M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Vous ne voulez pas consentir à l’augmentation des ETP de France Travail ; dont acte, madame la ministre.

Mais, quand le directeur général de l’établissement demande la création de 837 emplois pour accompagner 160 000 nouveaux allocataires, il intègre bien dans son calcul le plan de performance et les redéploiements internes ; il tient même compte des fameux 700 postes liés au covid. Quand il demande la création de 837 emplois, disais-je, il s’agit donc bien de créations nettes des gains de performance que vous évoquez.

L’accompagnement de 160 000 allocataires supplémentaires « consomme » ainsi 1 600 postes, selon le chiffrage du directeur général de France Travail lui-même, qui souhaite de surcroît doubler la prospection auprès des entreprises. Or, pour prospecter cent entreprises, il faut entre six et sept ETP…

M. Thibaut Guilluy souhaite aussi améliorer l’accompagnement des jeunes lycéens professionnels dans les quatre premiers mois après l’obtention de leur diplôme. Il demande par ailleurs que l’établissement qu’il dirige soit doté des ETP dont il a besoin pour exercer ses missions de contrôle, ces missions qui vous sont si chères, madame la ministre ! À défaut de moyens, peut-être faut-il se résoudre à lui demander de ne plus contrôler que tous les nouveaux allocataires cherchent bien activement un emploi ?…

Tout cela, vous le savez !

Le directeur de France Travail s’est plié à l’austérité et, sous son autorité, des gains d’efficience ont déjà été réalisés : quand il vous demande 800 emplois supplémentaires, il en tient compte dans son calcul.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1079 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1077 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-972.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-838.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-987.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1066 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-839.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme du temps imparti pour l’examen de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». Il nous reste soixante et un amendements à examiner.

Dès lors, conformément à l’organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents et en accord avec la commission des finances, la suite de l’examen de cette mission est reportée au samedi 7 décembre, à l’issue de l’examen des missions de la journée.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Discussion générale (suite)

6

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.

Mme Sophie Briante Guillemont. Madame la présidente, lors du scrutin n° 144, ma collègue Véronique Guillotin souhaitait voter contre.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Discussion générale (interruption de la discussion)

Loi de finances pour 2025

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Justice

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai un sentiment étrange en présentant, pour la dixième année consécutive, le budget de la mission « Justice » : devons-nous vraiment débattre comme nous le faisons chaque année, comme si la discussion du projet de loi de finances ne risquait pas de s’arrêter dès demain ?

Oui, nous le devons, parce que c’est l’une des missions les plus essentielles des parlementaires que de discuter et de voter le budget.

Nous le devons aussi parce que, même si tout s’interrompait demain, il faudra bien que le débat reprenne ultérieurement afin de doter la France d’un budget pour 2025. Le Sénat pourra alors s’appuyer sur le travail déjà réalisé et consacré par les votes exprimés en séance publique depuis huit jours sur la première partie de la loi de finances et sur les premières missions budgétaires de la seconde partie.

Il me paraît donc crucial que, malgré le nombre élevé d’amendements, nous ne dépassions pas les délais ce soir et que nous allions jusqu’à l’adoption des crédits de la mission « Justice ».

En effet, nous ne pouvons pas dire non à un budget qui est en hausse de 108 millions d’euros, hors contribution aux pensions et à périmètre constant, et pour lequel le Gouvernement propose une augmentation supplémentaire de 250 millions d’euros, au moment même où la situation budgétaire contraint la plupart des ministères à des économies.

Les politiques de la justice elles-mêmes ont été fortement affectées par les économies en 2024, le décret d’annulation du 21 février, suivi de surgels de crédits, ayant causé de réelles difficultés de gestion – je pense notamment aux renouvellements de contrats dans la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

En 2025 également, ce budget reste en retrait par rapport à ce que prévoyait la loi de programmation ; des choix devront être faits.

La priorité est donnée à la poursuite de l’augmentation des moyens humains, avec la création de 619 postes, dont 270 pour les services judiciaires. La progression des moyens est donc préservée, mais reste inférieure au rythme prévu par la loi de programmation.

