. Il a été libéré parce que l'agent qui a demandé la prolongation de sa détention a signé le document ad hoc un vendredi alors qu'il n'était habilité à le faire que le week-end. (Nouvelles huées sur les mêmes travées.)

En somme, pour ce qui est des horaires, le vendredi, c'est trop tôt : on n'est pas encore le week-end. Et pour ce qui est de la zone de réquisition, le périmètre, c'est trop flou : on ne sait pas ce qui est dedans et ce qui est dehors. Au bout du compte, ces deux individus sont dehors. Reconnaissez qu'on est chez les fous…

Monsieur le garde des sceaux, nous connaissons votre détermination et celle du ministre de l'intérieur à lutter contre le narcotrafic. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER.) Nous avons voté hier à l'unanimité un texte important pour nous donner les moyens de mener ce combat.

M. le président. Votre question !

Mme Laurence Garnier. Qu'allez-vous faire pour répondre à cette folie procédurière, qui décourage nos policiers et nourrit la colère et l'incompréhension de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice Garnier, le problème que vous soulevez traduit la complexité de la procédure en matière de droit des étrangers, et singulièrement lorsque ceux-ci sont placés en centre de rétention. Dans cette procédure, en effet, deux juridictions interviennent : la juridiction administrative, dans un premier temps, puis, dans un second temps, la juridiction judiciaire, qui contrôle le maintien en rétention.

Je veux rappeler les faits en me gardant de tout commentaire de fond sur les décisions de justice : les 21 et 22 janvier derniers, des opérations de sécurisation et de contrôle renforcé en centre-ville de Nantes ont conduit à l'interpellation de trente personnes, dont douze étrangers en situation irrégulière placés en centre de rétention administrative. Une personne a été placée en garde à vue, une autre en rétention judiciaire et huit ont fait l'objet d'une OQTF avec assignation à résidence.

Cette opération a d'ailleurs permis de saisir plus de 10 000 euros de stupéfiants.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quel est le rapport ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Il n'y a pas de rapport direct, mais il convient tout de même de situer le contexte : la pression est très importante dans la ville de Nantes. Aussi la réponse policière doit-elle être extrêmement ferme, nonobstant les difficultés que l'on peut rencontrer en matière de procédure.

Cela étant, cet événement nous invite à nous interroger sur la nécessité de revoir les procédures applicables dans ce genre de circonstances, de façon à éviter les problèmes que vous venez de soulever. Reste qu'il ne revient évidemment pas au Gouvernement de commenter une décision de justice, y compris lorsqu'elle est motivée par des problèmes de forme. Je dirai simplement que ces problèmes de forme sont principalement liés à la complexité même de la procédure et à la pression à laquelle sont soumis nos services de police. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie mime la brasse coulée.)

Nous avons manifestement besoin de simplifier les choses ; ce travail va être engagé. Il doit être mené conjointement par les ministères de l'intérieur et de la justice – je parle sous le contrôle du garde des sceaux –, la procédure relevant des deux ordres de juridiction. Peut-être conviendra-t-il de faire un choix entre ces deux ordres, dont l'un se chargera seul de la procédure.

En tout état de cause, la juridiction administrative et la juridiction civile sont toutes deux parfaitement capables de défendre les libertés individuelles et les libertés publiques et de tenir compte des règles qui seront fixées lorsque ce travail aura abouti. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

budget de la france

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. Yan Chantrel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Je souhaite interpeller le Gouvernement sur la première préoccupation des Français, celle qui devrait l'obnubiler, à savoir le pouvoir d'achat, ou la possibilité de vivre dignement de son travail.

Alors que, depuis trois ans, la hausse générale des prix et l'alourdissement de la facture énergétique n'en finissent plus d'amputer le portefeuille des Français, le pouvoir d'achat et la justice sociale sont les grands oubliés de votre budget pour 2025 : pas de coup de pouce sur le Smic ni de revalorisation de la prime d'activité en faveur des travailleurs modestes, aucune augmentation du point d'indice pour les fonctionnaires, quand 30 % de nos compatriotes n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois !

Pendant ce temps, les écarts de rémunération s'accroissent. À la fin de 2024, la famille Mulliez s'est versé 1 milliard d'euros de dividendes grâce aux profits de Décathlon, tout en supprimant 2 400 emplois chez Auchan… Le patron de Carrefour, qui gagne 426 fois plus que la moyenne de ses salariés, est le symbole de l'indécence des écarts de revenus qui perdurent dans notre pays.

