Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Guy Benarroche, Mme Marie-Pierre Richer.
2. Financement de la sécurité sociale pour 2025. – Discussion d’un projet de loi
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille
Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’autonomie
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
3. Mise au point au sujet de votes
4. Financement de la sécurité sociale pour 2025. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Amendement n° 1342 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1353 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1116 de Mme Anne Souyris. – Devenu sans objet.
Amendement n° 927 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1359 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Vote sur l’ensemble de la première partie
Adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi, modifié.
Amendement n° 1307 rectifié bis de Mme Audrey Bélim. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 375 de M. Christopher Szczurek. – Rejet.
Amendement n° 745 de Mme Audrey Bélim. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 826 rectifié de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 339 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 1204 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1119 de Mme Anne Souyris. – Rejet.
Amendement n° 915 de Mme Salama Ramia. – Non soutenu.
Amendement n° 284 rectifié de M. Aymeric Durox. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1341 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 474 rectifié de M. Frédéric Buval. – Rejet.
Article 3 quater (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 900 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.
Amendement n° 901 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Guy Benarroche,
Mme Marie-Pierre Richer.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 14 novembre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2025 (projet n° 129, rapport n° 138, avis n° 130).
Discussion générale
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Comme vous le savez, nous nous inscrivons dans un contexte particulier. Malgré de nombreuses heures de débats, l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale s’est arrêté sans que nous soyons parvenus à son terme.
Je regrette, bien sûr, que nous n’ayons pas terminé les discussions sur ces sujets fondamentaux pour les Français. Néanmoins, le dialogue parlementaire continue au Sénat toute cette semaine ; nous aurons l’occasion d’y revenir largement.
Comme nous le disons depuis le début de cette période budgétaire, et comme chacun ici le mesure, la situation de nos finances publiques exige de la responsabilité, ainsi qu’une recherche exigeante d’équilibre. La situation de nos comptes sociaux est inédite.
En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera de près de 8 milliards d’euros le niveau voté dans la loi de finances de la sécurité sociale initiale.
En 2025, comme le soulignait le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), sans mesures nouvelles, le déficit projeté de la sécurité sociale atteindra 28 milliards d’euros. Chacun en conviendra, ce n’est pas soutenable. La situation implique des actions collectives pour y remédier.
Il est de notre devoir de freiner la dépense publique ; toutes les administrations publiques doivent prendre part à cet effort. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 constitue une étape essentielle dans le retour progressif à l’équilibre de nos comptes sociaux.
La pérennité et la préservation de notre modèle social hérité du Conseil national de la Résistance (CNR) étant en jeu (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.), nous devons collectivement trouver une ligne de crête pour réaliser des économies sans perdre de vue les attentes considérables de nos concitoyens et leurs besoins – la santé et l’accès aux soins constituent la première préoccupation des Français.
C’est pourquoi ce PLFSS vise à contenir le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros tout en finançant des mesures nouvelles. Il permet ainsi d’améliorer la trajectoire de nos comptes sociaux tout en ouvrant de nouveaux droits, au service de nos concitoyens.
Je le répète, la santé des Français demeure plus que jamais une priorité de notre gouvernement ; ce budget le prouve. Nous sommes au rendez-vous de ces attentes. Il s’agit d’un budget d’action pour l’accès aux soins et pour l’hôpital (Mme Émilienne Poumirol proteste.), qui a tant besoin de soutien.
Il s’agit d’un budget de progrès, mais également de responsabilité, comme je vais m’employer à en faire la démonstration devant vous.
La trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie, c’est tout d’abord un budget de progrès. Ce budget permet de répondre à nos priorités de santé publique, comme la prévention, les soins palliatifs, la santé mentale ou l’accès aux médicaments, entre autres.
Mme Annie Le Houerou. Avec quel argent ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) progressera, pour atteindre un peu plus de 264 milliards d’euros. C’est une hausse de 63 milliards d’euros par rapport à 2019 et de 9 milliards d’euros par rapport à 2024. Cette progression traduit concrètement notre volonté de poursuivre les investissements entrepris et de financer de nouvelles mesures attendues par les professionnels et par les patients.
Cette trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie nous permet de poursuivre la dynamique de renforcement de l’accès aux soins dans tous les territoires et pour tous. Elle permet de financer nos grandes priorités : améliorer l’organisation du système de santé, assurer le financement du système de santé, renforcer nos politiques en matière de psychiatrie et de santé mentale, travailler à l’attractivité des métiers du soin et accompagner les innovations.
Nous respecterons les engagements conventionnels vis-à-vis des médecins, avec la revalorisation de la consultation à 30 euros dès décembre 2024.
Nous poursuivrons aussi la stratégie d’« aller vers », à destination des publics précaires et éloignés du soin, en ciblant les populations des territoires sous-denses. Nous développerons dans ce cadre des initiatives, comme les médicobus ou la télémédecine.
Pour renforcer l’attractivité des métiers et l’accès aux soins partout, nous travaillerons, avec le concours indispensable des élus locaux, au développement des maisons de santé pluriprofessionnelles, à la généralisation des services d’accès aux soins et à l’amélioration des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), toujours présentes sur tous les territoires.
Les maisons de santé pluriprofessionnelles permettent aux médecins de ne plus être isolés et de créer de nouvelles synergies entre professionnels de santé. C’est un facteur d’attractivité.
Ce PLFSS traduit aussi une action résolue, à laquelle je suis particulièrement attachée, en faveur des soins palliatifs : 100 millions d’euros seront dédiés à la mise en œuvre, dès 2025, de la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Cette stratégie doit permettre dans chaque territoire le renforcement de l’offre de soins palliatifs au sein des établissements de santé et médico-sociaux, mais également à domicile.
La prise en charge des troubles de la santé mentale, que le Premier ministre a choisi d’ériger en grande cause nationale pour 2025, connaîtra aussi des progrès considérables. Le dispositif Mon soutien psy sera notamment renforcé, afin que chaque citoyen ait un accès simplifié et plus rapide à un psychologue, qui bénéficiera lui-même d’une meilleure rémunération, et le nombre de séances prises en charge lors d’une année civile augmentera, passant de huit à douze. Les équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP) seront ainsi renforcées, pour aller à la rencontre des personnes les plus éloignées des soins et, surtout, de la psychiatrie.
Nous le savons, prendre soin de sa santé mentale s’apprend dès le plus jeune âge : le dispositif de prévention du suicide VigilanS sera élargi aux mineurs.
En outre, nous poursuivrons et amplifierons nos politiques en faveur de la prévention, en renforçant le repérage précoce. Ces actions interviendront à toutes les échelles et avec tous les acteurs, afin de prendre en charge au bon moment.
Nous devons installer une véritable culture de la prévention dans notre pays ; ce budget y contribuera.
Le dispositif Mon bilan prévention continuera d’être généralisé. Nous souhaitons que les mesures de prévention s’ancrent dans le quotidien de chaque Français. La part des dépenses des agences régionales de santé ciblées sur la prévention au sein de l’enveloppe du fonds d’intervention régionale augmentera de 10 %.
Il s’agit d’une politique globale de la prévention que nous souhaitons faire intervenir dès le plus jeune âge, car les inégalités de santé s’ancrent au moment de l’enfance.
Le suivi de l’enfant sera amélioré, avec plus de visites obligatoires. Nous prévoyons également une évolution du carnet de santé, avec notamment des pages dédiées aux méfaits des temps trop longs passés devant les écrans, afin de sensibiliser les familles et de trouver des équilibres dans ces utilisations. Nous consacrerons enfin 75 millions d’euros en 2025 pour poursuivre la vaccination contre le papillomavirus au collège.
Comme j’ai pu le rappeler à diverses occasions, la défense de nos hôpitaux est une autre de nos priorités que financera ce PLFSS ; c’est même une priorité majeure. Le sous-Ondam hospitalier se situe à 3,1 %. J’ai entendu les alertes qui ont été relayées auprès de mes services par les acteurs comme par les parlementaires.
L’évolution des cotisations pour assurer le financement de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), initialement prévue sur trois ans, sera finalement réalisée sur quatre ans. Le gain ainsi permis – de l’ordre de 256 millions d’euros – restera dans l’Ondam, au bénéfice du secteur hospitalier.
Nous conforterons les mesures en faveur des soins critiques de la réforme de 2022 pour les hôpitaux, mais nous faciliterons également la gestion des ressources humaines dans les établissements de santé en travaillant particulièrement sur la régulation de l’intérim.
Enfin, ce PLFSS permettra de garantir l’accès aux médicaments et produits de santé à tous les Français. La disponibilité des médicaments dans les pharmacies est un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens, sur le quotidien desquels elle a un impact considérable.
Ce PLFSS viendra renforcer ce qui est déjà mis en place en ouvrant, par exemple, la distribution à l’unité en cas de risque anticipé de pénurie. Il prévoira aussi la possibilité de recourir à un financement dérogatoire pour des dispositifs médicaux utilisés en substitution d’un dispositif médical en rupture d’approvisionnement.
Ce PLFSS est aussi un budget de responsabilité. Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, nous sommes face à des contraintes budgétaires dont nous devons tenir compte. Cela doit se traduire par une accentuation de la pertinence et de l’efficience de nos dépenses, de même qu’il faut amener l’ensemble des acteurs à faire preuve de responsabilité. Ils devront tous participer à la maîtrise de la progression d’une partie de ces dépenses, dans une logique d’efforts partagés et d’équité.
La lutte contre la fraude…
Mme Nathalie Goulet. Ah !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. … sera aussi un enjeu majeur. Nous comptons la soutenir en lien avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam).
Par ailleurs, nous devrons réaliser des économies à hauteur de 5 milliards d’euros en 2025 par rapport à la progression tendancielle des dépenses. Un quantum d’efforts et des cibles d’économies ont été identifiés pour répondre à cet impératif, en respectant un effort partagé.
En ce qui concerne le transfert vers les complémentaires santé, j’ai entendu les attentes des députés et des sénateurs. Je les ai prises en compte dans le travail que je mène depuis bientôt deux mois pour l’accès aux soins de nos concitoyens.
En premier lieu, je rappelle que l’assurance maladie obligatoire finance à ce jour 80 % des dépenses de santé.
Ce chiffre n’a jamais été aussi élevé dans notre pays. Il s’explique par l’effort que nous consentons chaque année pour augmenter les dépenses de santé, mais aussi par la prise en charge chaque année de 400 000 patients de plus qui basculent en longue maladie – vous le savez, tout cela est lié à la démographie de notre pays, d’une société qui vieillit avec des maladies chroniques qui se développent. Quoi qu’il en soit, c’est l’honneur de la République que de proposer à tous une prise en charge par la solidarité collective aussi élevée.
Pour autant, afin de garantir la soutenabilité des finances publiques, il est essentiel de préserver cet équilibre entre l’assurance maladie obligatoire et la prise en charge par les organismes complémentaires.
Pour tenir compte des positions exprimées par l’ensemble des députés et des sénateurs, le quantum a été ramené de 1,1 milliard d’euros à 900 millions d’euros.
Ainsi, j’ai pu décider que le ticket modérateur de la consultation médicale, qu’il était potentiellement envisageable d’augmenter de 10 %, n’évoluera que de 5 %. (M. Bernard Jomier s’exclame.) La consultation médicale demeurera donc l’acte de soins de ville le mieux remboursé par la solidarité nationale. C’est essentiel pour garantir l’accès aux soins.
En complément, le ticket modérateur sur les médicaments augmentera, lui, de 5 %.
Mme Émilienne Poumirol. Oh là là ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Nous envisageons, par ailleurs, des baisses de prix des produits de santé pour 1,2 milliard d’euros, ainsi que des mesures d’efficience à l’hôpital et en ville, à chaque fois pour 600 millions d’euros.
Pour compenser le dérapage constaté sur les médicaments en cette fin d’année 2024 et évalué à 1,2 milliard d’euros, nous allons poursuivre le dialogue engagé avec les industriels, afin de trouver des mécanismes de contractualisation permettant de modérer les dépenses – la hausse de la clause de sauvegarde ne sera activée qu’en cas d’échec de la démarche.
C’est donc dans une logique de confiance et de coconstruction que je souhaite faire au maximum face aux nouveaux défis de maîtrise de la dépense des produits de santé. Nous devons atteindre nos objectifs d’économie, mais je souhaite avant tout laisser la place à la concertation et aux débats parlementaires, comme cela a été le cas à l’Assemblée nationale.
Il convient, en effet, de poursuivre le dialogue avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour définir les modalités concrètes de mise en œuvre de ce texte et atteindre la cible d’économie fixée. Je sais pouvoir compter sur vous.
L’examen à l’Assemblée nationale a enrichi ce projet de loi, les amendements adoptés retenus dans le texte visant à avancer sur des sujets essentiels pour la santé, notamment en termes de prévention. Je pense à l’annualisation de l’examen bucco-dentaire, à la généralisation des centres de santé, à la suppression de l’adressage dans le dispositif Mon soutien psy ou encore au développement de campagnes de vaccination contre le méningocoque, qui sont autant de belles avancées pour la santé publique.
L’amendement relatif à la réforme de la taxe dite soda est aussi à souligner, car il vise à renforcer nos actions pour inciter les Français à adopter une alimentation plus équilibrée. Je sais que ce sujet tient particulièrement à cœur à Mme la rapporteure générale, Élisabeth Doineau, et à M. le sénateur Xavier Iacovelli, qui défendent des amendements en ce sens. (Mme Émilienne Poumirol manifeste son ironie.)
Je ne puis malheureusement être exhaustive, mais je tiens à remercier les députés qui ont soumis des amendements et participé au débat.
Aujourd’hui s’ouvre un nouveau moment essentiel du dialogue parlementaire pour la santé des Français et l’accès aux soins. J’ai été très attentive aux débats en commission, qui ont commencé la semaine dernière. J’ai écouté vos réflexions et vos propositions. Je répondrai tout au long du débat à vos interrogations et aux évolutions que vous proposez sur le texte, dans un dialogue que j’espère nourri.
Concernant le niveau de l’Ondam, je le redis, jamais autant de moyens n’ont été dédiés à la santé. Nous continuerons en ce sens, mais, en parallèle, il convient d’améliorer l’efficience de nos dépenses. Il importe de trouver le bon équilibre. Ce n’est pas simple, mais il me semble que nous sommes en mesure d’y parvenir ensemble. Et c’est le seul chemin qui me paraisse responsable.
Ce PLFSS ne contient aucune réforme structurelle. C’est un budget ; ce n’est donc pas le bon véhicule pour engager une telle réforme.
Mme Émilienne Poumirol. Quand est-ce que ce sera le moment ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Pour autant, cela ne nous dispense pas d’une réflexion commune, que je souhaite engager, pour une loi de transformation profonde de notre système de santé et de son financement. Un travail sur le temps long est nécessaire. Il nous faudra le mener ensemble, en confiance et en responsabilité.
D’ici là, vous pouvez compter sur moi, tout au long de ces débats, pour rester fidèle à la méthode que je mène et que je crois juste : l’écoute et le dialogue. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Marie-Do Aeschlimann et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Si vous me le permettez, je structurerai mon propos en trois points.
Une fois n’est pas coutume, je vous dirai tout d’abord un mot de méthode, en revenant notamment sur les avancées issues des discussions, certes inachevées, à l’Assemblée nationale.
Je reviendrai ensuite sur la situation de nos finances publiques et de nos comptes sociaux.
Je détaillerai enfin les mesures de freinage de la dépense sociale proposées par le Gouvernement pour l’année prochaine.
Tout d’abord, le Premier ministre a assumé, sans ambiguïté aucune, le fait que la copie du Gouvernement était « perfectible », pourvu que la trajectoire de redressement des comptes soit respectée.
Comme vous le savez, l’examen du texte n’a pu arriver à son terme à l’Assemblée nationale, faute de temps. Néanmoins, le Gouvernement a fait le choix de ne pas en revenir au texte initial, comme la Constitution l’y autorisait, mais de transmettre au Sénat un projet de loi enrichi par certaines avancées des discussions à l’Assemblée nationale.
Nous avons choisi de retenir des amendements issus de toutes les sensibilités politiques, dont les dispositions constituent autant d’améliorations possibles du texte.
Je pense au cumul emploi-retraite des médecins, mais également aux mesures en faveur du monde agricole, à la taxation des boissons sucrées, à la réforme de la radiothérapie, à l’accès aux soins gynécologiques pour les personnes en situation de handicap ou encore à la lutte contre la fraude aux cotisations sociales.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Non seulement nous sommes ouverts à la concertation avec les partenaires sociaux et aux propositions issues de vos travées, mais nous en avons surtout réellement besoin.
À cet égard, le Premier ministre l’a dit, nous avons entendu les remontées de terrain sur la CNRACL – c’est un exemple très concret, qui parle à beaucoup d’entre vous ici.
Je vous confirme que le relèvement du taux de cotisation des employeurs locaux à la CNRACL sera étalé sur quatre ans, plutôt que sur trois, conformément à la proposition soutenue en commission par Mme la rapporteure générale.
Nous reconnaissons en toute transparence que la copie est perfectible, pourvu que le cadre financier fixé par le Gouvernement, lui, soit bien respecté.
Je tiens à saluer l’esprit de responsabilité qui a guidé les travaux de la commission des affaires sociales du Sénat, sous la présidence de Philippe Mouiller et avec la contribution de la rapporteure générale et des rapporteurs des différentes branches.
À l’issue de l’examen en commission, la copie du Sénat s’inscrit pleinement dans la logique de rééquilibrage progressif des comptes sociaux proposée par le Gouvernement.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le président de la commission, cette instance a fait de l’objectif de contenir le déficit des comptes sociaux à 16 milliards d’euros en 2025 le « premier postulat » de ses travaux. Je vous en remercie. J’ajoute que je souscris pleinement à vos propos lorsque vous affirmez que, dès le lendemain de l’adoption du PLFSS, il nous faudra engager le temps des réformes structurelles dont notre modèle de protection sociale a besoin.
M. Bernard Jomier. C’était déjà le cas l’an dernier !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je rejoins les propos de Mme la ministre Geneviève Darrieussecq : ce n’est pas un PLFSS de réformes structurelles ; pour autant, il nous faudra rapidement un agenda réformateur.
Le Premier ministre a d’ailleurs ouvert la voie dès vendredi dernier lors du congrès des départements de France, en annonçant un certain nombre d’évolutions dans le champ social. Ces chantiers structurels, notamment ceux qui se trouvent à l’intersection du champ social et des compétences des collectivités locales, nous engageront pour les prochains exercices.
La situation de nos finances publiques, vous la connaissez. Elle exige des réponses urgentes. À l’heure où je vous parle, la dette publique dépasse les 3 220 milliards d’euros. C’est une réalité comptable. C’est surtout une réalité très concrète.
Si nous subissions un choc de taux de l’ordre de l’ordre de 1 %, par exemple, la charge de la dette de l’État augmenterait de 3,2 milliards d’euros la première année, de 19 milliards d’euros à l’horizon de cinq ans et de 33 milliards d’euros à l’horizon de neuf ans. Pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), un choc d’un point représenterait en moyenne un coût de financement supplémentaire de l’ordre de 0,4 milliard d’euros.
Or, comme vous le savez, pour les marchés peu importe que l’endettement soit issu de l’État, de la sécurité sociale ou des collectivités : la dette publique, c’est la dette de la France, non celle de telle ou telle entité.
L’effort de redressement que nous proposons pour 2025 n’a pas d’autre sens que de permettre à notre pays de renouer avec une trajectoire financière soutenable, au bénéfice – je le précise – de l’ensemble des administrations publiques. Cet effort est d’une ampleur inédite : ce sont 60 milliards d’euros qui doivent nous permettre de contenir le déficit public à 5 % du PIB pour 2025, en vue de le ramener sous la barre des 3 % en 2029.
Il s’agit au fond de préserver et d’améliorer nos conditions de financement, c’est-à-dire notre capacité à consolider les droits sociaux de nos concitoyens et à ouvrir de nouveaux droits, qu’il s’agisse des retraites des agriculteurs, de la prise en charge du handicap et de la perte d’autonomie, de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail, ou encore de la prise en charge de la petite enfance.
Je parle, au fond, de la capacité de notre système social à jouer son rôle de protection et de cohésion. Notre modèle, vous le savez, est fondé sur la solidarité.
Mme Émilienne Poumirol. Ce n’est plus vrai !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. C’est une valeur forte. C’est aussi et surtout une exigence de responsabilité, qui trouve sa traduction budgétaire dans le principe d’équilibre des comptes sociaux.
Or cet équilibre est aujourd’hui dégradé. En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera d’environ 8 milliards d’euros le niveau qui avait été voté en loi de financement de la sécurité sociale initiale.
Mme Laurence Rossignol. Qui gouvernait ce pays ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. En 2025, le déficit des comptes sociaux pourrait atteindre 28 milliards d’euros sans mesure nouvelle, du fait de l’évolution spontanée des dépenses.
Mme Émilienne Poumirol. La faute aux exonérations !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Il y a donc un caractère d’urgence à nous engager résolument sur la voie d’un rééquilibrage des comptes sociaux. Veiller à leur équilibre, c’est tout simplement veiller à la soutenabilité de notre modèle de protection sociale.
De ce point de vue, ce PLFSS marque une étape importante, mais qui en appellera d’autres. Je le dis très clairement, il faudra nécessairement que l’effort se poursuive sur plusieurs exercices et qu’il trouve son prolongement dans des réformes structurelles, qui devront améliorer l’efficience des dépenses.
Le PLFSS pour 2025 prévoit donc un coup de frein réel, mais proportionné, me semble-t-il, des dépenses sociales. Le Gouvernement propose une progression maîtrisée de la dépense des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse de 2,8 %, soit 18 milliards d’euros de plus, après une augmentation de 5,3 % en 2024.
Sur l’année 2024, comme vous l’avez probablement lu dans la presse hier ou aujourd’hui, un risque a été détecté par la direction de la sécurité sociale sur les dépenses de médicaments, en raison d’un niveau des remises consenties par les laboratoires qui est inférieur de 1,2 milliard d’euros à la prévision qui avait été retenue jusqu’à présent.
En 2024, le jeu des stabilisateurs automatiques devrait permettre de contenir environ un tiers du dépassement qui aurait résulté de cette nouvelle prévision. Ainsi l’Ondam pour 2024 sera revu de 0,8 milliard d’euros à la hausse.
Le Gouvernement en a immédiatement informé le Parlement. Nous travaillons actuellement, en lien avec la commission des affaires sociales, à des mesures qui devraient nous permettre de réagir rapidement, afin de ramener à 0,2 milliard d’euros le dépassement par rapport à la trajectoire de l’Ondam pour 2025 présentée en texte initial.
Nous proposons tout d’abord de mobiliser différents leviers de maîtrise de la dépense des médicaments, pour un rendement estimé à 600 millions d’euros.
Nous proposons ensuite de baisser le plafond des remises sur les médicaments génériques, pour environ 100 millions d’euros.
Nous proposons également d’introduire le tiers payant pour les médicaments biosimilaires et hybrides, afin d’accélérer leur diffusion, à l’instar de ce que nous faisons déjà pour les génériques, ce qui permettrait d’économiser 50 millions d’euros.
Nous proposons encore d’activer la clause de sauvegarde sur les dispositifs médicaux. Le montant Z sera révisé à la marge, afin de tenir compte de l’actualisation des prévisions sur la base des dernières données disponibles. Cela représente 150 millions d’euros.
Nous proposons enfin d’étendre les accords de maîtrise de prix-volume aux transports sanitaires. Cela représente 100 millions d’euros d’économies, soit l’équivalent du dérapage constaté en 2024 pour cette dépense.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, en toute transparence, les mesures que propose le Gouvernement pour freiner la nouvelle évolution de l’Ondam prévue sur l’année 2024.
À plus long terme, le Gouvernement souhaite se doter de nouveaux outils de régulation : ainsi, les amendements déposés en vue d’autoriser l’assurance maladie à appliquer de nouveaux plafonds de franchises spécifiques pour les transports sanitaires, d’une part, et les dispositifs médicaux, d’autre part, recevront un avis favorable. Compte tenu des délais de mise en œuvre opérationnels de ces dispositifs, il n’en est cependant pas attendu d’économies significatives dès l’année prochaine.
En 2025, quatre piliers permettront de ramener le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros, tout en finançant des mesures nouvelles.
Le premier pilier est la modulation de l’indexation des pensions de retraite. Comme cela a été annoncé, un compromis a été trouvé, afin de corriger la copie initiale présentée par le Gouvernement – c’était d’ailleurs l’une des propositions de la commission des affaires sociales du Sénat.
Toutes les retraites feront l’objet au 1er janvier 2025 d’une revalorisation égale à environ la moitié de l’inflation.
Les petites retraites feront l’objet d’une revalorisation complémentaire à l’été pour qu’elles ne soient pas affectées par cette mesure. Je précise que le calendrier et les modalités de revalorisation des minima sociaux restent inchangés.
Le deuxième pilier est la maîtrise des dépenses de l’Ondam, qui permettra de ramener la progression de celui-ci à son niveau spontané de 2,8 %.
Les marges de manœuvre que nous dégageons nous permettront de financer les mesures nouvelles que le Gouvernement souhaite déployer : en faveur des professionnels de santé libéraux, que nous proposons de revaloriser via une enveloppe de 1,6 milliard d’euros ; en faveur de l’hôpital, dont nous proposons d’augmenter le budget de 3 milliards d’euros ; en faveur des établissements sociaux et médico-sociaux, dont nous proposons d’accroître le budget de plus de 2 milliards d’euros.
Le troisième pilier est constitué par les réformes d’efficience. Je pense notamment à celle des allégements généraux, qui doit nous permettre de lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires. Mais, comme vous le savez – nous l’avons dit à plusieurs reprises –, nous sommes ouverts à des ajustements sur ce point, afin de modérer la contribution demandée aux entreprises et aux employeurs.
J’ajoute – c’est le quatrième pilier – que nous continuerons à amplifier nos efforts en matière de lutte contre la fraude sociale, en lien avec les caisses du régime général, l’Urssaf et la Mutualité sociale agricole (MSA). Je l’ai dit, nous avons repris plusieurs amendements en ce sens qui étaient issus de l’Assemblée nationale. Je relève également des propositions intéressantes de la commission des affaires sociales du Sénat sur ce sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis, aux côtés de mes collègues du Gouvernement, de travailler avec vous dans les prochains jours pour améliorer encore ce PLFSS, qui est avant tout, je le crois profondément, un texte d’urgence, mais aussi et surtout de responsabilité collective. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Khalifé Khalifé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail est au cœur du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le travail finance notre protection sociale : les contributions sur le travail sont encore la ressource très majoritaire de la sécurité sociale. Les travailleurs et les employeurs comptent sur l’assurance santé, sur l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles et sur une assurance vieillesse qui protège et qui tienne ses promesses durablement.
Notre discussion s’ouvre aujourd’hui dans un contexte différent, dans un environnement économique qui se tend, avec un niveau élevé de défaillances d’entreprises et d’importantes conséquences sociales dans les territoires, avec l’annonce de plusieurs plans sociaux.
Je profite de ce passage à la tribune pour saluer les projets d’accords trouvés vendredi dernier entre les organisations de salariés et les organisations patronales sur l’assurance chômage et l’emploi de seniors.
Mme Émilienne Poumirol. On prend les mêmes et on recommence !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Ce premier succès démontre qu’une nouvelle méthode et un dialogue social renouvelé permettent des avancées importantes. Il souligne également combien les partenaires sociaux sont des acteurs incontournables de la vie démocratique, sociale et économique du pays.
Il souligne encore qu’il est important de faire confiance au dialogue social – je sais que votre assemblée et son président y sont particulièrement attachés. Le succès de ces négociations est une réussite collective.
Alors que l’assurance chômage doit pleinement jouer son rôle de filet de sécurité, les différents points de l’accord conclu récemment permettent aujourd’hui de répondre aux enjeux.
Je reviens au cœur de mon propos sur le PLFSS. Pour tous les salariés de ce pays, pour tous les employeurs, nous avons la responsabilité collective de protéger notre modèle social, de le rendre plus efficace et d’en garantir la soutenabilité.
Si le travail et l’activité financent notre protection sociale, aujourd’hui, objectivement, ils ne suffisent pas.
Nous devrons, à terme, réfléchir à un mode de financement différent de notre protection sociale. Dans l’immédiat, personne ne peut se satisfaire que notre modèle social soit financé de facto par le déficit et l’emprunt !
Il nous faut donc travailler plus et mieux, tous et mieux, plus longtemps et en meilleure santé, afin de financer nos investissements d’avenir et notre protection sociale.
Ministre du travail et de l’emploi, mon rôle est d’abord de faire en sorte que notre économie continue à créer des emplois. Il est aussi de faire en sorte que ces emplois offrent un travail de qualité, exercé dans de meilleures conditions et que cette contribution soit reconnue. C’est ce que nous proposons aussi au travers de ce PLFSS.
Sur l’emploi et le travail, le PLFSS est d’abord un outil pour favoriser le dynamisme salarial et le travail qui paie. C’est le sens premier de l’article 6. Nous avons un double impératif : soutenir l’emploi dans le contexte particulier que l’on connaît ; développer la compétitivité de nos entreprises.
Avec cet article 6, nous souhaitons ouvrir un débat important. De fait, pour la première fois depuis très longtemps, cet article prévoit de réviser à la baisse des allégements de cotisations patronales. L’Assemblée nationale l’a supprimé sans proposer de solution de rechange, mais le texte arrive finalement au Sénat dans son état initial.
Je suis persuadée qu’il ne peut pas y avoir de cohésion sociale sans entreprises qui marchent, et inversement. La préservation de l’emploi est une priorité !
Je partage donc le souci exprimé de protéger l’emploi et de limiter la dynamique d’augmentation du coût des allégements généraux.
Pour tenir compte de ces différentes contraintes, le Gouvernement, comme Laurent Saint-Martin l’a récemment souligné, est prêt à revoir le rendement de cette mesure. Ce sera tout l’objet des discussions que nous aurons au Sénat.
Nous devrons également avancer sur l’articulation entre salaires, cotisations sociales et prestations. C’est l’un des enjeux de l’allocation sociale unique, chantier que le Premier ministre vient de relancer, sous l’égide de mon collègue Paul Christophe.
De la même manière, en dehors du champ du PLFSS, sur les minima conventionnels et les classifications professionnelles, qui contribuent grandement au tassement des grilles salariales, nous avons commencé à recevoir les branches qui tardent trop et, de façon structurelle, à négocier sur ces points.
Nous devons enfin, sur la question des salaires, examiner la question du temps partiel subi, qui, à 80 %, concerne des femmes. L’inspection générale des affaires sociales (Igas) va rendre très prochainement un rapport sur la question. J’aimerais que les partenaires sociaux comme les parlementaires puissent s’en saisir rapidement.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les leviers sont nombreux. Nous devons les activer pour que le travail paie dans notre pays.
Ainsi que je l’ai dit lors de mon audition par la commission, je suis, comme vous tous, attachée à la responsabilité budgétaire. Celle-ci est le deuxième axe de ce qui concerne le travail et l’emploi dans ce PLFSS. Un effort collectif doit être réalisé, afin d’assurer la pérennité de notre modèle social tout en préservant les plus vulnérables.
La proposition du Sénat tendant à instituer une contribution de solidarité par le travail est intéressante. Elle permettrait de mieux financer la branche autonomie, tout en présentant une grande souplesse d’application, laissant de la place au dialogue social.
Pour ce qui concerne les pensions de retraite, votre commission des affaires sociales a adopté une nouvelle rédaction de l’article 25, avec une revalorisation en deux temps : de l’ordre de la moitié de l’inflation pour tous au 1er janvier et une revalorisation complémentaire rétroactive à intervenir au 1er juillet, de manière que les pensions inférieures au Smic soient revalorisées au niveau de l’inflation.
Je veux rappeler ici pourquoi nous soutenons cette mesure.
Nous partageons tous l’objectif de garantir la soutenabilité et la pérennité de notre régime de retraite par répartition. La dégradation de la situation économique appelle des mesures qui produisent leur effet à court terme, tout en gardant un esprit de solidarité et de justice.
Par ailleurs, je rappelle que le précédent gouvernement a utilisé un instrument très puissant, en janvier de cette année, en revalorisant les pensions de 5,3 %, une mesure à 14 milliards d’euros pour les finances publiques.
Les retraités ne constituent pas plus que les salariés un bloc homogène. Je pense que cet article permet de préserver à la fois les retraités et les plus fragiles d’entre eux.
Enfin, garantir la soutenabilité du système de retraite oblige aussi à regarder en face la situation de certains régimes déficitaires, comme la CNRACL.
Le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers souffre d’une démographie défavorable, avec moins de cotisants, plus de pensionnés et un taux de cotisations employeur très inférieur à celui du reste de la fonction publique.
Sans réforme, la CNRACL présenterait, en 2030, un déficit de 10 milliards d’euros – sur les 14 milliards d’euros de déficit de l’ensemble de la branche vieillesse.
Nous y répondons en procédant à une augmentation progressive des cotisations des employeurs. Nous avons fait le choix de hausses graduelles, plutôt que du choc préconisé par les inspections dès 2025. Les discussions en commission des affaires sociales ont permis d’enrichir ce texte, et les dispositions de l’amendement déposé par Mme la rapporteure générale vont dans le sens d’une plus grande progressivité et d’un lissage. Bien entendu, le Gouvernement soutiendra cette proposition.
Je veux maintenant évoquer la branche maladie.
Le montant des indemnités journalières (IJ) est passé de 8 milliards d’euros en 2017 à 17 milliards d’euros en 2023. Cette croissance ne s’explique qu’en partie – à hauteur de 58 % – par le vieillissement de la population active et par les conséquences automatiques des revalorisations du Smic. Elle doit donc nous interroger.
Nous avons intégré, dans ce PLFSS, une mesure d’économie sur les IJ qui sera mise en œuvre par voie réglementaire.
J’ai conscience qu’il s’agit d’une réponse de court terme, qui transfère le coût vers l’employeur et qui risque de polariser un peu plus encore le monde du travail, entre les salariés qui sont protégés par de bonnes conventions collectives et ceux qui ne le sont pas. Cette mesure comptable était nécessaire, sans être satisfaisante.
Nous devrons impérativement réexaminer le système des IJ dès que le budget sera voté, afin de trouver un meilleur équilibre, plus juste, entre responsabilité individuelle, responsabilité de l’entreprise et solidarité nationale.
Je souhaite que nous puissions en discuter au Parlement, mais nous devrons aussi échanger avec les partenaires sociaux et les chercheurs en mettant ces sujets sur la table dès janvier 2025.
Après le travail qui paie et la responsabilité budgétaire, un troisième grand axe de ce PLFSS pour le travail et l’emploi est formé de mesures de justice sociale et d’appui aux entreprises.
En matière agricole, ce PLFSS contient plusieurs progrès significatifs, comme la pérennisation de la hausse des exonérations de cotisations patronales sur le travail saisonnier et la hausse des exonérations de cotisations au moment de l’installation, des avancées qui ont été demandées en janvier dernier.
Pour ce qui concerne les exonérations pour les travailleurs saisonniers, nous avons complété le dispositif : à l’Assemblée nationale, nous avons pu avancer avec les députés engagés sur ce sujet, de manière à neutraliser les effets de la réforme des allégements généraux sur le dispositif dit travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE).
L’application de cette disposition outre-mer pose des difficultés spécifiques. Un rapport de l’Igas et de l’inspection générale des finances (IGF) sera d’ailleurs rendu dans les prochains jours ; il a déjà été présenté aux sénateurs et députés ultramarins. Ce bilan montre qu’il existe des marges d’efficacité pour que cette exonération soit mieux ciblée et plus efficace et pour qu’elle soutienne mieux l’emploi.
Un travail doit être engagé sur le sujet dans le cadre de l’ordonnance prévue à l’article 6. En attendant, il paraît sage de neutraliser l’impact de l’article 6 sur la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) ; le Gouvernement sera ouvert à toutes les propositions.
Nous mettons aussi en œuvre la convergence du mode de calcul des retraites des agriculteurs avec le régime général. Il s’agit d’une mesure de justice sociale, qui permet de tenir compte des importantes variations des revenus agricoles au cours des mauvaises années.
Nous avions travaillé avec les députés pour accélérer au maximum l’entrée en vigueur de cette réforme. Le Gouvernement a déposé un amendement pour anticiper certains effets de la réforme dès 2026. Ce point aussi pourra être amélioré dans le cadre de nos discussions.
Je veux aborder un dernier point très important : l’article 24 du PLFSS, qui souligne l’importance du dialogue social auquel nous sommes attachés. En effet, cette disposition permet la bonne transposition dans la loi de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023 concernant l’indemnisation des accidents du travail.
