Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Financement de la sécurité sociale pour 2025
(À suivre)
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Guy Benarroche,
Mme Marie-Pierre Richer.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 14 novembre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n'y a pas d'observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (projet n° 129, rapport n° 138, avis n° 130).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes aujourd'hui réunis pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Comme vous le savez, nous nous inscrivons dans un contexte particulier. Malgré de nombreuses heures de débats, l'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale s'est arrêté sans que nous soyons parvenus à son terme.
Je regrette, bien sûr, que nous n'ayons pas terminé les discussions sur ces sujets fondamentaux pour les Français. Néanmoins, le dialogue parlementaire continue au Sénat toute cette semaine ; nous aurons don l'occasion d'y revenir largement.
Comme nous le disons depuis le début de cette période budgétaire et comme chacun ici le mesure, la situation de nos finances publiques exige de la responsabilité, ainsi qu'une recherche exigeante d'équilibre. La situation de nos comptes sociaux est inédite.
En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera de près de 8 milliards d'euros le niveau voté en loi de finances de la sécurité sociale initiale.
En 2025, comme le soulignait le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), sans mesures nouvelles, le déficit projeté de la sécurité sociale atteindra 28 milliards d'euros. Chacun en conviendra, ce n'est pas soutenable. La situation implique des actions collectives pour y remédier.
Il est de notre devoir de freiner la dépense publique ; toutes les administrations publiques doivent prendre part à cet effort. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 constitue une étape essentielle dans le retour progressif à l'équilibre de nos comptes sociaux.
La pérennité et la préservation de notre modèle social hérité du Conseil national de la Résistance (CNR) étant en jeu (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER.), nous devons collectivement trouver une ligne de crête pour faire des économies sans perdre de vue les attentes considérables de nos concitoyens et leurs besoins – la santé et l'accès aux soins constituant la première préoccupation des Français.
C'est pourquoi ce PLFSS vise à contenir le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d'euros tout en finançant des mesures nouvelles. Il permet ainsi d'améliorer la trajectoire de nos comptes sociaux tout en ouvrant de nouveaux droits au service de nos concitoyens.
Je le répète, la santé des Français demeure plus que jamais une priorité de notre gouvernement ; ce budget le prouve. Nous sommes au rendez-vous de ces attentes. Il s'agit d'un budget d'action pour l'accès aux soins et pour l'hôpital, qui a tant besoin de soutien. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)
Il s'agit d'un budget de progrès, mais également de responsabilité, comme je vais m'employer à en faire la démonstration devant vous.
La trajectoire d'augmentation des dépenses d'assurance maladie, c'est tout d'abord un budget de progrès. Ce budget permet de répondre à nos priorités de santé publique, comme la prévention, les soins palliatifs, la santé mentale ou l'accès aux médicaments, entre autres.
Mme Annie Le Houerou. Avec quel argent ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) progressera, pour atteindre un peu plus de 264 milliards d'euros. C'est une hausse de 63 milliards d'euros par rapport à 2019 et de 9 milliards d'euros par rapport à 2024. Cette progression traduit concrètement notre volonté de poursuivre les investissements entrepris et de financer de nouvelles mesures attendues par les professionnels et par les patients.
Cette trajectoire d'augmentation des dépenses d'assurance maladie nous permet de poursuivre la dynamique de renforcement de l'accès aux soins dans tous les territoires et pour tous. Elle permet de financer nos grandes priorités : améliorer l'organisation du système de santé, assurer le financement du système de santé, renforcer nos politiques en matière de psychiatrie et de santé mentale, travailler à l'attractivité des métiers du soin et accompagner les innovations.
Nous respecterons les engagements conventionnels vis-à-vis des médecins, avec la revalorisation de la consultation à 30 euros dès décembre 2024.
Nous poursuivrons aussi la stratégie d'« aller vers », à destination des publics précaires et éloignés du soin, en ciblant les populations des territoires sous-denses. Nous développerons dans ce cadre des initiatives, comme les médicobus ou la télémédecine.
Pour renforcer l'attractivité des métiers et l'accès aux soins partout, nous travaillerons, avec le concours indispensable des élus locaux, au développement des maisons de santé pluriprofessionnelles, à la généralisation des services d'accès aux soins et à l'amélioration des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), toujours présentes sur tous les territoires.
Les maisons de santé pluriprofessionnelles permettent aux médecins de ne plus être isolés et de créer de nouvelles synergies entre professionnels de santé. C'est un facteur d'attractivité.
Ce PLFSS traduit aussi une action résolue, à laquelle je suis particulièrement attachée, en faveur des soins palliatifs : 100 millions d'euros seront dédiés à la mise en œuvre, dès 2025, de la stratégie décennale des soins d'accompagnement. Cette stratégie doit permettre dans chaque territoire le renforcement de l'offre de soins palliatifs au sein des établissements de santé et médico-sociaux, mais également à domicile.
La prise en charge des troubles de la santé mentale, que le Premier ministre a choisi d'ériger en grande cause nationale pour 2025, connaîtra aussi des progrès considérables. Le dispositif « Mon soutien psy » sera notamment renforcé, afin que chaque citoyen ait un accès simplifié et plus rapide à un psychologue, qui bénéficiera lui-même d'une meilleure rémunération. Et le nombre de séances prises en charge lors d'une année civile augmentera, passant de huit à douze.
Les équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP)seront ainsi renforcées pour aller à la rencontre des personnes les plus éloignées des soins et, surtout, de la psychiatrie.
Nous le savons, prendre soin de sa santé mentale s'apprend dès le plus jeune âge : le dispositif de prévention du suicide VigilanS sera élargi aux mineurs.
En outre, nous poursuivrons et amplifierons nos politiques en faveur de la prévention, en renforçant le repérage précoce. Ces actions interviendront à toutes les échelles et avec tous les acteurs, afin de prendre en charge au bon moment.
Nous devons installer une véritable culture de la prévention dans notre pays ; ce budget y contribuera.
Le dispositif « Mon bilan prévention » continuera d'être généralisé. Nous souhaitons que les mesures de prévention s'ancrent dans le quotidien de chaque Français. La part des dépenses des agences régionales de santé ciblées sur la prévention au sein de l'enveloppe du fonds d'intervention régionale augmentera de 10 %.
Il s'agit d'une politique globale de la prévention que nous souhaitons faire intervenir dès le plus jeune âge, car les inégalités de santé s'ancrent au moment de l'enfance.
Le suivi de l'enfant sera amélioré, avec plus de visites obligatoires. Nous prévoyons également une évolution du carnet de santé, avec notamment des pages dédiées aux méfaits des temps trop longs passés devant les écrans, afin de sensibiliser les familles et de trouver des équilibres dans ces utilisations. Nous consacrerons enfin 75 millions d'euros en 2025 pour poursuivre la vaccination contre le papillomavirus au collège.
Comme j'ai pu le rappeler à diverses occasions, la défense de nos hôpitaux est une autre de nos priorités que financera ce PLFSS ; c'est même une priorité majeure. Le sous-Ondam hospitalier se situe à 3,1 %. J'ai entendu les alertes qui ont été relayées auprès de mes services par les acteurs comme par les parlementaires.
L'évolution des cotisations pour assurer le financement de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), initialement prévue sur trois ans, sera finalement réalisée sur quatre ans. Le gain ainsi permis – de l'ordre de 256 millions d'euros – restera dans l'Ondam au bénéfice du secteur hospitalier.
Nous conforterons les mesures en faveur des soins critiques de la réforme de 2022 pour les hôpitaux, mais nous faciliterons également la gestion des ressources humaines dans les établissements de santé en travaillant particulièrement sur la régulation de l'intérim.
Enfin ce PLFSS permettra de garantir l'accès aux médicaments et produits de santé à tous les Français. La disponibilité des médicaments dans les pharmacies est un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens et a un impact considérable sur leur quotidien.
Ce PLFSS viendra renforcer ce qui est déjà mis en place en ouvrant, par exemple, la distribution à l'unité en cas de risque anticipé de pénurie. Il prévoira aussi la possibilité de recourir à un financement dérogatoire pour des dispositifs médicaux utilisés en substitution d'un dispositif médical en rupture d'approvisionnement.
Ce PLFSS est aussi un budget de responsabilité. Comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, nous sommes face à des contraintes budgétaires dont nous devons tenir compte. Cela doit se traduire par une accentuation de la pertinence et de l'efficience de nos dépenses, de même qu'il faut amener l'ensemble des acteurs à faire preuve de responsabilité. Ils devront tous participer à la maîtrise de la progression d'une partie de ces dépenses, dans une logique d'efforts partagés et d'équité.
La lutte contre la fraude…
Mme Nathalie Goulet. Ah !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. … sera aussi un enjeu majeur. Nous comptons la soutenir en lien avec la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).
Par ailleurs, nous devrons faire des économies à hauteur de 5 milliards d'euros en 2025 par rapport à la progression tendancielle des dépenses. Un quantum d'efforts et des cibles d'économies ont été identifiés pour répondre à cet impératif, en respectant un effort partagé.
En ce qui concerne le transfert vers les complémentaires santé, j'ai entendu les attentes des députés et des sénateurs. Je les ai prises en compte dans le travail que je mène depuis bientôt deux mois pour l'accès aux soins de nos concitoyens.
En premier lieu, je rappelle que l'assurance maladie obligatoire finance à ce jour 80 % des dépenses de santé. Ce chiffre n'a jamais été aussi élevé dans notre pays. Il s'explique par l'effort que nous consentons chaque année pour augmenter les dépenses de santé, mais aussi par la prise en charge chaque année de 400 000 patients de plus qui basculent en longue maladie – vous le savez, tout cela est lié à la démographie de notre pays et d'une société qui vieillit, avec des maladies chroniques se développent. Quoi qu'il en soit, c'est l'honneur de la République que de proposer à tous une prise en charge par la solidarité collective la plus élevée.
Pour autant, afin de garantir la soutenabilité des finances publiques, il est essentiel de préserver cet équilibre entre l'assurance maladie obligatoire et la prise en charge par les organismes complémentaires.
Pour de tenir compte des positions exprimées par l'ensemble des députés et des sénateurs, le quantum a été ramené de 1,1 milliard à 900 millions d'euros. Ainsi, j'ai pu décider que le ticket modérateur de la consultation médicale, qu'il était potentiellement envisageable d'augmenter de 10 %, n'évoluera que de 5 %. (M. Bernard Jomier s'exclame.) La consultation médicale demeurera donc l'acte de soins de ville le mieux remboursé par la solidarité nationale. C'est essentiel pour garantir l'accès aux soins.
En complément, le ticket modérateur sur les médicaments augmentera, lui, de 5 %.
Mme Émilienne Poumirol. Oh là là ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Nous envisageons, par ailleurs, des baisses de prix des produits de santé pour 1,2 milliard d'euros, ainsi que des mesures d'efficience à l'hôpital d'euros ou en ville pour respectivement à chaque fois 600 millions d'euros.
Pour compenser le dérapage de médicaments constaté en cette fin d'année 2024 et évalué à 1,2 milliard d'euros, nous allons poursuivre le dialogue engagé avec les industriels, afin de trouver des mécanismes de contractualisation permettant de modérer les dépenses – la hausse de la clause de sauvegarde ne sera activée qu'en cas d'échec de la démarche.
C'est donc dans une logique de confiance et de co-construction que je souhaite au maximum faire face aux nouveaux défis de maîtrise de la dépense des produits de santé. Nous devons atteindre nos objectifs d'économie, mais je souhaite avant tout laisser la place à la concertation et aux débats parlementaires, comme cela a été le cas à l'Assemblée nationale.
Il convient, en effet, de poursuivre le dialogue avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour définir les modalités concrètes de mise en œuvre et atteindre la cible d'économie fixée. Je sais pouvoir compter sur vous.
L'examen à l'Assemblée nationale a enrichi ce projet de loi, les amendements adoptés retenus dans le texte visant à avancer sur des sujets essentiels pour la santé, notamment en termes de prévention. Je pense à l'annualisation de l'examen bucco-dentaire, à la généralisation des centres de santé, à la suppression de l'adressage dans le dispositif « Mon soutien psy » ou encore le développement de campagnes de vaccination contre le méningocoque, qui sont autant de belles avancées pour la santé publique.
L'amendement relatif à la réforme sur la taxe dite soda est aussi à souligner, car il vise à renforcer nos actions pour inciter les Français à adopter une alimentation plus équilibrée. Je sais que ce sujet tient particulièrement à cœur à Mme la rapporteure générale, Élisabeth Doineau, et à M. le sénateur Xavier Iacovelli, qui défendent des amendements en ce sens. (Mme Émilienne Poumirol manifeste son ironie.)
Je ne puis malheureusement être exhaustive, mais je tiens à remercier les députés qui ont soumis des amendements et participé au débat.
Aujourd'hui s'ouvre un nouveau moment essentiel du dialogue parlementaire pour la santé des Français et l'accès aux soins. J'ai été très attentive aux débats en commission qui ont commencé la semaine dernière. J'ai écouté vos réflexions et vos propositions. Je répondrai tout au long du débat à vos interrogations et aux évolutions que vous proposez sur le texte, dans un dialogue que j'espère nourri.
Concernant le niveau de l'Ondam, je le redis, jamais autant de moyens n'ont été dédiés à la santé. Nous continuerons en ce sens, mais, en parallèle, il convient d'améliorer l'efficience de nos dépenses. Il importe de trouver le bon équilibre. Ce n'est pas simple, mais il me semble que nous sommes en mesure d'y parvenir ensemble. Et c'est le seul chemin qui me paraisse responsable.
Ce PLFSS ne contient aucune réforme structurelle. C'est un budget ; ce n'est donc pas le bon véhicule pour en engager une.
Mme Émilienne Poumirol. Quand est-ce que ce sera-ce le moment ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Pour autant, cela ne nous dispense pas d'une réflexion commune que je souhaite engager pour une loi de transformation profonde de notre système de santé et de son financement. Un travail sur le temps long est nécessaire. Il nous faudra le mener ensemble, en confiance et en responsabilité.
D'ici là, vous pouvez compter sur moi, tout au long de ces débats, pour rester fidèle à la méthode que je mène et que je crois juste : l'écoute et le dialogue. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Marie-Do Aeschlimann et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd'hui pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Si vous me le permettez, je structurerai mon propos en trois points.
Une fois n'est pas coutume, je vous dirai tout d'abord un mot de méthode, en revenant notamment sur les avancées issues des discussions, certes inachevées, à l'Assemblée nationale.
Je reviendrai ensuite sur la situation de nos finances publiques et de nos comptes sociaux.
Je détaillerai enfin les mesures de freinage de la dépense sociale proposées par le Gouvernement pour l'année prochaine.
Tout d'abord, le Premier ministre a assumé, sans ambiguïté aucune, le fait que la copie du Gouvernement était « perfectible », pourvu que la trajectoire de redressement des comptes soit respectée.
Comme vous le savez, l'examen n'a pas pu arriver à son terme à l'Assemblée nationale, faute de temps. Néanmoins, le Gouvernement a fait le choix de ne pas en revenir au texte initial comme la Constitution l'y autorisait, mais de transmettre au Sénat un projet de loi enrichi par certaines avancées des discussions à l'Assemblée nationale.
Nous avons choisi de retenir des amendements issus de toutes les sensibilités politiques, dont les dispositions constituent autant d'améliorations possibles du texte.
Je pense au cumul emploi-retraite des médecins. Je pense également aux mesures en faveur du monde agricole, à la taxation des boissons sucrées, à la réforme de la radiothérapie, à l'accès aux soins gynécologiques pour les personnes en situation de handicap ou encore à la lutte contre la fraude aux cotisations sociales.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Non seulement nous sommes ouverts à la concertation avec les partenaires sociaux et aux propositions issues de vos travées, mais nous en avons surtout réellement besoin.
À cet égard, le Premier ministre l'a dit, nous avons entendu les remontées de terrain sur la CNRACL – c'est un exemple très concret qui parle ici à beaucoup d'entre vous.
Je vous confirme que le relèvement du taux de cotisation des employeurs locaux à la CNRACL sera bien étalé sur quatre ans, plutôt que sur trois, conformément à la proposition soutenue en commission par Mme la rapporteure générale.
Nous reconnaissons en toute transparence que la copie est perfectible pourvu que le cadre financier fixé par le Gouvernement, lui, soit bien respecté.
Je tiens à saluer l'esprit de responsabilité qui a guidé les travaux de la commission des affaires sociales du Sénat, sous la présidence de Philippe Mouiller et avec la contribution de la rapporteure générale et des rapporteurs des différentes branches.
À l'issue de l'examen en commission, la copie du Sénat s'inscrit pleinement dans la logique de rééquilibrage progressif des comptes sociaux proposée par le Gouvernement.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président de la commission, cette instance a fait de l'objectif de contenir le déficit des comptes sociaux à 16 milliards d'euros en 2025 le « premier postulat » de ses travaux. Je vous en remercie. J'ajoute que je souscris pleinement à vos propos lorsque vous affirmez que, dès le lendemain de l'adoption du PLFSS, il nous faudra engager le temps des réformes structurelles dont notre modèle de protection sociale a besoin.
M. Bernard Jomier. C'était déjà le cas l'an dernier !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je rejoins les propos de Mme la ministre Geneviève Darrieussecq : ce n'est un PLFSS de réformes structurelles ; pour autant, il nous faudra un rapidement un agenda réformateur.
Le Premier ministre a d'ailleurs ouvert la voie dès vendredi dernier lors du Congrès des départements de France, en annonçant un certain nombre d'évolutions dans le champ social.
Ces chantiers structurels, notamment ceux qui se trouvent à l'intersection du champ social et des compétences des collectivités locales, nous engageront pour les prochains exercices.
La situation de nos finances publiques, vous la connaissez. Elle exige des réponses urgentes. À l'heure où je vous parle, la dette publique dépasse les 3 220 milliards d'euros. C'est une réalité comptable. C'est surtout une réalité très concrète…
Si nous subissions un choc de taux de l'ordre de l'ordre de 1 %, par exemple, la charge de la dette de l'État augmenterait de 3,2 milliards d'euros la première année, de 19 milliards d'euros à l'horizon de cinq ans et de 33 milliards d'euros à l'horizon de neuf ans. Pour l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), un choc d'un point représenterait en moyenne un coût de financement supplémentaire de l'ordre 0,4 milliard d'euros.
Or, comme vous le savez, pour les marchés peu importe que l'endettement soit issu de l'État, de la sécurité sociale ou des collectivités : la dette publique, c'est la dette de la France, non celle de telle ou telle entité.
L'effort de redressement que nous proposons pour 2025 n'a pas d'autre sens que de permettre à notre pays de renouer avec une trajectoire financière soutenable, au bénéfice – je le précise – de l'ensemble des administrations publiques. Cet effort est d'une ampleur inédite : ce sont 60 milliards d'euros qui doivent nous permettre de contenir le déficit public à 5 % du PIB pour 2025, en vue de le ramener sous la barre des 3 % en 2029.
Il s'agit au fond de préserver et d'améliorer nos conditions de financement, c'est-à-dire notre capacité à consolider les droits sociaux de nos concitoyens et à ouvrir de nouveaux droits, qu'il s'agisse des retraites des agriculteurs, de la prise en charge du handicap et de la perte d'autonomie, de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail, ou encore de la prise en charge de la petite enfance.
Je parle, au fond, de la capacité de notre système social de jouer son rôle de protection et de cohésion. Notre modèle, vous le savez, est fondé sur la solidarité.
Mme Émilienne Poumirol. Ce n'est plus vrai !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. C'est une valeur forte. C'est aussi et surtout une exigence de responsabilité, qui trouve sa traduction budgétaire dans le principe d'équilibre des comptes sociaux.
Or cet équilibre est aujourd'hui dégradé. En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera d'environ 8 milliards d'euros le niveau qui avait été voté en loi de financement de la sécurité sociale initiale.
Mme Laurence Rossignol. Qui gouvernait ce pays ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. En 2025, le déficit des comptes sociaux pourrait atteindre 28 milliards d'euros sans mesure nouvelle, du fait de l'évolution spontanée des dépenses.
Mme Émilienne Poumirol. La faute aux exonérations !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Il y a donc un caractère d'urgence à nous engager résolument sur la voie d'un rééquilibrage des comptes sociaux. Veiller à leur équilibre, c'est tout simplement veiller à la soutenabilité de notre modèle de protection sociale.
De ce point de vue, ce PLFSS marque une étape importante, mais une étape qui en appellera d'autres. Je le dis très clairement, il faudra nécessairement que l'effort se poursuive sur plusieurs exercices et qu'il trouve son prolongement dans des réformes structurelles qui devront améliorer l'efficience des dépenses.
Le PLFSS pour 2025 prévoit donc un coup de frein réel, mais proportionné, me semble-t-il, des dépenses sociales. Le Gouvernement propose une progression maîtrisée de la dépense des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse de 2,8 %, soit 18 milliards d'euros de plus, après une augmentation de 5,3 % en 2024.
Sur l'année 2024, comme vous l'avez probablement lu dans la presse hier ou aujourd'hui, un risque a été détecté par la direction de la sécurité sociale sur les dépenses de médicaments, en raison d'un niveau des remises consenties par les laboratoires qui est inférieur de 1,2 milliard d'euros à la prévision qui avait été retenue jusqu'à présent.
En 2024, le jeu des stabilisateurs automatiques devrait permettre de contenir environ un tiers du dépassement qui aurait résulté de cette nouvelle prévision. Ainsi l'Ondam pour 2024 sera revu de 0,8 milliard d'euros à la hausse.
Le Gouvernement en a immédiatement informé le Parlement. Nous travaillons actuellement, en lien avec la commission des affaires sociales, à des mesures qui devraient nous permettre de réagir rapidement, afin de ramener à 0,2 milliard d'euros le dépassement par rapport à la trajectoire de l'Ondam pour 2025 présentée en texte initial.
Nous proposons tout d'abord de mobiliser différents leviers de maîtrise de la dépense des médicaments, pour un rendement estimé à 600 millions d'euros.
Nous proposons ensuite de baisser le plafond des remises sur les médicaments génériques, pour environ 100 millions d'euros.
Nous proposons également d'introduire le tiers payant pour les médicaments biosimilaires et hybrides, afin d'accélérer leur diffusion, à l'instar de ce que nous faisons déjà sur les génériques, ce qui permettrait d'économiser 50 millions d'euros.
Nous proposons encore d'activer la clause de sauvegarde sur les dispositifs médicaux. Le montant Z sera révisé à la marge, afin de tenir compte de l'actualisation des prévisions sur la base des dernières données disponibles. Cela représente 150 millions d'euros.
Nous proposons enfin d'étendre les accords de maîtrise de prix-volume aux transports sanitaires. Cela représente 100 millions d'euros d'économies, soit l'équivalent du dérapage constaté en 2024 pour cette dépense.
Voilà, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, en toute transparence, les mesures que propose le Gouvernement pour freiner la nouvelle évolution de l'Ondam prévue sur l'année 2024.
À plus long terme, le Gouvernement souhaite se doter de nouveaux outils de régulation : ainsi, les amendements déposés en vue d'autoriser l'assurance maladie à appliquer de nouveaux plafonds de franchises spécifiques pour les transports sanitaires, d'une part, et les dispositifs médicaux, d'autre part, recevront un avis favorable. Compte tenu des délais de mise en œuvre opérationnels de ces dispositifs, il n'en est cependant pas attendu d'économies significatives dès l'année prochaine.
En 2025, quatre piliers permettront de ramener le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d'euros, tout en finançant des mesures nouvelles.
Le premier pilier est la modulation de l'indexation des pensions de retraite. Comme cela a été annoncé, un compromis a été trouvé afin de corriger la copie initiale présentée par le Gouvernement – c'était d'ailleurs l'une des propositions de la commission des affaires sociales du Sénat.
Toutes les retraites feront l'objet d'une revalorisation au 1er janvier 2025, égale à environ la moitié de l'inflation.
Les petites retraites feront l'objet d'une revalorisation complémentaire à l'été pour qu'elles ne soient pas affectées par cette mesure. Je précise que le calendrier et les modalités de revalorisation des minima sociaux restent inchangés.
Le deuxième pilier est la maîtrise des dépenses de l'Ondam, qui permettra de ramener la progression de celui-ci à son niveau spontané de 2,8 %.
Les marges de manœuvre que nous dégageons nous permettront de financer les mesures nouvelles que le Gouvernement souhaite déployer : en faveur des professionnels de santé libéraux, que nous proposons de revaloriser via une enveloppe de 1,6 milliard d'euros ; en faveur de l'hôpital, dont nous proposons d'augmenter le budget de 3 milliards d'euros ; en faveur des établissements sociaux et médico-sociaux, dont nous proposons d'accroître le budget de plus de 2 milliards d'euros.
Le troisième pilier est constitué par les réformes d'efficience. Je pense notamment à celle des allègements généraux, qui doit nous permettre de lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires. Mais, comme vous le savez – nous l'avons dit à plusieurs reprises –, nous sommes ouverts à des ajustements sur ce point, afin de modérer la contribution demandée aux entreprises et aux employeurs.
J'ajoute – c'est le quatrième pilier – que nous continuerons à amplifier nos efforts en matière de lutte contre la fraude sociale, en lien avec les caisses du régime général, l'Urssaf et la Mutualité sociale agricole (MSA). Je l'ai dit, nous avons repris plusieurs amendements en ce sens issus de l'Assemblée nationale. Je relève également des propositions intéressantes de la commission des affaires sociales du Sénat sur ce sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis, aux côtés de mes collègues du Gouvernement, de travailler avec vous dans les prochains jours pour améliorer encore ce texte, qui est avant tout, je le crois profondément, un texte d'urgence, mais aussi et surtout un texte de responsabilité collective. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Khalifé Khalifé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail est au cœur du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le travail finance notre protection sociale : les contributions sur le travail sont encore la ressource très majoritaire de la sécurité sociale. Les travailleurs et les employeurs comptent sur l'assurance santé, sur l'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles et sur une assurance vieillesse qui protège et qui tienne ses promesses durablement.
