Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice, je vous remercie de vos propos souvent imagés, qui résument très bien notre discussion de cette après-midi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce débat dont la demande faisait l'unanimité, ainsi que des échanges très constructifs que nous avons eus.
Je me réjouis de vous avoir convaincus de la nécessité de maintenir la part individuelle du pass Culture. Il ne faut pas oublier le nombre de jeunes concernés. Dans un pays en proie au repli, au rejet de l'autre, voire parfois au séparatisme, il est capital de maintenir cet accès à la culture pour les jeunes les plus vulnérables et les plus fragiles, pour ceux qui sont les plus éloignés d'elle.
J'espère que notre volonté de réduire la diminution des crédits attribués à la part individuelle sera entendue lors des ultimes arbitrages budgétaires. La part individuelle est très utile pour de nombreux jeunes, qui ont réellement besoin d'être accompagnés. Il ne faut pas les lâcher : pour eux, la culture est la voie d'accès aux droits fondamentaux, à l'émancipation et à la liberté.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Quel avenir pour le pass Culture ? »
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-deux.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Structures, comités, conseils et commissions « Théodule »
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée, présentée par Mme Nathalie Goulet (proposition n° 29, texte de la commission n° 240, rapport n° 239).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est assez rare qu'un texte somme toute peu ambitieux fasse ainsi l'unanimité contre lui et, par voie de conséquence, contre son auteur. (Sourires.)
Contrairement à ce que certains ont pu dire hier matin en commission des lois, je ne suis pas irresponsable ! Et mes collègues du groupe Union Centriste, qui ont voté ce texte et accepté de l'inscrire dans leur niche parlementaire, le sont encore moins.
Certains m'ont conseillé de retirer cette proposition de loi de l'ordre du jour pour éviter des débats houleux et, en cas d'adoption, un épouvantable « massacre à la tronçonneuse ». Or notre groupe a choisi de débattre : entrons donc sans plus tarder dans le vif du sujet.
La lecture des documents budgétaires est une source inépuisable de surprises et d'interrogations. (Sourires sur les travées du groupe UC.) En annexe du projet de loi de finances (PLF) figure ainsi un jaune budgétaire énumérant les commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres, au nombre de 317 aujourd'hui.
À la suite des travaux de Samuel-Frédéric Servière, chercheur à la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), je tiens à vous rappeler la faiblesse et les carences de ladite source.
Ce document ne fournit aucun décompte des effectifs support assurant le fonctionnement de ces instances ni aucune indication des coûts de fonctionnement y afférents – rédaction des minutes et des verbatim des réunions, comptes rendus et relevés de décisions, rédaction des avis, etc.
En outre, certaines commissions présentes une année dans ce document en disparaissent l'année suivante, sans explication. Je pense à la commission des conseillers en génétique, qui figure dans le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2024, mais disparaît de celui annexé au projet de loi de finances pour 2025.
Enfin, les données y sont livrées brutes, sans consolidation ni synthèse, ce qui en rend le maniement particulièrement malaisé.
Dans ces conditions, l'affirmation selon laquelle ces comités n'entraînent aucun coût est particulièrement incertaine. D'ailleurs, combien coûte l'élaboration d'un jaune budgétaire, qui réclame lui-même beaucoup de temps et d'énergie ?
Monsieur le ministre, le texte que nous nous apprêtons à examiner est ce qu'un éditeur pourrait appeler une version martyre. C'est un ballon d'essai pour des projets plus ambitieux, à savoir la refonte de nos administrations, des comités « Théodule », des agences de l'État, des hauts conseils et des opérateurs qui surchargent notre architecture administrative.
À ce titre, j'attends avec grand intérêt les travaux de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, lancée par nos collègues du groupe Les Républicains.
Lorsqu'il était Premier ministre, Gabriel Attal avait souhaité relancer le mouvement de simplification en annonçant une nouvelle règle toute simple : « Tous les organes, tous les organismes, tous les comités ou autres qui ne se sont pas réunis ces douze derniers mois seront supprimés par règle générale. »
À cet égard, nous devons commencer par balayer devant notre porte, puisqu'un certain nombre de ces organismes ont été créés par voie législative. Il nous revient sûrement d'être plus prudents et pragmatiques.
