Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Nicole Bonnefoy.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Salutations à des élus mahorais en tribune
M. le président. Je salue, à titre exceptionnel, la présence en tribune d'une délégation d'élus des intercommunalités de Mayotte, qui est venue rencontrer plusieurs de nos collègues dans le cadre de l'examen du projet de loi d'urgence pour Mayotte, adopté à l'unanimité par notre assemblée, hier, en séance. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)
Je souhaite leur témoigner, au nom du Sénat, toute notre sympathie. Nous savons combien ils ont été sollicités par la population qui était – et reste – en état de détresse après le passage du cyclone Chido. Je veux les assurer de notre pleine solidarité.
Le Sénat a veillé, au cours de ses travaux, à enrichir le projet de loi d'urgence qui lui était soumis en vue non seulement de reconstruire plus vite, mais aussi et surtout de reconstruire mieux. Il a également souhaité garantir l'association des élus mahorais à la reconstruction et adapter les dispositifs de ce texte à la réalité du territoire.
Que les Mahorais, dont chacun connaît ici le profond attachement à la France, en soient assurés : notre assemblée est unanime à considérer Mayotte comme un enjeu majeur pour notre pays. Je ne doute pas qu'ils le sachent déjà, notamment grâce à la mobilisation de nos deux collègues sénateurs de Mayotte, ici présents.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
J'excuse l'absence de M. le Premier ministre, qui est retenu à l'Assemblée nationale pour la discussion et le vote de deux motions de censure. (Exclamations ironiques.)
M. Jacques Grosperrin. Rien que ça ! (Sourires.)
M. le président. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Mes chers collègues, au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer, au cours de nos échanges, l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
scandale nestlé et influence privée dans les décisions de l'état
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Antoinette Guhl. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Monsieur le ministre, qui gouverne réellement la France ? (« Pas vous ! » sur des travées du groupe Les Républicains.) L'État et ses élus ou les multinationales et leurs lobbys ? (Exclamations ironiques sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
L'affaire Nestlé est en train de devenir un terrible scandale d'État. Les révélations de l'enquête menée par Radio France et Le Monde sur Nestlé confirment en tout point ce que je dénonçais, en octobre 2024, dans mon rapport d'information sur les politiques publiques en matière de contrôle du traitement des eaux minérales et de source.
Premièrement, Nestlé a fraudé : une fraude avouée et avérée qui s'élève à plus de 3 milliards d'euros. Deuxièmement, Nestlé a fraudé au vu et au su des ministres. Troisièmement, Nestlé a agi contre l'intérêt des citoyens, puisque, je le rappelle, plus de 9 milliards de bouteilles d'eau sont consommées chaque année en France.
Hier, nous apprenions de surcroît que Nestlé a fraudé au vu et au su de l'Élysée ! Depuis 2017, Emmanuel Macron offre liberté et largesses aux multinationales. Je ne m'étendrai pas sur les Uber Files – vous savez parfaitement de quoi je parle… Je dénonce ici le rapport plus que problématique de la Macronie avec les intérêts privés.
Aujourd'hui, Nestlé Waters gagne quand les Français perdent : ils perdent leur santé, ils perdent leur confiance dans les institutions, et peut-être même perdent-ils leurs emplois.
Pourquoi l'Élysée et Matignon ont-ils autorisé Nestlé Waters à frauder au mépris de la sécurité sanitaire et de la réglementation européenne ? Comment pouvez-vous justifier que cette fraude perdure ? Comptez-vous enfin y mettre un terme ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Guhl, permettez-moi tout d'abord de préciser un certain nombre d'éléments extrêmement importants.
Vous savez que la qualité de l'eau est particulièrement contrôlée dans notre pays.
M. Jean-Jacques Lozach. Pas assez !
M. Yannick Neuder, ministre. Nous appliquons les règles européennes en suivant la doctrine définie par la direction générale de la santé, laquelle est mise en œuvre, pour le compte des préfets, par nos agences régionales de santé.
