M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, si nous sommes le pays où les prélèvements obligatoires et la dépense publique sont les plus importants, ce n'est pas dans le domaine régalien, et encore moins dans celui de la justice, qu'il faut en chercher la cause : le budget de la justice représente moins de 2 % de celui de l'État, qui lui-même ne représente que 30 % de la dépense publique.

Si nous avons un problème en France, c'est celui de la dépense sociale ! On eût aimé entendre M. le sénateur rappeler, au moment d'évoquer les dépenses publiques, quel est l'âge légal de départ à la retraite en Espagne… (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Les commissariats et les brigades de gendarmerie ont 3 millions de plaintes à traiter au moment où je vous parle, dont 65 % ont été déposées il y a plus de six mois. La moitié de ces plaintes vieilles de plus de six mois n'ont fait l'objet d'aucun acte d'investigation.

Madame la sénatrice, si j'en crois mon expérience passée, le problème relève avant tout d'un manque d'officiers de police judiciaire (OPJ), c'est-à-dire de gendarmes et de policiers réalisant des actes d'enquête. Il existe depuis très longtemps une crise de la filière investigation dans notre pays.

L'une des réponses possibles est la réforme de la police nationale, en faveur de laquelle poussent le ministre de l'intérieur et le ministre placé auprès de lui, qui souhaitent qu'elle aille jusqu'au bout. Cette réforme vise à replacer l'investigation autour de son axe ; j'espère qu'elle produira ses premiers effets en permettant la hausse du nombre d'officiers de police judiciaire, conformément à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, que j'ai déposée et qui fut promulguée il y a plus de deux ans – ce texte prévoit l'apprentissage du bloc OPJ dès l'école de police. Pour traiter les plaintes dans les commissariats, il nous faut avant tout des OPJ !

C'est donc une question d'investigation, mais aussi de justice : il manque des parquetiers – notamment à Melun – et des magistrats. Nous devons également rendre plus efficace la réponse de la justice et de la police aux dépôts de plainte. Bien souvent, les plaintes qui parviennent jusqu'aux tribunaux aboutissent à des peines de quelques mois de prison, et ceux qui y sont condamnés ne vont pas réellement en prison. Cela fait plus de vingt ans – vous le savez, madame la sénatrice – que ceux qui sont condamnés à des peines de prison ferme inférieures ou égales à six mois ne vont pas en prison.

Il faut des amendes réellement payées. À cet effet, je proposerai au Premier ministre que les commissaires de justice, c'est-à-dire les huissiers, et non plus l'administration, recouvrent les amendes : voilà qui sera, me semble-t-il, beaucoup plus efficace.

Il faut aussi des peines alternatives – travaux d'intérêt général, non rémunérés – prononcées comme peines autonomes.

En somme, il faut un Grand Soir de la chaîne pénale,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … pour une réponse ferme et rapide, de la police comme de la justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Yves Bleunven et Mmes Pascale Gruny et Brigitte Hybert applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.

Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le garde des sceaux, nous savons que le ministère de la justice est le ministère du temps long. Nous comptons sur vous pour agir, car les Français ne peuvent plus se contenter d'une justice pour les délinquants ; ils ont besoin d'une justice pour les victimes ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

position du gouvernement sur le « zéro artificialisation nette »

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Guislain Cambier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Dans quelques semaines, nous examinerons, au Sénat, la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite proposition de loi Trace. (« Excellent ! » sur des travées du groupe UC.) Fruit d'un travail partagé et concerté, ce texte que j'ai déposé avec mon collègue Jean-Baptiste Blanc a été cosigné par de nombreux collègues. Il prévoit une réduction pragmatique, différenciée et concertée de l'artificialisation des sols.

Au-delà des auditions menées au Sénat par les rapporteurs Amel Gacquerre, Jean-Marc Boyer et Daniel Gueret, nous constatons que, sur le terrain, la machinerie administrative poursuit son travail de rouleau compresseur – c'est un peu l'État profond jouant la montre contre les territoires…

M. Laurent Burgoa. Ça, c'est sûr !

M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de loi Trace ? Pouvons-nous compter sur vous pour soutenir ce texte attendu ? Quand évoquera-t-on l'impact financier et fiscal du ZAN (« zéro artificialisation nette »), que pointent notamment les travaux de notre collègue Hervé Maurey, et qui nous empêche d'avancer ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Guislain Cambier, nous en revenons au débat sur le ZAN, principe dont je rappelle qu'il est issu de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, laquelle avait été inspirée par les travaux de la Convention citoyenne pour le climat. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour répondre à la nécessité de réduire l'artificialisation des sols, il ne suffit pas de se fixer des objectifs ambitieux – vous ne me contredirez pas –, il faut aussi se donner les moyens de les atteindre.

