M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail est au cœur du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le travail finance notre protection sociale : les contributions sur le travail sont encore la ressource très majoritaire de la sécurité sociale. Les travailleurs et les employeurs comptent sur l’assurance santé, sur l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles et sur une assurance vieillesse qui protège et qui tienne ses promesses durablement.
Notre discussion s’ouvre aujourd’hui dans un contexte différent, dans un environnement économique qui se tend, avec un niveau élevé de défaillances d’entreprises et d’importantes conséquences sociales dans les territoires, avec l’annonce de plusieurs plans sociaux.
Je profite de ce passage à la tribune pour saluer les projets d’accords trouvés vendredi dernier entre les organisations de salariés et les organisations patronales sur l’assurance chômage et l’emploi de seniors.
Mme Émilienne Poumirol. On prend les mêmes et on recommence !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Ce premier succès démontre qu’une nouvelle méthode et un dialogue social renouvelé permettent des avancées importantes. Il souligne également combien les partenaires sociaux sont des acteurs incontournables de la vie démocratique, sociale et économique du pays.
Il souligne encore qu’il est important de faire confiance au dialogue social – je sais que votre assemblée et son président y sont particulièrement attachés. Le succès de ces négociations est une réussite collective.
Alors que l’assurance chômage doit pleinement jouer son rôle de filet de sécurité, les différents points de l’accord conclu récemment permettent aujourd’hui de répondre aux enjeux.
Je reviens au cœur de mon propos sur le PLFSS. Pour tous les salariés de ce pays, pour tous les employeurs, nous avons la responsabilité collective de protéger notre modèle social, de le rendre plus efficace et d’en garantir la soutenabilité.
Si le travail et l’activité financent notre protection sociale, aujourd’hui, objectivement, ils ne suffisent pas.
Nous devrons, à terme, réfléchir à un mode de financement différent de notre protection sociale. Dans l’immédiat, personne ne peut se satisfaire que notre modèle social soit financé de facto par le déficit et l’emprunt !
Il nous faut donc travailler plus et mieux, tous et mieux, plus longtemps et en meilleure santé, afin de financer nos investissements d’avenir et notre protection sociale.
Ministre du travail et de l’emploi, mon rôle est d’abord de faire en sorte que notre économie continue à créer des emplois. Il est aussi de faire en sorte que ces emplois offrent un travail de qualité, exercé dans de meilleures conditions et que cette contribution soit reconnue. C’est ce que nous proposons aussi au travers de ce PLFSS.
Sur l’emploi et le travail, le PLFSS est d’abord un outil pour favoriser le dynamisme salarial et le travail qui paie. C’est le sens premier de l’article 6. Nous avons un double impératif : soutenir l’emploi dans le contexte particulier que l’on connaît ; développer la compétitivité de nos entreprises.
Avec cet article 6, nous souhaitons ouvrir un débat important. De fait, pour la première fois depuis très longtemps, cet article prévoit de réviser à la baisse des allégements de cotisations patronales. L’Assemblée nationale l’a supprimé sans proposer de solution de rechange, mais le texte arrive finalement au Sénat dans son état initial.
Je suis persuadée qu’il ne peut pas y avoir de cohésion sociale sans entreprises qui marchent, et inversement. La préservation de l’emploi est une priorité !
Je partage donc le souci exprimé de protéger l’emploi et de limiter la dynamique d’augmentation du coût des allégements généraux.
Pour tenir compte de ces différentes contraintes, le Gouvernement, comme Laurent Saint-Martin l’a récemment souligné, est prêt à revoir le rendement de cette mesure. Ce sera tout l’objet des discussions que nous aurons au Sénat.
Nous devrons également avancer sur l’articulation entre salaires, cotisations sociales et prestations. C’est l’un des enjeux de l’allocation sociale unique, chantier que le Premier ministre vient de relancer, sous l’égide de mon collègue Paul Christophe.