Je sais que le Sénat y est particulièrement attentif – je pense notamment aux sénatrices Annie Le Houerou et Marie-Pierre Richer, qui ont rendu un rapport d’information sur la question au début du mois d’octobre.
La transposition est un exercice délicat : le passage des termes d’une négociation sociale serrée au droit positif n’est pas toujours évident. D’ailleurs, pour ceux qui s’en souviennent, la rédaction adoptée l’an dernier n’était pas totalement satisfaisante… Les partenaires sociaux ont été conduits à préciser certains termes de l’accord de 2023.
Cet automne, un travail soutenu, réalisé avec les partenaires sociaux et les parlementaires, a permis d’aboutir à une meilleure transcription de l’ANI, une transcription plus complète qui apporte des améliorations substantielles. Il s’agit notamment de permettre une sortie en capital, à la demande de la victime, pour la part majorée qui indemnise le préjudice personnel et qui est versée en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Derrière le vocabulaire juridique, il y a des situations douloureuses, celles de personnes qui n’ont plus qu’une faible espérance de vie et qui préfèrent opter pour une sortie en capital, avec de l’argent immédiatement disponible, plutôt que pour une rente. C’est ce qui sera rendu possible par l’article 24.
Le Gouvernement soutiendra les amendements qui ont été travaillés avec les partenaires sociaux et les sénateurs et dont les dispositions permettent d’améliorer réellement le dispositif.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, le choix que nous vous proposons en matière de travail et d’emploi.
Beaucoup de discussions ont lieu depuis que le texte est passé en conseil des ministres. Certains débats ont commencé à l’Assemblée nationale sans pouvoir aboutir. Il vous revient maintenant de faire des choix pour soutenir le travail et l’activité, des choix responsables et qui ne cèdent en rien au court-termisme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales et M. Khalifé Khalifé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons ensemble une responsabilité sur la partie du PLFSS qui concerne les solidarités.
Comme vous le savez, l’Assemblée nationale n’a pu aller jusqu’au bout de l’examen du texte proposé. Je n’ai donc pu défendre les articles qui me concernaient. Nous procéderons ensemble aux évolutions nécessaires, et je serai autant que possible le garant de la prise en compte des souhaits des députés, en complément des vôtres.
Je rappelle également que le texte qui vous est proposé a été préparé dans un cadre budgétaire contraint, et rapidement. Il est donc perfectible. Je sais que vous avez des avancées importantes à proposer ; j’y reviendrai.
Si nous avons eu le temps de les évoquer en audition, je tiens à rappeler ici les grands principes qui guident le budget de mon ministère, à savoir l’efficience, qui va de pair avec la fraternité, avec un budget d’investissement dans notre avenir, c’est-à-dire dans notre modèle de solidarité, et la prise en compte de notre transition démographique.
Dans le contexte budgétaire actuel, nous savons que les plus vulnérables d’entre nous seraient les premiers à souffrir d’un dérapage des finances publiques.
Les commissaires des affaires sociales peuvent en témoigner compte tenu des échanges que nous avons eus : mon ministère entend prendre toute sa part à l’effort collectif pour que la fraternité – la troisième valeur républicaine, celle qui apporte une indispensable dimension humaine – continue d’être un principe général d’action publique.
Je les remercie du travail qui a été mené. Celui-ci sera encore approfondi à partir d’aujourd’hui dans cet hémicycle. En effet, si les moyens des solidarités sont en hausse pour accompagner toutes les familles et tous les Français, il nous faut aussi – c’est indispensable – renforcer l’efficacité au juste coût, autrement dit l’efficience de nos moyens publics.
Pour ce faire, nous encouragerons les améliorations dans les pratiques d’achat des établissements et les mises en commun des ressources.
Nous favoriserons une sobriété médicamenteuse dans les établissements, car nous savons qu’un usage abusif des médicaments peut détériorer la santé et altérer la qualité de vie de nos concitoyens.
Nous lutterons contre toutes les formes de mésusage des moyens publics, lesquels doivent toujours aller à la qualité de l’accompagnement des usagers.
À cet égard, je vous remercie, madame la sénatrice Aeschlimann, de votre amendement visant à s’assurer que le complément de libre choix du mode de garde dit structure soit bien utilisé uniquement au bénéficie de la qualité de prise en charge.
Je commencerai en évoquant la politique familiale, qui est une priorité du Gouvernement et du Premier ministre.
Ce PLFSS conforte tout d’abord les moyens prévus pour le service public de la petite enfance. Celui-ci est crucial et a un impact considérable sur la vie des Français. Il est nécessaire d’agir de manière résolue et continue si l’on veut réduire les tensions sur l’offre d’accueil et la charge qui en découle pour les parents, et nous devons aller plus loin dans le contrôle de la qualité de cette offre.
Concrètement, nous renouvelons le défi de créer 35 000 places dans les établissements d’accueil du jeune enfant, en finançant les investissements nécessaires à horizon de 2027.
Nous poursuivons également la revalorisation des professionnels, qui sont essentiels à notre ambition pour la petite enfance. Dès cette année, le bonus attractivité commence son déploiement, pour augmenter les salaires nets à hauteur de 150 euros en moyenne en début de carrière.
Le service public de la petite enfance bénéficiera à partir du 1er janvier 2025 d’un nouvel élan, grâce aux compétences obligatoires conférées aux communes : celles-ci auront le rôle de recenser l’offre disponible et disposeront enfin de nouveaux outils pour assurer la qualité de l’accueil du jeune enfant.
De fait, l’objectif de ce service public est aussi et surtout de renforcer la sécurité des jeunes enfants. Les lieux d’accueil sont les premiers lieux de la vie ; ils doivent la protéger.
Nous devons tourner la page des intolérables situations d’optimisation financière, qui font souffrir nos enfants et les professionnels et qui créent une défiance des parents.
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. Paul Christophe, ministre. Rôle renforcé des communes, revalorisation des professionnels, création de nouvelles places : telles seront les clés d’une confiance retrouvée et d’un secteur consolidé.
M. Xavier Iacovelli. Très bien !
M. Paul Christophe, ministre. Je sais que le Sénat a des propositions sur les modalités de financement des crèches. Comme ma collègue Agnès Canayer, je les considère avec attention, tout en ayant à l’esprit le besoin de stabilité et de visibilité du secteur, en cette période décisive pour la relance de la création de places de crèche.
Je vous rappelle aussi que nous devons toutes et tous ici prêter une attention particulière aux familles monoparentales, dont la charge incombe plus souvent à des femmes.
À partir de 2025, comme prévu, la branche famille financera à hauteur de 600 millions d’euros en année pleine une réforme du complément de libre choix du mode de garde. Ce dernier pourra être versé, pour les familles monoparentales, jusqu’aux 12 ans de l’enfant, contre 6 ans actuellement.
Tous les parents sans exception ont besoin de concilier leurs différents temps de vie. Pour qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle, nous devons favoriser leur accès à l’emploi et leur maintien dans la vie professionnelle. Ces exigences nécessitent une hausse des dépenses de près de 2 milliards d’euros sur la branche famille en 2025.
Pour ce qui concerne le projet de « congé de naissance » ou « d’accueil du jeune enfant » – peu importe le nom –, je partage avec Agnès Canayer et Salima Saa le besoin d’ajouter un nouveau droit, après les congés maternité et paternité. Nous allons reprendre les concertations pour faire plus simple et plus efficace, au service du développement lors des 1 000 premiers jours de l’enfant et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
La valeur de fraternité porte également nos actions en faveur des personnes en situation de handicap.
Je souhaite, avec Charlotte Parmentier-Lecocq, conforter les mesures de la Conférence nationale du handicap (CNH) et la dynamique impulsée par les jeux Paralympiques en faveur d’une société plus inclusive.
Le PLFSS prévoit ainsi une accélération du déploiement des 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement. Le rythme prévu s’appuyait sur 200 millions d’euros environ par an. Nous porterons l’enveloppe disponible à 270 millions d’euros supplémentaires en 2025.
Cette dynamique doit rendre possible, dès 2025, le déploiement effectif de 15 000 solutions plus individualisées, plus adaptées aux besoins spécifiques des personnes, au plus près de leurs lieux de vie.
On ne peut pas tout standardiser. Nos politiques visent à faciliter le sur-mesure. Si besoin, ces solutions pourront bénéficier, en complément, du fonds de transformation de l’offre de 250 millions d’euros annoncé en Comité interministériel du handicap et confirmé dans le PLFSS.
La transformation vers le milieu ordinaire ne se décrète pas. Elle s’accompagne et doit être dotée de moyens.
Dans ce contexte, nous aurons une attention particulière à l’école pour tous, à laquelle je crois profondément. Je le dis souvent, votre camarade de classe en situation de handicap peut être votre ami aujourd’hui, votre collègue de demain ou votre futur compagnon ou époux.
Une société est véritablement inclusive quand elle combat activement les préjugés dès le début de la sociabilisation. C’est de cette manière que l’on bâtit une société nativement inclusive.
Pour ce faire, notre école a besoin de moyens d’accompagnement médico-sociaux. Mon ministère est en mesure de les fournir.
Toutefois, avant même l’école, il y a le repérage, qu’il faut réaliser le plus tôt possible. À cet égard, nous apportons, avec Mme la sénatrice Guidez, une amélioration sur le service de repérage, pour nous assurer qu’il aille bien jusqu’aux 6 ans révolus de l’enfant, c’est-à-dire 6 ans et 344 jours, et non 5 ans et 344 jours. Cette correction a son importance, car un repérage et un diagnostic précoces sont essentiels pour éviter les risques de surhandicap.
J’en viens à un sujet d’attention pour lequel les défis sont toujours devant nous : le vieillissement de la population. Nous en avons beaucoup parlé, et nos préoccupations sont communes.
Oui, il faut se préparer dès maintenant à l’augmentation importante du nombre de personnes de plus de 85 ans qui auront besoin d’un soutien dans leur autonomie.
Le vieillissement de notre population est une réalité incontournable, même si – j’ai plaisir à partager avec vous cette information – le vieillissement en bonne santé s’améliore enfin dans notre pays, comme les toutes dernières statistiques de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) viennent d’en témoigner. La prévention paie !
En anticipant ce phénomène et en repensant notre approche politique, nous ne ferons pas seulement face à cette situation : nous garantirons également la préservation des valeurs fondamentales qui font la France.
Dans l’immédiat, nous faisons face à une urgence : la situation financière difficile des Ehpad ne peut plus durer ! C’est dans l’intérêt des résidents, des professionnels, des familles et des valeurs sociales de notre pays.
Aujourd’hui, 90 % des Ehpad de demain sont déjà là. Nous avons besoin d’eux ! Or leurs difficultés financières sont structurelles, comme l’ont montré plusieurs rapports parlementaires. J’ai bien l’intention d’apporter, avec vous, des solutions pérennes face à cet enjeu, et j’ai examiné avec attention les nombreux amendements déposés en ce sens.
Le sujet des Ehpad n’est pas seulement financier. Ceux-ci doivent se transformer : au-delà du « bien vieillir », il faut en faire des lieux de « bien vivre ». Certains logent des étudiants, abritent des crèches conjointes, des services publics. Certains accueillent même parfois des lieux de convivialité pour tout un quartier. Des investissements immobiliers supplémentaires sont prévus à cet effet dans le PLFSS.
Évidemment, le financement des Ehpad doit également être simplifié. Ils ne sont pas uniquement financés, comme vous le savez, par la sécurité sociale. Or le renvoi de responsabilités entre cofinanceurs est délétère.
En complément d’une mesure de la loi Bien Vieillir, le PLFSS prévoit ainsi de financer de manière volontariste l’expérimentation du financement de l’entretien de l’autonomie en Ehpad, qui relève aujourd’hui des départements, par la branche de la sécurité sociale du même nom.
Cette réforme, pour laquelle 23 départements candidats sont retenus, représente un surcoût total d’environ 200 millions d’euros pour la sécurité sociale.
Cependant, nous croyons tous au caractère structurant de cette expérimentation, au point que certains voudraient en réduire la durée de quatre à deux ans. C’était le souhait de la députée Annie Vidal, que je me permets de citer ici. Je comprends que c’est aussi votre souhait, madame la sénatrice Deseyne. Je vous confirme que j’y serai favorable.
Durant l’année passée, nous avons travaillé dans ces 23 départements pour la fusion des sections qui commencera maintenant dans seulement un mois et demi si cette disposition est votée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attire votre attention sur le fait que ce calendrier ne permet plus de modification. Nous avons besoin de tous les services impliqués dans cette expérimentation, dont les agences régionales de santé (ARS) et les équipes des départements, que je remercie par ailleurs. Ils ont besoin de stabilité.
Enfin, les moyens des Ehpad augmenteront, tous départements confondus, via le recrutement d’environ 6 500 professionnels supplémentaires, pour atteindre au plus vite les 50 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires annoncés pour 2030.
Ces évolutions aboutissent à une hausse des moyens dédiés aux personnes âgées d’environ 6 % en 2025, soit une augmentation supérieure à celle de l’année dernière.
Accompagner le vieillissement, c’est également soutenir nos aides à domicile, grâce auxquelles se réalise le souhait de nombreux Français de vieillir chez eux, que ce soit à leur domicile historique ou dans une résidence adaptée.
En accord avec la loi Bien Vieillir d’avril 2024, nous proposons, dans ce PLFSS, une nouvelle aide financière de 100 millions d’euros à destination des départements, qui la dirigeront vers les aides à domicile, afin de soutenir une partie de leurs dépenses en mobilité. En effet, les aides à domicile, qui sont souvent des femmes, financent encore leurs déplacements professionnels, ce qui est inacceptable !
Surtout, et c’est un effort important annoncé par le Premier ministre lors des Assises des Départements de France en fin de semaine dernière, nous allons préserver intégralement les taux de compensation des départements sur les dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie et de prestation de compensation du handicap en 2025.
Cela a un coût : environ 200 millions d’euros. Cette somme sera ajoutée aux dépenses de la branche. Mais c’est aussi un signal fort pour mettre fin à un système de concours daté et illisible, qui ne répond plus aux besoins démographiques à venir.
Aujourd’hui, le montant des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) dépend de l’évolution de ses recettes. L’enjeu est évidemment de les faire évoluer en fonction des besoins identifiés sur les territoires.
C’est ce que nous faisons avec ces 200 millions d’euros pour 2025, en nous assurant que, malgré une hausse dynamique des dépenses liée au vieillissement, le taux de compensation sera maintenu.
En lien avec Départements de France et à partir de ce premier mouvement significatif, nous négocierons ensemble des règles d’évolutions claires en 2026 et pour les années suivantes, afin de faire converger les taux de compensation et de donner à ces collectivités essentielles une visibilité sur l’accompagnement à venir de la sécurité sociale par rapport à des besoins en hausse.
C’est aussi cela la nouvelle méthode partenariale du Gouvernement avec les collectivités territoriales sur cet enjeu déterminant du vieillissement.
Enfin, je souhaite conclure en évoquant un sujet que je porte depuis plusieurs années, celui des 11 millions d’aidants de personnes en situation de handicap ou âgées en perte d’autonomie.
Je vous confirme que le PLFSS prévoit une augmentation des moyens pour le déploiement de nouvelles places de répit, et je surveille avec attention le déploiement des droits rechargeables du congé proche aidant pour chaque nouvelle personne aidée.
Je souhaite par ailleurs donner un nouveau souffle à la stratégie Agir pour les aidants, que les récents soubresauts démocratiques n’ont pas permis de porter autant que ce sujet le méritait. Un comité de suivi aura bien lieu avant la fin de l’année.
J’en profite pour ajouter que, dans une logique de convergence sociale à Mayotte, madame la sénatrice Ramia, et d’égalité de traitement entre tous nos concitoyens, je serai favorable à l’extension de l’assurance vieillesse des aidants à Mayotte.
Ceux qui accompagnent leurs proches doivent pouvoir cotiser au titre de leurs droits à la retraite pendant cette période partout sur notre territoire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les modifications de la trajectoire de la branche autonomie aboutissent à une hausse des dépenses en 2025, non plus de 2,4 milliards d’euros, mais de 2,6 milliards d’euros, compte tenu des efforts sur les concours. J’assume ces investissements nécessaires, au bénéfice aussi bien de la fusion des sections que du respect de notre mouvement de développement de l’offre à l’horizon 2030. Les Français comprennent très bien le vieillissement de notre pays et sont prêts à les soutenir.
Cela ne nous exempte ni d’exercer un devoir d’efficience ni de continuer à travailler sur la conciliation entre la responsabilité individuelle et la socialisation du risque autonomie, sachant que nous avons consacré ce dernier il y a maintenant quatre ans lors de la création de la branche. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Alors que les projets de loi de ce type existent depuis plus d’un quart de siècle, celui que nous examinons aujourd’hui est probablement le plus lourd d’enjeux.
Tout d’abord, la situation des finances publiques, sociales en particulier, connaît une dégradation sans précédent, et cela hors période de crise. En 2024, le déficit public atteindrait ainsi 6,1 % du PIB, contre une prévision à 4,4 %. Le déficit de la sécurité sociale était estimé, lui, à 18 milliards d’euros – du moins, jusqu’à il y a quelques heures : on dépasserait plutôt les 19 milliards d’euros désormais… La prévision de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 était de 10,5 milliards d’euros.
Ensuite, la discussion des textes financiers se déroule, cet automne, sous la surveillance de l’Union européenne et des marchés financiers, car la France fait, de nouveau, l’objet de la procédure de déficit excessif. Les pouvoirs publics, qui veulent obtenir un délai de sept ans au lieu de quatre ans pour revenir à un déficit sous les 3 % du PIB, doivent donc envoyer un message clair de maîtrise des comptes.
Du côté des marchés financiers, la situation n’a, pour l’instant, rien de dramatique. Mais s’ils avaient l’impression d’une perte de contrôle de ses finances publiques par la France, il en irait autrement…
J’attire également votre attention sur le fait que, selon la loi organique, l’autorisation de s’endetter pour la sécurité sociale ne peut figurer que dans les lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, chacune d’entre elles comprend un article qui y est consacré – l’article 13 cette année. Rejeter le PLFSS relèverait de l’aventurisme juridique, donc financier, dès lors qu’une sécurité sociale en fort déficit se finance en empruntant à court terme sur les marchés.
J’en viens aux mesures de redressement proposées par le Gouvernement dans la sphère sociale. Les chiffres sont sans précédent : 14,8 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques et 12,4 milliards d’euros pour la seule sécurité sociale.
La nécessité de mesures d’une telle ampleur apparaît dans le seul fait que, malgré leur montant, elles ne suffiraient pas à ramener le déficit sur la trajectoire prévue il y a un an. Compte tenu, notamment, des conditions de son élaboration, ce PLFSS, comme l’a dit Mme la ministre de la santé tout à l’heure, n’a pas vocation à réaliser des mesures structurelles.
Mme Émilienne Poumirol. Ça, c’est sûr !
Mme Laurence Rossignol. En avant toute ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s’agit essentiellement, à ce stade, de mesures paramétriques destinées, dirais-je, à éteindre l’incendie.
La commission des affaires sociales défendra un certain nombre de modifications, avec plusieurs fils rouges.
Tout d’abord, il ne faut pas dégrader un solde déjà très préoccupant, ce qui suppose, même si c’est difficile et, je le dis à titre personnel, douloureux, des efforts de tous.
Ensuite, cet effort doit être équitablement réparti entre les assurés, les actifs, les retraités, les employeurs et les acteurs de la sécurité sociale.
Enfin, dans un cadre aussi contraint, il convient de préserver l’emploi et les petites retraites, tout en soulageant les finances tendues des établissements de santé et des collectivités territoriales.
Certaines de nos propositions dégraderont le solde, d’autres l’amélioreront. L’effet global est neutre. Je vais vous les présenter à grands traits.
La mesure la plus importante, financièrement parlant, de ce PLFSS, est la réforme des allégements généraux de cotisations patronales, qui doit améliorer le solde de 4 milliards d’euros, augmentation qui reposerait notamment sur les salariés proches du Smic.
Les calculs de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), que nous confirmons, montrent que, telle qu’elle est actuellement rédigée, cette disposition détruirait quelque 50 000 emplois. La commission a donc adopté deux amendements visant à maintenir ces allégements pour les salaires au niveau du Smic.
La deuxième mesure, en montant, est le report de la revalorisation des retraites, qui représente un gain de 3,6 milliards d’euros.
Il nous paraît nécessaire d’épargner les petites retraites. C’est pourquoi Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse, défendra un amendement qui a pour objet une revalorisation différenciée : en plus de la majoration de toutes les retraites au 1er janvier 2025, les plus modestes bénéficieraient d’un coup de pouce en juillet.
La trajectoire financière du PLFSS dépend également de mesures réglementaires.
Tout d’abord, le Gouvernement entend augmenter le taux de cotisations à la CNRACL, pour un montant de 2,3 milliards d’euros en 2025. Je présenterai un amendement au rapport annexé visant à remplacer la hausse de quatre points, trois fois, par une augmentation de trois points, quatre fois, afin d’étaler davantage l’effort des collectivités locales et des hôpitaux.
Nous comptons aussi sur un geste du Gouvernement en faveur des Ehpad et des départements pour l’aide à domicile. La sagesse enjoindrait également de ne pas baisser de dix points le ticket modérateur sur les consultations médicales.
Toutes ces mesures représentent un coût de 3 milliards d’euros. Afin de ne pas dégrader le solde, il convient donc de trouver un montant équivalent de recettes ou de moindres dépenses.
À ces fins, plusieurs leviers sont utilisés, dont la fiscalité comportementale et la lutte contre la fraude et les actes redondants.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous proposerons, enfin, d’instaurer une contribution de solidarité reposant sur sept heures supplémentaires de travail par an, dans une forme à définir librement avec les acteurs du terrain. Il ne s’agit donc pas de supprimer un jour férié, comme on l’entend parfois. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Cela revient au même !
Mme Annie Le Houerou. Travailler plus pour gagner moins…
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure
générale de la commission des affaires sociales. Cette mesure assurerait le financement à long terme de la branche autonomie et, dans l’immédiat, le soutien, que j’ai précédemment mentionné, aux Ehpad et aux départements.
Elle dégagerait aussi des fonds pour des mesures nouvelles, comme la réforme de la prise en charge des fauteuils, qui a été annoncée par le Président de la République en début d’année, mais qui n’avait toujours pas trouvé son financement…
Cependant, ce PLFSS ne fait que répondre à l’urgence. Ce qu’il faut, c’est ramener les finances sociales à l’équilibre, ce qui suppose, tout d’abord, une trajectoire pour y revenir. Celle qui figure au rapport annexé, qui affiche un déficit de 20 milliards d’euros pour 2028, n’est qu’une prévision sur la base des mesures déjà connues – l’un de mes amendements tendra à préciser ce point.
Revenir à l’équilibre nécessite, ensuite, des mesures structurelles. L’on ne peut, chaque année, réduire des droits : il faut rendre le système de protection sociale et, en particulier, de santé, plus efficient, afin que le service rendu soit de même qualité, mais pour moins cher. Cela ne saurait émaner que de réformes de fond, que nous espérons.
C’est seulement à cette condition qu’il sera possible de réaliser un nouveau transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Celui-ci devra advenir rapidement, afin que la dette sociale ne s’accumule pas à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce qui, comme le directeur général de cette dernière l’a souligné en audition, serait extrêmement dangereux.
En effet, l’Agence ne peut emprunter qu’à court terme, même si l’on vient d’allonger d’un an la possibilité pour elle de le faire, ce qui la rend vulnérable en cas de crise de liquidité, comme l’a montré la crise sanitaire de 2020.
Le transfert d’une dette sociale significative à la Cades doit s’accompagner d’un recul de l’échéance d’amortissement de la dette sociale, actuellement fixée à 2033, par une disposition organique.
Pour moi, comme pour chacun d’entre vous, ce qui compte avant tout, c’est de maintenir notre protection sociale au plus haut niveau. Mais nous n’y parviendrons pas si nos finances publiques cessent d’être soutenables.
Nous devrons donc être prudents et courageux. Ce sera certainement douloureux, mais le pire serait de n’avoir ni la volonté ni le courage de formuler des propositions à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, disons-le d’emblée : la situation de la branche assurance maladie est franchement préoccupante.
Ainsi, le déficit projeté en 2025 atteint 13,4 milliards d’euros selon le texte transmis, après un exercice 2024 ayant vu ce solde se dégrader de plus de 6 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale.
Alors que le déficit se creusera encore au moins jusqu’à 2028, l’horizon d’un retour à l’équilibre s’éloigne durablement, nous rendant particulièrement vulnérables à tout nouveau choc conjoncturel. Cela obère également notre capacité à relever les défis auxquels nous faisons face, alors que la santé demeure l’une des premières, si ce n’est la première préoccupation des Français.
Le Gouvernement nous informe que la situation en 2024 serait plus dégradée encore que ce qui était anticipé. Au pied du mur, nous n’avons d’autre choix que de tenir compte de ces nouveaux éléments de contexte pour 2025.
L’année prochaine, l’Ondam atteindrait 264 milliards d’euros, en hausse de 2,6 % par rapport à l’exécution de 2024. Cette projection, fortement contrainte, imposerait un niveau d’économies sans précédent, notamment sur les soins de ville et les produits de santé.
L’exercice ne paraît toutefois pas impossible : entre 2015 et 2019, je le rappelle, l’Ondam progressait en moyenne de 2,4 % par an.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Parce qu’elle n’adhère pas à plusieurs éléments sous-jacents de cette prévision, la commission défendra des positions fermes, dont elle souhaite que le Gouvernement tienne compte pour rééquilibrer ce PLFSS.
Il s’agit, en premier lieu, de lisser la hausse des cotisations à la CNRACL sur une durée plus longue, afin de respecter les besoins de financement des établissements. Madame la ministre de la santé et de l’accès aux soins, vous nous avez rassurés sur ce point, car, sans cet effort, c’est à l’asphyxie financière que nous les condamnons.
En deuxième lieu, il convient de limiter autant que possible la hausse du ticket modérateur annoncée par le Gouvernement sur les consultations de médecins et de sages-femmes. Celle-ci constitue un report de charges vers les assurés et induit une privatisation du financement de ces actes pivots.
J’ai bien relevé une hausse contenue à 5 %, madame la ministre, mais j’entends aussi parler d’une augmentation de 5 % du ticket modérateur sur les médicaments, dont il n’était jusqu’à présent pas question… Avouez que ce n’est guère satisfaisant.
La situation, alarmante, exige une mobilisation collective pour dessiner les contours d’un redressement financier dans un horizon raisonnable, sans sacrifier aux nécessités du présent. C’est à la recherche de cet équilibre délicat que nous invite le PLFSS : tenir des objectifs de dépenses resserrés tout en continuant à œuvrer pour la santé des Français.
Parce que ce texte impose à tous les contribuables des efforts considérables, l’inaction face à la fraude sociale et à l’inefficience de la dépense serait inaudible, voire coupable.
La commission a donc adopté deux amendements visant à renforcer notre arsenal de lutte contre la fraude, en sécurisant la carte Vitale et en organisant une meilleure articulation avec les complémentaires santé. Elle a également cherché à améliorer la pertinence des dépenses de santé, en limitant les actes redondants par la consultation et l’alimentation du dossier médical partagé (DMP).
Nous sommes également attentifs aux inquiétudes des professionnels de santé et des patients. Attachée à l’exercice conventionnel, la commission vous proposera de supprimer l’autorisation pérenne faite au Gouvernement et à l’assurance maladie de procéder à des baisses unilatérales de tarif. Ce type de mesures doit demeurer exceptionnel et nécessiter une autorisation parlementaire.
Nous vous inviterons également à recentrer la procédure d’accompagnement à la pertinence des prescriptions sur les produits de santé et les actes pour lesquels elle est la plus utile. Dans le contexte actuel, il serait particulièrement inacceptable de réduire le temps médical disponible par l’ajout de formalités inutiles.
La commission formulera, par ailleurs, plusieurs propositions destinées à améliorer l’anticipation et la gestion des pénuries de médicaments, qui continuent de s’aggraver près de deux ans après le lancement de la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française.
Enfin, dans les établissements publics de santé, la régulation des dépenses d’intérim des personnels paramédicaux remettra de l’équité dans les équipes soignantes. La commission souhaite son application homogène dans tous les secteurs, y compris le privé. Il convient, en parallèle, de poursuivre le relèvement des quotas de formation des infirmiers, afin de desserrer l’étau sur les ressources humaines des établissements.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, une stratégie de financement à la fois crédible et soutenable est désormais impérative.
Cet effort exige des arbitrages difficiles, dès 2025, ainsi que des choix politiques assumés. La commission invitera le Sénat à y prendre sa part, tout en demeurant attentif aux besoins de santé des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la branche vieillesse connaît cette année une dégradation brutale de son déficit. Celui-ci s’est creusé de 3,6 milliards d’euros l’an passé et atteint désormais 6,3 milliards d’euros. Cela s’explique par les dépenses suscitées par la revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier 2024 à hauteur de 5,3 %, soit l’équivalent de l’inflation de l’année 2023.
Au-delà de ces dépenses ponctuelles, le solde de la branche vieillesse resterait fortement déficitaire pour les années à venir, en raison de l’augmentation du nombre des retraités et de la diminution de la population active.
Les effets de la réforme des retraites seront au rendez-vous, puisque celle-ci rapporterait 8 milliards d’euros en 2028. Ils ne seront toutefois pas suffisants pour ramener la branche vieillesse à l’équilibre. Aussi, je crains que nous ne soyons contraints, à l’avenir, de porter d’autres réformes des retraites. Je le dis ici clairement : la survie de notre système par répartition n’est pas acquise.
La trajectoire de la branche vieillesse, dont la situation s’est fortement dégradée, n’est pas tenable. L’an passé, nous projetions son déficit à 13,6 milliards d’euros en 2027. Je tiens à saluer les mesures de redressement qui figurent dans le PLFSS pour 2025 et qui modifient ces projections. Il nous faut désormais assainir nos finances, afin de ne pas porter préjudice aux générations futures et de préserver nos acquis sociaux.
Je souhaite toutefois que ces efforts soient répartis avec équité : tel est le sens d’un amendement de la commission des affaires sociales, à l’article 23, que je défendrai.
En outre, la commission propose que, exceptionnellement, les pensions de retraite ne soient pas revalorisées au 1er janvier au niveau de l’inflation de l’année passée, mais à hauteur de la moitié de la hausse des prix seulement. Nous demandons à nos concitoyens retraités de consentir à cet effort après la forte revalorisation dont ils ont bénéficié l’an dernier.
Nous ne sommes néanmoins pas égaux face à l’inflation ; il faut pouvoir se nourrir et se loger décemment. C’est pourquoi la commission souhaite préserver les plus faibles retraites, inférieures au Smic, qui bénéficieraient, d’une part, d’une seconde majoration au 1er juillet, équivalente à l’inflation, et, d’autre part, d’un rattrapage compensant la revalorisation plus faible de janvier.
Mes chers collègues, je ne puis évoquer devant vous le déficit de la branche vieillesse sans aborder la situation financière difficile de la Caisse nationale de retraites de la fonction publique des collectivités locales et hospitalières, la CNRACL, du fait de son ratio démographique très défavorable.
Le PLFSS pour 2025 prévoit une hausse de douze points du taux de cotisation des employeurs à cette caisse, soit quatre points de plus en 2025, 2026, puis 2027.
Or les finances des collectivités locales et des établissements hospitaliers sont exsangues. Parce que cet effort de redressement doit être tenable, je m’associe à la proposition d’étalement de cette hausse à trois points par an pendant quatre ans. Je forme également le souhait que la dette de la CNRACL puisse être rachetée par la Cades.
Enfin, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comprend la réforme très attendue du calcul de la retraite de base des non-salariés agricoles sur les vingt-cinq meilleures années d’assurance.
Votée en son principe par le Parlement aux termes de la loi du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses, portée par le député Julien Dive, elle devait entrer en vigueur au 1er janvier 2026. Je souhaite vraiment que cet engagement soit tenu.
Je rappelle que le Sénat a voté à l’unanimité la proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles, présentée par le président Philippe Mouiller et dont j’ai été rapporteur. (Bravo ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Nous proposions alors de maintenir la spécificité de ces retraites, à savoir leur mode de calcul selon un système de points qui se substitue aux revenus en fonction d’un barème redistributif. La solution retenue aux articles 22 et 3 prend en compte les vingt-cinq meilleures années de revenus. Je m’y associe malgré sa plus grande complexité, car elle me semble répondre aux objectifs qui étaient les nôtres : la date du 1er janvier 2026 doit être tenue !
Ainsi, elle exclura du calcul les mauvaises années de récolte et augmentera les pensions des polypensionnés, qui sont 85 % des non-salariés agricoles.
Les monopensionnés aux revenus les plus faibles ne seront pas perdants, grâce au rattrapage des minima de pension, dont les non-salariés exerçant leur activité agricole à titre secondaire pourront désormais bénéficier. J’insiste, de nouveau, sur la date d’entrée en vigueur : la Mutualité sociale agricole (MSA) indique qu’elle pourra appliquer la réforme aux pensions liquidées à compter du 1er janvier 2026. Je souhaite que cela soit acté.
Mes chers collègues, ces mesures donneront lieu à des débats riches et fournis. J’ai à cœur, néanmoins, que nous concilions nos deux objectifs de réduction de nos dépenses et de protection du pouvoir d’achat des citoyens les plus fragiles. Je le répète, il y va du maintien de notre système de retraite par répartition pour les actifs qui le financent aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en quatre ans, l’excédent de la branche famille a totalement disparu, sans qu’aucune réforme structurelle d’ampleur ait été mise en place sur la période. Selon les prévisions, la branche serait même en déficit de 500 millions d’euros en 2026. La période de la covid de 2020 exceptée, ce serait une première depuis 2018.
Bien que les prévisions pluriannuelles laissent entrevoir un retour ultérieur à un excédent budgétaire, la commission s’interroge sur la capacité de la branche à répondre aux nombreux défis auxquels elle devra faire face dans les prochaines années.
Réduit de 2 milliards d’euros en 2022, avec le transfert du financement des indemnités journalières (IJ) des congés paternité et maternité post-naissance, son solde n’offre pas les marges de manœuvre nécessaires à des réformes pourtant indispensables et attendues par les professionnels et leur famille.
Toutefois, je souligne, dans le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons, la hausse des dépenses de la branche de plus de 1,8 milliard d’euros en un an.
Si ce dynamisme ne résulte pas de mesures nouvelles, il traduit le financement de réformes importantes que nous avons votées ces dernières années et qui entreront en vigueur en 2025. Ainsi de celle du complément de libre choix du mode de garde (CMG) « emploi direct », qui limite le reste à charge pour les familles en cas d’emploi d’une assistante maternelle et l’étend aux familles monoparentales pour la garde des enfants de 6 ans à 12 ans.
Ce dynamisme est aussi issu d’un effort important dû aux prestations extralégales finançant les accueils collectifs. Ainsi, le Fonds national d’action sociale (Fnas) de la branche augmenterait ses dépenses de 9,9 % en 2025, soit 700 millions d’euros supplémentaires, en lien avec la mise en place du service public de la petite enfance.
Pour résumer, pour la branche famille, il n’y a pas de mesure nouvelle, mais pas de ponction non plus ! « C’est mieux que si c’était pire », comme on dit dans le Nord (Sourires.), dans ce contexte budgétaire contraint.
J’alerte néanmoins le Gouvernement sur l’incertitude qui règne dans nos collectivités quant au financement des nouvelles compétences dévolues aux communes et aux modalités concrètes de la mise en place du service public de la petite enfance.
Pour la politique familiale, ce PLFSS est une nouvelle année blanche. Je le regrette.
Toutefois, je présenterai au nom de la commission deux amendements tendant à sécuriser le paiement des salaires des assistantes maternelles, qui font face à de trop nombreux impayés, et à obliger le Gouvernement à revoir chaque année, par décret, le plafond du tarif horaire des microcrèches. En effet, un défaut d’actualisation entraîne sur ces dernières une pression sur les prix pouvant nuire à la qualité de l’accueil.
Le métier d’assistante maternelle connaît une grave crise d’attractivité, avec 100 000 assistantes de moins en dix ans. Il me paraît important de sécuriser une profession qui reste le premier mode d’accueil de la petite enfance dans bien des territoires, notamment ruraux.
L’absence de mesure nouvelle, que nous mettrons sur le compte du contexte autour de la préparation de ce PLFSS, ne doit pas être synonyme d’une année perdue.