Dans l’administration pénitentiaire, les nouveaux surveillants seront affectés exclusivement aux nouveaux établissements : il ne s’agit pas d’un surplus dans les établissements existants.

Cette augmentation des effectifs s’appuie sur une politique de revalorisation des métiers, indispensable pour attirer et retenir les personnels, notamment les magistrats, les greffiers et les personnels de l’administration pénitentiaire.

Pour ce qui est de l’immobilier de la justice, celui de la justice judiciaire risque de se limiter, en 2025, à la maintenance en condition opérationnelle, puisqu’il ne sera pas possible de lancer de nouveaux projets.

En ce qui concerne les prisons, la création de 15 000 places n’est pas un luxe : elle permettra tout au plus de contenir l’inflation du nombre de détenus et la surpopulation carcérale. La poursuite du plan « 15 000 places de prison », même avec une échéance décalée à 2029, reste et doit rester une priorité.

Toutefois, je plaide pour une plus grande standardisation des programmes, ainsi que pour un pilotage plus efficace, qui associe les personnels en amont, car j’ai constaté trop de malfaçons dans les établissements livrés.

La plupart de ces observations valent aussi pour le programme de construction de vingt centres éducatifs fermés.

Les autres dépenses sont soumises à de fortes restrictions. Je m’inquiète notamment pour la modernisation de la fonction informatique. L’obsolescence de nombreux applicatifs est une difficulté importante, au quotidien, pour les magistrats et pour leurs équipes ; elle obère leur capacité à répondre aux attentes – légitimes – des citoyens, qui appellent de leurs vœux un service public de la justice efficace et rapide.

La sécurisation des locaux, en particulier dans les prisons, à la suite de l’attaque d’un fourgon en mai dernier, ne saurait, en revanche, être mise de côté pour des raisons budgétaires. Des quantités invraisemblables de téléphones et autres produits sont livrés par drones, et les services des prisons peinent à lutter contre ce phénomène. L’effort doit être poursuivi et, de manière générale, les engagements pris auprès des personnels en matière de sécurisation devront être tenus.

Toutefois, je suis particulièrement préoccupé par la progression considérable des frais de justice, qui seront passés de moins de 500 millions d’euros en 2017 à près de 750 millions d’euros en 2025. Que ce soit sur les frais de gardiennage ou sur les demandes d’expertise, une réflexion d’ampleur est nécessaire, en lien avec les services d’enquête de la police et de la gendarmerie.

Je comprends bien la nécessité de participer à l’effort collectif de redressement des finances publiques.

Il convient cependant de rappeler quelle crise profonde traverse le monde de la justice et le service public de la justice dans notre pays, crise rappelée lors des États généraux de 2021 et constatée par tous nos concitoyens qui ont recours audit service public.

La justice est l’une des politiques de l’État les plus anciennes et les plus fondamentales. Elle a souffert de décennies d’oubli, que l’accroissement actuel des moyens ne compense que très partiellement.

La justice française dispose ainsi du plus faible budget par habitant en pourcentage du PIB parmi les pays de richesse comparable en Europe, et les délais sont dans notre pays bien plus longs.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits tels que prévus dans le texte initial du projet de loi et modifiés par les amendements du Gouvernement. Ces amendements permettront en effet, sans exonérer le ministère de la justice des efforts budgétaires nécessaires, de réaliser une part importante de la trajectoire prévue par la loi de programmation ; il faut bien sûr s’en féliciter.

Cela étant, monsieur le garde des sceaux, je vous invite à considérer notre vote non comme un blanc-seing, mais comme une incitation à améliorer le service public de la justice, qui est, faut-il le rappeler, un service rendu aux citoyens, et à développer l’évaluation au sein du ministère. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’administration pénitentiaire connaît une crise sans précédent, liée à la surpopulation carcérale, à l’inadéquation du nombre de postes et à l’emprise de plus en plus marquée de la criminalité organisée.

Dans ce contexte, vous avez décidé, monsieur le garde des sceaux, de tenir les engagements financiers pris envers les personnels.

