M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour lautonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré le contexte budgétaire que nous connaissons, ce PLFSS s’évertue à préserver la branche autonomie.

L’objectif de dépenses pour 2025 s’élève à 42,4 milliards d’euros. Il est en augmentation de 6 % par rapport à l’année 2024 et intègre une hausse de 4,7 %, à champ constant, à l’Ondam relatif aux établissements et services médico-sociaux.

Le dynamisme des dépenses permettra principalement de financer la montée en charge de mesures récentes. Celles-ci n’ont pas de traduction dans le PLFSS, puisque leur mise en œuvre relève du domaine réglementaire.

Dans le champ du grand âge, 6 500 recrutements sont prévus dans les Ehpad. En outre, un fonds de 140 millions d’euros sera déployé pour accompagner la transformation des établissements et soutenir les Ehpad ultramarins.

La reconduction du fonds d’urgence de 100 millions d’euros pour les établissements et services en difficulté n’est pas envisagée. Il est vrai qu’un fonds d’urgence n’a pas vocation à perdurer et que l’effort doit porter sur des mesures structurelles. Pour autant, nous devons rester vigilants à l’égard des structures qui sont au bord de la fermeture.

Dans le champ du handicap, peu d’annonces ont été faites. En 2025, quelque 15 000 nouvelles réponses médico-sociales devraient être développées pour les personnes en situation de handicap, dans le cadre du plan de création de 50 000 solutions à horizon 2030.

Par ailleurs, plusieurs mesures récentes seront mises en œuvre dans le secteur de l’aide à domicile. L’aide financière de 100 millions d’euros prévue par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie sera notamment déployée. Elle permettra aux départements de soutenir la mobilité et le travail partenarial des aides à domicile.

Finalement, dans ce PLFSS, seul un article relève de la cinquième branche. Il concerne l’expérimentation sur le financement des Ehpad et des unités de soins de longue durée (USLD), que nous avons votée l’année dernière. À partir du 1er janvier 2025, dans les départements volontaires, les sections de financement soins et dépendance seront fusionnées sous l’égide des ARS.

À l’article 21, le Gouvernement propose d’augmenter de 20 à 23 le nombre des départements qui pourront prendre part à l’expérimentation. Il précise aussi les dispositions financières relatives au dispositif. Face à l’engouement des départements, l’augmentation du nombre de participants est évidemment une bonne nouvelle.

De fait, la simplification du régime de financement des Ehpad est très attendue par le secteur. Je vous proposerai donc de réduire la durée de l’expérimentation de quatre ans à deux ans, pour permettre une généralisation plus rapide.

Le point étant fait sur les mesures prévues pour 2025, j’en viens à la question de l’avenir de la branche autonomie.

À court et à moyen terme, les perspectives financières se détériorent. La dernière loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un solde positif ou à l’équilibre jusqu’en 2027. Les nouvelles prévisions sont plus pessimistes : la branche serait déficitaire de 400 millions d’euros dès 2025 et à hauteur de 2,5 milliards d’euros à horizon 2028.

En matière d’autonomie, le statu quo n’est pas envisageable. Je ne m’attarderai pas sur ce constat déjà bien connu de tous : dans le champ du grand âge comme dans celui du handicap, les besoins de financement sont massifs et incompressibles.

Beaucoup d’établissements et services médico-sociaux sont déjà en grande difficulté. Les départements aussi sont exsangues financièrement, et leur politique sociale en pâtit. À ce titre, nous ne pouvons que saluer les 200 millions d’euros que vous venez d’annoncer, monsieur le ministre, pour que la CNSA couvre mieux leurs dépenses d’APA et de PCH.

Je rappelle par ailleurs que, dès 2030, c’est-à-dire dans cinq ans, la génération issue du baby-boom passera la barre des 85 ans. Cela nous laisse très peu de temps pour répondre aux grands enjeux du virage domiciliaire, de la prévention et de l’attractivité des métiers.

