compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Guy Benarroche,
Mme Marie-Pierre Richer.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 14 novembre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2025 (projet n° 129, rapport n° 138, avis n° 130).
Discussion générale
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Comme vous le savez, nous nous inscrivons dans un contexte particulier. Malgré de nombreuses heures de débats, l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale s’est arrêté sans que nous soyons parvenus à son terme.
Je regrette, bien sûr, que nous n’ayons pas terminé les discussions sur ces sujets fondamentaux pour les Français. Néanmoins, le dialogue parlementaire continue au Sénat toute cette semaine ; nous aurons l’occasion d’y revenir largement.
Comme nous le disons depuis le début de cette période budgétaire, et comme chacun ici le mesure, la situation de nos finances publiques exige de la responsabilité, ainsi qu’une recherche exigeante d’équilibre. La situation de nos comptes sociaux est inédite.
En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera de près de 8 milliards d’euros le niveau voté dans la loi de finances de la sécurité sociale initiale.
En 2025, comme le soulignait le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), sans mesures nouvelles, le déficit projeté de la sécurité sociale atteindra 28 milliards d’euros. Chacun en conviendra, ce n’est pas soutenable. La situation implique des actions collectives pour y remédier.
Il est de notre devoir de freiner la dépense publique ; toutes les administrations publiques doivent prendre part à cet effort. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 constitue une étape essentielle dans le retour progressif à l’équilibre de nos comptes sociaux.
La pérennité et la préservation de notre modèle social hérité du Conseil national de la Résistance (CNR) étant en jeu (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.), nous devons collectivement trouver une ligne de crête pour réaliser des économies sans perdre de vue les attentes considérables de nos concitoyens et leurs besoins – la santé et l’accès aux soins constituent la première préoccupation des Français.
C’est pourquoi ce PLFSS vise à contenir le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros tout en finançant des mesures nouvelles. Il permet ainsi d’améliorer la trajectoire de nos comptes sociaux tout en ouvrant de nouveaux droits, au service de nos concitoyens.
Je le répète, la santé des Français demeure plus que jamais une priorité de notre gouvernement ; ce budget le prouve. Nous sommes au rendez-vous de ces attentes. Il s’agit d’un budget d’action pour l’accès aux soins et pour l’hôpital (Mme Émilienne Poumirol proteste.), qui a tant besoin de soutien.
Il s’agit d’un budget de progrès, mais également de responsabilité, comme je vais m’employer à en faire la démonstration devant vous.
La trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie, c’est tout d’abord un budget de progrès. Ce budget permet de répondre à nos priorités de santé publique, comme la prévention, les soins palliatifs, la santé mentale ou l’accès aux médicaments, entre autres.
Mme Annie Le Houerou. Avec quel argent ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) progressera, pour atteindre un peu plus de 264 milliards d’euros. C’est une hausse de 63 milliards d’euros par rapport à 2019 et de 9 milliards d’euros par rapport à 2024. Cette progression traduit concrètement notre volonté de poursuivre les investissements entrepris et de financer de nouvelles mesures attendues par les professionnels et par les patients.
Cette trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie nous permet de poursuivre la dynamique de renforcement de l’accès aux soins dans tous les territoires et pour tous. Elle permet de financer nos grandes priorités : améliorer l’organisation du système de santé, assurer le financement du système de santé, renforcer nos politiques en matière de psychiatrie et de santé mentale, travailler à l’attractivité des métiers du soin et accompagner les innovations.
Nous respecterons les engagements conventionnels vis-à-vis des médecins, avec la revalorisation de la consultation à 30 euros dès décembre 2024.
Nous poursuivrons aussi la stratégie d’« aller vers », à destination des publics précaires et éloignés du soin, en ciblant les populations des territoires sous-denses. Nous développerons dans ce cadre des initiatives, comme les médicobus ou la télémédecine.
Pour renforcer l’attractivité des métiers et l’accès aux soins partout, nous travaillerons, avec le concours indispensable des élus locaux, au développement des maisons de santé pluriprofessionnelles, à la généralisation des services d’accès aux soins et à l’amélioration des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), toujours présentes sur tous les territoires.
Les maisons de santé pluriprofessionnelles permettent aux médecins de ne plus être isolés et de créer de nouvelles synergies entre professionnels de santé. C’est un facteur d’attractivité.