Nous effectuons bon nombre de contrôles. Ainsi a-t-il été procédé, en 2022, à plus de 4 000 contrôles ; dans plus de 99 % des cas, les résultats se sont révélés conformes aux réglementations en vigueur. (Mme Antoinette Guhl s'exclame.)
J'en viens plus précisément à votre question sur Nestlé. Oui, effectivement, il y a eu fraude sur l'étiquetage ; cette fraude, précisément, a donné lieu à un contrôle : il s'avère que Nestlé a utilisé des traitements ultraviolets et des filtres au charbon actif. Une commission d'enquête, dont les travaux sont en cours, a été lancée : toute la transparence sera donc faite, puisque, vous le savez, les personnes auditionnées répondent sous serment et que, par ailleurs, tous les documents qui ont été demandés ont été transmis. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Sachez que mon ministère est pleinement engagé pour faire toute la transparence sur la qualité de l'eau embouteillée (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe GEST.), que nous répondrons à toutes les questions posées à ce sujet et, surtout, que nous attendons les conclusions de la commission d'enquête parlementaire pour prendre, en toute transparence, j'y insiste, les décisions qui s'imposent. (Mêmes mouvements.)
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Micheline Jacques. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Monsieur le ministre, à l'issue d'un débat constructif, le Sénat a adopté à l'unanimité le projet de loi d'urgence pour Mayotte.
Dès l'article 1er, nous avons inscrit dans le texte le rôle incontournable des collectivités territoriales – le président du conseil départemental, les communes et les intercommunalités – dans le pilotage de l'établissement chargé de la reconstruction de l'archipel.
Je salue à mon tour les présidents d'intercommunalité mahorais présents aujourd'hui dans les tribunes de notre assemblée, ainsi que le président d'Intercommunalités de France, présent lui aussi.
Pour que la reconstruction soit durable, l'adaptation à la réalité locale est un enjeu primordial, qui exige une coconstruction étroite avec les collectivités locales. Tant l'État que les collectivités y ont intérêt, car c'est cet ancrage dans les réalités locales qui garantira l'indispensable maîtrise de la dépense.
La régionalisation doit à cet égard être approfondie, pour ce qui est notamment de l'approvisionnement en matériaux. Il y a là une demande locale forte, mais aussi un gage de rationalisation des moyens et des délais. La délégation sénatoriale aux outre-mer, que j'ai l'honneur de présider, a insisté sur ce point dans le cadre de ses travaux sur la coopération régionale dans le bassin océan Indien.
Le projet de loi d'urgence pour Mayotte ayant été adopté, nous devons au plus vite nous tourner vers la reconstruction, via le projet de loi programme qu'a annoncé le Gouvernement.
Pourriez-vous d'ores et déjà nous indiquer quels seront le calendrier et, surtout, la méthode de travail retenus pour ce futur projet de loi ? Les élus, j'y insiste, devront y être étroitement associés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la présidente Micheline Jacques, vous évoquez, cela va de soi, la nécessité d'associer les élus mahorais à la reconstruction de Mayotte. Je tiens à saluer à mon tour la présence de quatre présidents d'intercommunalités mahoraises à Paris cette semaine. Je voudrais leur dire, au nom du ministre d'État, ministre des outre-mer, Manuel Valls, qu'ils seront reçus demain au ministère des outre-mer et que la porte de la rue Oudinot leur sera toujours ouverte.
La semaine dernière, le ministre d'État, ministre des outre-mer a signé avec le président du conseil départemental et le président de l'association des maires de Mayotte une convention d'intention posant les principes qui doivent guider la reconstruction et la refondation de Mayotte.
Je réaffirme devant vous un principe clair, qui vient d'être mentionné par le président du Sénat : il n'y aura pas de reconstruction et de refondation de Mayotte sans une coopération étroite, je tiens à le dire, entre l'État et les collectivités territoriales mahoraises. Que ce soit en matière de développement économique, d'environnement, de cohésion sociale ou d'urbanisme, le retour d'expérience des communes et des intercommunalités sera essentiel pour préparer la reconstruction et élaborer la loi programme.