J’y vois, au contraire, une chance pour entamer ou reprendre des travaux sur les réformes structurelles nécessaires à la relance de la natalité dans notre pays : création d’un véritable congé de naissance, réforme du financement des établissements d’accueil du jeune enfant – comme l’a dit M. le ministre des solidarités –, ou encore véritable universalité des allocations familiales. Les sujets ne manquent pas ; d’ailleurs, le Sénat a formulé des propositions sur nombre d’entre eux ces dernières années.
S’agissant de la petite enfance, les récents scandales nous imposent de réagir. Le Sénat y prend sa part : il émettra prochainement des recommandations pour améliorer les conditions du contrôle des crèches. J’estime, toutefois, que l’amélioration de la qualité de l’accueil doit passer par la remise à plat du financement des établissements, sans négliger la question sociale : taux d’encadrement, formation, salaires… Une journée de grève est d’ailleurs annoncée, le 19 novembre prochain, dans le secteur.
Je le dis de nouveau : la famille ne saurait être une simple variable d’ajustement des politiques sociales. Notre natalité suit une trajectoire inquiétante : alors que le désir d’enfant des Françaises et des Français serait de 2,4, l’indice conjoncturel de fécondité s’est établi, en 2023, à 1,68, du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes bien loin du « réarmement démographique », pour reprendre les mots du Président de la République. J’invite ceux qui en doutent à lire Les Batailles de la natalité, de Julien Damon.
Oui, mes chers collègues, il y a urgence à promouvoir une politique familiale ambitieuse et refondée ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce PLFSS marque la fin d’une ère pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Abonnée aux excédents depuis plus de dix ans, celle-ci connaîtra un exercice 2025 à l’équilibre, avant de plonger dans une situation légèrement, mais durablement, déficitaire.
Cette situation résulte d’une faible dynamique des recettes, accentuée par les swaps de taux avec la branche vieillesse en 2024 et en 2026, et conjuguée à des dépenses qui continuent de progresser, alimentées par l’accroissement du poids des transferts – j’y reviendrai –, mais également par des améliorations notables de la réparation et par une politique de prévention plus ambitieuse.
Il convient de saluer l’ébauche du virage préventif tant attendu par les partenaires sociaux et la commission, stimulé par la montée en charge des mesures adoptées lors de la dernière réforme des retraites et par la hausse des moyens attribués, dans la nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG), au Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (FNPATMP).
L’effort consenti est, certes, encore bien insuffisant au regard de l’objectif de 7 % des dépenses de la branche investis dans la prévention, fixé par le récent rapport d’information sur les grands enjeux de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, que j’ai présenté avec Annie Le Houerou. Néanmoins, ce premier engagement marque un réel progrès ; il est la base sur laquelle nous devrons avancer.
La réparation n’est pas oubliée, avec l’article 24, qui prévoit d’ambitieuses revalorisations pour l’indemnisation des victimes d’incapacité permanente, issues de l’ANI de 2023.
Après le fiasco de l’article 39, les partenaires sociaux ont su maintenir le dialogue pour aboutir, par la négociation, à une réforme pragmatique et équilibrée, pour une politique de réparation plus juste.
Conformément à leur volonté, la rente viagère et l’indemnité en capital présenteront, désormais, une nature duale retranscrite dans leur mode de calcul. Une part fonctionnelle s’ajoutera donc au montant actuel des prestations, qui deviendra leur part professionnelle. Il en résultera, pour tous les futurs bénéficiaires, une revalorisation représentant, à terme, un effort bienvenu de 500 millions d’euros pour la branche.
La commission, fidèle à la position exprimée par la mission d’information, a soutenu ces dispositions tout en veillant à ménager un équilibre spécifique pour les victimes de faute inexcusable de l’employeur, en renforçant leur indemnisation de court terme.
Afin que leurs préoccupations propres soient entendues, elle a également souhaité impliquer davantage les associations de victimes à la conception des textes d’application nécessaires au déploiement de la réforme, tout en respectant le cadre paritaire et le rôle primordial des partenaires sociaux dans le processus.
Comme elle l’avait fait l’an dernier, la commission appelle enfin le Gouvernement à retranscrire sans délai le reste du contenu de l’ANI. Plus de dix-huit mois après la signature de cet accord, les mesures ambitieuses préconisées par les partenaires sociaux en matière d’aide humaine et de prévention ne sauraient être mises de côté plus longtemps.
Vous l’avez compris, mes chers collègues : la trajectoire de la branche AT-MP marque, pour les années futures, un effort considérable pour la réparation et la prévention. C’est pourquoi je vous inviterai à adopter l’article 28 fixant l’objectif de dépenses de la branche à 17 milliards d’euros pour 2025, afin de dégager un excédent de 200 millions d’euros.
J’en viens à la question épineuse des transferts, principaux responsables de la dégradation de la situation financière de la branche. En effet, un euro sur six perçus par la branche AT-MP est reversé à d’autres entités.
Le transfert à la branche maladie atteindra 2 milliards d’euros à l’horizon 2027, afin de prendre en compte la révision à la hausse de l’estimation du coût de la sous-déclaration par la commission ad hoc. Dès 2025, le transfert augmentera de 400 millions d’euros, pour un montant total de 1,6 milliard d’euros.
J’ai auditionné le président de cette commission. Il m’a donné des garanties sur la sincérité de son mode de calcul, qui prend également en compte la surdéclaration des AT-MP. En outre, force est de constater que la branche s’apprête à fournir un effort inédit depuis le retour aux excédents en faveur de la prévention et de la réparation. Cela montre que la hausse prévisionnelle des transferts n’empêche pas la branche d’agir, en parallèle, sur ses vocations premières.
Par conséquent, cette année, la commission des affaires sociales ne défendra pas d’amendement visant à diminuer le niveau du transfert au titre de la sous-déclaration. Estimant que la branche AT-MP n’a pas à servir de variable d’ajustement pour combler le déficit des autres branches, la commission s’opposera toutefois sans ambiguïté, dans les années futures, à toute augmentation des cotisations AT-MP induite par la hausse du transfert au titre de la sous-déclaration.
Enfin, la dotation de la branche AT-MP au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) représentera près d’un demi-milliard d’euros en 2025 – elle aura doublé en deux ans.
Dans ce contexte, je regrette que l’État n’ait pas augmenté sa subvention d’un centime, bien que celle-ci ne couvre pas, tant s’en faut, les dépenses qu’il est censé prendre en charge au titre de la solidarité nationale. J’appelle donc de nouveau solennellement le Gouvernement à rééquilibrer l’effort financier en faveur du Fiva, pour que l’État prenne enfin sa juste part.
Je me réserve le droit de déposer, l’an prochain, des amendements en ce sens si la situation n’évolue pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’autonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré le contexte budgétaire que nous connaissons, ce PLFSS s’évertue à préserver la branche autonomie.
L’objectif de dépenses pour 2025 s’élève à 42,4 milliards d’euros. Il est en augmentation de 6 % par rapport à l’année 2024 et intègre une hausse de 4,7 %, à champ constant, à l’Ondam relatif aux établissements et services médico-sociaux.
Le dynamisme des dépenses permettra principalement de financer la montée en charge de mesures récentes. Celles-ci n’ont pas de traduction dans le PLFSS, puisque leur mise en œuvre relève du domaine réglementaire.
Dans le champ du grand âge, 6 500 recrutements sont prévus dans les Ehpad. En outre, un fonds de 140 millions d’euros sera déployé pour accompagner la transformation des établissements et soutenir les Ehpad ultramarins.
La reconduction du fonds d’urgence de 100 millions d’euros pour les établissements et services en difficulté n’est pas envisagée. Il est vrai qu’un fonds d’urgence n’a pas vocation à perdurer et que l’effort doit porter sur des mesures structurelles. Pour autant, nous devons rester vigilants à l’égard des structures qui sont au bord de la fermeture.
Dans le champ du handicap, peu d’annonces ont été faites. En 2025, quelque 15 000 nouvelles réponses médico-sociales devraient être développées pour les personnes en situation de handicap, dans le cadre du plan de création de 50 000 solutions à horizon 2030.
Par ailleurs, plusieurs mesures récentes seront mises en œuvre dans le secteur de l’aide à domicile. L’aide financière de 100 millions d’euros prévue par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie sera notamment déployée. Elle permettra aux départements de soutenir la mobilité et le travail partenarial des aides à domicile.
Finalement, dans ce PLFSS, seul un article relève de la cinquième branche. Il concerne l’expérimentation sur le financement des Ehpad et des unités de soins de longue durée (USLD), que nous avons votée l’année dernière. À partir du 1er janvier 2025, dans les départements volontaires, les sections de financement soins et dépendance seront fusionnées sous l’égide des ARS.
À l’article 21, le Gouvernement propose d’augmenter de 20 à 23 le nombre des départements qui pourront prendre part à l’expérimentation. Il précise aussi les dispositions financières relatives au dispositif. Face à l’engouement des départements, l’augmentation du nombre de participants est évidemment une bonne nouvelle.
De fait, la simplification du régime de financement des Ehpad est très attendue par le secteur. Je vous proposerai donc de réduire la durée de l’expérimentation de quatre ans à deux ans, pour permettre une généralisation plus rapide.
Le point étant fait sur les mesures prévues pour 2025, j’en viens à la question de l’avenir de la branche autonomie.
À court et à moyen terme, les perspectives financières se détériorent. La dernière loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un solde positif ou à l’équilibre jusqu’en 2027. Les nouvelles prévisions sont plus pessimistes : la branche serait déficitaire de 400 millions d’euros dès 2025 et à hauteur de 2,5 milliards d’euros à horizon 2028.
En matière d’autonomie, le statu quo n’est pas envisageable. Je ne m’attarderai pas sur ce constat déjà bien connu de tous : dans le champ du grand âge comme dans celui du handicap, les besoins de financement sont massifs et incompressibles.
Beaucoup d’établissements et services médico-sociaux sont déjà en grande difficulté. Les départements aussi sont exsangues financièrement, et leur politique sociale en pâtit. À ce titre, nous ne pouvons que saluer les 200 millions d’euros que vous venez d’annoncer, monsieur le ministre, pour que la CNSA couvre mieux leurs dépenses d’APA et de PCH.
Je rappelle par ailleurs que, dès 2030, c’est-à-dire dans cinq ans, la génération issue du baby-boom passera la barre des 85 ans. Cela nous laisse très peu de temps pour répondre aux grands enjeux du virage domiciliaire, de la prévention et de l’attractivité des métiers.
Aussi, comment s’organiser pour apporter ces réponses ? Le cœur du sujet réside dans le financement. Nous vous proposerons, dans le cadre de ce PLFSS, une première solution avec la mise en place d’une « contribution de solidarité par le travail ». Cette mesure permettrait de poser les jalons d’une réforme structurelle – pourquoi pas, monsieur le ministre, dans le cadre du projet de loi Grand Âge tant de fois promis ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Très bien !
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Une partie de ces recettes pourrait aussi contribuer au remboursement des aides techniques destinées aux personnes en situation de handicap, mais il reviendra au Gouvernement de décider sur ce point.
En définitive, mes chers collègues, si un effort est consenti dans le cadre de ce PLFSS, la question de l’avenir de la branche autonomie demeure entière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, disons-le d’emblée : la commission des finances a décidé à la majorité d’émettre un avis favorable sur ce texte, sous réserve des modifications qui seront apportées en séance.
En effet, le présent Gouvernement hérite d’une situation dont il ne peut être tenu responsable. (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Un peu, quand même !
Mme Émilienne Poumirol. C’est le même gouvernement !
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. Il propose, de plus, des mesures de redressement significatives, qui s’appuient sur des hausses de recettes et des baisses de dépenses. Seront-elles suffisantes ? Je ne le pense pas, malheureusement.
Depuis 2020, la situation des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale s’était légèrement redressée, même si un déficit de près de 11 milliards d’euros demeurait en 2023. Or le présent PLFSS anticipe une forte aggravation du déficit en 2024, à hauteur de 18 milliards d’euros, soit 7,5 milliards d’euros de plus que les 10,5 milliards d’euros prévus.
Deux raisons expliquent cette aggravation.
La première, c’est que les recettes seraient inférieures de 6,6 milliards d’euros aux prévisions, en raison d’hypothèses macroéconomiques trop optimistes, dont nous avons malheureusement l’habitude.
La seconde raison est la hausse des dépenses, notamment de l’Ondam, dépassé de 1,2 milliard d’euros. La revalorisation des prestations de 5,3 % en raison de l’inflation a également représenté un coût de 15,6 milliards d’euros.
Un tel déficit est aussi lié à des hausses de dépenses non financées. Le Ségur de la santé représente ainsi un surcoût de près de 13 milliards d’euros par an. Mesdames, messieurs les ministres, je vous invite à mettre un terme à cette pratique irresponsable, tant pour l’État que pour la sécurité sociale, qui consiste à voter des dépenses sans prévoir de quoi les financer !
Concernant l’année 2025, le Gouvernement anticipe un déficit de 16 milliards d’euros, inférieur de 2 milliards d’euros à celui de 2024. Il présente à cette fin des mesures intéressantes, tant des baisses des dépenses que des hausses des recettes.
La progression des recettes est certes moindre, en raison du ralentissement de la croissance de la masse salariale, mais la prévision à 3,2 % me paraît optimiste. Des hausses sont prévues notamment via la refonte des allégements généraux de cotisations sociales – c’est une réforme intéressante, mais qui appelle des adaptations pour ne pas trop affecter l’emploi.
Quant à l’augmentation prévue du taux de cotisation employeur de la CNRACL, elle pèsera très lourdement sur les comptes des collectivités territoriales, en contradiction avec la volonté du Gouvernement de réduire fortement les dépenses de celles-ci.
De plus, en raison du dispositif de compensation démographique, la CNRACL devrait verser près de 500 millions d’euros aux autres régimes de retraite en 2025. Est-il bien normal de ponctionner un régime en déficit et de demander aux collectivités de cotiser davantage pour d’autres régimes ? Je ne le crois pas. Un compromis plus acceptable pour les collectivités doit être trouvé sur ce sujet. La commission des affaires sociales propose une piste intéressante en ce sens.
Les dépenses de la sécurité sociale ne devraient augmenter que de 2,8 % en 2025. Cet objectif est très volontariste, pour ne pas dire optimiste. Je note que des mesures d’économies sont proposées sur l’Ondam, pour un montant de 1,6 milliard d’euros.
Par ailleurs, le solde de la branche vieillesse devrait être contenu par rapport à 2024 grâce aux mesures de report de la revalorisation des retraites à hauteur de l’inflation.
J’en viens au sujet que j’ai choisi d’approfondir en tant que rapporteur pour avis sur le PLFSS, à savoir le poids du système des retraites sur la dépense publique. En effet, dans la plupart des régimes de retraite, les cotisations ne sont pas suffisantes pour couvrir le niveau des pensions.
En particulier, concernant les régimes de retraite des fonctionnaires publics, l’État augmente artificiellement chaque année les taux de cotisation employeur, afin de combler les déficits. Un même système est appliqué à la CNRACL. Si un taux de cotisation identique à celui du secteur privé était appliqué, le niveau des cotisations employeur serait beaucoup plus faible.
Une présentation unifiée de ces éléments serait nécessaire, comme le recommande d’ailleurs notre collègue Sylvie Vermeillet…
Mme Nathalie Goulet. Notre excellente collègue ! (Sourires.)
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. … pour les retraites de la sphère publique.
Pour l’avenir, on doit malheureusement anticiper la poursuite de la dégradation du déficit de la sécurité sociale, qui devrait s’établir à 20 milliards en 2028, et sans doute davantage si aucune réforme significative n’est entreprise d’ici là.
Or la gestion à venir de la dette sociale interroge. En l’absence d’une nouvelle loi organique, aucune nouvelle reprise de dette par la Cades n’est possible. L’Acoss bénéficie de conditions d’emprunt moins avantageuses que la Cades, même en tenant compte des mesures du présent projet de loi.
Une réflexion de fond doit donc être engagée rapidement sur la gestion de la dette sociale, afin de programmer sa disparition. Il est inadmissible de faire porter le poids de notre couverture sociale actuelle aux générations futures. Ce n’est ni normal ni moral. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, une responsabilité toute particulière pèse sur le Sénat, à l’ouverture de nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Cela a été dit, l’Assemblée nationale n’est pas parvenue au terme de l’examen de ce texte dans le délai imparti. Par conséquent, notre chambre sera la seule en mesure de se prononcer en première lecture sur l’ensemble des mesures de ce PLFSS.
Nos débats seront largement commentés, et nous devons travailler pour aboutir à un texte exigeant. Celui-ci affiche, pour l’instant, un déficit encore très important pour 2025, à hauteur de 16 milliards d’euros. De plus, nous avons appris, à la fin de la semaine dernière, que le montant de l’Ondam pour l’année 2024 serait probablement supérieur aux prévisions initiales de 1,2 milliard d’euros.
Mesdames, messieurs les ministres, convenons que c’est bien tard pour apprendre pareille nouvelle. Je salue néanmoins votre volonté de faire évoluer cette information, ainsi que la transparence et la franchise de nos échanges. J’y vois un progrès. Nous n’avions pas l’habitude de travailler dans un climat de confiance, et cela me paraît essentiel. Chacun pourra ici se prononcer sur ce PLFSS en toute connaissance de cause.
La commission des affaires sociales s’est fixée, elle aussi, une ligne exigeante.
Tout d’abord, nous ne souhaitons pas dégrader le solde proposé par le Gouvernement. Nous savons que nos partenaires scrutent la séquence budgétaire de notre pays et que la crédibilité de la France est en jeu, de même que celle des travaux du Sénat. Il convient donc de faire preuve de responsabilité.
Ensuite, nous savons que vous avez disposé de peu de temps pour préparer ce budget, mesdames, messieurs les ministres, et qu’il implique par conséquent des efforts importants. Là encore, nous avons suivi votre logique.
Néanmoins, la commission vous fera des propositions afin de mieux répartir cet effort, qui, dans la période actuelle, doit être l’affaire de tous – retraités, salariés, employeurs, entreprises, complémentaires santé, assurés, professionnels de santé, gestionnaires des caisses de la sécurité sociale. En somme, à nos yeux, chacun doit participer, mais de façon équitable et, surtout, en préservant l’emploi et la qualité des services.
Cette feuille de route se traduit par des choix forts, dont nous aurons l’occasion de débattre. Je veux revenir plus particulièrement sur trois d’entre eux.
Premièrement, concernant les allégements généraux, nous avons accepté le principe d’une maîtrise d’un dispositif dont le coût a augmenté de près de 20 milliards d’euros ces trois dernières années. Pour autant, la commission formulera des propositions d’évolutions qui, sans trop dégrader le rendement attendu, devraient éviter un effet significatif sur l’emploi.
Deuxièmement, nous proposerons d’instaurer une « contribution de solidarité par le travail », reposant sur sept heures de travail supplémentaires chaque année pour chaque actif, afin de financer la branche autonomie. Cette mesure, je le sais, donnera lieu à de larges débats.
Troisièmement, monsieur le ministre, vous vous dites satisfait de l’augmentation de 6 % de votre budget. Au regard du contexte, j’entends vos propos. Pour autant, cette hausse est loin d’être suffisante pour répondre aux enjeux. Si nous voulons instaurer de réelles mesures pour le grand âge, nous devons avoir plus d’ambition. Sans cela, nous répéterons, chaque année, le même débat.
Pour notre part, il nous semble important de tracer le chemin de cette ambition, même si nous sommes conscients des difficultés.
Parmi les gestes sur lesquels nous comptons, je me limiterai à l’étalement de la hausse des cotisations patronales à la CNRACL. Nous y voyons un geste fort, susceptible de limiter les tensions, très fortes, sur les établissements de santé et les collectivités territoriales.
Au regard de ces remarques, je souhaite que le Sénat adopte le PLFSS pour 2025 et j’espère que nous parviendrons à un accord avec les députés en commission mixte paritaire.
D’une part, je pense que nous partons sur des bases plus claires, voire plus sincères, que les années précédentes. D’autre part, le Sénat aura sans doute une influence beaucoup plus forte qu’à l’accoutumée sur la copie finale. Nous en prendrons la responsabilité. Surtout, dans notre esprit et, j’espère, dans le vôtre, mesdames, messieurs les ministres, ce PLFSS élaboré en si peu de semaines n’est qu’une première étape.
Après le temps de l’ajustement paramétrique doit venir celui des réformes, qui, seules, nous permettront de dépenser mieux et d’améliorer les services essentiels. Je pense tout particulièrement à la réforme de l’hôpital, à la prévention, au grand âge, à la famille, soit autant de domaines sur lesquels les professionnels et les assurés ont besoin d’un cap.
Nous ne pouvons nous contenter de demander des efforts à nos concitoyens. Nous devons leur donner des perspectives encourageantes, sous peine de faire face chaque année aux mêmes constats et aux mêmes difficultés budgétaires.
Aussi, nous devons faire preuve de responsabilité collective, à l’occasion de ce budget, mais aussi à plus long terme. Nous avons également l’ambition de tracer une ligne pour l’avenir, dans la perspective d’un retour à l’équilibre, tout en garantissant aux Français le maintien de services de qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
(M. Loïc Hervé remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Rossignol, Canalès et Le Houerou, MM. Kanner et Jomier, Mmes Poumirol, Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d’une motion n° 1264.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 129, 2024-2025).
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’est pas coutumier du dépôt systématique de motions de procédure.
Selon nous, il convient d’examiner les projets de loi, de débattre des amendements et, à la fin, de soumettre au vote le texte éventuellement enrichi des modifications adoptées. Or c’est justement parce que nous sommes soucieux de ces principes que je défends devant vous cette exception d’irrecevabilité et vous demande donc de renvoyer le texte à l’Assemblée nationale.
En effet, nous ne pouvons pas sereinement examiner le PLFSS en l’état. En réalité, celui-ci ne nous a pas été transmis par l’Assemblée nationale, puisqu’il n’y a pas été adopté. Ce texte ne nous vient de nulle part !
La procédure retenue par le Gouvernement a abouti à enjamber purement et simplement l’Assemblée nationale. Elle n’est conforme ni à nos institutions, ni au parlementarisme, ni à l’exercice de la souveraineté nationale.
Que s’est-il passé à l’Assemblée nationale ? En commission, les deux premières parties du PLFSS ont été rejetées, ce qui, déjà, n’est pas banal. En séance publique, la deuxième partie, sur les recettes, a été adoptée – enrichie, bien sûr, par les amendements votés par une majorité de députés.
Ces amendements tendaient à augmenter de 17 milliards d’euros les recettes de la sécurité sociale. Ce montant représente 2,5 % de ses ressources. On est donc loin de la « folie fiscale » dont nombre de commentateurs ont fait mention. Une hausse de 2,5 % les recettes, c’est, à notre sens, précisément l’inverse de la folie, c’est-à-dire la raison.
La folie, c’est de laisser, année après année, se creuser le déficit de la sécurité sociale, jusqu’à ce que celle-ci ne puisse plus remplir ses missions et qu’il ne reste plus qu’à confier au secteur privé ce qui relève actuellement de l’assurance collective.
La folie, c’est de s’en prendre aux assurés sociaux, en augmentant le ticket modérateur sur les médicaments comme sur les consultations.
La folie, c’est de s’en prendre aux malades et aux retraités.
La folie, c’est d’augmenter l’Ondam hospitalier de seulement 0,3 % – c’est en effet ce qui reste de la hausse, une fois déduites les cotisations à la CNRACL, dont je rappelle qu’elles pèsent sur les personnels hospitaliers, ainsi que l’inflation.
La raison, à l’inverse, c’est de sauver notre système de protection sociale en lui assurant des recettes supplémentaires, afin de le ramener progressivement à l’équilibre.
Revenons à ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale. Après que la deuxième partie du PLFSS a été adoptée, la gauche a continué à faire voter des modifications utiles, mais elle a aussi fait preuve d’un grand sens de la responsabilité, en retirant de nombreux amendements pour respecter le calendrier prévu pour l’examen du texte.
Toutefois, c’était sans compter la réaction de ce que l’on pourrait qualifier d’« association de malfaisants ». Je parle ici du fameux « socle commun », dont on ne comprend plus très bien ce dont il est le socle ni ce qu’il y a de commun entre ces députés qui déposent des amendements parfois contradictoires et même, pour certains d’entre eux, hostiles au projet du Gouvernement !
Or ce « socle commun », de pair avec le Gouvernement, a multiplié les manœuvres dilatoires pour éviter qu’un vote sur l’ensemble du PLFSS ne se tienne à l’Assemblée nationale.
Aussi, le 5 novembre à minuit, alors que, de jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, il était possible de prolonger le débat tard dans la nuit – les députés y étaient prêts, du moins ceux de gauche –,…
M. Xavier Iacovelli. En tout cas, les sénateurs y sont prêts ! (Sourires.)
Mme Laurence Rossignol. … le Gouvernement a mis fin à l’examen du PLFSS, et cela, j’y insiste, sans vote !
Certains ont dit que cela revenait, somme toute, à utiliser l’article 49, alinéa 3. Mais non ! Au moins, en cas de 49.3, il y a un vote ! Le Gouvernement engage sa responsabilité et prend le risque de la censure.
En choisissant de recourir à l’article 47-1 de la Constitution, le Gouvernement n’a pris aucun risque, du moins pour lui-même, car il a fait peser tout le risque sur la démocratie, le Parlement et notre système de santé.
Y avait-il une autre voie possible ? Bien sûr ! Celle de la coconstruction. Alors que le Premier ministre avait indiqué que le PLFSS était « perfectible », en réalité, à aucun moment le Gouvernement n’a cherché à solliciter les députés pour modifier sérieusement le texte.
Ce qui ressemblait à une main tendue de la part du Premier ministre n’a été, en fin de compte, qu’un coup de main donné au président du groupe de la Droite Républicaine de l’Assemblée nationale. C’est lui en effet qui a annoncé, quelques jours plus tard, l’évolution de la position du Gouvernement sur le gel de la revalorisation des pensions de retraite. Toutefois, que ceux qui nous écoutent le sachent, les pensions de retraite seront bel et bien gelées !
J’entends certains de mes collègues, qui ont sans doute trouvé long de passer douze ans dans l’opposition, se réjouir que le Sénat soit la chambre dans laquelle va s’écrire le PLFSS.
Chers collègues, j’ai une très haute opinion de nous-mêmes et de nos travaux, mais je ne me réjouis pas avec vous.
M. Patrick Kanner. Très bien !
Mme Laurence Rossignol. L’article 24 de la Constitution prévoit que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales.
L’Assemblée nationale est élue au suffrage universel, contrairement à notre chambre, et elle a toujours le dernier mot. Elle ne peut être contournée sans que la souveraineté nationale, c’est-à-dire l’ensemble des représentants du peuple au Parlement, soit écartée par le même coup.
Le Gouvernement nous donne un rôle qui n’est pas le nôtre et qui n’est pas conforme à nos institutions. Ce rôle, nous n’en voulons pas. Nous n’avons aucune légitimité à nous substituer aux députés et à nous rendre complices d’un déni démocratique.
Pensez-vous vraiment que la démocratie se porte si bien, en France et partout ailleurs, que l’on puisse la maltraiter, la contourner, la nier ? Il nous semble, à l’inverse, que nous devons être exemplaires dans l’exercice démocratique, plus que jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Bravo !
Mme Laurence Rossignol. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à voter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chers collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, j’entends bien les raisons pour lesquelles vous soutenez cette motion. En revanche, je n’ai pas bien compris les arguments qui viennent d’être avancés.
Mme Laurence Rossignol. Je peux recommencer, si vous voulez !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Plus exactement, nous avons bien compris vos arguments, madame la sénatrice, mais nous n’y adhérons pas.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est différent !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout d’abord, dans l’exposé des motifs, les auteurs de cette motion déplorent que le rapport annexé n’affiche pas de trajectoire de retour à l’équilibre. C’est pour cette raison, comme je l’ai dit dans la discussion générale, que j’ai déposé l’amendement n° 137. Il s’agit en effet non pas d’une programmation, mais d’une prévision. Cette trajectoire ne prend pas en compte certaines mesures qui seront décidées dans les années à venir.
Nous nous accordons sur le fait qu’il faut ramener la trajectoire à l’équilibre, mais nous ne sommes pas en train de voter le PLFSS 2026 !
Ensuite, madame Rossignol, vous regrettez la façon dont les débats se sont passés à l’Assemblée nationale. Nous aussi, nous aurions préféré que les députés arrivent au terme de l’examen du texte. Et je suppose que c’est également le cas du Gouvernement. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas notre sentiment…
Mme Raymonde Poncet Monge. Le Gouvernement en avait pourtant les moyens !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C’est pour cette raison que, selon moi, le débat doit avoir lieu au Sénat. Que se passerait-il en effet, si cette motion était votée ?… Sans PLFSS, qu’en serait-il de l’avenir de la protection sociale des Français ?
Pour autant, je sais que vous ne refusez pas l’obstacle et que vous avez préparé suffisamment d’amendements pour que nous puissions débattre de ce texte ici, au Sénat.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Tout d’abord, il est vrai que le débat sur le PLFSS n’est pas allé jusqu’à son terme, mais ce n’est pas de la faute du Gouvernement ! (Si ! sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Ou alors il va falloir m’expliquer en quoi c’était sa faute !…
Mme Laurence Rossignol. Vous n’étiez pas obligés d’interrompre le débat à minuit pile !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Nous ne l’avons pas prolongé ; pour autant, l’ensemble des ministres compétents ont répondu aux questions portant sur le PLFSS, de façon concise.
Toutefois, le nombre d’amendements étant trop important, il n’était pas possible d’examiner l’ensemble du texte à l’Assemblée nationale. Il en restait en effet plus de 450…
Mme Laurence Rossignol. 240 amendements !
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Non, il en restait 424 !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. En effet, pour être précis, il restait 424 amendements à examiner.
Il n’était donc pas possible d’achever l’examen du texte dans le délai constitutionnel prévu. Mais peut-être considérez-vous que respecter le délai constitutionnel revient à ne pas respecter le Parlement ?…
Par ailleurs, il est quelque peu baroque de s’entendre dire que nous n’avons pas respecté le débat à l’Assemblée nationale, alors même que l’on nous a reproché pendant des semaines de le laisser traîner… Il faudrait savoir ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Ce gouvernement fait vivre le débat dans chaque chambre du Parlement, d’abord à l’Assemblée nationale, puis au Sénat. Dans ces conditions, l’adoption d’une motion de rejet qui, justement, empêcherait le Sénat d’examiner le PLFSS entrerait en contradiction avec le reproche que vous nous adressez !
Les rapporteurs, pour chaque branche, de la commission des affaires sociales viennent d’évoquer, à juste titre, les nécessaires modifications de ce texte, dont le Gouvernement a dit depuis le début qu’il était perfectible. Discutons-en, examinons les amendements et délibérez, mais ne rejetez pas le débat !
Votre motion est totalement contradictoire (Mme Laurence Rossignol proteste.), puisque vous regrettez que les débats à l’Assemblée nationale n’aient pas été achevés et que vous proposez, dans le même temps, qu’il n’y ait même pas le début d’une discussion au Sénat !
Vous comprendrez que cela ne m’apparaisse pas acceptable et que j’émette un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous auriez dû mieux écouter la présentation qui a été faite de la motion, monsieur le ministre !
Vous ne pouvez pas nier que s’est constituée à l’Assemblée nationale, au bout d’un moment, une sorte de coalition favorable à la prolongation du débat.
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous dites que vous avez refusé de le prolonger de quelques heures, car le délai constitutionnel était passé. Ce n’est pas vrai, il ne l’était pas ! Vous auriez donc pu ouvrir le débat quelques heures supplémentaires, durant lesquelles des amendements auraient peut-être été retirés.
Cette situation a une conséquence sur l’économie de ce texte : nous, représentants de la gauche sénatoriale, devrons faire tout le travail ! En effet, certains amendements visant à prévoir des dépenses ont été adoptés en commission… Mais comme nous ne pouvons pas faire de propositions en ce sens, sauf à ce que l’on nous oppose l’article 40 de la Constitution, nous voilà condamnés à commenter ce texte en disant, pour reprendre des propos qui ont été tenus tout à l’heure, que ce qui nous est soumis « est bien parce que cela aurait pu être pire ».
Or je ne suis pas d’accord : ce texte n’est pas meilleur que celui qu’avait présenté le Gouvernement !
La droite sénatoriale substitue à la suppression d’un jour férié suggérée par le Gouvernement une contribution de solidarité par le travail. Or, à l’Assemblée nationale, les députés avaient proposé plusieurs contributions de solidarité par le capital,… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Nous y voilà !
Mme Raymonde Poncet Monge. … qui avaient été adoptées et qui n’auraient pas eu d’effet négatif, vous le savez, sur l’emploi et sur la compétitivité.
M. Laurent Burgoa. Bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Du fait de l’économie générale du présent texte, je le répète, nous sommes quasiment impuissants, parce que l’on nous oppose tous les articles 40, 41, 45, 38 de la Constitution… Pourtant, et là aussi vous le savez, il aurait pu en être tout autrement.
Au Sénat, le texte sera aggravé ; ou, tout au moins, à ses dispositions initiales seront substituées des mesures tout aussi indéfendables. C’est donc sciemment que vous avez empêché l’Assemblée nationale de conclure le débat sur le PLFSS !
Voilà pourquoi nous demandons que ce texte soit renvoyé à l’Assemblée nationale, où la discussion aurait dû s’achever. (Mmes Émilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le débat de fond, nous allons l’avoir – il est d’ailleurs commencé. Il n’y a aucun problème à cet égard. En revanche, je vous prie de m’excuser, mais je ne puis laisser dire n’importe quoi…
Mme Laurence Rossignol. Un peu de respect !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. C’est très important : dire que le Gouvernement a empêché la tenue des débats à l’Assemblée nationale, c’est un mensonge !
Je vais vous donner un exemple de ce qui a prolongé les débats dans ladite chambre, madame la sénatrice. Le député Jérôme Guedj, qui avait déposé une motion de rejet dont la présentation a duré des dizaines de minutes, et qui a été commentée pendant une durée équivalente, l’a retirée juste avant le vote. Voilà une perte de temps et une façon de laisser traîner le débat contre la volonté du Gouvernement, voyez-vous !
Je vous invite – j’imagine que vous l’avez déjà fait, parce que vous êtes de bonne foi – à examiner précisément comment s’y est déroulée la discussion : à aucun moment, le Gouvernement ne peut être accusé de l’avoir laissé traîner.
Mme Laurence Rossignol. Et sa majorité ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Votre intervention portait aussi sur le fond du texte. Il est vrai que, à cet égard, le Gouvernement est en désaccord avec la version du PLFSS adoptée à l’Assemblée nationale. Pour autant, je vous rappelle que, s’agissant du projet de loi de finances, nous sommes allés au bout de son examen, parce que le délai constitutionnel le permettait.
Ce gouvernement n’a ni ralenti ni entravé la discussion sur le projet de loi de finances, et il n’empêche pas les débats de se tenir, pas plus à l’Assemblée nationale qu’au Sénat !
Par ailleurs, il est faux de dire que le texte présenté au Sénat est exactement le même que celui qui a été présenté initialement à l’Assemblée nationale. En effet, nous avons repris un certain nombre d’amendements déposés par chacun des groupes politiques, y compris le vôtre, madame la sénatrice, comme vous pourrez le constater lors de l’examen du présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Non, monsieur le ministre, les conditions d’examen de ce texte ne sont pas stables !
Ainsi, le Gouvernement continue actuellement à déposer des amendements, donc à modifier les données financières du PLFSS, tandis que la commission a commencé à se réunir et qu’elle a déjà réalisé un certain travail. Quant aux irrecevabilités, elles ne sont pas toutes publiées, alors même que le débat a commencé !
Tandis que nous commençons l’examen du projet de loi dans de telles conditions, et avec une semaine de retard, le Gouvernement continue à modifier le texte issu de l’Assemblée nationale ! Certes, vous en avez le droit. Mais, comme l’a dit Mme Rossignol, ce n’est pas bon pour la démocratie.
Je fais partie de ceux qui disent que la chambre des territoires a un rôle important dans le cadre de notre Constitution. Pour autant, elle n’est pas la chambre du peuple. Je ne me substituerai donc pas à ceux qui représentent le peuple, quoi que je pense des travaux de l’Assemblée nationale,…
M. Bernard Jomier. … parce que je respecte la chambre qui est issue du suffrage universel.
Vous, en revanche, vous n’avez pas respecté l’Assemblée nationale. En effet, les membres du « socle commun » qui vous soutient ont manœuvré – nous l’avons tous vu – pour être absents quand il fallait être absents et présents quand il fallait être présent. Ils ont été très malins et très agiles, il faut le reconnaître !