Aussi, comment s’organiser pour apporter ces réponses ? Le cœur du sujet réside dans le financement. Nous vous proposerons, dans le cadre de ce PLFSS, une première solution avec la mise en place d’une « contribution de solidarité par le travail ». Cette mesure permettrait de poser les jalons d’une réforme structurelle – pourquoi pas, monsieur le ministre, dans le cadre du projet de loi Grand Âge tant de fois promis ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Très bien !

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Une partie de ces recettes pourrait aussi contribuer au remboursement des aides techniques destinées aux personnes en situation de handicap, mais il reviendra au Gouvernement de décider sur ce point.

En définitive, mes chers collègues, si un effort est consenti dans le cadre de ce PLFSS, la question de l’avenir de la branche autonomie demeure entière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, disons-le d’emblée : la commission des finances a décidé à la majorité d’émettre un avis favorable sur ce texte, sous réserve des modifications qui seront apportées en séance.

En effet, le présent Gouvernement hérite d’une situation dont il ne peut être tenu responsable. (Marques dironie sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Un peu, quand même !

Mme Émilienne Poumirol. C’est le même gouvernement !

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. Il propose, de plus, des mesures de redressement significatives, qui s’appuient sur des hausses de recettes et des baisses de dépenses. Seront-elles suffisantes ? Je ne le pense pas, malheureusement.

Depuis 2020, la situation des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale s’était légèrement redressée, même si un déficit de près de 11 milliards d’euros demeurait en 2023. Or le présent PLFSS anticipe une forte aggravation du déficit en 2024, à hauteur de 18 milliards d’euros, soit 7,5 milliards d’euros de plus que les 10,5 milliards d’euros prévus.

Deux raisons expliquent cette aggravation.

La première, c’est que les recettes seraient inférieures de 6,6 milliards d’euros aux prévisions, en raison d’hypothèses macroéconomiques trop optimistes, dont nous avons malheureusement l’habitude.

La seconde raison est la hausse des dépenses, notamment de l’Ondam, dépassé de 1,2 milliard d’euros. La revalorisation des prestations de 5,3 % en raison de l’inflation a également représenté un coût de 15,6 milliards d’euros.

Un tel déficit est aussi lié à des hausses de dépenses non financées. Le Ségur de la santé représente ainsi un surcoût de près de 13 milliards d’euros par an. Mesdames, messieurs les ministres, je vous invite à mettre un terme à cette pratique irresponsable, tant pour l’État que pour la sécurité sociale, qui consiste à voter des dépenses sans prévoir de quoi les financer !

Concernant l’année 2025, le Gouvernement anticipe un déficit de 16 milliards d’euros, inférieur de 2 milliards d’euros à celui de 2024. Il présente à cette fin des mesures intéressantes, tant des baisses des dépenses que des hausses des recettes.

La progression des recettes est certes moindre, en raison du ralentissement de la croissance de la masse salariale, mais la prévision à 3,2 % me paraît optimiste. Des hausses sont prévues notamment via la refonte des allégements généraux de cotisations sociales – c’est une réforme intéressante, mais qui appelle des adaptations pour ne pas trop affecter l’emploi.

Quant à l’augmentation prévue du taux de cotisation employeur de la CNRACL, elle pèsera très lourdement sur les comptes des collectivités territoriales, en contradiction avec la volonté du Gouvernement de réduire fortement les dépenses de celles-ci.

De plus, en raison du dispositif de compensation démographique, la CNRACL devrait verser près de 500 millions d’euros aux autres régimes de retraite en 2025. Est-il bien normal de ponctionner un régime en déficit et de demander aux collectivités de cotiser davantage pour d’autres régimes ? Je ne le crois pas. Un compromis plus acceptable pour les collectivités doit être trouvé sur ce sujet. La commission des affaires sociales propose une piste intéressante en ce sens.

Les dépenses de la sécurité sociale ne devraient augmenter que de 2,8 % en 2025. Cet objectif est très volontariste, pour ne pas dire optimiste. Je note que des mesures d’économies sont proposées sur l’Ondam, pour un montant de 1,6 milliard d’euros.