Ce PLFSS traduit aussi une action résolue, à laquelle je suis particulièrement attachée, en faveur des soins palliatifs : 100 millions d’euros seront dédiés à la mise en œuvre, dès 2025, de la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Cette stratégie doit permettre dans chaque territoire le renforcement de l’offre de soins palliatifs au sein des établissements de santé et médico-sociaux, mais également à domicile.
La prise en charge des troubles de la santé mentale, que le Premier ministre a choisi d’ériger en grande cause nationale pour 2025, connaîtra aussi des progrès considérables. Le dispositif Mon soutien psy sera notamment renforcé, afin que chaque citoyen ait un accès simplifié et plus rapide à un psychologue, qui bénéficiera lui-même d’une meilleure rémunération, et le nombre de séances prises en charge lors d’une année civile augmentera, passant de huit à douze. Les équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP) seront ainsi renforcées, pour aller à la rencontre des personnes les plus éloignées des soins et, surtout, de la psychiatrie.
Nous le savons, prendre soin de sa santé mentale s’apprend dès le plus jeune âge : le dispositif de prévention du suicide VigilanS sera élargi aux mineurs.
En outre, nous poursuivrons et amplifierons nos politiques en faveur de la prévention, en renforçant le repérage précoce. Ces actions interviendront à toutes les échelles et avec tous les acteurs, afin de prendre en charge au bon moment.
Nous devons installer une véritable culture de la prévention dans notre pays ; ce budget y contribuera.
Le dispositif Mon bilan prévention continuera d’être généralisé. Nous souhaitons que les mesures de prévention s’ancrent dans le quotidien de chaque Français. La part des dépenses des agences régionales de santé ciblées sur la prévention au sein de l’enveloppe du fonds d’intervention régionale augmentera de 10 %.
Il s’agit d’une politique globale de la prévention que nous souhaitons faire intervenir dès le plus jeune âge, car les inégalités de santé s’ancrent au moment de l’enfance.
Le suivi de l’enfant sera amélioré, avec plus de visites obligatoires. Nous prévoyons également une évolution du carnet de santé, avec notamment des pages dédiées aux méfaits des temps trop longs passés devant les écrans, afin de sensibiliser les familles et de trouver des équilibres dans ces utilisations. Nous consacrerons enfin 75 millions d’euros en 2025 pour poursuivre la vaccination contre le papillomavirus au collège.
Comme j’ai pu le rappeler à diverses occasions, la défense de nos hôpitaux est une autre de nos priorités que financera ce PLFSS ; c’est même une priorité majeure. Le sous-Ondam hospitalier se situe à 3,1 %. J’ai entendu les alertes qui ont été relayées auprès de mes services par les acteurs comme par les parlementaires.
L’évolution des cotisations pour assurer le financement de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), initialement prévue sur trois ans, sera finalement réalisée sur quatre ans. Le gain ainsi permis – de l’ordre de 256 millions d’euros – restera dans l’Ondam, au bénéfice du secteur hospitalier.
Nous conforterons les mesures en faveur des soins critiques de la réforme de 2022 pour les hôpitaux, mais nous faciliterons également la gestion des ressources humaines dans les établissements de santé en travaillant particulièrement sur la régulation de l’intérim.
Enfin, ce PLFSS permettra de garantir l’accès aux médicaments et produits de santé à tous les Français. La disponibilité des médicaments dans les pharmacies est un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens, sur le quotidien desquels elle a un impact considérable.
Ce PLFSS viendra renforcer ce qui est déjà mis en place en ouvrant, par exemple, la distribution à l’unité en cas de risque anticipé de pénurie. Il prévoira aussi la possibilité de recourir à un financement dérogatoire pour des dispositifs médicaux utilisés en substitution d’un dispositif médical en rupture d’approvisionnement.
Ce PLFSS est aussi un budget de responsabilité. Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, nous sommes face à des contraintes budgétaires dont nous devons tenir compte. Cela doit se traduire par une accentuation de la pertinence et de l’efficience de nos dépenses, de même qu’il faut amener l’ensemble des acteurs à faire preuve de responsabilité. Ils devront tous participer à la maîtrise de la progression d’une partie de ces dépenses, dans une logique d’efforts partagés et d’équité.
La lutte contre la fraude…
Mme Nathalie Goulet. Ah !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. … sera aussi un enjeu majeur. Nous comptons la soutenir en lien avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam).