Pourtant, vous refusez toujours de remettre en place un impôt de solidarité sur la fortune (ISF), d'augmenter le taux de la flat tax et de taxer les superdividendes !

Quand prendrez-vous la mesure de la crise sociale qui sévit dans notre pays ? Quand agirez-vous concrètement pour augmenter le pouvoir d'achat de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Chantrel, pour apporter une réponse au problème que vous évoquez, celui du pouvoir d'achat des Français, il importe avant tout d'avoir un budget ! (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Mickaël Vallet. Ce n'est pas aux socialistes qu'il faut dire cela !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je vous assure, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce budget va permettre une revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu.

M. Rachid Temal. Ce n'est pas la question !

M. Mickaël Vallet. Faut pas nous chauffer : nous pourrions censurer !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. À défaut de budget, il n'y aura pas de revalorisation du barème !

Je veux indiquer, en outre, que le prix de l'électricité a baissé à compter du 1er février ; les Français pourront très prochainement le constater. De même, si nous avons subi une inflation relativement importante ces dernières années, celle-ci ne devrait être que de 1,4 % en 2025, quand les salaires devraient augmenter de 2,8 %. Voilà quelques éléments en faveur du pouvoir d'achat !

Par ailleurs, pour soutenir le pouvoir d'achat, nous devons nous engager dans la réduction de notre déficit. (Mme Silvana Silvani s'exclame.) Le budget proposé par le Gouvernement y pourvoit : l'objectif que nous nous donnons consiste à ramener le déficit à 5,4 % du PIB en 2025. L'État prend toute sa part de l'effort : ses dépenses baisseront de 2 % en valeur en 2025 – un tel effort est inédit depuis vingt-cinq ans. Notre budget est un budget d'efficacité, et non un budget d'austérité qui raboterait à l'aveugle.

Je tiens également à souligner que ce budget est le fruit d'un compromis qui s'est noué entre les sénateurs et les députés. À cet égard, je salue le travail du rapporteur général Jean-François Husson. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce compromis va permettre à la France d'avoir un budget, ce qui est une urgence pour répondre à la question du pouvoir d'achat des Français.

Mme Émilienne Poumirol. Il ne fallait pas dissoudre !

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.

M. Yan Chantrel. Madame la ministre, le Gouvernement étant manifestement à court d'idées, je vais vous donner un exemple dont vous pourriez vous inspirer : en Espagne, près de chez nous, donc, le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez a augmenté le Smic de 61 % en sept ans ; et le taux de croissance y est trois fois plus élevé qu'en France ! (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Franck Dhersin. Et l'âge de départ à la retraite ?

M. Yan Chantrel. Quand il était directeur de la Caisse des dépôts et consignations, le ministre de l'économie lui-même déclarait que « le capitalisme est déréglé et la répartition des richesses […] trop divergente par rapport à ce qui revient au capital ».

M. le président. Il faut conclure !

M. Yan Chantrel. Il est temps d'agir pour résoudre la crise sociale dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

classement de plaintes sans suite

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le garde des sceaux, notre justice va mal. Elle est noyée sous un nombre effarant de plaintes, qu'elle ne peut plus examiner sereinement.

Je vous donne un cas très concret : lors de l'audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire de Melun, le procureur de la République a annoncé le classement sans suite et sans acte d'investigation d'un certain nombre de plaintes, et ce pour « désengorger » les tribunaux et « alléger le travail des policiers ». Les plaintes seront désormais « triées dès l'origine en fonction des priorités » et le procureur de la République a lui-même reconnu que cela était « choquant sur le principe ».

À l'heure où nombre de nos concitoyens n'osent pas porter plainte, y compris pour des faits très graves, le signal que la justice envoie est dévastateur. Celle-ci doit être au service des victimes, non des délinquants ! Tout cela induit une perte de sens pour les juges, pour les policiers, mais aussi pour les citoyens.

L'argument du manque de moyens humains et financiers est inaudible : comment est-il possible que la justice ne puisse pas faire son travail dans un pays, le nôtre, qui détient le record d'Europe des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ?

En outre, le signal ainsi envoyé entre en contradiction avec la politique de fermeté qu'applique Bruno Retailleau à la tête du ministère de l'intérieur, politique dont les premiers effets se font déjà sentir. (Marques d'ironie sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Monsieur le garde des sceaux, quelles actions comptez-vous entreprendre à court terme pour mettre fin à cette situation ? Allez-vous simplifier et rationaliser la procédure pénale ? Envisagez-vous qu'une sanction ferme puisse être prononcée dès le premier délit, afin de dissuader la récidive ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)