Sur le fond, ma démarche est assez simple : j'ai retenu, dans la liste des comités relevant du domaine législatif, ceux qui ne s'étaient pas réunis depuis un certain temps et dont l'utilité, de mon point de vue, n'était pas avérée.
Je dois reconnaître une erreur d'appréciation – faute avouée est à moitié pardonnée. (Sourires.) La demande de suppression de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires n'était pas justifiée ; nos collègues ultramarins le confirmeront. Cette erreur a été corrigée, et c'est très bien ainsi.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous donner quelques exemples de comités que nous pourrions supprimer.
Nous proposons la suppression du comité du secret statistique. Certains l'estiment impossible, au motif que cette instance est tenue « de se prononcer sur toute question relative au secret en matière de statistique » et que sa disparition entraînerait une perte de confiance de la part du public. Or nous proposons de fusionner ce comité avec le Conseil national de l'information statistique, sachant que dans les mêmes domaines existent aussi l'Autorité de la statistique publique, la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).
J'ai compris que la suppression du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle, prévue à l'article 15, susciterait un certain nombre de débats. Les auteurs de l'amendement n° 12 avancent que, si ce comité ne s'est pas réuni, c'est parce que le Gouvernement ne s'y intéresse pas. Au contraire, il s'y intéresse, puisqu'en 2023 il a déclenché une enquête de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) à son sujet.
Les tenants du maintien de ce comité seraient d'ailleurs bien en peine d'en citer un seul membre, pour une raison très simple : aucun d'eux n'a été renouvelé.
Les ministères compétents estiment qu'ils peuvent parfaitement gérer les missions de ce petit Parlement de la culture ; mais le ministère de la culture fait savoir qu'il en souhaite la suppression, quand le ministère de l'éducation nationale veut simplement en réduire la voilure. Mes chers collègues, je vous propose d'aider ces ministères : que l'on supprime ce comité et que l'on reprenne directement le sujet.
Qui peut réellement croire que le désengorgement de la justice sera l'œuvre du Conseil national de la médiation, lequel ne s'est pas réuni l'année dernière ?
Je propose de fusionner l'Observatoire national de la politique de la ville et le Conseil national des villes, qui, à mon sens, font doublon. On me dit qu'il faut maintenir cet observatoire : pourquoi ? Le fait qu'il « se réunisse peu en session plénière » ne serait pas « en soi un critère permettant de conclure à son inutilité ». Mais s'il ne se réunit pas, comment juger de son utilité ? Avouez qu'il y a de quoi s'interroger.
De même, on m'assure que la commission de la rémunération équitable, dont l'article 21 prévoit la suppression, doit être maintenue. Mais elle n'a tenu aucune réunion !
Je propose de fusionner l'Observatoire de l'alimentation et le Conseil national de l'alimentation : on me répond que c'est impossible.
Je vous ai gardé le meilleur pour la fin : bienvenue en Absurdistan ! À l'article 19, l'amendement n° 38 vise à préserver la Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières. « En l'absence d'éléments démontrant l'inutilité » de cette commission, il conviendrait de la conserver.
Monsieur le ministre, je crois qu'il faut changer de logiciel. Il ne s'agit pas de constater l'absence de preuve de l'inutilité de ces comités, mais, au contraire, d'en prouver l'utilité foncière.
Je l'admets, la procédure retenue n'est peut-être pas la plus judicieuse et nous avons dû procéder de manière un peu rapide. Nous examinons cette proposition de loi dans le cadre d'une humble niche parlementaire, et un sujet de cette importance aurait mérité un travail plus précis. Mais il faut au moins définir une méthode pour tenter d'éclaircir le paysage.
Permettez-moi de faire le parallèle avec un autre sujet. Par le passé, je me suis penchée avec notre ancienne collègue Éliane Assassi et notre collègue Arnaud Bazin sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. La proposition de loi adoptée par le Sénat à la suite de ces travaux est d'ailleurs restée bien en deçà des recommandations de la commission d'enquête.
Et voilà que, le 17 décembre dernier, Bercy lance un appel d'offre de 3 millions d'euros relatif à des prestations d'appui à l'administration dans le cadre de restructurations ou de transformations d'entreprises. C'est curieux, car c'est exactement le type de sujet pour lequel l'administration est déjà armée.