De la même manière, en dehors du champ du PLFSS, sur les minima conventionnels et les classifications professionnelles, qui contribuent grandement au tassement des grilles salariales, nous avons commencé à recevoir les branches qui tardent trop et, de façon structurelle, à négocier sur ces points.
Nous devons enfin, sur la question des salaires, examiner la question du temps partiel subi, qui, à 80 %, concerne des femmes. L’inspection générale des affaires sociales (Igas) va rendre très prochainement un rapport sur la question. J’aimerais que les partenaires sociaux comme les parlementaires puissent s’en saisir rapidement.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les leviers sont nombreux. Nous devons les activer pour que le travail paie dans notre pays.
Ainsi que je l’ai dit lors de mon audition par la commission, je suis, comme vous tous, attachée à la responsabilité budgétaire. Celle-ci est le deuxième axe de ce qui concerne le travail et l’emploi dans ce PLFSS. Un effort collectif doit être réalisé, afin d’assurer la pérennité de notre modèle social tout en préservant les plus vulnérables.
La proposition du Sénat tendant à instituer une contribution de solidarité par le travail est intéressante. Elle permettrait de mieux financer la branche autonomie, tout en présentant une grande souplesse d’application, laissant de la place au dialogue social.
Pour ce qui concerne les pensions de retraite, votre commission des affaires sociales a adopté une nouvelle rédaction de l’article 25, avec une revalorisation en deux temps : de l’ordre de la moitié de l’inflation pour tous au 1er janvier et une revalorisation complémentaire rétroactive à intervenir au 1er juillet, de manière que les pensions inférieures au Smic soient revalorisées au niveau de l’inflation.
Je veux rappeler ici pourquoi nous soutenons cette mesure.
Nous partageons tous l’objectif de garantir la soutenabilité et la pérennité de notre régime de retraite par répartition. La dégradation de la situation économique appelle des mesures qui produisent leur effet à court terme, tout en gardant un esprit de solidarité et de justice.
Par ailleurs, je rappelle que le précédent gouvernement a utilisé un instrument très puissant, en janvier de cette année, en revalorisant les pensions de 5,3 %, une mesure à 14 milliards d’euros pour les finances publiques.
Les retraités ne constituent pas plus que les salariés un bloc homogène. Je pense que cet article permet de préserver à la fois les retraités et les plus fragiles d’entre eux.
Enfin, garantir la soutenabilité du système de retraite oblige aussi à regarder en face la situation de certains régimes déficitaires, comme la CNRACL.
Le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers souffre d’une démographie défavorable, avec moins de cotisants, plus de pensionnés et un taux de cotisations employeur très inférieur à celui du reste de la fonction publique.
Sans réforme, la CNRACL présenterait, en 2030, un déficit de 10 milliards d’euros – sur les 14 milliards d’euros de déficit de l’ensemble de la branche vieillesse.
Nous y répondons en procédant à une augmentation progressive des cotisations des employeurs. Nous avons fait le choix de hausses graduelles, plutôt que du choc préconisé par les inspections dès 2025. Les discussions en commission des affaires sociales ont permis d’enrichir ce texte, et les dispositions de l’amendement déposé par Mme la rapporteure générale vont dans le sens d’une plus grande progressivité et d’un lissage. Bien entendu, le Gouvernement soutiendra cette proposition.
Je veux maintenant évoquer la branche maladie.
Le montant des indemnités journalières (IJ) est passé de 8 milliards d’euros en 2017 à 17 milliards d’euros en 2023. Cette croissance ne s’explique qu’en partie – à hauteur de 58 % – par le vieillissement de la population active et par les conséquences automatiques des revalorisations du Smic. Elle doit donc nous interroger.
Nous avons intégré, dans ce PLFSS, une mesure d’économie sur les IJ qui sera mise en œuvre par voie réglementaire.
J’ai conscience qu’il s’agit d’une réponse de court terme, qui transfère le coût vers l’employeur et qui risque de polariser un peu plus encore le monde du travail, entre les salariés qui sont protégés par de bonnes conventions collectives et ceux qui ne le sont pas. Cette mesure comptable était nécessaire, sans être satisfaisante.