La proposition de loi Trace que vous avez déposée avec le sénateur Jean-Baptiste Blanc doit nous permettre de poursuivre cette dynamique de sobriété foncière dont personne ne conteste la légitimité, tout en y apportant les assouplissements nécessaires à une meilleure prise en compte des besoins exprimés par les territoires et par les élus locaux.

Pour autant, je le dis ici, la disparition de tout objectif chiffré conduirait à mettre en péril l'objectif du ZAN, et par là même notre agriculture, notre environnement et l'action résolue que nous menons face aux risques naturels.

Votre texte doit au contraire être un outil pour nous permettre d'atteindre trois objectifs que nous partageons : premièrement, réaffirmer notre confiance envers les élus locaux et les mettre au cœur du dispositif ; deuxièmement, rappeler l'objectif du ZAN à l'horizon de 2050 ; troisièmement, assouplir autant que possible le dispositif – vous savez que j'y suis favorable – afin de mieux répondre aux besoins exprimés.

Qu'en est-il, enfin, du calendrier d'examen de votre proposition de loi ?

M. François Bonhomme. 2028 ! (Sourires.)

M. François Rebsamen, ministre. Les outils destinés à assurer la mise en œuvre du ZAN font actuellement l'objet de plusieurs travaux ; je pense notamment à la mission d'information lancée à l'Assemblée nationale. Il nous paraît judicieux de nous appuyer sur leurs conclusions pour enrichir, à l'Assemblée nationale, la rédaction qui aura été retenue par le Sénat.

Monsieur le sénateur, je suis convaincu que, grâce à vos travaux, nous parviendrons à faire de ce texte un véritable levier pour la réussite de notre ambition collective en matière de sobriété foncière. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. Laurent Burgoa. Ce n'est pas clair…

Mme Frédérique Puissat. Ça ne l'est pas du tout !

M. Laurent Somon. Un pas en avant, trois pas en arrière…

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Merci, monsieur le ministre, de ce début de réponse.

Il s'agit bel et bien d'une question de calendrier. Comme vous le soulignez, il est nécessaire de prendre le temps de la concertation si l'on veut réussir, dans les territoires, cet atterrissage que nous souhaitons tous.

C'est vrai, la proposition de loi Trace vient perturber la doxa. Un certain nombre de freins – administratifs, politiques et même intellectuels, dans certaines chapelles – ralentissent à l'évidence la machine, donc retardent l'atterrissage concerté que j'évoquais à l'instant. Or, dans nos territoires, nous avons besoin de cette souplesse très rapidement, tout simplement parce qu'elle va permettre l'émergence de projets.

C'est précisément pourquoi nous nous tournons vers vous, monsieur le ministre : dans certaines circonstances, il faut savoir précipiter le calendrier législatif. Certains jouent la montre pour mieux défendre leurs positions, mais de telles manœuvres vont à l'encontre des projets de nos territoires.

Comme vous le savez, l'aménagement du territoire se construit progressivement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)

manifestations sur la ligne à grande vitesse bordeaux-toulouse

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. François Bonhomme. J'associe à ma question mes collègues Pierre-Antoine Levi et Brigitte Micouleau.

Monsieur le ministre, vous le savez, le Sud-Ouest attend avec impatience la ligne à grande vitesse (LGV) entre Toulouse et Bordeaux.

La commission d'enquête publique a donné son feu vert très récemment, permettant ainsi d'engager les travaux d'aménagement de la ligne.

Ce projet, à la fois ancien et long, est tout d'abord essentiel à l'attractivité économique de notre territoire – je pense notamment aux villes d'Agen et de Toulouse, ainsi qu'à l'agglomération de Montauban, qui doit accueillir la future gare. Il entraînera, en outre, un rééquilibrage entre les transports aérien et ferroviaire. Il permettra, enfin, de libérer des créneaux pour le fret ferroviaire et les trains express régionaux (TER).

Malheureusement, un certain nombre d'opposants radicaux au projet, comme les activistes des Soulèvements de la Terre (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains.), s'efforcent de paralyser ces travaux en multipliant les actions – dégradations, actes de sabotage, incendies de matériel. Ils se rendent également coupables de violences envers les forces de l'ordre ; ce fut par exemple le cas à la fin du mois dernier, à Saint-Jory, dans le sud du Tarn-et-Garonne. On voit même apparaître un embryon de zone à défendre (ZAD) aux abords du chantier.