Par ailleurs, le solde de la branche vieillesse devrait être contenu par rapport à 2024 grâce aux mesures de report de la revalorisation des retraites à hauteur de l’inflation.

J’en viens au sujet que j’ai choisi d’approfondir en tant que rapporteur pour avis sur le PLFSS, à savoir le poids du système des retraites sur la dépense publique. En effet, dans la plupart des régimes de retraite, les cotisations ne sont pas suffisantes pour couvrir le niveau des pensions.

En particulier, concernant les régimes de retraite des fonctionnaires publics, l’État augmente artificiellement chaque année les taux de cotisation employeur, afin de combler les déficits. Un même système est appliqué à la CNRACL. Si un taux de cotisation identique à celui du secteur privé était appliqué, le niveau des cotisations employeur serait beaucoup plus faible.

Une présentation unifiée de ces éléments serait nécessaire, comme le recommande d’ailleurs notre collègue Sylvie Vermeillet…

Mme Nathalie Goulet. Notre excellente collègue ! (Sourires.)

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. … pour les retraites de la sphère publique.

Pour l’avenir, on doit malheureusement anticiper la poursuite de la dégradation du déficit de la sécurité sociale, qui devrait s’établir à 20 milliards en 2028, et sans doute davantage si aucune réforme significative n’est entreprise d’ici là.

Or la gestion à venir de la dette sociale interroge. En l’absence d’une nouvelle loi organique, aucune nouvelle reprise de dette par la Cades n’est possible. L’Acoss bénéficie de conditions d’emprunt moins avantageuses que la Cades, même en tenant compte des mesures du présent projet de loi.

Une réflexion de fond doit donc être engagée rapidement sur la gestion de la dette sociale, afin de programmer sa disparition. Il est inadmissible de faire porter le poids de notre couverture sociale actuelle aux générations futures. Ce n’est ni normal ni moral. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, une responsabilité toute particulière pèse sur le Sénat, à l’ouverture de nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Cela a été dit, l’Assemblée nationale n’est pas parvenue au terme de l’examen de ce texte dans le délai imparti. Par conséquent, notre chambre sera la seule en mesure de se prononcer en première lecture sur l’ensemble des mesures de ce PLFSS.

Nos débats seront largement commentés, et nous devons travailler pour aboutir à un texte exigeant. Celui-ci affiche, pour l’instant, un déficit encore très important pour 2025, à hauteur de 16 milliards d’euros. De plus, nous avons appris, à la fin de la semaine dernière, que le montant de l’Ondam pour l’année 2024 serait probablement supérieur aux prévisions initiales de 1,2 milliard d’euros.

Mesdames, messieurs les ministres, convenons que c’est bien tard pour apprendre pareille nouvelle. Je salue néanmoins votre volonté de faire évoluer cette information, ainsi que la transparence et la franchise de nos échanges. J’y vois un progrès. Nous n’avions pas l’habitude de travailler dans un climat de confiance, et cela me paraît essentiel. Chacun pourra ici se prononcer sur ce PLFSS en toute connaissance de cause.

La commission des affaires sociales s’est fixée, elle aussi, une ligne exigeante.

Tout d’abord, nous ne souhaitons pas dégrader le solde proposé par le Gouvernement. Nous savons que nos partenaires scrutent la séquence budgétaire de notre pays et que la crédibilité de la France est en jeu, de même que celle des travaux du Sénat. Il convient donc de faire preuve de responsabilité.

Ensuite, nous savons que vous avez disposé de peu de temps pour préparer ce budget, mesdames, messieurs les ministres, et qu’il implique par conséquent des efforts importants. Là encore, nous avons suivi votre logique.

Néanmoins, la commission vous fera des propositions afin de mieux répartir cet effort, qui, dans la période actuelle, doit être l’affaire de tous – retraités, salariés, employeurs, entreprises, complémentaires santé, assurés, professionnels de santé, gestionnaires des caisses de la sécurité sociale. En somme, à nos yeux, chacun doit participer, mais de façon équitable et, surtout, en préservant l’emploi et la qualité des services.