Par ailleurs, nous devrons réaliser des économies à hauteur de 5 milliards d’euros en 2025 par rapport à la progression tendancielle des dépenses. Un quantum d’efforts et des cibles d’économies ont été identifiés pour répondre à cet impératif, en respectant un effort partagé.
En ce qui concerne le transfert vers les complémentaires santé, j’ai entendu les attentes des députés et des sénateurs. Je les ai prises en compte dans le travail que je mène depuis bientôt deux mois pour l’accès aux soins de nos concitoyens.
En premier lieu, je rappelle que l’assurance maladie obligatoire finance à ce jour 80 % des dépenses de santé.
Ce chiffre n’a jamais été aussi élevé dans notre pays. Il s’explique par l’effort que nous consentons chaque année pour augmenter les dépenses de santé, mais aussi par la prise en charge chaque année de 400 000 patients de plus qui basculent en longue maladie – vous le savez, tout cela est lié à la démographie de notre pays, d’une société qui vieillit avec des maladies chroniques qui se développent. Quoi qu’il en soit, c’est l’honneur de la République que de proposer à tous une prise en charge par la solidarité collective aussi élevée.
Pour autant, afin de garantir la soutenabilité des finances publiques, il est essentiel de préserver cet équilibre entre l’assurance maladie obligatoire et la prise en charge par les organismes complémentaires.
Pour tenir compte des positions exprimées par l’ensemble des députés et des sénateurs, le quantum a été ramené de 1,1 milliard d’euros à 900 millions d’euros.
Ainsi, j’ai pu décider que le ticket modérateur de la consultation médicale, qu’il était potentiellement envisageable d’augmenter de 10 %, n’évoluera que de 5 %. (M. Bernard Jomier s’exclame.) La consultation médicale demeurera donc l’acte de soins de ville le mieux remboursé par la solidarité nationale. C’est essentiel pour garantir l’accès aux soins.
En complément, le ticket modérateur sur les médicaments augmentera, lui, de 5 %.
Mme Émilienne Poumirol. Oh là là ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Nous envisageons, par ailleurs, des baisses de prix des produits de santé pour 1,2 milliard d’euros, ainsi que des mesures d’efficience à l’hôpital et en ville, à chaque fois pour 600 millions d’euros.
Pour compenser le dérapage constaté sur les médicaments en cette fin d’année 2024 et évalué à 1,2 milliard d’euros, nous allons poursuivre le dialogue engagé avec les industriels, afin de trouver des mécanismes de contractualisation permettant de modérer les dépenses – la hausse de la clause de sauvegarde ne sera activée qu’en cas d’échec de la démarche.
C’est donc dans une logique de confiance et de coconstruction que je souhaite faire au maximum face aux nouveaux défis de maîtrise de la dépense des produits de santé. Nous devons atteindre nos objectifs d’économie, mais je souhaite avant tout laisser la place à la concertation et aux débats parlementaires, comme cela a été le cas à l’Assemblée nationale.
Il convient, en effet, de poursuivre le dialogue avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour définir les modalités concrètes de mise en œuvre de ce texte et atteindre la cible d’économie fixée. Je sais pouvoir compter sur vous.
L’examen à l’Assemblée nationale a enrichi ce projet de loi, les amendements adoptés retenus dans le texte visant à avancer sur des sujets essentiels pour la santé, notamment en termes de prévention. Je pense à l’annualisation de l’examen bucco-dentaire, à la généralisation des centres de santé, à la suppression de l’adressage dans le dispositif Mon soutien psy ou encore au développement de campagnes de vaccination contre le méningocoque, qui sont autant de belles avancées pour la santé publique.
L’amendement relatif à la réforme de la taxe dite soda est aussi à souligner, car il vise à renforcer nos actions pour inciter les Français à adopter une alimentation plus équilibrée. Je sais que ce sujet tient particulièrement à cœur à Mme la rapporteure générale, Élisabeth Doineau, et à M. le sénateur Xavier Iacovelli, qui défendent des amendements en ce sens. (Mme Émilienne Poumirol manifeste son ironie.)
Je ne puis malheureusement être exhaustive, mais je tiens à remercier les députés qui ont soumis des amendements et participé au débat.
Aujourd’hui s’ouvre un nouveau moment essentiel du dialogue parlementaire pour la santé des Français et l’accès aux soins. J’ai été très attentive aux débats en commission, qui ont commencé la semaine dernière. J’ai écouté vos réflexions et vos propositions. Je répondrai tout au long du débat à vos interrogations et aux évolutions que vous proposez sur le texte, dans un dialogue que j’espère nourri.