Je veux également vous dire, sans préjuger des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'urgence, que l'article 1er dudit texte prévoit, dans sa rédaction actuelle, « une représentation équilibrée des représentants de l'État et des collectivités territoriales de Mayotte » au sein du conseil d'administration de l'établissement public chargé de coordonner la reconstruction de l'archipel.
Le travail de préfiguration mené par le général Pascal Facon – il rentrera cette semaine de Mayotte – est engagé.
Par ailleurs, pour répondre très directement à votre question, un projet de loi programme visant à soutenir la refondation de Mayotte sera présenté dans deux mois. Le Gouvernement maintiendra donc, autant que de besoin, un contact très étroit avec les élus mahorais.
Vous le voyez, madame la présidente, les communes et intercommunalités seront pleinement et étroitement associées au travail de l'exécutif. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour la réplique.
Mme Micheline Jacques. Une loi programme est attendue depuis au moins cinq ans…
M. Michel Savin. Eh oui !
Mme Micheline Jacques. … et, dans cette perspective, les élus mahorais ont formulé de nombreuses propositions.
Le caractère vital de la régulation de l'immigration fait l'objet d'un consensus. Les moyens d'action de l'État doivent de toute urgence être adaptés en ce sens. Aucune projection dans l'avenir, vous le savez, ne sera possible sans le rétablissement de la sécurité, qui passe par la régulation migratoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
position de la france et de l'union européenne face à la nouvelle présidence trump
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Samantha Cazebonne. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche depuis quelques semaines a marqué le début d'une ère d'instabilité et d'inquiétude pour la France et ses partenaires européens : retrait de l'accord de Paris sur le climat et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), annulation des politiques de diversité, d'inclusion et d'équité,…
M. Stéphane Ravier. Bravo !
Mme Samantha Cazebonne. … annonce de la transformation de la base américaine de Guantanamo, symbole de violation des droits humains, en centre de rétention pour migrants sans-papiers, traitements dégradants imposés à des personnes lors de leur expulsion vers leur pays d'origine, recul spectaculaire des droits des minorités,…
M. Stéphane Ravier. Encore bravo !
Mme Samantha Cazebonne. … guerre commerciale mettant en péril l'économie mondiale, menace d'imposer des droits de douane sur les produits européens, et j'en passe !
M. Stéphane Ravier. Il faut faire pareil !
Mme Samantha Cazebonne. Il se pourrait que cette liste à la Prévert continue longtemps de s'allonger, tant le président américain a été proactif dans la mise en œuvre de politiques consternantes depuis son retour aux affaires.
Dernière sortie en date, il a déclaré la nuit dernière sa volonté de prendre le contrôle de la bande de Gaza pour en faire la « Côte d'Azur du Moyen-Orient » (MM. Joshua Hochart et Stéphane Ravier s'esclaffent.), au mépris absolu du droit international et de la sécurité des otages.
On ne peut en effet appréhender qu'avec inquiétude les conséquences des politiques de Donald Trump, lequel entraîne dans son sillage les grands patrons américains qui contrôlent les principales sources privées d'influence aux États-Unis.
Je prendrai pour exemple les nouvelles « règles de la communauté » applicables sur les réseaux sociaux de Meta, qui autorisent désormais à tenir des propos haineux, ainsi que la suppression du programme de fact checking des contenus publiés sur lesdits réseaux, porte ouverte à la désinformation. Cette décision a été saluée par Elon Musk, qui utilise son propre réseau social, X, pour s'ingérer dans les processus électoraux et démocratiques européens.
Je rentre des États-Unis, où l'on m'a déjà fait part d'ingérences, y compris dans nos établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger, par l'instauration d'un climat délétère et la remise en question de certaines de nos valeurs fondamentales.