Notre discussion s'ouvre aujourd'hui dans un contexte différent, dans un contexte économique qui se tend, avec un niveau élevé de défaillances d'entreprises et d'importantes conséquences sociales dans les territoires, avec l'annonce de plusieurs plans sociaux.
Je profite de ce passage à la tribune pour saluer les projets d'accords trouvés vendredi dernier entre les organisations de salariés et les organisations patronales sur l'assurance chômage et l'emploi de seniors.
Mme Émilienne Poumirol. On prend les mêmes et on recommence !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Ce premier succès démontre qu'une nouvelle méthode et un dialogue social renouvelé permettent des avancées importantes. Il souligne également combien les partenaires sociaux sont des acteurs incontournables de la vie démocratique, sociale et économique du pays.
Il souligne encore qu'il est important de faire confiance au dialogue social – je sais que votre assemblée et son président y sont particulièrement attachés. Le succès de ces négociations est une réussite collective.
Alors que l'assurance chômage doit pleinement jouer son rôle de filet de sécurité, les points de l'accord qui porte sur celle-ci permettent aujourd'hui de répondre aux enjeux.
Je reviens au cœur de mon propos sur le PLFSS. Pour tous les salariés de ce pays, pour tous les employeurs, nous avons la responsabilité collective de protéger notre modèle social, de le rendre plus efficace et d'en garantir la soutenabilité.
Si le travail et l'activité financent notre protection sociale, aujourd'hui, objectivement, ils ne suffisent pas.
Nous devrons, à terme, réfléchir à un mode de financement différent de notre protection sociale. Dans l'immédiat, personne ne peut se satisfaire que notre modèle social soit financé de facto par le déficit et l'emprunt !
Il nous faut donc travailler plus et mieux, tous et mieux, plus longtemps et en meilleure santé, afin de financer nos investissements d'avenir et notre protection sociale.
Ministre du travail et de l'emploi, mon rôle est d'abord de faire en sorte que notre économie continue à créer des emplois.
Il est aussi de faire en sorte que ces emplois offrent un travail de qualité, exercé dans de meilleures conditions et que cette contribution soit reconnue. C'est ce que nous proposons aussi au travers de ce PLFSS.
Sur l'emploi et le travail, le PLFSS est d'abord un outil pour favoriser le dynamisme salarial et le travail qui paie. C'est le sens premier de l'article 6. Nous avons un double impératif : soutenir l'emploi dans le contexte particulier que l'on connaît ; développer la compétitivité de nos entreprises.
Avec cet article 6, nous souhaitons ouvrir un débat important. De fait, pour la première fois depuis très longtemps, cet article prévoit de réviser à la baisse des allègements de cotisations patronales. L'Assemblée nationale l'a supprimé sans proposer de solution de substitution, mais le texte arrive finalement au Sénat dans son état initial.
Je suis persuadé qu'il ne peut pas y avoir de cohésion sociale sans entreprises qui marchent, et inversement. La préservation de l'emploi est une priorité !
Je partage donc le souci exprimé de protéger l'emploi et de limiter la dynamique d'augmentation du coût des allègements généraux.
Pour tenir compte de ces différentes contraintes, le Gouvernement, comme Laurent Saint-Martin l'a récemment souligné, est prêt à revoir le rendement de cette mesure. Ce sera tout l'objet des discussions que nous aurons au Sénat.
Nous devrons également avancer sur l'articulation entre salaires, cotisations sociales et prestations. C'est l'un des enjeux de l'allocation sociale unique, chantier que le Premier ministre vient de relancer, sous l'égide de mon collègue Paul Christophe.
De la même manière, en dehors du champ du PLFSS, sur les minima conventionnels et les classifications professionnelles, qui contribuent grandement au tassement des grilles salariales, nous avons commencé à recevoir les branches qui tardent trop et, de façon structurelle, à négocier sur ces points.
Nous devons enfin, sur la question des salaires, examiner la question du temps partiel subi, qui, à 80 %, concerne des femmes. L'inspection générale des affaires sociales (Igas) va rendre très prochainement un rapport sur la question. J'aimerais que les partenaires sociaux comme les parlementaires puissent s'en saisir rapidement.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les leviers sont nombreux. Nous devons les activer pour que le travail paie dans notre pays.
Ainsi que je l'ai dit lors de mon audition par la commission, je suis, comme vous tous, attachée à la responsabilité budgétaire. Celle-ci est le deuxième axe de ce qui concerne le travail et l'emploi dans ce PLFSS.
Un effort collectif doit être réalisé, afin d'assurer la pérennité de notre modèle social tout en préservant les plus vulnérables.
La proposition du Sénat tendant à instituer une contribution de solidarité par le travail est intéressante. Elle permettrait de mieux financer la branche autonomie, tout en présentant une grande souplesse d'application, laissant de la place au dialogue social.
Pour ce qui concerne les pensions de retraite, votre commission des affaires sociales a adopté une nouvelle rédaction de l'article 25, avec une revalorisation en deux temps : de l'ordre de la moitié de l'inflation pour tous au 1er janvier, et une revalorisation complémentaire rétroactive à intervenir au 1er juillet, de manière que les pensions inférieures au Smic soient revalorisées au niveau de l'inflation.
Je veux rappeler ici pourquoi nous soutenons cette mesure.
Nous partageons tous l'objectif de garantir la soutenabilité et la pérennité de notre régime de retraite par répartition. La dégradation de la situation économique appelle des mesures qui produisent leur effet à court terme, tout en gardant un esprit de solidarité et de justice.
Par ailleurs, je rappelle que le précédent gouvernement a utilisé un instrument très puissant, en janvier de cette année, en revalorisant les pensions de 5,3 %, une mesure à 14 milliards d'euros pour les finances publiques.
Les retraités ne constituent pas plus que les salariés un bloc homogène. Je pense que cet article permet de préserver à la fois les retraités et les plus fragiles d'entre eux.
Enfin, garantir la soutenabilité du système de retraite oblige aussi à regarder en face la situation de certains régimes déficitaires, comme la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers souffre d'une démographie défavorable, avec moins de cotisants, plus de pensionnés et un taux de cotisations employeur très inférieur au reste de la fonction publique.
Sans réforme, la CNRACL présenterait, en 2030, un déficit de 10 milliards d'euros – sur les 14 milliards d'euros de déficit de l'ensemble de la branche vieillesse.
Nous y répondons en procédant à une augmentation progressive des cotisations des employeurs. Nous avons fait le choix de hausses graduelles, plutôt que du choc préconisé par les inspections dès 2025. Les discussions en commission des affaires sociales ont permis d'enrichir ce texte, et les dispositions de l'amendement déposé par Mme la rapporteure générale vont dans le sens d'une plus grande progressivité et d'un lissage. Bien entendu, le Gouvernement soutiendra cette proposition.
Je veux maintenant évoquer la branche maladie.
Le montant des indemnités journalières (IJ) est passé de 8 milliards d'euros en 2017 à 17 milliards d'euros en 2023. Cette croissance ne s'explique qu'en partie – à hauteur de 58 % – par le vieillissement de la population active et par les conséquences automatiques des revalorisations du Smic. Elle doit donc nous interroger.
Nous avons intégré, dans ce PLFSS, une mesure d'économie sur les IJ qui sera mise en œuvre par voie réglementaire.
J'ai conscience qu'il s'agit d'une réponse de court terme, qui transfère le coût vers l'employeur et qui risque de polariser un peu plus encore le monde du travail, entre les salariés qui sont protégés par de bonnes conventions collectives et ceux qui ne le sont pas. Cette mesure comptable était nécessaire, sans être satisfaisante.
Nous devrons impérativement réexaminer le système des IJ dès que le budget sera voté, afin de trouver un meilleur équilibre, plus juste, entre responsabilité individuelle, responsabilité de l'entreprise et solidarité nationale.
Je souhaite que nous puissions en discuter au Parlement, mais nous devrons aussi échanger avec les partenaires sociaux et les chercheurs en mettant ces sujets sur la table dès janvier 2025.
Après le travail qui paie et la responsabilité budgétaire, un troisième grand axe de ce PLFSS pour le travail et l'emploi est formé de mesures de justice sociale et d'appui aux entreprises.
En matière agricole, ce PLFSS contient plusieurs progrès significatifs, comme la pérennisation de la hausse des exonérations de cotisations patronales sur le travail saisonnier et la hausse des exonérations de cotisations au moment de l'installation, des avancées qui ont été demandées en janvier dernier.
Pour ce qui concerne les exonérations pour les travailleurs saisonniers, nous avons complété le dispositif : à l'Assemblée nationale, nous avons pu avancer avec les députés engagés sur ce sujet, de manière à neutraliser les effets de la réforme des allègements généraux sur le dispositif dit travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE).
L'application de cette disposition outre-mer pose des difficultés spécifiques. Un rapport de l'Igas et de l'inspection générale des finances (IGF) sera d'ailleurs rendu dans les prochains jours ; il a d'ailleurs été présenté aux sénateurs et députés ultramarins. Ce bilan montre qu'il existe des marges d'efficacité pour que cette exonération soit mieux ciblée et plus efficace et pour qu'elle soutienne mieux l'emploi.
Un travail doit être engagé sur le sujet dans le cadre de l'ordonnance prévue à l'article 6. En attendant, il paraît sage de neutraliser l'impact de l'article 6 sur la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) ; le Gouvernement sera ouvert à toutes les propositions.
Nous mettons aussi en œuvre la convergence du mode de calcul des retraites des agriculteurs avec le régime général. Il s'agit d'une mesure de justice sociale, qui permet de tenir compte des variations importantes des revenus agricoles au cours des mauvaises années.
Nous avions travaillé avec les députés pour accélérer au maximum l'entrée en vigueur de cette réforme. Le Gouvernement a déposé un amendement pour anticiper certains effets de la réforme dès 2026. Ce point aussi pourra être amélioré dans le cadre de nos discussions.
Je veux aborder un dernier point très important : l'article 24 du PLFSS, qui souligne l'importance du dialogue social auquel nous sommes attachés. En effet, cette disposition permet la bonne transposition dans la loi de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023 concernant l'indemnisation des accidents du travail.
Je sais que le Sénat y est particulièrement attentif – je pense notamment aux sénatrices Annie Le Houérou et Marie-Pierre Richer, qui ont rendu un rapport d'information sur la question au début du mois d'octobre.
La transposition est un exercice délicat : le passage des termes d'une négociation sociale serrée au droit positif n'est pas toujours évident. D'ailleurs, pour ceux qui s'en souviennent, la rédaction adoptée l'an dernier n'était pas totalement satisfaisante… Les partenaires sociaux ont été conduits à préciser certains termes de l'accord de 2023.
Cet automne, un travail soutenu avec les partenaires sociaux et les parlementaires a permis d'aboutir à une meilleure transcription de l'ANI, une transcription plus complète qui apporte des améliorations substantielles. Il s'agit notamment de permettre une sortie en capital, à la demande de la victime, pour la part majorée qui indemnise le préjudice personnel et qui est versée en cas de faute inexcusable de l'employeur.
Derrière le vocabulaire juridique, il y a des situations douloureuses, celles de personnes qui n'ont plus qu'une faible espérance de vie et qui préfèrent opter pour une sortie en capital, avec de l'argent immédiatement disponible, plutôt que pour une rente. C'est ce qui sera rendu possible par l'article 24.
Le Gouvernement soutiendra les amendements travaillés avec les partenaires sociaux et les sénateurs qui permettent réellement d'améliorer le dispositif.
Voilà, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le choix que nous vous proposons en matière de travail et d'emploi.
Beaucoup de discussions ont lieu depuis que le texte est passé en conseil des ministres. Certains débats ont commencé à l'Assemblée nationale sans pouvoir aboutir. Il vous revient maintenant de faire des choix pour soutenir le travail et l'activité, des choix responsables et qui ne cèdent en rien au court-termisme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales et M. Khalifé Khalifé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons ensemble une responsabilité sur la partie du PLFSS qui concerne les solidarités.
Comme vous le savez, l'Assemblée nationale n'a pu aller jusqu'au bout de l'examen du texte proposé. Je n'ai donc pu défendre les articles qui me concernaient. Nous procéderons ensemble aux évolutions nécessaires, et je serai autant que possible le garant de la prise en compte des souhaits des députés, en complément des vôtres.
Je rappelle également que le texte qui vous est proposé a été préparé dans un cadre budgétaire contraint, et rapidement. Il est donc perfectible. Je sais que vous avez des avancées importantes à proposer ; j'y reviendrai.
Si nous avons eu le temps de les évoquer en audition, je tiens à rappeler ici les grands principes qui guident le budget de mon ministère, à savoir l'efficience, qui va de pair avec la fraternité, avec un budget d'investissement dans notre avenir, c'est-à-dire dans notre modèle de solidarité, et la prise en compte de notre transition démographique.
Dans le contexte budgétaire actuel, nous savons que les plus vulnérables d'entre nous seraient les premiers à souffrir d'un dérapage des finances publiques.
Les commissaires des affaires sociales peuvent en témoigner compte tenu des échanges que nous avons eus : mon ministère entend prendre toute sa part à l'effort collectif pour que la fraternité – la troisième valeur républicaine, celle qui apporte une indispensable dimension humaine – continue d'être un principe général d'action publique.
Je les remercie du travail qui a été mené. Il va être encore approfondi à partir d'aujourd'hui dans cet hémicycle. En effet, si les moyens des solidarités sont en hausse pour accompagner toutes les familles et tous les Français, il nous faut aussi – c'est indispensable – renforcer l'efficacité au juste coût, autrement dit l'efficience de nos moyens publics.
Pour ce faire, nous encouragerons les améliorations dans les pratiques d'achat des établissements et les mises en commun des ressources.
Nous favoriserons une sobriété médicamenteuse en établissement, car nous savons qu'un usage abusif des médicaments peut détériorer la santé et altérer la qualité de vie de nos concitoyens.
Nous lutterons contre toutes les formes de mésusage des moyens publics, lesquels doivent toujours aller à la qualité de l'accompagnement des usagers.
À cet égard, je vous remercie, madame la sénatrice Aeschlimann, de votre amendement visant à s'assurer que le complément de libre choix du mode de garde dit « structure » soit bien utilisé uniquement au bénéficie de la qualité de prise en charge.
Je commencerai en évoquant la politique familiale, qui est une priorité du Gouvernement et du Premier ministre.
Ce PLFSS conforte tout d'abord les moyens prévus pour le service public de la petite enfance. Celui-ci est crucial et a un impact considérable sur la vie des Français. Il est nécessaire d'agir de manière résolue et continue si l'on veut réduire les tensions sur l'offre d'accueil et la charge qui en découle pour les parents, et nous devons aller plus loin dans le contrôle de la qualité de cette offre.
Concrètement, nous renouvelons le défi de créer 35 000 places en établissement d'accueil du jeune enfant, en finançant les investissements nécessaires à horizon de 2027.
Nous poursuivons également la revalorisation des professionnels, qui sont essentiels à notre ambition pour la petite enfance. Dès cette année, le « bonus attractivité » commence son déploiement, pour augmenter les salaires nets à hauteur de 150 euros en moyenne en début de carrière.
Le service public de la petite enfance bénéficiera à partir du 1er janvier 2025 d'un nouvel élan, grâce aux compétences obligatoires conférées aux communes : celles-ci auront le rôle de recenser l'offre disponible et disposeront enfin de nouveaux outils pour assurer la qualité de l'accueil du jeune enfant.
De fait, l'objectif de ce service public est aussi et surtout de renforcer la sécurité des jeunes enfants. Les lieux d'accueil sont les premiers lieux de la vie ; ils doivent la protéger.
Nous devons tourner la page des intolérables situations d'optimisation financière, qui font souffrir nos enfants et les professionnels et qui créent une défiance des parents.
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. Paul Christophe, ministre. Rôle renforcé des communes, revalorisation des professionnels, création de nouvelles places : telles seront les clés d'une confiance retrouvée et d'un secteur consolidé.
M. Xavier Iacovelli. Très bien !
M. Paul Christophe, ministre. Je sais que le Sénat a des propositions sur les modalités de financement des crèches. Comme ma collègue Agnès Canayer, je les considère avec attention, tout en ayant à l'esprit le besoin de stabilité et de visibilité du secteur, en cette période décisive pour la relance de la création de places de crèche.
Je vous rappelle aussi que nous devons toutes et tous ici prêter une attention particulière aux familles monoparentales, dont la charge incombe plus souvent à des femmes.
À partir de 2025 et comme prévu, la branche famille financera à hauteur de 600 millions d'euros en année pleine une réforme du complément de libre choix du mode de garde. Ce dernier pourra être versé, pour les familles monoparentales, jusqu'aux 12 ans de l'enfant, contre 6 ans actuellement.
Tous les parents sans exception ont besoin de concilier leurs différents temps de vie. Pour qu'ils puissent jouer pleinement leur rôle, nous devons favoriser leur accès à l'emploi et leur maintien dans la vie professionnelle. Ces exigences nécessitent une hausse des dépenses de près de 2 milliards d'euros sur la branche famille en 2025.
Pour ce qui concerne le projet de « congé de naissance » ou « d'accueil du jeune enfant » – peu importe le nom –, je partage avec Agnès Canayer et Salima Saa le besoin d'ajouter un nouveau droit, après les congés maternité et paternité. Nous allons reprendre les concertations pour faire plus simple et plus efficace, au service du développement lors des 1 000 premiers jours de l'enfant et de l'égalité entre les femmes et les hommes.
La valeur de fraternité porte également nos actions en faveur des personnes en situation de handicap.
Je souhaite, avec Charlotte Parmentier-Lecocq, conforter les mesures de la Conférence nationale du handicap (CNH) et la dynamique impulsée par les jeux Paralympiques en faveur d'une société plus inclusive.
Le PLFSS prévoit ainsi une accélération du déploiement des 50 000 nouvelles solutions d'accompagnement. Le rythme prévu s'appuyait sur 200 millions d'euros environ par an. Nous porterons l'enveloppe disponible à 270 millions d'euros supplémentaires en 2025.
Cette dynamique doit rendre possible, dès 2025, le déploiement effectif de 15 000 solutions plus individualisées, plus adaptées aux besoins spécifiques des personnes, au plus près de leurs lieux de vie.
On ne peut pas tout standardiser. Nos politiques visent à faciliter le sur-mesure. Si besoin, ces solutions pourront bénéficier, en complément, du fonds de transformation de l'offre de 250 millions d'euros annoncé en Comité interministériel du handicap et confirmé dans le PLFSS.
La transformation vers le milieu ordinaire ne se décrète pas. Elle s'accompagne et doit être dotée de moyens.
Dans ce contexte, nous aurons une attention particulière à l'école pour tous, à laquelle je crois profondément. Je le dis souvent, votre camarade de classe en situation de handicap peut être votre ami aujourd'hui, votre collègue de demain ou votre futur compagnon ou époux.
Une société est véritablement inclusive quand elle combat activement les préjugés dès le début de la sociabilisation. C'est de cette manière que l'on bâtit une société nativement inclusive.
Pour ce faire, notre école a besoin de moyens d'accompagnement médico-sociaux. Mon ministère est en mesure de les fournir.
Toutefois, avant l'école même, il y a le repérage, qu'il faut réaliser le plus tôt possible. À cet égard, nous apportons, avec Mme la sénatrice Guidez, une amélioration sur le service de repérage, pour nous assurer qu'il aille bien jusqu'aux 6 ans révolus de l'enfant, c'est-à-dire 6 ans et 344 jours, et non 5 ans et 344 jours. Cette correction a son importance, car un repérage et un diagnostic précoces sont essentiels pour éviter les risques de surhandicap.
J'en viens à un sujet d'attention pour lequel les défis sont toujours devant nous : le vieillissement de la population. Nous en avons beaucoup parlé, et nos préoccupations sont communes.
Oui, il faut se préparer dès maintenant à l'augmentation importante du nombre de personnes de plus de 85 ans qui auront besoin d'un soutien dans leur autonomie.
Le vieillissement de notre population est une réalité incontournable, même si – j'ai plaisir à partager avec vous cette information – le vieillissement en bonne santé s'améliore enfin dans notre pays, comme les toutes dernières statistiques de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) viennent d'en témoigner. La prévention paie !
En anticipant ce phénomène et en repensant notre approche politique, nous ne ferons pas seulement face à cette situation : nous garantirons également la préservation des valeurs fondamentales qui font la France.
Dans l'immédiat, nous faisons face à une urgence : la situation financière difficile des Ehpad ne peut plus durer ! C'est dans l'intérêt des résidents des professionnels, des familles et des valeurs sociales de notre pays.
Aujourd'hui, 90 % des Ehpad de demain sont déjà là. Nous avons besoin d'eux ! Or leurs difficultés financières sont structurelles, comme l'ont montré plusieurs rapports parlementaires. J'ai bien l'intention d'apporter, avec vous, des solutions pérennes face à cet enjeu, et j'ai regardé avec attention les nombreux amendements déposés en ce sens.
Le sujet des Ehpad n'est pas seulement financier. Ceux-ci doivent se transformer : au-delà du « bien vieillir », il faut en faire des lieux de « bien vivre ». Certains logent des étudiants, abritent des crèches conjointes, des services publics. Certains accueillent même parfois des lieux de convivialité pour tout un quartier. Des investissements immobiliers supplémentaires sont prévus à cet effet dans le PLFSS.
Évidemment, le financement des Ehpad doit également être simplifié. Ils ne sont pas uniquement financés, comme vous le savez, par la sécurité sociale. Or le renvoi de responsabilités entre cofinanceurs est délétère.
En complément d'une mesure de la loi Bien Vieillir, le PLFSS prévoit ainsi de financer de manière volontariste l'expérimentation du financement de l'entretien de l'autonomie en Ehpad, qui relève aujourd'hui des départements, par la branche de la sécurité sociale du même nom.
Cette réforme, pour laquelle 23 départements candidats sont retenus, représente un surcoût total d'environ 200 millions d'euros pour la sécurité sociale.
Cependant, nous croyons tous au caractère structurant de cette expérimentation, au point que certains voudraient en réduire la durée de quatre à deux ans. C'était le souhait de la députée Annie Vidal, que je me permets de citer ici. Je comprends que c'est aussi votre souhait, madame la sénatrice Deseyne. Je vous confirme que j'y serai favorable.
Durant l'année passée, nous avons travaillé dans ces 23 départements pour réaliser cette fusion des sections qui débutera maintenant dans seulement un mois et demi si cette disposition est votée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'attire votre attention sur le fait que ce temps ne permet plus de modification. Nous avons besoin de tous les services impliqués dans cette expérimentation, dont les agences régionales de santé (ARS) et les équipes des départements, que je remercie par ailleurs. Ils ont besoin de stabilité.
Enfin, les moyens des Ehpad, tous départements confondus, augmenteront, via le recrutement d'environ 6 500 professionnels supplémentaires, pour atteindre au plus vite les 50 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires annoncés pour 2030.
Ces évolutions aboutissent à une hausse des moyens dédiés aux personnes âgées d'environ 6 % en 2025, soit une augmentation supérieure à celle de l'année dernière.
Accompagner le vieillissement, c'est également soutenir nos aides à domicile, grâce auxquelles se réalise le souhait de nombreux Français de vieillir chez eux, que ce soit à leur domicile historique ou dans une résidence adaptée.
En accord avec la loi Bien Vieillir d'avril 2024, nous proposons, dans ce PLFSS, une nouvelle aide financière de 100 millions d'euros à destination des départements, qui la dirigeront vers les aides à domicile afin de soutenir une partie de leurs dépenses en mobilité. En effet, les aides à domicile, qui sont souvent des femmes, financent encore leurs déplacements professionnels, ce qui est inacceptable !
Surtout, et c'est un effort important annoncé par le Premier ministre lors des Assises des Départements de France en fin de semaine dernière, nous allons préserver intégralement les taux de compensation des départements sur les dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie et de prestation de compensation du handicap en 2025.
Cela a un coût : environ 200 millions d'euros. Cette somme sera ajoutée aux dépenses de la branche. Mais c'est aussi un signal fort pour mettre fin à un système de concours daté et illisible, qui ne répond plus aux besoins démographiques à venir.
Aujourd'hui, le montant des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) dépend de l'évolution de ses recettes. L'enjeu est évidemment de les faire évoluer en fonction des besoins identifiés sur les territoires.
C'est ce que nous faisons avec ces 200 millions d'euros pour 2025, en nous assurant que, malgré une hausse dynamique des dépenses liée au vieillissement, le taux de compensation sera maintenu.
En lien avec Départements de France et à partir de ce premier mouvement significatif, nous négocierons ensemble des règles d'évolutions claires en 2026 et pour les années suivantes, afin de faire converger les taux de compensation et de donner à ces collectivités essentielles une visibilité sur l'accompagnement à venir de la sécurité sociale par rapport à des besoins en hausse.
C'est aussi cela la nouvelle méthode partenariale du Gouvernement avec les collectivités territoriales sur cet enjeu déterminant du vieillissement.
Enfin, je souhaite conclure en évoquant un sujet que je porte depuis plusieurs années, celui des 11 millions d'aidants de personnes en situation de handicap ou âgées en perte d'autonomie.