Concernant le niveau de l’Ondam, je le redis, jamais autant de moyens n’ont été dédiés à la santé. Nous continuerons en ce sens, mais, en parallèle, il convient d’améliorer l’efficience de nos dépenses. Il importe de trouver le bon équilibre. Ce n’est pas simple, mais il me semble que nous sommes en mesure d’y parvenir ensemble. Et c’est le seul chemin qui me paraisse responsable.
Ce PLFSS ne contient aucune réforme structurelle. C’est un budget ; ce n’est donc pas le bon véhicule pour engager une telle réforme.
Mme Émilienne Poumirol. Quand est-ce que ce sera le moment ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Pour autant, cela ne nous dispense pas d’une réflexion commune, que je souhaite engager, pour une loi de transformation profonde de notre système de santé et de son financement. Un travail sur le temps long est nécessaire. Il nous faudra le mener ensemble, en confiance et en responsabilité.
D’ici là, vous pouvez compter sur moi, tout au long de ces débats, pour rester fidèle à la méthode que je mène et que je crois juste : l’écoute et le dialogue. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Marie-Do Aeschlimann et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Si vous me le permettez, je structurerai mon propos en trois points.
Une fois n’est pas coutume, je vous dirai tout d’abord un mot de méthode, en revenant notamment sur les avancées issues des discussions, certes inachevées, à l’Assemblée nationale.
Je reviendrai ensuite sur la situation de nos finances publiques et de nos comptes sociaux.
Je détaillerai enfin les mesures de freinage de la dépense sociale proposées par le Gouvernement pour l’année prochaine.
Tout d’abord, le Premier ministre a assumé, sans ambiguïté aucune, le fait que la copie du Gouvernement était « perfectible », pourvu que la trajectoire de redressement des comptes soit respectée.
Comme vous le savez, l’examen du texte n’a pu arriver à son terme à l’Assemblée nationale, faute de temps. Néanmoins, le Gouvernement a fait le choix de ne pas en revenir au texte initial, comme la Constitution l’y autorisait, mais de transmettre au Sénat un projet de loi enrichi par certaines avancées des discussions à l’Assemblée nationale.
Nous avons choisi de retenir des amendements issus de toutes les sensibilités politiques, dont les dispositions constituent autant d’améliorations possibles du texte.
Je pense au cumul emploi-retraite des médecins, mais également aux mesures en faveur du monde agricole, à la taxation des boissons sucrées, à la réforme de la radiothérapie, à l’accès aux soins gynécologiques pour les personnes en situation de handicap ou encore à la lutte contre la fraude aux cotisations sociales.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Non seulement nous sommes ouverts à la concertation avec les partenaires sociaux et aux propositions issues de vos travées, mais nous en avons surtout réellement besoin.
À cet égard, le Premier ministre l’a dit, nous avons entendu les remontées de terrain sur la CNRACL – c’est un exemple très concret, qui parle à beaucoup d’entre vous ici.
Je vous confirme que le relèvement du taux de cotisation des employeurs locaux à la CNRACL sera étalé sur quatre ans, plutôt que sur trois, conformément à la proposition soutenue en commission par Mme la rapporteure générale.
Nous reconnaissons en toute transparence que la copie est perfectible, pourvu que le cadre financier fixé par le Gouvernement, lui, soit bien respecté.
Je tiens à saluer l’esprit de responsabilité qui a guidé les travaux de la commission des affaires sociales du Sénat, sous la présidence de Philippe Mouiller et avec la contribution de la rapporteure générale et des rapporteurs des différentes branches.
À l’issue de l’examen en commission, la copie du Sénat s’inscrit pleinement dans la logique de rééquilibrage progressif des comptes sociaux proposée par le Gouvernement.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le président de la commission, cette instance a fait de l’objectif de contenir le déficit des comptes sociaux à 16 milliards d’euros en 2025 le « premier postulat » de ses travaux. Je vous en remercie. J’ajoute que je souscris pleinement à vos propos lorsque vous affirmez que, dès le lendemain de l’adoption du PLFSS, il nous faudra engager le temps des réformes structurelles dont notre modèle de protection sociale a besoin.
M. Bernard Jomier. C’était déjà le cas l’an dernier !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je rejoins les propos de Mme la ministre Geneviève Darrieussecq : ce n’est pas un PLFSS de réformes structurelles ; pour autant, il nous faudra rapidement un agenda réformateur.