Monsieur le ministre, quelles instructions comptez-vous donner pour sécuriser durablement le chantier et mettre fin à ces troubles à l'ordre public, qui sont inacceptables dans un État de droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des transports. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur François Bonhomme, je vais être très clair : les actions violentes et les occupations illégales qui entravent le chantier de la LGV Toulouse-Bordeaux sont inacceptables et seront traitées avec la plus grande fermeté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Comme pour l'A69, nous ne céderons pas face aux actions violentes et illégales.

M. Philippe Tabarot, ministre. Vous l'avez dit, la LGV Toulouse-Bordeaux est un projet prioritaire, soutenu par l'État comme par les collectivités territoriales concernées. Il répond à plusieurs enjeux majeurs, parmi lesquels le désenclavement de Toulouse, quatrième ville de France ; un report modal effectif vers le train, conformément à nos objectifs climatiques ; ou encore le renforcement des liaisons ferroviaires européennes – cette ligne est un maillon essentiel pour relier la péninsule ibérique au reste de l'Europe.

Je rappelle que ce projet a fait l'objet de toutes les procédures de concertation nécessaires et qu'il bénéficie de toutes les autorisations légales.

Par ailleurs, les collectivités territoriales sont pleinement engagées au côté de l'État, le financement étant partagé.

Les opposants ne peuvent pas s'arroger le droit de bloquer un chantier d'utilité publique, attendu par la majorité de nos concitoyens. L'État prendra donc toutes les mesures nécessaires pour garantir la poursuite des travaux, dans le respect du calendrier prévu, tout en assurant, bien sûr, la sécurité de l'ensemble des professionnels intervenant sur le chantier. Je pense notamment aux ouvriers, qui sont trop souvent menacés avec des armes par destination. (M. François Bonhomme acquiesce.) Quelles que soient les motivations de ces opposants, c'est tout simplement intolérable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Hussein Bourgi, Jean-Marc Vayssouze-Faure et Bernard Buis applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, je me réjouis évidemment de la fermeté dont vous avez d'ores et déjà fait preuve, et dont a témoigné une première évacuation.

Votre détermination tranche avec les circonlocutions et les contorsions que l'État multiplie depuis une quinzaine d'années.

M. François Bonhomme. Elle tranche également avec les atermoiements constatés, par le passé, à propos de bien d'autres projets contestés – je pense à Sivens ou à Notre-Dame-des-Landes. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

M. François Bonhomme. Malheureusement, selon un scénario immuable, ces faux rebelles, qui montent aux arbres, au sens propre comme au sens figuré (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), pour contester tout projet, annoncent la sempiternelle « convergence des luttes » avec les opposants à l'A69, entre Castres et Toulouse. (M. Hussein Bourgi hoche la tête en signe d'approbation.)

Nous ne voulons plus de cette faiblesse chronique ni de ces faux-fuyants qui ont si souvent été l'antichambre du renoncement de l'État : renoncement face à ceux qui veulent, par la violence, imposer leurs vues à la majorité paisible et silencieuse et entraver la réalisation de projets majeurs pour notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Hussein Bourgi et Philippe Grosvalet applaudissent également.)

pacte vert et directive csrd sur la publication d'informations en matière de durabilité

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marion Canalès. Faut-il que tout change pour que rien ne change ? Sous couvert d'un choc de simplification censé renforcer la compétitivité, la Commission européenne travaille depuis aujourd'hui à faire reculer la lutte contre le réchauffement climatique et pour la défense des droits humains et sociaux. Ce n'est pas une mince affaire…

Bien sûr, il faut simplifier ; mais simplifier, ce n'est pas déréguler ; simplifier, ce n'est pas renoncer.

Les appels à démanteler le Pacte vert, ce coupable idéal, se multiplient en écho aux déclarations de Donald Trump : celui-ci veut voir les États-Unis sortir de l'accord de Paris, qu'il qualifie d'escroquerie – rien que cela !

Le Pacte vert n'est pourtant rien d'autre que notre stratégie européenne pour une croissance durable, laquelle est du reste la seule croissance possible. Comment pourrions-nous y renoncer ? Pourquoi le choc de simplification annoncé devient-il un acte de dérégulation en matière environnementale et de droits humains ? Le règlement européen sur la déforestation a ainsi été reporté, et je précise que notre pays a sa part de responsabilité dans ces renoncements.

Par la voix de son commissaire européen, Stéphane Séjourné, la France a en effet demandé la suspension de deux directives essentielles : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D, Corporate Sustainability Due Diligence Directive) et la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD, Corporate Sustainability Reporting Directive).

Certes, la mise en œuvre de ces textes a un coût, mais le coût de l'impréparation sera plus lourd encore.