Ma question est simple, monsieur le ministre : comment la France compte-t-elle peser au sein de l'Union européenne afin de s'affirmer comme la puissance stratégique qu'elle doit être face à un allié qui se fait de plus en plus menaçant ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes RDSE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, face à la multiplication des annonces tous azimuts outre-Atlantique, il nous faut évidemment garder notre sang-froid et rappeler ce que nous sommes et ce que nous voulons.
Pour ce qui est de la situation au Proche-Orient, la France est fermement opposée à tout déplacement forcé de population qui constituerait, vous l'avez dit, une violation manifeste du droit international, qui serait une atteinte aux aspirations légitimes du peuple palestinien et qui entraverait la mise en œuvre d'une solution à deux États, seule susceptible d'apporter la paix et la stabilité dans la région.
Pour ce qui est du commerce, la France rappelle qu'il n'y a aucun déséquilibre à corriger dans la relation commerciale entre les États-Unis et l'Union européenne et que, la dernière fois que les États-Unis d'Amérique se sont lancés dans une guerre commerciale, avec la Chine et avec d'autres pays, cela leur a coûté cher : 200 euros environ par citoyen américain. J'ajoute que ce coût s'est avéré plus élevé dans les comtés républicains que dans les comtés démocrates.
En tout état de cause, si l'Europe est visée par la hausse de certains droits de douane américains, alors elle répliquera sans aucune espèce d'hésitation.
Pour ce qui concerne les géants du numérique, l'Europe s'est donné des règles. Elle refuse que le débat public soit délocalisé sur des plateformes de réseaux sociaux dont les règles seraient fixées par des milliardaires américains ou chinois. Là encore, si ces règles sont transgressées – des enquêtes sont en cours –, les plateformes doivent être sanctionnées lourdement par la Commission européenne, qui peut prononcer des amendes allant jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires annuel mondial de la société concernée et pousser les sanctions jusqu'à la restriction d'accès sur le territoire de l'Union européenne. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Que fait la France pour peser dans ce débat ? Le Président de la République a participé lundi dernier à une retraite des chefs d'État et de gouvernement embrassant l'ensemble de ces sujets. Quant à moi, je réunirai le 12 février prochain les principaux pays européens afin que nous abordions la « suite des opérations », si je puis dire, autour d'un discours uni, ferme et serein face à ce qui peut arriver ou ce qui peut provenir des États-Unis d'Amérique dans un avenir prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP. – M. Olivier Cadic applaudit également.)
microcrèches
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Madame la ministre, ce lundi, les microcrèches étaient en grève. Le signal d'alarme est lancé !
En effet, un projet de décret, pris en application de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, risque de mettre en péril ces structures, qui jouent pourtant un rôle clé dans l'accueil de la petite enfance.
Depuis 2010, ces crèches, qu'elles soient privées ou publiques, se sont développées grâce à la souplesse d'encadrement dont elles bénéficient. Elles ont en partie comblé un manque, notamment en milieu rural, où l'offre d'accueil de la petite enfance reste insatisfaisante. Rappelons à cet égard qu'un enfant sur trois vit dans une commune rurale.
Aujourd'hui, les microcrèches représentent 13 % de l'offre totale : le soutien qu'elles apportent est donc essentiel. Leur succès est indéniable, mais leur avenir semble menacé. En imposant des contraintes trop abruptes, ce décret risque de provoquer une vague de fermetures.
Sachant qu'il manque déjà 10 000 professionnels dans le secteur de la petite enfance, peut-on vraiment se permettre de perdre un grand nombre de places d'accueil d'ici à 2026 ?
Soyons clairs : il ne s'agit pas de remettre en cause l'alignement des exigences en matière de diplôme. Un enfant est un enfant, quel que soit son mode d'accueil ou son lieu de vie. Il a, sans aucune ambiguïté, les mêmes droits et les mêmes besoins. Il est dès lors légitime d'harmoniser les conditions d'encadrement ; encore faut-il donner du temps aux professionnels pour qu'ils puissent s'adapter !
