M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Alors que les projets de loi de ce type existent depuis plus d’un quart de siècle, celui que nous examinons aujourd’hui est probablement le plus lourd d’enjeux.

Tout d’abord, la situation des finances publiques, sociales en particulier, connaît une dégradation sans précédent, et cela hors période de crise. En 2024, le déficit public atteindrait ainsi 6,1 % du PIB, contre une prévision à 4,4 %. Le déficit de la sécurité sociale était estimé, lui, à 18 milliards d’euros – du moins, jusqu’à il y a quelques heures : on dépasserait plutôt les 19 milliards d’euros désormais… La prévision de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 était de 10,5 milliards d’euros.

Ensuite, la discussion des textes financiers se déroule, cet automne, sous la surveillance de l’Union européenne et des marchés financiers, car la France fait, de nouveau, l’objet de la procédure de déficit excessif. Les pouvoirs publics, qui veulent obtenir un délai de sept ans au lieu de quatre ans pour revenir à un déficit sous les 3 % du PIB, doivent donc envoyer un message clair de maîtrise des comptes.

Du côté des marchés financiers, la situation n’a, pour l’instant, rien de dramatique. Mais s’ils avaient l’impression d’une perte de contrôle de ses finances publiques par la France, il en irait autrement…

J’attire également votre attention sur le fait que, selon la loi organique, l’autorisation de s’endetter pour la sécurité sociale ne peut figurer que dans les lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, chacune d’entre elles comprend un article qui y est consacré – l’article 13 cette année. Rejeter le PLFSS relèverait de l’aventurisme juridique, donc financier, dès lors qu’une sécurité sociale en fort déficit se finance en empruntant à court terme sur les marchés.

J’en viens aux mesures de redressement proposées par le Gouvernement dans la sphère sociale. Les chiffres sont sans précédent : 14,8 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques et 12,4 milliards d’euros pour la seule sécurité sociale.

La nécessité de mesures d’une telle ampleur apparaît dans le seul fait que, malgré leur montant, elles ne suffiraient pas à ramener le déficit sur la trajectoire prévue il y a un an. Compte tenu, notamment, des conditions de son élaboration, ce PLFSS, comme l’a dit Mme la ministre de la santé tout à l’heure, n’a pas vocation à réaliser des mesures structurelles.

Mme Émilienne Poumirol. Ça, c’est sûr !

Mme Laurence Rossignol. En avant toute ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s’agit essentiellement, à ce stade, de mesures paramétriques destinées, dirais-je, à éteindre l’incendie.

La commission des affaires sociales défendra un certain nombre de modifications, avec plusieurs fils rouges.

Tout d’abord, il ne faut pas dégrader un solde déjà très préoccupant, ce qui suppose, même si c’est difficile et, je le dis à titre personnel, douloureux, des efforts de tous.

Ensuite, cet effort doit être équitablement réparti entre les assurés, les actifs, les retraités, les employeurs et les acteurs de la sécurité sociale.

Enfin, dans un cadre aussi contraint, il convient de préserver l’emploi et les petites retraites, tout en soulageant les finances tendues des établissements de santé et des collectivités territoriales.

Certaines de nos propositions dégraderont le solde, d’autres l’amélioreront. L’effet global est neutre. Je vais vous les présenter à grands traits.

La mesure la plus importante, financièrement parlant, de ce PLFSS, est la réforme des allégements généraux de cotisations patronales, qui doit améliorer le solde de 4 milliards d’euros, augmentation qui reposerait notamment sur les salariés proches du Smic.

Les calculs de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), que nous confirmons, montrent que, telle qu’elle est actuellement rédigée, cette disposition détruirait quelque 50 000 emplois. La commission a donc adopté deux amendements visant à maintenir ces allégements pour les salaires au niveau du Smic.

La deuxième mesure, en montant, est le report de la revalorisation des retraites, qui représente un gain de 3,6 milliards d’euros.