En outre, ces règles sont les symboles d'une Europe puissante, capable de fixer des normes d'accès à son marché. Elles permettent d'appliquer nos standards à divers leaders étrangers, par exemple ceux de la fast fashion.

Des organisations patronales professionnelles, des ministres et même des multinationales défendent ces textes. À leur sujet, certains évoquent un moratoire ; mais le moratoire est l'antichambre du renoncement.

La France va-t-elle renoncer à tenir son rôle, en Europe, en faveur de la transition écologique ? Allons-nous faire comme si le défi climatique n'était pas un sujet, alors qu'il se rappelle à nous tous les jours ? À qui rendons-nous service en reculant ainsi ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Marion Canalès, votre question me permet de clarifier la position du Gouvernement sur les deux directives que vous avez citées, qui tiennent une part essentielle dans les efforts à conduire pour plus de durabilité et de justice dans notre société.

Ces textes – un tel rappel historique a son importance – sont le fruit de combats menés à Bruxelles par notre pays pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne, en 2022. Depuis, notre ambition reste inchangée. Reste qu'il existe une voie pour améliorer encore ces textes ; pour les rendre plus simples, sans renoncer – j'y insiste - à notre ambition, tout en proportionnant leurs dispositions à la taille des entreprises.

À mon sens, la notion de « proportion » est importante : chacun pourra nous l'accorder, on ne saurait demander la même chose à un groupe coté et à une PME.

M. Yannick Jadot. Les textes prévoient déjà de ne pas leur demander la même chose !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Pour ce qui est de la directive relative au devoir de vigilance, la CS3D, nous souhaitons la simplifier en prévision de sa mise en œuvre. L'objectif principal est de préserver les PME et les ETI, poumons de la croissance et de l'innovation en Europe.

M. Didier Marie. C'est déjà prévu…

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous proposons que ces obligations visent les entreprises à partir de 5 000 salariés, ce qui correspond au seuil retenu dans la loi française.

Au sujet de la CSRD, notre philosophie est la même : pour les ETI dont les effectifs sont compris entre 250 et 1 500 salariés, nous poussons pour un régime allégé, comptant moins d'indicateurs qu'il n'en est prévu aujourd'hui.

Pour les grandes entreprises, nous proposons un plafonnement du reporting dans la chaîne de sous-traitance et un alignement sur les obligations simplifiées applicables aux PME cotées.

Il ne s'agit aucunement de renier nos principes ou nos valeurs : l'objectif est bien plutôt d'assurer l'efficacité de ces textes, de préserver la compétitivité de nos entreprises et de garantir une juste proportion entre la nature des normes, d'une part, et, de l'autre, la dimension de nos entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.

Mme Marion Canalès. Qu'il semble loin le temps où Emmanuel Macron bombait le torse devant Donald Trump en déclarant : « Make our planet great again ! ». Nous sommes en train de céder, mais il n'est pas trop tard, madame la ministre, pour réagir.

Nous avions été les premiers à transposer ces directives, lesquelles contiennent déjà les mesures de proportionnalité que vous appelez de vos vœux pour les entreprises : celles-ci entrent dans le dispositif à raison de leur taille.

Ne cédons pas ! Un sursaut à l'échelle de l'Union européenne ne ferait pas de mal. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)

travailleurs pauvres

M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Bruno Rojouan. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.

Madame la ministre, le pouvoir d'achat reste de loin la principale préoccupation des Français.

Nous assistons à un phénomène dont on parle peu, mais qui prend de l'ampleur dans notre pays : beaucoup de Français ne font que survivre, alors même qu'ils travaillent.

Le nombre de ces travailleurs pauvres est en constante augmentation. Je parle bien de travailleurs, car il s'agit en grande partie de gens qui se lèvent tôt, à trois ou quatre heures du matin, pour exercer des tâches pénibles. Ce sont des courageux et de vrais productifs : principalement des ouvriers dans les usines et les ateliers, des agriculteurs, des salariés de la restauration et de l'entretien.

Disons-le clairement : pour une partie des Français modestes, le travail ne paie plus. Aussi, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour que tous nos concitoyens puissent vivre dignement de leur travail ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Rojouan, vous avez raison : le travail doit mieux payer en France. Le Smic peut être un salaire d'entrée dans la vie active, mais trop de travailleurs restent aujourd'hui piégés dans la trappe à bas salaires, malgré l'expérience acquise.

C'est pourquoi nous devons continuer à soutenir les négociations sur les salaires au niveau des branches et des entreprises.