L'idée de cette proposition de loi est de lancer un débat, pour que nos choix d'organismes à supprimer soient plus précis et plus exigeants ; pour qu'ils ne soient pas dictés par des questions de personnes.
Il faut s'attaquer au cœur du sujet, car les planètes sont alignées pour réaliser ce travail : le Parlement y est parfaitement décidé, et il me semble, monsieur le ministre, qu'à l'instar de votre prédécesseur vous êtes très impliqué dans ce dossier.
Un cercle vertueux pourrait ainsi être amorcé : sur la base d'une revue annuelle d'activité, les organismes inactifs se verraient sanctionnés par une mesure de suppression, ou par la fusion avec une entité voisine – exception faite, évidemment, des instances critiques et de sécurité.
Toutefois, un effet pervers est également possible, comme nous le verrons dans la suite du débat : certains organismes se mettent à bouger la queue quand on essaie de leur couper la tête. (Sourires.) Brusquement, un ou deux comités ont ainsi lancé, ces dernières semaines, un plan ambitieux pour l'année à venir, alors qu'aucune activité n'avait été constatée jusque-là.
Monsieur le ministre, l'examen de cette proposition de loi aura peut-être le mérite d'engager une stratégie. Même si les volumes budgétaires considérés sont extrêmement faibles, nous sommes tous convaincus qu'il faut revoir le fonctionnement de l'État. Encore une fois, même si ces instances ne coûtent pas d'argent sur le papier, elles coûtent en équivalents temps plein (ETP), pour l'organisation des réunions ou leur gestion administrative.
Pour ces raisons, les élus du groupe Union Centriste ont décidé de maintenir l'examen de ce texte. Manifestement, il n'intéresse pas grand monde – les travées de l'hémicycle sont en effet assez dépeuplées –, mais ce n'est pas grave : il nous intéresse, et c'est bien l'essentiel…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous sommes là ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Je salue en particulier la présence de Mme la présidente de la commission des lois, qui, je le sais, est très attentive à ces sujets.
Je le redis, ce texte est un ballon d'essai. Monsieur le ministre, il faudra saisir la balle au bond pour continuer ce travail.
Je souhaite encore une fois beaucoup de courage à nos collègues qui participeront à la commission d'enquête demandée par le groupe Les Républicains. Les agences et les opérateurs de l'État qui seront auditionnés feront sans doute beaucoup de résistance. Au-delà du coût et du poids de ces organismes, des questions de conflit d'intérêt se poseront. Comme lors de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic ou celle sur l'influence des cabinets de conseil, le Sénat fera ce qu'il fait de mieux : son travail de contrôle, notamment budgétaire.
Monsieur le ministre, vous nous trouverez à vos côtés pour réformer l'État, qui en a bien besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme le président de la commission des lois et M. Marc Laménie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Reynaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un discours prononcé le 26 septembre 1963 à Orange, le général de Gaulle déclare que « l'essentiel, pour lui, ce n'est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte », mais « ce qui est utile au peuple français ».
Seul le « comité Théodule » est passé à la postérité, en entrant dans le langage courant.
Le nombre exact de ces comités, conseils et commissions est longtemps resté inconnu. Il a fallu attendre la loi de finances pour 1996 pour que le législateur en impose le recensement annuel dans un jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances, dont Nathalie Goulet vient de rappeler le caractère perfectible.
C'est dans la continuité des initiatives prises par le Sénat pour mesurer l'utilité de ces instances que j'ai mené mon travail de rapporteur, au nom de la commission des lois.
Il y a près de vingt ans, le 15 février 2007, le Sénat adoptait un rapport précurseur sur les instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre. Plus de 800 instances y étaient recensées, et nos prédécesseurs concluaient à l'urgence d'entamer une rationalisation du paysage administratif.
De longue date, le Sénat a eu à cœur de mener un travail de simplification des normes et des procédures, au service des citoyens et des entreprises. La maîtrise du nombre de ces instances en fait pleinement partie.
Depuis le travail commencé par le Sénat en 2007, les gouvernements successifs ont fait leur cette volonté de rationalisation. Diverses bonnes pratiques ont été adoptées, visant, à terme, à réduire le nombre de ces instances. En quinze ans, ce dernier est passé de 800 à 317, baissant ainsi de plus de 60 %.