Il nous paraît nécessaire d’épargner les petites retraites. C’est pourquoi Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse, défendra un amendement qui a pour objet une revalorisation différenciée : en plus de la majoration de toutes les retraites au 1er janvier 2025, les plus modestes bénéficieraient d’un coup de pouce en juillet.

La trajectoire financière du PLFSS dépend également de mesures réglementaires.

Tout d’abord, le Gouvernement entend augmenter le taux de cotisations à la CNRACL, pour un montant de 2,3 milliards d’euros en 2025. Je présenterai un amendement au rapport annexé visant à remplacer la hausse de quatre points, trois fois, par une augmentation de trois points, quatre fois, afin d’étaler davantage l’effort des collectivités locales et des hôpitaux.

Nous comptons aussi sur un geste du Gouvernement en faveur des Ehpad et des départements pour l’aide à domicile. La sagesse enjoindrait également de ne pas baisser de dix points le ticket modérateur sur les consultations médicales.

Toutes ces mesures représentent un coût de 3 milliards d’euros. Afin de ne pas dégrader le solde, il convient donc de trouver un montant équivalent de recettes ou de moindres dépenses.

À ces fins, plusieurs leviers sont utilisés, dont la fiscalité comportementale et la lutte contre la fraude et les actes redondants.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous proposerons, enfin, d’instaurer une contribution de solidarité reposant sur sept heures supplémentaires de travail par an, dans une forme à définir librement avec les acteurs du terrain. Il ne s’agit donc pas de supprimer un jour férié, comme on l’entend parfois. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Cela revient au même !

Mme Annie Le Houerou. Travailler plus pour gagner moins…

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure

générale de la commission des affaires sociales. Cette mesure assurerait le financement à long terme de la branche autonomie et, dans l’immédiat, le soutien, que j’ai précédemment mentionné, aux Ehpad et aux départements.

Elle dégagerait aussi des fonds pour des mesures nouvelles, comme la réforme de la prise en charge des fauteuils, qui a été annoncée par le Président de la République en début d’année, mais qui n’avait toujours pas trouvé son financement…

Cependant, ce PLFSS ne fait que répondre à l’urgence. Ce qu’il faut, c’est ramener les finances sociales à l’équilibre, ce qui suppose, tout d’abord, une trajectoire pour y revenir. Celle qui figure au rapport annexé, qui affiche un déficit de 20 milliards d’euros pour 2028, n’est qu’une prévision sur la base des mesures déjà connues – l’un de mes amendements tendra à préciser ce point.

Revenir à l’équilibre nécessite, ensuite, des mesures structurelles. L’on ne peut, chaque année, réduire des droits : il faut rendre le système de protection sociale et, en particulier, de santé, plus efficient, afin que le service rendu soit de même qualité, mais pour moins cher. Cela ne saurait émaner que de réformes de fond, que nous espérons.

C’est seulement à cette condition qu’il sera possible de réaliser un nouveau transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Celui-ci devra advenir rapidement, afin que la dette sociale ne s’accumule pas à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce qui, comme le directeur général de cette dernière l’a souligné en audition, serait extrêmement dangereux.

En effet, l’Agence ne peut emprunter qu’à court terme, même si l’on vient d’allonger d’un an la possibilité pour elle de le faire, ce qui la rend vulnérable en cas de crise de liquidité, comme l’a montré la crise sanitaire de 2020.

Le transfert d’une dette sociale significative à la Cades doit s’accompagner d’un recul de l’échéance d’amortissement de la dette sociale, actuellement fixée à 2033, par une disposition organique.

Pour moi, comme pour chacun d’entre vous, ce qui compte avant tout, c’est de maintenir notre protection sociale au plus haut niveau. Mais nous n’y parviendrons pas si nos finances publiques cessent d’être soutenables.

Nous devrons donc être prudents et courageux. Ce sera certainement douloureux, mais le pire serait de n’avoir ni la volonté ni le courage de formuler des propositions à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour lassurance maladie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, disons-le d’emblée : la situation de la branche assurance maladie est franchement préoccupante.