Dans cette perspective, des possibilités de validation des acquis de l'expérience pourraient-elles être introduites s'agissant d'obtenir le niveau de diplôme requis ? Quel est le calendrier envisagé pour l'entrée en vigueur du décret ?
Tout cela aura mécaniquement une incidence sur le financement de ces crèches, mais aussi un coût financier pour les familles. Qu'en sera-t-il exactement ?
Madame la ministre, les inquiétudes sont vives, pour les professionnels comme pour les familles et pour les élus. Autour de ce décret, les interrogations et les interprétations sont légion : pouvez-vous nous apporter des éléments de clarification ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Madame la sénatrice Marie-Claude Lermytte, nous avons eu l'occasion d'évoquer ce sujet ce matin même lors de mon audition devant votre commission des affaires sociales. Aussi, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de préciser ce qu'il en est, pour l'ensemble de la représentation nationale.
Vous le savez, les modes de garde sont pluriels dans notre pays. Et les crèches de petite taille ont, comme les autres structures, des obligations à respecter en matière de qualification de celles et ceux qu'elles emploient pour s'occuper des tout-petits, dans la mesure où, par définition, nous n'avons rien de plus précieux à confier que nos enfants.
Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est ici offerte pour rendre hommage à l'ensemble des personnels qui s'occupent de nos enfants au quotidien.
Quelle est la situation, madame la sénatrice ? Vous l'avez rappelé, des microcrèches se sont installées un peu partout sur les territoires. Or les conditions dérogatoires d'encadrement et de formation qui y avaient cours doivent désormais faire l'objet d'une normalisation. Tel est le sens du décret que le Gouvernement va publier.
Que dit le projet de décret ? Il pose une obligation de formation pour les nouveaux recrutements – j'insiste : pour les nouveaux recrutements –, et ce – j'insiste à nouveau – à compter du 1er septembre 2026.
Pourquoi insister sur ces deux points ? Parce que cette rédaction signifie, d'une part, qu'il n'y aura pas de licenciements dans les microcrèches, contrairement à ce que l'on a pu lire, et, d'autre part, qu'il est laissé beaucoup de temps pour les recrutements à venir – c'est le moins que l'on puisse dire, puisque nous sommes le 5 février 2025 et que l'échéance est fixée au 1er septembre 2026.
Il est important de rassurer les parents comme les élus.
Je m'adresse aux parents : nous faisons tout pour que vos enfants soient accueillis dans les meilleures conditions. J'en veux pour preuve que l'État joue son rôle d'accompagnement via, d'un côté, bien sûr, le complément de libre choix du mode de garde et, de l'autre, les crédits d'impôt accordés aux entreprises qui réservent des berceaux dans les crèches.
Et je m'adresse aux élus : il n'y a aucune précipitation. Il va s'écouler dix-huit mois avant que ne s'appliquent aux nouveaux recrutements les obligations de formation dont nous sommes en train de parler.
Voilà notre lecture du projet de décret sur lequel vous m'interrogez, madame la sénatrice. Quel que soit le mode de garde, ce qui importe, c'est la qualité d'accueil offerte à chacune et chacun de nos enfants. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – MM. Bernard Fialaire, Claude Malhuret et Bruno Sido applaudissent également.)
avenir des métiers en tension
M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Ahmed Laouedj. Monsieur le ministre François-Noël Buffet, la circulaire sur l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière récemment publiée par M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur soulève de nombreuses préoccupations.
Bien que vous mettiez l'accent sur la priorité donnée aux métiers en tension, il est crucial de rappeler que certains secteurs essentiels pour le fonctionnement de nos entreprises font face à un manque de main-d'œuvre structurel.