M. Bernard Jomier. Néanmoins, être malin et agile, cela ne renforce pas la démocratie ; ce sont la clarté et l’honnêteté qui la renforcent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Silvana Silvani applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je souscris à presque tout ce qui a été dit sur la manière dont le débat s’est déroulé à l’Assemblée nationale. Mais quoi que nous disions, les uns et les autres, les Français observent ce qui se passe au sein de nos assemblées et peuvent juger sur pièces de la manière dont les choses sont conduites…
Je souhaite poser une question à laquelle je ne sais si vous pourrez répondre, mesdames, messieurs les ministres.
J’ai bien compris que la majorité sénatoriale piaffait d’impatience de débattre de ce PLFSS, car elle pense que, finalement, ce texte sera le sien. Au reste, ce gouvernement n’est-il pas aussi en grande partie le sien ?
Le Premier ministre a laissé entendre qu’il aurait vraisemblablement recours à l’article 49.3 sur le projet de loi de finances. Qu’en sera-t-il sur le PLFSS ? Au moment où nous commençons ce débat, peut-être nos collègues, y compris ceux de la majorité sénatoriale, aimeraient-ils savoir ce qu’il adviendra finalement de ce texte ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée. Il faudra attendre la commission mixte paritaire pour le savoir !
Mme Céline Brulin. Vous nous dites que vous souhaitez que le débat ait lieu ici, au Sénat, puisqu’il n’a pas pu se tenir à l’Assemblée nationale. Mais quelle garantie avons-nous que ces échanges auront, à la fin, des incidences sur le PLFSS ? En effet, chacun le sait comme moi, si 49.3 il y a, alors le Gouvernement pourra inscrire strictement ce qu’il veut dans ce texte !
Une réponse à ma question serait utile, en ce qu’elle permettrait d’éclairer notre discussion relative à la motion qui vient d’être présentée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je suis quelque peu troublée d’entendre qu’il existerait une stratégie ou une théorie du complot et que le Gouvernement aurait pesé sur le débat à l’Assemblée nationale. Tel n’a pas été le cas !
Ce débat se prolongeait, et le nombre d’amendements déposés était invraisemblable ; en dépit du retrait de certains d’entre eux, le stock, si j’ose m’exprimer ainsi, n’a pu être épuisé. Pour autant, nous avons eu des débats nourris sur de nombreux sujets, et nombre d’amendements ont été repris dans le texte qui vous est proposé aujourd’hui. Je pense donc que la sincérité du débat est respectée.
Je suis également navrée de vous entendre dire, monsieur le sénateur, que les chiffres du PLFSS ont changé. M. le ministre chargé du budget et des comptes publics l’a dit, nous avons reçu à la fin de la semaine dernière une alerte : nous prévoyons 1,2 milliard d’euros de recettes en moins, ce qui pose une difficulté pour l’Ondam de 2024.
Nous avons décidé, par sincérité, d’inscrire cette prévision dans le présent PLFSS, afin de ne pas esquiver le débat ; à défaut, nous aurions retrouvé ce chiffre l’année prochaine, et vous nous auriez alors accusés d’avoir voulu dissimuler des choses.
C’est justement parce que la sincérité et la franchise font partie de mes valeurs que j’ai souhaité que ce montant soit inscrit dans le PLFSS présenté au Sénat.
Enfin, je suis quelque peu meurtrie d’entendre parler d’« association de malfaisants ». Je sais que les débats politiques peuvent parfois être rudes, mais certains mots n’ont pas leur place ici… (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il me paraît très curieux de contester ce PLFSS, alors que notre pays est dans une situation extrêmement difficile.
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. Daniel Chasseing. Nous devons absolument, pour nos enfants et pour l’avenir, changer de trajectoire, comme le proposent le Premier ministre et son gouvernement.
Je rappelle que le remboursement de la dette publique représente 55 milliards d’euros par an ! On ne peut donc pas ignorer ou négliger les marchés et nos créanciers, car une hausse des taux d’intérêt entraînerait une augmentation de la charge de la dette.
Nous devons, mes chers collègues, retrouver une trajectoire financière qui s’établisse autour de 5 % de déficit ; si rien n’était fait, celui-ci serait de 7 %.
Le présent PLFSS prévoit un déficit de 16 milliards d’euros, malgré le changement de trajectoire prévu. Pour autant, le financement de la santé est préservé, puisque les économies envisagées portent sur les exonérations de recettes. Quant au niveau d’indexation des petites retraites, il est maintenu.
Tous les engagements qui avaient été pris dans ce texte sont maintenus. Il nous faut écouter et soutenir les propositions constructives faites par les rapporteurs et améliorer ce texte en étant responsables. Nous devons sauver la sécurité sociale créée par le Conseil national de la Résistance et ne pas laisser une dette ingérable à notre pays et à nos enfants.
Ne rejetons pas ce PLFSS : améliorons-le, en conservant les objectifs qui y sont fixés ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – M. Christopher Szczurek applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 1264, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 40 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 98 |
Contre | 242 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d’une motion n° 922.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 129, 2024-2025)
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la motion.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les conditions dans lesquelles nous entamons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 sont particulièrement préoccupantes.
En effet, le Gouvernement a détourné l’usage de l’article 47-1 de la Constitution pour empêcher l’examen du PLFSS pour 2025 à l’Assemblée nationale.
Vous avez, dans un premier temps, choisi cette option parce que vous connaissez l’hostilité des Français à l’égard de l’utilisation de l’article 49.3, que vous affectionnez particulièrement. Vous avez choisi de faire de l’obstruction systématique pour que l’examen de ce texte n’aille pas à son terme.
Les groupes parlementaires du socle gouvernemental, en déposant 1 200 des 2 300 amendements présentés sur le texte, ont rendu impossible l’examen de la totalité du PLFSS dans le délai imparti de vingt jours. Les rappels au règlement à répétition et les secondes délibérations sur les votes ont permis au Gouvernement, minoritaire, de transmettre au Sénat la version initiale du texte, avec uniquement les amendements qui lui convenaient.
Il faut dire que l’examen du texte à l’Assemblée nationale a été une véritable déroute pour le Gouvernement, qui a accumulé les défaites et les défections dans son propre camp.
Les députés de gauche avaient réussi à faire adopter près de 20 milliards d’euros de recettes nouvelles, notamment au travers d’un amendement visant à soumettre à cotisations sociales les dividendes, l’intéressement, la participation et les plus-values de levée-vente d’actions.
Le Gouvernement a perdu sur les amendements portés par la gauche, mais aussi contre ses propres troupes. Ainsi, la suppression de l’article 6, qui prévoyait une toute petite réduction des cadeaux aux entreprises, a été votée par les députés du Rassemblement national, de la droite et du centre.
Heureusement, le Gouvernement, sans majorité à l’Assemblée nationale, peut compter sur ses soutiens ici, au Sénat, pour faire le sale boulot. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il faut le dire aussi, les conditions sont réunies pour priver le Parlement d’un débat démocratique sur un budget de 662 milliards d’euros.
Le PLFSS pour 2025 est un budget d’austérité, dont les deux tiers des économies reposent sur les assurés sociaux, avec une baisse de leurs prestations de retraites, une réduction des indemnités journalières, une hausse des franchises médicales et – dernière en date – une diminution du remboursement des médicaments.
Ce texte austère se borne à prévoir les objectifs de dépenses des branches de la sécurité sociale, mais ne contient aucune mesure sur les sujets qui sont pourtant au cœur des préoccupations de nos concitoyens.
Ce PLFSS pour 2025 ne prévoit aucune mesure sur l’accès aux soins, rien sur la formation des professionnels de santé, rien sur les fermetures de services d’urgences, rien sur l’installation des médecins dans les déserts médicaux, rien sur le contrôle des crèches privées lucratives, rien sur la défense de la souveraineté de la France en matière de médicaments, rien sur la lutte contre les morts au travail !
Ce texte d’austérité est totalement déshumanisé. On n’y voit que des chiffres et des tableaux, mais les personnes ne sont jamais prises en compte.
Le Gouvernement invisibilise les professionnels qui font vivre la sécurité sociale à tous les niveaux : ceux et celles qui se donnent sans compter, du médecin à l’aide à domicile, du contrôleur médical au salarié de la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat), de l’infirmière de bloc opératoire à l’auxiliaire de puériculture.
Vous ne pourrez pas utiliser l’argument des délais de préparation du PLFSS, alors que les services de Bercy travaillaient sur ce texte depuis le printemps dernier et que les mesures figurent dans le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) transmis à Bruxelles.
Le PLFSS pour 2025 ne fait pas état explicitement des mauvais coups prévus par le Gouvernement. Mais il y est prévu, sans que cela soit dit explicitement, une augmentation du taux de cotisation des hôpitaux et des collectivités à la CNRACL de 12 points sur quatre ans, une hausse du ticket modérateur et une baisse des indemnités journalières.
Tout cela, le Gouvernement se chargera de le mettre en œuvre par décret lors des vœux de janvier, au moment où l’on se souhaite une bonne santé…
Nous le savons et nous le vivons dans nos territoires, avec l’inflation et la pauvreté, le sujet de la santé fait partie des premières préoccupations des Français. Comme chaque année, notre groupe a donc décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable pour marquer son opposition à la philosophie qui sous-tend ce texte.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est injuste, insuffisant, inefficace et scandaleux sur le plan de la méthode, puisque n’y sont pas repris les amendements des députés votés majoritairement à l’Assemblée nationale. Quel déni de démocratie !
Quoi que vous en disiez, le Gouvernement poursuit et aggrave les politiques de réduction des dépenses de la sécurité sociale en 2025.
S’agissant des dépenses de santé, le gouvernement prévoit une augmentation des dépenses de 2,8 %, soit, après la déduction du taux d’inflation, une hausse de 1,8 %. Si l’on retranche la hausse des cotisations de la CNRACL, la hausse des dépenses de santé sera de seulement 0,6 % en 2025.
Le budget de l’assurance maladie progresse, donc, mais, si on le compare aux besoins existants, nous sommes à des années-lumière de ce qu’il faudrait investir.
La Cour des comptes estime, par exemple, que l’évolution naturelle des dépenses de santé est de +4,5 % par an. Quant à la Fédération hospitalière de France (FHF), présidée par Arnaud Robinet, maire de Reims, qui est membre non pas du parti communiste, mais du parti d’Édouard Philippe, Horizons, elle préconise pour 2025 un Ondam à 4,2 %, afin de tenir compte de l’inflation et de l’augmentation des cotisations CNRACL.
Le Gouvernement refuse d’entendre la souffrance des personnels des secteurs de la santé et du médico-social, ainsi que celle des patientes et des patients qui n’ont plus de médecin traitant, que ce soit en zone urbaine ou, pis encore, en zone rurale. Six millions de nos concitoyens sont concernés par cette triste réalité. Ils attendent des heures sur les brancards dans les couloirs des hôpitaux, faute de moyens et de personnels dans ces établissements !
Mesdames, messieurs les ministres, vous serez comptables de la destruction du service public de la sécurité sociale, tout comme la majorité sénatoriale, si critique lorsqu’elle est dans l’opposition, mais bien silencieuse dès lors qu’elle soutient le Gouvernement.
Regardez en face la situation des services de santé, désertés par les professionnels qui sont dégoûtés et épuisés de travailler dans des conditions aussi pénibles !
En Haute-Marne, les patients des services des urgences doivent patienter sur le parking des ambulances de l’hôpital de Langres. Est-ce acceptable ? En 2023 ont été supprimés 4 900 lits d’hospitalisation ; ce sont 43 500 lits d’hospitalisation avec nuitée qui ont été perdus en dix ans. Est-ce acceptable ?
Ne faudrait-il pas tirer le signal d’alarme lorsque l’on constate que 42 % des maternités ont fermé depuis 1995 sur notre territoire ?
Le Gouvernement reste sourd aux revendications des organisations syndicales pour améliorer l’attractivité des métiers et les niveaux de rémunération, alors même que les hôpitaux sont au bord de l’implosion et que la médecine de ville est à bout de souffle : 85 % du territoire français est un désert médical et 66 % des Ehpad sont en situation de déficit.
Le Gouvernement est particulièrement à l’écoute, en revanche, lorsque se font entendre les doléances du patronat destinées à éviter que ne soient trop remis en cause les cadeaux aux entreprises sous forme d’exonérations de cotisations sociales. Le Medef (Mouvement des entreprises de France) refuse ainsi que l’on réduise les 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales, ou même qu’on les conditionne, par exemple, au maintien dans l’emploi en France ou au respect de l’environnement.
En 2023, les exonérations de cotisations représentaient 16 % des 486 milliards d’euros d’excédents bruts des entreprises. La part des contributions des employeurs dans le financement du régime général est passée de 72 % en 1980 à 50 % en 2000, pour atteindre 28 % en 2022. Pour la branche maladie, la contribution des employeurs ne représente plus que 37,1 %.
La baisse de la part patronale dans le financement de la sécurité sociale a été compensée par une augmentation de la part de la contribution sociale généralisée (CSG) et par un transfert des recettes de la TVA.
En résumé, les assurés sociaux cotisent toujours plus longtemps, devront payer plus cher leurs complémentaires santé, financeront la sécurité sociale à la place des entreprises en faisant leurs courses via la TVA et seront moins bien remboursés en cas d’arrêt maladie ou lors de leur rendez-vous chez le médecin.
Ce PLFSS est donc particulièrement injuste, puisque les trois quarts des efforts reposent sur les assurés sociaux, sans que soient augmentées les cotisations des entreprises, pas plus que celles des grands groupes qui font des profits ou celles des revenus financiers.
Vous qui aviez combattu à nos côtés, chers collègues de la majorité sénatoriale, la hausse de la CSG pour les retraités au nom de la préservation des pensions de retraite, que dites-vous aujourd’hui ?
Vous qui avez soutenu la réforme des retraites, qui a ôté deux années de vie aux salariés pour éviter de réduire les pensions (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), que proposez-vous ? Vous préconisez de baisser les pensions de retraite au travers de votre scandaleux amendement n° 194, déposé à l’article 23 !
Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, les sénatrices et les sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky vous invitent à voter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Annie Le Houerou et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, ma chère collègue, d’avoir exposé les arguments appuyant votre motion, laquelle ressemble cependant à la présentation d’une opposition de principe à tout travail en commun à nos côtés pour diminuer le déficit de la sécurité sociale.
Les propositions que nous formulerons tout au long de cette semaine ne sont pas les vôtres, et je le comprends. Mais vous verrez que nous pourrons parfois vous rejoindre sur certains de vos amendements.
Il est vrai que tout ne va pas bien dans notre système de sécurité sociale. Mais si vous vous promenez en Europe et dans le monde, vous constaterez qu’il est tout de même exemplaire et qu’il n’en existe guère qui lui soit comparable… On peut certes le critiquer, mais le faire continuellement donne à penser que tout va mal. Et ce discours, selon moi, est déplorable.
Il faut essayer de trouver des solutions, et c’est ce que nous avons voulu faire, avec le Gouvernement. Cela, ce n’est pas faire le « sale boulot » : c’est faire le boulot, tout simplement ! Il s’agit d’être présent à l’heure où les difficultés s’amoncellent.
Au Sénat, nous avons compris que le Gouvernement n’avait pas eu beaucoup de temps pour rédiger ce PLFSS.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il fallait débattre de ce texte, sur lequel nous avons porté un regard différencié et pondéré. Par exemple, nous avons préservé les petites retraites et, concernant les allégements généraux, maintenu les salaires au niveau du Smic. Bref, nous avons cherché avec nos collègues à remédier à ce que vous dénoncez comme une injustice.
J’émets donc un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame la sénatrice, j’ai bien entendu votre opposition à toute l’architecture qui sous-tend ce PLFSS. Toutefois, je voudrais rétablir quelques éléments de fond.
Nous augmentons l’Ondam hospitalier de 3,1 % : ce n’est pas rien.
Mme Émilienne Poumirol. Et l’inflation ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. L’Ondam hospitalier était de 80 milliards d’euros en 2018. Il est à présent de 109 milliards d’euros. Ce bond, considérable (Mme Émilienne Poumirol proteste.), a été rendu nécessaire par les revalorisations des salaires des soignants décidées dans le cadre du Ségur de la santé. Il a aussi permis des dépenses d’investissement et la transformation de nos hôpitaux.
Je rejoins Mme la rapporteure générale pour souligner qu’il n’y a pas que des points noirs dans notre système. Il existe des difficultés, auxquelles nous devons nous attaquer, mais, dans nos hôpitaux, il y a aussi beaucoup de choses qui fonctionnent très bien. Il faut le dire de temps en temps, faute de quoi les soignants finissent par être désespérés par les discours déclinistes.
Les patients sont bien pris en charge. Les destructions de lits d’hôpitaux que vous mentionnez doivent être mises en perspective avec l’évolution de la prise en charge des personnes au XXIe siècle. En chirurgie comme en médecine, les prises en charge ambulatoires ont beaucoup augmenté, et l’unité est non plus le nombre des lits d’hébergement, mais celui des places à la journée. L’évolution des pratiques médicales doit être prise en compte.
Je ne souhaite pas être plus longue, mais ces quelques chiffres me semblent importants, à l’heure où l’on parle de l’hôpital. Nous tenons à ce dernier ; nous voulons continuer de le conforter et l’aider à évoluer positivement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Il n’est pas dans les habitudes du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de voter les motions tendant à opposer la question préalable, car nous aimons le débat, que nous pensons utile.
Toutefois, pour les raisons développées par Laurence Rossignol lors de sa présentation de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, compte tenu du contexte exposé par Mme Apourceau-Poly et des conditions dans lesquelles ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est soumis au Sénat, compte tenu également du contenu de ce texte, qui ne présente aucune des mesures structurantes attendues ni sur l’accès aux soins – il ne comporte rien sur les déserts médicaux – ni sur la qualité des soins – madame la ministre, vous parlez des hôpitaux, mais ceux-ci sont exsangues et leur personnel est épuisé ! –, ni sur le grand âge, ni sur la santé mentale, ni sur la prévention, nous soutiendrons la motion déposée par le groupe communiste.
Ce projet de loi est loin des attentes des Français. Il fait payer aux plus fragiles le déficit, alors que d’autres recettes sont possibles – nous sommes d’accord sur ce point avec Mme la rapporteure générale.
Ce texte comptable est loin de la justice sociale que nous défendons. Pour ces raisons, nous voterons en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Entendons-nous : nous ne refusons pas de débattre du budget de la sécurité sociale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Ah !
Mme Silvana Silvani. Nous refusons de laisser penser que le Parlement aura débattu de ce projet de loi alors que près de la moitié des amendements déposés sur ce texte ont été censurés, dans la mesure où ils ont été déclarés irrecevables.
Nous refusons la parodie de démocratie qui consiste à n’examiner que vos seuls amendements, qui tendent à modifier le niveau de l’effort d’austérité imposé aux hôpitaux, aux collectivités et aux citoyens, sans jamais remettre en cause le principe même de l’austérité.
Le Gouvernement a interprété de manière extensive l’article 47-1 de la Constitution, afin de gagner la course contre la montre, faute de disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale. En déposant plus de 1 300 amendements, les députés du bloc de la majorité ont rendu impossible l’examen du PLFSS dans les délais constitutionnels.
Selon vos dires, il s’agit des règles du débat démocratique. Pourtant, souvenez-vous des débats sur la contre-réforme des retraites, lors desquels vous dénonciez une obstruction de la gauche. La démocratie à géométrie variable, ce n’est pas possible, d’autant plus que tout cela s’achèvera par un 49.3, qui permettra au Gouvernement de composer à sa convenance un texte sur mesure !
Faisons donc semblant de débattre, alors que le sort de ce budget est écrit d’avance dans les couloirs du deuxième étage du Sénat. Mais croyez-nous : si cette motion était rejetée, nous serions prêts à démontrer que votre projet pour la sécurité sociale est injuste. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le PLFSS ne peut pas être seulement un texte budgétaire, comme il l’est pourtant aujourd’hui. Ce projet de loi est quasiment vide ; le Gouvernement l’a lui-même reconnu.
L’examen du financement de la sécurité sociale ne doit-il être qu’une discussion budgétaire ? Cette question générale mérite d’être posée. Pour répondre vraiment aux besoins de la santé, de l’autonomie, de la famille et des autres branches, il faudrait d’abord analyser ces derniers, faire le quantum de leur répartition, définir dans les territoires la forme que doivent prendre ces politiques, et, ensuite, chercher les recettes pour les financer – nous avons d’ailleurs des idées pour en trouver de nouvelles.
M. Laurent Burgoa. Dont acte !
Mme Raymonde Poncet Monge. Bien des mesures permettent des économies futures. Il faut donc investir dans certains domaines, notamment dans la prévention, pour pouvoir maîtriser les dépenses à moyen terme.
Chaque année, nous répétons cette remarque sur la forme que devrait prendre la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or, cette année, on part non des besoins, des demandes ou des aspirations, mais uniquement du problème budgétaire. C’est un vrai problème !
Cela a été dit, le projet de loi ne comporte rien sur la famille, sinon la suite de mesures décidées les années précédentes. Pourtant, un rapport accablant a été récemment rendu sur les crèches, on compte toujours autant d’enfants pauvres et on sait fort bien qu’un enfant pauvre deviendra un adulte pauvre.
Il n’y a rien non plus sur l’autonomie : si l’on donne un petit coup de pouce aux Ehpad, il n’y a absolument rien pour les services domiciliaires. Ce ne sont pas 100 millions d’euros qui résoudront la crise d’attractivité dans le secteur de l’aide à domicile !
Il n’y a rien non plus sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, à part la transposition de l’accord national interprofessionnel. La France est pourtant le dernier élève d’Europe pour le nombre des morts au travail, et nous devrions viser l’objectif de zéro mort au travail d’ici à 2030.
Ce budget, vide, ne peut être accepté en l’état. Notre groupe s’associera donc à la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 922, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 41 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 98 |
Contre | 242 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un contexte marqué par l’importance de l’effort budgétaire demandé à notre pays, les yeux sont rivés sur nos institutions, en particulier sur le Sénat.
Chaque année, nous répétons que les enjeux du projet de loi de financement de la sécurité sociale n’ont jamais été aussi importants. Aujourd’hui, pourtant, j’ai l’impression qu’ils nous imposent une vigilance bien plus accrue encore.
En effet, dans une situation inédite, le PLFSS 2025 exige de nous, législateurs, que nous prenions nos responsabilités et adoptions les mesures les meilleures, les plus justes et les plus équilibrées pour réaliser les efforts budgétaires nécessaires pour le pays.
Nous le savons, ces efforts budgétaires engagent l’avenir de notre système de santé, de notre modèle social, de nos enfants et de nos familles.
La lecture du projet de loi confirme les efforts prévus. Ils ne permettront pas au budget de répondre aux besoins réels de chaque branche, notamment pour la santé ou la famille. L’Ondam augmentera de 263,9 milliards d’euros en 2025, soit de 2,8 %. Cette hausse permettra d’agir efficacement. Ce n’est pas ce que l’on appelle un budget d’austérité !
Cette augmentation, même limitée, est essentielle pour répondre à la croissance des besoins de santé et garantir l’amélioration de la performance du système de santé, ainsi que, surtout, son accessibilité à tous.
C’est pourquoi ma collègue Nadège Navet a déposé un amendement qui tend à alerter sur la crise budgétaire traversée par les trois quarts des centres de santé non lucratifs, en particulier dans son département du Finistère. Elle souhaite répondre à court terme à cette situation, en ouvrant la possibilité de dégager des crédits d’urgence pour éviter la fermeture de ces établissements.
Madame la rapporteure générale, nous soutenons la création de ce fonds d’urgence, vital pour nos territoires et les établissements de santé médico-sociaux. Il y a en effet urgence à agir !
Il y a également urgence à agir contre le surpoids et l’obésité, notamment chez les enfants. La hausse de la taxe soda a été ajoutée dans le texte transmis au Sénat, après avoir été adoptée à l’Assemblée nationale – cette dernière aura donc été utile dans ces débats. Mais cette mesure reste insuffisante. La consommation de sodas en France représente seulement 4 % de la consommation totale de sucres. La mesure est donc un peu hypocrite ; en tout cas, là n’est pas le vrai problème.
Ce sont les industriels de l’agroalimentaire qui doivent faire plus d’efforts en la matière. Le sucre est particulièrement présent dans la majorité, si ce n’est dans l’ensemble des produits alimentaires transformés que nous consommons, la plupart du temps sans le savoir.
Nous défendrons donc un certain nombre d’amendements en ce sens, comme nous l’avions fait l’année dernière. Ces mesures avaient d’ailleurs été soutenues par la majorité du Sénat.
Le projet de loi prévoit d’allouer 59,7 milliards d’euros à la branche famille et au secteur de la petite enfance. Je me réjouis que ces moyens n’aient pas baissé. Je salue l’accent mis sur le service public de la petite enfance, ainsi que l’extension du complément de libre choix du mode de garde des 6 ans aux 12 ans de l’enfant pour les familles monoparentales.
Néanmoins, il reste beaucoup à faire. Des moyens supplémentaires doivent être mobilisés pour répondre pleinement aux besoins réels des familles en France, notamment des plus vulnérables. En effet, la solidarité et l’accompagnement des familles ne sont pas de simples slogans ; c’est une réalité qui doit être appliquée.
Mes chers collègues, nous resterons très vigilants sur ce point. Ma collègue Solanges Nadille y reviendra également après moi.
Ce PLFSS n’est pas qu’un simple exercice comptable ni une guerre entre les branches, plus importantes les unes que les autres. Il constitue, avant tout, un véritable contrat social qui nous engage collectivement. Il incarne notre devoir de garantir l’équité médico-sociale sur l’ensemble de nos territoires, notamment outre-mer, conformément aux principes les plus fondamentaux de notre République.
En outre, nous devons aussi améliorer la fluidité entre la sécurité sociale et les complémentaires santé, tant pour lutter plus efficacement contre la fraude que pour mieux cibler les besoins de prévention, qui demeurent le parent pauvre de notre système de santé.
En responsabilité, nous devons surmonter les carcans parfois hypocrites de nos appartenances politiques, pour prendre les décisions nécessaires et justes pour l’avenir de notre pays, de nos enfants et des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe RDSE, je tiens tout d’abord à remercier M. le président de la commission des affaires sociales et Mmes et MM. les rapporteurs. Tous nous ont permis d’entamer ces débats dans la clarté, alors que la tâche n’était pas si simple.
En effet, mardi 5 novembre à minuit, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a été arrêté net à l’Assemblée nationale, en raison de l’expiration du délai de vingt jours prévus par l’article 47-1 de la Constitution.
Ainsi, nos collègues de l’Assemblée nationale n’ont pu examiner pas moins de quatorze articles relatifs aux dépenses pour l’exercice 2025, parmi lesquels figurent des dispositions fondamentales au sujet des retraites.
Le Gouvernement a transmis au Sénat la version initiale du texte, en retenant quelques amendements des députés. Sur les 213 amendements adoptés lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, 71 ont été repris dans la version que nous avons reçue, parmi lesquels 20 avaient été déposés par le Gouvernement.
Si nous pouvons saluer le changement de méthode et de ton, ainsi que le respect bien plus perceptible du parlementarisme de la part du Gouvernement, les délais d’examen du budget demeurent trop contraignants. Leur effet s’apparente au couperet de l’article 49.3 de la Constitution.
Les dépenses de la sécurité sociale pour 2025 sont fixées à pas moins de 662 milliards d’euros. Notre groupe estime que plus de temps est nécessaire pour se pencher sur une telle somme.
C’est aussi pour cette raison que nous sommes toujours favorables à une réforme structurelle de la sécurité sociale, qui nous permettrait de nous projeter sur le moyen et le long terme. De même, il est nécessaire d’impulser des politiques publiques d’ampleur sur plusieurs exercices, et non plus au coup par coup, à tâtons.
Ainsi, comme l’a évoqué le rapporteur pour avis de la commission des finances Vincent Delahaye, le déficit de la sécurité sociale se dégrade de nouveau en 2024. Il atteint 18 milliards d’euros, soit 7,5 milliards d’euros de plus que la prévision mentionnée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Ce dérapage provient très majoritairement de recettes inférieures aux prévisions. En particulier, le produit de la TVA a été nettement surestimé.
Nous l’avions déploré mot pour mot l’an dernier : la faiblesse des pistes de stabilisation des recettes de la sécurité sociale fait peser un risque réel sur la pérennité du système obligatoire et universel pensé par le Conseil national de la Résistance et créé par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945. Nous nous associons donc aux inquiétudes relatives à la trajectoire financière des régimes exprimées par nos collègues rapporteurs.
Toutefois, la crise du financement de la sécurité sociale provient avant tout de politiques publiques d’exonérations de cotisations patronales déraisonnables et surtout indifférenciées entre les grandes entreprises et les petits entrepreneurs de nos territoires ruraux.
Même le rapport rendu par les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer à la suite de la mission relative à l’articulation entre les salaires et le coût du travail, que l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne leur avait confiée à la fin de 2023, le reconnaît à demi-mot : les baisses de cotisations patronales ne sont pas toujours efficaces sur l’emploi et le niveau des salaires, alors qu’elles dégradent substantiellement les comptes sociaux.
Les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs affiliés au régime général atteignaient 50 milliards d’euros en 2019. Elles ont ensuite connu une hausse spectaculaire de 13,1 % en 2022, avec un montant de 73,6 milliards d’euros, pour enfin se stabiliser à 75 milliards d’euros aujourd’hui.
Par ailleurs, cette dynamique s’inscrit de plus en plus dans une généralisation des dispositifs d’allégement, qui ne sont plus autant ciblés sur des territoires, des secteurs particuliers ou de petites entreprises. Les aides publiques sont donc bien moins conditionnées au respect de critères de justice sociale et territoriale, alors que les besoins sont très clairement là.
C’est pourquoi nous saluons d’ores et déjà la refonte progressive des allégements de cotisations patronales sur les bas salaires. Cette réforme devrait inciter les employeurs à les augmenter, permettant des économies importantes pour la sécurité sociale dès l’an prochain.
Néanmoins, la mesure nous semble incomplète, puisqu’aucun dispositif de différenciation selon la nature de l’entreprise n’est prévu à ce stade. Il est pourtant injuste qu’un artisan plombier ou coiffeur soit logé à la même enseigne que des géants de la grande distribution ou des compagnies pétrolières.
En outre, dans le secteur public, pour réduire le déficit de 3,4 milliards d’euros de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, le Gouvernement avait initialement prévu d’augmenter de 4 % le taux de cotisation des employeurs. La commission des affaires sociales du Sénat s’est prononcée en faveur d’un étalement sur quatre ans de la hausse des cotisations, ce qui nous paraît plus sage.
Toutefois, le groupe RDSE reste très réservé au sujet de cette augmentation, qui, à titre d’exemple, représenterait pour la ville de Mende, dans le département de la Lozère, une charge supplémentaire de 136 000 euros. Cette somme n’irait malheureusement plus au renforcement des services publics de proximité, ô combien essentiels à la qualité de vie des habitants.
En raison de la limitation de mon temps de parole, je ne m’étalerai pas davantage sur l’ensemble des dispositions qui figurent dans le texte. Comme à l’accoutumée, notre groupe aborde cette période budgétaire de manière constructive.
Pour cette raison, nous sommes par exemple satisfaits des mesures en faveur de la lutte contre les pénuries de produits de santé qui se manifestent ponctuellement dans nos pharmacies.
Nous saluons également les financements supplémentaires pour le secteur de la santé mentale, en particulier des jeunes, et les moyens accrus pour les soins psychiatriques et psychologiques. Il s’agit d’un combat important, que notre groupe avait porté l’an dernier en compagnie de notre ancienne collègue, désormais ministre, Nathalie Delattre, au moyen d’une proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale.
Mes collègues et moi-même aurons l’occasion de défendre d’autres propositions tout au long de nos travaux, notamment de nouvelles pistes de recettes. Je pense en particulier à la taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés, au financement de la cinquième branche par une contribution sur les grosses successions et les donations ou à la taxe sur les publicités relatives aux jeux d’argent et de hasard.
Pour conclure, vous l’aurez compris, nous défendrons nos amendements dans un esprit de responsabilité et nous nous prononcerons sur les propositions de nos collègues au cours des prochains jours, qui s’annoncent riches en débats. L’avenir de notre système de protection sociale en dépend. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un contexte politique difficile et face à une situation financière préoccupante pour l’État, la sécurité sociale affiche en 2024 un déficit de 18 milliards d’euros.
Loin d’être anecdotique, le « trou de la sécu » continue de se creuser, sans espoir de retour à l’équilibre, ni en 2025 ni dans les années suivantes. En effet, malgré les 15 milliards d’euros d’économies recherchées, le déficit du PLFSS 2025 s’élèverait encore à 16 milliards d’euros. Il viendrait ainsi grossir la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et la dette sociale, qui s’élève déjà à 145 milliards d’euros.
Ce constat, bien qu’il soit lourd, n’appelle ni à la fatalité ni à la résignation. Il doit au contraire nous pousser à une réflexion lucide sur nos réussites et nos erreurs, afin de nous inciter à mieux faire.
Parce qu’il résulte de causes que nous connaissons bien, ce déficit nous alerte sur les défis sociaux et financiers que nous devons relever. Le vieillissement de la population est une réalité démographique ; la baisse de la natalité en est une autre. Les dépenses de santé et de retraite augmentent, alors que les recettes tirées de la croissance, censées les accompagner, sont en berne.
Ne nous trompons pas : le déséquilibre des comptes de la sécurité sociale n’est pas conjoncturel. Les crises ont certes pesé, mais l’absence de réformes structurelles demeure la principale menace pesant sur notre système.
Nous ne résoudrons donc pas le problème en transférant les remboursements vers les mutuelles et les complémentaires santé. Le remboursement croisé des prestations n’a plus de sens à mes yeux. Il doit cesser, sauf peut-être pour le confort optique ou dentaire, qui relèvent d’un choix personnel.
En revanche, il me semble que confier aux mutuelles le rôle essentiel de la prévention et de la prévoyance a du sens. La transparence doit pour cela être la règle.
Comment tolérer que 110 millions d’euros de dépenses de l’assurance maladie, en particulier dans les établissements de santé, échappent encore à une estimation rigoureuse pourtant nécessaire pour lutter contre la fraude sociale ? La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), les mutuelles et les complémentaires doivent s’y atteler ensemble, pour récupérer les 13 milliards d’euros du montant de cette fraude, selon l’estimation de la Cour des comptes.
J’ai souvent dénoncé les actes médicaux redondants et autres examens inutiles, qui pèsent lourdement sur nos comptes et qui représentent jusqu’à 20 % des prestations selon l’OCDE.
Je répète ce qui, loin d’être un simple discours de principe, est un fait admis par tous, notamment par nombre de professionnels de santé eux-mêmes : l’inscription dans le dossier médical partagé de tous les actes médicaux doit devenir obligatoire pour éviter ces coûteuses redondances. C’est une question non seulement d’économie, mais aussi de qualité de soins.
La fracture persiste entre l’hôpital et la médecine de ville, qui trop souvent devient le seul recours. Nous devons encourager le parcours de soins et tisser les partenariats et le maillage nécessaires avec les autres professionnels de santé : c’est la clé de l’accès aux soins pour tous.
L’autonomie et la dépendance sont aussi des sujets cruciaux. Des étapes importantes ont été franchies. Je pense notamment à l’affectation de 0,15 point supplémentaire de CSG à la CNSA cette année.
Toutefois, le chemin est encore long. Je reste très préoccupé par la situation des services d’aide à domicile et des Ehpad. Je me réjouis de l’enveloppe d’au moins 2 milliards d’euros proposée par notre commission des affaires sociales, ainsi que de la création d’une seconde contribution de solidarité. Mais il n’est pas interdit d’innover, par exemple en instaurant une assurance dépendance obligatoire, comme le proposent certains de nos collègues.
Quant aux retraites, le choix a été fait de répartir l’effort de revalorisation afin de protéger les plus modestes, mais l’enjeu va bien au-delà. Malgré la réforme de 2023, le déficit est persistant. C’est le signe qu’il faut repenser fondamentalement le système.
Les trois régimes par répartition, privé, public et libéral, doivent être traités séparément, pour que chacun retrouve ou maintienne l’équilibre. Pour assurer la pérennité du système, aucune solution ne peut être écartée a priori : système à points, capitalisation, augmentation de la durée du travail et, surtout, du nombre d’actifs.
En ce qui concerne le travail, le lissage des exonérations de charges est justifié, car il faut éviter les pièges à bas salaires et les pertes d’emplois, ainsi que Mme la rapporteure générale l’a très justement indiqué.