Cette feuille de route se traduit par des choix forts, dont nous aurons l’occasion de débattre. Je veux revenir plus particulièrement sur trois d’entre eux.

Premièrement, concernant les allégements généraux, nous avons accepté le principe d’une maîtrise d’un dispositif dont le coût a augmenté de près de 20 milliards d’euros ces trois dernières années. Pour autant, la commission formulera des propositions d’évolutions qui, sans trop dégrader le rendement attendu, devraient éviter un effet significatif sur l’emploi.

Deuxièmement, nous proposerons d’instaurer une « contribution de solidarité par le travail », reposant sur sept heures de travail supplémentaires chaque année pour chaque actif, afin de financer la branche autonomie. Cette mesure, je le sais, donnera lieu à de larges débats.

Troisièmement, monsieur le ministre, vous vous dites satisfait de l’augmentation de 6 % de votre budget. Au regard du contexte, j’entends vos propos. Pour autant, cette hausse est loin d’être suffisante pour répondre aux enjeux. Si nous voulons instaurer de réelles mesures pour le grand âge, nous devons avoir plus d’ambition. Sans cela, nous répéterons, chaque année, le même débat.

Pour notre part, il nous semble important de tracer le chemin de cette ambition, même si nous sommes conscients des difficultés.

Parmi les gestes sur lesquels nous comptons, je me limiterai à l’étalement de la hausse des cotisations patronales à la CNRACL. Nous y voyons un geste fort, susceptible de limiter les tensions, très fortes, sur les établissements de santé et les collectivités territoriales.

Au regard de ces remarques, je souhaite que le Sénat adopte le PLFSS pour 2025 et j’espère que nous parviendrons à un accord avec les députés en commission mixte paritaire.

D’une part, je pense que nous partons sur des bases plus claires, voire plus sincères, que les années précédentes. D’autre part, le Sénat aura sans doute une influence beaucoup plus forte qu’à l’accoutumée sur la copie finale. Nous en prendrons la responsabilité. Surtout, dans notre esprit et, j’espère, dans le vôtre, mesdames, messieurs les ministres, ce PLFSS élaboré en si peu de semaines n’est qu’une première étape.

Après le temps de l’ajustement paramétrique doit venir celui des réformes, qui, seules, nous permettront de dépenser mieux et d’améliorer les services essentiels. Je pense tout particulièrement à la réforme de l’hôpital, à la prévention, au grand âge, à la famille, soit autant de domaines sur lesquels les professionnels et les assurés ont besoin d’un cap.

Nous ne pouvons nous contenter de demander des efforts à nos concitoyens. Nous devons leur donner des perspectives encourageantes, sous peine de faire face chaque année aux mêmes constats et aux mêmes difficultés budgétaires.

Aussi, nous devons faire preuve de responsabilité collective, à l’occasion de ce budget, mais aussi à plus long terme. Nous avons également l’ambition de tracer une ligne pour l’avenir, dans la perspective d’un retour à l’équilibre, tout en garantissant aux Français le maintien de services de qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

(M. Loïc Hervé remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Exception d’irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Rossignol, Canalès et Le Houerou, MM. Kanner et Jomier, Mmes Poumirol, Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d’une motion n° 1264.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 129, 2024-2025).

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’est pas coutumier du dépôt systématique de motions de procédure.

Selon nous, il convient d’examiner les projets de loi, de débattre des amendements et, à la fin, de soumettre au vote le texte éventuellement enrichi des modifications adoptées. Or c’est justement parce que nous sommes soucieux de ces principes que je défends devant vous cette exception d’irrecevabilité et vous demande donc de renvoyer le texte à l’Assemblée nationale.

En effet, nous ne pouvons pas sereinement examiner le PLFSS en l’état. En réalité, celui-ci ne nous a pas été transmis par l’Assemblée nationale, puisqu’il n’y a pas été adopté. Ce texte ne nous vient de nulle part !