En effet, la régularisation des travailleurs étrangers est un levier indispensable pour répondre aux besoins urgents de secteurs comme l'hôtellerie, la restauration, le bâtiment ou la santé.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Ahmed Laouedj. Le recours à des médecins étrangers nous permet par exemple de pallier le problème des déserts médicaux.
En durcissant les critères d'intégration, vous risquez de priver de nombreuses entreprises françaises de ressources humaines indispensables à leur activité, tout en mettant en difficulté les personnes étrangères qui, à défaut de régularisation, se trouvent dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins.
Voilà qui pourrait aggraver la précarisation de ces personnes et engendrer un risque accru de recours au travail dissimulé et de développement des trafics.
L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) s'inquiète de l'impact de cette circulaire sur les conditions de régularisation et d'accès à l'emploi, et demande expressément que les mesures prises ne durcissent pas les critères applicables aux ressortissants étrangers déjà présents sur notre sol et désireux de travailler dans des métiers en tension.
Ladite circulaire risque non seulement d'aggraver la pénurie de main-d'œuvre dans ces secteurs cruciaux, mais aussi de compromettre le respect de la dignité et des droits des travailleurs étrangers qui contribuent, souvent dans des conditions précaires, au bon fonctionnement de nos entreprises et à la croissance économique du pays.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, quelles solutions envisagez-vous pour éviter que cette circulaire ne vienne amplifier la pénurie de main-d'œuvre dans les secteurs cruciaux que j'ai évoqués et garantir un traitement humain digne pour les étrangers déjà intégrés et travaillant légalement sur notre territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes RDPI, UC, SER et GEST.)
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, c'est une question pertinente que vous posez.
Autant nous devons être d'une fermeté exemplaire à l'égard des étrangers en situation irrégulière, qui doivent être reconduits dans leur pays d'origine, autant, en matière d'immigration, nous devons réorienter nos choix.
Je partage l'idée selon laquelle l'immigration économique qualifiée doit être une priorité : le Gouvernement y travaille.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. François-Noël Buffet, ministre. Entre 2023 et 2024, le nombre total d'admissions exceptionnelles au séjour (AES) pour motif économique a baissé de 10 %,…
M. Michel Savin. Eh oui !
M. François-Noël Buffet, ministre. … alors que le nombre d'AES délivrées à des scientifiques a augmenté de 20 %.
Abstraction faite de la réorganisation, depuis 2021, des services chargés du traitement de cette question – réorganisation interne entre ministère du travail et ministère de l'intérieur –, je tiens à rappeler l'importance du principe d'annualisation de la liste des métiers en tension.
Ces métiers, vous les avez cités en partie, monsieur le sénateur, mais il y en a d'autres, évidemment. Aujourd'hui, nous attendons cette liste, qui devrait en principe être publiée vers la fin du mois de février ou au début du mois de mars : nous sommes dans l'attente de la liste.
Pour ce qui est de l'application concrète de la nouvelle circulaire, les critères retenus permettent évidemment aux étrangers concernés, dès lors que les documents demandés et fournis ont été vérifiés – je pense en particulier aux fiches de paie, dont chacun sait qu'elles peuvent être très facilement falsifiées –, de se voir accorder par les préfets, qui auront toute liberté pour ce faire, les titres de séjour correspondants.
Mais, je le répète, nous n'avons pas changé d'état d'esprit, et notre volonté de faire avancer les choses reste intacte. Ce qui compte au premier chef, c'est la situation de l'étranger demandeur sur le territoire national : elle doit être la plus sérieuse possible et la plus conforme à nos critères, qui sont ceux d'une immigration de travail qualifiée – tel est bien l'objectif –, étant entendu que cette admission exceptionnelle au séjour équivaut en réalité à une régularisation.
Attendons néanmoins la publication de la liste des métiers en tension avant d'avancer très concrètement sur le sujet, y compris avec les organismes professionnels. (M. Loïc Hervé applaudit.)
sans-abrisme et crise du logement