Pour augmenter les salaires et la compétitivité des entreprises, il faut trouver des ressources nouvelles sans pénaliser le travail et la productivité. Le groupe Union Centriste propose ainsi d’augmenter la TVA d’un point, à l’exception des biens de première nécessité, pour que les consommateurs partagent l’effort de justice sociale.
En conclusion, si nous voulons ne pas laisser un modèle exsangue aux générations futures, mais préserver une protection sociale digne de ce nom, il est temps de faire preuve de plus d’audace. Le groupe UC soutient les efforts du Gouvernement, de la commission des affaires sociales et de ses rapporteurs. Il votera donc en faveur de ce PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Émilienne Poumirol et Annie Le Houerou applaudissent également.)
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en abordant l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons à l’esprit les plus de 6 millions de nos concitoyens qui n’ont pas de médecin traitant, ainsi que ceux qui passent des heures aux urgences ou qui voient régulièrement ces services de proximité fermer.
Nous avons à l’esprit les soignants et celles et ceux qui exercent les métiers du lien, victimes de conditions de travail de plus en plus difficiles et de rémunérations qui leur font tourner le dos à leur vocation, la mort dans l’âme.
Nous avons à l’esprit les gestionnaires d’établissements publics de santé, du secteur social ou médico-social, qui, malgré leur travail rigoureux, ne parviennent plus à résorber des déficits devenus structurels.
Nous avons à l’esprit ces retraités qui ont du mal à joindre les deux bouts, mais que certains voudraient faire passer pour des nantis…
J’arrête la liste, mais il convient d’apporter des réponses à cet état de choses. Ce PLFSS ne le permet pas. Pis, il aggravera encore toutes ces situations, sans même réduire un déficit annoncé à 16 milliards d’euros. En effet, les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Plutôt qu’aller chercher de nouvelles ressources pour financer notre système de protection sociale, en faisant par exemple contribuer les revenus financiers, qui échappent pratiquement à toute contribution à la solidarité nationale, plutôt qu’examiner sérieusement les exonérations de cotisations et les niches sociales qui grèvent de plus en plus et de plus en plus rapidement nos finances publiques, plutôt que responsabiliser l’industrie pharmaceutique, dont les choix stratégiques sont davantage guidés par le taux de rentabilité que par la santé collective, vous souhaitez faire reposer presque exclusivement les efforts sur nos concitoyens.
Vous vouliez économiser 3,6 milliards d’euros grâce aux retraites en reportant de six mois l’indexation des pensions sur l’inflation.
Face au mécontentement, vous êtes contraints de reculer, mais 56 % des retraités seront privés de l’entièreté de la revalorisation attendue, conduisant 9,5 millions d’entre eux à perdre du pouvoir d’achat. Plus encore que l’ensemble de nos autres concitoyens, en raison de leur âge, les retraités subiront en parallèle des hausses de tarifs des complémentaires santé si vous persistez à vouloir augmenter le ticket modérateur, ne serait-ce que de 5 %.
De plus, au travers des médicaments, vous voulez de nouveau procéder à des déremboursements, après avoir déjà commencé à le faire l’an dernier, au travers des soins dentaires, et après avoir doublé les franchises médicales et les forfaits.
Gare aux salariés qui seront malades en 2025 ! À partir du 1er janvier prochain, ils ne seront plus indemnisés qu’à 50 % du salaire journalier, jusqu’à un plafond de 1,4 Smic, contre 1,8 Smic actuellement, en cas d’arrêt maladie de plus de quatre jours.
Vous voulez également, chers collègues de la majorité sénatoriale, leur prendre 2,5 milliards d’euros de revenus avec une seconde journée de « solidarité », que vous n’osez plus appeler ainsi, et pour cause : il est difficile de parler de solidarité quand les salariés sont ainsi mis à contribution, alors que la moindre diminution des exonérations de cotisations sociales est battue en brèche !
Quelque 4 milliards d’euros de moins sur les près de 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations au total, c’est encore trop !
Plus globalement, qui peut raisonnablement penser qu’un objectif de dépenses de santé en augmentation de 2,8 % en 2025 est réellement tenable ? La Commission européenne y croit peut-être, mais pas nos concitoyens, ni nous ! Les hôpitaux sont à l’os et vous fixez un Ondam hospitalier qui n’augmente que de 0,3 %. Voilà la réalité ! Quand on ajoute à l’inflation l’augmentation du taux de cotisation à la CNRACL, étaler celle-ci sur quatre ans, plutôt que sur trois ans, ne changera pas grand-chose à l’affaire.
Ce régime ne peut qu’amplifier un phénomène que nous ne connaissons déjà que trop bien : des hôpitaux exsangues, des agents usés, malgré leur dévouement, par des conditions de travail toujours plus difficiles… La désertification médicale touche 87 % du territoire national. Selon le rapport d’information Inégalités territoriales d’accès aux soins : aux grands maux, les grands remèdes, rendu la semaine dernière par M. Rojouan, la France a perdu plus de 2 500 médecins depuis deux ans et elle entre dans une « décennie noire médicale ».
Comme le souligne notre collègue, des mesures timides ont été prises dans de précédents PLFSS ou au travers de textes d’initiative parlementaire, alors qu’une thérapie de choc est nécessaire. Tandis que M. Rojouan pointe l’insuffisance de la dynamique actuelle de formation des médecins pour répondre aux besoins, aucune solution ne figure dans ce PLFSS 2025.
Précisément pour combler ce manque, nous proposerons des amendements visant à réguler l’installation des médecins, une idée désormais majoritaire dans notre pays, même s’il y a débat – c’est légitime – sur l’endroit où il convient de placer le curseur de cette régulation.
Ce PLFSS devrait en l’état être l’occasion d’établir un plan pluriannuel de financement du grand âge. Or, non seulement il n’en est rien, mais la majorité sénatoriale a une nouvelle marotte : les salariés devront travailler plus pour gagner moins !
Alors que près de deux tiers des Ehpad sont en déficit – le chiffre monte à 85 % pour les établissements publics –, les crédits du PLFSS ne permettront pas de sortir ces structures de l’ornière. Que dire de la création de 6 500 équivalents temps plein, c’est-à-dire pas même un par établissement, quand le taux d’encadrement, ou, comme on dit, le « ratio », reste un vrai sujet en France ?
Par le biais de motions adoptées en conseil d’administration, de nombreux Ehpad nous ont pourtant avertis de leurs difficultés à faire face à l’inflation de ces derniers mois et à l’insuffisante compensation des mesures de revalorisation salariale.
Du côté des médicaments, les pénuries se sont encore accrues ces derniers mois. Les choix stratégiques de grands industriels risquent de faire perdre à la France un peu plus de sa souveraineté sanitaire et industrielle. Je pense à Sanofi et à la vente de sa filiale Opella : les garanties demandées au moment de la cession sont de court terme, comme les exigences de rentabilité du fonds d’investissement « acquéreur ».
Nous proposons donc de mettre davantage à contribution l’industrie pharmaceutique, qui est par ailleurs largement bénéficiaire de fonds publics, notamment au travers du crédit d’impôt recherche.
S’agissant de la branche famille, nous formulerons aussi des propositions. Le livre de Victor Castanet, Les Ogres, a montré les dérives des crèches privées lucratives. Aussi demanderons-nous des moyens pour les collectivités, à qui il reviendra d’assurer le service public de la petite enfance.
Mesdames, messieurs les ministres, vous avez qualifié ce PLFSS de « perfectible ». Ô combien l’est-il ! Lorsque, main dans la main, majorité sénatoriale et Gouvernement, vous lâchez du lest face aux mécontentements, vous récupérez d’un côté ce que vous avez donné de l’autre.
Ce PLFSS ne produira, à la fin, que davantage de mécontentements. Il y en a pourtant déjà tant et tant dans le pays. Une autre voie est possible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année dernière, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires alertait déjà le Gouvernement : le navire Sécurité sociale poursuivrait en 2024 une navigation business as usual, sans voir l’iceberg vers lequel il fonçait… Pourtant, pour la santé, pour le social comme pour le climat, il n’y a pas de business as usual : il y a un naufrage annoncé !
Un an et quatre ministres de la santé plus tard, force est de constater qu’il n’y a plus de capitaine pour orienter les finances sociales. Le budget 2024 de la sécurité sociale était manifestement insincère : le Gouvernement avait surestimé les recettes de près de 5 milliards d’euros et sous-estimé les dépenses de 2 milliards d’euros.
Il n’y a aucune surprise pour le Sénat : nous avions rejeté l’Ondam en le jugeant insuffisant et, précisément, insincère. À raison !
Il n’y a aucune surprise non plus pour les écologistes : nous défendons, aux côtés de nos alliés du Nouveau Front populaire, l’esprit de la sécurité sociale de 1945.
La droite a déconstruit la sécurité sociale depuis la création de cette dernière. Elle a désuni les caisses, séparé et étatisé la gestion des risques sociaux, opposé les assurés entre retraités et actifs, entre malades, supposément fraudeurs et profiteurs, et cotisants, entre travail et travailleurs. (M. Laurent Burgoa proteste.)
Après ces attaques contre « la sociale », la droite a eu la bonne idée de créer les lois de financement de la sécurité sociale. Chaque année, le Parlement examine désormais, à la place des travailleuses et des travailleurs, les comptes de la « sécu », pour constater les déficits successifs et pour réduire les droits sociaux, sans aucun cadrage pluriannuel de surcroît.
Si planifier sur un an est déjà trop peu pour gouverner, une telle échéance n’a aucun sens si l’on veut garantir le fonctionnement de l’hôpital, nos retraites et nos prestations sociales.
Cette année encore, le PLFSS présente un déficit : 18 milliards d’euros cette fois ! Pourtant, si l’on réunit artificiellement le solde des administrations de sécurité sociale, notre système fonctionne parfaitement : à l’équilibre en 2024, il est même excédentaire en 2025.
Avec ce chiffre monstrueux de 18 milliards d’euros de déficit, la droite justifie donc les mesures d’économies antisociales suivantes. La revalorisation des retraites est insuffisante. Le flicage des prestations sociales et de santé est inédit.
M. Xavier Iacovelli. Il y a un « flicage » ?
Mme Anne Souyris. Le remboursement des consultations médicales par la sécurité sociale est en baisse : de 80 % en 1945, il est désormais à 70 % et le Gouvernement souhaite le faire passer à 65 %, comme vous venez de l’indiquer, madame la ministre de la santé.
Le budget pour l’hôpital, derrière une hausse apparente, cache en réalité une diminution.
Enfin, la droite sénatoriale a une nouvelle idée : une contribution de solidarité par le travail. Sept heures de travail non payées ! Il s’agit d’une nouvelle journée de solidarité déguisée, autrement dit, d’une nouvelle corvée d’Ancien Régime ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous nous opposerons à ces mesures.
Toutefois, nous reconnaissons que tout n’est pas à jeter dans ce projet. (Ah ! sur les mêmes travées.)
Premièrement, nous revenons sur les allégements de cotisations sociales patronales, qui ont smicardisé les travailleurs, pour la première fois depuis trente ans. C’est une bonne chose. Pour augmenter les salaires, nous proposerons d’aller encore plus loin en ce sens, d’autant que, sans ces exonérations non compensées par l’État, qui représentent un manque à gagner pour la sécurité sociale, cette dernière ne serait pas déficitaire.
Deuxièmement, la réforme de la taxe soda, proposée par le Nouveau Front populaire, est une avancée réelle. Elle permettra de réduire la teneur en sucre de ces produits.
Troisièmement, la fin de la consultation médicale pour accéder aux séances Mon soutien psy va dans le bon sens.
Quatrièmement, les centres de santé communautaire sont pérennisés.
Cinquièmement, la vaccination contre la méningite dans le cadre de la campagne contre le virus du papillome humain (HPV, Human Papillomavirus) est généralisée.
Sixièmement, l’annualisation de l’examen bucco-dentaire M’T dents sera une bonne chose, à condition – je m’adresse à vous, madame la ministre de la santé – qu’aucun enfant ne soit laissé sur le bord du chemin. En effet, sans complémentaire santé pour rembourser ce rendez-vous préventif, les enfants y auront-ils accès ? Le texte reste plus qu’alarmant sur ce sujet, laissant aux mutuelles le soin de payer presque la moitié de l’examen.
Le texte dans son ensemble est inquiétant. Plutôt que de restreindre les droits sociaux et faire payer les malades, donc les plus fragiles d’entre nous, vous auriez pu choisir d’autres mesures pour rétablir l’équilibre financier de la sécurité sociale. C’est ce que nous souhaitons défendre aujourd’hui.
Tout d’abord, nous proposons de rétablir la justice sociale en faisant contribuer à leur juste mesure les revenus du capital au travers de la CSG, en taxant les superprofits des entreprises, en augmentant de 1 % la fiscalité sur les successions et sur les donations et en récupérant le manque à gagner des exonérations de cotisations non compensées.
Ensuite, nous proposons de faire entrer la sécurité sociale dans le nouveau régime climatique, en mettant à contribution les responsables du changement du climat et de l’effondrement de la biodiversité, ainsi que les empoisonneurs, grâce à une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières.
Je ne parle même pas des pesticides, que nous aurions souhaité taxer également, car ils sont responsables de nombreuses maladies, parfois reconnues comme maladies professionnelles, à l’image de Parkinson pour les agriculteurs. Une taxe sur ces produits permettrait aussi d’ailleurs de favoriser la recherche, par exemple sur les cancers pédiatriques.
Enfin, nous proposons de mettre en place une réelle fiscalité comportementale. L’idée n’est pas neuve : en 1861, le chansonnier Gustave Nadaud appelait déjà à « frappe[r] le vin et la bière » et à « n’épargne[r] point les tabacs ».
En premier lieu, nous proposons d’établir une trajectoire fiscale relative aux produits du tabac. L’objectif est de porter le paquet de vingt cigarettes à 16 euros en 2027.
En deuxième lieu, nous défendons une réforme de la fiscalité des alcools, qui tuent chaque année l’équivalent de la population de la ville d’Albi, allant d’une taxe sur les bières sucrées, qui sont développées par les alcooliers pour attirer les jeunes, jusqu’à la mise en place d’un prix unitaire minimum de l’alcool, qui a notamment fait ses preuves en Écosse, en passant par des mesures sur les publicités.
En troisième lieu, nous proposerons de nouveau au Sénat de taxer les publicités pour les jeux d’argent et de hasard. J’espère que cet amendement adopté l’année dernière saura vous convaincre de nouveau, mes chers collègues, et que, cette fois, madame la ministre, notre vote sera respecté.
En dernier lieu, nous souhaitons nous attaquer aux pratiques « anti-santé publique » des industriels de l’agroalimentaire, en taxant les sucres ajoutés et les produits n’affichant pas le Nutriscore. Je compte sur vous, mesdames, messieurs, les représentants de la Nation. C’est une urgence de santé publique.
Pour conclure, nous appelons solennellement à soutenir financièrement les établissements médico-sociaux, notre hôpital public et les Ehpad. S’agissant de ces derniers, il nous faut reconstruire leur modèle. La loi Grand Âge, madame la ministre, n’est toujours pas présentée : quand arrivera-t-elle ? Là encore, je compte sur vous.
Vous l’aurez compris, face aux attaques à pas feutrés du « socle commun » contre les conquis sociaux, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires défendra le patrimoine de celles et de ceux qui n’en ont pas. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Annie Le Houerou et Solanges Nadille applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2025, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, nous inquiète comme jamais, car il met à mal les fondements mêmes de notre protection sociale.
Ce budget arrive au Sénat après une procédure inédite, sans vote, fût-ce par une adoption au travers d’un 49.3, des dépenses par l’Assemblée nationale.
Ce budget est bien loin des attentes de nos concitoyens. Il ne répond pas aux enjeux budgétaires, comme nous avons pu le souligner lors de l’examen de la motion d’irrecevabilité déposée par notre groupe. Il ne permet ni de résoudre les déficits ni de proposer la moindre trajectoire de retour à l’équilibre. Il vise à augmenter timidement les recettes et à réduire drastiquement les dépenses en les mettant à la charge des malades.
Ce budget cache en réalité une vision politique que nous refusons : laisser filer les déficits pour simuler l’inefficacité de notre système de sécurité sociale, issu du Conseil national de la Résistance. En effet, nous nous éloignons toujours plus du principe selon lequel chacun participe selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins. Ce principe de solidarité nationale est menacé un peu plus chaque année depuis sept ans, et nous atteignons cette fois un point de bascule.
Le Sénat a rendu en 2024 deux rapports d’information symptomatiques d’une double dérive de notre système de santé : d’une part, Financiarisation de l’offre de soins : une OPA sur la santé ?, d’autre part, Hausse des tarifs des complémentaires santé : l’impact sur le pouvoir d’achat des Français. L’ultralibéralisme macroniste en vigueur depuis sept ans a conduit à favoriser la financiarisation de notre offre de soins.
M. Xavier Iacovelli. Ultralibéralisme ? Allez dans un pays libéral, vous verrez !
Mme Annie Le Houerou. Le risque d’une privatisation de notre protection sociale par le biais des complémentaires santé est réel. Laisser toujours plus de dépenses à la charge du patient, des mutuelles ou des assurances privées conduit à les rendre inabordables pour les plus fragiles et à rompre le principe d’égalité d’accès aux soins.
Je m’étonne que Les Républicains et la droite sénatoriale se soient associés à ce projet de budget macroniste, que nous pouvons qualifier d’insincère et d’infidèle par rapport aux principes que nous défendons. Puisque Mme la rapporteure générale exprime son attachement à notre sécurité sociale, elle aura l’occasion de soutenir certaines de nos propositions, nous laissant entrevoir quelques avancées au Sénat… (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales sourit.)
Madame la ministre de la santé, le Gouvernement présente fièrement une hausse de l’Ondam de 2,8 %. En réalité, cette augmentation couvre l’inflation, à hauteur de 1,8 %, et une hausse de quatre points des cotisations de retraites dues à la CNRACL. Quid des mesures du Ségur de la santé, non financées ? Quid des déficits qui conduisent de nombreux établissements publics de santé ou du secteur médico-social à ne plus payer leurs cotisations à l’Urssaf ?
L’hôpital public a besoin de notre soutien et de moyens, tout comme les collectivités territoriales. Celles-ci mettent en œuvre au quotidien les mesures de solidarité à destination des familles et des plus âgés, mais elles se trouvent asphyxiées par votre méthode, par laquelle vous imposez, sans concertation aucune, des coups de rabot : fonds de précaution figurant au PLF, augmentation de leurs charges au travers des quatre points de cotisation supplémentaires à la CNRACL. Vous donnez ainsi le coup de grâce aux villes et aux départements, déjà exsangues.
Pour pérenniser le système français, il est de notre responsabilité – c’est une exigence – d’assurer l’équilibre budgétaire des différentes branches de la sécurité sociale, lesquelles ne peuvent fonctionner avec un déficit permanent. Le peu de recettes nouvelles présentées ne permettra pas le retour à cet équilibre. Je reste étonnée de voir la majorité sénatoriale soutenir cette fuite en avant des déficits, alors que, dans ses rangs, on dénonce cette logique depuis des années.
Nous avions perçu un signe positif avec la proposition faite par le gouvernement Barnier de réduire les insensés allégements généraux de cotisations. Nous proposons d’aller plus loin avec une sortie des exonérations des salaires excédant deux Smic. Ainsi, nous dégagerons 8 milliards d’euros de recettes sur les 80 milliards d’euros d’allégements généraux.
Nous irons chercher les exonérations ayant montré leur inefficacité pour l’emploi et pour la compétitivité de nos entreprises. Nous compléterons ces ressources par une contribution des revenus exceptionnellement élevés et par une fiscalité comportementale chère à notre rapporteure générale.
Toutefois, d’autres recettes proposées par Mme le rapporteur Deseyne pour la branche autonomie nous excèdent. Faire travailler les seuls salariés un jour de plus sans être payés n’est respectueux ni de la justice sociale ni du travail. (Mme Chantal Deseyne et M. Laurent Burgoa s’exclament.)
Notre groupe propose des recettes raisonnables, à la juste hauteur des besoins, pour assurer un retour à l’équilibre à terme, sans ponctionner toujours plus les salariés, les malades ou les retraités. Annonce du report de la revalorisation de 2 % des retraites, au 1er juillet prochain au lieu du 1er janvier, revalorisation finalement de 1 %, annoncée par M. Wauquiez – à quel titre ? – et proposée au travers d’un amendement de Mme Gruny : pour les retraités, le compte n’y sera pas !
Côté dépenses, nous nous opposerons à toute augmentation du reste à charge qui pèse sur les malades et sur les plus vulnérables. Je pense à la hausse du ticket modérateur ou à la diminution des indemnités journalières.
Nous revendiquons une loi de programmation pluriannuelle pour la santé, tout comme une loi pour le grand âge, promise, mais toujours pas présentée pour un examen en 2025, malgré l’attente tant des citoyens que des professionnels.
Nous proposerons de mener une réelle politique de prévention en matière de santé, car celle-ci est le levier le plus efficace pour réduire nos dépenses. La dissociation des dépenses en question de celles qui sont incluses dans l’Ondam, issue d’un amendement socialiste et ajoutée au texte par le Gouvernement après le passage du PLFSS à l’Assemblée, constitue une avancée qui doit être suivie d’un investissement à la hauteur des enjeux.
Invisibilisée dans votre budget, la santé mentale est pourtant supposée être la grande cause du Premier ministre.
Invisibilisée, la politique familiale l’est aussi alors que les familles monoparentales attendent des dispositifs nouveaux, notamment la réforme du congé parental.
Invisibilisés, le renoncement aux soins et les prises en charge tardives faute de médecins le sont également.
Nous, socialistes, considérons qu’il est possible de concilier la justice, fiscale et sociale, et le rétablissement des comptes de la sécurité sociale. Nous nous battrons pour préserver l’accès aux services publics et aux soins, de la crèche à l’Ehpad. Nous refuserons de vendre la protection sociale à des acteurs ayant une logique lucrative, dont les effets délétères sont dévoilés par de nombreux scandales.
J’espère que le Gouvernement et sa majorité sénatoriale se saisiront du sérieux de nos propositions et que nous sortirons de notre débat avec un budget structurant, qui permette d’améliorer la santé de nos concitoyens et qui soit rassurant pour l’avenir et pour la protection des droits des travailleurs, des assurés et des familles.
Ainsi, nous préserverons une sécurité sociale à la hauteur des besoins de chacun, car telle est la promesse de fraternité de notre République. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, faut-il le rappeler encore, la sécurité sociale est le premier budget de la Nation.
Ainsi, au sortir d’une Seconde Guerre mondiale qui laissa le pays exsangue d’un point de vue moral et humain, la France fit le choix historique de confier à la Nation et au Parlement le financement et la prise en charge de la solidarité nationale, des politiques de santé et des risques de la vie. D’autres pays n’ont pas fait ce choix et ont laissé au privé la gestion de la santé des populations, source parfois d’efficacité et de rigueur comptable, très souvent d’un lot d’inégalités et d’exclusions.
Certes, ces politiques sont des dépenses, mais des dépenses supposées utiles, solidaires et justes, qui permettent a priori à nos concitoyens d’être pris en charge de la meilleure des façons et de la plus égale des manières, partout où ils se trouvent.
Pourtant, mes chers collègues, la justice n’exclut pas la responsabilité. La dette sociale participe à part entière de la dette de l’État. Sous le septennat douloureux du président Macron, cette dette a continué à se creuser malgré les réformes injustes, particulièrement celle des retraites qui, sans être une trahison, puisqu’elle fut largement assumée avant la réélection du président, n’en a pas moins été un acte de brutalité sociale envers les travailleurs les plus modestes.
Comme chaque année, le même questionnement lancinant nous saisit. Quelque 662 milliards d’euros de dépenses de sécurité sociale, soit près d’un quart de notre richesse nationale, et une progression prévue de 18 milliards d’euros : normalement, mes chers collègues, avec une telle somme, nos hôpitaux devraient être les meilleurs du monde, notre espérance de vie progresser et notre natalité être dynamique ; les Français devraient pouvoir se soigner sans crainte de la facture, de l’attente d’un spécialiste ou de la file dans un service d’urgence, et sans s’inquiéter d’obtenir le médicament nécessaire.
Pourtant, partout où nous portons nos regards, la situation est dramatique. Nos soignants souffrent encore et toujours. Les proches aidants, soutien vital à notre système de santé, ne sont pas reconnus, alors qu’ils permettent, par leur abnégation, d’économiser des centaines de milliards d’euros et apportent à des millions de nos concitoyens les soins et l’attention nécessaire pour mener la vie la plus normale le plus longtemps possible.
Plus grave encore, notre natalité, ciment de la prospérité et, soit dit en passant, de tout l’équilibre financier de notre système social, est en baisse structurelle. Dans de nombreux territoires, même les plus urbanisés, le manque de médecins se conjugue maintenant avec le manque de médicaments, voire avec le manque de pharmacies.
Mes chers collègues, le constat est sombre, mais il est malheureusement juste. La question n’est pas tant de savoir si nous dépensons trop, mais surtout pourquoi aucun paramètre social et sanitaire ne s’améliore.
Dans une fuite en avant austéritaire et à l’effet récessif, le Gouvernement souhaite rogner les droits sociaux des Français. Si des économies sont nécessaires, elles ne doivent ni toucher aux classes populaires et moyennes, ni toucher à la France laborieuse, ni diminuer les droits sociaux des Français, alors même que la récession revient.
Pour toutes ces raisons, notre système national de sécurité sociale – c’est l’une des pierres angulaires de notre vision politique, vous vous en doutez – ne peut continuer à être ouvert à tous les vents d’une gestion et d’une immigration anarchiques. (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
M. Xavier Iacovelli. Enfin ! Trois minutes pour le dire !
M. Christopher Szczurek. Face à ce constat, il n’y aurait qu’une solution pour préserver notre système social : la rupture. La rupture avec des politiques nocives, la rupture pour améliorer le coût du travail, la rupture pour organiser un système de retraites plus juste, incitant à commencer le travail le plus tôt possible et non à connaître la pénibilité la plus longue qui soit, la rupture pour faire bénéficier prioritairement les Français des fruits sociaux des lourds impôts dont ils s’acquittent par leur travail.
La rupture, nous craignons que vous n’y soyez favorables. Je disais déjà au début du mois d’octobre dernier que le problème de la classe politique française était non pas sa compétence, mais son conformisme. Dès lors, si rupture il doit y avoir, avant d’être financière, elle doit être politique. (M. Aymeric Durox applaudit.)
M. Jérôme Durain. Montrez l’exemple !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous paierons 55 milliards d’euros d’intérêts sur notre dette en 2025, et le budget de la sécurité sociale en 2024 enregistrera un déficit de 18 milliards d’euros. Nous faisons face à une urgence pour l’avenir de notre pays et de nos enfants : laisser filer la dette serait suicidaire !
Le PLFSS qui nous est proposé s’intègre dans le plan du Premier ministre, lequel souhaite ramener le déficit de 6,1 % à 5 % du PIB en 2025. Il vise à limiter le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros. Ce n’est pas un PLFSS d’austérité, comme j’ai pu l’entendre, car les dépenses augmentent de 2,8 %, soit 18 milliards d’euros, et les recettes de 3,5 %.
L’Ondam, fixé à 264 milliards d’euros, a augmenté de plus de 60 milliards d’euros depuis 2019. Les budgets des branches maladie – la hausse de celle-ci équivaut à 9 milliards d’euros –, vieillesse, famille et accidents du travail et maladies professionnelles augmentent de 2 % à 3 %, celui de la branche autonomie de 6 %.
Ce budget s’intègre dans la politique de modération des dépenses du gouvernement Barnier, lequel préconise 60 milliards d’euros d’efforts, dont 20 milliards d’euros seraient issus de recettes supplémentaires et 40 milliards d’euros d’une baisse des dépenses publiques. De 10 milliards d’euros à 14 milliards d’euros d’économies proviendraient des prestations qui sont notre sujet aujourd’hui.
Il n’est pas question d’une diminution des soins pour nos compatriotes.
Tout d’abord, 4 milliards d’euros d’économies proviendront de la diminution des allégements de cotisations patronales. Je suis d’accord avec la proposition de la rapporteure, qui souhaite protéger les allégements proches du Smic.
Ensuite, 4 milliards d’euros de baisse des dépenses seront liés au report de l’indexation des retraites sur l’inflation au 1er juillet prochain, report qui ne concerna pas le minimum vieillesse. J’ai d’ailleurs déposé un amendement pour que toutes les retraites en dessous du Smic soient revalorisées au 1er janvier prochain, tout en étant dans l’ensemble favorable au nouveau projet proposé par la commission.
De plus, sont envisagés la modération des dépenses de santé avec la hausse du ticket modérateur – il faudra en tenir compte pour les Français qui n’ont pas de mutuelle – et un meilleur encadrement des dépenses de certains examens complémentaires.
Enfin, de nouvelles recettes sont prévues pour équilibrer la CNRACL, par le biais d’une hausse du taux de cotisation des employeurs publics. La commission a souhaité étaler cette augmentation sur quatre ans, au lieu de trois ans. J’y souscris, car les budgets des collectivités sont en difficulté.
Les dépenses supplémentaires de 18 milliards d’euros figurant dans ce PLFSS permettront, en premier lieu, de confirmer les engagements pris à l’égard des professionnels de santé et en faveur tant des petites retraites, situées sous le plafond de 85 % du Smic, que de la réforme de la petite enfance, tendant à garantir l’accueil du jeune enfant.
Ces dépenses confirmeront, en deuxième lieu, les engagements pris en faveur des agriculteurs : dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE), soutien à l’installation des jeunes agriculteurs et calcul de la retraite sur les vingt-cinq meilleures années. Des mesures complémentaires viendront à l’occasion de l’examen du projet de loi agricole.
Ces dépenses confirmeront, en troisième lieu, le développement des soins palliatifs pédiatriques et des équipes mobiles, à domicile, en Ehpad et dans les territoires.
En dernier lieu, la santé mentale sera concernée par ces dépenses, avec l’accès direct au psychologue et l’ouverture d’une filière dédiée à la psychiatrie dans les services d’accès aux soins (SAS). Il faudrait aussi assurer un meilleur suivi des malades psychotiques après leur sortie de l’hôpital en signalant mieux le non-retour à la consultation, ce qui signifie souvent l’arrêt du traitement.
Je souhaite exprimer mon accord avec les propositions des rapporteurs des différentes branches : lutter plus intensément contre la fraude avec une carte Vitale sécurisée, favoriser la vaccination contre les papillomavirus et les méningocoques et la prévention, lutter contre les actes redondants et favoriser l’utilisation du dossier médical partagé (DMP), contrôler l’utilisation des dispositifs, lutter contre la pénurie de médicaments, renforcer la prévention au travail et la lutte contre l’usure professionnelle, enfin, prendre en compte la dénatalité.
Je me félicite que l’amendement visant à exonérer de cotisations vieillesse les médecins retraités, qui s’est heurté à l’article 40 de la Constitution, soit repris par le Gouvernement.
Concernant l’autonomie, le PLFSS tend à créer 6 500 postes en Ehpad, soit un par établissement. Il faut, monsieur le ministre, que cette mesure soit inscrite dans une trajectoire de 50 000 emplois d’ici à 2029. Celle-ci est indispensable pour prendre en charge la dépendance, qui augmente avec le vieillissement.
En effet, le nombre de personnes de plus de 85 ans doublera entre 2020 et 2040. Pour créer ces 50 000 emplois, il faut investir 2,5 milliards d’euros par an, ce qui aurait été plus facile sans la suppression de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle…
Mme Annie Le Houerou. Ça, c’est sûr !
M. Daniel Chasseing. … même si ces mesures ont donné du pouvoir d’achat à nos compatriotes, à hauteur de 25 milliards d’euros.
En compensation – il s’agirait d’une légère compensation –, j’ai déposé à titre personnel un amendement visant à créer une journée de solidarité supplémentaire, laquelle rapporterait 2,4 milliards d’euros.
Parmi les habitants des pays de l’OCDE, nous sommes ceux qui travaillent le moins. S’il était adopté, cet amendement conduirait à travailler dix minutes de plus par semaine. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. Daniel Chasseing. Comme nous l’avons fait lorsque nous avons rencontré des difficultés au cours de notre histoire, nous devons aujourd’hui faire preuve de solidarité pour prendre en charge, ensemble, le vieillissement et la dépendance. Vous savez, monsieur le ministre, que c’est absolument nécessaire.
De même, il est impératif de maintenir les aides à l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. C’est un investissement durable. En outre, l’apprentissage est un ascenseur social. Un tiers des apprentis sont en effet issus de familles modestes. Nous espérons que la réduction du seuil d’exonération des cotisations sociales pour les apprentis au 1er janvier 2005 n’aura pas d’effet négatif.
Nous devons aussi redonner sa valeur au travail. À cet égard, je pense qu’il faut pérenniser la loi pour le plein emploi – ce n’est pas l’objet du texte –, qui visait à donner à tous les bénéficiaires du RSA dignité et émancipation, grâce à un accompagnement très personnalisé permettant à ceux d’entre eux qui le peuvent de retrouver progressivement un emploi.
La réforme qui a porté à 64 ans l’âge de départ à la retraite et à quarante-trois ans la durée de cotisation– cette durée était déjà prévue depuis la réforme Hollande-Touraine – est indispensable si l’on veut soutenir notre régime par répartition.
Ce serait une folie financière, compte tenu des difficultés que nous connaissons actuellement, de revenir à l’âge légal de départ à 62 ans et à quarante-deux annuités de cotisations. Ce serait envoyer un message d’irresponsabilité à nos créanciers.
L’abrogation d’une telle réforme coûterait 27 milliards d’euros et pourrait entraîner une envolée des taux d’intérêt, qui nous obligerait à mettre en œuvre un programme d’économies. Peut-être faut-il réfléchir, avec les partenaires sociaux, à l’introduction d’une dose de capitalisation.
En conclusion, nous sommes favorables à la réduction du déficit de l’État à 5 % du PIB. L’effort qui est demandé dans ce PLFSS est modéré et proportionné. Il ne réduit pas les soins et ne revient pas sur les engagements antérieurs.
Nous espérons améliorer les dispositions du texte relatives à la prise en charge des malades, au financement de la dépendance, à la prévention, à l’apprentissage, à la préservation du pouvoir d’achat des retraités. Alors que des économies sont nécessaires, ce PLFSS est responsable, juste et équilibré. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Merci !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité sociale est une prison pour les parlementaires : ils sont prisonniers d’un texte, sous la menace des canons Caesar de l’article 40 ou des tirs de HK 416 de l’article 45 de la Constitution. (Sourires.)
Comme l’ensemble de nos concitoyens, qui placent la santé au premier rang de leurs préoccupations, nous ressentons, en tant que parlementaires, la désintégration de notre système de santé, dont la crise de la covid-19 fut un révélateur. Cette désintégration s’explique par des maux structurels et plusieurs décennies de renoncement.
Le système de santé français est fondé sur les principes d’universalité, d’égalité, d’accessibilité et de qualité. Alors qu’il a longtemps figuré parmi les plus performants, il est aujourd’hui en cours d’effondrement.
Nous ressentons tous le besoin d’une réforme structurelle, mais elle ne peut venir d’un PLFSS trop restreint, sans vision d’avenir, annuel et désormais stérile, tant il est tendu vers le respect du dogme de la gratuité de tout pour tous et d’un Ondam complètement déconnecté des besoins en santé des Françaises et des Français.
Depuis la création de la sécurité sociale, l’augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que les progrès considérables de la médecine, entraînent une hausse des coûts de l’ordre de 4 % par an, alors que la croissance est de 1 %. L’ajustement se fait donc par une diminution de la qualité des soins, par le rationnement, qu’il s’agisse de l’instauration d’un numerus apertus ou de la multiplication des déserts médicaux, financièrement par l’Ondam et administrativement par la bureaucratisation.
Le gouvernement actuel est trop récent pour que l’on puisse lui imputer la responsabilité intégrale de ce PLFSS, mais il doit pouvoir, dans les mois à venir, se débarrasser du carcan purement financier qui pèse sur la santé. Le sauvetage de notre système de santé passe par une profonde transformation, vous l’avez dit, madame la ministre.
Le premier principe hérité de 1945 est l’universalité : tous nos concitoyens jouissent des mêmes droits fondamentaux du fait de leur humanité.
À quand une loi déterminant les compétences financières respectives de l’assurance maladie obligatoire (AMO) et de l’assurance maladie complémentaire (AMC), qui dise qui fait quoi et qui dépense quoi ? À quand l’égalité face à l’AMC ? Quand les acteurs de l’AMC pourront-ils ne plus être des payeurs aveugles ?