Vous avez également décidé d’augmenter le nombre d’emplois créés et fait, pour ce qui est du « plan 15 000 », le constat d’un nécessaire report au-delà de 2027.

Nous saluons ces engagements et cette lucidité, raison pour laquelle la commission des lois a approuvé le budget du programme « Administration pénitentiaire ».

Toutefois, le budget 2025 aurait dû être l’occasion de choix plus stratégiques.

La priorité doit être de réorienter les crédits des projets immobiliers pour améliorer plus rapidement les conditions de détention et les conditions de travail des personnels. Aujourd’hui, monsieur le ministre, les crédits alloués à l’entretien et au fonctionnement des bâtiments restent insuffisants !

Plus largement, il est essentiel de réfléchir à la création, non pas de places supplémentaires de prison – il faudrait construire un établissement par mois pour suivre l’évolution du nombre de détenus –, mais d’établissements spécialisés adaptés aux différents types de détenus – je pense notamment à ceux qui sont atteints de troubles mentaux. C’est ce qui manque en France !

Enfin, comme je l’ai dit devant la commission des lois, il faudrait s’intéresser au parent pauvre de la détention qu’est le milieu ouvert.

Le nombre de personnes suivies en milieu ouvert est plus de deux fois supérieur à celui des personnes détenues. C’est donc là qu’il faut agir !

Or les crédits alloués aux missions en milieu ouvert sont en légère décroissance, confirmant une moindre attention portée à ces actions, dont l’administration pénitentiaire et les acteurs de terrain soulignent pourtant tous le caractère indispensable.

Les mesures de milieu ouvert sont trop souvent vues comme des alternatives à l’incarcération, ce qui est tout à fait faux : ce sont des mesures spécifiques, qu’il faut prendre pour elles-mêmes.

D’ailleurs, les mesures les mieux financées sont celles qui ont trait au bracelet électronique, soit celles qui s’apparentent le plus à l’emprisonnement. Voilà qui tend à fausser l’utilité de ces dispositifs.

Une revalorisation du milieu ouvert, via notamment l’évaluation et le développement des mesures de suivi, est indispensable à court terme, pour lutter contre la surpopulation carcérale, et, plus fondamentalement, pour permettre le prononcé de peines socialement utiles.

Ces objectifs ambitieux ne pourront être atteints que grâce à une politique pénale cohérente et redéfinie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Laurent Burgoa et Mmes Olivia Richard et Dominique Vérien applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voilà plusieurs années que la situation du ministère de la justice suscite notre plus vive préoccupation, laquelle explique l’attachement du Sénat à la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice pour les années 2023 à 2027, la fameuse LOPJ.

Ce texte porte l’ambition de remédier au manque chronique de recrutement et d’investissement de la Chancellerie et ainsi de restaurer la qualité des conditions de travail des agents judiciaires, donc, par là même, le bon fonctionnement de la justice.

Or le projet de loi de finances prévoit, dans sa version initiale, une baisse de 487 millions d’euros par rapport à la trajectoire prévue en LOPJ, que nous avions définie il y a un an seulement.

Une telle réduction des crédits alloués au ministère de la justice conduirait à renoncer aux objectifs de recrutement et à abandonner de nombreux investissements, notamment immobiliers et numériques. Les crédits consacrés à l’immobilier judiciaire et à l’informatique ministérielle diminueraient ainsi respectivement de 93 millions et de 37 millions d’euros par rapport à la loi de finances 2024.

La commission des lois a donc accueilli avec une grande satisfaction, monsieur le garde des sceaux, votre annonce du 31 octobre dernier. L’arbitrage budgétaire que vous avez obtenu permettrait, d’une part, de respecter la trajectoire de recrutement établie en LOPJ, grâce à la création de 343 postes de magistrats, de 320 postes de greffiers et de 307 postes d’attachés de justice, et, d’autre part, de préserver les investissements immobiliers et numériques du ministère, auxquels seraient respectivement alloués 47,4 millions et 49 millions d’euros.