Ainsi, le déficit projeté en 2025 atteint 13,4 milliards d’euros selon le texte transmis, après un exercice 2024 ayant vu ce solde se dégrader de plus de 6 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale.

Alors que le déficit se creusera encore au moins jusqu’à 2028, l’horizon d’un retour à l’équilibre s’éloigne durablement, nous rendant particulièrement vulnérables à tout nouveau choc conjoncturel. Cela obère également notre capacité à relever les défis auxquels nous faisons face, alors que la santé demeure l’une des premières, si ce n’est la première préoccupation des Français.

Le Gouvernement nous informe que la situation en 2024 serait plus dégradée encore que ce qui était anticipé. Au pied du mur, nous n’avons d’autre choix que de tenir compte de ces nouveaux éléments de contexte pour 2025.

L’année prochaine, l’Ondam atteindrait 264 milliards d’euros, en hausse de 2,6 % par rapport à l’exécution de 2024. Cette projection, fortement contrainte, imposerait un niveau d’économies sans précédent, notamment sur les soins de ville et les produits de santé.

L’exercice ne paraît toutefois pas impossible : entre 2015 et 2019, je le rappelle, l’Ondam progressait en moyenne de 2,4 % par an.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Absolument !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Parce qu’elle n’adhère pas à plusieurs éléments sous-jacents de cette prévision, la commission défendra des positions fermes, dont elle souhaite que le Gouvernement tienne compte pour rééquilibrer ce PLFSS.

Il s’agit, en premier lieu, de lisser la hausse des cotisations à la CNRACL sur une durée plus longue, afin de respecter les besoins de financement des établissements. Madame la ministre de la santé et de l’accès aux soins, vous nous avez rassurés sur ce point, car, sans cet effort, c’est à l’asphyxie financière que nous les condamnons.

En deuxième lieu, il convient de limiter autant que possible la hausse du ticket modérateur annoncée par le Gouvernement sur les consultations de médecins et de sages-femmes. Celle-ci constitue un report de charges vers les assurés et induit une privatisation du financement de ces actes pivots.

J’ai bien relevé une hausse contenue à 5 %, madame la ministre, mais j’entends aussi parler d’une augmentation de 5 % du ticket modérateur sur les médicaments, dont il n’était jusqu’à présent pas question… Avouez que ce n’est guère satisfaisant.

La situation, alarmante, exige une mobilisation collective pour dessiner les contours d’un redressement financier dans un horizon raisonnable, sans sacrifier aux nécessités du présent. C’est à la recherche de cet équilibre délicat que nous invite le PLFSS : tenir des objectifs de dépenses resserrés tout en continuant à œuvrer pour la santé des Français.

Parce que ce texte impose à tous les contribuables des efforts considérables, l’inaction face à la fraude sociale et à l’inefficience de la dépense serait inaudible, voire coupable.

La commission a donc adopté deux amendements visant à renforcer notre arsenal de lutte contre la fraude, en sécurisant la carte Vitale et en organisant une meilleure articulation avec les complémentaires santé. Elle a également cherché à améliorer la pertinence des dépenses de santé, en limitant les actes redondants par la consultation et l’alimentation du dossier médical partagé (DMP).

Nous sommes également attentifs aux inquiétudes des professionnels de santé et des patients. Attachée à l’exercice conventionnel, la commission vous proposera de supprimer l’autorisation pérenne faite au Gouvernement et à l’assurance maladie de procéder à des baisses unilatérales de tarif. Ce type de mesures doit demeurer exceptionnel et nécessiter une autorisation parlementaire.

Nous vous inviterons également à recentrer la procédure d’accompagnement à la pertinence des prescriptions sur les produits de santé et les actes pour lesquels elle est la plus utile. Dans le contexte actuel, il serait particulièrement inacceptable de réduire le temps médical disponible par l’ajout de formalités inutiles.