La procédure retenue par le Gouvernement a abouti à enjamber purement et simplement l’Assemblée nationale. Elle n’est conforme ni à nos institutions, ni au parlementarisme, ni à l’exercice de la souveraineté nationale.

Que s’est-il passé à l’Assemblée nationale ? En commission, les deux premières parties du PLFSS ont été rejetées, ce qui, déjà, n’est pas banal. En séance publique, la deuxième partie, sur les recettes, a été adoptée – enrichie, bien sûr, par les amendements votés par une majorité de députés.

Ces amendements tendaient à augmenter de 17 milliards d’euros les recettes de la sécurité sociale. Ce montant représente 2,5 % de ses ressources. On est donc loin de la « folie fiscale » dont nombre de commentateurs ont fait mention. Une hausse de 2,5 % les recettes, c’est, à notre sens, précisément l’inverse de la folie, c’est-à-dire la raison.

La folie, c’est de laisser, année après année, se creuser le déficit de la sécurité sociale, jusqu’à ce que celle-ci ne puisse plus remplir ses missions et qu’il ne reste plus qu’à confier au secteur privé ce qui relève actuellement de l’assurance collective.

La folie, c’est de s’en prendre aux assurés sociaux, en augmentant le ticket modérateur sur les médicaments comme sur les consultations.

La folie, c’est de s’en prendre aux malades et aux retraités.

La folie, c’est d’augmenter l’Ondam hospitalier de seulement 0,3 % – c’est en effet ce qui reste de la hausse, une fois déduites les cotisations à la CNRACL, dont je rappelle qu’elles pèsent sur les personnels hospitaliers, ainsi que l’inflation.

La raison, à l’inverse, c’est de sauver notre système de protection sociale en lui assurant des recettes supplémentaires, afin de le ramener progressivement à l’équilibre.

Revenons à ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale. Après que la deuxième partie du PLFSS a été adoptée, la gauche a continué à faire voter des modifications utiles, mais elle a aussi fait preuve d’un grand sens de la responsabilité, en retirant de nombreux amendements pour respecter le calendrier prévu pour l’examen du texte.

Toutefois, c’était sans compter la réaction de ce que l’on pourrait qualifier d’« association de malfaisants ». Je parle ici du fameux « socle commun », dont on ne comprend plus très bien ce dont il est le socle ni ce qu’il y a de commun entre ces députés qui déposent des amendements parfois contradictoires et même, pour certains d’entre eux, hostiles au projet du Gouvernement !

Or ce « socle commun », de pair avec le Gouvernement, a multiplié les manœuvres dilatoires pour éviter qu’un vote sur l’ensemble du PLFSS ne se tienne à l’Assemblée nationale.

Aussi, le 5 novembre à minuit, alors que, de jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, il était possible de prolonger le débat tard dans la nuit – les députés y étaient prêts, du moins ceux de gauche –,…

M. Xavier Iacovelli. En tout cas, les sénateurs y sont prêts ! (Sourires.)

Mme Laurence Rossignol. … le Gouvernement a mis fin à l’examen du PLFSS, et cela, j’y insiste, sans vote !

Certains ont dit que cela revenait, somme toute, à utiliser l’article 49, alinéa 3. Mais non ! Au moins, en cas de 49.3, il y a un vote ! Le Gouvernement engage sa responsabilité et prend le risque de la censure.

En choisissant de recourir à l’article 47-1 de la Constitution, le Gouvernement n’a pris aucun risque, du moins pour lui-même, car il a fait peser tout le risque sur la démocratie, le Parlement et notre système de santé.

Y avait-il une autre voie possible ? Bien sûr ! Celle de la coconstruction. Alors que le Premier ministre avait indiqué que le PLFSS était « perfectible », en réalité, à aucun moment le Gouvernement n’a cherché à solliciter les députés pour modifier sérieusement le texte.