La commission se réjouit que, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, l’essentiel soit sauf. Nous sommes en effet attachés à ce que la situation de la justice s’améliore, même dans pareil contexte.

Il serait utile, à cette fin, que les services de la Chancellerie continuent de travailler à réduire le dynamisme de certaines dépenses qui grèvent significativement son budget.

La commission s’intéresse particulièrement au plan de maîtrise des frais de justice. Ces frais ont connu une hausse drastique ces dernières années ; il est impératif de les contenir.

Le plan de maîtrise commence à porter ses fruits. Ainsi, la croissance du coût des mémoires déposés fléchit peu à peu : elle était de 12 % entre 2020 et 2021 ; elle se limite à 5 % entre 2023 et 2024. Il faut poursuivre cette dynamique. Les objectifs que vous avez identifiés pour 2025, à savoir la réduction de 20 % des coûts du gardiennage de véhicules et le développement du recours à la plateforme nationale des interceptions judiciaires (Pnij), devraient le permettre.

Une autre piste a été avancée : celle de la modulation de l’aide juridictionnelle, grâce à deux mesures spécifiques, qui portent sur l’aide juridictionnelle dite « garantie » et sur le niveau de rétribution des avocats lors des « grands procès ».

La commission accueille favorablement ces efforts, qui apparaissent essentiels dans un contexte…

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis. … où les politiques prioritaires du ministère pourraient pâtir du manque de moyens – ma corapporteure va y revenir immédiatement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie ma corapporteure Lauriane Josende de son intervention et confirme qu’à nos yeux il est primordial de préserver trois politiques du ministère pour rétablir les conditions de travail des agents et restaurer le bon fonctionnement de la justice : il s’agit, sans surprise, du recrutement, du numérique et de l’immobilier.

Or, du fait de l’importance des dépenses contraintes du ministère, ce sont précisément les crédits dévolus à ces politiques qui auraient connu une baisse sensible sans l’amendement du Gouvernement visant à relever le budget de la mission de 250 millions d’euros, dont près de 140 millions pour les programmes dont ma collègue et moi-même sommes les rapporteures pour avis. Je vous en remercie, monsieur le garde des sceaux !

Ce nouveau cadre financier permettra que la trajectoire de recrutement soit respectée en 2025.

Cela étant, vouloir recruter est une chose, recruter effectivement en est une autre. Or, en dépit des récentes mesures de revalorisation, la qualité du recrutement continue d’inquiéter pour ce qui est de certains métiers.

Je pense notamment aux greffiers : lors du deuxième concours externe pour 2024, le taux de présence à l’écrit n’était que de 15,5 %, le taux d’admissibilité de 60 % et le taux d’admission de 74 %. Par rapport au nombre d’inscrits, le nombre de greffiers réellement recrutés est faible !

La commission a été attentive, à cet égard, à l’application des accords du 26 octobre 2023. Nous suivrons avec intérêt les travaux de la Chancellerie quant à l’organisation des juridictions, qui mérite d’être précisée afin que chacun y trouve sa place.

L’attractivité des professions judiciaires repose évidemment, par ailleurs, sur les politiques numérique et immobilière du ministère.

Comme ces dernières années, la commission demeure préoccupée par la maintenance et le développement des applicatifs numériques de la Chancellerie, car le mécontentement des personnels perdure. Nous suivrons donc avec attention le travail du ministère à ce sujet, qu’il s’agisse de la réduction des trames du logiciel Cassiopée ou de l’expérimentation puis de la mise en œuvre progressive de Portalis, dont nous parlons depuis déjà quatre ans.

La politique immobilière, enfin, suscite l’inquiétude de la commission. La situation budgétaire que nous traversons affecte particulièrement l’immobilier judiciaire, car de tels projets nécessitent de la prévisibilité financière. Nous en manquons actuellement, et il est urgent d’y remédier. Je ne suis, hélas ! pas certaine que nous y parviendrons à brève échéance.

Au-delà, si la politique de consultation du ministère semble bien structurée, il importe de veiller à ce qu’elle ne soit pas strictement formelle, les personnels s’estimant peu entendus sur ces sujets.