Je vous confirme que le PLFSS prévoit une augmentation des moyens pour le déploiement de nouvelles places de répit, et je surveille avec attention le déploiement des droits rechargeables du congé proche aidant pour chaque nouvelle personne aidée.
Je souhaite par ailleurs donner un nouveau souffle à la stratégie Agir pour les aidants, que les récents soubresauts démocratiques n'ont pas permis de porter autant que ce sujet le méritait. Un comité de suivi aura bien lieu avant la fin de l'année.
J'en profite pour ajouter que, dans une logique de convergence sociale à Mayotte, madame la sénatrice Ramia, et d'égalité de traitement entre tous nos concitoyens, je serai favorable à l'extension de l'assurance vieillesse des aidants à Mayotte.
Ceux qui accompagnent leurs proches doivent pouvoir cotiser au titre de leurs droits à la retraite pendant cette période partout sur notre territoire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les modifications de la trajectoire de la branche autonomie aboutissent à une hausse des dépenses en 2025, non plus de 2,4 milliards d'euros, mais de 2,6 milliards d'euros, compte tenu des efforts sur les concours. J'assume ces investissements nécessaires, au bénéfice aussi bien de la fusion des sections que du respect de notre mouvement de développement de l'offre à l'horizon 2030. Les Français comprennent très bien le vieillissement de notre pays et sont prêts à les soutenir.
Cela ne nous exempte ni d'exercer un devoir d'efficience ni de continuer à travailler sur la conciliation entre la responsabilité individuelle et la socialisation du risque autonomie, sachant que nous avons consacré ce dernier il y a maintenant quatre ans lors de la création de la branche. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Alors que les projets de loi de ce type existent depuis plus d'un quart de siècle, celui que nous examinons aujourd'hui est probablement le plus lourd d'enjeux.
Tout d'abord, la situation des finances publiques, et sociales en particulier, connaît une dégradation sans précédent, et cela hors période de crise. En 2024, le déficit public atteindrait ainsi 6,1 % du PIB, contre une prévision à 4,4 %. Le déficit de la sécurité sociale était estimé, lui, à 18 milliards d'euros – du moins, jusqu'à il y a quelques heures : on dépasserait plutôt les 19 milliards d'euros désormais… La prévision de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 était de 10,5 milliards d'euros.
Ensuite, la discussion des textes financiers se déroule, cet automne, sous la surveillance de l'Union européenne et des marchés financiers, car la France fait, à nouveau, l'objet de la procédure de déficit excessif. Les pouvoirs publics, qui veulent obtenir un délai de sept ans au lieu de quatre ans pour revenir à un déficit sous les 3 % du PIB, doivent donc envoyer un message clair de maîtrise des comptes.
Du côté des marchés financiers, la situation n'a, pour l'instant, rien de dramatique. Mais s'ils avaient l'impression d'une perte de contrôle de ses finances publiques par la France, il en irait autrement…
J'attire également votre attention sur le fait que, selon la loi organique, l'autorisation de s'endetter pour la sécurité sociale ne peut figurer que dans les lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, chacune d'entre elles comprend un article qui y est consacré – l'article 13 cette année. Rejeter le PLFSS relèverait de l'aventurisme juridique, donc financier, dès lors qu'une sécurité sociale en fort déficit se finance en empruntant à court terme sur les marchés.
J'en viens aux mesures de redressement proposées par le Gouvernement sur la sphère sociale. Les chiffres sont sans précédent : 14,8 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques et 12,4 milliards d'euros pour la seule sécurité sociale.
La nécessité de mesures d'une telle ampleur apparaît dans le seul fait que, malgré leur montant, elles ne suffiraient pas à ramener le déficit sur la trajectoire prévue il y a un an. Compte tenu, notamment, des conditions de son élaboration, ce PLFSS, comme l'a dit Mme la ministre de la santé tout à l'heure, n'a pas vocation à réaliser des mesures structurelles.
Mme Émilienne Poumirol. Ça, c'est sûr !
Mme Laurence Rossignol. En avant toute ! (Sourires sur les travées du groupe SER.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s'agit essentiellement, à ce stade, de mesures paramétriques destinées, dirais-je, à éteindre l'incendie.
La commission des affaires sociales défendra un certain nombre de modifications, avec plusieurs fils rouges.
Tout d'abord, il ne faut pas dégrader un solde déjà très préoccupant, ce qui suppose, même si c'est difficile et, je le dis personnellement, douloureux, des efforts de tous.
Ensuite, cet effort doit être équitablement réparti entre les assurés, les actifs, les retraités, les employeurs et les acteurs de la sécurité sociale.
Enfin, dans un cadre aussi contraint, il convient de préserver l'emploi et les petites retraites, tout en soulageant les finances tendues des établissements de santé et des collectivités territoriales.
Certaines de nos propositions dégraderont le solde, d'autres l'amélioreront. L'effet global est neutre. Je vais vous les présenter à grands traits.
La mesure la plus importante, financièrement parlement, de ce PLFSS, est la réforme des allègements généraux de cotisations patronales, qui doit améliorer le solde de 4 milliards d'euros, augmentation qui reposerait notamment sur les salariés proches du Smic.
Les calculs de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), que nous confirmons, montrent que, telle qu'elle est actuellement rédigée, cette disposition détruirait quelque 50 000 emplois. La commission a donc adopté deux amendements visant à maintenir ces allègements pour les salaires au niveau du Smic.
La deuxième mesure, en montant, est le report de la revalorisation des retraites, qui représente un gain de 3,6 milliards d'euros.
Il nous paraît nécessaire d'épargner les petites retraites. C'est pourquoi Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse, défendra un amendement qui a pour objet une revalorisation différenciée : en plus de la majoration de toutes les retraites au 1er janvier 2025, les plus modestes bénéficieraient d'un coup de pouce en juillet.
La trajectoire financière du PLFSS dépend également de mesures réglementaires.
Tout d'abord, le Gouvernement entend augmenter le taux de cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), pour un montant de 2,3 milliards d'euros en 2025. Je présenterai un amendement au rapport annexé visant à remplacer la hausse de quatre points, trois fois, par une augmentation de trois points, quatre fois, afin d'étaler davantage l'effort des collectivités locales et des hôpitaux.
Nous comptons aussi sur un geste du Gouvernement en faveur des Ehpad et des départements pour l'aide à domicile. La sagesse enjoindrait également de ne pas baisser de dix points le ticket modérateur sur les consultations médicales.
Toutes ces mesures représentent un coût de 3 milliards d'euros. Afin de ne pas dégrader le solde, il convient donc de trouver un montant équivalent de recettes ou de moindres dépenses.
À ces fins, plusieurs leviers sont utilisés, dont la fiscalité comportementale et la lutte contre la fraude et les actes redondants.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous proposerons, enfin, d'instaurer une contribution de solidarité reposant sur sept heures supplémentaires de travail par an, dans une forme à définir librement avec les acteurs du terrain. Il ne s'agit donc pas de supprimer un jour férié, comme on l'entend parfois… (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Cela revient au même !
Mme Annie Le Houerou. Travailler plus pour gagner moins !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cette mesure assurerait le financement à long terme de la branche autonomie et, dans l'immédiat, le soutien, que j'ai précédemment mentionné, aux Ehpad et aux départements.
Elle dégagerait aussi des fonds pour des mesures nouvelles, comme la réforme de la prise en charge des fauteuils, qui a été annoncée par le Président de la République en début d'année, mais qui n'avait toujours pas trouvé son financement…
Cependant, ce PLFSS ne fait que répondre à l'urgence. Ce qu'il faut, c'est ramener les finances sociales à l'équilibre, ce qui suppose, tout d'abord, une trajectoire pour y revenir. Celle qui figure au rapport annexé, qui affiche un déficit de 20 milliards d'euros pour 2028, n'est qu'une prévision sur la base des mesures déjà connues – l'un de mes amendements tendra à préciser ce point.
Revenir à l'équilibre nécessite, ensuite, des mesures structurelles. L'on ne peut, chaque année, réduire des droits : il faut rendre le système de protection sociale et, en particulier, de santé, plus efficient, afin que le service rendu soit de même qualité, mais pour moins cher. Cela ne saurait émaner que de réformes de fond, que nous espérons.
C'est seulement à cette condition qu'il sera possible de réaliser un nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Celui-ci devra advenir rapidement afin que la dette sociale ne s'accumule pas à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce qui, comme le directeur général de cette dernière l'a souligné en audition, serait extrêmement dangereux.
En effet, l'Agence ne peut emprunter qu'à court terme, même si l'on vient d'allonger d'un an la possibilité pour elle de le faire, ce qui la rend vulnérable en cas de crise de liquidité, comme l'a montré la crise sanitaire de 2020.
Le transfert d'une dette sociale significative à la Cades doit s'accompagner d'un recul de l'échéance d'amortissement de la dette sociale, actuellement fixée à 2033, par une disposition organique.
Pour moi, comme pour chacun d'entre vous, ce qui compte avant tout, c'est de maintenir notre protection sociale au plus haut niveau. Mais nous n'y parviendrons pas si nos finances publiques cessent d'être soutenables.
Nous devrons donc être prudents et courageux. Ce sera certainement douloureux, mais le pire serait de n'avoir ni la volonté ni le courage de formuler des propositions à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, disons-le d'emblée : la situation de la branche assurance maladie est, franchement, préoccupante.
Ainsi, le déficit projeté en 2025 atteint 13,4 milliards d'euros selon le texte transmis, après un exercice 2024 ayant vu ce solde se dégrader de plus de 6 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale.
Alors que le déficit se creusera encore au moins jusqu'à 2028, l'horizon d'un retour à l'équilibre s'éloigne durablement, nous rendant particulièrement vulnérables à tout nouveau choc conjoncturel. Cela obère également notre capacité à relever les défis auxquels nous faisons face, alors que la santé demeure l'une des premières préoccupations, si ce n'est la première, des Français.
Le Gouvernement nous informe que la situation en 2024 serait plus dégradée encore que ce qui était anticipé. Au pied du mur, nous n'avons d'autre choix que de tenir compte de ces nouveaux éléments de contexte pour 2025.
L'année prochaine, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) atteindrait 264 milliards d'euros, en hausse de 2,6 % par rapport à l'exécution de 2024. Cette projection, fortement contrainte, imposerait un niveau d'économies sans précédent, notamment sur les soins de ville et les produits de santé.
L'exercice ne paraît toutefois pas impossible : entre 2015 et 2019, je le rappelle, l'Ondam progressait en moyenne de 2,4 % par an.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Parce qu'elle n'adhère pas à plusieurs éléments sous-jacents de cette prévision, la commission défendra des positions fermes, dont elle souhaite que le Gouvernement tienne compte pour rééquilibrer ce PLFSS.
Il s'agit, en premier lieu, de lisser la hausse des cotisations à la CNRACL sur une durée plus longue, afin de respecter les besoins de financement des établissements. Madame la ministre de la santé et de l'accès aux soins, vous nous avez rassurés sur ce point, car, sans cet effort, c'est à l'asphyxie financière que nous les condamnons.
En deuxième lieu, il convient de limiter autant que possible la hausse du ticket modérateur annoncée par le Gouvernement sur les consultations de médecins et de sages-femmes. Celle-ci constitue un report de charges vers les assurés et induit une privatisation du financement de ces actes pivots.
J'ai bien relevé une hausse contenue à 5 %, madame la ministre, mais j'entends aussi parler d'une augmentation de 5 % du ticket modérateur sur les médicaments, dont il n'était jusqu'à présent pas question… Avouez que ce n'est guère satisfaisant.
La situation, alarmante, exige une mobilisation collective pour dessiner les contours d'un redressement financier dans un horizon raisonnable, sans sacrifier aux nécessités du présent. C'est à la recherche de cet équilibre délicat que nous invite le PLFSS : tenir des objectifs de dépenses resserrés tout en continuant à œuvrer pour la santé des Français.
Parce que ce texte impose à tous les contribuables des efforts considérables, l'inaction face à la fraude sociale et à l'inefficience de la dépense serait inaudible, voire coupable.
La commission a donc adopté deux amendements visant à renforcer notre arsenal de lutte contre la fraude, en sécurisant la carte Vitale et en organisant une meilleure articulation avec les complémentaires santé. Elle a également cherché à améliorer la pertinence des dépenses de santé, en limitant les actes redondants par la consultation et l'alimentation du dossier médical partagé (DMP).
Nous sommes également attentifs aux inquiétudes des professionnels de santé et des patients. Attachée à l'exercice conventionnel, la commission vous proposera de supprimer l'autorisation pérenne faite au Gouvernement et à l'assurance maladie de procéder à des baisses unilatérales de tarif. Ce type de mesures doit demeurer exceptionnel et nécessiter une autorisation parlementaire.
Nous vous inviterons également à recentrer la procédure d'accompagnement à la pertinence des prescriptions sur les produits de santé et les actes pour lesquels elle est la plus utile. Dans le contexte actuel, il serait particulièrement inacceptable de réduire le temps médical disponible par l'ajout de formalités inutiles.
La commission formulera, par ailleurs, plusieurs propositions destinées à améliorer l'anticipation et la gestion des pénuries de médicaments, qui continuent de s'aggraver près de deux ans après le lancement de la commission d'enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française.
Enfin, dans les établissements publics de santé, la régulation des dépenses d'intérim des personnels paramédicaux remettra de l'équité dans les équipes soignantes. La commission souhaite son application homogène dans tous les secteurs, y compris le privé. Il convient, en parallèle, de poursuivre le relèvement des quotas de formation des infirmiers, afin de desserrer l'étau sur les ressources humaines des établissements.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, une stratégie de financement à la fois crédible et soutenable est désormais impérative.
Cet effort exige des arbitrages difficiles, dès 2025, ainsi que des choix politiques assumés. La commission invitera le Sénat à y prendre sa part, tout en demeurant attentif aux besoins de santé des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la branche vieillesse connaît cette année une dégradation brutale de son déficit. Celui-ci s'est creusé de 3,6 milliards d'euros l'an passé et atteint désormais 6,3 milliards d'euros. Cela s'explique par les dépenses suscitées par la revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier 2024 à hauteur de 5,3 %, soit l'équivalent de l'inflation de l'année 2023.
Au-delà de ces dépenses ponctuelles, le solde de la branche vieillesse resterait fortement déficitaire pour les années à venir, en raison de l'augmentation du nombre de retraités et de la diminution de la population active.
Les effets de la réforme des retraites seront au rendez-vous, puisque celle-ci rapporterait 8 milliards d'euros en 2028. Ils ne seront toutefois pas suffisants pour ramener la branche vieillesse à l'équilibre. Aussi, je crains que nous ne soyons contraints, à l'avenir, de porter d'autres réformes des retraites. Je le dis ici clairement : la survie de notre système par répartition n'est pas acquise.
La trajectoire de la branche vieillesse, dont la situation s'est fortement dégradée, n'est pas tenable. L'an passé, nous projetions son déficit à 13,6 milliards d'euros en 2027. Je tiens à saluer les mesures de redressement qui figurent dans le PLFSS pour 2025 et qui modifient ces projections. Il nous faut désormais assainir nos finances, afin de ne pas porter préjudice aux générations futures et de préserver nos acquis sociaux.
Je souhaite toutefois que ces efforts soient répartis avec équité : tel est le sens d'un amendement de la commission des affaires sociales, à l'article 23, que je défendrai.
En outre, la commission propose que, exceptionnellement, les pensions de retraite ne soient pas revalorisées au 1er janvier au niveau de l'inflation de l'année passée, mais à hauteur de la moitié de la hausse des prix seulement. Nous demandons à nos concitoyens retraités de consentir à cet effort après la forte revalorisation dont ils ont bénéficié l'an dernier.
Nous ne sommes néanmoins pas égaux face à l'inflation ; il faut pouvoir se nourrir et se loger décemment. C'est pourquoi la commission souhaite préserver les plus faibles retraites, inférieures au Smic, qui bénéficieraient, d'une part, d'une seconde majoration au 1er juillet, équivalente à l'inflation, et, d'autre part, d'un rattrapage compensant la revalorisation plus faible de janvier.
Mes chers collègues, je ne puis évoquer devant vous le déficit de la branche vieillesse sans aborder la situation financière difficile de la Caisse nationale de retraite de la fonction publique des collectivités locales et hospitalières, la CNRACL, du fait de son ratio démographique très défavorable.
Le PLFSS pour 2025 prévoit une hausse de douze points du taux de cotisation des employeurs à cette caisse, soit quatre points de plus en 2025, 2026, puis 2027.
Or les finances des collectivités locales et des établissements hospitaliers sont exsangues. Parce que cet effort de redressement doit être tenable, je m'associe à la proposition d'étalement de cette hausse à trois points par an pendant quatre ans. Je forme également le souhait que la dette de la CNRACL puisse être rachetée par la Cades.
Enfin, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comprend la réforme très attendue du calcul de la retraite de base des non-salariés agricoles sur les vingt-cinq meilleures années d'assurance.
Votée en son principe par le Parlement aux termes de la loi du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses, portée par le député Julien Dive, elle devait entrer en vigueur au 1er janvier 2026. Je souhaite vraiment que cet engagement soit tenu.
Je rappelle que le Sénat a voté à l'unanimité la proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles, présentée par le président Philippe Mouiller et dont j'ai été rapporteur. (Bravo ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Nous proposions alors de maintenir la spécificité de ces retraites, à savoir leur mode de calcul selon un système de points qui se substitue aux revenus en fonction d'un barème redistributif. La solution retenue aux articles 22 et 3 prend en compte les vingt-cinq meilleures années de revenus. Je m'y associe malgré sa plus grande complexité, car elle me semble répondre aux objectifs qui étaient les nôtres : la date du 1er janvier 2026 doit être tenue !
Ainsi, elle exclura du calcul les mauvaises années de récolte et augmentera les pensions des polypensionnés, qui sont 85 % des non-salariés agricoles.
Les monopensionnés aux revenus les plus faibles ne seront pas perdants, grâce au rattrapage des minima de pension, dont les non-salariés exerçant leur activité agricole à titre secondaire pourront désormais bénéficier. J'insiste, de nouveau, sur la date d'entrée en vigueur : la Mutualité sociale agricole (MSA) indique qu'elle pourra appliquer la réforme aux pensions liquidées à compter du 1" janvier 2026. Je souhaite que cela soit acté.
Mes chers collègues, ces mesures donneront lieu à des débats riches et fournis. J'ai à cœur, néanmoins, que nous conciliions nos deux objectifs de réduction de nos dépenses et de protection du pouvoir d'achat des citoyens les plus fragiles. Je le répète, il y va du maintien de notre système de retraite par répartition pour les actifs qui le financent aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en quatre ans, l'excédent de la branche famille a totalement disparu, sans qu'aucune réforme structurelle d'ampleur ait été mise en place sur la période. Selon les prévisions, la branche serait même en déficit de 500 millions d'euros en 2026. La période de la covid de 2020 exceptée, ce serait une première depuis 2018.
Bien que les prévisions pluriannuelles laissent entrevoir un retour ultérieur à un excédent budgétaire, la commission s'interroge sur la capacité de la branche à répondre aux nombreux défis auxquels elle devra faire face dans les prochaines années.
Réduit de 2 milliards d'euros en 2022, avec le transfert du financement des indemnités journalières (IJ) des congés paternité et maternité post-naissance, son solde n'offre pas les marges de manœuvre nécessaires à des réformes pourtant indispensables et attendues par les professionnels et leur famille.
Toutefois, je souligne, dans le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons, la hausse des dépenses de la branche de plus de 1,8 milliard d'euros en un an.
Si ce dynamisme ne résulte pas de mesures nouvelles, il traduit le financement de réformes importantes que nous avons votées ces dernières années et qui entreront en vigueur en 2025. Ainsi de celle du complément de libre choix du mode de garde (CMG) « emploi direct », qui limite le reste à charge pour les familles en cas d'emploi d'une assistante maternelle et l'étend aux familles monoparentales pour la garde des enfants de 6 ans à 12 ans.
Ce dynamisme est aussi issu d'un effort important dû aux prestations extralégales finançant les accueils collectifs. Ainsi, le Fonds national d'action sociale (Fnas) de la branche augmenterait ses dépenses de 9,9 % en 2025, soit 700 millions d'euros supplémentaires, en lien avec la mise en place du service public de la petite enfance.
Pour résumer, pour la branche famille, il n'y a pas de mesure nouvelle, mais pas de ponction non plus ! « C'est mieux que si c'était pire », comme on dit dans le Nord (Sourires.), dans ce contexte budgétaire contraint.
J'alerte néanmoins le Gouvernement sur l'incertitude qui règne dans nos collectivités quant au financement des nouvelles compétences dévolues aux communes et aux modalités concrètes de la mise en place du service public de la petite enfance.
Pour la politique familiale, ce PLFSS est une nouvelle année blanche. Je le regrette.
Toutefois, je présenterai deux amendements au nom de la commission tendant à sécuriser le paiement des salaires des assistantes maternelles, qui font face à de trop nombreux impayés, et à obliger le Gouvernement à revoir chaque année, par décret, le plafond du tarif horaire des microcrèches. En effet, un défaut d'actualisation entraîne sur ces dernières une pression sur les prix pouvant nuire à la qualité de l'accueil.
Le métier d'assistante maternelle connaît une grave crise d'attractivité, avec 100 000 assistantes de moins en dix ans. Il me paraît important de sécuriser une profession qui reste le premier mode d'accueil de la petite enfance dans bien des territoires, notamment ruraux.
L'absence de mesure nouvelle, que nous mettrons sur le compte du contexte autour de la préparation de ce PLFSS, ne doit pas être synonyme d'une année perdue.
J'y vois, au contraire, une chance pour entamer ou reprendre des travaux sur les réformes structurelles nécessaires à la relance de la natalité dans notre pays : création d'un véritable congé de naissance, réforme du financement des établissements d'accueil du jeune enfant – comme l'a dit M. le ministre des solidarités –, ou encore véritable universalité des allocations familiales. Les sujets ne manquent pas ; d'ailleurs, le Sénat a formulé des propositions sur nombre d'entre eux ces dernières années.
S'agissant de la petite enfance, les récents scandales nous imposent de réagir. Le Sénat y prend sa part : il émettra prochainement des recommandations pour améliorer les conditions du contrôle des crèches. J'estime, toutefois, que l'amélioration de la qualité de l'accueil doit passer par la remise à plat du financement des établissements, sans négliger la question sociale : taux d'encadrement, formation, salaires… Une journée de grève est d'ailleurs annoncée, le 19 novembre prochain, dans le secteur.
Je le dis à nouveau : la famille ne saurait être une simple variable d'ajustement des politiques sociales. Notre natalité suit une trajectoire inquiétante : alors que le désir d'enfant des Françaises et des Français serait de 2,4, l'indice conjoncturel de fécondité s'est établi, en 2023, à 1,68, du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes bien loin du « réarmement démographique », pour reprendre les mots du Président de la République. J'invite ceux qui en doutent à lire Les Batailles de la natalité, de Julien Damon.
Oui, mes chers collègues, il y a urgence à promouvoir une politique familiale ambitieuse et refondée ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce PLFSS marque la fin d'une ère pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Abonnée aux excédents depuis plus de dix ans, celle-ci connaîtra un exercice 2025 à l'équilibre, avant de plonger dans une situation légèrement, mais durablement, déficitaire.
Cette situation résulte d'une faible dynamique des recettes, accentuée par les swaps de taux avec la branche vieillesse en 2024 et en 2026, et conjuguée à des dépenses qui continuent de progresser, alimentées par l'accroissement du poids des transferts – j'y reviendrai –, mais également par des améliorations notables de la réparation et par une politique de prévention plus ambitieuse.
Il convient de saluer l'ébauche du virage préventif, tant attendu par les partenaires sociaux et la commission, stimulé par la montée en charge des mesures adoptées lors de la dernière réforme des retraites et par la hausse des moyens attribués, dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG), au Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (FNPATMP).
L'effort consenti est, certes, encore bien insuffisant au regard de l'objectif de 7 % des dépenses de la branche investis dans la prévention, fixé par le récent rapport d'information sur les grands enjeux de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, que j'ai présenté avec Annie Le Houerou. Néanmoins, ce premier engagement marque un réel progrès ; il est la base sur laquelle nous devrons avancer.
La réparation n'est pas oubliée, avec l'article 24, qui prévoit d'ambitieuses revalorisations pour l'indemnisation des victimes d'incapacité permanente, issues de l'accord national interprofessionnel (ANI) de 2023.
Après le fiasco de l'article 39, les partenaires sociaux ont su maintenir le dialogue pour aboutir, par la négociation, à une réforme pragmatique et équilibrée pour une politique de réparation plus juste.
Conformément à leur volonté, la rente viagère et l'indemnité en capital présenteront, désormais, une nature duale retranscrite dans leur mode de calcul. Une part fonctionnelle s'ajoutera donc au montant actuel des prestations, qui deviendra leur part professionnelle. Il en résultera, pour tous les futurs bénéficiaires, une revalorisation représentant, à terme, un effort bienvenu de 500 millions d'euros pour la branche.
La commission, fidèle à la position exprimée par la mission d'information, a soutenu ces dispositions tout en veillant à ménager un équilibre spécifique pour les victimes de faute inexcusable de l'employeur, en renforçant leur indemnisation de court terme.
Afin que leurs préoccupations propres soient entendues, elle a également souhaité impliquer davantage les associations de victimes à la conception des textes d'application nécessaires au déploiement de la réforme, tout en respectant le cadre paritaire et le rôle primordial des partenaires sociaux dans le processus.