Ce qui ressemblait à une main tendue de la part du Premier ministre n’a été, en fin de compte, qu’un coup de main donné au président du groupe de la Droite Républicaine de l’Assemblée nationale. C’est lui en effet qui a annoncé, quelques jours plus tard, l’évolution de la position du Gouvernement sur le gel de la revalorisation des pensions de retraite. Toutefois, que ceux qui nous écoutent le sachent, les pensions de retraite seront bel et bien gelées !

J’entends certains de mes collègues, qui ont sans doute trouvé long de passer douze ans dans l’opposition, se réjouir que le Sénat soit la chambre dans laquelle va s’écrire le PLFSS.

Chers collègues, j’ai une très haute opinion de nous-mêmes et de nos travaux, mais je ne me réjouis pas avec vous.

M. Patrick Kanner. Très bien !

Mme Laurence Rossignol. L’article 24 de la Constitution prévoit que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales.

L’Assemblée nationale est élue au suffrage universel, contrairement à notre chambre, et elle a toujours le dernier mot. Elle ne peut être contournée sans que la souveraineté nationale, c’est-à-dire l’ensemble des représentants du peuple au Parlement, soit écartée par le même coup.

Le Gouvernement nous donne un rôle qui n’est pas le nôtre et qui n’est pas conforme à nos institutions. Ce rôle, nous n’en voulons pas. Nous n’avons aucune légitimité à nous substituer aux députés et à nous rendre complices d’un déni démocratique.

Pensez-vous vraiment que la démocratie se porte si bien, en France et partout ailleurs, que l’on puisse la maltraiter, la contourner, la nier ? Il nous semble, à l’inverse, que nous devons être exemplaires dans l’exercice démocratique, plus que jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à voter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chers collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, j’entends bien les raisons pour lesquelles vous soutenez cette motion. En revanche, je n’ai pas bien compris les arguments qui viennent d’être avancés.

Mme Laurence Rossignol. Je peux recommencer, si vous voulez !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Plus exactement, nous avons bien compris vos arguments, madame la sénatrice, mais nous n’y adhérons pas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est différent !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout d’abord, dans l’exposé des motifs, les auteurs de cette motion déplorent que le rapport annexé n’affiche pas de trajectoire de retour à l’équilibre. C’est pour cette raison, comme je l’ai dit dans la discussion générale, que j’ai déposé l’amendement n° 137. Il s’agit en effet non pas d’une programmation, mais d’une prévision. Cette trajectoire ne prend pas en compte certaines mesures qui seront décidées dans les années à venir.

Nous nous accordons sur le fait qu’il faut ramener la trajectoire à l’équilibre, mais nous ne sommes pas en train de voter le PLFSS 2026 !

Ensuite, madame Rossignol, vous regrettez la façon dont les débats se sont passés à l’Assemblée nationale. Nous aussi, nous aurions préféré que les députés arrivent au terme de l’examen du texte. Et je suppose que c’est également le cas du Gouvernement. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas notre sentiment…

Mme Raymonde Poncet Monge. Le Gouvernement en avait pourtant les moyens !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C’est pour cette raison que, selon moi, le débat doit avoir lieu au Sénat. Que se passerait-il en effet, si cette motion était votée ?… Sans PLFSS, qu’en serait-il de l’avenir de la protection sociale des Français ?

Pour autant, je sais que vous ne refusez pas l’obstacle et que vous avez préparé suffisamment d’amendements pour que nous puissions débattre de ce texte ici, au Sénat.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Tout d’abord, il est vrai que le débat sur le PLFSS n’est pas allé jusqu’à son terme, mais ce n’est pas de la faute du Gouvernement ! (Si ! sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Ou alors il va falloir m’expliquer en quoi c’était sa faute !…

Mme Laurence Rossignol. Vous n’étiez pas obligés d’interrompre le débat à minuit pile !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Nous ne l’avons pas prolongé ; pour autant, l’ensemble des ministres compétents ont répondu aux questions portant sur le PLFSS, de façon concise.

Toutefois, le nombre d’amendements étant trop important, il n’était pas possible d’examiner l’ensemble du texte à l’Assemblée nationale. Il en restait en effet plus de 450…