À quand une loi de programmation structurelle sur l’organisation et le financement de la santé qui donnerait une visibilité à long terme à l’ensemble des acteurs de santé sur notre territoire ?
À quand une véritable décentralisation, et non une déconcentration des services comme c’est le cas aujourd’hui, qui permettrait aux régions d’intervenir dans la politique de santé, par exemple par un objectif régional de dépenses d’assurance maladie (Ordam), dont le plafond serait annuellement déterminé par le Parlement, afin d’éviter les distorsions financières entre les régions ?
À quand un investissement significatif dans la prévention, à partir des données de santé dont nous disposons et qui sont, me semble-t-il, particulièrement nombreuses, de qualité et complètes ?
Le deuxième principe hérité de 1945 est l’égalité.
À quand une réelle politique d’organisation territoriale de la santé, en concertation avec tous les acteurs de santé d’un bassin de vie, et une reconfiguration du parcours de soins structuré ?
À quand une politique volontaire de lutte contre la financiarisation galopante de notre organisation de la santé dans les territoires ? À cet égard, le rapport du Sénat sur ce sujet particulièrement inquiétant doit nous orienter vers une solution satisfaisante.
Le troisième principe est l’accessibilité.
On entend souvent dire que les hôpitaux ont reçu beaucoup d’argent ces dernières années. Les personnels ont certes bénéficié de revalorisations salariales, mais les établissements n’ont pas vu leurs effectifs augmenter pour autant. Circonstance aggravante, les crédits accordés pour financer ces augmentations n’ont pas été entièrement alloués, en raison du déficit de la sécurité sociale.
Face aux critiques sur la dégradation des conditions de travail liée au manque de personnel, le message affiché est de ne pas toucher à l’emploi. La variable d’ajustement consiste à geler des emplois par des différés de recrutement et à réduire les dotations aux investissements, ce qui est grave pour l’avenir de l’hôpital.
Aussi, face au manque de personnel, on ferme des lits. Ne pourrait-on pas prendre le temps d’analyser et d’agir autrement, en instaurant, par exemple, un moratoire d’une année de non-fermeture de lits d’hôpitaux ?
À quand, comme en 1958, une politique volontaire de réorganisation du système hospitalier, par exemple en transformant les hôpitaux, y compris les centres hospitaliers universitaires (CHU), en fondations dotées d’un conseil d’administration, travaillant en concertation avec l’ensemble des acteurs de l’hôpital et autour de l’hôpital ?
Le quatrième principe est la qualité.
La qualité se dégrade. Les défauts et les retards de prise en charge se multiplient. L’accès aux soins est devenu difficile, les déserts médicaux se multipliant et certaines spécialités étant sinistrées. Les soignants fuient l’hôpital public, tandis que les médecins de ville, paupérisés et accablés par les tâches administratives, se désengagent.
Le maintien en bonne santé de nos concitoyens grâce à une diffusion des mesures de prévention dans tous les domaines, y compris dans celui de la nutrition, est nécessaire, même si l’on doit mettre en place des mesures de rétorsion, mal comprises par quelques-uns.
Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce sujet, beaucoup de réformes à mener dans ce domaine essentiel qui concerne tous nos concitoyens aux différents moments de leur vie, mais le temps de parole de sept minutes qui m’est alloué est insuffisant. Pour finir, je m’en tiendrai donc à quelques généralités, avec lesquelles, je le sais, vous serez d’accord, mes chers collègues.
La prévention doit prendre une place centrale dans tout système de santé. Le vieillissement est une chance, mais il peut devenir une menace s’il ne se fait pas en bonne santé. Faisons de la sécurité sociale une institution démocratique, gérée par des représentants des usagers. Gérons la santé de nos concitoyens en prenant en compte leurs besoins et leur lieu de vie. Et faisons confiance aux professionnels de santé.
Préserver la santé de nos concitoyens passe également par une politique de soutien à l’innovation, que ce soit en matière de thérapie génique ou d’intelligence artificielle (IA). Souvent décriée, l’IA permettrait des avancées considérables en rendant possible la détection très en amont d’un certain nombre de pathologies, notamment cancéreuses.
Bien évidemment, un tel soutien est coûteux, mais il est inévitable si l’on veut rester un pays performant en matière de santé, si l’on veut à terme faire des économies importantes et, surtout, sauver des vies. C’est là l’essence même de toute politique de santé. L’investissement n’en vaut-il pas la peine ?
Pour conclure, vous l’aurez compris, j’encourage le Gouvernement à faire des réformes structurelles. Des économies substantielles seraient ainsi réalisées et pourraient permettre d’optimiser l’ensemble de notre système de santé, au bénéfice de ses acteurs, de ses financeurs et des assurés sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’examen du PLFSS pour 2025, qui est marqué par un effort inédit en faveur du redressement des finances publiques et des comptes sociaux. La pandémie de covid-19 et les crises sociale et économique qui lui ont succédé ont en effet entraîné une augmentation importante des dépenses de l’ensemble des administrations publiques.
Face au déficit de 18 milliards d’euros des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2024 et aux perspectives négatives pour les quatre années à venir, il nous revient d’engager des efforts importants pour reprendre la maîtrise de nos comptes sociaux et ne pas laisser aux générations futures une dette qui serait insoutenable.
Cela étant, le PLFSS pour 2025 prévoit un budget de 662 milliards d’euros pour la protection de nos concitoyens, soit la moitié de la dépense publique et le tiers de notre richesse nationale. Au total, 263,9 milliards d’euros sont consacrés à l’Ondam, soit une hausse de 2,8 % par rapport à l’Ondam révisé pour 2024.
Contrairement à ce que certains affirment, ce PLFSS est donc un budget non pas d’austérité, mais de responsabilité. Le groupe RDPI soutient résolument la trajectoire de réduction des déficits publics voulue par le Premier ministre et son gouvernement.
Si le déficit actuel et prévisionnel des comptes sociaux invite à mener des réformes structurelles et à accroître l’efficience de notre système de santé, nous considérons avec prudence toute mesure qui viendrait affecter les politiques de soutien à l’emploi que nous avons menées avec succès depuis sept ans. Favoriser le travail et la compétitivité de nos entreprises, c’est améliorer l’état de nos comptes sociaux.
M. Xavier Iacovelli. Très bien !
Mme Solanges Nadille. Nous avons donc sur l’article 6 un point de divergence, sur lequel nous reviendrons.
Cette exigence en faveur de l’emploi, notamment des bas salaires, nous l’aurons également concernant les apprentis et les jeunes entreprises innovantes.
La politique de l’apprentissage ambitieuse menée par les précédents gouvernements a permis de porter de 300 000 à 850 000 le nombre d’apprentis en sept ans. Ne dilapidons pas cette réussite ! Nous sommes cependant satisfaits des mesures proposées en faveur de nos agriculteurs pour leur retraite – elles sont fondamentales –, mais aussi de la généralisation du dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE).
L’autonomie des personnes âgées et handicapées constitue une autre priorité pour notre groupe. Dans un contexte budgétaire très contraint, nous apprécions l’effort budgétaire proposé en faveur de la cinquième branche.
Il nous faudra toutefois faire plus pour nos Ehpad. Le récent rapport sénatorial sur la situation de ces établissements, dont j’ai été corapporteure, démontre l’urgence de financer davantage ce secteur et contient des solutions que j’invite le Gouvernement à reprendre dans les prochains mois.
Avant de conclure, j’évoquerai les outre-mer. Face aux difficultés structurelles des territoires ultramarins, nous devons faire plus.
Dans ce texte, cela passe d’abord par la préservation du dispositif prévu dans la loi pour le développement économique des outre-mer, dite Lodéom, auquel nous tenons, ou encore par un effort accru en faveur de la continuité territoriale pour l’accès aux soins. Alors que la population est de plus en plus âgée et que le parc des Ehpad est très vieillissant, il faudra aussi continuer de décliner le plan de rattrapage de l’offre d’Ehpad en outre-mer. Le groupe RDPI, composé pour moitié de sénateurs ultramarins, y veillera.
Vous l’aurez compris, nous soutiendrons de manière exigeante ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous chercherons toutefois à améliorer, afin de mieux protéger nos concitoyens, tout en garantissant à terme la soutenabilité de notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, que nous examinons aujourd’hui, répond certes aux impératifs budgétaires immédiats, lesquels doivent nous obliger à penser des réformes systémiques essentielles au maintien de notre protection sociale.
Toutefois, force est de constater que les simples ajustements qui devraient garantir la pérennité et la soutenabilité de notre système de solidarité demeurent, et demeureront, insuffisants. Il faudra s’interroger sur les dépenses parfois surprenantes et excessives.
Pour autant, nous notons la préservation de la branche autonomie. Son budget grimpe en effet à 42,4 milliards d’euros, soit une hausse de 6 % par rapport à 2024, même si, nous le savons tous, c’est insuffisant. Le sous-Ondam médico-social augmente quant à lui de 4,7 %.
Parmi les mesures phares de ce PLFSS, on relève un effort notable de 1,2 milliard d’euros pour le secteur médico-social, afin notamment de renforcer l’attractivité des métiers de l’aide à domicile, en revalorisant les conditions de travail et en encourageant la montée en charge des mesures récentes, telles que la tarification des soins infirmiers à domicile.
Le budget alloué à l’aide à domicile inclut également une subvention exceptionnelle de 100 millions d’euros aux départements. Il s’agit de renforcer la mobilité et le soutien des personnels du secteur. Une nouvelle fois, ce montant est en deçà des attentes des départements, qui connaissent de grandes difficultés financières.
Ce soutien, à la suite de l’adoption de la loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie, est néanmoins une avancée. Il permettra de renforcer l’autonomie des seniors et de leur offrir la possibilité de rester chez eux, dans des conditions optimales de sécurité et de bien-être. Le recrutement de 6 500 professionnels en Ehpad, soutenu par un financement de 380 millions d’euros, constitue aussi un pas en avant.
Cependant, je veux ici que nous nous interrogions sur la notion d’attractivité, devenue trop habituelle, voire automatique. Nous ne connaissons pas un seul secteur d’activité qui ne connaisse pas un déficit de recrutement… Les conditions salariales et l’accès à des formations sont évidemment une partie de la réponse. Le Ségur de la santé y avait déjà partiellement répondu. En sont-elles pour autant l’unique substance ? Je ne le pense pas.
Il ne faudra pas occulter, lors de nos débats, l’ensemble des facteurs, afin de garantir l’efficience de ces fonds. Le lancement d’une campagne de promotion dans le secteur médico-social est une initiative bienvenue, sur le modèle de ce que font nos armées, pour valoriser ces métiers tournés vers l’autre.
L’effort consenti pour financer le déploiement de 50 000 solutions d’accueil pour les personnes en situation de handicap mérite d’être relevé. Nous savons qu’une telle offre est indispensable pour assurer un accompagnement digne et adapté à chacun et pour soulager les familles, qui portent souvent seules cette charge.
À cet égard, je me réjouis tout particulièrement de constater que nous faisons justement un pas de plus pour les proches aidants, dont le rôle est aussi essentiel qu’épuisant.
Ce soutien va dans le sens de la stratégie nationale 2023-2027, qui prévoit des solutions de répit pour ces aidants, afin de leur permettre de souffler et de retrouver des forces pour accompagner au mieux leurs proches. Cependant, je tiens à souligner que le congé de proche aidant n’est toujours pas adapté pour être pleinement effectif.
Mes chers collègues, je veux ici vous alerter collectivement sur le financement global de notre système de sécurité sociale.
Vous le savez, l’augmentation de 63 milliards d’euros de l’Ondam depuis 2019 nous impose aujourd’hui une gestion responsable et rigoureuse. La crise sanitaire a nécessité des financements d’urgence, que personne ici ne remet en cause, mais il est temps de revenir à un cadre de dépenses plus équilibré, pour garantir la pérennité de notre système.
Aussi, dans ce contexte de nécessaire rigueur budgétaire, il est crucial de réfléchir à des sources de financement complémentaires, pour répondre aux besoins spécifiques de notre système de solidarité, en particulier pour la prise en charge de l’autonomie.
Le temps est non pas à de nouvelles dépenses, mais à la sobriété. J’aurais pourtant voulu vous parler de prévention et ouvrir la réflexion sur l’abaissement à 45 ans de l’âge d’éligibilité aux dépistages de certains cancers, notamment le cancer colorectal. L’augmentation du nombre de cas précoces, en lien avec les évolutions de nos modes de vie, nous invite à évaluer notre stratégie actuelle de prévention et à vérifier si elle répond pleinement aux défis de santé publique.
Le temps est surtout venu de faire de nouvelles économies.
À cet égard, j’apporte mon plein soutien à la création d’une journée de solidarité pour financer la branche autonomie. En complément de la première journée de solidarité instaurée en 2004, cette contribution permettra d’augmenter les ressources de la branche autonomie de près de 2,5 milliards d’euros. Il s’agit d’un soutien essentiel pour aider les 86 % des Ehpad qui sont en grande difficulté et menacent de fermer, ou encore pour financer le remboursement intégral des fauteuils roulants.
Surtout, à quand une véritable réforme de notre système de santé ? J’ai l’impression que, chaque année, nous faisons les mêmes constats et nous contentons de simples aménagements à la marge…
Alors que l’hôpital public va bénéficier d’une nouvelle hausse de 3 milliards d’euros, le service public ne s’améliore pas pour autant et ne satisfait pas la population. Certes, le renforcement des soins palliatifs dans les territoires, notamment l’ouverture d’unités dans vingt-quatre départements qui en étaient jusqu’alors dépourvus, est une avancée décisive.
Permettez-moi de vous faire une proposition, monsieur le ministre, que vous pourriez reprendre à votre compte, concernant le remboursement des équipements de santé en matière optique et auditive. Face à l’évolution des usages vers une logique plus consumériste et à l’augmentation continue des dépenses, un ajustement des règles de remboursement pourrait se révéler pertinent : on pourrait par exemple envisager un allongement de la périodicité de remboursement de deux à trois ans.
En conclusion, le groupe Union Centriste votera ce texte, tout en appelant de ses vœux des réformes courageuses et des solutions durables pour garantir la pérennité de notre modèle de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis deux ans, alors que les coûts liés à la pandémie se sont estompés, la majorité sénatoriale n’a pas eu de mots assez durs pour dénoncer la trajectoire de déficit des comptes de la sécurité sociale. Et elle avait raison !
Mais voilà, parvenue au gouvernement, cette même majorité nous annonce 60 milliards d’euros de déficit en quatre ans et ne réduit nullement le déficit cette année. Quelle déception ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Aussi, vous qui n’avez pas la légitimité des urnes, chers collègues de la majorité sénatoriale, ayez au moins celle de l’action. Il est possible, il est raisonnable, il est nécessaire de ramener la sécurité sociale à l’équilibre en trois ans, comme l’a indiqué Annie Le Houerou. C’est la trajectoire que nous défendons : 9 milliards d’euros de déficit en 2025, quelque 5 milliards d’euros en 2026 et l’équilibre en 2027.
Pour y parvenir, il faut renoncer progressivement aux exonérations qui n’ont pas d’effets sur l’emploi. Nous proposons d’en supprimer pour un montant de 4 milliards d’euros en 2025, en sus de la proposition du Premier ministre, sur laquelle vous revenez.
Ensuite, plutôt que de réduire d’un milliard d’euros les remboursements de consultations ou de médicaments des assurés sociaux, nous proposons de mettre à contribution les produits qui entraînent des coûts directs, que la fiscalité qui leur est appliquée ne couvre pas : le tabac et les alcools, pour 6 milliards d’euros, et les aliments ultratransformés. Vous avez ouvert ce dossier.
Certains dans cet hémicycle proposent d’infliger deux points de hausse de TVA à tous les Français. Pour notre part, nous préférons porter de 9,2 % à 10,6 % la CSG sur les revenus du capital. Nous pensons en effet que défendre la valeur travail passe par des mesures de justice fiscale et par la fin de l’injuste sous-taxation du capital par rapport au travail.
Enfin, nous soutiendrons les mesures renforçant la pertinence des soins, car il n’est plus supportable de gaspiller l’argent de la sécurité sociale.
Notre système de santé ne peut pas être un open bar où des acteurs financiers viennent se servir des taux de rentabilité à deux chiffres et où les actes se multiplient, déconnectés des besoins de santé, quand par ailleurs trop de nos concitoyens n’accèdent plus aux soins nécessaires. La gabegie est insupportable en temps de pénurie.
Nous proposons une gestion responsable et solidaire, qui permettrait, tout en réduisant le déficit à 9 milliards d’euros dès cette année, d’allouer 2 milliards d’euros de plus à nos hôpitaux et 1 milliard d’euros à la branche autonomie, tout en évitant les déremboursements.
Néanmoins, nous ne voulons pas seulement bien gérer la sécurité sociale : nous voulons transformer en profondeur l’élaboration du budget santé du pays. Nous proposons d’en renverser la logique actuelle, qui est centralisée, court-termiste et déconnectée de la délibération sur les besoins de santé et les priorités de santé publique. Jamais notre pays ne mènera l’indispensable virage de la prévention dans le cadre actuel.
Il faut changer la loi, pour que le travail collectif sur le budget de la santé commence chaque printemps dans les départements, sous le double pilotage des agences régionales de santé et des élus, avec la participation de l’ensemble des acteurs de santé et des usagers. C’est à l’échelon départemental que doivent être déterminés les objectifs et les priorités locales de santé publique.
C’est ensuite au Parlement qu’il doit revenir, au début de l’été, d’adopter le cadrage national du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en intégrant les priorités des territoires, et de procéder à l’allocation des moyens en fonction des objectifs fixés.
Mes chers collègues, continuer dans la voie de ce PLFSS accroîtrait l’incompréhension des Français, qui subissent la dégradation de l’offre de soins, ainsi que celle des acteurs de santé, qui constatent la déconnexion entre les arbitrages et les besoins de santé et qui revendiquent une juste place pour chacun.
La promesse de tout changer après la pandémie s’est évanouie. Vous ne changez rien, promettant toujours pour demain, ce qui ne vous engage à rien, alors que notre sécurité sociale mérite d’être mieux gérée que ne l’est l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre modèle social, qui fait la fierté de notre pays, est aujourd’hui confronté à une situation critique.
Le déficit des finances sociales, anticipé à 18 milliards d’euros pour 2024, dépasse largement les prévisions initiales. Si nous ne réagissons pas rapidement, ce montant pourrait atteindre 28 milliards d’euros dès 2025. Il est de notre responsabilité collective de préserver et de renforcer ce pilier fondamental de notre société, car, derrière ces chiffres, c’est l’avenir de notre système de santé qui est en jeu.
Ce défi est une chance de transformation, une occasion de redéfinir ensemble un équilibre qui concilie la soutenabilité financière et les attentes des Français. Notre ambition doit être claire : construire un système de santé plus efficace, plus accessible et surtout capable de répondre aux besoins futurs.
En investissant dans la prévention, nous pouvons non seulement protéger la santé de nos concitoyens, mais également réduire les coûts pour notre système de soins. La vaccination, par exemple, est un outil puissant : elle sauve des vies, prévient des maladies graves, réduit les hospitalisations et se révèle économiquement judicieuse.
Nous devons aller encore plus loin en matière de politique vaccinale. Je proposerai un amendement visant à intégrer la promotion de la vaccination dans les rendez-vous de prévention. Par ailleurs, une politique de vaccination locale, renforcée et mieux coordonnée avec les agences régionales de santé permettrait d’améliorer l’accès aux vaccins sur tout le territoire, y compris dans les zones les plus isolées.
Les défis auxquels nous faisons face appellent également des solutions audacieuses et innovantes.
La fiscalité comportementale en est une : en dissuadant la consommation de produits nocifs comme le tabac ou les boissons sucrées, nous protégeons nos concitoyens tout en réalisant des économies substantielles. Une hausse progressive du prix du tabac, par exemple, pourrait sauver des milliers de vies, tout en réduisant la charge financière liée aux maladies qu’il provoque.
Ce n’est pas une utopie : des initiatives passées, comme le plan Cancer ou les hausses fiscales décidées de 2017 à 2020, ont démontré leur efficacité. Réduire le nombre de fumeurs, c’est diminuer le nombre de maladies chroniques, les hospitalisations et les coûts pour la sécurité sociale. C’est investir pour des Français en meilleure santé.
Enfin, nous ne pouvons ignorer les fractures territoriales et numériques, qui privent encore trop de Français d’un accès équitable à la santé. Les déserts médicaux ne sont pas seulement des zones sans médecins : ce sont aussi des territoires où la prévention et l’information sont absentes et où l’accès aux soins devient un parcours du combattant.
Je propose donc de créer de tiers lieux de prévention dans ces zones, véritables espaces d’accompagnement, d’information et de soins de proximité. En combinant innovation sociale et mobilisation locale, nous pourrons reconnecter ces territoires au cœur de notre système de santé.
Je tiens par ailleurs à attirer l’attention sur un problème essentiel qui menace l’excellence de notre système de santé : la diminution alarmante du nombre de spécialistes, notamment en pédiatrie et en psychiatrie. Ces secteurs, si essentiels pour nos enfants et pour les plus vulnérables, ne peuvent être laissés en souffrance. L’excellence médicale française, bâtie sur des décennies de formation rigoureuse et d’expertise reconnue, risque de s’éroder si nous n’agissons pas.
Il serait illusoire de croire que nous pourrons maintenir le même niveau de soin et d’accompagnement avec un nombre décroissant de médecins.
Certes, la délégation de tâches représente une avancée bienvenue, mais cela ne pourra jamais remplacer la présence, indispensable, de spécialistes compétents, capables de répondre aux besoins complexes de nos concitoyens. Investir dans la formation et l’attractivité de ces métiers, c’est investir dans la santé et l’avenir de notre nation.
Mes chers collègues, si les défis sont immenses, notre capacité à les relever l’est aussi. Nous tenons entre nos mains la possibilité d’assurer la pérennité et l’excellence de notre système de santé. Prévention, innovation, accès pour tous : ces priorités doivent guider nos choix. Il est indispensable aujourd’hui d’envisager des réformes structurelles. C’est ensemble que nous trouverons des solutions pour protéger notre modèle social, pour le rendre plus juste, plus durable et plus efficace. C’est ensemble que nous garantirons à chaque Français, où qu’il vive, une santé digne de nos valeurs et de nos ambitions.
L’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une occasion précieuse de poser les bases d’un système de santé plus juste, plus efficient et tourné l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur la branche autonomie de ce PLFSS, dont l’objectif de dépenses pour 2025 s’élève à 42,4 milliards d’euros.
L’évolution de la population française, nous le savons, suit une trajectoire de vieillissement tendanciel. Cela se traduira, en matière de prise en charge publique de la dépendance, par un accroissement massif des besoins d’investissement dans les Ehpad, estimé à plus de 7 milliards d’euros à horizon 2030, auxquels il faut ajouter le domiciliaire. Ce sont donc plus de 10 milliards d’euros qui devront, au total, être programmés.
Le texte soumis par le Gouvernement, dont nous discutons aujourd’hui, n’apporte aucunement les marges de manœuvre nécessaires pour faire face à cet enjeu.
Nous ne sommes pas les seuls à le dire, puisque la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a émis un avis défavorable sur ce PLFSS en dénonçant l’insuffisance des moyens par rapport aux besoins.
Voilà plus de six ans que nous attendons du Président de la République qu’il tienne sa promesse et annonce enfin le dépôt d’un projet de loi visant à répondre aux défis du vieillissement. Un tel texte est espéré par tous les Français, et notamment par les professionnels des secteurs de la santé, du social et du médico-social.
Voilà six ans que les gouvernements successifs nous présentent des écrans de fumée, entraînant une frustration et une colère bien légitimes.
Il y a quelques mois, l’examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France, et notamment de son article 10, avait mis en exergue la nécessité d’adopter une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge, dotée d’une trajectoire financière, d’ici au 31 décembre 2024. La Première ministre s’était engagée à déposer un texte au plus tard pendant l’été, de manière qu’il puisse être définitivement adopté dans les délais promis. En définitive, tout cela n’aura été qu’une énième promesse non tenue, qui bafoue de surcroît une proposition de loi adoptée par la représentation nationale.
Il y a pourtant urgence à préparer la société à la massification du vieillissement. Certes, 6 500 emplois vont être créés, mais cela représente à peine un poste par Ehpad, ce qui reste très insuffisant au regard des besoins des établissements.
Il y a aussi urgence à faire face à la grave crise que connaissent les Ehpad publics, dont huit sur dix sont en déficit. Ce n’est certainement pas le fonds de 140 millions d’euros pour accompagner la transformation de ces établissements, et notamment leur rénovation, qui peut suffire…
Nous pourrions réinstaurer un équilibre entre Ehpad publics, Ehpad privés à but non lucratif et Ehpad privés à but lucratif, notamment en taxant les superprofits de ces derniers, comme le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposait de le faire le mois dernier, lors de l’examen du texte de notre collègue Jean-Luc Fichet.
Nous faisons face à un défi majeur, que notre société doit relever. Les enjeux du vieillissement, de la perte d’autonomie, de l’isolement aussi, requièrent des moyens d’ampleur. Avec ce PLFSS, nous passons une fois de plus à côté des vrais sujets dont les Français, y compris les élus, dans tous nos territoires, aimeraient pourtant, très logiquement, que nous nous saisissions.
La facilité, mes chers collègues, serait de penser que l’instauration, comme le propose le Gouvernement, d’une deuxième journée de solidarité serait la solution à tous nos problèmes de financement de la dépendance. Cette mesure, vous l’appelez « contribution de solidarité par le travail ». Ayez au moins le courage de dire clairement que vous demandez aux salariés de travailler une journée gratuitement ! (On renchérit sur les travées du groupe SER.) Alors que certains nous promettaient de travailler plus pour gagner plus, les mêmes nous proposent à présent de travailler plus pour gagner moins… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Bien évidemment, nous répondons non ! Il serait profondément injuste de demander de nouveau aux Français de travailler sans être payés. Cela s’appelle du bénévolat. (Marques d’approbation sur les travées du groupe SER.) Et je ne connais aucun bénévole dans les entreprises ou dans la fonction publique, car tout travail mérite salaire ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le temps qui m’est imparti étant limité, vous me permettrez de me concentrer sur l’article 6 de ce PLFSS.
Les amendements qui visent à revenir sur la hausse des cotisations patronales témoignent de l’inquiétude que celle-ci suscite, particulièrement dans les outre-mer.
Si j’approuve l’intention du Gouvernement de réduire les dépenses publiques, je ne peux m’empêcher de penser que l’instabilité fiscale chronique dans les outre-mer est un frein au développement. Augmenter le coût du travail, c’est frapper en plein cœur la timide amélioration des chiffres de l’emploi que connaissent certains de ces territoires.
Recentrer davantage les exonérations, c’est aussi aller à rebours de ce qu’exigent ces économies. Ce recentrage a conduit de fait à une smicardisation de l’économie. Les effets de seuil et la dégressivité du bénéfice des exonérations freinent les évolutions salariales et réduisent l’attractivité de ces territoires pour les métiers de l’encadrement. Or la progression des salaires peut constituer une réponse au problème du coût de la vie, lui aussi structurellement plus élevé.
Abaisser les seuils d’exonération reviendrait en réalité à faire des économies en trompe-l’œil. (Mme Émilienne Poumirol proteste.) L’augmentation des cotisations se traduirait immanquablement par des suppressions d’emplois, ce qui accroîtrait mécaniquement les dépenses sociales – assumées en grande partie par les départements – tout en entretenant le cercle vicieux du chômage. Et je ne parle même pas des emplois qui risquent de basculer dans le secteur informel…
Je crois profondément qu’il est temps de chercher des réponses à même de tourner les outre-mer vers le développement et de cesser de prendre des décisions par à-coups.
Cela m’amène à quelques observations sur la méthode. Je suis bien consciente que le Gouvernement a préparé ce projet de loi dans un délai contraint. Mais cela n’apaise en rien mon exaspération de le voir réutiliser la même méthode, que nous décrions régulièrement.
Les conclusions des rapports d’inspection sont présentées soit peu de temps avant le débat soit au moment où les textes financiers – PLFSS ou PLF – sont en discussion devant le Parlement, c’est-à-dire bien trop tardivement pour être mises en œuvre. De surcroît, ces rapports ne traitent en général que d’un seul thème.
En outre, avec l’adaptation par ordonnances, le Gouvernement choisit une fois de plus de priver le Parlement de l’examen des dispositions applicables aux outre-mer, en contrepartie d’une concertation. Pour ma part, je considère que les deux sont compatibles : nous pouvons et engager une concertation et débattre au Parlement.
L’habilitation demandée à l’article 6 prévoit un délai de six mois, ce qui laisse très peu de temps à la concertation. Je crois, au contraire, qu’il faut se laisser le temps de la discussion pour améliorer durablement ces dispositifs et les stabiliser. Enfin, l’effet rétroactif de l’ordonnance est paralysant pour les employeurs.
À l’heure où la délégation sénatoriale aux outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, conduit une étude sur la coopération régionale, il va sans dire que le coût du travail, face à la concurrence des pays avoisinants, complique la régionalisation, alors même que celle-ci permettrait d’apporter une réponse au problème du coût de la vie – en tout cas, c’est une piste.
Saint-Barthélemy, malgré les clichés qui l’entourent, auxquels je reconnais que l’on ne cède pas au Sénat, serait, elle aussi, affaiblie par la hausse des cotisations. L’augmentation se répercuterait en effet sur les prix, déjà vertigineusement élevés. Malgré son succès touristique, Saint-Barthélemy affronte l’émergence de la concurrence venue des autres îles de la Caraïbe, qui se développent sur le même segment touristique. C’est pour cette raison qu’elle bénéficie d’un dispositif d’exonération différencié, qui a notamment contribué à y maintenir le plein emploi, le taux de chômage étant en dessous de 4 %. Je souhaite que ce dispositif soit préservé.
Je suis persuadée que, à long terme, le coût des politiques d’économies par à-coups est plus élevé dans les outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Jocelyne Guidez et Solanges Nadille applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je salue tout d’abord le travail colossal des rapporteurs et leur souci de construire, en responsabilité, le budget de la sécurité sociale, dont le déficit inédit de 18 milliards d’euros nous impose cette année, sans alternative, une trajectoire nette de redressement des comptes sur plusieurs exercices si nous voulons espérer un retour à l’équilibre.
L’urgence est donc à l’écriture d’un projet à même de stopper la vertigineuse flèche descendante du déficit depuis 2020 et la période covid. Comme ce PLFSS n’a pas été adopté à l’Assemblée nationale, cette tâche importante incombe au Sénat.
Résorber le déficit n’est pas qu’une opération technique. Chaque mesure adoptée aura des conséquences directes sur la vie des Français. Notre commission s’est donné pour cap, sur un chemin étroit et difficile, de répartir l’effort, de protéger l’emploi et les retraites modestes, de soutenir nos hôpitaux ainsi que l’autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap.
Tenir ce cap est essentiel non seulement pour maintenir l’essence même de notre modèle français de protection sociale, envié de par le monde, mais aussi pour répondre à l’évolution des besoins de notre société, aujourd’hui et à l’avenir.
L’urgence de la situation ne doit pas nous faire délaisser les réformes sectorielles. C’est d’ailleurs le Sénat qui a pris l’initiative d’un certain nombre d’entre elles, et je souscris à la perspective d’une approche budgétaire pluriannuelle pour les mener à bien. Je pense, par exemple, au grand âge, aux nombreux efforts qu’il nous reste à faire pour que la prévention et le dépistage deviennent naturels, pour éviter la survenance de maladies et la multiplication de parcours de soins longs et coûteux.
Il nous faut certainement, et immédiatement, dépenser moins ; surtout, il nous faut dépenser mieux. Réduire les dépenses, c’est d’abord chercher la justice sociale : que la rectitude budgétaire s’impose à tous, que chacun participe à l’effort collectif. Réduire les dépenses, c’est aussi chercher les poches d’économies et remettre à plat rapidement certains dispositifs qui n’ont pas été révisés depuis longtemps. Réduire les dépenses, c’est encore lutter contre la fraude, repenser et prioriser le contenu du panier de soins, réduire le gaspillage de produits, de pansements, de médicaments non utilisés, en repensant notamment leur conditionnement.
En ce qui concerne la prise en charge des affections de longue durée (ALD), nous devons nous demander jusqu’où et pour quels soins le taux de 100 % doit être appliqué dans la liste des trente ALD exonérantes. Ce régime, en effet, n’a que peu évolué depuis 1986. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)
Élue de terrain et de la ruralité, je n’ai de cesse d’être guidée par le souci de l’humain et par l’intérêt général, avec pragmatisme. Je considère l’innovation utilisée à bon escient comme une source d’amélioration de la santé et de gain de temps, d’énergie et d’argent. Généraliser l’intelligence artificielle pour les tâches administratives permettrait aux professionnels de santé, qui y passent près de 30 % de leur temps, de se consacrer davantage à leurs patients.
Mme Émilienne Poumirol. Dites même 50 % !
Mme Patricia Demas. Je plaide également pour davantage de fluidité des parcours de soins et pour la refonte, attendue et annoncée, du statut de l’infirmier, indispensable maillon du système de santé, surtout dans les territoires carencés en médecins.
Dans le même esprit, j’attends, comme beaucoup, la publication du décret concernant les infirmiers en pratique avancée (IPA), en application de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist.
Enfin, tendre vers un PLFSS équilibré et contenu est aussi l’occasion d’identifier des freins administratifs qui ne sont pas toujours justifiés. L’administration doit participer à l’effort de rigueur, ne serait-ce qu’en ne produisant pas de règles compliquées et superflues, et en ayant un rôle de facilitateur du travail des soignants, au service des patients et de l’intérêt général.
Face aux crises, les Français n’ont jamais manqué ni de courage ni d’esprit solidaire. Nous devons faire de même ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Jocelyne Guidez et Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour citer Jean Monnet, « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise ».
Le contexte budgétaire est particulièrement contraint, avec un déficit de la sécurité sociale qui dépassera 19 milliards d’euros fin 2024, soit un montant bien supérieur aux prévisions du gouvernement précédent. Je crois donc pouvoir dire qu’il est temps d’entreprendre certains changements dans la gestion financière de notre pays.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale porte une ambition claire : organiser le redressement de nos comptes tout en préservant notre modèle social. Cette ambition, nous ne pouvons que la partager.
À l’occasion de cette discussion générale, permettez-moi de rappeler quelques généralités.
Selon les données de l’OCDE, la France se classe en tête des pays qui taxent le plus, puisque les prélèvements obligatoires y représentent 46 % du PIB. Pourtant, notre système de soins est à bout de souffle, notre contrat social n’est pas honoré.
Ainsi, mesdames, messieurs les ministres, après l’adoption de ce PLFSS, il vous appartiendra d’engager des réformes structurelles pour retrouver une trajectoire soutenable. La prise en charge de l’autonomie, la réorganisation de notre système de santé et le développement des services de la petite enfance ne peuvent plus attendre. Ces chantiers sont immenses, mais aussi cruciaux.
En attendant, si notre commission a partagé l’ambition affichée dans ce texte, nous avons proposé une répartition plus équitable des efforts nécessaires. Il s’agit là d’un choix politique assumé. Le texte issu de nos travaux fixe un cadre exigeant et ne dégrade pas le solde, déjà déficitaire, de la sécurité sociale pour 2025.
La commission des affaires sociales a ainsi pris soin de protéger les emplois, en particulier ceux qui correspondent aux salaires modestes, ou encore les petites retraites, tout en répondant aux besoins des hôpitaux, des établissements médico-sociaux et des départements.
Par ailleurs, le renforcement du financement de la branche autonomie est essentiel pour répondre aux défis posés par le vieillissement de la population. Ayant participé à la rédaction d’un rapport d’information sur le sujet, je rappelle que la France comptera en 2030 plus de 6 millions de personnes âgées de plus 75 ans, soit 49 % de plus qu’en 2020.
La contribution de solidarité par le travail apportera des ressources pérennes, sans exiger la suppression d’un jour férié. Ce mécanisme financera dès 2025 un fonds d’urgence pour les Ehpad, soutiendra l’aide à domicile et garantira la gratuité des fauteuils roulants, que le Président de la République avait annoncée sans la financer : grâce au Sénat, c’est chose faite.
Enfin, la commission a adopté des mesures pour mieux responsabiliser patients et soignants et lutter contre la fraude. Elles portent notamment sur l’incitation des soignants à consulter et alimenter davantage le dossier médical partagé, afin de réduire le nombre d’actes redondants. Elles visent à renforcer la coopération entre assurance maladie et complémentaires santé en matière de lutte contre la fraude. Enfin, comme l’an dernier, la commission propose la création d’une « taxe lapin », c’est-à-dire d’une somme forfaitaire mise à la charge du patient s’il n’honore pas un rendez-vous.