Comme elle l'avait fait l'an dernier, la commission appelle enfin le Gouvernement à retranscrire sans délai le reste du contenu de l'ANI. Plus de dix-huit mois après la signature de cet accord, les mesures ambitieuses préconisées par les partenaires sociaux en matière d'aide humaine et de prévention ne sauraient être mises de côté plus longtemps.
Vous l'avez compris, mes chers collègues : la trajectoire de la branche AT-MP marque, pour les années futures, un effort considérable pour la réparation et la prévention. C'est pourquoi je vous inviterai à adopter l'article 28 fixant l'objectif de dépenses de la branche à 17 milliards d'euros pour 2025, afin de dégager un excédent de 200 millions d'euros.
J'en viens à la question épineuse des transferts, principaux responsables de la dégradation de la situation financière de la branche. En effet, un euro sur six perçus par la branche AT-MP est reversé à d'autres entités.
Le transfert à la branche maladie atteindra 2 milliards d'euros à horizon 2027, afin de prendre en compte la révision à la hausse de l'estimation du coût de la sous-déclaration par la commission ad hoc. Dès 2025, le transfert augmentera de 400 millions d'euros, pour un montant total de 1,6 milliard d'euros.
J'ai auditionné le président de cette commission. Il m'a donné des garanties sur la sincérité de son mode de calcul, qui prend également en compte la surdéclaration des AT-MP. En outre, force est de constater que la branche s'apprête à fournir un effort inédit depuis le retour aux excédents en faveur de la prévention et de la réparation. Cela montre que la hausse prévisionnelle des transferts n'empêche pas la branche d'agir, en parallèle, sur ses vocations premières.
Par conséquent, cette année, la commission des affaires sociales ne défendra pas d'amendement visant à diminuer le niveau du transfert au titre de la sous-déclaration. Estimant que la branche AT-MP n'a pas à servir de variable d'ajustement pour combler le déficit des autres branches, la commission s'opposera toutefois sans ambiguïté, dans les années futures, à toute augmentation des cotisations AT-MP induite par la hausse du transfert au titre de la sous-déclaration.
Enfin, la dotation de la branche AT-MP au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) représentera près d'un demi-milliard d'euros en 2025 – elle aura doublé en deux ans.
Dans ce contexte, je regrette que l'État n'ait pas augmenté sa subvention d'un centime, bien que celle-ci ne couvre pas, tant s'en faut, les dépenses qu'il est censé prendre en charge au titre de la solidarité nationale. J'appelle donc de nouveau solennellement le Gouvernement à rééquilibrer l'effort financier en faveur du Fiva, pour que l'État prenne enfin sa juste part.
Je me réserve le droit de déposer, l'an prochain, des amendements en ce sens si la situation n'évolue pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'autonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré le contexte budgétaire que nous connaissons, ce PLFSS s'évertue à préserver la branche autonomie.
L'objectif de dépenses pour 2025 s'élève à 42,4 milliards d'euros. Il est en augmentation de 6 % par rapport à l'année 2024 et intègre une hausse de 4,7 %, à champ constant, à l'Ondam relatif aux établissements et services médico-sociaux.
Le dynamisme des dépenses permettra principalement de financer la montée en charge de mesures récentes. Celles-ci n'ont pas de traduction dans le PLFSS, puisque leur mise en œuvre relève du domaine réglementaire.
Dans le champ du grand âge, 6 500 recrutements sont prévus dans les Ehpad. En outre, un fonds de 140 millions d'euros sera déployé pour accompagner la transformation des établissements et soutenir les Ehpad ultramarins.
La reconduction du fonds d'urgence de 100 millions d'euros pour les établissements et services en difficulté n'est pas envisagée. Il est vrai qu'un fonds d'urgence n'a pas vocation à perdurer et que l'effort doit porter sur des mesures structurelles. Pour autant, nous devons rester vigilants à l'égard des structures qui sont au bord de la fermeture.
Dans le champ du handicap, peu d'annonces ont été faites. En 2025, quelque 15 000 nouvelles réponses médico-sociales devraient être développées pour les personnes en situation de handicap, dans le cadre du plan de création de 50 000 solutions à horizon 2030.
Par ailleurs, plusieurs mesures récentes seront mises en œuvre dans le secteur de l'aide à domicile. L'aide financière de 100 millions d'euros prévue par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie sera notamment déployée. Elle permettra aux départements de soutenir la mobilité et le travail partenarial des aides à domicile.
Finalement, dans ce PLFSS, seul un article relève de la cinquième branche. Il concerne l'expérimentation sur le financement des Ehpad et des unités de soins de longue durée (USLD), que nous avons votée l'année dernière. À partir du 1er janvier 2025, dans les départements volontaires, les sections de financement soins et dépendance seront fusionnées sous l'égide des ARS.
À l'article 21, le Gouvernement propose d'augmenter de 20 à 23 le nombre de départements qui pourront prendre part à l'expérimentation. Il précise aussi les dispositions financières relatives au dispositif. Face à l'engouement des départements, l'augmentation du nombre de participants est évidemment une bonne nouvelle.
De fait, la simplification du régime de financement des Ehpad est très attendue par le secteur. Je vous proposerai donc de réduire la durée de l'expérimentation de quatre ans à deux ans, pour permettre une généralisation plus rapide.
Le point étant fait sur les mesures prévues pour 2025, j'en viens à la question de l'avenir de la branche autonomie.
À court et à moyen terme, les perspectives financières se détériorent. La dernière loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un solde positif ou à l'équilibre jusqu'en 2027. Les nouvelles prévisions sont plus pessimistes : la branche serait déficitaire de 400 millions d'euros dès 2025, et à hauteur de 2,5 milliards d'euros à horizon 2028.
En matière d'autonomie, le statu quo n'est pas envisageable. Je ne m'attarderai pas sur ce constat déjà bien connu de tous : dans le champ du grand âge comme dans celui du handicap, les besoins de financement sont massifs et incompressibles.
Beaucoup d'établissements et services médico-sociaux sont déjà en grande difficulté. Les départements aussi sont exsangues financièrement, et leur politique sociale en pâtit. À ce titre, nous ne pouvons que saluer les 200 millions d'euros que vous venez d'annoncer, monsieur le ministre, pour que la CNSA couvre mieux leurs dépenses d'APA et de PCH.
Je rappelle par ailleurs que, dès 2030, c'est-à-dire dans cinq ans, la génération issue du baby-boom passera la barre des 85 ans. Cela nous laisse très peu de temps pour répondre aux grands enjeux du virage domiciliaire, de la prévention et de l'attractivité des métiers.
Aussi, comment s'organiser pour apporter ces réponses ? Le cœur du sujet réside dans le financement. Nous vous proposerons, dans le cadre de ce PLFSS, une première solution avec la mise en place d'une « contribution de solidarité par le travail ». Cette mesure permettrait de poser les jalons d'une réforme structurelle – pourquoi pas, monsieur le ministre, dans le cadre du projet de loi Grand Âge tant de fois promise ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Très bien !
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Une partie de ces recettes pourrait aussi contribuer au remboursement des aides techniques destinées aux personnes en situation de handicap, mais il reviendra au Gouvernement de décider sur ce point.
En définitive, mes chers collègues, si un effort est consenti dans le cadre de ce PLFSS, la question de l'avenir de la branche autonomie demeure entière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, disons-le d'emblée : la commission des finances a décidé à la majorité d'émettre un avis favorable sur ce texte, sous réserve des modifications qui seront apportées en séance.
En effet, le présent Gouvernement hérite d'une situation dont il ne peut être tenu responsable. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Un peu, quand même !
Mme Émilienne Poumirol. C'est le même gouvernement !
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. Il propose, de plus, des mesures de redressement significatives, qui s'appuient sur des hausses de recettes et des baisses de dépenses. Seront-elles suffisantes ? Je ne le pense pas, malheureusement.
Depuis 2020, la situation des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale s'était légèrement redressée, même si un déficit de près de 11 milliards d'euros demeurait en 2023. Or le présent PLFSS anticipe une forte aggravation du déficit en 2024, à hauteur de 18 milliards d'euros, soit 7,5 milliards de plus que les 10,5 milliards prévus.
Deux raisons expliquent cette aggravation.
La première, c'est que les recettes seraient inférieures de 6,6 milliards d'euros aux prévisions, en raison d'hypothèses macroéconomiques trop optimistes, dont nous avons malheureusement l'habitude.
La seconde raison est la hausse des dépenses, notamment de l'Ondam, dépassé de 1,2 milliard d'euros. La revalorisation des prestations de 5,3 % en raison de l'inflation a également représenté un coût de 15,6 milliards d'euros.
Un tel déficit est aussi lié à des hausses de dépenses non financées. Le Ségur de la santé représente ainsi un surcoût de près de 13 milliards d'euros par an. Mesdames, messieurs les ministres, je vous invite à mettre un terme à cette pratique irresponsable, tant pour l'État que pour la sécurité sociale, qui consiste à voter des dépenses sans prévoir de quoi les financer !
Concernant l'année 2025, le Gouvernement anticipe un déficit de 16 milliards d'euros, inférieur de 2 milliards d'euros à celui de 2024. Il présente à cette fin des mesures intéressantes, tant de baisses des dépenses que de hausses des recettes.
La progression des recettes est certes moindre, en raison du ralentissement de la croissance de la masse salariale, mais la prévision à 3,2 % me paraît optimiste. Des hausses sont prévues via notamment la refonte des allègements généraux de cotisations sociales – c'est une réforme intéressante, mais qui appelle des adaptations pour ne pas trop affecter l'emploi.
Quant à l'augmentation prévue du taux de cotisation employeur de la CNRACL, elle pèsera très lourdement sur les comptes des collectivités territoriales, en contradiction avec la volonté du Gouvernement de réduire fortement les dépenses de celles-ci.
De plus, en raison du dispositif de compensation démographique, la CNRACL devrait verser près de 500 millions d'euros aux autres régimes de retraite en 2025. Est-il bien normal de ponctionner un régime en déficit et de demander aux collectivités de cotiser davantage pour d'autres régimes ? Je ne le crois pas. Un compromis plus acceptable pour les collectivités doit être trouvé sur ce sujet. La commission des affaires sociales propose une piste intéressante en ce sens.
Les dépenses de la sécurité sociale ne devraient augmenter que de 2,8 % en 2025. Cet objectif est très volontariste, pour ne pas dire optimiste. Je note que des mesures d'économies sont proposées sur l'Ondam, pour un montant de 1,6 milliard d'euros.
Par ailleurs, le solde de la branche vieillesse devrait être contenu par rapport à 2024 grâce aux mesures de report de la revalorisation des retraites à hauteur de l'inflation.
J'en viens au sujet que j'ai choisi d'approfondir en tant que rapporteur pour avis sur le PLFSS, à savoir le poids du système des retraites sur la dépense publique. En effet, dans la plupart des régimes de retraite, les cotisations ne sont pas suffisantes pour couvrir le niveau des pensions.
En particulier, concernant les régimes de retraite des fonctionnaires publics, l'État augmente artificiellement chaque année les taux de cotisation employeur, afin de combler les déficits. Un même système est appliqué à la CNRACL. Si un taux de cotisation identique à celui du secteur privé était appliqué, le niveau des cotisations employeur serait beaucoup plus faible.
Une présentation unifiée de ces éléments serait nécessaire, comme le recommande d'ailleurs notre collègue Sylvie Vermeillet…
Mme Nathalie Goulet. Notre excellente collègue ! (Sourires.)
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. … pour les retraites de la sphère publique.
Pour l'avenir, on doit malheureusement anticiper la poursuite de la dégradation du déficit de la sécurité sociale, qui devrait s'établir à 20 milliards en 2028, et sans doute davantage si aucune réforme significative n'est entreprise d'ici là.
Or la gestion à venir de la dette sociale interroge. En l'absence d'une nouvelle loi organique, aucune nouvelle reprise de dette par la Cades n'est possible. L'Acoss bénéficie de conditions d'emprunt moins avantageuses que la Cades, même en tenant compte des mesures du présent projet de loi.
Une réflexion de fond doit donc être engagée rapidement sur la gestion de la dette sociale, afin de programmer sa disparition. Il est inadmissible de faire porter le poids de notre couverture sociale actuelle aux générations futures. Ce n'est ni normal ni moral. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, une responsabilité toute particulière pèse sur le Sénat, à l'ouverture de nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Cela a été dit, l'Assemblée nationale n'est pas parvenue au terme de l'examen de ce texte dans le délai imparti. Par conséquent, notre chambre sera la seule en mesure de se prononcer en première lecture sur l'ensemble des mesures de ce PLFSS.
Nos débats seront largement commentés, et nous devons travailler pour aboutir à un texte exigeant. Celui-ci affiche, pour l'instant, un déficit encore très important pour 2025, à hauteur de 16 milliards d'euros. De plus, nous avons appris, à la fin de la semaine dernière, que le montant de l'Ondam pour l'année 2024 serait probablement supérieur aux prévisions initiales de 1,2 milliard d'euros.
Mesdames, messieurs les ministres, convenons que c'est bien tard pour apprendre pareille nouvelle. Je salue néanmoins votre volonté de faire évoluer cette information, ainsi que la transparence et la franchise de nos échanges. J'y vois un progrès. Nous n'avions pas l'habitude de travailler dans un climat de confiance, et cela me paraît essentiel. Chacun pourra ici se prononcer sur ce PLFSS en toute connaissance de cause.
La commission des affaires sociales s'est fixée, elle aussi, une ligne exigeante.
Tout d'abord, nous ne souhaitons pas dégrader le solde proposé par le Gouvernement. Nous savons que nos partenaires scrutent la séquence budgétaire de notre pays et que la crédibilité de la France est en jeu, de même que celle des travaux du Sénat. Il convient donc de faire preuve de responsabilité.
Ensuite, nous savons que vous avez disposé de peu de temps pour préparer ce budget, mesdames, messieurs les ministres, et qu'il implique par conséquent des efforts importants. Là encore, nous avons suivi votre logique.
Néanmoins, la commission vous fera des propositions afin de mieux répartir cet effort, qui, dans la période actuelle, doit être l'affaire de tous – retraités, salariés, employeurs, entreprises, complémentaires santé, assurés, professionnels de santé, gestionnaires des caisses de la sécurité sociale. En somme, à nos yeux, chacun doit participer, mais de façon équitable et, surtout, en préservant l'emploi et la qualité des services.
Cette feuille de route se traduit par des choix forts, dont nous aurons l'occasion de débattre. Je veux revenir plus particulièrement sur trois d'entre eux.
Premièrement, concernant les allègements généraux, nous avons accepté le principe d'une maîtrise d'un dispositif dont le coût a augmenté de près de 20 milliards d'euros ces trois dernières années. Pour autant, la commission fera des propositions d'évolution qui, sans trop dégrader le rendement attendu, devrait éviter un effet significatif sur l'emploi.
Deuxièmement, nous proposerons d'instaurer une « contribution de solidarité par le travail », reposant sur sept heures de travail supplémentaires chaque année pour chaque actif, afin de financer la branche autonomie. Cette mesure, je le sais, donnera lieu à de larges débats.
Troisièmement, monsieur le ministre, vous vous dites satisfait de l'augmentation de 6 % de votre budget. Au regard du contexte, j'entends vos propos. Pour autant, cette hausse est loin d'être suffisante pour répondre aux enjeux. Si nous voulons instaurer de réelles mesures pour le grand âge, nous devons avoir plus d'ambition. Sans cela, nous répéterons, chaque année, le même débat.
Pour notre part, il nous semble important de tracer le chemin de cette ambition, même si nous sommes conscients des difficultés.
Parmi les gestes sur lesquels nous comptons, je me limiterai à l'étalement de la hausse des cotisations patronales à la CNRACL. Nous y voyons un geste fort, susceptible de limiter les tensions, très fortes, sur les établissements de santé et les collectivités territoriales.
Au regard de ces remarques, je souhaite que le Sénat adopte le PLFSS pour 2025 et j'espère que nous parviendrons à un accord avec les députés en commission mixte paritaire.
D'une part, je pense que nous partons sur des bases plus claires, voire plus sincères, que les années précédentes. D'autre part, le Sénat aura sans doute une influence beaucoup plus forte qu'à l'accoutumée sur la copie finale. Nous en prendrons la responsabilité.
Surtout, dans notre esprit et, j'espère, dans le vôtre, mesdames, messieurs les ministres, ce PLFSS élaboré en si peu de semaines n'est qu'une première étape.
Après le temps de l'ajustement paramétrique doit venir celui des réformes, qui, seules, nous permettront de dépenser mieux et d'améliorer les services essentiels. Je pense tout particulièrement à la réforme de l'hôpital, à la prévention, au grand âge, à la famille, soit autant de domaines sur lesquels les professionnels et les assurés ont besoin d'un cap.
Nous ne pouvons nous contenter de demander des efforts à nos concitoyens. Nous devons leur donner des perspectives encourageantes, sous peine de faire face chaque année aux mêmes constats et aux mêmes difficultés budgétaires.
Aussi, nous devons faire preuve de responsabilité collective, à l'occasion de ce budget, mais aussi à plus long terme. Nous avons également l'ambition de tracer une ligne pour l'avenir, dans la perspective d'un retour à l'équilibre, tout en garantissant aux Français le maintien de services de qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Rossignol, Canalès et Le Houerou, MM. Kanner et Jomier, Mmes Poumirol, Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d'une motion n° 1264.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 129, 2024-2025).
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n'est pas coutumier du dépôt systématique de motions de procédure.
Selon nous, il convient d'examiner les projets de loi, de débattre des amendements et, à la fin, de soumettre au vote le texte éventuellement enrichi des modifications adoptées. Or c'est justement parce que nous sommes soucieux de ces principes que je défends devant vous cette exception d'irrecevabilité et vous demande donc de renvoyer le texte à l'Assemblée nationale.
En effet, nous ne pouvons pas sereinement examiner le PLFSS en l'état. En réalité, celui-ci ne nous a pas été transmis par l'Assemblée nationale, puisqu'il n'y a pas été adopté. Ce texte ne nous vient de nulle part !
La procédure retenue par le Gouvernement a abouti à enjamber purement et simplement l'Assemblée nationale. Elle n'est conforme ni à nos institutions, ni au parlementarisme, ni à l'exercice de la souveraineté nationale.
Que s'est-il passé à l'Assemblée nationale ? En commission, les deux premières parties du PLFSS ont été rejetées, ce qui, déjà, n'est pas banal. En séance publique, la deuxième partie, sur les recettes, a été adoptée – enrichie, bien sûr, par les amendements votés par une majorité de députés.
Ces amendements tendaient à augmenter de 17 milliards les recettes de la sécurité sociale. Ce montant représente 2,5 % de ses ressources. On est donc loin de la « folie fiscale » dont nombre de commentateurs ont fait mention. Une hausse de 2,5 % les recettes, c'est, à notre sens, précisément l'inverse de la folie – à savoir la raison.
La folie, c'est de laisser, année après année, se creuser le déficit de la sécurité sociale, jusqu'à ce que celle-ci ne puisse plus remplir ses missions et qu'il ne reste plus qu'à confier au secteur privé ce qui relève actuellement de l'assurance collective.
La folie, c'est de s'en prendre aux assurés sociaux, en augmentant le ticket modérateur sur les médicaments comme sur les consultations.
La folie, c'est de s'en prendre aux malades et aux retraités.
La folie, c'est d'augmenter l'Ondam hospitalier de seulement 0,3 % – c'est en effet ce qui reste de la hausse, une fois déduites les cotisations à la CNRACL, dont je rappelle qu'elles pèsent sur les personnels hospitaliers, ainsi que l'inflation.
La raison, à l'inverse, c'est de sauver notre système de protection sociale en lui assurant des recettes supplémentaires, afin de le ramener progressivement à l'équilibre.
Revenons à ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale. Après que la deuxième partie du PLFSS a été adoptée, la gauche a continué à faire voter des modifications utiles, mais elle a aussi fait preuve d'un grand sens de la responsabilité, en retirant de nombreux amendements pour respecter calendrier prévu pour l'examen du texte.
Toutefois, c'était sans compter la réaction de ce que l'on pourrait qualifier d'« association de malfaisants ». Je parle ici du fameux « socle commun », dont on ne comprend plus très bien ce dont il est le socle ni ce qu'il y a de commun entre ces députés qui déposent des amendements parfois contradictoires et même, pour certains d'entre eux, hostiles au projet du Gouvernement !
Or ce « socle commun », de pair avec le Gouvernement, a multiplié les manœuvres dilatoires pour éviter qu'un vote sur l'ensemble du PLFSS ne se tienne à l'Assemblée nationale.
Aussi, le 5 novembre dernier, à minuit, alors que, de jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, il était possible de prolonger le débat tard dans la nuit – les députés y étaient prêts, du moins ceux de gauche –,…
M. Xavier Iacovelli. En tout cas, les sénateurs y sont prêts !
Mme Laurence Rossignol. … le Gouvernement a mis fin à l'examen du PLFSS, et cela, j'y insiste, sans vote !
Certains ont dit que cela revenait, somme toute, à utiliser l'article 49, alinéa 3. Mais non ! Au moins, en cas de 49.3, il y a un vote ! Le Gouvernement engage sa responsabilité et prend le risque de la censure.
En choisissant de recourir à l'article 47-1 de la Constitution, le Gouvernement n'a pris aucun risque, du moins pour lui-même, car il a fait peser tout le risque sur la démocratie, le Parlement et notre système de santé.
Y avait-il une autre voie possible ? Bien sûr ! Celle de la co-construction. Alors que le Premier ministre avait indiqué que le PLFSS était « perfectible », en réalité, à aucun moment le Gouvernement n'a cherché à solliciter les députés pour envisager sérieusement de modifier le texte.
Ce qui ressemblait à une main tendue de la part du Premier ministre n'a été, en fin de compte, qu'un coup de main donné au président du groupe de la Droite Républicaine de l'Assemblée nationale. C'est lui en effet qui a annoncé, quelques jours plus tard, l'évolution de la position du Gouvernement sur le gel de la revalorisation des pensions de retraite. Toutefois, que ceux qui nous écoutent le sachent, les pensions de retraite seront bel et bien gelées !
J'entends certains de mes collègues, qui ont sans doute trouvé long de passer douze ans dans l'opposition, se réjouir que le Sénat soit la chambre dans laquelle va s'écrire le PLFSS.
Chers collègues, j'ai une très haute opinion de nous-mêmes et de nos travaux, mais je ne me réjouis pas avec vous.
M. Patrick Kanner. Très bien !
Mme Laurence Rossignol. L'article 24 de la Constitution prévoit que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales.
L'Assemblée nationale est élue au suffrage universel, contrairement à notre chambre, et elle a toujours le dernier mot. Elle ne peut être contournée sans que la souveraineté nationale, c'est-à-dire l'ensemble des représentants du peuple au Parlement, soit écartée par le même coup.
Le Gouvernement nous donne un rôle qui n'est pas le nôtre et qui n'est pas conforme à nos institutions. Ce rôle, nous n'en voulons pas. Nous n'avons aucune légitimité à nous substituer aux députés et à nous rendre complices d'un déni démocratique.
Pensez-vous vraiment que la démocratie se porte si bien, en France et partout ailleurs, pour que l'on puisse la maltraiter, la contourner, la nier ? Il nous semble, à l'inverse, que nous devons être exemplaires dans l'exercice démocratique, plus que jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Bravo !
Mme Laurence Rossignol. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
(M. Loïc Hervé remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chers collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, j'entends bien les raisons pour lesquelles vous soutenez cette motion. En revanche, je n'ai pas bien compris les arguments qui viennent d'être avancés !
Mme Laurence Rossignol. Je peux recommencer, si vous voulez !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Plus exactement, nous avons bien compris vos arguments, madame la sénatrice, mais nous n'y adhérons pas.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est différent !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout d'abord, dans l'exposé des motifs, les auteurs de cette motion déplorent que le rapport annexé n'affiche pas de trajectoire de retour à l'équilibre. C'est pour cette raison, comme je l'ai dit dans la discussion générale, que j'ai déposé l'amendement n° 137. Il ne s'agit en effet pas d'une programmation, mais d'une prévision. Cette trajectoire ne prend pas en compte certaines mesures qui seront décidées dans les années à venir.
Nous nous accordons sur le fait qu'il faut ramener la trajectoire à l'équilibre, mais nous ne sommes pas en train de voter le PLFSS 2026 !
Ensuite, madame Rossignol, vous regrettez la façon dont les débats se sont passés à l'Assemblée nationale. Nous aussi, nous aurions préféré que les députés arrivent au terme de l'examen du texte. Et je suppose que c'est également le cas du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Ce n'est pas notre sentiment…
Mme Raymonde Poncet Monge. Le Gouvernement en avait pourtant les moyens !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C'est pour cette raison que, selon moi, le débat doit avoir lieu au Sénat. Que se passerait-il en effet, je vous le demande, si cette motion était votée ? Sans PLFSS, qu'en serait-il de l'avenir de la protection sociale des Français ?
Pour autant, je sais que vous ne refusez pas l'obstacle et que vous avez préparé suffisamment d'amendements pour que nous puissions débattre de ce texte ici, au Sénat.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Tout d'abord, il est vrai que le débat sur le PLFSS n'est pas allé jusqu'à son terme, mais ce n'est pas de la faute du Gouvernement ! (Si ! sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Ou alors il va falloir m'expliquer en quoi c'était sa faute !...
Mme Laurence Rossignol. Vous n'étiez pas obligés d'interrompre le débat à minuit pile !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Nous ne l'avons pas prolongé ; pour autant, l'ensemble des ministres compétents ont répondu aux questions portant sur le PLFSS, de façon concise.