Nous devrons impérativement réexaminer le système des IJ dès que le budget sera voté, afin de trouver un meilleur équilibre, plus juste, entre responsabilité individuelle, responsabilité de l’entreprise et solidarité nationale.
Je souhaite que nous puissions en discuter au Parlement, mais nous devrons aussi échanger avec les partenaires sociaux et les chercheurs en mettant ces sujets sur la table dès janvier 2025.
Après le travail qui paie et la responsabilité budgétaire, un troisième grand axe de ce PLFSS pour le travail et l’emploi est formé de mesures de justice sociale et d’appui aux entreprises.
En matière agricole, ce PLFSS contient plusieurs progrès significatifs, comme la pérennisation de la hausse des exonérations de cotisations patronales sur le travail saisonnier et la hausse des exonérations de cotisations au moment de l’installation, des avancées qui ont été demandées en janvier dernier.
Pour ce qui concerne les exonérations pour les travailleurs saisonniers, nous avons complété le dispositif : à l’Assemblée nationale, nous avons pu avancer avec les députés engagés sur ce sujet, de manière à neutraliser les effets de la réforme des allégements généraux sur le dispositif dit travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE).
L’application de cette disposition outre-mer pose des difficultés spécifiques. Un rapport de l’Igas et de l’inspection générale des finances (IGF) sera d’ailleurs rendu dans les prochains jours ; il a déjà été présenté aux sénateurs et députés ultramarins. Ce bilan montre qu’il existe des marges d’efficacité pour que cette exonération soit mieux ciblée et plus efficace et pour qu’elle soutienne mieux l’emploi.
Un travail doit être engagé sur le sujet dans le cadre de l’ordonnance prévue à l’article 6. En attendant, il paraît sage de neutraliser l’impact de l’article 6 sur la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) ; le Gouvernement sera ouvert à toutes les propositions.
Nous mettons aussi en œuvre la convergence du mode de calcul des retraites des agriculteurs avec le régime général. Il s’agit d’une mesure de justice sociale, qui permet de tenir compte des importantes variations des revenus agricoles au cours des mauvaises années.
Nous avions travaillé avec les députés pour accélérer au maximum l’entrée en vigueur de cette réforme. Le Gouvernement a déposé un amendement pour anticiper certains effets de la réforme dès 2026. Ce point aussi pourra être amélioré dans le cadre de nos discussions.
Je veux aborder un dernier point très important : l’article 24 du PLFSS, qui souligne l’importance du dialogue social auquel nous sommes attachés. En effet, cette disposition permet la bonne transposition dans la loi de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023 concernant l’indemnisation des accidents du travail.
Je sais que le Sénat y est particulièrement attentif – je pense notamment aux sénatrices Annie Le Houerou et Marie-Pierre Richer, qui ont rendu un rapport d’information sur la question au début du mois d’octobre.
La transposition est un exercice délicat : le passage des termes d’une négociation sociale serrée au droit positif n’est pas toujours évident. D’ailleurs, pour ceux qui s’en souviennent, la rédaction adoptée l’an dernier n’était pas totalement satisfaisante… Les partenaires sociaux ont été conduits à préciser certains termes de l’accord de 2023.
Cet automne, un travail soutenu, réalisé avec les partenaires sociaux et les parlementaires, a permis d’aboutir à une meilleure transcription de l’ANI, une transcription plus complète qui apporte des améliorations substantielles. Il s’agit notamment de permettre une sortie en capital, à la demande de la victime, pour la part majorée qui indemnise le préjudice personnel et qui est versée en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Derrière le vocabulaire juridique, il y a des situations douloureuses, celles de personnes qui n’ont plus qu’une faible espérance de vie et qui préfèrent opter pour une sortie en capital, avec de l’argent immédiatement disponible, plutôt que pour une rente. C’est ce qui sera rendu possible par l’article 24.