La commission formulera, par ailleurs, plusieurs propositions destinées à améliorer l’anticipation et la gestion des pénuries de médicaments, qui continuent de s’aggraver près de deux ans après le lancement de la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française.

Enfin, dans les établissements publics de santé, la régulation des dépenses d’intérim des personnels paramédicaux remettra de l’équité dans les équipes soignantes. La commission souhaite son application homogène dans tous les secteurs, y compris le privé. Il convient, en parallèle, de poursuivre le relèvement des quotas de formation des infirmiers, afin de desserrer l’étau sur les ressources humaines des établissements.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, une stratégie de financement à la fois crédible et soutenable est désormais impérative.

Cet effort exige des arbitrages difficiles, dès 2025, ainsi que des choix politiques assumés. La commission invitera le Sénat à y prendre sa part, tout en demeurant attentif aux besoins de santé des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour lassurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la branche vieillesse connaît cette année une dégradation brutale de son déficit. Celui-ci s’est creusé de 3,6 milliards d’euros l’an passé et atteint désormais 6,3 milliards d’euros. Cela s’explique par les dépenses suscitées par la revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier 2024 à hauteur de 5,3 %, soit l’équivalent de l’inflation de l’année 2023.

Au-delà de ces dépenses ponctuelles, le solde de la branche vieillesse resterait fortement déficitaire pour les années à venir, en raison de l’augmentation du nombre des retraités et de la diminution de la population active.

Les effets de la réforme des retraites seront au rendez-vous, puisque celle-ci rapporterait 8 milliards d’euros en 2028. Ils ne seront toutefois pas suffisants pour ramener la branche vieillesse à l’équilibre. Aussi, je crains que nous ne soyons contraints, à l’avenir, de porter d’autres réformes des retraites. Je le dis ici clairement : la survie de notre système par répartition n’est pas acquise.

La trajectoire de la branche vieillesse, dont la situation s’est fortement dégradée, n’est pas tenable. L’an passé, nous projetions son déficit à 13,6 milliards d’euros en 2027. Je tiens à saluer les mesures de redressement qui figurent dans le PLFSS pour 2025 et qui modifient ces projections. Il nous faut désormais assainir nos finances, afin de ne pas porter préjudice aux générations futures et de préserver nos acquis sociaux.

Je souhaite toutefois que ces efforts soient répartis avec équité : tel est le sens d’un amendement de la commission des affaires sociales, à l’article 23, que je défendrai.

En outre, la commission propose que, exceptionnellement, les pensions de retraite ne soient pas revalorisées au 1er janvier au niveau de l’inflation de l’année passée, mais à hauteur de la moitié de la hausse des prix seulement. Nous demandons à nos concitoyens retraités de consentir à cet effort après la forte revalorisation dont ils ont bénéficié l’an dernier.

Nous ne sommes néanmoins pas égaux face à l’inflation ; il faut pouvoir se nourrir et se loger décemment. C’est pourquoi la commission souhaite préserver les plus faibles retraites, inférieures au Smic, qui bénéficieraient, d’une part, d’une seconde majoration au 1er juillet, équivalente à l’inflation, et, d’autre part, d’un rattrapage compensant la revalorisation plus faible de janvier.

Mes chers collègues, je ne puis évoquer devant vous le déficit de la branche vieillesse sans aborder la situation financière difficile de la Caisse nationale de retraites de la fonction publique des collectivités locales et hospitalières, la CNRACL, du fait de son ratio démographique très défavorable.

Le PLFSS pour 2025 prévoit une hausse de douze points du taux de cotisation des employeurs à cette caisse, soit quatre points de plus en 2025, 2026, puis 2027.

Or les finances des collectivités locales et des établissements hospitaliers sont exsangues. Parce que cet effort de redressement doit être tenable, je m’associe à la proposition d’étalement de cette hausse à trois points par an pendant quatre ans. Je forme également le souhait que la dette de la CNRACL puisse être rachetée par la Cades.