Toutefois, le nombre d'amendements étant trop important, il n'était pas possible d'examiner l'ensemble du texte à l'Assemblée nationale. Il en restait en effet plus de 450...
Mme Laurence Rossignol. 240 amendements !
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Non, il en restait 424 !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. En effet, pour être précis, il restait 424 amendements à examiner.
Il n'était donc pas possible d'achever l'examen du texte dans le délai constitutionnel prévu. Mais peut-être considérez-vous que respecter le délai constitutionnel revient à ne pas respecter le Parlement ?...
Par ailleurs, il est quelque peu baroque de s'entendre dire que nous n'avons pas respecté le débat à l'Assemblée nationale, alors même que l'on nous a reproché pendant des semaines de le laisser traîner... Il faudrait savoir ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Ce gouvernement fait vivre le débat dans chaque chambre du Parlement, d'abord à l'Assemblée nationale, puis au Sénat. Dans ces conditions, l'adoption d'une motion de rejet qui, justement, empêcherait le Sénat d'examiner le PLFSS entrerait en contradiction avec le reproche que vous nous adressez !
Les rapporteurs, pour chaque branche, de la commission des affaires sociales viennent d'évoquer, à juste titre, les nécessaires modifications de ce texte, dont le Gouvernement a dit depuis le début qu'il était perfectible. Discutons-en, examinons les amendements et délibérez, mais ne rejetez pas le débat !
Votre motion est totalement contradictoire (Mme Laurence Rossignol proteste.), puisque vous regrettez que les débats à l'Assemblée nationale n'aient pas été achevés et que vous proposez, dans le même temps, qu'il n'y ait même pas le début d'une discussion au Sénat !
Vous comprendrez que cela ne m'apparaisse pas acceptable, et que j'émette un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous auriez dû mieux écouter la présentation qui a été faite de la motion, monsieur le ministre !
Vous ne pouvez pas nier que s'est constituée à l'Assemblée nationale, au bout d'un moment, une sorte de coalition favorable à la prolongation du débat.
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous dites que vous avez refusé de le prolonger de quelques heures, car le délai constitutionnel était passé. Ce n'est pas vrai, il ne l'était pas ! Vous auriez donc pu ouvrir le débat quelques heures supplémentaires, durant lesquelles des amendements auraient peut-être été retirés.
Cette situation a une conséquence sur l'économie de ce texte : nous, représentants de la gauche sénatoriale, devrons faire tout le travail ! En effet, certains amendements visant à prévoir des dépenses ont été adoptés en commission... Mais comme nous ne pouvons pas faire de propositions en ce sens, sauf à ce que l'on nous oppose l'article 40 de la Constitution, nous voilà condamnés à commenter ce texte en disant, pour reprendre des propos qui ont été tenus tout à l'heure, que ce qui nous est soumis « est bien parce que cela aurait pu être pire ».
Or je ne suis pas d'accord : ce texte n'est pas meilleur que celui qu'avait présenté le Gouvernement !
La droite sénatoriale substitue à la suppression d'un jour férié suggérée par le Gouvernement une contribution de solidarité par le travail. Or, à l'Assemblée nationale, les députés avaient proposé plusieurs contributions de solidarité par le capital,… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Nous y voilà !
Mme Raymonde Poncet Monge. … qui avaient été adoptées et qui n'auraient pas eu d'effet négatif, vous le savez, sur l'emploi et sur la compétitivité.
M. Laurent Burgoa. Bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Du fait de l'économie générale du présent texte, je le répète, nous sommes quasiment impuissants parce que l'on nous oppose tous les articles 40, 41, 45, 38 de la Constitution... Pourtant, et là aussi vous le savez, il aurait pu en être tout autrement.
Au Sénat, le texte sera aggravé ; ou, tout au moins, à ses dispositions initiales seront substituées des mesures tout aussi indéfendables. C'est donc sciemment que vous avez empêché l'Assemblée nationale de conclure le débat sur le PLFSS !
Voilà pourquoi nous demandons que ce texte soit renvoyé à l'Assemblée nationale, où la discussion aurait dû s'achever. (Mme Émilienne Poumirol et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le débat de fond, nous allons l'avoir – il est d'ailleurs commencé. Il n'y a aucun problème à cet égard. En revanche, je vous prie de m'excuser, mais je ne puis laisser dire n'importe quoi...
Mme Laurence Rossignol. Un peu de respect !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. C'est très important : dire que le Gouvernement a empêché la tenue des débats à l'Assemblée nationale, c'est un mensonge !
Je vais vous donner un exemple de ce qui a prolongé les débats dans ladite chambre, madame la sénatrice. Le député Jérôme Guedj, qui avait déposé une motion de rejet dont la présentation a duré des dizaines de minutes, et qui a été commentée pendant une durée équivalente, l'a retirée juste avant le vote. Voilà une perte de temps et une façon de laisser traîner le débat contre la volonté du Gouvernement, voyez-vous !
Je vous invite – j'imagine que vous l'avez déjà fait, parce que vous êtes de bonne foi – à examiner précisément comment s'y est déroulée la discussion : à aucun moment, le Gouvernement ne peut être accusé de l'avoir laissé traîner.
Mme Laurence Rossignol. Et sa majorité ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Votre intervention portait aussi sur le fond du texte. Il est vrai que, à cet égard, le Gouvernement est en désaccord avec la version du PLFSS adoptée à l'Assemblée nationale. Pour autant, je vous rappelle que, s'agissant du projet de loi de finances, nous sommes allés au bout de son examen, parce que le délai constitutionnel le permettait.
Ce gouvernement n'a ni ralenti ni entravé la discussion sur le projet de loi de finances, et il n'empêche pas les débats de se tenir, pas plus à l'Assemblée nationale qu'au Sénat !
Par ailleurs, il est faux de dire que le texte présenté au Sénat est exactement le même que celui qui a été présenté initialement à l'Assemblée nationale. En effet, nous avons repris un certain nombre d'amendements déposés par chacun des groupes politiques, y compris le vôtre, madame la sénatrice, comme vous pourrez le constater lors de l'examen du présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Non, monsieur le ministre, les conditions d'examen de ce texte ne sont pas stables !
Ainsi, le Gouvernement continue actuellement à déposer des amendements, donc à modifier les données financières du PLFSS, tandis que la commission a commencé à se réunir et qu'elle a déjà réalisé un certain travail. Quant aux irrecevabilités, elles ne sont pas toutes publiées, alors même que le débat a commencé !
Tandis que nous commençons l'examen du projet de loi dans de telles conditions, et avec une semaine de retard, le Gouvernement continue à modifier le texte issu de l'Assemblée nationale ! Certes, vous en avez le droit. Mais, comme l'a dit madame Rossignol, ce n'est pas bon pour la démocratie.
Je fais partie de ceux qui disent que la chambre des territoires a un rôle important dans le cadre de notre Constitution. Pour autant, elle n'est pas la chambre du peuple. Je ne me substituerai donc pas à ceux qui représentent le peuple, quoi que je pense des travaux de l'Assemblée nationale,...
M. Bernard Jomier. ... parce que je respecte la chambre qui est issue du suffrage universel.
Vous, en revanche, vous n'avez pas respecté l'Assemblée nationale. En effet, les membres du « socle commun » qui vous soutient ont manœuvré – nous l'avons tous vu – pour être absents quand il fallait être absent et présents quand il fallait être présent. Ils ont été très malins et très agiles, il faut le reconnaître !
M. Bernard Jomier. Néanmoins, être malin et agile, cela ne renforce pas la démocratie ; ce sont la clarté et l'honnêteté qui la renforcent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Silvana Silvani applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je souscris à presque tout ce qui a été dit sur la manière dont le débat s'est déroulé à l'Assemblée nationale. Mais quoi que nous disions, les uns et les autres, les Français observent ce qui se passe au sein de nos assemblées et peuvent juger sur pièces de la manière dont les choses sont conduites...
Je souhaite poser une question à laquelle je ne sais si vous pourrez répondre, mesdames, messieurs les ministres.
J'ai bien compris que la majorité sénatoriale piaffait d'impatience de débattre de ce PLFSS, car elle pense que, finalement, ce texte sera le sien. Au reste, ce gouvernement n'est-il pas aussi en grande partie le sien ?
Le Premier ministre a laissé entendre qu'il aurait vraisemblablement recours à l'article 49.3 sur le projet de loi de finances. Qu'en sera-t-il sur le PLFSS ? Au moment où nous commençons ce débat, peut-être nos collègues, y compris ceux de la majorité sénatoriale, aimeraient-ils savoir ce qu'il adviendra finalement de ce texte ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée. Il faudra attendre la commission mixte paritaire pour le savoir !
Mme Céline Brulin. Vous nous dites que vous souhaitez que le débat ait lieu ici, au Sénat, puisqu'il n'a pas pu se tenir à l'Assemblée nationale. Mais quelle garantie avons-nous que ces échanges auront, à la fin, des incidences sur le PLFSS ? En effet, chacun sait le comme moi, si 49.3 il y a, alors le Gouvernement pourra inscrire strictement ce qu'il veut dans ce texte !
Une réponse à ma question serait utile, en ce qu'elle permettrait d'éclairer notre discussion relative à la motion qui vient d'être présentée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je suis quelque peu troublée d'entendre qu'il existerait une stratégie ou une théorie du complot et que le Gouvernement aurait pesé sur le débat à l'Assemblée nationale. Tel n'a pas été le cas !
Ce débat se prolongeait, et le nombre d'amendements déposés était invraisemblable ; en dépit du retrait de certains d'entre eux, le stock, si j'ose m'exprimer ainsi, n'a pu être épuisé. Pour autant, nous avons eu des débats nourris sur de nombreux sujets et nombre d'amendements ont été repris dans le texte qui vous est proposé aujourd'hui. Je pense donc que la sincérité du débat est respectée.
Je suis également navrée de vous entendre dire, monsieur le sénateur, que les chiffres du PLFSS ont changé. M. le ministre chargé du budget et des comptes publics l'a dit, nous avons reçu à la fin de la semaine dernière une alerte : nous prévoyons 1,2 milliard d'euros de recettes en moins, ce qui pose une difficulté pour l'Ondam de 2024.
Nous avons décidé, par sincérité, d'inscrire cette prévision dans le présent PLFSS, afin de ne pas occulter le débat ; à défaut, nous aurions retrouvé ce chiffre l'année prochaine, et vous nous auriez alors accusés d'avoir vouloir dissimuler des choses.
C'est justement parce que la sincérité et la franchise font partie de mes valeurs que j'ai souhaité que ce montant soit inscrit dans le PLFSS présenté au Sénat.
Enfin, je suis un peu quelque peu meurtrie d'entendre parler d'« association de malfaisants ». Je sais que les débats politiques peuvent parfois être rudes, mais certains mots n'ont pas leur place ici... (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il me paraît très curieux de contester ce PLFSS, alors que notre pays est dans une situation extrêmement difficile.
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. Daniel Chasseing. Nous devons absolument, pour nos enfants et pour l'avenir, changer de trajectoire, comme le proposent le Premier ministre et son gouvernement.
Je rappelle que le remboursement de la dette publique représente 55 milliards d'euros par an ! On ne peut donc pas ignorer ou négliger les marchés et nos créanciers, car une hausse des taux d'intérêt entraînerait une augmentation de la charge de la dette.
Nous devons, mes chers collègues, retrouver une trajectoire financière qui s'établisse autour de 5 % de déficit ; si rien n'était fait, celui-ci serait de 7 %.
Le présent PLFSS prévoit un déficit de 16 milliards d'euros, malgré le changement de trajectoire prévu. Pour autant, le financement de la santé est préservé, puisque les économies envisagées portent sur les exonérations de recettes. Quant au niveau d'indexation des petites retraites, il est maintenu.
Tous les engagements qui avaient été pris dans ce texte sont maintenus. Il nous faut écouter et soutenir les propositions constructives faites par les rapporteurs et améliorer ce texte en étant responsables. Nous devons sauver la sécurité sociale créée par le Conseil national de la Résistance (CNR) et ne pas laisser une dette ingérable à notre pays et à nos enfants.
Ne rejetons pas ce PLFSS : améliorons-le, en conservant les objectifs qui y sont fixés ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – M. Christopher Szczurek applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1264, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 40 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 242 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, d'une motion n° 922.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 129, 2024-2025)
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la motion.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les conditions dans lesquelles nous entamons l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 sont particulièrement préoccupantes.
En effet, le Gouvernement a détourné l'usage de l'article 47-1 de la Constitution pour empêcher l'examen du PLFSS pour 2025 à l'Assemblée nationale.
Vous avez, dans un premier temps, choisi cette option parce que vous connaissez l'hostilité des Français à l'égard de l'utilisation de l'article 49.3, que vous affectionnez particulièrement. Vous avez choisi de faire de l'obstruction systématique pour que l'examen de ce texte n'aille pas à son terme.
Les groupes parlementaires du socle gouvernemental, en déposant 1 200 des 2 300 amendements présentés sur le texte, ont rendu impossible l'examen de la totalité du PLFSS dans le délai imparti de vingt jours. Les rappels au règlement à répétition et les secondes délibérations sur les votes ont permis au Gouvernement, minoritaire, de transmettre au Sénat la version initiale du texte, avec uniquement les amendements qui lui convenaient.
Il faut dire que l'examen du texte à l'Assemblée nationale a été une véritable déroute pour le Gouvernement, qui a accumulé les défaites et les défections dans son propre camp.
Les députés de gauche avaient réussi à faire adopter près de 20 milliards d'euros de recettes nouvelles, notamment au travers d'un amendement visant à soumettre à cotisations sociales les dividendes, l'intéressement, la participation et les plus-values de levée-vente d'actions.
Le Gouvernement a perdu sur les amendements portés par la gauche, mais aussi contre ses propres troupes. Ainsi, la suppression de l'article 6, qui prévoyait une toute petite réduction des cadeaux aux entreprises, a été votée par les députés du Rassemblement national, de la droite et du centre.
Heureusement, le Gouvernement, sans majorité à l'Assemblée nationale, peut compter sur ses soutiens ici, au Sénat, pour faire le sale boulot. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il faut le dire aussi, les conditions sont réunies pour priver le Parlement d'un débat démocratique sur un budget de 662 milliards d'euros.
Le PLFSS pour 2025 est un budget d'austérité, dont les deux tiers des économies reposent sur les assurés sociaux, avec une baisse de leurs prestations de retraites, une réduction des indemnités journalières, une hausse des franchises médicales et – dernière en date – une diminution du remboursement des médicaments.
Ce texte austère se borne à prévoir les objectifs de dépenses des branches de la sécurité sociale, mais ne contient aucune mesure sur les sujets qui sont pourtant au cœur des préoccupations de nos concitoyens.
Ce PLFSS pour 2025 ne prévoit aucune mesure sur l'accès aux soins, rien sur la formation des professionnels de santé, rien sur les fermetures de services d'urgences, rien sur l'installation des médecins dans les déserts médicaux, rien sur le contrôle des crèches privées lucratives, rien sur la défense de la souveraineté de la France en matière de médicaments, rien sur la lutte contre les morts au travail !
Ce texte d'austérité est totalement déshumanisé. On n'y voit que des chiffres et des tableaux, mais les personnes ne sont jamais prises en compte.
Le Gouvernement invisibilise les professionnels qui font vivre la sécurité sociale à tous les niveaux : ceux et celles qui se donnent sans compter, du médecin à l'aide à domicile, du contrôleur médical au salarié de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat), de l'infirmière de bloc opératoire à l'auxiliaire de puériculture.
Vous ne pourrez pas utiliser l'argument des délais de préparation du PLFSS, alors que les services de Bercy travaillaient sur ce texte depuis le printemps dernier et que les mesures figurent dans le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) transmis à Bruxelles.
Le PLFSS pour 2025 ne fait pas état explicitement des mauvais coups prévus par le Gouvernement. Mais il y est prévu, sans que cela soit dit explicitement, une augmentation du taux de cotisation des hôpitaux et des collectivités à la CNRACL de 12 points sur quatre ans, une hausse du ticket modérateur ainsi qu'une baisse des indemnités journalières.
Tout cela, le Gouvernement se chargera de le mettre en œuvre par décret lors des vœux de janvier, au moment où l'on se souhaite une bonne santé...
Nous le savons et nous le vivons dans nos territoires, avec l'inflation et la pauvreté, le sujet de la santé fait partie des premières préoccupations des Français. Comme chaque année, notre groupe a donc décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable pour marquer notre opposition à la philosophie qui sous-tend ce texte.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est injuste, insuffisant, inefficace et scandaleux sur le plan de la méthode, puisque n'y sont pas repris les amendements des députés votés majoritairement à l'Assemblée nationale. Quel déni de démocratie !
Quoi que vous en disiez, le Gouvernement poursuit et aggrave les politiques de réduction des dépenses de la sécurité sociale en 2025.
S'agissant des dépenses de santé, le gouvernement prévoit une augmentation des dépenses de 2,8 %, soit, après la déduction du taux d'inflation, une hausse de 1,8 %. Si l'on retranche la hausse des cotisations de la CNRACL, la hausse des dépenses de santé sera de seulement 0,6 % en 2025.
Le budget de l'assurance maladie progresse, donc, mais, si on le compare aux besoins existants, nous sommes à des années-lumière de ce qu'il faudrait investir.
La Cour des comptes estime, par exemple, que l'évolution naturelle des dépenses de santé est de +4,5 % par an. Quant à la Fédération hospitalière de France (FHF), présidée par Arnaud Robinet, maire de Reims, qui est membre non pas du parti communiste, mais du parti d'Édouard Philippe, Horizons, elle préconise pour 2025 un Ondam à 4,2 %, afin de tenir compte de l'inflation et de l'augmentation des cotisations CNRACL.
Le Gouvernement refuse d'entendre la souffrance des personnels des secteurs de la santé et du médico-social, ainsi que celle des patientes et des patients qui n'ont plus de médecin traitant, que ce soit en zone urbaine ou, pire encore, en zone rurale. Six millions de nos concitoyens sont concernés par cette triste réalité. Ils attendent des heures sur les brancards dans les couloirs des hôpitaux, faute de moyens et de personnels dans ces établissements !
Mesdames, messieurs les ministres, vous serez comptables de la destruction du service public de la sécurité sociale, tout comme la majorité sénatoriale, si critique lorsqu'elle est dans l'opposition, mais désormais bien silencieuse dès lors qu'elle soutient le Gouvernement.
Regardez en face la situation des services de santé, désertés par les professionnels qui sont dégoûtés et épuisés de travailler dans des conditions aussi pénibles !
En Haute-Marne, les patients des services des urgences doivent patienter dans le parking des ambulances de l'hôpital de Langres. Est-ce acceptable ?
En 2023 ont été supprimés 4 900 lits d'hospitalisation ; ce sont 43 500 lits d'hospitalisation avec nuitée qui ont été perdus en dix ans. Est-ce acceptable ?
Ne faudrait-il pas tirer le signal d'alarme lorsque l'on constate que 42 % des maternités ont fermé depuis 1995 sur notre territoire ?
Le Gouvernement reste sourd aux revendications des organisations syndicales pour améliorer l'attractivité des métiers et les niveaux de rémunération, alors même que les hôpitaux sont au bord de l'implosion et que la médecine de ville est à bout de souffle : 85 % du territoire français est un désert médical et 66 % des Ehpad sont en situation de déficit.
Le Gouvernement est particulièrement à l'écoute, en revanche, lorsque se font entendre les doléances du patronat destinées à éviter que ne soient trop remis en cause les cadeaux aux entreprises sous forme d'exonérations de cotisations sociales. Le Medef (Mouvement des entreprises de France) refuse ainsi que l'on réduise les 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations patronales, ou même qu'on les conditionne, par exemple, au maintien dans l'emploi en France ou au respect de l'environnement.
En 2023, les exonérations de cotisations représentaient 16 % des 486 milliards d'euros d'excédents bruts des entreprises. La part des contributions des employeurs dans le financement du régime général est passée de 72 % en 1980 à 50 % en 2000, pour atteindre 28 % en 2022. Pour la branche maladie, la contribution des employeurs ne représente plus que 37,1 %.
La baisse de la part patronale dans le financement de la sécurité sociale a été compensée par une augmentation de la part de la contribution sociale généralisée (CSG) et par un transfert des recettes de la TVA.
En résumé, les assurés sociaux cotisent toujours plus longtemps, devront payer plus cher leurs complémentaires santé, financeront la sécurité sociale à la place des entreprises en faisant leurs courses via la TVA et seront moins bien remboursés en cas d'arrêt maladie ou lors de leur rendez-vous chez le médecin.
Ce PLFSS est donc particulièrement injuste, puisque les trois quarts des efforts reposent sur les assurés sociaux, sans que soient augmentées les cotisations des entreprises, pas plus que celles des grands groupes qui font des profits ou celles des revenus financiers.
Vous qui aviez combattu à nos côtés, chers collègues de la majorité sénatoriale, la hausse de la CSG pour les retraités au nom de la préservation des pensions de retraite, que dites-vous aujourd'hui ?
Vous qui avez soutenu la réforme des retraites, qui a ôté deux années de vie aux salariés pour éviter de réduire les pensions (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), que proposez-vous ? Vous préconisez de baisser les pensions de retraite au travers de votre scandaleux amendement n° 194, déposé à l'article 23 !
Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, les sénatrices et les sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky vous invitent à voter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Annie Le Houerou et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, ma chère collègue, d'avoir exposé les arguments fondant votre motion, laquelle ressemble cependant à la présentation d'une opposition de principe à tout travail en commun à nos côtés pour diminuer le déficit de la sécurité sociale.
Les propositions que nous formulerons tout au long de cette semaine ne sont pas les vôtres, et je le comprends. Mais vous verrez que nous pourrons parfois vous rejoindre sur certains de vos amendements.
Il est vrai que tout ne va pas bien dans notre système de sécurité sociale. Mais si vous vous promenez en Europe et dans le monde, vous constaterez qu'il est tout de même exemplaire et qu'il n'en existe guère qui lui soit comparable... On peut certes le critiquer, mais le faire continuellement donne à penser que tout va mal. Et ce discours, selon moi, est déplorable.
Il faut essayer de trouver des solutions, et c'est ce que nous avons voulu faire, avec le Gouvernement. Cela, ce n'est pas faire le « sale boulot » : c'est faire le boulot, tout simplement ! Il s'agit d'être présent à l'heure où les difficultés s'amoncellent.
Au Sénat, nous avons compris que le Gouvernement n'avait pas eu beaucoup de temps pour rédiger ce PLFSS.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il fallait débattre de ce texte, sur lequel nous avons porté un regard différencié et pondéré. Par exemple, nous avons préservé les petites retraites et, concernant les allègements généraux, maintenu les salaires au niveau du SMIC. Bref, nous avons cherché avec nos collègues à remédier à ce que vous dénoncez comme étant une injustice.
J'émets donc un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame la sénatrice, j'ai bien entendu votre opposition à toute l'architecture qui sous-tend ce PLFSS. Toutefois, je voudrais rétablir quelques éléments de fond.
Nous augmentons l'Ondam hospitalier de 3,1 % : ce n'est pas rien.
Mme Émilienne Poumirol. Et l'inflation ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. L'Ondam hospitalier était de 80 milliards d'euros en 2018. Il est à présent de 109 milliards d'euros. Ce bond, considérable (Mme Émilienne Poumirol proteste.), a été rendu nécessaire par les revalorisations des salaires des soignants décidées dans le cadre du Ségur de la santé. Il a aussi permis des dépenses d'investissement et la transformation de nos hôpitaux.
Je rejoins Mme la rapporteure générale pour indiquer qu'il n'y a pas que des points noirs dans notre système. Il existe des difficultés, auxquelles nous devons nous attaquer, mais, dans nos hôpitaux, il y a aussi beaucoup de choses qui fonctionnent très bien. Il faut le dire de temps en temps, faute de quoi les soignants finissent par se désespérer des discours déclinistes.
Les patients sont bien pris en charge. Les destructions de lits d'hôpitaux que vous mentionnez doivent être mises en perspective avec l'évolution de la prise en charge des personnes au XXIe siècle. En chirurgie comme en médecine, les prises en charge ambulatoires ont beaucoup augmenté, et l'unité est non plus le nombre de lits d'hébergement, mais celui de places à la journée. L'évolution des pratiques médicales doit être prise en compte.
Je ne souhaite pas être plus longue, mais ces quelques chiffres me semblent importants, à l'heure où l'on parle de l'hôpital. Nous tenons à ce dernier ; nous voulons continuer de le conforter et de l'aider à évoluer positivement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Il n'est pas dans les habitudes du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de voter les motions tendant à opposer la question préalable, car nous aimons le débat, que nous pensons utile.
Toutefois, pour les raisons développées par Laurence Rossignol lors de sa présentation de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, compte tenu du contexte exposé par Mme Apourceau-Poly et des conditions dans lesquelles ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est soumis au Sénat, compte tenu également du contenu de ce texte, qui ne présente aucune des mesures structurantes attendues ni sur l'accès aux soins – il ne comporte rien sur les déserts médicaux – ni sur la qualité des soins – madame la ministre, vous parlez des hôpitaux, mais ceux-ci sont exsangues et leur personnel est épuisé ! –, ni sur le grand âge, ni sur la santé mentale, ni sur la prévention, nous soutiendrons la motion déposée par le groupe communiste.
Ce projet de loi est loin des attentes des Français. Il fait payer aux plus fragiles le déficit, alors que d'autres recettes sont possibles – nous sommes d'accord sur ce point avec Mme la rapporteure générale.
Ce texte comptable est loin de la justice sociale que nous défendons. Pour ces raisons, nous voterons en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Entendons-nous : nous ne refusons pas de débattre du budget de la sécurité sociale.