Le Gouvernement soutiendra les amendements qui ont été travaillés avec les partenaires sociaux et les sénateurs et dont les dispositions permettent d’améliorer réellement le dispositif.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, le choix que nous vous proposons en matière de travail et d’emploi.
Beaucoup de discussions ont lieu depuis que le texte est passé en conseil des ministres. Certains débats ont commencé à l’Assemblée nationale sans pouvoir aboutir. Il vous revient maintenant de faire des choix pour soutenir le travail et l’activité, des choix responsables et qui ne cèdent en rien au court-termisme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales et M. Khalifé Khalifé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons ensemble une responsabilité sur la partie du PLFSS qui concerne les solidarités.
Comme vous le savez, l’Assemblée nationale n’a pu aller jusqu’au bout de l’examen du texte proposé. Je n’ai donc pu défendre les articles qui me concernaient. Nous procéderons ensemble aux évolutions nécessaires, et je serai autant que possible le garant de la prise en compte des souhaits des députés, en complément des vôtres.
Je rappelle également que le texte qui vous est proposé a été préparé dans un cadre budgétaire contraint, et rapidement. Il est donc perfectible. Je sais que vous avez des avancées importantes à proposer ; j’y reviendrai.
Si nous avons eu le temps de les évoquer en audition, je tiens à rappeler ici les grands principes qui guident le budget de mon ministère, à savoir l’efficience, qui va de pair avec la fraternité, avec un budget d’investissement dans notre avenir, c’est-à-dire dans notre modèle de solidarité, et la prise en compte de notre transition démographique.
Dans le contexte budgétaire actuel, nous savons que les plus vulnérables d’entre nous seraient les premiers à souffrir d’un dérapage des finances publiques.
Les commissaires des affaires sociales peuvent en témoigner compte tenu des échanges que nous avons eus : mon ministère entend prendre toute sa part à l’effort collectif pour que la fraternité – la troisième valeur républicaine, celle qui apporte une indispensable dimension humaine – continue d’être un principe général d’action publique.
Je les remercie du travail qui a été mené. Celui-ci sera encore approfondi à partir d’aujourd’hui dans cet hémicycle. En effet, si les moyens des solidarités sont en hausse pour accompagner toutes les familles et tous les Français, il nous faut aussi – c’est indispensable – renforcer l’efficacité au juste coût, autrement dit l’efficience de nos moyens publics.
Pour ce faire, nous encouragerons les améliorations dans les pratiques d’achat des établissements et les mises en commun des ressources.
Nous favoriserons une sobriété médicamenteuse dans les établissements, car nous savons qu’un usage abusif des médicaments peut détériorer la santé et altérer la qualité de vie de nos concitoyens.
Nous lutterons contre toutes les formes de mésusage des moyens publics, lesquels doivent toujours aller à la qualité de l’accompagnement des usagers.
À cet égard, je vous remercie, madame la sénatrice Aeschlimann, de votre amendement visant à s’assurer que le complément de libre choix du mode de garde dit structure soit bien utilisé uniquement au bénéficie de la qualité de prise en charge.
Je commencerai en évoquant la politique familiale, qui est une priorité du Gouvernement et du Premier ministre.
Ce PLFSS conforte tout d’abord les moyens prévus pour le service public de la petite enfance. Celui-ci est crucial et a un impact considérable sur la vie des Français. Il est nécessaire d’agir de manière résolue et continue si l’on veut réduire les tensions sur l’offre d’accueil et la charge qui en découle pour les parents, et nous devons aller plus loin dans le contrôle de la qualité de cette offre.
Concrètement, nous renouvelons le défi de créer 35 000 places dans les établissements d’accueil du jeune enfant, en finançant les investissements nécessaires à horizon de 2027.
Nous poursuivons également la revalorisation des professionnels, qui sont essentiels à notre ambition pour la petite enfance. Dès cette année, le bonus attractivité commence son déploiement, pour augmenter les salaires nets à hauteur de 150 euros en moyenne en début de carrière.