Au vu de ces apports, fruits du travail sénatorial, et surtout en responsabilité, il me semble important de voter ce texte. C’est ce que fera le groupe Les Républicains. Toutefois, j’y insiste, mesdames, messieurs les ministres, des réformes structurelles sont attendues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je vous remercie pour la qualité de cette discussion générale, au cours de laquelle de nombreux points ont été abordés, concernant les dépenses comme les recettes.
Un consensus se dégage en faveur d’une grande restructuration de notre système de santé. Du reste, celle-ci se fait à bas bruit depuis des années, notamment dans l’accès aux soins. Cela ne paraît pas forcément évident, puisqu’il y a encore des déficits sur certains territoires, mais l’action des communautés professionnelles territoriales de santé, tout comme la transformation des relations entre le secteur libéral et l’hôpital, reflète un travail de fond.
Oui, nous devons travailler aussi à une grande loi de prévention, réfléchir à la transition de notre système de santé et garantir son financement, en gardant la solidarité comme point de mire. Certes, le PLFSS n’a pas pour objet de répondre à ces enjeux, mais j’ai bien noté plusieurs des propositions que vous avez formulées – les discussions à venir promettent d’être riches. Comme le dit régulièrement le Premier ministre, tout est améliorable et nous pouvons discuter de tout. Avançons ensemble.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Paul Christophe, ministre. Je suis heureux que les motions aient été rejetées, car l’on voit combien vous avez la volonté de débattre : il eût été dommage de nous en priver.
Vous avez évoqué la trajectoire de vieillissement de la population. Le rapport de Dominique Libault estimait les besoins à 10 milliards d’euros : nous prévoyons 4,2 milliards d’euros pour la santé et 5,8 milliards d’euros pour l’autonomie. Nous avons fléché pour cela 0,15 point de CSG, soit 2,4 milliards d’euros en 2024. Il nous revient de construire une trajectoire pour trouver le reste de la somme. Je sais que votre commission a beaucoup travaillé sur le sujet : je serai très heureux de participer au débat et de me nourrir de votre réflexion.
J’ai entendu dire que 6 500 emplois supplémentaires ne représentaient qu’à peine un poste par Ehpad, que c’est insuffisant, etc. Je rappelle qu’il s’agit d’une trajectoire de 50 000 emplois à l’horizon 2030, qui entre dans sa deuxième année. Il y a eu 6 000 recrutements l’an passé, il y en aura 6 500 cette année, et j’espère que cette tendance se poursuivra. Pour l’heure, en tout cas, nous respectons la trajectoire prévue, qui prévoit donc bien plus qu’un salarié par Ehpad. D’ailleurs, il ne suffit pas de créer des postes, il faut aussi attirer les candidats. Une campagne de communication sera lancée en fin d’année pour valoriser l’ensemble des métiers du soin.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je me réjouis du débat à venir. Allégements généraux, retraites – notamment agricoles –, Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, transposition de l’accord national interprofessionnel sur les accidents du travail : beaucoup reste à faire pour prolonger le travail de votre commission et améliorer significativement le texte.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite simplement rappeler que la commission se réunira pendant la suspension.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Dominique Théophile.)
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Lors du scrutin public n° 37, Mme Christine Bonfanti-Dossat, M. Alain Chatillon, Mme Catherine Dumas, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Khalifé Khalifé, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, Mme Marie-Pierre Richer, M. Jean-Luc Ruelle et M. Bruno Sido souhaitaient voter contre. M. Pascal Allizard, Mme Catherine Belrhiti, Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Marie Mercier et M. Jean Pierre Vogel souhaitaient s’abstenir. Mme Béatrice Gosselin, M. Jean-François Husson et M. Philippe Paul souhaitaient ne pas prendre part au vote.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
4
Financement de la sécurité sociale pour 2025
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Je vous rappelle que la discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Article liminaire
Les prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour les années 2024 et 2025 s’établissent comme suit, au sens de la comptabilité nationale :
(En points de produit intérieur brut) |
||
2024 |
2025 |
|
Recettes |
26,6 |
26,7 |
Dépenses |
26,6 |
26,4 |
Solde |
0,0 |
+0,2 |
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 196 est présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.
L’amendement n° 923 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 1111 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Aymeric Durox, pour présenter l’amendement n° 196.
M. Aymeric Durox. Cet article liminaire expose les perspectives de recettes et de dépenses des administrations de sécurité sociale. Celles-ci reposent sur des prévisions économiques trop optimistes, voire irréalistes, dont le seul but est de rassurer les investisseurs, en l’occurrence les groupes propriétaires de notre dette.
Ces prévisions se sont révélées erronées pour l’année 2024, comme cela avait déjà été le cas en 2023. Cet article ne peut en aucun cas constituer un support de discussion valable, raison pour laquelle nous en demandons la suppression.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 923.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Aux termes de cet article, prises dans leur ensemble, les administrations de sécurité sociale obligatoire, dont les dépenses et les recettes représentent plus d’un quart du PIB, présenteraient un excédent nul en 2024 et de +0,2 point de PIB en 2025.
L’écart entre le déficit de la sécurité sociale et l’excédent global des administrations de sécurité sociale proviendrait essentiellement de la Cades et de l’Unédic. Nous sommes bien loin et des discours alarmistes de la rapporteure générale et des discours appelant à préserver les générations futures en réduisant les droits des plus faibles, comme le propose la majorité sénatoriale.
En réalité, nous avons un débat politique sur les choix de gestion du budget de la sécurité sociale. Si nous suivons cet article liminaire, nous admettons que la part des dépenses de la sécurité sociale sont stables par rapport au PIB de la France. Mais les choix politiques qui consistent à faire rembourser une dette issue des suppressions et des exonérations de cotisations patronales déséquilibrent les comptes de la sécurité sociale.
Il y a bien deux visions qui s’opposent : d’un côté, le Gouvernement et la majorité sénatoriale veulent transférer 16 milliards d’euros à la Cades, crier aux déficits incontrôlés et couper dans les dépenses de solidarité en menant une politique d’austérité ; de l’autre, celles et ceux qui, comme nous, pensent que le problème vient du remboursement de la dette, dont nous contestons la légitimité.
Encore une fois, cette dette est la conséquence à la fois du transfert de la dette covid à la sécurité sociale et des réductions des cotisations patronales.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article liminaire.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1111.
Mme Anne Souyris. Nous nous opposons également à la vision « austéritaire » du Gouvernement, qui propose de contenir les dépenses en les diminuant de 0,2 point de PIB entre 2024 et 2025, afin de réaliser une économie de 15 milliards d’euros.
La sécurité sociale a besoin de nouvelles recettes. Nous refusons qu’elle soit gérée dans un cadre contraint. Les dépenses sociales sont comptabilisées dans un cadre budgétaire fini et prévisible, alors qu’elles-mêmes ne sont de facto ni finies ni prévisibles.
Par exemple, l’Ondam 2024, qui était fixé à 254,9 milliards d’euros en LFSS initiale, est rehaussé à 256,1 milliards d’euros dans le présent PLFSS, soit un dépassement de 1,2 milliard d’euros. Et le Gouvernement propose d’amender encore le texte pour prendre en compte l’Ondam 2025.
Le dépassement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie est systémique depuis 2020. C’est normal : d’une part, l’Ondam est manifestement insuffisant depuis plusieurs exercices ; d’autre part, on ne peut comptabiliser le nombre de maladies comme on comptabiliserait d’autres dépenses publiques.
C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer l’article liminaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je souhaite rappeler que l’article liminaire est une disposition obligatoire, prévue par la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Si nous ne le votions pas, c’est l’ensemble du texte qui serait censuré – certes, j’imagine bien que cela ne chagrinerait pas forcément tout le monde… (Sourires.)
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article liminaire, dont je rappelle – c’est important – qu’il s’agit d’un article prévisionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Sur la forme, la présence d’un tel article est en effet une obligation constitutionnelle. Je crois sincèrement que le Parlement a tout intérêt à s’en saisir. C’est un article qui permet d’informer les membres de la représentation nationale, afin de leur permettre de mieux faire leur travail d’évaluation des politiques publiques liées à la loi de financement de la sécurité sociale. C’est donc bien pour protéger les prérogatives de contrôle et d’évaluation du Parlement que je m’oppose à la suppression de l’article liminaire.
Sur le fond, j’aimerais répondre à deux interpellations.
Monsieur le sénateur Durox, si un tel article figure dans le PLFSS, c’est non pas pour « rassurer les investisseurs », mais pour donner la vérité des chiffres, afin de résorber le déficit social. Il ne s’agit pas de faire plaisir à qui que ce soit à l’extérieur de notre pays. Nous voulons tout simplement pouvoir continuer de mener une politique de protection sociale en France.
Vous le savez, la protection sociale est ainsi conçue qu’elle se finance elle-même. La dette sociale, quant à elle, se rembourse. Si nous ne sommes pas capables d’indiquer un horizon d’équilibre des comptes sociaux, c’est la politique de protection sociale de notre pays que nous ne savons pas tenir.
Madame la sénatrice Apourceau-Poly, vous avez l’air de considérer les recettes affectées au remboursement de la dette sociale comme des recettes disponibles. Il s’agit d’une lecture erronée : nous ne pouvons pas faire comme si les 16 milliards d’euros consacrés au remboursement de la dette sociale pouvaient être utilisés au financement des besoins sociaux de notre pays. Ou alors, il ne fallait pas s’endetter socialement, comme cela a été le cas depuis plusieurs décennies maintenant. Rembourser la dette est une nécessité.
Nous avons besoin d’avoir des comptes sociaux qui s’équilibrent dans le temps. Je le rappelle, dans ce PLFSS, nous passons de –18 milliards à –16 milliards d’euros. Ce n’est pas une cure d’austérité ; c’est une trajectoire pour résorber un déficit qui, sans ces mesures, deviendrait insoutenable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, il faut effectivement rembourser la dette sociale.
Toutefois, vous souhaitez le faire avec les recettes courantes, ce qui serait tout à fait normal si la dette elle-même était due à des déficits courants. Or la dette effectivement due aux déficits courants sera totalement remboursée à la fin de cette année. Il restera donc, au 31 décembre 2024, les 138 milliards d’euros, dont 2 milliards d’euros d’intérêts, de la dette covid transférée à la Cades.
En d’autres termes, ce que vous nous demandez, c’est de rembourser à partir du 1er janvier 2025 sur les recettes courantes une dette exceptionnelle, qui justifierait des recettes exceptionnelles. Je suis d’accord avec ma collègue : c’est illégitime !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 196, 923 et 1111.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 1342, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, deuxième ligne, troisième colonne
Remplacer le nombre :
26,7
par le nombre :
26,6
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet amendement a pour objet de traduire dans le tableau des prévisions de dépenses, de recettes et de solde l’incidence des informations nouvelles et des mesures retenues depuis le dépôt du PLFSS, le 10 octobre dernier.
Ainsi que plusieurs membres du Gouvernement l’ont précisé à la tribune, certaines recettes et, surtout, certaines dépenses sont modifiées. Je pense, par exemple, à l’augmentation de l’Ondam à hauteur de 1,2 milliard d’euros, dont nous avons expliqué les raisons, liées aux moindres remises sur le prix du médicament.
Pour autant, les recettes, les dépenses et le solde des administrations publiques exprimés en pourcentage de PIB sont inchangés en 2024. En effet, la dégradation est compensée par des mesures d’économies dans le champ de la santé.
En revanche, nous proposons de remplacer le nombre 26,7 par le nombre 26,6, en raison de la compensation à l’État du retour sur l’impôt sur les sociétés de la simplification du dispositif des allégements généraux, qui n’avait pas pu être mis en œuvre au moment du dépôt du texte.
Il s’agit donc d’un amendement de remise à niveau de la vérité des chiffres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à ramener les recettes des administrations de sécurité sociale prévues pour 2025 de 26,7 points de PIB, dans le texte transmis au Sénat, à 26,6 points de PIB.
La réduction proposée n’est pas liée au dérapage des dépenses de santé récemment constaté. Il s’agit essentiellement de prendre en compte la réduction de 1 milliard d’euros de la part de TVA affectée à la sécurité sociale destinée à compenser, pour l’État, les moindres recettes de l’impôt sur les sociétés résultant de la réforme des allégements généraux.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article liminaire, modifié.
(L’article liminaire est adopté.)
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2024
Article 1er
I. – Au titre de l’année 2024, sont rectifiés :
1° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
239,0 |
253,6 |
-14,6 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
16,7 |
16,0 |
0,7 |
|
Vieillesse |
287,4 |
293,7 |
-6,3 |
|
Famille |
58,3 |
57,9 |
0,4 |
|
Autonomie |
40,9 |
40,0 |
0,9 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
624,2 |
643,0 |
-18,9 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) y compris Fonds de solidarité vieillesse |
625,3 |
643,4 |
-18,0 |
; |
2° Les prévisions de recettes, les prévisions de dépenses et le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Fonds de solidarité vieillesse |
21,4 |
20,6 |
0,8 |
; |
3° Les prévisions des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles demeurent nulles ;
4° L’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, qui est fixé à 15,99 milliards d’euros.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 924 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 1112 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 924.
Mme Silvana Silvani. La dégradation comptable des soldes par rapport aux prévisions votées en LFSS pour 2024 et à celles qui avaient été publiées par la commission des comptes de la sécurité sociale au mois de mai dernier confirme notre analyse : le problème provient non pas des dépenses de la sécurité sociale, qui seraient « incontrôlées », mais des recettes.
Il est lié à la politique économique du Gouvernement et aux exonérations de cotisations sociales. Pour la première fois depuis 2021, les recettes de la sécurité sociale connaissent une progression plus faible que les dépenses.
Ainsi, l’article 1er rectifie le solde de la branche maladie en 2024 à –14,6 milliards d’euros, soit une dégradation de 3,2 milliards d’euros par rapport aux prévisions du mois de mai dernier, alors que l’Ondam 2024 est seulement abondé de 1,2 milliard d’euros. Ce sont donc bien 2 milliards de recettes qui manquent à la branche maladie.
Le Gouvernement a surévalué les recettes pour nous faire croire que les renoncements exigés, année après année, des professionnels de santé comme des patients seraient moins grands qu’il n’y paraît et, surtout, inévitables.
Selon l’exposé des motifs de l’article 1er, il manque 18 milliards d’euros, en raison de moindres recettes en lien avec la dégradation des perspectives macroéconomiques. Le ministre chargé du budget et des comptes publics a expliqué que cette dégradation était la conséquence d’une croissance davantage tirée par les exportations que par la consommation en 2024. Les recettes de TVA ont diminué et, avec elles, les montants affectés au financement de la protection sociale.
L’article 1er reflète donc les conséquences désastreuses des politiques menées depuis vingt ans pour réduire, voire supprimer les cotisations des entreprises en les compensant partiellement par les recettes de la TVA. Il reflète également les conséquences néfastes des niches sociales pour les compléments de salaires, qui ont entraîné un ralentissement des augmentations de salaires, donc des cotisations sociales.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1112.
Mme Anne Souyris. Cet amendement vise également à supprimer l’article 1er.
Il existe des richesses dans ce pays, mais elles ne contribuent pas de manière juste à la sécurité sociale. Malgré la croissance, +1,1 % selon l’Insee, les salaires n’ont pas augmenté et, par conséquent, les cotisations non plus.
Résultat : si l’on compare les recettes qui étaient prévues à la fin de l’année 2023 à ce qui figure dans le PLFSS, on s’aperçoit que 6,1 milliards d’euros ne sont pas rentrés dans les caisses de la sécurité sociale.
Le Gouvernement justifie ces moindres recettes par la « dégradation des perspectives macroéconomiques ». Traduisons : la sécurité sociale n’a pas bénéficié de l’augmentation des richesses de notre pays. L’article 1er montre l’absence de sérieux du « socle commun » dans la gestion des comptes sociaux.
La rectification des comptes de la sécurité sociale proposée par le Gouvernement met en évidence un écart de 7,6 milliards d’euros entre la prévision en LFSS 2024 et les chiffres qui sont désormais annoncés. L’écart tient essentiellement à la mauvaise prévision des recettes. Notre commission avait pourtant indiqué au Gouvernement combien elle était sceptique quant aux montants de ces prévisions, mais elle n’avait pas été entendue.
Pour ces raisons, nous vous proposons de supprimer l’article 1er.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. On peut en effet commenter les prévisions, mais l’article 1er, à l’instar de l’article liminaire, est une disposition obligatoire au titre de la loi organique. Et, là encore, il s’agit d’un article prévisionnel.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, dans vos prévisions, de rectification en rectification, avez-vous pris en compte l’effet récessif de votre plan sur la sécurité sociale ?
Les ménages vont subir un report de charges. L’Observatoire français des conjonctures économiques évalue à 0,8 point l’effet récessif de vos mesures. En avez-vous tenu compte ou préférez-vous attendre l’année prochaine pour nous dire que vous aviez surestimé la croissance ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Madame la sénatrice, nous sommes bien conscients que certaines de nos mesures budgétaires – en l’occurrence, elles figurent plus dans le projet de loi de finances que dans le PLFSS – peuvent avoir pour effet de ralentir l’activité économique. Notre objectif est précisément de faire en sorte que le ralentissement soit le plus limité possible. Le taux de croissance que nous avons retenu, 1,1 %, prend en compte ce que vous évoquez.
Il faut aussi faire preuve de cohérence. Nous avons décidé de réduire les allégements de cotisations sociales prévus à l’article 6. J’imagine qu’avec les membres de votre groupe et, plus généralement, avec l’ensemble des parlementaires de la gauche, vous devez approuver ce choix. Or, voyez-vous, ce sont plutôt ce type de mesures qui peuvent entraîner un effet récessif sur l’activité. Nous verrons bien les amendements que vous proposerez à cet égard.
Pour notre part, nous veillons à avoir un texte équilibré : d’un côté, nous freinons les dépenses ; de l’autre, nous prévoyons des prélèvements obligatoires exceptionnels qui ne doivent pas – c’est la raison pour laquelle nous tenons à ce qu’ils soient bien exceptionnels et temporaires – avoir un effet nocif sur l’activité, la croissance et, surtout, l’emploi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 924 et 1112.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 1353, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
1° Deuxième ligne
a) Deuxième colonne
Remplacer le nombre :
239,0
par le nombre :
238,6
b) Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
-14,6
par le nombre :
-15,1
2° Avant-dernière ligne
a) Deuxième colonne
Remplacer le nombre :
624,2
par le nombre :
623,7
b) Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
-18,9
par le nombre :
-19,4
3° Dernière ligne
a) Deuxième colonne
Remplacer le nombre :
625,3
par le nombre :
624,8
b) Quatrième colonne
Remplacer le nombre :
-18,0
par le nombre :
-18,5
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cet amendement vise à réviser l’article 1er, comme nous l’avons fait à l’article liminaire.
Il s’agit de prendre en compte les conséquences financières des perspectives moins dynamiques qu’anticipé pour les recettes de remise sur les médicaments. Nous estimons la dégradation du solde de la branche maladie à 0,8 milliard d’euros.
Nous souhaitons également tenir compte des perspectives actualisées des recettes fiscales sur la TVA retenues en fin de gestion pour 2024 avec, cette fois-ci, à l’inverse, une estimation de révision à +0,3 milliard d’euros pour la branche maladie, compte tenu de l’affectation de plus d’un quart de la TVA à la sécurité sociale.
En définitive, le solde sur l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale est prévu à –18,5 milliards d’euros, contre –18 milliards d’euros dans le texte que nous avions présenté, le 10 octobre dernier.
Les recettes de la branche maladie sont revues à la baisse de 0,5 milliard d’euros, pour un montant exact de 224,7 milliards d’euros, contre 225,3 milliards dans le texte initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à intégrer dans le texte une réduction d’environ 0,5 milliard d’euros des recettes de la branche maladie en 2024, dont le déficit serait donc accru d’autant.
Idem pour la sécurité sociale dans son ensemble, avec une réduction des recettes de 0,5 milliard d’euros et une augmentation équivalente du déficit pour 2024, qui passerait à 18,5 milliards d’euros, contre 18 milliards d’euros dans le texte initial.
Selon l’exposé des motifs de l’amendement, il s’agit de « tenir compte de l’impact financier de perspectives moins dynamiques qu’anticipé s’agissant des recettes de remise sur les médicaments » et « de rentrées fiscales supplémentaires au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ».
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Ainsi que Mme la rapporteure générale vient de le souligner, cet amendement met en lumière l’augmentation du déficit pour 2024, qui serait de 18,5 milliards d’euros. Or nous savions depuis l’été dernier que le problème se poserait. Quelles mesures avez-vous prises, monsieur le ministre, pour réduire ce déficit en 2024 ? La réponse est simple : aucune !
Le débat public se polarise sur le déficit de l’État et le projet de loi de finances pour 2025, mais l’on scotomise un peu la dérive des finances sociales et la responsabilité d’un gouvernement qui laisse filer les comptes.
D’ailleurs, si l’on met cela en parallèle avec les projections que vous faites pour les années suivantes, c’est assez inquiétant. Tout se passe comme si vous aviez l’intention de laisser dériver les finances sociales, moyennant quoi il faudra ensuite – il n’y a pas trente-six solutions – soit remettre le déficit dans la Cades, soit réduire le périmètre de la sécurité sociale.
Ainsi, cet amendement, d’apparence anodine, est le parfait témoin de l’inaction du Gouvernement. À moins que vous ne puissiez nous détailler les mesures que vous avez prises depuis l’été dernier pour enrayer le déficit pour 2024 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Monsieur le sénateur Jomier, vos propos pourraient laisser à penser qu’aucune action n’a été menée pour ralentir le dérapage social en 2024. Or ce n’est pas vrai.
Comme je l’ai indiqué, d’un côté, l’activation de la clause de sauvegarde permet de contenir le dépassement à 800 millions d’euros ; de l’autre, bonne nouvelle, nous enregistrons 300 millions d’euros supplémentaires de rentrées de TVA.
Certes, au total, le déficit augmente, mais la hausse aurait pu être plus forte sans les actions que nous avons entreprises. Il est donc faux de dire que rien n’a été fait pour freiner le déficit.
M. Bernard Jomier. Les rentrées de TVA, ce ne sont pas des « actions » !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Au titre de l’année 2024, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs sont rectifiés ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
|
Sous-objectif |
Objectif de dépenses |
Dépenses de soins de ville |
109,5 |
Dépenses relatives aux établissements de santé |
105,5 |
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées |
16,1 |
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées |
15,2 |
Dépenses relatives au fonds d’intervention régional et soutien à l’investissement |
6,7 |
Autres prises en charge |
3,2 |
Total |
256,1 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 926 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 1113 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 926.
Mme Céline Brulin. L’article 2 rectifie le montant de l’Ondam pour 2024.
Après le débat que nous venons d’avoir sur l’insuffisance des recettes, nous voyons que, année après année, l’Ondam est sous-dimensionné, sous-évalué. Je ne connais pas un seul acteur du système de santé et de protection sociale qui le juge à la hauteur des besoins de notre pays.
Vous ne serez sans doute pas surpris de nous l’entendre dire, dans la mesure où nous le répétons chaque année. Et, en effet, chaque année, il faut apporter des correctifs à l’Ondam, ce qui prouve bien qu’il est sous-évalué. De surcroît, les rectificatifs que vous apportez ne permettront pas de remédier complètement à la situation.
Cette année, j’aimerais plus particulièrement pointer le fait que les cliniques privées ont obtenu 600 millions d’euros supplémentaires, en réponse au mouvement de grève qu’elles avaient voulu engager, de bonne mémoire, au mois de mai dernier. Il s’agit, par exemple, de revaloriser, à hauteur de 80 millions d’euros, les gardes de nuit ou – j’insiste sur cet aspect – de supprimer un coefficient de minoration, qui devait neutraliser l’avantage fiscal dont bénéficient ces cliniques avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
Comme l’ont souligné un certain nombre d’acteurs de l’hospitalisation publique, ces 600 millions d’euros vont manquer à nos hôpitaux publics, notamment dans le contexte de déficit de 2 milliards d’euros qu’ils connaissent depuis plusieurs années.
Je pourrais également évoquer la situation des Ehpad, qui n’est pas forcément plus brillante aujourd’hui…
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1113.
Mme Anne Souyris. L’Ondam 2024 est, encore une fois, le symptôme d’une gestion insincère.
Ce soir, il sera modifié par le Gouvernement pour la deuxième fois depuis l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. De 254,9 milliards d’euros en LFSS 2024 à 256,1 milliards d’euros dans le PLFSS initial pour 2025, il serait à présent porté à 256,9 milliards d’euros par un amendement du Gouvernement.
L’Ondam n’est toujours pas à la hauteur des besoins de financement, que la Fédération hospitalière de France (FHF) estime à 260,7 milliards d’euros. Il est le reflet d’une politique insincère, alors que nous n’avons eu de cesse d’alerter le Gouvernement pour en revaloriser le montant.
Oui, l’Ondam est un outil absolument inadapté : il est limitant, restrictif et ne répond pas aux besoins des acteurs et des actrices de terrain. Il suffira d’une crise supplémentaire – ma collègue a évoqué tout à l’heure la crise de la covid-19, qui a été absolument dramatique sur les plans sanitaire, environnemental et économique – pour abattre une bonne fois pour toutes notre système de santé, fragilisé par l’Ondam lui-même.
Mes chers collègues, si nous ne voulons pas entériner la paupérisation de notre système de santé, supprimons l’Ondam et repartons des besoins des populations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je souhaite tout d’abord rappeler que la rectification du montant de l’Ondam et du montant de ses sous-objectifs est, là aussi, une disposition obligatoire en loi de financement de la sécurité sociale. Les lois de financement rectificatives sont rares ; jusqu’à présent, elles n’ont été qu’au nombre de deux. C’est en fin d’année, à l’occasion de l’examen du PLFSS pour l’année suivante, que le montant de l’Ondam peut être rectifié.
Surtout, j’aimerais revenir sur les éléments que vous avez exposés, l’une et l’autre.
Première observation, il est vrai que l’année 2024 enregistre un dépassement très préoccupant de l’Ondam, compte tenu de la situation très dégradée de nos finances publiques. Ce dépassement, qui était annoncé à 1,2 milliard d’euros, sera finalement de 1,9 milliard d’euros, puisque le Gouvernement entend porter l’Ondam 2024 à 256,9 milliards d’euros, soit 800 millions d’euros de plus que ce qui était prévu dans le texte initial.
Deuxième observation, le dépassement ne s’inscrit de surcroît plus dans un contexte de crise, comme cela vient d’être rappelé. D’une part, les dépenses de gestion de la crise de la covid-19 sont devenues résiduelles ; d’autre part, l’inflation a nettement ralenti.
Pour autant, la rectification du montant de l’Ondam souhaitée par le Gouvernement reflète un état des lieux que nous ne pouvons pas feindre d’ignorer, même s’il y a des désaccords de fond sur les choix opérés.
Cet article de rectification étant un article obligatoire de la LFSS, j’émets un avis défavorable sur les amendements visant à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Vous en conviendrez, nous avons besoin de cet article en LFSS. Je prends donc ces amendements plutôt comme des amendements d’appel et j’en sollicite le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
Sur le fond, comme l’a très bien expliqué Mme la rapporteure générale, je ne peux pas être d’accord lorsque vous voyez dans les écarts constatés la preuve d’une « insincérité ».
Il faut faire attention aux termes qui sont utilisés. La plupart du temps, il s’agit de dépenses de guichet. Si vous comparez les estimations, c’est-à-dire l’objectif – car l’Ondam, par définition, est un objectif –, et les résultats, vous voyez bien qu’il ne s’agit pas d’insincérité. S’il est des réalités – nous l’avons malheureusement encore constaté dans le cadre des remises sur les médicaments – qui nous obligent à modifier l’article 2, vous ne pouvez, au regard des chiffres, parler d’insincérité. Les résultats observés restent dans les mêmes ordres de grandeur que les prévisions, même s’il faut procéder à des ajustements fondés sur le constat de l’existant sur l’année.
Il s’agit, au contraire, de sincérité dans la communication vis-à-vis du Parlement.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Quand l’Ondam n’évolue que de 0,3 point en volume alors qu’il devrait mécaniquement – tout le monde en convient – augmenter de plusieurs points, je ne pense pas que ce soit sincère.
Vous vous vantez de mobiliser 5 milliards d’euros supplémentaires, par exemple sur les soins palliatifs, ce qui était effectivement nécessaire. Mais vous demandez en même temps aux hôpitaux de réaliser des économies d’un même montant. En d’autres termes, vous gagez les mesures nouvelles par des mesures d’économies. Et cela dure depuis des années !
Le fait que l’Ondam ait été, sous des gouvernements précédents, l’outil de rééquilibrage de la sécurité sociale a mené l’hôpital à la situation catastrophique qui est la sienne aujourd’hui et que vous entretenez par votre politique.
L’Ondam ne peut être l’outil idoine pour résorber les déficits, comme cela a été le cas dans les années 1990, avec les conséquences que nous connaissons. L’outil, ce sont les recettes. Il faut aller chercher des recettes supplémentaires – pour notre part, nous savons où ! – pour faire face au vieillissement, aux pathologies, aux affections de longue durée et au coût des nouveaux traitements, notamment du cancer, autant de facteurs d’évolution quasi mécanique de l’Ondam en volume.
Il faut donc rechercher des financements, et non se servir de l’Ondam comme outil privilégié d’équilibre des comptes.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Monsieur le ministre, je me souviens parfaitement de l’adoption par le Sénat de l’Ondam 2024 à l’automne 2023.
Nous avions alors fait remarquer au ministre délégué chargé des comptes publics – il s’appelait alors Gabriel Attal – que, pour la première fois, le Gouvernement présentait un Ondam dont la progression était inférieure à l’inflation.
Voilà ce que j’appelle de l’insincérité, parce que jamais l’État n’a pu tenir un Ondam en dessous de l’inflation – même lors de la période évoquée par Raymonde Poncet Monge, l’évolution de l’Ondam, certes faible, restait supérieure à l’inflation.
Dès lors que ce choix a été fait, le décalage qui va s’opérer conduira nécessairement le Gouvernement à rectifier un Ondam devenu intenable.
La sincérité suppose de tenir compte de ces mécanismes, ce qui entre en contradiction avec le fait de présenter aujourd’hui un Ondam en progression de 3,1 %, mais dont plus de 1 point correspond à des transferts vers la CNRACL. En d’autres termes, être sincère, c’est ne pas présenter un Ondam 2025 qui se situe peu ou prou au niveau de l’inflation et qui – nous le savons tous – ne sera pas plus atteint que le précédent.
Monsieur le ministre, je ne vous tiens pas personnellement pour responsable de la situation – vous n’étiez pas au banc des ministres à l’époque –, mais vous vous situez tout de même dans la continuité de la majorité qui a conduit cette politique. Si nous regardons ainsi dans le rétroviseur, c’est non pas pour le plaisir, mais parce que le passé est porteur d’enseignements.
Le fait de ne jamais prendre en compte la progression structurelle et tendancielle des dépenses de santé et de présenter un Ondam qui fait fi de ces évolutions a, j’y insiste, quelque chose d’insincère.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 926 et 1113.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1343, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, seconde colonne
I – Deuxième ligne
Remplacer le nombre :
109,5
par le nombre :
110,1
II. – Troisième ligne
Remplacer le nombre :
105,5
par le nombre :
105,6
III. – Dernière ligne
Remplacer le nombre :
256,1
par le nombre :
256,9
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. En sus de la rectification apportée au texte initial à l’Assemblée nationale, cet amendement vise à rehausser l’Ondam de 0,8 milliard d’euros, dont un peu moins de 0,7 milliard sur le sous-objectif « Dépenses de soins de ville », le reliquat étant imputé sur le sous-objectif relatif aux établissements de santé.
Par cette rectification complémentaire, le Gouvernement entend tirer les conséquences des nouvelles prévisions dont il a eu connaissance depuis l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
M. le président. Le sous-amendement n° 1356, présenté par Mmes Doineau et Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 1343
I. – Alinéa 11
Remplacer le nombre :
105,6
par le nombre :
105,8
II. – Compléter cet amendement par dix alinéas ainsi rédigés :
…° Sixième ligne, seconde colonne
Remplacer le chiffre :
6,7
par le chiffre :
6,6
…° Avant-dernière ligne, seconde colonne
Remplacer le chiffre :
3,2
par le chiffre :
3,1
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ce sous-amendement vise à majorer le montant du sous-objectif relatif aux établissements de santé de 200 millions d’euros.
Alors que les crédits mis en réserve sur ce sous-objectif n’ont pas été dégelés, nous souhaitons soutenir les établissements de santé, dont la situation financière ne cesse de se dégrader depuis la survenue de la crise de la covid-19.
Le déficit cumulé des hôpitaux atteignait déjà 1,8 milliard d’euros en 2023 et devrait dépasser les 2 milliards d’euros en 2024. Cette situation résulte d’un effet ciseaux entre, d’une part, le renchérissement exceptionnel du niveau des charges supportées – effets de l’inflation, revalorisations salariales du Ségur et de la fonction publique – et, de l’autre, les pertes de recettes du fait du retard de la reprise d’activité.
Alors que la décision relative au dégel éventuel de crédits mis en réserve pour ce sous-objectif à hauteur de 400 millions d’euros n’a pas encore été prise, cet amendement vise à inciter le Gouvernement à dégeler une partie de ces crédits, comme il l’a fait en décembre 2023.
La situation est peu différente de celle de l’année dernière : on observe enfin au sein des établissements publics de santé une reprise dynamique de l’activité, qui retrouve, nous dit-on, son niveau antérieur au covid-19. Il faut justement soutenir cette dynamique. La reprise d’activité doit être encouragée pour permettre un désendettement progressif des hôpitaux et un assainissement de leur situation financière.
Cet amendement est aussi l’occasion d’interpeller le Gouvernement sur la nécessité d’une juste valorisation des tarifs hospitaliers, alors que les fédérations soulignent le sous-financement chronique de certaines activités d’hospitalisation complète, qui pénalise ces prises en charge.
Enfin, pour assurer sa recevabilité et éviter une augmentation du montant total de l’Ondam en 2024, il est proposé de reprendre 100 millions d’euros, respectivement sur les cinquième et sixième sous-objectifs, afin de conserver une ventilation de crédits compatible avec les contraintes réelles de financement, alors même que la fin d’année est proche et que de nombreuses dépenses ont déjà été effectuées.
M. le président. L’amendement n° 1116, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, seconde colonne
I. – Deuxième ligne
Remplacer le montant :
109,5
par le montant :
108,2
II. – Troisième ligne
Remplacer le montant :
105,5
par le montant :
106,8
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Selon la Fédération hospitalière de France, l’Ondam hospitalier aurait dû être revalorisé de 1,3 milliard d’euros pour l’année 2024 afin de tenir compte de l’inflation.
Cela correspond à 20 000 postes d’infirmiers à temps plein, qui n’ont pas été compensés. N’avons-nous donc rien retenu de la crise de la covid-19 ?
L’hôpital, qui soigne sans compter, sans discrimination et sans discontinuité, est paralysé dans ses capacités de fonctionnement et d’investissement en raison d’un sous-financement massif.
La politique néolibérale du macronisme va à contresens des besoins de la population française.
M. Xavier Iacovelli. Il est temps de changer d’argumentaire !
Mme Anne Souyris. Trouver un rendez-vous chez un médecin spécialiste dans la semaine, consulter à trois heures du matin pour une urgence ou encore accéder à des soins sans avoir de ressources financières, voilà ce que permettent les établissements de santé. Or ces missions ne pourront malheureusement pas être accomplies par les soins de ville, sinon très difficilement.
Renoncement aux soins, mal-recours aux urgences ou encore retards de soins à l’hôpital, la situation décrite par la FHF et par les acteurs et actrices du soin est préoccupante. L’hôpital brûle, investissons d’urgence pour le sauver !
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 871 rectifié ter est présenté par M. Fichet, Mme Bonnefoy, MM. Fagnen et Devinaz, Mme Lubin, MM. Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot et M. Weber, Mmes Le Houerou, Carlotti et Monier et MM. Bourgi, Ziane, Stanzione et P. Joly.
L’amendement n° 1114 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1243 rectifié bis est présenté par Mmes Schillinger et Havet, M. Omar Oili, Mmes Duranton, Cazebonne et Ramia, MM. Lévrier et Buval et Mme Nadille.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, tableau, seconde colonne
I. – Deuxième ligne
Remplacer le montant :
109,5
par le montant :
109,492
II. – Avant-dernière ligne
Remplacer le montant :
3,2
par le montant :
3,208
La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 871 rectifié ter.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à compenser les financements non perçus par les établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées au titre des revalorisations salariales annoncées en 2024 et non versées à ce jour.