M. Laurent Burgoa. Ah !
Mme Silvana Silvani. Nous refusons de laisser penser que le Parlement aura débattu de ce projet de loi alors que près de la moitié des amendements déposés sur ce texte ont été censurés, dans la mesure où ils ont été déclarés irrecevables.
Nous refusons la parodie de démocratie qui consiste à n'examiner que vos seuls amendements, qui semblent tendre à modifier le niveau de l'effort d'austérité imposé aux hôpitaux, aux collectivités et aux citoyens, sans jamais remettre en cause le principe même d'austérité.
Le Gouvernement a interprété de manière extensive l'article 47-1 de la Constitution, afin de gagner la course contre la montre, faute de disposer d'une majorité à l'Assemblée nationale. En déposant plus de 1 300 amendements, les députés du bloc de la majorité ont rendu impossible l'examen du PLFSS dans les délais constitutionnels.
Selon vos dires, il s'agit des règles du débat démocratique. Pourtant, souvenez-vous des débats sur la contre-réforme des retraites, lors desquels vous dénonciez une obstruction de la gauche. La démocratie à géométrie variable, ce n'est pas possible, d'autant plus que tout cela s'achèvera par un 49.3, qui permettra au Gouvernement de composer à sa convenance un texte sur mesure !
Faisons donc semblant de débattre, alors que le sort de ce budget est écrit d'avance dans les couloirs du deuxième étage du Sénat. Mais croyez-nous : si cette motion était rejetée, nous serions prêts et prêtes à démontrer que votre projet pour la sécurité sociale est injuste. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le PLFSS ne peut pas être seulement un texte budgétaire, comme il l'est pourtant aujourd'hui. Ce projet de loi est quasiment vide ; le Gouvernement l'a lui-même reconnu.
L'examen du financement de la sécurité sociale ne doit-il être qu'une discussion budgétaire ? Cette question générale mérite d'être posée. Pour vraiment répondre aux besoins de la santé, de l'autonomie, de la famille et des autres branches, il faudrait d'abord analyser ces derniers, faire le quantum de leur répartition, définir dans les territoires la forme que doivent prendre ces politiques, et, ensuite, chercher les recettes pour les financer – nous avons d'ailleurs des idées pour en trouver de nouvelles.
M. Laurent Burgoa. Dont acte !
Mme Raymonde Poncet Monge. Bien des mesures permettent des économies futures. Il faut donc investir dans certains domaines, notamment dans la prévention, pour pouvoir maîtriser les dépenses à moyen terme.
Chaque année, nous répétons cette remarque sur la forme que devrait prendre la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or, cette année, on part non des besoins, des demandes ou des aspirations, mais uniquement du problème budgétaire. C'est un vrai problème !
Cela a été dit, le projet de loi ne comporte rien sur la famille, sinon la suite de mesures décidées les années précédentes. Pourtant, un rapport accablant a pourtant été récemment rendu sur les crèches, on compte toujours autant d'enfants pauvres et on sait fort bien qu'un enfant pauvre deviendra un adulte pauvre.
Il n'y a rien non plus sur l'autonomie : si l'on donne un petit coup de pouce aux Ehpad, il n'y a absolument rien pour les services domiciliaires. Ce ne sont pas 100 millions d'euros qui résoudront la crise d'attractivité dans le secteur de l'aide à domicile !
Il n'y a rien non plus sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), à part la transposition de l'accord national interprofessionnel (ANI). La France est pourtant le dernier élève d'Europe pour le nombre des morts au travail, et nous devrions viser l'objectif de zéro mort au travail d'ici à 2030.
Ce budget, vide, ne peut être accepté en l'état. Notre groupe s'associera donc à la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 922, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 41 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 242 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un contexte marqué par l'importance de l'effort budgétaire demandé à notre pays, les yeux sont rivés sur nos institutions, en particulier sur le Sénat.
Chaque année, nous répétons que les enjeux du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'ont jamais été aussi importants. Aujourd'hui, pourtant, j'ai l'impression qu'ils nous imposent une vigilance bien plus accrue encore.
En effet, dans une situation inédite, le PLFSS 2025 exige de nous, législateurs, que nous prenions nos responsabilités et adoptions les mesures les meilleures, les plus justes et les plus équilibrées pour réaliser les efforts budgétaires nécessaires pour le pays.
Nous le savons, ces efforts budgétaires engagent l'avenir de notre système de santé, de notre modèle social, de nos enfants et de nos familles.
La lecture du projet de loi confirme les efforts prévus. Ils ne permettront pas au budget de répondre aux besoins réels de chaque branche, notamment pour la santé ou la famille. L'Ondam augmentera de 263,9 milliards d'euros en 2025, soit de 2,8 %. Cette hausse permettra d'agir efficacement. Ce n'est pas ce que l'on appelle un budget d'austérité !
Cette augmentation, même limitée, est essentielle pour répondre à la croissance des besoins de santé et garantir l'amélioration de la performance du système de santé, ainsi que, surtout, son accessibilité à tous.
C'est pourquoi ma collègue Nadège Navet a déposé un amendement qui tend à alerter sur la crise budgétaire traversée par les trois quarts des centres de santé non lucratifs, en particulier dans son département du Finistère. Elle souhaite répondre à court terme à cette situation, en ouvrant la possibilité de dégager des crédits d'urgence pour éviter la fermeture de ces établissements.
Madame la rapporteure générale, nous soutenons la création de ce fonds d'urgence, vital pour nos territoires et les établissements de santé médico-sociaux. Il y a en effet urgence à agir !
Il y a également urgence à agir contre le surpoids et l'obésité, notamment chez les enfants. La hausse de la « taxe soda » a été ajoutée dans le texte transmis au Sénat, après avoir été adoptée à l'Assemblée nationale – cette dernière aura donc été utile dans ces débats. Mais cette mesure reste insuffisante. La consommation de sodas en France représente seulement 4 % de la consommation totale de sucres. La mesure est donc un peu hypocrite ; en tous cas, là n'est pas le vrai problème.
Ce sont les industriels de l'agroalimentaire qui doivent faire plus d'efforts en la matière. Le sucre est particulièrement présent dans la majorité, si ce n'est dans l'ensemble, des produits alimentaires transformés que nous consommons, la plupart du temps sans le savoir.
Nous défendrons donc un certain nombre d'amendements en ce sens, comme nous l'avions fait l'année dernière. Ces mesures avaient d'ailleurs été soutenues par la majorité du Sénat.
Le projet de loi prévoit d'allouer 59,7 milliards d'euros à la branche famille et au secteur de la petite enfance. Je me réjouis que ces moyens n'aient pas baissé. Je salue l'accent mis sur le service public de la petite enfance, ainsi que l'extension du complément de libre choix du mode de garde des 6 ans aux 12 ans de l'enfant pour les familles monoparentales.
Néanmoins, il reste beaucoup à faire. Des moyens supplémentaires doivent être mobilisés pour répondre pleinement aux besoins réels des familles en France, notamment des plus vulnérables. En effet, la solidarité et l'accompagnement des familles ne sont pas de simples slogans ; c'est une réalité qui doit être appliquée.
Mes chers collègues, nous resterons très vigilants sur ce point. Ma collègue Solanges Nadille y reviendra également après moi.
Ce PLFSS n'est pas qu'un simple exercice comptable ni une guerre entre les branches, plus importantes les unes que les autres. Il constitue, avant tout, un véritable contrat social qui nous engage collectivement.
Il incarne notre devoir de garantir l'équité médico-sociale sur l'ensemble de nos territoires, notamment outre-mer, conformément aux principes les plus fondamentaux de notre République.
En outre, nous devons aussi améliorer la fluidité entre la sécurité sociale et les complémentaires santé, tant pour lutter plus efficacement contre la fraude que pour mieux cibler les besoins de prévention, qui demeurent le parent pauvre de notre système de santé.
En responsabilité, nous devons surmonter les carcans parfois hypocrites de nos appartenances politiques, pour prendre les décisions nécessaires et justes pour l'avenir de notre pays, de nos enfants et des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe RDSE, je tiens tout d'abord à remercier M. le président de la commission des affaires sociales et Mmes et MM. les rapporteurs. Tous nous ont permis d'entamer ces débats dans la clarté, alors que la tâche n'était pas si simple.
En effet, le mardi 5 novembre à minuit, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a été arrêté net à l'Assemblée nationale, en raison de l'expiration du délai de vingt jours prévus par l'article 47-1 de la Constitution.
Ainsi, nos collègues de l'Assemblée nationale n'ont pu examiner pas moins de quatorze articles relatifs aux dépenses pour l'exercice 2025, parmi lesquels figurent des dispositions fondamentales au sujet des retraites.
Le Gouvernement a transmis au Sénat la version initiale du texte, en retenant quelques amendements des députés. Sur les 213 amendements adoptés lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, 71 ont été repris dans la version que nous avons reçue, parmi lesquels 20 avaient été déposés par le Gouvernement.
Si nous pouvons saluer le changement de méthode et de ton, ainsi que le respect bien plus perceptible du parlementarisme de la part du Gouvernement, les délais d'examen du budget demeurent trop contraignants. Ils s'apparentent à l'effet couperet de l'article 49.3 de la Constitution.
Les dépenses de la sécurité sociale pour 2025 sont fixées à pas moins de 662 milliards d'euros. Notre groupe estime que plus de temps est nécessaire pour se pencher sur une telle somme.
C'est aussi pour cette raison que nous sommes toujours favorables à une réforme structurelle de la sécurité sociale, qui nous permettrait de nous projeter sur le moyen et le long terme. De même, il est nécessaire d'impulser des politiques publiques d'ampleur sur plusieurs exercices, et non plus au coup par coup, à tâtons.
Ainsi, comme l'a évoqué le rapporteur pour avis de la commission des finances Vincent Delahaye, le déficit de la sécurité sociale se dégrade de nouveau en 2024. Il atteint 18 milliards d'euros, soit 7,5 milliards d'euros de plus que la prévision mentionnée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Ce dérapage provient très majoritairement de recettes inférieures aux prévisions. En particulier, le produit de la TVA a été nettement surestimé.
Nous l'avions déploré mot pour mot l'an dernier : la faiblesse des pistes de stabilisation des recettes de la sécurité sociale fait peser un risque réel sur la pérennité du système obligatoire et universel pensé par le Conseil national de la Résistance et créé par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945. Nous nous associons donc aux inquiétudes relatives à la trajectoire financière des régimes exprimées par nos collègues rapporteurs.
Toutefois, la crise du financement de la sécurité sociale provient avant tout de politiques publiques d'exonérations de cotisations patronales déraisonnables et surtout indifférenciées entre les grandes entreprises et les petits entrepreneurs de nos territoires ruraux.
Même le rapport rendu par les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer à la suite de la mission relative à l'articulation entre les salaires et le coût du travail, que l'ancienne Première ministre Élisabeth Borne leur avait confiée à la fin de 2023, le reconnaît à demi-mot : les baisses de cotisations patronales ne sont pas toujours efficaces sur l'emploi et le niveau des salaires, alors qu'elles dégradent substantiellement les comptes sociaux.
Les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs affiliés au régime général atteignaient 50 milliards d'euros en 2019. Elles ont ensuite connu une hausse spectaculaire de 13,1 % en 2022, avec un montant de 73,6 milliards d'euros, pour enfin se stabiliser à 75 milliards d'euros aujourd'hui.
Par ailleurs, cette dynamique s'inscrit de plus en plus dans une généralisation des dispositifs d'allègement, qui ne sont plus autant ciblés sur des territoires, des secteurs particuliers ou de petites entreprises. Les aides publiques sont donc bien moins conditionnées au respect de critères de justice sociale et territoriale, alors que les besoins sont très clairement là.
C'est pourquoi nous saluons d'ores et déjà la refonte progressive des allègements de cotisations patronales sur les bas salaires. Cette réforme devrait inciter les employeurs à les augmenter, permettant des économies importantes pour la sécurité sociale dès l'an prochain.
Néanmoins, la mesure nous semble incomplète, puisqu'aucun dispositif de différenciation selon la nature de l'entreprise n'est prévu à ce stade. Il est pourtant injuste qu'un artisan plombier ou coiffeur soit logé à la même enseigne que des géants de la grande distribution ou des compagnies pétrolières.
En outre, dans le secteur public, pour réduire le déficit de 3,4 milliards d'euros de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, le Gouvernement avait initialement prévu d'augmenter de 4 % le taux de cotisation des employeurs. La commission des affaires sociales du Sénat s'est prononcée en faveur d'un étalement sur quatre ans de la hausse des cotisations, ce qui nous paraît plus sage.
Toutefois, le groupe RDSE reste très réservé au sujet de cette augmentation, qui, à titre d'exemple, représenterait pour la ville de Mende,, dans mon département de la Lozère, une charge supplémentaire de 136 000 euros. Cette somme n'irait malheureusement plus au renforcement des services publics de proximité, ô combien essentiels à la qualité de vie des habitants.
En raison de la limitation de mon temps de parole, je ne m'étalerai pas davantage sur l'ensemble des dispositions qui figurent dans le texte. Comme à l'accoutumée, notre groupe aborde cette période budgétaire de manière constructive.
Pour cette raison, nous sommes par exemple satisfaits des mesures en faveur de la lutte contre les pénuries de produits de santé qui se manifestent ponctuellement dans nos pharmacies.
Nous saluons également les financements supplémentaires pour le secteur de la santé mentale, en particulier des jeunes, et les moyens accrus pour les soins psychiatriques et psychologiques. Il s'agit d'un combat important, que notre groupe avait porté l'an dernier en compagnie de notre ancienne collègue, désormais ministre, Nathalie Delattre, au moyen d'une proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale.
Mes collègues et moi-même aurons l'occasion de défendre d'autres propositions tout au long de nos travaux, notamment de nouvelles pistes de recettes. Je pense en particulier à la taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés, au financement de la cinquième branche par une contribution sur les grosses successions ou les donations ou à la taxe sur les publicités relatives aux jeux d'argent et de hasard.
Pour conclure, vous l'aurez compris, nous défendrons nos amendements dans un esprit de responsabilité et nous nous prononcerons sur les propositions de nos collègues au cours des prochains jours, qui s'annoncent riches en débats. Le futur de notre système de protection sociale en dépend. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un contexte politique difficile et face à une situation financière préoccupante pour l'État, la sécurité sociale affiche en 2024 un déficit de 18 milliards d'euros.
Loin d'être anecdotique, le « trou de la sécu » continue de se creuser, sans espoir de retour à l'équilibre, ni en 2025 ni dans les années suivantes. En effet, malgré les 15 milliards d'euros d'économies recherchées, le déficit du PLFSS 2025 s'élèverait encore à 16 milliards d'euros. Il viendrait ainsi grossir la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et la dette sociale, qui s'élève déjà à 145 milliards d'euros.
Ce constat, bien qu'il soit lourd, n'appelle ni à la fatalité ni à la résignation. Il doit au contraire nous pousser à une réflexion lucide sur nos réussites et nos erreurs, afin de nous inciter à mieux faire.
Parce qu'il résulte de causes que nous connaissons bien, ce déficit nous alerte sur les défis sociaux et financiers que nous devons relever. Le vieillissement de la population est une réalité démographique ; la baisse de la natalité en est une autre. Les dépenses de santé et de retraite augmentent, alors que les recettes tirées de la croissance, censées les accompagner, sont en berne.
Ne nous trompons pas : le déséquilibre des comptes de la sécurité sociale n'est pas conjoncturel. Les crises ont certes pesé, mais l'absence de réformes structurelles demeure la principale menace pesant sur notre système.
Nous ne résoudrons donc pas le problème en transférant les remboursements vers les mutuelles et les complémentaires santé. Le remboursement croisé des prestations n'a plus de sens à mes yeux. Il doit cesser, sauf peut-être pour le confort optique ou dentaire, qui relèvent d'un choix personnel.
En revanche, il me semble que confier aux mutuelles le rôle essentiel de prévention et de prévoyance a du sens. La transparence doit pour cela être la règle.
Comment tolérer que 110 millions d'euros de dépenses de l'assurance maladie, en particulier dans les établissements de santé, échappent encore à une estimation rigoureuse pourtant nécessaire pour lutter contre la fraude sociale ? La Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), les mutuelles et les complémentaires doivent s'y atteler ensemble, pour récupérer les 13 milliards d'euros du montant de cette fraude, selon l'estimation de la Cour des comptes.
J'ai souvent dénoncé les actes médicaux redondants et autres examens inutiles, qui pèsent lourdement sur nos comptes et qui représentent jusqu'à 20 % des prestations selon l'OCDE.
Je répète ce qui, loin d'être un simple discours de principe, est un fait admis par tous, notamment par nombre de professionnels de santé eux-mêmes : l'inscription dans le dossier médical partagé de tous les actes médicaux doit devenir obligatoire pour éviter ces coûteuses redondances. C'est une question non seulement d'économie, mais aussi de qualité de soins.
La fracture persiste entre l'hôpital et la médecine de ville, qui trop souvent devient le seul recours. Nous devons encourager le parcours de soins et tisser les partenariats et le maillage nécessaire avec les autres professionnels de santé : c'est la clé de l'accès aux soins pour tous.
L'autonomie et la dépendance sont aussi des sujets cruciaux. Des étapes importantes ont été franchies. Je pense notamment à l'affectation de 0,15 point supplémentaire de contribution sociale généralisée (CSG) à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) cette année.
Toutefois, le chemin est encore long. Je reste très préoccupé par la situation des services d'aide à domicile et des Ehpad. Je me réjouis de l'enveloppe d'au moins 2 milliards d'euros proposée par notre commission des affaires sociales, ainsi que de la création d'une deuxième contribution de solidarité. Mais il n'est pas interdit d'innover, par exemple en instaurant une assurance dépendance obligatoire, comme le proposent certains de nos collègues.
Quant aux retraites, le choix a été fait de répartir l'effort de revalorisation afin de protéger les plus modestes, mais l'enjeu va bien au-delà. Malgré la réforme de 2023, le déficit est persistant. C'est le signe qu'il faut repenser fondamentalement le système.
Les trois régimes par répartition, privé, public et libéral, doivent être traités séparément, pour que chacun retrouve ou maintienne l'équilibre. Pour assurer la pérennité du système, aucune solution ne peut être écartée a priori : système à points, capitalisation, augmentation de la durée du travail et, surtout, du nombre d'actifs.
En ce qui concerne le travail, le lissage des exonérations de charges est justifié, car il faut éviter les pièges à bas salaires et les pertes d'emplois, ainsi que la rapporteure générale l'a très justement indiqué.
Pour augmenter les salaires et la compétitivité des entreprises, il faut trouver des ressources nouvelles sans pénaliser le travail et la productivité. Le groupe Union Centriste propose ainsi d'augmenter la TVA d'un point, à l'exception des biens de première nécessité, pour que les consommateurs partagent l'effort de justice sociale.
En conclusion, si nous voulons ne pas laisser un modèle exsangue aux générations futures, mais préserver une protection sociale digne de ce nom, il est temps de faire preuve de plus d'audace. Le groupe UC soutient les efforts du Gouvernement, de la commission des affaires sociales et de ses rapporteurs. Il votera donc en faveur de ce PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Émilienne Poumirol et Annie Le Houerou applaudissent également.)
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en abordant l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons à l'esprit les plus de 6 millions de nos concitoyens qui n'ont pas de médecin traitant, ainsi que ceux qui passent des heures aux urgences ou qui voient régulièrement ces services de proximité fermer.
Nous avons à l'esprit les soignants et celles et ceux qui exercent les métiers du lien, victimes de conditions de travail de plus en plus difficiles et de rémunérations qui leur font tourner le dos à leur vocation, la mort dans l'âme.
Nous avons à l'esprit les gestionnaires d'établissements publics de santé, du secteur social ou médico-social, qui, malgré leur travail rigoureux, ne parviennent plus à résorber des déficits devenus structurels.
Nous avons à l'esprit ces retraités qui ont du mal à joindre les deux bouts, mais que certains voudraient faire passer pour des nantis…
J'arrête la liste, mais il convient d'apporter des réponses face à cet état des choses. Ce PLFSS ne le permet pas. Pire, il aggravera encore toutes ces situations, sans même réduire un déficit annoncé à 16 milliards d'euros. En effet, les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Plutôt qu'aller chercher de nouvelles ressources pour financer notre système de protection sociale, en faisant par exemple contribuer les revenus financiers, qui échappent pratiquement à toute contribution à la solidarité nationale, plutôt qu'examiner sérieusement les exonérations de cotisations et les niches sociales qui grèvent de plus en plus et de plus en plus rapidement nos finances publiques, plutôt que responsabiliser l'industrie pharmaceutique, dont les choix stratégiques sont davantage guidés par le taux de rentabilité que par la santé collective, vous souhaitez faire reposer presque exclusivement les efforts sur nos concitoyens.
Vous vouliez économiser 3,6 milliards d'euros grâce aux retraites en reportant de six mois l'indexation des pensions sur l'inflation.
Face au mécontentement, vous êtes contraints de reculer, mais 56 % des retraités seront privés de l'entièreté de la revalorisation attendue, conduisant 9,5 millions d'entre eux à perdre du pouvoir d'achat. Plus encore que l'ensemble de nos autres concitoyens, en raison de leur âge, les retraités subiront en parallèle des hausses de tarifs des complémentaires santé si vous persistez à vouloir augmenter le ticket modérateur, ne serait-ce que de 5 %.
De plus, au travers des médicaments, vous voulez de nouveau procéder à des déremboursements, après avoir déjà commencé à le faire l'an dernier, au travers des soins dentaires, et après avoir doublé les franchises médicales et les forfaits.
Gare aux salariés qui seront malades en 2025 ! À partir du 1er janvier prochain, ils ne seront plus indemnisés qu'à 50 % du salaire journalier, jusqu'à un plafond de 1,4 Smic, contre 1,8 Smic actuellement, en cas d'arrêt maladie de plus quatre jours.
Vous voulez également, chers collègues de la majorité sénatoriale, leur prendre 2,5 milliards d'euros de revenus avec une seconde journée de « solidarité », que vous n'osez plus appeler ainsi et pour cause : il est difficile de parler de solidarité quand les salariés sont ainsi mis à contribution alors que la moindre diminution des exonérations de cotisations sociales est battue en brèche !
Quelque 4 milliards d'euros de moins sur les près de 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations au total, c'est encore trop !
Plus globalement, qui peut raisonnablement penser qu'un objectif de dépenses de santé en augmentation de 2,8 % en 2025 est réellement tenable ? La Commission européenne y croit peut-être, mais pas nos concitoyens, ni nous ! Les hôpitaux sont à l'os et vous fixez un Ondam hospitalier qui n'augmente que de 0,3 %. Voilà la réalité ! Quand on ajoute à l'inflation l'augmentation du taux de cotisation à la CNRACL, étaler celle-ci sur quatre ans, plutôt que sur trois ans, ne changera pas grand-chose à l'affaire.
Ce régime ne peut qu'amplifier un phénomène que nous ne connaissons déjà que trop bien : des hôpitaux exsangues, des agents usés malgré leur dévouement par des conditions de travail toujours plus difficiles... La désertification médicale touche 87 % du territoire national. Selon le rapport d'information Inégalités territoriales d'accès aux soins : aux grands maux, les grands remèdes, rendu la semaine dernière par M. Rojouan, la France a perdu plus de 2 500 médecins depuis deux ans et entre dans une « décennie noire médicale ».
Comme le souligne notre collègue, des mesures timides ont été prises dans de précédents PLFSS ou au travers de textes d'initiative parlementaire, alors qu'une thérapie de choc est nécessaire. Tandis que M. Rojouan pointe l'insuffisance de la dynamique actuelle de formation des médecins pour répondre aux besoins, aucune solution ne figure dans ce PLFSS 2025.
Précisément pour combler ce manque, nous proposerons des amendements visant à réguler l'installation des médecins, une idée désormais majoritaire dans notre pays, même s'il y a débat – c'est légitime – sur l'endroit où il convient de placer le curseur de cette régulation.
Ce PLFSS devrait en l'état être l'occasion d'établir un plan pluriannuel de financement du grand âge. Or, non seulement il n'en est rien, mais la majorité sénatoriale a une nouvelle marotte : les salariés devront travailler plus pour gagner moins !
Alors que près de deux tiers des Ehpad sont en déficit – le chiffre monte à 85 % pour les établissements publics –, les crédits du PLFSS ne permettront pas de sortir ces structures de l'ornière. Que dire de la création de 6 500 équivalents temps plein, c'est-à-dire pas même un par établissement, quand le taux d'encadrement, ou, comme on dit, le « ratio », reste un vrai sujet en France ?
Par le biais de motions adoptées en conseil d'administration, de nombreux Ehpad nous ont pourtant avertis de leurs difficultés à faire face à l'inflation de ces derniers mois et à l'insuffisante compensation des mesures de revalorisation salariale.
Du côté des médicaments, les pénuries se sont encore accrues ces derniers mois. Les choix stratégiques de grands industriels risquent de faire perdre à la France un peu plus de sa souveraineté sanitaire et industrielle. Je pense à Sanofi et à la vente de sa filiale Opella : les garanties demandées au moment de la cession sont de court terme, comme les exigences de rentabilité du fonds d'investissement « acquéreur ».
Nous proposons donc de mettre davantage à contribution l'industrie pharmaceutique, qui est par ailleurs largement bénéficiaire de fonds publics, notamment au travers du crédit d'impôt recherche.
S'agissant de la branche famille, nous formulerons aussi des propositions. Le livre de Victor Castanet, Les Ogres, a montré les dérives des crèches privées lucratives, aussi demanderons-nous des moyens pour les collectivités, à qui il reviendra d'assurer le service public de la petite enfance.