Le service public de la petite enfance bénéficiera à partir du 1er janvier 2025 d’un nouvel élan, grâce aux compétences obligatoires conférées aux communes : celles-ci auront le rôle de recenser l’offre disponible et disposeront enfin de nouveaux outils pour assurer la qualité de l’accueil du jeune enfant.
De fait, l’objectif de ce service public est aussi et surtout de renforcer la sécurité des jeunes enfants. Les lieux d’accueil sont les premiers lieux de la vie ; ils doivent la protéger.
Nous devons tourner la page des intolérables situations d’optimisation financière, qui font souffrir nos enfants et les professionnels et qui créent une défiance des parents.
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. Paul Christophe, ministre. Rôle renforcé des communes, revalorisation des professionnels, création de nouvelles places : telles seront les clés d’une confiance retrouvée et d’un secteur consolidé.
M. Xavier Iacovelli. Très bien !
M. Paul Christophe, ministre. Je sais que le Sénat a des propositions sur les modalités de financement des crèches. Comme ma collègue Agnès Canayer, je les considère avec attention, tout en ayant à l’esprit le besoin de stabilité et de visibilité du secteur, en cette période décisive pour la relance de la création de places de crèche.
Je vous rappelle aussi que nous devons toutes et tous ici prêter une attention particulière aux familles monoparentales, dont la charge incombe plus souvent à des femmes.
À partir de 2025, comme prévu, la branche famille financera à hauteur de 600 millions d’euros en année pleine une réforme du complément de libre choix du mode de garde. Ce dernier pourra être versé, pour les familles monoparentales, jusqu’aux 12 ans de l’enfant, contre 6 ans actuellement.
Tous les parents sans exception ont besoin de concilier leurs différents temps de vie. Pour qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle, nous devons favoriser leur accès à l’emploi et leur maintien dans la vie professionnelle. Ces exigences nécessitent une hausse des dépenses de près de 2 milliards d’euros sur la branche famille en 2025.
Pour ce qui concerne le projet de « congé de naissance » ou « d’accueil du jeune enfant » – peu importe le nom –, je partage avec Agnès Canayer et Salima Saa le besoin d’ajouter un nouveau droit, après les congés maternité et paternité. Nous allons reprendre les concertations pour faire plus simple et plus efficace, au service du développement lors des 1 000 premiers jours de l’enfant et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
La valeur de fraternité porte également nos actions en faveur des personnes en situation de handicap.
Je souhaite, avec Charlotte Parmentier-Lecocq, conforter les mesures de la Conférence nationale du handicap (CNH) et la dynamique impulsée par les jeux Paralympiques en faveur d’une société plus inclusive.
Le PLFSS prévoit ainsi une accélération du déploiement des 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement. Le rythme prévu s’appuyait sur 200 millions d’euros environ par an. Nous porterons l’enveloppe disponible à 270 millions d’euros supplémentaires en 2025.
Cette dynamique doit rendre possible, dès 2025, le déploiement effectif de 15 000 solutions plus individualisées, plus adaptées aux besoins spécifiques des personnes, au plus près de leurs lieux de vie.
On ne peut pas tout standardiser. Nos politiques visent à faciliter le sur-mesure. Si besoin, ces solutions pourront bénéficier, en complément, du fonds de transformation de l’offre de 250 millions d’euros annoncé en Comité interministériel du handicap et confirmé dans le PLFSS.
La transformation vers le milieu ordinaire ne se décrète pas. Elle s’accompagne et doit être dotée de moyens.
Dans ce contexte, nous aurons une attention particulière à l’école pour tous, à laquelle je crois profondément. Je le dis souvent, votre camarade de classe en situation de handicap peut être votre ami aujourd’hui, votre collègue de demain ou votre futur compagnon ou époux.
Une société est véritablement inclusive quand elle combat activement les préjugés dès le début de la sociabilisation. C’est de cette manière que l’on bâtit une société nativement inclusive.
Pour ce faire, notre école a besoin de moyens d’accompagnement médico-sociaux. Mon ministère est en mesure de les fournir.