Cet effort s'est notamment traduit par l'instauration de règles visant à limiter la création de nouvelles instances : en 2012, toute création devait correspondre à une suppression ; et, depuis 2018, toute création d'instance doit être gagée par la suppression de deux autres. On est donc passé du « un pour un » au « deux pour un ».
La durée d'existence des instances réglementaires a également été limitée à cinq ans, leur renouvellement étant assorti d'une étude d'impact préalable.
Enfin, par vagues régulières, la suppression d'instances a été décidée par voie législative, notamment grâce à la forte mobilisation du Sénat. Je pense notamment à la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi Asap, qui a conduit à la suppression de treize instances, ainsi qu'au projet de loi de simplification de la vie économique, étudié par le Sénat au printemps dernier, à l'occasion duquel la suppression de cinq instances supplémentaires a été entérinée.
La maîtrise du nombre de ces instances reste néanmoins un souci constant, tant il est vrai que leur création constitue parfois une solution de facilité pour le Gouvernement et pour le législateur. La réduction de leur nombre tend à marquer le pas ; celui-ci a même augmenté en 2022 et en 2023, et l'année 2024 n'a vu la suppression nette que d'une seule instance.
La proposition de loi déposée par notre collègue Nathalie Goulet illustre ainsi, une fois de plus, la volonté du Sénat de faire œuvre utile en matière de rationalisation administrative.
Mme Goulet propose la suppression de certaines instances délibératives et consultatives devenues caduques ou inutiles.
Avant d'entrer dans le détail du texte, permettez-moi de souligner que, si l'objet de cette proposition de loi est vaste, les instances délibératives et consultatives qui y sont mentionnées sont, en matière de simplification administrative, l'arbre qui cache la forêt.
Le nombre, le coût et les prérogatives confiées à ces instances sont sans commune mesure avec ceux des opérateurs et des agences de l'État. L'enchevêtrement des compétences, les coûts pour les finances publiques et la lenteur administrative provoqués par ces derniers représentent, pour l'efficacité de l'action de l'État, un poids bien plus significatif que ceux des instances dont il sera question aujourd'hui.
Si je salue une nouvelle fois l'ambition de cette proposition de loi, je forme le vœu que le Sénat continue de se battre pour la simplification, qu'il se penche avec sérieux et lucidité sur l'ensemble des sources de rationalisation du paysage administratif, y compris, d'ailleurs, à l'échelle de nos territoires.
Je me réjouis donc de la décision, prise hier par la conférence des présidents, de créer une commission d'enquête sénatoriale sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, afin de dresser un constat complet et objectif de l'utilité de toutes ces instances.
Mes chers collègues, je vous rappelle combien l'exercice de rationalisation nécessite de rigueur, d'objectivité et d'exactitude.
En effet, les instances dont la suppression sera débattue cette après-midi disposent toutes d'une base législative, ce qui signifie que nous, législateurs, avons approuvé leur création, parfois très récemment.
Mme Muriel Jourda, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Hervé Reynaud, rapporteur. Veillons donc à ne pas légiférer à la hâte, à ne pas supprimer des instances qui permettent au Parlement d'exercer ses missions de suivi et de contrôle de l'action gouvernementale.
Au reste, d'autres structures ont été créées pour favoriser le dialogue et la concertation au sein de certains secteurs d'activité. Elles éclairent ainsi utilement la prise de décision politique et administrative.
Cela étant, ne versons pas non plus dans l'excès de prudence. J'entends Nathalie Goulet : le but premier de cette proposition de loi est bien de faciliter la vie administrative des citoyens et des entreprises de notre pays.
C'est à l'aune de ces deux enjeux que la commission a abordé le présent texte, en cherchant à apprécier l'utilité de chaque instance au regard de son objet, de la réalité et de l'intérêt de son activité, et en examinant la nécessité d'une base législative.
En conséquence, la suppression de quatre instances a été écartée lors de l'examen en commission. Il est en effet apparu qu'elles assuraient un éclairage utile tant au Gouvernement qu'au Parlement sur des sujets politiques de premier plan, ou constituaient des espaces de concertation pertinents pour les collectivités territoriales.