Mesdames, messieurs les ministres, vous avez qualifié ce PLFSS de « perfectible ». Ô combien l'est-il ! Lorsque, main dans la main, majorité sénatoriale et Gouvernement, vous lâchez du lest face aux mécontentements, vous récupérez d'un côté ce que vous avez donné de l'autre. Ce PLFSS ne produira, à la fin, que davantage de mécontentements. Il y en a pourtant déjà tant et tant dans le pays. Une autre voie est possible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'année dernière, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires alertait déjà le Gouvernement : le navire sécurité sociale poursuivrait en 2024 une navigation business as usual, sans voir l'iceberg vers lequel il fonçait... Pourtant, pour la santé, pour le social comme pour le climat, il n'y a pas de business as usual : il y a un naufrage annoncé !
Un an et quatre ministres de la santé plus tard, force est de constater qu'il n'y a plus de capitaine pour orienter les finances sociales. Le budget 2024 de la sécurité sociale était manifestement insincère : le Gouvernement avait surestimé les recettes de près de 5 milliards d'euros et sous-estimé les dépenses de 2 milliards.
Il n'y a aucune surprise pour le Sénat : nous avions rejeté l'Ondam en le jugeant insuffisant et, précisément, insincère. À raison !
Il n'y a aucune surprise non plus pour les écologistes : nous défendons, aux côtés de nos alliés du Nouveau Front populaire, l'esprit de la sécurité sociale de 1945.
La droite a déconstruit la sécurité sociale depuis la création de cette dernière. Elle a désuni les caisses, séparé et étatisé la gestion des risques sociaux, opposé les assurés entre retraités et actifs, entre malades, supposément fraudeurs et profiteurs, et cotisants, entre travail et travailleurs. (M. Laurent Burgoa proteste.)
Après ces attaques contre « la sociale », la droite a eu la bonne idée de créer les lois de financement de la sécurité sociale. Chaque année, le Parlement examine désormais, à la place des travailleuses et des travailleurs, les comptes de la « sécu » pour constater les déficits successifs et pour réduire les droits sociaux, sans aucun cadrage pluriannuel de surcroît.
Si planifier sur un an est déjà trop peu pour gouverner, une telle échéance n'a aucun sens si l'on veut garantir le fonctionnement de l'hôpital, nos retraites et nos prestations sociales.
Cette année encore, le PLFSS présente un déficit : 18 milliards d'euros cette fois ! Pourtant, si l'on réunit artificiellement le solde des administrations de sécurité sociale, notre système fonctionne parfaitement : à l'équilibre en 2024, il est même excédentaire en 2025.
La droite justifie donc avec ce chiffre monstrueux de 18 milliards d'euros de déficit les mesures d'économies antisociales suivantes. La revalorisation des retraites est insuffisante. Le flicage des prestations sociales et de santé est inédit.
M. Xavier Iacovelli. Il y a un « flicage » ?
Mme Anne Souyris. Le remboursement des consultations médicales par la sécurité sociale est en baisse : de 80 % en 1945, il est désormais à 70 % et le Gouvernement souhaite le faire passer à 65 %, comme vous venez de l'indiquer, madame la ministre de la santé.
Le budget pour l'hôpital, derrière une hausse apparente, cache en réalité une diminution.
Enfin, la droite sénatoriale a une nouvelle idée : une contribution de solidarité par le travail. Sept heures de travail non payées ! Il s'agit d'une nouvelle journée de solidarité déguisée, autrement dit, d'une nouvelle corvée d'Ancien Régime ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous nous opposerons à ces mesures.
Toutefois, nous reconnaissons que tout n'est pas à jeter dans ce projet. (Ah ! sur les mêmes travées.)
Premièrement, nous revenons sur les allègements de cotisations sociales patronales, qui ont smicardisé les travailleurs, pour la première fois depuis trente ans. C'est une bonne chose. Pour augmenter les salaires, nous proposerons d'aller encore plus loin en ce sens, d'autant que, sans ces exonérations non compensées par l'État, qui représentent un manque à gagner pour la sécurité sociale, cette dernière ne serait pas déficitaire.
Deuxièmement, la réforme de la taxe soda, proposée par le Nouveau Front populaire, est une avancée réelle. Elle permettra de réduire la teneur en sucre de ces produits.
Troisièmement, la fin de la consultation médicale pour accéder aux séances Mon soutien psy va dans le bon sens.
Quatrièmement, les centres de santé communautaire sont pérennisés.
Cinquièmement, la vaccination contre la méningite dans le cadre de la campagne contre le virus du papillome humain (HPV, Human Papillomavirus) est généralisée.
Sixièmement, l'annualisation de l'examen bucco-dentaire « M'T dents » sera une bonne chose à condition – je m'adresse à vous, madame la ministre de la santé – qu'aucun enfant ne soit laissé sur le bord du chemin. En effet, sans complémentaire santé pour rembourser ce rendez-vous préventif, les enfants y auront-ils accès ? Le texte reste plus qu'alarmant sur ce sujet, laissant aux mutuelles le soin de payer presque la moitié de l'examen.
Le texte dans son ensemble est inquiétant. Plutôt que de restreindre les droits sociaux et faire payer les malades, donc les plus fragiles d'entre nous, vous auriez pu choisir d'autres mesures pour rétablir l'équilibre financier de la sécurité sociale. C'est ce que nous souhaitons défendre aujourd'hui.
Tout d'abord, nous proposons de rétablir la justice sociale en faisant contribuer à leur juste mesure les revenus du capital au travers de la CSG, en taxant les superprofits des entreprises, en augmentant de 1 % la fiscalité sur les successions et sur les donations et en récupérant le manque à gagner des exonérations de cotisations non compensées.
Ensuite, nous proposons de faire entrer la sécurité sociale dans le nouveau régime climatique, en mettant à contribution les responsables du changement du climat et de l'effondrement de la biodiversité, ainsi que les empoisonneurs, grâce à une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières.
Je ne parle même pas des pesticides, que nous aurions souhaité taxer également, car ils sont responsables de nombreuses maladies, parfois reconnues comme maladies professionnelles, à l'image de Parkinson pour les agriculteurs. Une taxe sur ces produits permettrait aussi d'ailleurs de favoriser la recherche, par exemple sur les cancers pédiatriques.
Enfin, nous proposons de mettre en place une réelle fiscalité comportementale. L'idée n'est pas neuve : en 1861, le chansonnier Gustave Nadaud appelait déjà à « frappe[r] le vin et la bière » et à « n'épargne[r] point les tabacs ».
En premier lieu, nous proposons d'établir une trajectoire fiscale relative aux produits du tabac. L'objectif est de porter le paquet de vingt cigarettes à seize euros en 2027.
En deuxième lieu, nous défendons une réforme de la fiscalité des alcools, qui tuent chaque année l'équivalent de la population de la ville d'Albi, allant d'une taxe sur les bières sucrées, qui sont développées par les alcooliers pour attirer les jeunes, jusqu'à la mise en place d'un prix unitaire minimum de l'alcool, qui a notamment fait ses preuves en Écosse, en passant par des mesures sur les publicités.
En troisième lieu, nous proposerons à nouveau au Sénat de taxer les publicités pour les jeux d'argent et de hasard. J'espère que cet amendement adopté l'année dernière saura vous convaincre de nouveau, mes chers collègues, et que, cette fois, madame la ministre, notre vote sera respecté.
En dernier lieu, nous souhaitons nous attaquer aux pratiques « anti-santé publique » des industriels de l'agroalimentaire, en taxant les sucres ajoutés et les produits n'affichant pas le Nutriscore. Je compte sur vous, mesdames, messieurs, les représentants de la Nation. C'est une urgence de santé publique.
Pour conclure, nous appelons solennellement à soutenir financièrement les établissements médico-sociaux, notre hôpital public et les Ehpad. S'agissant de ces derniers, il nous faut reconstruire leur modèle. La loi Grand Âge, madame la ministre, n'est toujours pas présentée : quand arrivera-t-elle ? Là encore, je compte sur vous.
Vous l'aurez compris, face aux attaques à pas feutrés du socle commun contre les conquis sociaux, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires défendra le patrimoine de celles et de ceux qui n'en ont pas. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Annie Le Houerou et Solanges Nadille applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2025, tel qu'il est proposé par le Gouvernement, nous inquiète comme jamais, car il met à mal les fondements mêmes de notre protection sociale.
Ce budget arrive au Sénat après une procédure inédite, sans vote, fût-ce par une adoption au travers d'un 49.3, des dépenses par l'Assemblée nationale.
Ce budget est bien loin des attentes de nos concitoyens. Il ne répond pas aux enjeux budgétaires, comme nous avons pu le souligner lors de l'examen de la motion d'irrecevabilité déposée par notre groupe. Il ne permet ni de résoudre les déficits ni de proposer la moindre trajectoire de retour à l'équilibre. Il vise à augmenter timidement les recettes et à réduire drastiquement les dépenses en les mettant à la charge des malades.
Ce budget cache en réalité une vision politique que vous refusons : laisser filer les déficits pour simuler l'inefficacité de notre système de sécurité sociale, issu du Conseil national de la Résistance. En effet, nous nous éloignons toujours plus du principe selon lequel chacun participe selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins. Ce principe de solidarité nationale est menacé un peu plus chaque année depuis sept ans, et nous atteignons cette fois un point de bascule.
Le Sénat a rendu en 2024 deux rapports d'information symptomatiques d'une double dérive de notre système de santé : d'une part, Financiarisation de l'offre de soins : une OPA sur la santé ?, d'autre part, Hausse des tarifs des complémentaires santé : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français. L'ultralibéralisme macroniste depuis sept ans a conduit à favoriser la financiarisation de notre offre de soins.
M. Xavier Iacovelli. Ultralibéralisme ? Allez dans un pays libéral, vous verrez !
Mme Annie Le Houerou. Le risque d'une privatisation de notre protection sociale par le biais des complémentaires santé est réel. Laisser toujours plus de dépenses à la charge du patient, des mutuelles ou des assurances privées conduit à les rendre inabordables pour les plus fragiles et à rompre le principe d'égalité d'accès aux soins.
Je m'étonne que Les Républicains et la droite sénatoriale se soient associés à ce projet de budget macroniste, que nous pouvons qualifier d'insincère et d'infidèle par rapport aux principes que nous défendons. Puisque Mme la rapporteure générale exprime son attachement à notre sécurité sociale, elle aura l'occasion de soutenir certaines de nos propositions, nous laissant entrevoir quelques avancées au Sénat… (Mme la rapporteure générale sourit.)
Madame la ministre de la santé, le Gouvernement présente fièrement une hausse de l'Ondam de 2,8 %. En réalité, cette augmentation couvre l'inflation, à hauteur de 1,8 %, et une hausse de quatre points des cotisations de retraites dues à la CNRACL. Quid des mesures du Ségur de la santé, non financées ? Quid des déficits qui conduisent de nombreux établissements publics de santé ou du secteur médico-social à ne plus payer leurs cotisations à l'Urssaf ?
L'hôpital public a besoin de notre soutien et de moyens, tout comme les collectivités territoriales. Celles-ci mettent en œuvre au quotidien les mesures de solidarité à destination des familles et des plus âgés, mais elles se trouvent asphyxiées par votre méthode, par laquelle vous imposez, sans concertation aucune, des coups de rabot : fonds de précaution figurant au PLF, augmentation de leurs charges au travers des quatre points de cotisation supplémentaires à la CNRACL. Vous donnez ainsi le coup de grâce aux villes et aux départements, déjà exsangues.
Pour pérenniser le système français, il est de notre responsabilité – c'est une exigence – d'assurer l'équilibre budgétaire des différentes branches de la sécurité sociale, lesquelles ne peuvent fonctionner avec un déficit permanent. Le peu de recettes nouvelles présentées ne permettra pas le retour à cet équilibre. Je reste étonnée de voir la majorité sénatoriale soutenir cette fuite en avant des déficits, alors que, dans ses rangs, on dénonce cette logique depuis des années.
Nous avions perçu un signe positif avec la proposition faite par le gouvernement Barnier de réduire les insensés allègements généraux de cotisations. Nous proposons d'aller plus loin avec une sortie des exonérations des salaires excédant deux Smic. Ainsi, nous dégagerons 8 milliards d'euros de recettes sur les 80 milliards d'euros d'allègements généraux.
Nous irons chercher les exonérations ayant montré leur inefficacité pour l'emploi et pour la compétitivité de nos entreprises. Nous compléterons ces ressources par une contribution des revenus exceptionnellement élevés et par une fiscalité comportementale chère à notre rapporteure générale.
Toutefois, d'autres recettes proposées par la rapporteure Deseyne pour la branche autonomie nous excèdent. Faire travailler les seuls salariés un jour de plus sans être payés n'est respectueux ni de la justice sociale ni du travail. (Mme Chantal Deseyne et M. Laurent Burgoa s'exclament.)
Notre groupe propose des recettes raisonnables, à la juste hauteur des besoins, pour assurer un retour à l'équilibre à terme, sans ponctionner toujours plus les salariés, les malades ou les retraités. Annonce du report de la revalorisation de 2 % des retraites, au 1er juillet prochain au lieu du 1er janvier, revalorisation finalement de 1 %, annoncée par M. Wauquiez – à quel titre ? – et proposée au travers d'un amendement de Mme Gruny : pour les retraités, le compte n'y sera pas !
Côté dépenses, nous nous opposerons à toute augmentation du reste à charge qui pèse sur les malades et sur les plus vulnérables. Je pense à la hausse du ticket modérateur ou à la diminution des indemnités journalières.
Nous revendiquons une loi de programmation pluriannuelle pour la santé, tout comme une loi pour le grand âge, promise, mais toujours pas présentée pour un examen en 2025, malgré l'attente tant des citoyens que des professionnels.
Nous proposerons de mener une réelle politique de prévention en matière de santé, car celle-ci est le levier le plus efficace pour réduire nos dépenses. La dissociation des dépenses en question de celles qui sont incluses dans l'Ondam, issue d'un amendement socialiste et ajoutée au texte par le Gouvernement après le passage du PLFSS à l'Assemblée, constitue une avancée qui doit être suivie d'un investissement à la hauteur des enjeux.
Invisibilisée dans votre budget, la santé mentale est pourtant supposée être la grande cause du Premier ministre.
Invisibilisée, la politique familiale l'est aussi alors que les familles monoparentales attendent des dispositifs nouveaux, notamment la réforme du congé parental.
Invisibilisés, le renoncement aux soins et les prises en charge tardives faute de médecins le sont également.
Nous, socialistes, considérons qu'il est possible de concilier la justice, fiscale et sociale, et le rétablissement des comptes de la sécurité sociale. Nous nous battrons pour préserver l'accès aux services publics et aux soins, de la crèche à l'Ehpad. Nous refuserons de vendre la protection sociale à des acteurs ayant une logique lucrative, dont les effets délétères sont dévoilés par de nombreux scandales.
J'espère que le Gouvernement et sa majorité sénatoriale se saisiront du sérieux de nos propositions et que nous sortirons de notre débat avec un budget structurant, qui permette d'améliorer la santé de nos concitoyens et qui soit rassurant pour l'avenir et pour la protection des droits des travailleurs, des assurés et des familles.
Ainsi, nous préserverons une sécurité sociale à la hauteur des besoins de chacun, car telle est la promesse de fraternité de notre République. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, faut-il le rappeler encore, la sécurité sociale est le premier budget de la Nation.
Ainsi, au sortir d'une Seconde Guerre mondiale qui laissa le pays exsangue d'un point de vue moral et humain, la France fit le choix historique de confier à la Nation et au Parlement le financement et la prise en charge de la solidarité nationale, des politiques de santé et des risques de la vie. D'autres pays n'ont pas fait ce choix et ont laissé au privé la gestion de la santé des populations, source parfois d'efficacité et de rigueur comptable, très souvent d'un lot d'inégalités et d'exclusions.
Certes, ces politiques sont des dépenses, mais des dépenses supposées utiles, solidaires et justes, qui permettent a priori à nos concitoyens d'être pris en charge de la meilleure des façons et de la plus égale des manières, partout où ils se trouvent.
Pourtant, mes chers collègues, la justice n'exclut pas la responsabilité. La dette sociale participe à part entière de la dette de l'État. Sous le septennat douloureux du président Macron, cette dette a continué à se creuser malgré les réformes injustes, particulièrement celle des retraites qui, sans être une trahison, puisqu'elle fut largement assumée avant la réélection du président, n'en a pas moins été un acte de brutalité sociale envers les travailleurs les plus modestes.
Comme chaque année, le même questionnement lancinant nous saisit. Quelque 662 milliards d'euros de dépenses de sécurité sociale, soit près d'un quart de notre richesse nationale, et une progression prévue de 18 milliards d'euros : normalement, mes chers collègues, avec une telle somme, nos hôpitaux devraient être les meilleurs du monde, notre espérance de vie progresser et notre natalité être dynamique ; les Français devraient pouvoir se soigner sans crainte de la facture, de l'attente d'un spécialiste, de la file dans un service d'urgence ou de l'inquiétude de pouvoir obtenir le médicament nécessaire.
Pourtant, partout où nous regardons, la situation est dramatique. Nos soignants souffrent encore et toujours. Les proches aidants, soutien vital à notre système de santé, ne sont pas reconnus, alors qu'ils permettent, par leur abnégation, d'économiser des centaines de milliards d'euros et apportent à des millions de nos concitoyens les soins et l'attention nécessaire pour mener la vie la plus normale le plus longtemps possible.
Plus grave encore, notre natalité, ciment de la prospérité et, soit dit en passant, de tout l'équilibre financier de notre système social, est en baisse structurelle. Dans de nombreux territoires, même les plus urbanisés, le manque de médecins se conjugue maintenant avec le manque de médicaments, voire avec le manque de pharmacies.
Mes chers collègues, le constat est sombre, mais il est malheureusement juste. La question n'est pas tant de savoir si nous dépensons trop, mais surtout pourquoi aucun paramètre social et sanitaire ne s'améliore.
Dans une fuite en avant austéritaire et à l'effet récessif, le Gouvernement souhaite rogner les droits sociaux des Français. Si des économies sont nécessaires, elles ne doivent ni toucher aux classes populaires et moyennes, ni toucher à la France laborieuse, ni diminuer les droits sociaux des Français, alors même que la récession revient.
Pour toutes ces raisons, notre système national de sécurité sociale – c'est l'une des pierres angulaires de notre vision politique, vous vous en doutez – ne peut continuer à être ouvert à tous les vents d'une gestion et d'une immigration anarchiques. (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
M. Xavier Iacovelli. Enfin ! Trois minutes pour le dire !
M. Christopher Szczurek. Face à ce constat, il n'y aurait qu'une solution pour préserver notre système social : la rupture, la rupture avec des politiques nocives, la rupture pour améliorer le coût du travail, la rupture pour organiser un système de retraites plus juste incitant à commencer le travail le plus tôt possible et non à connaître la pénibilité la plus longue qui soit, la rupture pour faire bénéficier prioritairement les Français des fruits sociaux des lourds impôts dont ils s'acquittent par leur travail.
La rupture, nous craignons que vous n'y soyez favorables. Je disais déjà au début du mois d'octobre dernier que le problème de la classe politique française était non pas sa compétence, mais son conformisme. Dès lors, si rupture il doit y avoir, avant d'être financière, elle doit être politique. (M. Aymeric Durox applaudit.)
M. Jérôme Durain. Montrez l'exemple !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous payerons 55 milliards d'euros d'intérêts sur notre dette en 2025, et le budget de la sécurité sociale en 2024 enregistrera un déficit de 18 milliards d'euros. Nous faisons face à une urgence pour l'avenir de notre pays et de nos enfants : laisser filer la dette serait suicidaire !
Le PLFSS qui nous est proposé s'intègre dans le plan du Premier ministre, lequel souhaite ramener le déficit de 6,1 % à 5 % du PIB en 2025. Il vise à limiter le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d'euros. Ce n'est pas un PLFSS d'austérité, comme j'ai pu l'entendre, car les dépenses augmentent de 2,8° %, soit 18 milliards d'euros, et les recettes de 3,5 %.
L'Ondam, fixé à 264 milliards d'euros, a augmenté de plus de 60 milliards depuis 2019. Les budgets des branches maladie – la hausse de celle-ci équivaut à 9 milliards d'euros –, vieillesse, famille et accidents du travail et maladies professionnelles augmentent de 2 % à 3 %, celui de la branche autonomie de 6 %.
Ce budget s'intègre dans la politique de modération des dépenses du gouvernement Barnier, lequel préconise 60 milliards d'euros d'efforts, dont 20 milliards d'euros seraient issus de recettes supplémentaires et 40 milliards d'euros d'une baisse des dépenses publiques. De 10 milliards d'euros à 14 milliards d'euros d'économies proviendraient des prestations qui sont notre sujet aujourd'hui.
Il n'est pas question d'une diminution des soins pour nos compatriotes.
Tout d'abord, 4 milliards d'euros d'économies proviendront de la diminution des allègements de cotisations patronales. Je suis d'accord avec la proposition de la rapporteure, qui souhaite protéger les allègements proches du Smic.
Ensuite, 4 milliards d'euros de baisse des dépenses seront liés au report de l'indexation des retraites sur l'inflation au 1er juillet prochain, report qui ne concerna pas le minimum vieillesse. J'ai d'ailleurs déposé un amendement pour que toutes les retraites en dessous du Smic soient revalorisées au 1er janvier prochain, tout en étant dans l'ensemble favorable au nouveau projet proposé par la commission.
De plus, sont envisagés la modération des dépenses de santé avec la hausse du ticket modérateur – il faudra en tenir compte pour les Français qui n'ont pas de mutuelle – et un meilleur encadrement des dépenses de certains examens complémentaires.
Enfin, de nouvelles recettes sont prévues pour équilibrer la CNRACL, par le biais d'une hausse du taux de cotisation des employeurs publics. La commission a souhaité étaler cette augmentation sur quatre ans au lieu de trois ans. J'y souscris, car les budgets des collectivités sont en difficulté.
Les dépenses supplémentaires de 18 milliards d'euros figurant dans ce PLFSS permettront, en premier lieu, de confirmer les engagements pris à l'égard des professionnels de santé et en faveur tant des petites retraites, situées sous le plafond de 85 % du Smic, que de la réforme de la petite enfance, tendant à garantir l'accueil du jeune enfant.
Ces dépenses confirmeront, en deuxième lieu, les engagements pris en faveur des agriculteurs : dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), soutien à l'installation des jeunes agriculteurs et calcul de la retraite sur les vingt-cinq meilleures années. Des mesures complémentaires viendront à l'occasion de l'examen du projet de loi agricole.
Ces dépenses confirmeront, en troisième lieu, le développement des soins palliatifs pédiatriques et des équipes mobiles, à domicile, en Ehpad et dans les territoires.
En dernier lieu, la santé mentale sera concernée par ces dépenses avec l'accès direct au psychologue et l'ouverture d'une filière dédiée à la psychiatrie dans les services d'accès aux soins (SAS). Il faudrait aussi assurer un meilleur suivi des malades psychotiques après leur sortie de l'hôpital en signalant mieux le non-retour à la consultation, ce qui signifie souvent l'arrêt du traitement.
Je souhaite exprimer mon accord avec les propositions des rapporteurs des différentes branches : lutter plus intensément contre la fraude avec une carte Vitale sécurisée, favoriser la vaccination, contre les papillomavirus et les méningocoques, et la prévention, lutter contre les actes redondants et favoriser l'utilisation du dossier médical partagé (DMP), contrôler l'utilisation des dispositifs, lutter contre la pénurie de médicaments, renforcer la prévention au travail et la lutte contre l'usure professionnelle, enfin, prendre en compte la dénatalité.
Je me félicite que l'amendement visant à exonérer de cotisations vieillesse les médecins retraités, qui s'est heurté à l'article 40 de la Constitution, soit repris par le Gouvernement.
Concernant l'autonomie, le PLFSS tend à créer 6 500 postes en Ehpad, soit un par établissement. Il faut, monsieur le ministre, que cette mesure soit inscrite dans une trajectoire de 50 000 emplois d'ici à 2029. Celle-ci est indispensable pour prendre en charge la dépendance, qui augmente avec le vieillissement.
En effet, le nombre de personnes de plus de 85 ans doublera entre 2020 et 2040. Pour créer ces 50 000 emplois, il faut investir 2,5 milliards d'euros par an, ce qui aurait été plus facile sans la suppression de la taxe d'habitation et celle de la redevance audiovisuelle…
Mme Annie Le Houerou. Ça, c'est sûr !
M. Daniel Chasseing. … même si ces mesures ont donné du pouvoir d'achat à nos compatriotes, à hauteur de 25 milliards d'euros.
En compensation – il s'agirait d'une légère compensation –, j'ai déposé à titre personnel un amendement visant à créer une journée de solidarité supplémentaire, laquelle rapporterait 2,4 milliards d'euros.
Parmi les habitants des pays de l'OCDE, nous sommes ceux qui travaillent le moins. S'il était adopté, cet amendement conduirait à travailler dix minutes de plus par semaine. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. Daniel Chasseing. Comme nous l'avons fait lorsque nous avons rencontré des difficultés au cours de notre histoire, nous devons aujourd'hui faire preuve de solidarité pour prendre en charge, ensemble, le vieillissement et la dépendance. Vous savez, monsieur le ministre, que c'est absolument nécessaire.