Enfin, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comprend la réforme très attendue du calcul de la retraite de base des non-salariés agricoles sur les vingt-cinq meilleures années d’assurance.

Votée en son principe par le Parlement aux termes de la loi du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses, portée par le député Julien Dive, elle devait entrer en vigueur au 1er janvier 2026. Je souhaite vraiment que cet engagement soit tenu.

Je rappelle que le Sénat a voté à l’unanimité la proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles, présentée par le président Philippe Mouiller et dont j’ai été rapporteur. (Bravo ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Nous proposions alors de maintenir la spécificité de ces retraites, à savoir leur mode de calcul selon un système de points qui se substitue aux revenus en fonction d’un barème redistributif. La solution retenue aux articles 22 et 3 prend en compte les vingt-cinq meilleures années de revenus. Je m’y associe malgré sa plus grande complexité, car elle me semble répondre aux objectifs qui étaient les nôtres : la date du 1er janvier 2026 doit être tenue !

Ainsi, elle exclura du calcul les mauvaises années de récolte et augmentera les pensions des polypensionnés, qui sont 85 % des non-salariés agricoles.

Les monopensionnés aux revenus les plus faibles ne seront pas perdants, grâce au rattrapage des minima de pension, dont les non-salariés exerçant leur activité agricole à titre secondaire pourront désormais bénéficier. J’insiste, de nouveau, sur la date d’entrée en vigueur : la Mutualité sociale agricole (MSA) indique qu’elle pourra appliquer la réforme aux pensions liquidées à compter du 1er janvier 2026. Je souhaite que cela soit acté.

Mes chers collègues, ces mesures donneront lieu à des débats riches et fournis. J’ai à cœur, néanmoins, que nous concilions nos deux objectifs de réduction de nos dépenses et de protection du pouvoir d’achat des citoyens les plus fragiles. Je le répète, il y va du maintien de notre système de retraite par répartition pour les actifs qui le financent aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en quatre ans, l’excédent de la branche famille a totalement disparu, sans qu’aucune réforme structurelle d’ampleur ait été mise en place sur la période. Selon les prévisions, la branche serait même en déficit de 500 millions d’euros en 2026. La période de la covid de 2020 exceptée, ce serait une première depuis 2018.

Bien que les prévisions pluriannuelles laissent entrevoir un retour ultérieur à un excédent budgétaire, la commission s’interroge sur la capacité de la branche à répondre aux nombreux défis auxquels elle devra faire face dans les prochaines années.

Réduit de 2 milliards d’euros en 2022, avec le transfert du financement des indemnités journalières (IJ) des congés paternité et maternité post-naissance, son solde n’offre pas les marges de manœuvre nécessaires à des réformes pourtant indispensables et attendues par les professionnels et leur famille.

Toutefois, je souligne, dans le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons, la hausse des dépenses de la branche de plus de 1,8 milliard d’euros en un an.

Si ce dynamisme ne résulte pas de mesures nouvelles, il traduit le financement de réformes importantes que nous avons votées ces dernières années et qui entreront en vigueur en 2025. Ainsi de celle du complément de libre choix du mode de garde (CMG) « emploi direct », qui limite le reste à charge pour les familles en cas d’emploi d’une assistante maternelle et l’étend aux familles monoparentales pour la garde des enfants de 6 ans à 12 ans.

Ce dynamisme est aussi issu d’un effort important dû aux prestations extralégales finançant les accueils collectifs. Ainsi, le Fonds national d’action sociale (Fnas) de la branche augmenterait ses dépenses de 9,9 % en 2025, soit 700 millions d’euros supplémentaires, en lien avec la mise en place du service public de la petite enfance.

Pour résumer, pour la branche famille, il n’y a pas de mesure nouvelle, mais pas de ponction non plus ! « C’est mieux que si c’était pire », comme on dit dans le Nord (Sourires.), dans ce contexte budgétaire contraint.