En outre, il faudrait poursuivre la déconcentration des budgets qui sont dédiés à la maintenance, afin de résoudre au plus vite les problèmes rencontrés par les agents du ministère. Nul besoin de passer par une haute autorité pour changer un joint ou une ampoule !

Malgré les quelques préoccupations que je viens d’exprimer, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de ces différents programmes de la mission « Justice ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Muriel Jourda applaudit également.)

Mme Laurence Harribey, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il est important de parler des problèmes de la justice, quelle que soit la situation. Comme l’année dernière – et non depuis dix ans comme M. le rapporteur spécial –, il me revient de présenter l’avis de la commission des lois sur les crédits du programme consacré à la protection judiciaire de la jeunesse, qui recouvre trois actions : la mise en œuvre des décisions judiciaires ; le soutien et la fonction de pilotage ; la formation, seule action dont les crédits sont en augmentation – on comprend pourquoi.

Vu le temps dont je dispose pour présenter mon avis, je vais me focaliser sur deux enjeux dont nous avons souligné la prégnance lors de l’examen du rapport en commission des lois.

Le premier est le fameux logiciel Parcours, qui doit permettre à la PJJ de disposer enfin d’un outil informatique de suivi des mineurs qui lui sont confiés.

Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, le déploiement de ce logiciel, qui est grevé de retards récurrents, suscite notre inquiétude depuis quelques années ; nous craignons désormais un véritable naufrage.

Trois ans après la mise en service de Parcours, nous ne disposons toujours pas d’un calendrier définitif de déploiement et la première phase n’est même pas achevée, alors même que le projet a déjà coûté 19 millions d’euros. La Cour des comptes estime qu’il n’aboutira pas avant 2032 ; il y a là pourtant un outil qui pourrait s’avérer très précieux pour les professionnels du secteur.

Le second enjeu est un enjeu de ressources humaines, lié en particulier au déficit d’attractivité des métiers de la PJJ, du fait notamment d’une augmentation de la charge de travail depuis la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, qui est une bonne chose, mais dont l’effet sur l’évolution des métiers a été mal appréhendé.

Or ce sont 4 300 mesures supplémentaires qui s’ajoutent chaque année au portefeuille des éducateurs, sans compter les 3 000 mesures en attente ! Il faut absolument flécher les postes créés ou redéployés vers les fonctions de terrain.

Toujours au chapitre des ressources humaines, une autre difficulté tient à la prime « Ségur ». À cet égard, monsieur le garde des sceaux, les propositions que vous avez faites comblent un vide. Nous serons très vigilants sur ce point, qui est particulièrement important : il ne faut pas oublier que 80 % des actions sont assurées par le secteur associatif habilité !

Malgré ce bilan, qui est préoccupant par certains aspects, nous restons convaincus que nous devons soutenir la perspective d’une évolution à la hausse des crédits de la mission « Justice ».

La vigilance n’excluant pas la responsabilité, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 182. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Muriel Jourda applaudit également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, votée pas plus tard que l’an dernier, prévoit un renforcement, qui est à la fois nécessaire et urgent, du budget de ce ministère régalien, qui a trop longtemps souffert d’un sous-investissement chronique.

Elle prévoit notamment la création de 1 500 postes de magistrats, de 1 800 postes de greffiers et de 1 100 postes d’attachés de justice d’ici à 2027.

Il y a donc de quoi être déconcerté en découvrant que près d’un demi-milliard d’euros manquent à l’appel dans le budget initial de la mission « Justice » du projet de loi de finances, d’autant que cette baisse des crédits par rapport aux objectifs fixés doit aussi s’apprécier à l’aune des annulations décidées par décret en février dernier.

Certes, la contrainte budgétaire est ce qu’elle est. Mais, comme le ministre de l’intérieur nous le rappelait encore hier soir, un budget, ce ne sont pas que des chiffres ! Ce sont surtout des choix politiques.