Toutefois, avant même l’école, il y a le repérage, qu’il faut réaliser le plus tôt possible. À cet égard, nous apportons, avec Mme la sénatrice Guidez, une amélioration sur le service de repérage, pour nous assurer qu’il aille bien jusqu’aux 6 ans révolus de l’enfant, c’est-à-dire 6 ans et 344 jours, et non 5 ans et 344 jours. Cette correction a son importance, car un repérage et un diagnostic précoces sont essentiels pour éviter les risques de surhandicap.
J’en viens à un sujet d’attention pour lequel les défis sont toujours devant nous : le vieillissement de la population. Nous en avons beaucoup parlé, et nos préoccupations sont communes.
Oui, il faut se préparer dès maintenant à l’augmentation importante du nombre de personnes de plus de 85 ans qui auront besoin d’un soutien dans leur autonomie.
Le vieillissement de notre population est une réalité incontournable, même si – j’ai plaisir à partager avec vous cette information – le vieillissement en bonne santé s’améliore enfin dans notre pays, comme les toutes dernières statistiques de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) viennent d’en témoigner. La prévention paie !
En anticipant ce phénomène et en repensant notre approche politique, nous ne ferons pas seulement face à cette situation : nous garantirons également la préservation des valeurs fondamentales qui font la France.
Dans l’immédiat, nous faisons face à une urgence : la situation financière difficile des Ehpad ne peut plus durer ! C’est dans l’intérêt des résidents, des professionnels, des familles et des valeurs sociales de notre pays.
Aujourd’hui, 90 % des Ehpad de demain sont déjà là. Nous avons besoin d’eux ! Or leurs difficultés financières sont structurelles, comme l’ont montré plusieurs rapports parlementaires. J’ai bien l’intention d’apporter, avec vous, des solutions pérennes face à cet enjeu, et j’ai examiné avec attention les nombreux amendements déposés en ce sens.
Le sujet des Ehpad n’est pas seulement financier. Ceux-ci doivent se transformer : au-delà du « bien vieillir », il faut en faire des lieux de « bien vivre ». Certains logent des étudiants, abritent des crèches conjointes, des services publics. Certains accueillent même parfois des lieux de convivialité pour tout un quartier. Des investissements immobiliers supplémentaires sont prévus à cet effet dans le PLFSS.
Évidemment, le financement des Ehpad doit également être simplifié. Ils ne sont pas uniquement financés, comme vous le savez, par la sécurité sociale. Or le renvoi de responsabilités entre cofinanceurs est délétère.
En complément d’une mesure de la loi Bien Vieillir, le PLFSS prévoit ainsi de financer de manière volontariste l’expérimentation du financement de l’entretien de l’autonomie en Ehpad, qui relève aujourd’hui des départements, par la branche de la sécurité sociale du même nom.
Cette réforme, pour laquelle 23 départements candidats sont retenus, représente un surcoût total d’environ 200 millions d’euros pour la sécurité sociale.
Cependant, nous croyons tous au caractère structurant de cette expérimentation, au point que certains voudraient en réduire la durée de quatre à deux ans. C’était le souhait de la députée Annie Vidal, que je me permets de citer ici. Je comprends que c’est aussi votre souhait, madame la sénatrice Deseyne. Je vous confirme que j’y serai favorable.
Durant l’année passée, nous avons travaillé dans ces 23 départements pour la fusion des sections qui commencera maintenant dans seulement un mois et demi si cette disposition est votée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attire votre attention sur le fait que ce calendrier ne permet plus de modification. Nous avons besoin de tous les services impliqués dans cette expérimentation, dont les agences régionales de santé (ARS) et les équipes des départements, que je remercie par ailleurs. Ils ont besoin de stabilité.
Enfin, les moyens des Ehpad augmenteront, tous départements confondus, via le recrutement d’environ 6 500 professionnels supplémentaires, pour atteindre au plus vite les 50 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires annoncés pour 2030.