J’alerte néanmoins le Gouvernement sur l’incertitude qui règne dans nos collectivités quant au financement des nouvelles compétences dévolues aux communes et aux modalités concrètes de la mise en place du service public de la petite enfance.

Pour la politique familiale, ce PLFSS est une nouvelle année blanche. Je le regrette.

Toutefois, je présenterai au nom de la commission deux amendements tendant à sécuriser le paiement des salaires des assistantes maternelles, qui font face à de trop nombreux impayés, et à obliger le Gouvernement à revoir chaque année, par décret, le plafond du tarif horaire des microcrèches. En effet, un défaut d’actualisation entraîne sur ces dernières une pression sur les prix pouvant nuire à la qualité de l’accueil.

Le métier d’assistante maternelle connaît une grave crise d’attractivité, avec 100 000 assistantes de moins en dix ans. Il me paraît important de sécuriser une profession qui reste le premier mode d’accueil de la petite enfance dans bien des territoires, notamment ruraux.

L’absence de mesure nouvelle, que nous mettrons sur le compte du contexte autour de la préparation de ce PLFSS, ne doit pas être synonyme d’une année perdue.

J’y vois, au contraire, une chance pour entamer ou reprendre des travaux sur les réformes structurelles nécessaires à la relance de la natalité dans notre pays : création d’un véritable congé de naissance, réforme du financement des établissements d’accueil du jeune enfant – comme l’a dit M. le ministre des solidarités –, ou encore véritable universalité des allocations familiales. Les sujets ne manquent pas ; d’ailleurs, le Sénat a formulé des propositions sur nombre d’entre eux ces dernières années.

S’agissant de la petite enfance, les récents scandales nous imposent de réagir. Le Sénat y prend sa part : il émettra prochainement des recommandations pour améliorer les conditions du contrôle des crèches. J’estime, toutefois, que l’amélioration de la qualité de l’accueil doit passer par la remise à plat du financement des établissements, sans négliger la question sociale : taux d’encadrement, formation, salaires… Une journée de grève est d’ailleurs annoncée, le 19 novembre prochain, dans le secteur.

Je le dis de nouveau : la famille ne saurait être une simple variable d’ajustement des politiques sociales. Notre natalité suit une trajectoire inquiétante : alors que le désir d’enfant des Françaises et des Français serait de 2,4, l’indice conjoncturel de fécondité s’est établi, en 2023, à 1,68, du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes bien loin du « réarmement démographique », pour reprendre les mots du Président de la République. J’invite ceux qui en doutent à lire Les Batailles de la natalité, de Julien Damon.

Oui, mes chers collègues, il y a urgence à promouvoir une politique familiale ambitieuse et refondée ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce PLFSS marque la fin d’une ère pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Abonnée aux excédents depuis plus de dix ans, celle-ci connaîtra un exercice 2025 à l’équilibre, avant de plonger dans une situation légèrement, mais durablement, déficitaire.

Cette situation résulte d’une faible dynamique des recettes, accentuée par les swaps de taux avec la branche vieillesse en 2024 et en 2026, et conjuguée à des dépenses qui continuent de progresser, alimentées par l’accroissement du poids des transferts – j’y reviendrai –, mais également par des améliorations notables de la réparation et par une politique de prévention plus ambitieuse.

Il convient de saluer l’ébauche du virage préventif tant attendu par les partenaires sociaux et la commission, stimulé par la montée en charge des mesures adoptées lors de la dernière réforme des retraites et par la hausse des moyens attribués, dans la nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG), au Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (FNPATMP).

L’effort consenti est, certes, encore bien insuffisant au regard de l’objectif de 7 % des dépenses de la branche investis dans la prévention, fixé par le récent rapport d’information sur les grands enjeux de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, que j’ai présenté avec Annie Le Houerou. Néanmoins, ce premier engagement marque un réel progrès ; il est la base sur laquelle nous devrons avancer.

La réparation n’est pas oubliée, avec l’article 24, qui prévoit d’ambitieuses revalorisations pour l’indemnisation des victimes d’incapacité permanente, issues de l’ANI de 2023.