Le Premier ministre a d’ailleurs ouvert la voie dès vendredi dernier lors du congrès des départements de France, en annonçant un certain nombre d’évolutions dans le champ social. Ces chantiers structurels, notamment ceux qui se trouvent à l’intersection du champ social et des compétences des collectivités locales, nous engageront pour les prochains exercices.
La situation de nos finances publiques, vous la connaissez. Elle exige des réponses urgentes. À l’heure où je vous parle, la dette publique dépasse les 3 220 milliards d’euros. C’est une réalité comptable. C’est surtout une réalité très concrète.
Si nous subissions un choc de taux de l’ordre de l’ordre de 1 %, par exemple, la charge de la dette de l’État augmenterait de 3,2 milliards d’euros la première année, de 19 milliards d’euros à l’horizon de cinq ans et de 33 milliards d’euros à l’horizon de neuf ans. Pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), un choc d’un point représenterait en moyenne un coût de financement supplémentaire de l’ordre de 0,4 milliard d’euros.
Or, comme vous le savez, pour les marchés peu importe que l’endettement soit issu de l’État, de la sécurité sociale ou des collectivités : la dette publique, c’est la dette de la France, non celle de telle ou telle entité.
L’effort de redressement que nous proposons pour 2025 n’a pas d’autre sens que de permettre à notre pays de renouer avec une trajectoire financière soutenable, au bénéfice – je le précise – de l’ensemble des administrations publiques. Cet effort est d’une ampleur inédite : ce sont 60 milliards d’euros qui doivent nous permettre de contenir le déficit public à 5 % du PIB pour 2025, en vue de le ramener sous la barre des 3 % en 2029.
Il s’agit au fond de préserver et d’améliorer nos conditions de financement, c’est-à-dire notre capacité à consolider les droits sociaux de nos concitoyens et à ouvrir de nouveaux droits, qu’il s’agisse des retraites des agriculteurs, de la prise en charge du handicap et de la perte d’autonomie, de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail, ou encore de la prise en charge de la petite enfance.
Je parle, au fond, de la capacité de notre système social à jouer son rôle de protection et de cohésion. Notre modèle, vous le savez, est fondé sur la solidarité.
Mme Émilienne Poumirol. Ce n’est plus vrai !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. C’est une valeur forte. C’est aussi et surtout une exigence de responsabilité, qui trouve sa traduction budgétaire dans le principe d’équilibre des comptes sociaux.
Or cet équilibre est aujourd’hui dégradé. En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera d’environ 8 milliards d’euros le niveau qui avait été voté en loi de financement de la sécurité sociale initiale.
Mme Laurence Rossignol. Qui gouvernait ce pays ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. En 2025, le déficit des comptes sociaux pourrait atteindre 28 milliards d’euros sans mesure nouvelle, du fait de l’évolution spontanée des dépenses.
Mme Émilienne Poumirol. La faute aux exonérations !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Il y a donc un caractère d’urgence à nous engager résolument sur la voie d’un rééquilibrage des comptes sociaux. Veiller à leur équilibre, c’est tout simplement veiller à la soutenabilité de notre modèle de protection sociale.
De ce point de vue, ce PLFSS marque une étape importante, mais qui en appellera d’autres. Je le dis très clairement, il faudra nécessairement que l’effort se poursuive sur plusieurs exercices et qu’il trouve son prolongement dans des réformes structurelles, qui devront améliorer l’efficience des dépenses.
Le PLFSS pour 2025 prévoit donc un coup de frein réel, mais proportionné, me semble-t-il, des dépenses sociales. Le Gouvernement propose une progression maîtrisée de la dépense des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse de 2,8 %, soit 18 milliards d’euros de plus, après une augmentation de 5,3 % en 2024.
Sur l’année 2024, comme vous l’avez probablement lu dans la presse hier ou aujourd’hui, un risque a été détecté par la direction de la sécurité sociale sur les dépenses de médicaments, en raison d’un niveau des remises consenties par les laboratoires qui est inférieur de 1,2 milliard d’euros à la prévision qui avait été retenue jusqu’à présent.
En 2024, le jeu des stabilisateurs automatiques devrait permettre de contenir environ un tiers du dépassement qui aurait résulté de cette nouvelle prévision. Ainsi l’Ondam pour 2024 sera revu de 0,8 milliard d’euros à la hausse.