Ces évolutions aboutissent à une hausse des moyens dédiés aux personnes âgées d’environ 6 % en 2025, soit une augmentation supérieure à celle de l’année dernière.
Accompagner le vieillissement, c’est également soutenir nos aides à domicile, grâce auxquelles se réalise le souhait de nombreux Français de vieillir chez eux, que ce soit à leur domicile historique ou dans une résidence adaptée.
En accord avec la loi Bien Vieillir d’avril 2024, nous proposons, dans ce PLFSS, une nouvelle aide financière de 100 millions d’euros à destination des départements, qui la dirigeront vers les aides à domicile, afin de soutenir une partie de leurs dépenses en mobilité. En effet, les aides à domicile, qui sont souvent des femmes, financent encore leurs déplacements professionnels, ce qui est inacceptable !
Surtout, et c’est un effort important annoncé par le Premier ministre lors des Assises des Départements de France en fin de semaine dernière, nous allons préserver intégralement les taux de compensation des départements sur les dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie et de prestation de compensation du handicap en 2025.
Cela a un coût : environ 200 millions d’euros. Cette somme sera ajoutée aux dépenses de la branche. Mais c’est aussi un signal fort pour mettre fin à un système de concours daté et illisible, qui ne répond plus aux besoins démographiques à venir.
Aujourd’hui, le montant des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) dépend de l’évolution de ses recettes. L’enjeu est évidemment de les faire évoluer en fonction des besoins identifiés sur les territoires.
C’est ce que nous faisons avec ces 200 millions d’euros pour 2025, en nous assurant que, malgré une hausse dynamique des dépenses liée au vieillissement, le taux de compensation sera maintenu.
En lien avec Départements de France et à partir de ce premier mouvement significatif, nous négocierons ensemble des règles d’évolutions claires en 2026 et pour les années suivantes, afin de faire converger les taux de compensation et de donner à ces collectivités essentielles une visibilité sur l’accompagnement à venir de la sécurité sociale par rapport à des besoins en hausse.
C’est aussi cela la nouvelle méthode partenariale du Gouvernement avec les collectivités territoriales sur cet enjeu déterminant du vieillissement.
Enfin, je souhaite conclure en évoquant un sujet que je porte depuis plusieurs années, celui des 11 millions d’aidants de personnes en situation de handicap ou âgées en perte d’autonomie.
Je vous confirme que le PLFSS prévoit une augmentation des moyens pour le déploiement de nouvelles places de répit, et je surveille avec attention le déploiement des droits rechargeables du congé proche aidant pour chaque nouvelle personne aidée.
Je souhaite par ailleurs donner un nouveau souffle à la stratégie Agir pour les aidants, que les récents soubresauts démocratiques n’ont pas permis de porter autant que ce sujet le méritait. Un comité de suivi aura bien lieu avant la fin de l’année.
J’en profite pour ajouter que, dans une logique de convergence sociale à Mayotte, madame la sénatrice Ramia, et d’égalité de traitement entre tous nos concitoyens, je serai favorable à l’extension de l’assurance vieillesse des aidants à Mayotte.
Ceux qui accompagnent leurs proches doivent pouvoir cotiser au titre de leurs droits à la retraite pendant cette période partout sur notre territoire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les modifications de la trajectoire de la branche autonomie aboutissent à une hausse des dépenses en 2025, non plus de 2,4 milliards d’euros, mais de 2,6 milliards d’euros, compte tenu des efforts sur les concours. J’assume ces investissements nécessaires, au bénéfice aussi bien de la fusion des sections que du respect de notre mouvement de développement de l’offre à l’horizon 2030. Les Français comprennent très bien le vieillissement de notre pays et sont prêts à les soutenir.
Cela ne nous exempte ni d’exercer un devoir d’efficience ni de continuer à travailler sur la conciliation entre la responsabilité individuelle et la socialisation du risque autonomie, sachant que nous avons consacré ce dernier il y a maintenant quatre ans lors de la création de la branche. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)