Après le fiasco de l’article 39, les partenaires sociaux ont su maintenir le dialogue pour aboutir, par la négociation, à une réforme pragmatique et équilibrée, pour une politique de réparation plus juste.

Conformément à leur volonté, la rente viagère et l’indemnité en capital présenteront, désormais, une nature duale retranscrite dans leur mode de calcul. Une part fonctionnelle s’ajoutera donc au montant actuel des prestations, qui deviendra leur part professionnelle. Il en résultera, pour tous les futurs bénéficiaires, une revalorisation représentant, à terme, un effort bienvenu de 500 millions d’euros pour la branche.

La commission, fidèle à la position exprimée par la mission d’information, a soutenu ces dispositions tout en veillant à ménager un équilibre spécifique pour les victimes de faute inexcusable de l’employeur, en renforçant leur indemnisation de court terme.

Afin que leurs préoccupations propres soient entendues, elle a également souhaité impliquer davantage les associations de victimes à la conception des textes d’application nécessaires au déploiement de la réforme, tout en respectant le cadre paritaire et le rôle primordial des partenaires sociaux dans le processus.

Comme elle l’avait fait l’an dernier, la commission appelle enfin le Gouvernement à retranscrire sans délai le reste du contenu de l’ANI. Plus de dix-huit mois après la signature de cet accord, les mesures ambitieuses préconisées par les partenaires sociaux en matière d’aide humaine et de prévention ne sauraient être mises de côté plus longtemps.

Vous l’avez compris, mes chers collègues : la trajectoire de la branche AT-MP marque, pour les années futures, un effort considérable pour la réparation et la prévention. C’est pourquoi je vous inviterai à adopter l’article 28 fixant l’objectif de dépenses de la branche à 17 milliards d’euros pour 2025, afin de dégager un excédent de 200 millions d’euros.

J’en viens à la question épineuse des transferts, principaux responsables de la dégradation de la situation financière de la branche. En effet, un euro sur six perçus par la branche AT-MP est reversé à d’autres entités.

Le transfert à la branche maladie atteindra 2 milliards d’euros à l’horizon 2027, afin de prendre en compte la révision à la hausse de l’estimation du coût de la sous-déclaration par la commission ad hoc. Dès 2025, le transfert augmentera de 400 millions d’euros, pour un montant total de 1,6 milliard d’euros.

J’ai auditionné le président de cette commission. Il m’a donné des garanties sur la sincérité de son mode de calcul, qui prend également en compte la surdéclaration des AT-MP. En outre, force est de constater que la branche s’apprête à fournir un effort inédit depuis le retour aux excédents en faveur de la prévention et de la réparation. Cela montre que la hausse prévisionnelle des transferts n’empêche pas la branche d’agir, en parallèle, sur ses vocations premières.

Par conséquent, cette année, la commission des affaires sociales ne défendra pas d’amendement visant à diminuer le niveau du transfert au titre de la sous-déclaration. Estimant que la branche AT-MP n’a pas à servir de variable d’ajustement pour combler le déficit des autres branches, la commission s’opposera toutefois sans ambiguïté, dans les années futures, à toute augmentation des cotisations AT-MP induite par la hausse du transfert au titre de la sous-déclaration.

Enfin, la dotation de la branche AT-MP au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) représentera près d’un demi-milliard d’euros en 2025 – elle aura doublé en deux ans.

Dans ce contexte, je regrette que l’État n’ait pas augmenté sa subvention d’un centime, bien que celle-ci ne couvre pas, tant s’en faut, les dépenses qu’il est censé prendre en charge au titre de la solidarité nationale. J’appelle donc de nouveau solennellement le Gouvernement à rééquilibrer l’effort financier en faveur du Fiva, pour que l’État prenne enfin sa juste part.

Je me réserve le droit de déposer, l’an prochain, des amendements en ce sens si la situation n’évolue pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)