Parallèlement aux suppressions sèches, la commission a parfois jugé utile de procéder à la fusion de certaines instances. Nous en discuterons tout à l'heure.
En outre, j'ai proposé à la commission des lois de supprimer cinq instances ne figurant pas dans le texte initial, alors qu'elles sont inactives depuis fort longtemps.
Mes chers collègues, en conservant cette méthode fondée sur l'objectivité et la rigueur, je vous proposerai d'adopter plusieurs amendements visant à préserver des instances dont la suppression pourrait s'avérer plus regrettable que le maintien.
À mon sens, ces ajustements ne trahissent ni l'esprit ni l'ambition de la version initiale de cette proposition de loi. Ils permettent de ne supprimer que les instances dont l'inutilité est avérée.
Qui plus est, les organismes dont la suppression sera écartée aujourd'hui feront l'objet d'un réexamen régulier. Dès lors, je souhaite que ce texte en appelle d'autres, dans l'esprit du travail sénatorial du Bureau d'abrogation des lois anciennes et inutiles, qui a abouti à trois textes dits Balai, visant l'abrogation de lois obsolètes.
Je n'ai l'âme ni d'un collectionneur ni d'un conservateur. Mais, dans cette perspective, je souligne à quel point le travail parlementaire gagnerait à bénéficier d'outils de suivi plus précis. Des progrès semblent en effet indispensables pour que la représentation nationale dispose d'informations plus complètes quant à l'activité de ces instances.
Ainsi, chacune d'elle pourrait être tenue de fournir régulièrement le bilan détaillé de ses activités. De même, une plus grande transparence des méthodes de calcul des coûts de fonctionnement présentés dans le jaune budgétaire serait souhaitable.
Monsieur le ministre, j'espère que vous tracerez des perspectives en ce sens et que vous favoriserez, ce faisant, le travail interministériel. J'y insiste, l'engagement du Sénat doit s'appuyer sur des éléments factuels et plus objectifs. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme le président de la commission applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai avec M. le rapporteur un premier point commun : la citation du général de Gaulle par laquelle s'ouvrent nos deux discours. (Sourires.)
Mme Muriel Jourda, président de la commission des lois. Cela commence bien ! (Nouveaux sourires.)
M. Laurent Marcangeli, ministre. Nous avons les mêmes références : c'est effectivement un bon début.
Si je souhaite faire à mon tour ce clin d'œil historique, ce n'est pas pour faire sourire, mais parce que la phrase en question me semble parfaitement résumer le sens de nos débats.
De Gaulle disait : « L'essentiel […], ce n'est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte ; l'essentiel […], c'est ce qui est utile au peuple français, ce que sent, ce que veut le peuple français ».
Cette expression est à l'image des comités qu'elle décrit : à force, plus personne ne sait d'où elle vient ni ce à quoi elle renvoie.
Madame Goulet, disons-le d'emblée : je suis d'accord avec vous, il faut supprimer les comités et les commissions qui brouillent la lisibilité de l'action publique, voire nuisent à l'efficacité de l'État. Pour autant, cette contribution à la lutte contre le fameux « millefeuille administratif » de notre pays s'inscrit dans un cadre plus vaste, celui de la simplification, chantier que j'entends conduire en tant que ministre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que la simplification est un travail de longue haleine. Je compte le mener avec exigence, aux côtés de tous les acteurs de notre société.
Le cap est clair : moins de gestion administrative pour plus de services publics et de meilleurs services publics. Ma priorité en tant que ministre sera de simplifier la vie des agents, des entreprises et des Français, ainsi que de coordonner l'action du Gouvernement sur ce sujet.
Pour y parvenir, nous disposons de plusieurs outils.
Tout d'abord, avec l'appui de mon collègue ministre de l'économie, Éric Lombard, je reprendrai la main sur le projet de loi de simplification de la vie économique, évoqué par M. le rapporteur. Ce texte, adopté par le Sénat en octobre dernier, sera prochainement examiné par l'Assemblée nationale.
Dans un autre registre, je réunirai au printemps prochain l'ensemble de mes collègues du Gouvernement, sous l'égide du Premier ministre, afin que chacun d'eux présente des mesures concrètes de simplification.
La simplification n'a de sens que si elle est utile aux Français : simplifier pour simplifier n'a pas de sens.
La proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée s'inscrit dans une démarche de simplification législative et réglementaire que je compte bien mobiliser.
Nous le savons tous, l'effort de suppression de ces comités ne contribue pas significativement à l'effort d'économies budgétaire – il faut être lucide. Toutefois, ce travail concourt à une meilleure lisibilité de l'action publique. C'est la dimension symbolique de la simplification. Cette proposition de loi est importante, car elle viendra nourrir les réflexions de l'Assemblée nationale sur l'article 1er du projet de loi de simplification de la vie économique.
Votre commission des lois n'a d'ailleurs pas manqué d'inscrire dans le présent texte des suppressions précédemment actées par la Haute Assemblée.
Je salue la volonté du Sénat et notamment du président Darnaud de s'attaquer à un autre chantier : celui des opérateurs et agences de l'État.
À ce titre, je soutiens son initiative de lancer une commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, laquelle permettra d'évaluer finement leurs coûts et leurs missions. Je suivrai avec attention ces travaux, qui contribueront à alimenter notre réflexion pour réformer en profondeur l'organisation de l'État.
Comme vous le savez, M. le Premier ministre a annoncé très clairement sa volonté de réformer l'organisation de l'État et de rationaliser l'action de ses agences. Cette décision s'inscrit dans un effort au long cours : je ne peux pas vous laisser dire que l'État n'a pas agi ces dernières années en la matière.
Depuis 2010, nous avons réduit de 39 % le nombre des commissions, ainsi abaissé de 799 à 313. Entre 2017 et 2020, sous l'impulsion du Premier ministre Édouard Philippe, les suppressions se sont multipliées, même si nous pouvons et devons probablement aller plus loin. Toutefois, il est faux d'affirmer que l'État n'a pas été au rendez-vous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que les parlementaires – et j'étais moi-même député il y a peu – fassent leur propre examen de conscience, dans la mesure où ils sont à l'origine de nombreuses créations de comités et commissions : à l'heure actuelle, les deux tiers sont désormais d'origine législative.
Un tel constat doit nous alerter. Dans certains cas, ces commissions ne relèvent sans doute pas du domaine de la loi. Simplifier, c'est aussi mieux légiférer.
Évidemment, si je voulais être populaire, je vous promettrais du sang, des larmes et des coups de tronçonneuse. Mais je ne suis pas de ceux qui adoptent des postures radicales à des fins de communication. Au contraire, je suis convaincu que nous devons aborder cette question de manière pragmatique, raisonnable et méthodique, comme l'a dit M. le rapporteur. Je ne crois pas à une quelconque potion magique simplificatrice.
Le nombre d'amendements visant à rétablir des comités supprimés par cette proposition de loi en témoigne : les différents groupes de cette chambre font leur une telle vision. À l'évidence, nous entendons tous séparer le bon grain de l'ivraie.
Disons-le : quand on rase une forêt au bulldozer, on abat aussi des arbres en bonne santé, dont la présence est essentielle.
Oui, je suis convaincu que nous devons simplifier. Oui, je crois que c'est vital pour l'efficacité de l'action publique. Non, je n'aurai pas la main qui tremble pour supprimer des comités, dès lors que nous aurons prouvé leur inefficience. Mais, je vous en prie, supprimons avec discernement, sur la base d'une méthode reposant sur trois critères.
Premièrement, nous devons nous assurer de la redondance de ces comités avec d'autres services ou organismes.
Deuxièmement, il faut prendre en compte l'activité effective des commissions en question.
Troisièmement, chaque suppression doit améliorer la lisibilité de l'action publique.
Enfin, changeons de regard sur la simplification. La charge de la preuve doit être inversée : au lieu de chercher à établir l'inutilité d'un comité, regardons d'abord ce qu'il apporte à nos concitoyens. Sortons de la critique facile au profit d'une analyse objective : c'est ce que nos concitoyens attendent de nous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serai pas plus long. Je vous ai présenté le contexte politique de simplification dans lequel s'inscrit ce texte. Et, en détaillant ce panorama, j'ai voulu vous dire l'état d'esprit dans lequel j'entends travailler : simplifier oui, mais avec intelligence, méthode et clairvoyance, avec équilibre et rigueur.
Maintenant, étudions ensemble les comités concernés, au cas par cas. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)