La semaine dernière, j'ai réuni le comité de suivi des salaires, qui regroupe l'ensemble des partenaires sociaux à l'échelle nationale, pour faire le point sur l'état des minima de branche.

Les branches jouent le jeu, à l'exception de cinq d'entre elles, pour lesquelles les négociations sont durablement bloquées.

Mme Frédérique Puissat. Trois seulement !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. J'ajoute que plus de la moitié des branches n'ont pas actualisé leurs classifications depuis un certain nombre d'années. Les grilles étant obsolètes, les perspectives d'évolution professionnelle s'en trouvent limitées.

Ce sont là des sujets que le ministère du travail continue de suivre et auxquels je demeure personnellement attentive.

En outre, le Smic ne règle pas le problème du temps partiel subi, principal facteur de pauvreté laborieuse. Ce problème touche majoritairement les femmes, qui doivent souvent composer avec des horaires fractionnés et de grandes amplitudes horaires.

L'inspection générale des affaires sociales (Igas) a rendu un rapport sur ce sujet, en proposant des solutions. Celles-ci ont été présentées il y a quelques semaines aux partenaires sociaux : à eux, s'ils le souhaitent, de s'en saisir, notamment dans le cadre de la conférence sociale sur les salaires que j'animerai avec eux, de concert avec Catherine Vautrin.

Enfin, je me dois d'évoquer le coin socialo-fiscal, qui est en quelque sorte l'éléphant dans la pièce : le coût du travail est aujourd'hui trop élevé, quand le montant qui reste dans la poche du salarié est trop bas.

Une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) cite l'exemple d'une femme locataire, employée au Smic et élevant seule ses enfants : pour qu'elle voie son reste à vivre augmenter de 100 euros, il faudrait que son employeur l'augmente de 770 euros…

Là est le sujet ! Le Gouvernement va avancer en lançant le chantier de l'allocation sociale unique, conformément au souhait du Premier ministre.

Quant au financement de la protection sociale,…

M. le président. Il faut conclure.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. … il repose trop sur le travail. Nous devrons réfléchir ensemble, aussi sereinement que possible, à d'autres sources de financement.

M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour la réplique.

M. Bruno Rojouan. Merci de vos réponses, madame la ministre.

Nous sommes clairement allés trop loin dans les politiques sociales protégeant les allocataires,… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo. C'était donc ça ! (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)

M. Bruno Rojouan. … et nous ne sommes pas allés assez loin dans l'accompagnement des salariés modestes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que ceux qui travaillent aient souvent l'impression que, grâce aux prestations sociales, l'inactivité permet de mieux s'en sortir, ce qui est injuste. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

Mmes Antoinette Guhl et Raymonde Poncet Monge. C'est faux !

M. Bruno Rojouan. Il n'est pas étonnant non plus d'assister à la dévalorisation de tant d'emplois dont nous avons pourtant bien besoin pour réindustrialiser notre pays.

Il n'est pas étonnant que, dans les territoires à faibles revenus, le vote des classes populaires, qui souffrent, soit désormais massivement un vote radical.

Il n'est pas étonnant, enfin, que, pour les jeunes générations, le travail perde son sens et son attrait. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

Madame la ministre, bon courage ; continuez comme ça ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

humoriste islamiste sur une chaîne télévisée publique

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, last but not least ! (Sourires.)

« La place d'une femme est à la demeure auprès de son père. Crains ton Seigneur » : ce propos n'est pas une citation d'un théoricien d'Al-Qaïda ; il a été prononcé par la nouvelle recrue de l'émission star de France 5, C à vous, qui réunit un million de téléspectateurs en moyenne chaque soir. (M. Michel Savin applaudit.)

Cet humoriste – appelons-le ainsi –, Merwane Benlazar, pratique couramment l'exégèse de la charia sur son compte Twitter et multiplie les recommandations de sites ouvertement salafistes.

Je ne rappellerai pas ses nombreuses saillies contre les forces de l'ordre ou contre les femmes. La polémique suscitée par son intronisation sur France 5 l'a conduit à fermer ses réseaux au public et à les nettoyer… au kärcher. (M. Roger Karoutchi sourit.)

J'ajoute que cet « humoriste » annonce la couleur, avec son look salafiste. Si l'habit ne fait pas le moine, reconnaissons que le propos fait le salafiste. (Sourires.)

Comment peut-on participer, avec l'argent du contribuable, à normaliser les idées que véhicule ce personnage ? Est-ce bien ce que l'on attend du service public de l'audiovisuel et de ses maisons de production ? Est-ce une forme de provocation ou bien l'expression d'un projet politique ? À quoi rime le silence assourdissant de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom),…