Le Gouvernement en a immédiatement informé le Parlement. Nous travaillons actuellement, en lien avec la commission des affaires sociales, à des mesures qui devraient nous permettre de réagir rapidement, afin de ramener à 0,2 milliard d’euros le dépassement par rapport à la trajectoire de l’Ondam pour 2025 présentée en texte initial.
Nous proposons tout d’abord de mobiliser différents leviers de maîtrise de la dépense des médicaments, pour un rendement estimé à 600 millions d’euros.
Nous proposons ensuite de baisser le plafond des remises sur les médicaments génériques, pour environ 100 millions d’euros.
Nous proposons également d’introduire le tiers payant pour les médicaments biosimilaires et hybrides, afin d’accélérer leur diffusion, à l’instar de ce que nous faisons déjà pour les génériques, ce qui permettrait d’économiser 50 millions d’euros.
Nous proposons encore d’activer la clause de sauvegarde sur les dispositifs médicaux. Le montant Z sera révisé à la marge, afin de tenir compte de l’actualisation des prévisions sur la base des dernières données disponibles. Cela représente 150 millions d’euros.
Nous proposons enfin d’étendre les accords de maîtrise de prix-volume aux transports sanitaires. Cela représente 100 millions d’euros d’économies, soit l’équivalent du dérapage constaté en 2024 pour cette dépense.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, en toute transparence, les mesures que propose le Gouvernement pour freiner la nouvelle évolution de l’Ondam prévue sur l’année 2024.
À plus long terme, le Gouvernement souhaite se doter de nouveaux outils de régulation : ainsi, les amendements déposés en vue d’autoriser l’assurance maladie à appliquer de nouveaux plafonds de franchises spécifiques pour les transports sanitaires, d’une part, et les dispositifs médicaux, d’autre part, recevront un avis favorable. Compte tenu des délais de mise en œuvre opérationnels de ces dispositifs, il n’en est cependant pas attendu d’économies significatives dès l’année prochaine.
En 2025, quatre piliers permettront de ramener le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros, tout en finançant des mesures nouvelles.
Le premier pilier est la modulation de l’indexation des pensions de retraite. Comme cela a été annoncé, un compromis a été trouvé, afin de corriger la copie initiale présentée par le Gouvernement – c’était d’ailleurs l’une des propositions de la commission des affaires sociales du Sénat.
Toutes les retraites feront l’objet au 1er janvier 2025 d’une revalorisation égale à environ la moitié de l’inflation.
Les petites retraites feront l’objet d’une revalorisation complémentaire à l’été pour qu’elles ne soient pas affectées par cette mesure. Je précise que le calendrier et les modalités de revalorisation des minima sociaux restent inchangés.
Le deuxième pilier est la maîtrise des dépenses de l’Ondam, qui permettra de ramener la progression de celui-ci à son niveau spontané de 2,8 %.
Les marges de manœuvre que nous dégageons nous permettront de financer les mesures nouvelles que le Gouvernement souhaite déployer : en faveur des professionnels de santé libéraux, que nous proposons de revaloriser via une enveloppe de 1,6 milliard d’euros ; en faveur de l’hôpital, dont nous proposons d’augmenter le budget de 3 milliards d’euros ; en faveur des établissements sociaux et médico-sociaux, dont nous proposons d’accroître le budget de plus de 2 milliards d’euros.
Le troisième pilier est constitué par les réformes d’efficience. Je pense notamment à celle des allégements généraux, qui doit nous permettre de lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires. Mais, comme vous le savez – nous l’avons dit à plusieurs reprises –, nous sommes ouverts à des ajustements sur ce point, afin de modérer la contribution demandée aux entreprises et aux employeurs.
J’ajoute – c’est le quatrième pilier – que nous continuerons à amplifier nos efforts en matière de lutte contre la fraude sociale, en lien avec les caisses du régime général, l’Urssaf et la Mutualité sociale agricole (MSA). Je l’ai dit, nous avons repris plusieurs amendements en ce sens qui étaient issus de l’Assemblée nationale. Je relève également des propositions intéressantes de la commission des affaires sociales du Sénat sur ce sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis, aux côtés de mes collègues du Gouvernement, de travailler avec vous dans les prochains jours pour améliorer encore ce PLFSS, qui est avant tout, je le crois profondément, un texte d’urgence, mais aussi et surtout de responsabilité collective. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Khalifé Khalifé applaudit également.)