Aussi me semble-t-il primordial de saluer l’effort du garde des sceaux, qui a réussi à obtenir un arbitrage favorable. Celui-ci nous permettra de voter, tout à l’heure, un abondement de près de 250 millions d’euros en faveur de la mission, qui bénéficiera, in fine, de 924 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.

Ainsi, sous réserve de l’adoption des amendements identiques nos II-865 et II-900, certains programmes verront une augmentation plus ou moins importante de leurs crédits, comme le programme « Accès au droit et à la justice », qui connaîtra une hausse de près de 9 %.

La baisse majeure prévue pour les crédits du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » sera quant à elle finalement limitée.

Pour autant, cette évolution ne représente aucunement un investissement dans notre institution judiciaire, qui en a pourtant grandement besoin.

Je veux rappeler les chiffres établis par la Commission européenne dans son dernier rapport – nous les connaissons bien, mais il est essentiel d’y insister.

La France compte 11,3 juges pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 21,9.

Concernant les procureurs, la situation est pire encore : on en recense 3 pour 100 000 habitants, contre 12,2 en moyenne en Europe. Les procureurs traitent en moyenne plus de 2 000 affaires par an dans notre pays, quand ils en traitent 1 200 en Italie, 800 en Allemagne et 640 en Belgique.

Comment peut-on imaginer que la justice puisse être rendue dans des délais raisonnables et dans de bonnes conditions avec si peu de magistrats professionnels ?

Nous dépensons à peine 0,2 % de notre PIB pour la justice, quand la majorité de nos voisins en dépense 0,3 % !

La présentation du budget pour 2025 doit donc être analysée dans ce contexte de délabrement et de souffrance pour tous les professionnels, souffrance largement partagée par de nombreux magistrats et greffiers, mais également subie par les auxiliaires de justice.

Cette souffrance n’est pas abstraite : quatre greffiers se sont donné la mort cette année. Et je n’apprends à personne que cette absence de moyens touche tous les services !

Prenons l’exemple du juge des enfants. La France en compte 522. Il en faudrait 235 de plus, d’après le Syndicat de la magistrature, d’autant qu’un tiers de ces juges tiennent leurs audiences sans greffier. Cette charge de travail affecte forcément le suivi des situations et la qualité de la préparation des décisions rendues.

Nous revenons donc de très loin, et ce budget ne permettra pas de combler le retard.

Selon le syndicat Unité Magistrats, les stocks et délais de traitement continuent d’augmenter pour certains contentieux. Dans certains tribunaux, on enregistre des délais d’attente allant jusqu’à dix-huit mois.

Surtout, la charge de travail des magistrats ne fera que croître dans les années qui viennent. L’utilisation de l’intelligence artificielle augmente et augmentera les recours déposés, alors que notre justice ne semble pas encore tout à fait outillée pour répondre à ce nouveau défi ; une mission d’information de la commission des lois travaille actuellement sur ce sujet.

De son côté, l’Union syndicale des magistrats a rappelé que, si la justice coûte, elle rapporte également.

Depuis sa création, le parquet national financier (PNF) a permis de faire entrer dans les caisses de l’État plus de 12 milliards d’euros ; mais le budget de la justice n’en a jamais directement bénéficié.

Enfin, même lorsque les crédits de paiement sont à la hausse, comme pour le programme « Administration pénitentiaire », l’effort n’est pas suffisant.

Le garde des sceaux a lui-même reconnu dernièrement que les objectifs du « plan 15 000 » ne seront pas tenus. Notre politique carcérale continue d’être obnubilée par les places de prison, alors que nous n’arriverons jamais à en construire suffisamment pour combler les besoins. La densité carcérale s’établit à 126 %, et environ 4 000 détenus dorment par terre chaque nuit.

Il nous semble, monsieur le garde des sceaux, que vous avez fait ce que vous pouviez faire ; nous voterons donc ces crédits.

Sachez toutefois que, pour le groupe RDSE, ce budget manque largement d’ambition. Il nous offre certes de « sauver les meubles », mais ne permet aucunement de sortir de la crise dans laquelle notre système judiciaire reste plongé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)