De même, il est impératif de maintenir les aides à l'apprentissage dans l'enseignement supérieur. C'est un investissement durable. En outre, l'apprentissage est un ascenseur social. Un tiers des apprentis sont en effet issus de familles modestes. Nous espérons que la réduction du seuil d'exonération des cotisations sociales pour les apprentis au 1er janvier 2005 n'aura pas d'effet négatif.
Nous devons aussi redonner sa valeur au travail. À cet égard, je pense qu'il faut pérenniser la loi pour le plein emploi – ce n'est pas l'objet du texte –, qui visait à donner à tous les bénéficiaires du RSA dignité et émancipation, grâce à un accompagnement très personnalisé permettant à ceux d'entre eux qui le peuvent de retrouver progressivement un emploi.
La réforme qui a porté à 64 ans l'âge de départ à la retraite et porté à quarante-trois ans la durée de cotisation– cette durée était déjà prévue depuis la réforme Hollande-Touraine – est indispensable si l'on veut soutenir notre régime par répartition.
Ce serait une folie financière, compte tenu des difficultés que nous connaissons actuellement, de revenir à l'âge légal de départ à 62 ans et à quarante-deux annuités de cotisations. Ce serait envoyer un message d'irresponsabilité à nos créanciers.
L'abrogation d'une telle réforme coûterait 27 milliards d'euros et pourrait entraîner une envolée des taux d'intérêt, qui nous obligerait à mettre en œuvre un programme d'économies. Peut-être faut-il réfléchir, avec les partenaires sociaux, à l'introduction d'une dose de capitalisation.
En conclusion, nous sommes favorables à la réduction du déficit de l'État à 5 % du PIB. L'effort qui est demandé dans ce PLFSS est modéré et proportionné. Il ne réduit pas les soins et ne revient pas sur les engagements antérieurs.
Nous espérons améliorer les dispositions du texte relatives à la prise en charge des malades, au financement de la dépendance, à la prévention, à l'apprentissage, à la préservation du pouvoir d'achat des retraités. Alors que des économies sont nécessaires, ce PLFSS est responsable, juste et équilibré. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Merci !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité sociale est une prison pour les parlementaires : ils sont prisonniers d'un texte, sous la menace des canons Caesar de l'article 40 ou des tirs de HK 416 de l'article 45 de la Constitution. (Sourires.)
Comme l'ensemble de nos concitoyens, qui placent la santé au premier rang de leurs préoccupations, nous ressentons, en tant que parlementaires, la désintégration de notre système de santé, dont la crise de la covid fut un révélateur. Cette désintégration s'explique par des maux structurels et plusieurs décennies de renoncement.
Le système de santé français est fondé sur les principes d'universalité, d'égalité, d'accessibilité et de qualité. Alors qu'il a longtemps figuré parmi les plus performants, il est aujourd'hui en cours d'effondrement.
Nous ressentons tous le besoin d'une réforme structurelle, mais elle ne peut venir d'un PLFSS trop restreint, sans vision d'avenir, annuel et désormais stérile, tant il est tendu vers le respect du dogme de la gratuité de tout pour tous et d'un Ondam complètement déconnecté des besoins en santé des Françaises et des Français.
Depuis la création de la sécurité sociale, l'augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que les progrès considérables de la médecine, entraînent une hausse des coûts de l'ordre de 4 % par an, alors que la croissance est de 1 %. L'ajustement se fait donc par une diminution de la qualité des soins, par le rationnement, qu'il s'agisse de l'instauration d'un numerus apertus ou de la multiplication des déserts médicaux, financièrement par l'Ondam et administrativement par la bureaucratisation.
Le gouvernement actuel est trop récent pour que l'on puisse lui imputer la responsabilité intégrale de ce PLFSS, mais il doit pouvoir, dans les mois à venir, se débarrasser du carcan purement financier qui pèse sur la santé. Le sauvetage de notre système de santé passe par une profonde transformation, vous l'avez dit, madame la ministre.
Le premier principe hérité de 1945 est l'universalité : tous nos concitoyens jouissent des mêmes droits fondamentaux du fait de leur humanité.
À quand une loi déterminant les compétences financières respectives de l'assurance maladie obligatoire (AMO) et de l'assurance maladie complémentaire (AMC), qui dise qui fait quoi et qui dépense quoi ? À quand l'égalité face à l'AMC ? Quand les acteurs de l'AMC pourront-ils ne plus être des payeurs aveugles ?
À quand une loi de programmation structurelle sur l'organisation et le financement de la santé qui donnerait une visibilité à long terme à l'ensemble des acteurs de santé sur notre territoire ?
À quand une véritable décentralisation, et non une déconcentration des services comme c'est le cas aujourd'hui, qui permettrait aux régions d'intervenir dans la politique de santé, par exemple par un objectif régional de dépenses d'assurance maladie (Ordam), dont le plafond serait annuellement déterminé par le Parlement, afin d'éviter les distorsions financières entre les régions ?
À quand un investissement significatif dans la prévention, à partir des données de santé dont nous disposons et qui sont, me semble-t-il, particulièrement nombreuses, de qualité et complètes ?
Le deuxième principe hérité de 1945 est l'égalité.
À quand une réelle politique d'organisation territoriale de la santé, en concertation avec tous les acteurs de santé d'un bassin de vie, et une reconfiguration du parcours de soins structuré ?
À quand une politique volontaire de lutte contre la financiarisation galopante de notre organisation de la santé dans les territoires ? À cet égard, le rapport du Sénat sur ce sujet particulièrement inquiétant doit nous orienter vers une solution satisfaisante.
Le troisième principe est l'accessibilité.
On entend souvent dire que les hôpitaux ont reçu beaucoup d'argent ces dernières années. Les personnels ont certes bénéficié de revalorisations salariales, mais les établissements n'ont pas vu leurs effectifs augmenter pour autant. Circonstance aggravante, les crédits accordés pour financer totalement ces augmentations n'ont pas été entièrement alloués, en raison du déficit de la sécurité sociale.
Face aux critiques sur la dégradation des conditions de travail liée au manque de personnel, le message affiché est de ne pas toucher à l'emploi. La variable d'ajustement consiste à geler des emplois par des différés de recrutement et à réduire les dotations aux investissements, ce qui est grave pour l'avenir de l'hôpital.
Aussi, face au manque de personnel, on ferme des lits. Ne pourrait-on pas prendre le temps d'analyser et d'agir autrement, en instaurant, par exemple, un moratoire d'une année de non-fermeture de lits d'hôpitaux ?
À quand, comme en 1958, une politique volontaire de réorganisation du système hospitalier, par exemple en transformant les hôpitaux , y compris les centres hospitaliers universitaires (CHU), en fondations dotées d'un conseil d'administration, travaillant en concertation avec l'ensemble des acteurs de l'hôpital et autour de l'hôpital.
Le quatrième principe est la qualité.
La qualité se dégrade. Les défauts et les retards de prise en charge se multiplient. L'accès aux soins est devenu difficile, les déserts médicaux se multipliant et certaines spécialités étant sinistrées. Les soignants fuient l'hôpital public, tandis que les médecins de ville, paupérisés et accablés par les tâches administratives, se désengagent.
Le maintien en bonne santé de nos concitoyens grâce à une diffusion des mesures de prévention dans tous les domaines, y compris dans celui de la nutrition, est nécessaire, même si l'on doit mettre en place des mesures de rétorsion, mal comprises par quelques-uns.
Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce sujet, beaucoup de réformes à mener dans ce domaine essentiel qui concerne tous nos concitoyens aux différents moments de leur vie, mais le temps de parole de sept minutes qui m'est alloué est insuffisant. Pour finir, je m'en tiendrai donc à quelques généralités, avec lesquelles, je le sais, vous serez d'accord, mes chers collègues.
La prévention doit prendre une place centrale dans tout système de santé. Le vieillissement est une chance, mais il peut devenir une menace s'il ne se fait pas en bonne santé. Faisons de la sécurité sociale une institution démocratique, gérée par des représentants des usagers. Gérons la santé de nos concitoyens en prenant en compte leurs besoins et leur lieu de vie. Et faisons confiance aux professionnels de santé.
Préserver la santé de nos concitoyens passe également par une politique de soutien à l'innovation, que ce soit en matière de thérapie génique ou d'intelligence artificielle (IA). Souvent décriée, l'IA permettrait des avancées considérables en rendant possible la détection très en amont d'un certain nombre de pathologies, notamment cancéreuses.
Bien évidemment, un tel soutien est coûteux, mais il est inévitable si l'on veut rester un pays performant en matière de santé, si l'on veut à terme faire des économies importantes et, surtout, sauver des vies. C'est là l'essence même de toute politique de santé. L'investissement n'en vaut-il pas la peine ?
Pour conclure, vous l'aurez compris, j'encourage le Gouvernement à faire des réformes structurelles. Des économies substantielles seraient ainsi réalisées et pourraient permettre d'optimiser l'ensemble de notre système de santé, au bénéfice de ses acteurs, de ses financeurs et des assurés sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui l'examen du PLFSS pour 2025, qui est marqué par un effort inédit en faveur du redressement des finances publiques et des comptes sociaux. La pandémie de covid-19 et les crises sociale et économique qui lui ont succédé ont en effet entraîné une augmentation importante des dépenses de l'ensemble des administrations publiques.
Face au déficit de 18 milliards d'euros des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2024 et aux perspectives négatives pour les quatre années à venir, il nous revient d'engager des efforts importants pour reprendre la maîtrise de nos comptes sociaux et ne pas laisser aux générations futures une dette qui serait insoutenable.
Cela étant, le PLFSS pour 2025 prévoit un budget de 662 milliards d'euros pour la protection de nos concitoyens, soit la moitié de la dépense publique et le tiers de notre richesse nationale. Au total, 263,9 milliards d'euros sont consacrés à l'Ondam, soit une hausse de 2,8 % par rapport à l'Ondam révisé pour 2024.
Contrairement à ce que certains affirment, ce PLFSS est donc un budget non pas d'austérité, mais de responsabilité. Le groupe RDPI soutient résolument la trajectoire de réduction des déficits publics voulue par le Premier ministre et son gouvernement.
Si le déficit actuel et prévisionnel des comptes sociaux invite à mener des réformes structurelles et à accroître l'efficience de notre système de santé, nous considérons avec prudence toute mesure qui viendrait affecter les politiques de soutien à l'emploi que nous avons menées avec succès depuis sept ans. Favoriser le travail et la compétitivité de nos entreprises, c'est améliorer l'état de nos comptes sociaux.
M. Xavier Iacovelli. Très bien !
Mme Solanges Nadille. Nous avons donc sur l'article 6 un point de divergence, sur lequel nous reviendrons.
Cette exigence en faveur de l'emploi, notamment des bas salaires, nous l'aurons également concernant les apprentis et les jeunes entreprises innovantes.
La politique ambitieuse de l'apprentissage menée par les précédents gouvernements a permis de porter de 300 000 à 850 000 le nombre d'apprentis en sept ans. Ne dilapidons pas cette réussite ! Nous sommes cependant satisfaits des mesures proposées en faveur de nos agriculteurs pour leur retraite – elles sont fondamentales –, mais aussi de la généralisation du dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE).
L'autonomie des personnes âgées et handicapées constitue une autre priorité pour notre groupe. Dans un contexte budgétaire très contraint, nous apprécions l'effort budgétaire proposé en faveur de la cinquième branche.
Il nous faudra toutefois faire plus pour nos Ehpad. Le récent rapport sénatorial sur la situation de ces établissements, dont j'ai été corapporteure, démontre l'urgence de financer davantage ce secteur et contient des solutions que j'invite le Gouvernement à reprendre dans les prochains mois.
Avant de conclure, j'évoquerai les outre-mer. Face aux difficultés structurelles des territoires ultramarins, nous devons faire plus.
Dans ce texte, cela passe d'abord par la préservation du dispositif prévu dans la loi pour le développement économique des outre-mer, dit Lodeom, auquel nous tenons, ou encore par un effort accru en faveur de la continuité territoriale pour l'accès aux soins. Alors que la population est de plus en plus âgée et que le parc des Ehpad est très vieillissant, il faudra aussi continuer de décliner le plan de rattrapage de l'offre d'Ehpad en outre-mer. Le groupe RDPI, composé pour moitié de sénateurs ultramarins, y veillera.
Vous l'aurez compris, nous soutiendrons de manière exigeante ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous chercherons toutefois à améliorer, afin de mieux protéger nos concitoyens, tout en garantissant à terme la soutenabilité de notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, que nous examinons aujourd'hui, répond certes aux impératifs budgétaires immédiats, lesquels doivent nous obliger à penser des réformes systémiques essentielles au maintien de notre protection sociale.
Toutefois, force est de constater que les simples ajustements qui devraient garantir la pérennité et la soutenabilité de notre système de solidarité demeurent, et demeureront, insuffisants. Il faudra s'interroger sur les dépenses parfois surprenantes et excessives.
Pour autant, nous notons la préservation de la branche autonomie. Son budget grimpe en effet à 42,4 milliards d'euros, soit une hausse de 6 % par rapport à 2024, même si, on le sait tous, cela est insuffisant. Le sous-Ondam médico-social augmente quant à lui de 4,7 %.
Parmi les mesures phares de ce PLFSS, on relève un effort notable de 1,2 milliard d'euros pour le secteur médico-social afin notamment de renforcer l'attractivité des métiers de l'aide à domicile, en revalorisant les conditions de travail et en encourageant la montée en charge des mesures récentes, telles que la tarification des soins infirmiers à domicile.
Le budget alloué à l'aide à domicile inclut également une subvention exceptionnelle de 100 millions d'euros aux départements. Il s'agit de renforcer la mobilité et le soutien des personnels du secteur. Une nouvelle fois, ce montant est en deçà des attentes des départements, qui connaissent de grandes difficultés financières.
Ce soutien, à la suite de l'adoption de la loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie, est néanmoins une avancée. Il permettra de renforcer l'autonomie des seniors et de leur offrir la possibilité de rester chez eux, dans des conditions optimales de sécurité et de bien-être. Le recrutement de 6 500 professionnels en Ehpad, soutenu par un financement de 380 millions d'euros, constitue aussi un pas en avant.
Cependant, je veux ici que nous nous interrogions sur la notion d'attractivité, devenue trop habituelle, voire automatique. Nous ne connaissons pas un seul secteur d'activité qui ne connaisse pas un déficit de recrutement. Les conditions salariales et l'accès à des formations sont évidemment une partie de la réponse. Le Ségur de la santé y avait déjà partiellement répondu. En sont-elles pour autant l'unique substance ? Je ne le pense pas.
Il ne faudra pas occulter, lors de nos débats, l'ensemble des facteurs, afin de garantir l'efficience de ces fonds. Le lancement d'une campagne de promotion dans le secteur médico-social est une initiative bienvenue, sur le modèle de ce que font nos armées, pour valoriser ces métiers tournés vers l'autre.
L'effort consenti pour financer le déploiement de 50 000 solutions d'accueil pour les personnes en situation de handicap mérite d'être relevé. Nous savons qu'une telle offre est indispensable pour assurer un accompagnement digne et adapté à chacun et pour soulager les familles, qui portent souvent cette charge seule.
À cet égard, je me réjouis tout particulièrement de constater que nous faisons justement un pas de plus pour les proches aidants, dont le rôle est aussi essentiel qu'épuisant.
Ce soutien va dans le sens de la stratégie nationale 2023-2027, qui prévoit des solutions de répit pour ces aidants, afin de leur permettre de souffler et de retrouver des forces pour accompagner au mieux leurs proches. Cependant, je tiens à souligner que le congé de proche aidant n'est toujours pas adapté pour être pleinement effectif.
Mes chers collègues, je veux ici vous alerter collectivement sur le financement global de notre système de sécurité sociale.
Vous le savez, l'augmentation de 63 milliards d'euros de l'Ondam depuis 2019 nous impose aujourd'hui une gestion responsable et rigoureuse. La crise sanitaire a nécessité des financements d'urgence, que personne ici ne remet en cause, mais il est temps de revenir à un cadre de dépenses plus équilibré, pour garantir la pérennité de notre système.
Aussi, dans ce contexte de nécessaire rigueur budgétaire, il est crucial de réfléchir à des sources de financement complémentaires, pour répondre aux besoins spécifiques de notre système de solidarité, en particulier pour la prise en charge de l'autonomie.
Le temps est non pas à de nouvelles dépenses, mais à la sobriété. J'aurais pourtant voulu vous parler de prévention et ouvrir la réflexion sur l'abaissement à 45 ans de l'âge d'éligibilité aux dépistages de certains cancers, notamment le cancer colorectal. L'augmentation du nombre de cas précoces, en lien avec les évolutions de nos modes de vie, nous invite à évaluer notre stratégie actuelle de prévention et à vérifier si elle répond pleinement aux défis de santé publique.
Le temps est surtout venu de faire de nouvelles économies.
À cet égard, j'apporte mon plein soutien à la création d'une journée de solidarité pour financer la branche autonomie. En complément de la première journée de solidarité instaurée en 2004, cette contribution permettra d'augmenter les ressources de la branche autonomie de près de 2,5 milliards d'euros. Il s'agit d'un soutien essentiel pour aider les 86 % des Ehpad qui sont en grande difficulté et menacent de fermer, ou encore pour financer le remboursement intégral des fauteuils roulants.
Surtout, à quand une véritable réforme de notre système de santé ? J'ai l'impression que, chaque année, nous faisons les mêmes constats et nous contentons de simples aménagements à la marge…
Alors que l'hôpital public va bénéficier d'une nouvelle hausse de 3 milliards d'euros, le service public ne s'améliore pas pour autant et ne satisfait pas la population. Certes, le renforcement des soins palliatifs dans les territoires, notamment l'ouverture d'unités dans vingt-quatre départements qui en étaient jusqu'alors dépourvus, est une avancée décisive.
Permettez-moi de vous faire une proposition, monsieur le ministre, que vous pourriez reprendre à votre compte, concernant le remboursement des équipements de santé en matière optique et auditive. Face à l'évolution des usages vers une logique plus consumériste et à l'augmentation continue des dépenses, un ajustement des règles de remboursement pourrait se révéler pertinent : on pourrait par exemple envisager un allongement de la périodicité de remboursement de deux à trois ans.
En conclusion, le groupe Union Centriste votera ce texte, tout en appelant de ses vœux des réformes courageuses et des solutions durables pour garantir la pérennité de notre modèle de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis deux ans, alors que les coûts liés à la pandémie se sont estompés, la majorité sénatoriale n'a pas eu de mots assez durs pour dénoncer la trajectoire de déficit des comptes de la sécurité sociale. Et elle avait raison !
Mais voilà, parvenue au gouvernement, cette même majorité nous annonce 60 milliards d'euros de déficit en quatre ans et ne réduit nullement le déficit cette année. Quelle déception ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Alors, vous qui n'avez pas la légitimité des urnes, chers collègues de la majorité sénatoriale, ayez au moins celle de l'action. Il est possible, il est raisonnable, il est nécessaire de ramener la sécurité sociale à l'équilibre en trois ans, comme l'a indiqué Annie Le Houerou. C'est la trajectoire que nous défendons : 9 milliards d'euros de déficit en 2025, 5 milliards d'euros en 2026 et l'équilibre en 2027.
Pour y parvenir, il faut renoncer progressivement aux exonérations qui n'ont pas d'effets sur l'emploi. Nous proposons d'en supprimer pour un montant de 4 milliards d'euros en 2025, en sus de la proposition du Premier ministre, sur laquelle vous revenez.
Ensuite, plutôt que de réduire d'un milliard d'euros les remboursements de consultations ou de médicaments des assurés sociaux, nous proposons de mettre à contribution les produits qui entraînent des coûts directs, que la fiscalité qui leur est appliquée ne couvre pas : le tabac et les alcools, pour 6 milliards d'euros, et les aliments ultra-transformés. Vous avez ouvert ce dossier.
Certains dans cet hémicycle proposent d'infliger deux points de hausse de TVA à tous les Français. Pour notre part, nous préférons porter de 9,2 % à 10,6 % la CSG sur les revenus du capital. Nous pensons en effet que défendre la valeur travail passe par des mesures de justice fiscale et par la fin de l'injuste sous-taxation du capital par rapport au travail.
Enfin, nous soutiendrons les mesures renforçant la pertinence des soins, car il n'est plus supportable de gaspiller l'argent de la sécurité sociale.
Notre système de santé ne peut pas être un open bar où des acteurs financiers viennent se servir des taux de rentabilité à deux chiffres et où les actes se multiplient, déconnectés des besoins de santé, quand par ailleurs trop de nos concitoyens n'accèdent plus aux soins nécessaires. La gabegie est insupportable en temps de pénurie.
Nous proposons une gestion responsable et solidaire, qui permettrait, tout en réduisant le déficit à 9 milliards d'euros dès cette année, d'allouer 2 milliards d'euros de plus à nos hôpitaux, et 1 milliard d'euros à la branche autonomie, tout en évitant les déremboursements.
Néanmoins, nous ne voulons pas seulement bien gérer la sécurité sociale : nous voulons transformer en profondeur l'élaboration du budget santé du pays. Nous proposons d'en renverser la logique actuelle, qui est centralisée, court-termiste et déconnectée de la délibération sur les besoins de santé et les priorités de santé publique. Jamais notre pays ne mènera l'indispensable virage de la prévention dans le cadre actuel.
Il faut changer la loi, pour que le travail collectif sur le budget de la santé commence chaque printemps dans les départements, sous le double pilotage des agences régionales de santé et des élus, avec la participation de l'ensemble des acteurs de santé et des usagers. C'est à l'échelon départemental que doivent être déterminés les objectifs et les priorités locales de santé publique.
C'est ensuite au Parlement qu'il doit revenir au début de l'été d'adopter le cadrage national du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en intégrant les priorités des territoires, et de procéder à l'allocation de moyens en fonction des objectifs fixés.
Mes chers collègues, continuer comme le prévoit ce PLFSS accroîtrait l'incompréhension des Français, qui subissent la dégradation de l'offre de soins, ainsi que celle des acteurs de santé, qui constatent la déconnexion entre les arbitrages et les besoins de santé et qui revendiquent une juste place pour chaque acteur.
La promesse de tout changer après la pandémie s'est évanouie. Vous ne changez rien, promettant toujours pour demain, ce qui ne vous engage à rien, alors que notre sécurité sociale mérite d'être mieux gérée que ne l'est l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre modèle social, qui fait la fierté de notre pays, est aujourd'hui confronté à une situation critique.
Le déficit des finances sociales, anticipé à 18 milliards d'euros pour 2024, dépasse largement les prévisions initiales. Si nous ne réagissons pas rapidement, ce montant pourrait atteindre 28 milliards d'euros dès 2025. Il est de notre responsabilité collective de préserver et de renforcer ce pilier fondamental de notre société, car, derrière ces chiffres, c'est l'avenir de notre système de santé qui est en jeu.
Ce défi est une chance de transformation, une occasion de redéfinir ensemble un équilibre qui concilie la soutenabilité financière et les attentes des Français. Notre ambition doit être claire : construire un système de santé plus efficace, plus accessible et surtout capable de répondre aux besoins futurs.
En investissant dans la prévention, nous pouvons non seulement protéger la santé de nos concitoyens, mais également réduire les coûts pour notre système de soins. La vaccination, par exemple, est un outil puissant : elle sauve des vies, prévient des maladies graves, réduit les hospitalisations et se révèle économiquement judicieuse.
Nous devons aller encore plus loin en matière de politique vaccinale. Je proposerai un amendement visant à intégrer la promotion de la vaccination dans les rendez-vous de prévention. Par ailleurs, une politique de vaccination locale, renforcée et mieux coordonnée avec les agences régionales de santé permettrait d'améliorer l'accès aux vaccins sur tout le territoire, y compris dans les zones les plus isolées.
Les défis auxquels nous faisons face appellent également des solutions audacieuses et innovantes.
La fiscalité comportementale en est une : en dissuadant la consommation de produits nocifs comme le tabac ou les boissons sucrées, nous protégeons nos concitoyens tout en réalisant des économies substantielles. Une hausse progressive du prix du tabac, par exemple, pourrait sauver des milliers de vies, tout en réduisant la charge financière liée aux maladies qu'il provoque.
Ce n'est pas une utopie : des initiatives passées, comme le plan Cancer ou les hausses fiscales décidées de 2017 à 2020, ont démontré leur efficacité. Réduire le nombre de fumeurs, c'est diminuer le nombre de maladies chroniques, les hospitalisations et les coûts pour la sécurité sociale. C'est investir pour des Français en meilleure santé.
Enfin, nous ne pouvons ignorer les fractures territoriales et numériques, qui privent encore trop de Français d'un accès équitable à la santé. Les déserts médicaux ne sont pas seulement des zones sans médecins : ce sont aussi des territoires où la prévention et l'information sont absentes et où l'accès aux soins devient un parcours du combattant.
Je propose donc de créer de tiers lieux de prévention dans ces zones, véritables espaces d'accompagnement, d'information et de soins de proximité. En combinant innovation sociale et mobilisation locale, nous pourrons reconnecter ces territoires au cœur de notre système de santé.
Je tiens par ailleurs à attirer l'attention sur un problème essentiel qui menace l'excellence de notre système de santé : la diminution alarmante du nombre de spécialistes, notamment en pédiatrie et en psychiatrie. Ces secteurs, si essentiels pour nos enfants et pour les plus vulnérables, ne peuvent être laissés en souffrance. L'excellence médicale française, bâtie sur des décennies de formation rigoureuse et d'expertise reconnue, risque de s'éroder si nous n'agissons pas.
Il serait illusoire de croire que nous pourrons maintenir le même niveau de soin et d'accompagnement avec un nombre décroissant de médecins.
(À suivre)