Il vise donc à organiser dans les délais les plus brefs la délégation des crédits prévus rétroactivement sur le budget 2024 des organismes gestionnaires non lucratifs, sans attendre les arrêtés de tarification annuelle de ces établissements.
L’adoption de cet amendement permettrait d’honorer les engagements pris par les pouvoirs publics et de compenser à la juste hauteur la perte subie par les associations n’ayant pas perçu les financements nécessaires à cette revalorisation salariale.
Aucune disposition n’est prévue à ce titre dans le PLFSS pour 2025. Depuis l’accord agréé, une instruction a permis de déléguer les crédits concernant les oubliés du Ségur à hauteur de 291 millions d’euros dans le champ des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) pour personnes âgées et personnes handicapées. Or les fédérations d’organismes gestionnaires estiment que 100 millions d’euros sont encore nécessaires pour financer les primes Ségur au sein desdits établissements.
Cet amendement vise donc à relever les montants de l’Ondam 2024 relatifs aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées et aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées de 100 millions d’euros, afin d’offrir une compensation aux associations ayant financé ces primes pour leurs salariés.
Les dispositions de cet amendement précisent que la diminution des moyens dévolus au sous-objectif « Autres prises en charge » est purement formelle, afin de répondre aux contraintes de l’article 40 de la Constitution. En conséquence, nous appelons le Gouvernement à compenser cette dépense.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1114.
Mme Anne Souyris. En 2024, il y a encore des oubliés du Ségur. Je veux parler des structures d’addictologie, comme les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) ou encore les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud).
Le Gouvernement a enfin permis l’attribution de la prime Ségur, rétroactive au 1er janvier 2024, aux professionnels du secteur médico-social, comblant ainsi une injustice qui perdurait depuis la fin de la crise de la covid-19. Toutefois, de nombreux financeurs ne peuvent assumer cet accord en raison de l’absence de crédits spécifiques alloués par l’État.
Cet amendement vise à relever le sous-objectif « Autres prises en charge » d’environ 8 millions d’euros, afin d’offrir une compensation aux associations ayant financé ces primes pour leurs salariés.
L’État doit en effet respecter les engagements qui ont été pris envers les structures non lucratives. Les équipes qui œuvrent dans ces structures sont en première ligne et leur travail est mis en péril par le manque de moyens.
C’est aussi une question de reconnaissance du travail des structures d’addictologie, qui luttent non seulement sur le terrain, mais également contre les lubies des ministres de l’intérieur successifs, dont les conséquences sont néfastes à la santé de nos concitoyens.
Il est plus qu’urgent d’apporter à ces établissements la garantie que la santé publique se trouve bien au centre des préoccupations du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval pour présenter l’amendement n° 1243 rectifié bis.
M. Frédéric Buval. Cet amendement de ma collègue Patricia Schillinger vise à répondre à la situation critique des établissements médico-sociaux privés à but non lucratif chargés de la lutte contre les addictions, tels que les Csapa et les Caarud.
Bien que l’accord sur le Ségur pour tous ait été agréé et publié – il a permis la revalorisation salariale attendue par des professionnels longtemps oubliés –, les financements nécessaires n’ont pas suivi. Cette absence de crédits pourtant indispensables met en péril économique de nombreuses associations qui soutiennent des personnes vulnérables et fragilise l’ensemble de leur action sur le territoire.
Par cet amendement, il est proposé de rectifier l’Ondam 2024 pour garantir les 8,7 millions d’euros encore dus et respecter les engagements de l’État. Cette mesure est indispensable pour préserver un accompagnement vital des personnes en situation d’addiction et reconnaître pleinement le travail de ces professionnels.
M. le président. L’amendement n° 927, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, seconde colonne
I. – Troisième ligne
Remplacer le montant :
105,5
par le montant :
107,9
II. – Avant-dernière ligne
Remplacer le montant :
3,2
par le montant :
0,8
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Alors que Mme la rapporteure générale envisage, par le sous-amendement n° 1356, d’abonder l’Ondam hospitalier de 200 millions d’euros, nous proposons une progression de 2,4 milliards d’euros, soit le montant correspondant à l’inflation en 2023 et en 2024 et au surcoût de la revalorisation des gardes de nuit et de week-end.
Sans vouloir opposer hôpitaux publics et cliniques privées, force est de reconnaître que la permanence des soins est assurée quasi intégralement par le public. Selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales, la prise en charge des patients la nuit ou le week-end est assumée à 82 % par les hôpitaux publics, tandis que le privé lucratif n’assure que 13 % des gardes.
Il n’est donc pas juste de supprimer des crédits aux hôpitaux publics pour financer les cliniques privées, qui ne participent pas à la permanence des soins.
Ce dernier point devrait guider nos débats. Les conditions de travail dans les établissements publics provoquent le départ du personnel vers le secteur privé, ce qui entraîne des fermetures de services hospitaliers. Nous devons imposer aux cliniques privées d’ouvrir leurs portes les soirs et les week-ends pour soigner les malades en errance médicale.
À cette condition, le budget des hôpitaux et des cliniques privées pourra être augmenté. Dans cette attente, nous demandons que soit comblé le sous-financement des hôpitaux en 2023 et 2024.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 870 rectifié ter est présenté par M. Fichet, Mme Bonnefoy, MM. Devinaz et Fagnen, Mme Lubin, MM. Montaugé, Redon-Sarrazy, Ros, Pla, Temal, Tissot et M. Weber, Mmes Le Houerou, Carlotti et Monier et MM. Bourgi, Ziane et P. Joly.
L’amendement n° 1115 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1164 rectifié quater est présenté par Mme Harribey, MM. Gillé et Chaillou, Mme Poumirol, M. Lurel, Mme Blatrix Contat, MM. Féraud et Uzenat, Mmes S. Robert, Artigalas, Conway-Mouret et Bélim et MM. Bouad, Michau et Stanzione.
L’amendement n° 1242 rectifié est présenté par Mmes Schillinger et Havet, M. Omar Oili, Mmes Duranton, Cazebonne et Ramia et MM. Lévrier et Buval.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, tableau, seconde colonne
I. – Quatrième ligne,
Remplacer le nombre :
16,1
par le nombre :
16,11
II. – Cinquième ligne,
Remplacer le nombre :
15,2
par le nombre :
15,29
III. – Avant-dernière ligne
Remplacer le nombre :
3,2
par le nombre :
3,1
La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l’amendement n° 870 rectifié ter.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que l’amendement n° 871 rectifié ter.
Dans une perspective de compensation des financements non perçus, il vise à relever de 100 millions d’euros l’objectif de dépenses des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 1115.
Mme Anne Souyris. Les établissements pour personnes âgées et handicapées sont d’autres oubliés du Ségur.
Il a fallu attendre l’été 2024 pour que le Gouvernement étende les mesures de revalorisation salariale Ségur à la branche sanitaire sociale et médico-sociale à but non lucratif.
Les partenaires sociaux le demandaient, c’est une bonne chose. Toutefois, depuis cet accord, seulement 291 millions d’euros de crédits ont été transférés aux ESSMS quand les fédérations d’organismes gestionnaires estiment que 100 millions d’euros sont encore nécessaires pour financer ces primes.
Par cet amendement, nous appelons le Gouvernement à compenser intégralement le Ségur pour tous et souhaitons alerter sur la situation du secteur.
Avec Chantal Deseyne et Solanges Nadille, nous avons démontré dans notre rapport d’information Ehpad : un modèle à reconstruire à quel point le secteur était dans une situation financière inquiétante.
Entre la LFSS 2024 et le PLFSS 2025, il semblerait que le sous-objectif relatif aux établissements et services pour personnes âgées ait été sous-consommé à hauteur de 1,2 %. Je m’en inquiète, alors que les Ehpad, entre autres structures, ont besoin de financements supplémentaires.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 1164 rectifié quater.
Mme Laurence Harribey. Nous proposons également une compensation immédiate pour les établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif qui n’ont pas reçu les financements nécessaires pour appliquer les revalorisations salariales du Ségur de la santé.
L’État a alloué 291 millions d’euros à ces revalorisations ; il manque environ 100 millions d’euros pour couvrir entièrement les besoins dans les établissements pour personnes âgées et handicapées.
Cet amendement vise donc à rectifier le montant de l’Ondam 2024 et à relever l’objectif de dépenses pour ces établissements de 100 millions d’euros. Il s’agit de garantir le versement des primes et le respect des engagements pris par les pouvoirs publics et d’assurer ainsi la pérennité économique des associations gestionnaires.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, pour présenter l’amendement n° 1242 rectifié.
M. Frédéric Buval. Cet amendement, toujours de ma collègue Patricia Schillinger, vise à alerter sur la situation critique des établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif, en particulier de ceux qui accueillent des personnes âgées et des personnes handicapées.
Si la signature de l’accord sur la prime Ségur, avec effet rétroactif au 1er janvier 2024, constitue une avancée majeure pour les professionnels jusqu’ici oubliés, il repose sur une condition essentielle : l’attribution des financements nécessaires par l’État et les collectivités territoriales.
Or de nombreux financeurs signalent leur incapacité à compenser ces coûts, ce qui met en péril des structures associatives et, par conséquent, l’accompagnement des personnes les plus vulnérables.
Par cet amendement, nous proposons de garantir sans délai la délégation des crédits nécessaires afin de respecter les engagements pris et d’éviter que cette mesure essentielle ne fragilise encore davantage un secteur déjà sous pression. C’est une question de justice sociale et d’efficacité économique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tous ces amendements ont pour objet de ventiler différemment les sous-objectifs de l’Ondam.
L’amendement n° 1116 de Mme Souyris tend à majorer les crédits des établissements de santé de 1,3 milliard d’euros et à diminuer d’autant les crédits affectés aux soins de ville.
Cela ne me paraît pas crédible dans la mesure où nous venons de répéter que le sous-objectif relatif aux soins de ville était celui qui avait enregistré le dépassement le plus important. Il est bien sûr important – c’est ce que je propose – de soutenir les établissements de santé, qui connaissent une situation financière très fragile, voire accusent des déficits importants.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1116.
Les trois amendements identiques nos 871 rectifié ter, 1114 et 1243 rectifié bis tendent à majorer les crédits du sixième sous-objectif de l’Ondam de 8 millions d’euros. Or ce montant est trop faible pour justifier une rectification.
Je partage la préoccupation exprimée au travers de ces amendements concernant l’absence de financements spécifiques pour certains établissements du secteur médico-social privé à but non lucratif. M. Fichet plaidait notamment en faveur de revalorisations salariales dans les établissements chargés de la lutte contre les addictions, sur le même modèle que celles dont ont bénéficié les personnels hospitaliers du secteur sanitaire public puis privé.
Si l’enjeu est majeur pour l’équilibre financier des structures concernées, la question ne peut, toutefois, être traitée par une modification des montants de l’Ondam. Elle doit trouver une solution dans le dialogue avec les autorités ministérielles.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
J’en viens à l’amendement n° 927 de Mme Apourceau-Poly. Toujours pour des questions d’équilibre des financements et de crédibilité par rapport aux moyens déjà engagés à ce moment de l’année pour chacun des sous-objectifs de l’Ondam, il n’est pas possible de soutenir le retrait de 2,4 milliards d’euros du sixième sous-objectif pour affecter ces crédits aux seuls établissements de santé.
Cette proposition entre d’ailleurs en contradiction avec certains des amendements précédents. Je comprends bien les impératifs des uns et des autres, mais cela reviendrait à dégarnir un sous-objectif pour en regarnir un autre, qui plus est pour un montant extrêmement important.
Je rappelle que le sixième sous-objectif a pour objet de financer notamment les dotations aux établissements accueillant des personnes confrontées à des difficultés spécifiques, comme les établissements spécialisés en addictologie, mais aussi les soins des Français de l’étranger et les dotations de l’assurance maladie à la Haute Autorité de santé (HAS), à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou encore à Santé publique France.
Pour ces raisons, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Les quatre amendements identiques nos 870 rectifié ter, 1115, 1164 rectifié quater et 1242 rectifié concernent le sous-financement relatif – je partage cette préoccupation – du secteur médico-social couvert par l’objectif global de dépenses au sein de l’Ondam.
Ces amendements tendent à majorer l’objectif de dépenses du secteur médico-social de 100 millions d’euros, ce qui correspond quasiment au montant des crédits mis en réserve repris par le Gouvernement, et à ponctionner cette somme sur le sixième sous-objectif de l’Ondam.
Je rappelle qu’une part des crédits mis en réserve seront repris en 2024 par le Gouvernement sur les troisième et quatrième sous-objectifs afin de faire contribuer le secteur à l’effort de maîtrise des dépenses.
Toutefois, la situation financière du secteur médico-social, comme celle du secteur sanitaire, est extrêmement préoccupante : deux tiers des Ehpad et 85 % des Ehpad publics ont ainsi clôturé l’exercice 2023 en déficit et le déficit cumulé des Ehpad publics atteindrait 1,4 milliard d’euros en 2023.
La commission des affaires sociales est, elle aussi, très préoccupée par ces chiffres, comme en témoigne son récent rapport sur la situation des Ehpad. Dans ce contexte, il est important de trouver des solutions de financement pérennes pour les Ehpad.
Compte tenu du contexte financier très contraint qui nous oblige à faire des choix, la commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.
Nous avons compris les explications techniques qu’a fournies M. le ministre en présentant son amendement n° 1343. Malheureusement, nous ne pouvons que constater que la situation est encore plus dégradée que ce que nous imaginions, ce qui nous obligera à fournir de nouveaux efforts en 2025.
La situation est extrêmement préoccupante – nous l’avons tous souligné lors de la discussion générale – et nous ne pouvons feindre de l’ignorer. Nous constatons de nouveau cette année un dépassement important des dépenses relatives aux soins de ville : le texte initial anticipait un dépassement de 1,2 milliard d’euros, dont près de 1 milliard pour les soins de ville. La nouvelle rectification opérée par le Gouvernement augmente encore le dépassement de 700 millions d’euros pour lesdits soins. Cette situation, qui ne peut que nous interpeller, appelle des mesures de régulation fermes.
À l’inverse, le sous-objectif relatif aux établissements de santé enregistre un dépassement limité, qui s’explique principalement par la reprise d’activité enfin observée en 2024.
J’insiste néanmoins sur la situation financière très dégradée des établissements de santé. Leur endettement, qui n’a cessé d’augmenter, rend les investissements plus difficiles et fragilise l’offre de soins locale, en engendrant des fermetures de services ou en constituant des freins au recrutement.
C’est la raison pour laquelle la commission a insisté pour que l’augmentation des cotisations de la CNRACL soit réalisée sur une durée de quatre ans au lieu de trois, ce qui permettra de dégager une marge de 250 millions à 300 millions d’euros sur le sous-objectif relatif aux établissements de santé.
Devant cette situation, la commission propose de soutenir les établissements de santé au travers du sous-amendement n° 1356 que je vous ai présenté précédemment et émet un avis favorable sur l’amendement n° 1343 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame la rapporteure générale, par votre sous-amendement, vous proposez de rehausser le montant du sous-objectif relatif aux établissements de santé afin de tenir compte de la situation financière du secteur et des effets de l’inflation.
Je partage votre préoccupation au sujet de la santé financière de nos hôpitaux et des besoins d’accompagnement. L’Ondam relatif aux établissements de santé pour 2024 a d’ores et déjà été rehaussé de 105,5 milliards d’euros à 105,6 milliards par l’amendement du Gouvernement.
Vous m’interrogez spécifiquement sur l’inflation. Le niveau de financement que nous prévoyons tient compte d’une hypothèse d’inflation à 2,5 % en 2024, alors que le taux anticipé au sens de l’indice des prix à la consommation hors tabac se situe désormais à 2 %.
Il tient aussi compte de l’évolution de la masse salariale liée notamment aux mesures de revalorisation applicables à compter du 1er janvier 2024.
Vous nous interrogez par ailleurs sur le traitement qui est réservé aux crédits mis en réserve. Permettez-moi de vous indiquer que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale acte un dégel des mises en réserve sur des dotations Migac (missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation) de plus de 80 millions d’euros.
Comme vous le savez, la décision relative au coefficient prudentiel dépendra, quant à elle, de l’évolution de l’activité hospitalière. Si celle-ci se révèle plus dynamique qu’anticipé, il ne sera pas possible d’envisager un dégel.
Pour ces raisons, madame la rapporteure générale, je suis défavorable à votre sous-amendement n° 1356.
Madame la sénatrice Souyris, vous proposez d’abonder l’Ondam hospitalier 2024 de 1,3 milliard d’euros pour tenir compte de l’augmentation des charges liées à l’inflation.
Je le répète, l’amendement du Gouvernement tend à majorer cet objectif de dépenses de 100 millions d’euros pour le porter à 105,6 milliards d’euros. Quant à l’inflation, qui était estimée en construction à 2,5 % pour 2024, elle s’établit en réalité désormais à 2 %.
Les tarifs de prestations en médecine, chirurgie et obstétrique tiennent compte du financement des mesures de revalorisation salariale. Par exemple, les tarifs des hôpitaux publics et des établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) ont progressé de 4,4 % à compter du 1er mars 2024.
Dans le cadre de l’Ondam, les établissements ont aussi pu être soutenus financièrement au travers des aides en trésorerie et de la suppression progressive du coefficient de reprise des allégements sociaux et fiscaux.
Enfin, je tiens à rappeler que les établissements de santé continuent de bénéficier, dans le cadre du volet investissement du Ségur, d’un plan pluriannuel de reprise de dette et d’aide à l’investissement de 15,5 milliards d’euros sur dix ans.
Madame la sénatrice Apourceau-Poly, vous avez évoqué le chiffre de 600 millions d’euros dont aurait bénéficié l’hospitalisation privée. Un tel montant n’a jamais été accordé…
Mme Céline Brulin. Disons 500 millions alors !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Deux types de mesures ont été prises en faveur de l’hospitalisation privée, d’une part, pour couvrir l’imputation du point de CNRACL en 2024, d’autre part, pour permettre les revalorisations salariales qui avaient été demandées.
Ces mesures s’étalent néanmoins sur deux ans, à hauteur de 200 millions d’euros en 2024, puis de 130 millions en 2025. Nous sommes loin des 600 millions d’euros ; je ne comprends pas du tout les chiffres que vous mettez en avant…
Je donnerai une réponse globale aux auteurs des amendements nos 871 rectifié ter, 1114, 1243 rectifié bis, 870 rectifié ter, 1115, 1164 rectifié quater et 1242 rectifié.
Vous proposez de majorer les dépenses relatives aux établissements pour personnes âgées et personnes handicapées de 100 millions d’euros et les dépenses relatives aux établissements chargés de la lutte contre les addictions de 9 millions d’euros.
Je rappelle qu’un accord salarial a acté la création d’une prime pour les salariés n’ayant pas bénéficié de la prime Ségur dans les structures relevant du champ de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass). Cet accord matérialise la volonté de revaloriser les bas salaires, qui constituent un enjeu majeur dans le champ social et médico-social.
Il a été agréé par l’arrêté du 26 juin 2024, avec un vote en commission nationale d’agrément qui engage les financeurs sur le champ des établissements sociaux et médico-sociaux. Cet accord a été conclu sur la base d’un coût estimé de 300 millions d’euros pour la sécurité sociale en faveur des établissements sociaux et médico-sociaux concernés.
Ce montant avait été annoncé par le ministère en amont des négociations avec les partenaires sociaux, aussi bien dans le dossier de presse du projet de loi de finances pour 2024 que dans la lettre de cadrage qui avait été transmise.
Ainsi, ces financements ont d’ores et déjà été intégrés dans le montant de l’Ondam 2024 consacré aux dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées, aux dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées ainsi qu’aux dépenses relatives aux structures chargées de la lutte contre les addictions.
Les ARS ont reçu, par instruction ministérielle, les enveloppes idoines. Ces crédits ont été répartis ainsi : 291 millions pour les établissements consacrés aux personnes âgées et aux personnes handicapées et 9 millions pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux chargés de la lutte contre les addictions. Ces augmentations ont été financées par l’État, au travers des ARS.
J’indique que ces établissements ne sont pas régis par une convention unique. C’est un sujet : il faudrait vraiment que les négociations à propos de la convention collective unique dans tous ces secteurs se terminent pour enfin nous donner la visibilité nécessaire sur ces métiers, qui ont évolué, et sur les salaires, dans chacune des spécialités concernées.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. En effet, madame la ministre, il n’existe pas de convention unique.
Sous prétexte que l’avenant 43 de la convention collective nationale de la branche de l’aide à domicile a été agréé plusieurs années plus tard, les professionnels de la branche ne bénéficient pas de la prime Ségur. Un jour ou l’autre, il va falloir mettre à plat le mécanisme de cette prime pour en finir avec les trous dans la raquette.
En ce qui concerne la branche de l’aide à domicile, on observe, depuis la conclusion de la convention collective de 1983, des écarts de rémunération pouvant aller jusqu’à 300 euros entre différents métiers, et parfois de 180 euros dès l’embauche.
Aujourd’hui, à cause de ces distorsions de salaires, la branche ne recrute plus. Oui à la prime Ségur, mais il faut aussi, comme nous le proposons dans notre amendement, compenser à juste hauteur les structures qui ont financé cette revalorisation salariale et étendre son bénéfice, sans exception, à l’ensemble des acteurs de la branche de l’aide à domicile.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. La majorité sénatoriale tente de faire le grand écart entre son soutien à la politique de compression des dépenses du Gouvernement et les appels à l’aide des directions des établissements hospitaliers.
La Fédération hospitalière de France estime qu’il faut réévaluer l’Ondam 2024 des établissements de santé de 2,4 milliards d’euros, dont 1,8 milliard pour faire face à la hausse des coûts liée à l’inflation.
La rapporteure générale nous propose d’augmenter le sous-objectif relatif aux établissements de santé de 200 millions d’euros. Ce n’est ni sérieux ni responsable, alors que les hôpitaux demandent 2,4 milliards. Soit les besoins sont réels, et vous devez apporter une solution à leur hauteur, soit vous assumez une politique qui a consisté à revaloriser les tarifs des cliniques privées avec l’argent des hôpitaux publics.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous abstiendrons sur cette proposition par laquelle vous n’assumez pas les coupes opérées dans les dépenses ni ne répondez aux besoins des hôpitaux.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1356.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 42 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 242 |
Pour l’adoption | 242 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 1343, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 43 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 242 |
Contre | 82 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 1116, 871 rectifié ter, 1114, 1243 rectifié bis, 927, 870 rectifié ter, 1115, 1164 rectifié quater et 1242 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 1359, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au III de l’article 28 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, le montant : « 2,31 milliards d’euros » est remplacé par le montant : « 2,26 milliards d’euros ».
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement, très technique, concerne la clause de sauvegarde. Je rappelle que celle-ci se déclenche lorsque le chiffre d’affaires du secteur dépasse un seuil déterminé : le montant M pour les médicaments et le montant Z pour les dispositifs médicaux. Cette année, ces montants ont été largement dépassés, car les remises n’ont pas atteint le niveau attendu.
Cet amendement vise à abaisser le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux pour 2024, le montant Z, à 2,26 milliards d’euros, afin de tenir compte de l’exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée de l’assiette de la clause de sauvegarde, qui figure dans le présent PLFSS.
Dans la LFSS pour 2024, le montant Z a été fixé à 2,31 milliards d’euros, soit une progression de 4,5 % par rapport à 2023. Ce montant intégrait dans son assiette la TVA assise sur les dispositifs médicaux. Or le PLFSS prévoit d’exclure cette TVA de l’assiette de la clause de sauvegarde, ce qui aurait dû entraîner une baisse de 140 millions d’euros du montant Z.
Je propose cependant, afin de limiter les conséquences pour les acteurs économiques du secteur au titre de l’année 2024, de ne réduire ce montant que de 50 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, très bien défendu par madame la rapporteure générale.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. L’amendement de Mme la rapporteur générale va dans le bon sens. Comme elle l’a rappelé, dans la LFSS pour 2024, le montant Z, au-dessus duquel est déclenchée la clause de sauvegarde, avait progressé de 4,5 %, ce qui profitait aux industriels du secteur des dispositifs médicaux.
Dans le PLFSS pour 2025, la TVA est exclue de l’assiette. Or les mêmes industriels se réjouiraient si le montant Z demeurait inchangé, ce qui reviendrait de facto à relever le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde. Il est donc pertinent d’abaisser le montant Z.
Toutefois, madame la rapporteure générale, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique ? Pourquoi ne récupérer que 40 millions d’euros quand nous pourrions récupérer 140 millions ?
Alors que l’on nous parle en permanence d’économies dans tous les domaines, il est dommage de se priver d’une recette. Je sais bien que le lobby des industriels des dispositifs médicaux n’est pas d’accord – tout comme le syndicat Les Entreprises du médicament (Leem) dès que l’on évoque la clause de sauvegarde sur les médicaments –, mais il y va tout de même de l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Pourquoi ne vais-je pas jusqu’au bout ? Tout simplement parce qu’il s’agit de modifier le montant Z en vigueur en 2024 ; or je n’aime pas changer les règles qui s’appliquent en cours d’année.
Il sera toujours possible de les modifier pour 2025, mais j’estime qu’il serait déraisonnable de changer les règles en toute fin d’année. C’est la raison pour laquelle je n’ai proposé de réduire ce montant que de 50 millions d’euros, et non pas de 150 millions.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
Vote sur l’ensemble de la première partie
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
(La première partie du projet de loi est adoptée.)
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Article 3
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Les deux dernières phrases de l’article L. 731-10 sont supprimées ;
2° L’article L. 731-11 est ainsi modifié :
a) Le signe : « , » est remplacé par le mot : « et » ;
b) Les mots : « et à l’assurance vieillesse » et : « mentionnés au 1° de l’article L. 722-4 » sont supprimés ;
3° La première phrase du second alinéa de l’article L. 731-25 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « fixé par décret » sont remplacés par les mots : « identique à celui de la cotisation mentionnée au 2° de l’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale » ;
b) Sont ajoutés les mots : « du présent code » ;
4° L’article L. 731-37 est complété par une phrase ainsi modifiée : « Leur taux est fixé par décret. » ;
5° Les cinq derniers alinéas de l’article L. 731-42 sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« 1° Pour chaque chef d’exploitation ou d’entreprise, une cotisation calculée pour partie sur l’assiette déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et L. 731-22 retenue dans la limite du plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et pour partie sur la totalité de cette assiette. Cette cotisation ne peut être inférieure à un montant fixé par décret.
« Les taux applicables à chacune de ces deux parties sont identiques à ceux déterminés en application de l’article L. 633-1 du même code ;
« 2° Pour chaque personne mentionnée au 2° de l’article L. 722-10 du présent code à partir de l’âge de seize ans et pour chaque collaborateur d’exploitation ou d’entreprise mentionné à l’article L. 321-5, une cotisation calculée sur une assiette forfaitaire fixée par décret.
« Le taux de cette cotisation est égal à la somme des taux de la cotisation mentionnée au 1° du présent article. » ;
6° Au premier alinéa de l’article L. 781-29, les mots : « des articles L. 722-16, L. 722-17, » sont remplacés par les mots : « de l’article », les mots : « relatives à l’assurance vieillesse » sont supprimés et, après le mot : « Saint-Martin », sont insérés les mots : « dans leur rédaction antérieure à la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2025, » ;
7° À l’article L. 781-30, les mots : « ni l’article L. 731-42 en tant qu’il fixe les modalités de calcul des cotisations mentionnées audit article » sont supprimés ;
8° À la première phrase des premier et second alinéas de l’article L. 781-36, après la référence : « L. 731-42 », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2025, ».
II. – Le 1° du I de l’article 26 de la notamment est complété par les mots : « et de l’article 3 de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2025 ».
III. – Les 2° et 5° à 8° du I s’appliquent aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2026.
Par dérogation au second alinéa des 1° et 2° de l’article L. 731-42 du code rural et de la pêche maritime, pour les périodes courant du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2028, un décret fixe les taux des cotisations mentionnées au 1° du même article L. 731-42 dues par les chefs d’exploitation et d’entreprise agricole exerçant à titre secondaire et des cotisations mentionnées au 2° dudit article L. 731-42 de manière à résorber progressivement, chaque année, les écarts entre, d’une part, la somme des taux des cotisations d’assurance vieillesse de base applicables aux personnes concernées au 31 décembre 2025 et, d’autre part, les taux mentionnés au second alinéa des 1° et 2° du même article L. 731-42.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 362 rectifié est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne et Bélim, M. Fagnen, Mme G. Jourda, M. M. Weber et Mme Monier.
L’amendement n° 914 est présenté par Mme Ramia.
L’amendement n° 1030 est présenté par Mmes Corbière Naminzo, Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 18
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
II. – Le I de l’article 26 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 est ainsi modifié :
1° Le 1° est abrogé ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions relatives aux taux, au calcul et au recouvrement des cotisations et des contributions sociales mentionnées au chapitre Ier du titre III du livre VII du code rural et de la pêche maritime et à la section 1 du chapitre 6 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction résultant des I et II de l’article 18 de la présente loi, ne sont pas applicables aux travailleurs indépendants agricoles exerçant leur activité en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 362 rectifié.
M. Victorin Lurel. Madame la ministre, madame la rapporteure générale, je vais vous donner l’occasion d’aller jusqu’au bout !
Cet amendement, qui a été adopté à l’Assemblée nationale, dont on ne peut dire qu’il s’agit d’une assemblée de gauchistes, relève, selon moi, de l’évidence.
Alors que nous avions octroyé au Gouvernement, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, une habilitation à légiférer par ordonnance de dix-huit mois pour réformer l’assiette des cotisations et des contributions sociales des exploitants agricoles ultramarins, il nous semble difficile d’accepter sa demande de prorogation pour porter le délai à trente-six mois.
Il ne s’agit pas de discuter de la nécessité de procéder à une harmonisation avec l’outre-mer ni du bien-fondé de la poursuite de la fameuse réforme des retraites du Gouvernement. Voilà déjà douze mois que nous avons accordé cette habilitation. Le Gouvernement devait achever son travail avant la fin du mois de juin 2025 et vous demandez, madame la ministre, dix-huit mois supplémentaires pour réformer l’assiette sociale des exploitants agricoles ultramarins. Cela nous paraît excessif.
C’est pourquoi nous proposons, à l’instar de nos collègues députés, de supprimer cette disposition à l’alinéa 18 du présent article. Nos amendements aux articles 5 ter et 22 iront dans le même sens. Il me semble qu’il s’agit d’amendements de bon sens.
M. le président. L’amendement n° 914 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 1030.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement d’Evelyne Corbière Naminzo vise à tenir compte des spécificités des départements et des régions d’outre-mer, dans lesquels les cotisations et les contributions sociales des travailleurs agricoles sont assises sur la superficie de l’exploitation.
Nous souhaitons protéger les petits agriculteurs ultramarins en rendant inapplicable la réforme de l’assiette sociale aux travailleurs indépendants des départements d’outre-mer.
M. le président. L’amendement n° 1307 rectifié bis, présenté par Mme Bélim, M. Lurel, Mmes Canalès et Conconne et MM. Cozic, Fagnen, Tissot, Bourgi et Ziane, est ainsi libellé :
Alinéa 18
I. – Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
I. – Le 1° du I de l’article 26 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 est complété par les mots et un alinéa ainsi rédigé: « et de l’article 3 de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2025.
« Pour les travailleurs indépendants, les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole exerçant leur activité en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le montant total des cotisations et contributions sociales dues, après application des exonérations prévues à l’article L. 781-6 du code rural et de la pêche maritime, ne peut excéder le montant dont ils étaient redevables au titre de l’année 2024, revalorisé annuellement dans des conditions fixées par décret. Les modalités d’application sont définies par décret. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Je souhaite ici exprimer la vive inquiétude de l’ensemble des filières agricoles réunionnaises ainsi que de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) concernant la réforme de l’assiette sociale des non-salariés agricoles ultramarins.
Si nous ne contestons pas la nécessité d’améliorer la protection sociale de nos agriculteurs, les mesures envisagées peuvent directement menacer la survie de nos exploitations.
Les chiffres sont alarmants. Selon le Cerfrance Réunion, l’application, sans adaptation, du régime hexagonal conduirait à multiplier par 6,7 le montant des prélèvements sociaux : ces derniers passeraient de 2 243 euros à près de 15 000 euros en moyenne par an. Cette augmentation massive interviendrait dans un contexte où les exploitants sont déjà fragilisés par l’inflation des charges, alors que la récolte a été catastrophique après le passage du cyclone Belal et de la tempête Candice et que la perspective d’un accord entre l’Union européenne et le Mercosur fait planer une menace sur toutes nos filières.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’instaurer un mécanisme de plafonnement des cotisations à leur niveau de 2024 dans les territoires ultramarins. Ce plafond serait revalorisé chaque année par décret.
Nous pourrions ainsi éviter que notre agriculture, qui repose sur un modèle familial, loin des modèles occidentaux, ne subisse une déstabilisation brutale. Il n’y a plus à démontrer que la vie chère constitue un défi impérieux pour les outre-mer. Si nous ne produisons plus localement, les prix ne feront qu’augmenter dramatiquement.
Mes chers collègues, nous ne devons légiférer sur les filières agricoles dans les outre-mer que d’une main tremblante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a modifié l’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants agricoles dans l’Hexagone et a habilité le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, afin d’étendre cette réforme aux exploitants agricoles ultramarins.
L’application de ce régime dans les territoires d’outre-mer est nécessaire pour mettre en œuvre les dispositions de l’article 22, qui visent à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq meilleures années de revenus.
C’est la raison pour laquelle ce PLFSS prévoit d’aligner les délais des deux habilitations prévues pour mettre en œuvre ces deux réformes pour une meilleure articulation.
Je vous rappelle, en outre, que le Sénat a soutenu, l’an passé, cette réforme de l’assiette sociale ainsi que la convergence des modalités de calcul des assiettes entre l’Hexagone et l’outre-mer.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 362 rectifié et 1030, qui visent à rendre inapplicable cette réforme en supprimant l’habilitation.
L’amendement n° 1307 rectifié bis vise à plafonner la hausse des cotisations et des contributions sociales des chefs d’exploitation agricole ultramarins, qui résulte de la mise en œuvre de la réforme prévue par la LFSS pour 2024, à hauteur du montant, certes revalorisé, des cotisations et des contributions sociales acquittées en 2024.
Ce plafonnement préalable risquerait de vider de son sens la réforme, alors que le Gouvernement est habilité à prendre les « adaptations nécessaires pour tenir compte des caractéristiques et des contraintes particulières de ces territoires » : mes chers collègues, nous connaissons bien ce genre de mesures, que nous défendons régulièrement, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.
La commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Vos amendements visent à rendre inapplicable la réforme de l’assiette sociale aux non-salariés agricoles qui exercent leur activité en Guadeloupe, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
L’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 permet au Gouvernement de légiférer par ordonnance, afin d’aligner l’assiette sociale des 19 000 non-salariés agricoles ultramarins sur celle qui est en vigueur en métropole.
Cette réforme mettra fin au système actuel selon lequel les cotisations sociales sont calculées en fonction de la superficie pondérée de l’exploitation. Elle permettra aussi d’introduire une proportionnalité entre les revenus professionnels, les prélèvements sociaux et les droits à prestation sociale, notamment sur la partie retraite acquise par les assurés.
La réforme prévue à l’article 22 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui vise à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq meilleures années de revenus, ne pourra donc pas être applicable, par définition, dans les territoires ultramarins tant que les cotisations n’y seront pas calculées en fonction de ces mêmes revenus.
C’est pourquoi le Gouvernement propose d’aligner les délais des deux habilitations afin de pouvoir mieux articuler les deux réformes. Je vous confirme son engagement, pris devant les députés ainsi que devant les sénateurs, de présenter le projet d’ordonnance, avant son adoption, à l’ensemble des parlementaires intéressés et de détailler l’ensemble de ses effets.
Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il y sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je n’ai pas entendu de réponse à mon amendement. Vous avez répondu à ma collègue, en expliquant que la réforme ne serait pas applicable sans harmonisation de l’assiette, mais ce n’est pas ce que l’on vous demandait. On vous dit qu’il est difficile pour le Parlement de se dessaisir pendant trois ans.
Comme le ministre l’a déclaré à l’Assemblée nationale, tant que les cotisations ne seront pas calculées sur les mêmes revenus, la réforme ne sera pas applicable outre-mer. Nous avons donné au Gouvernement un délai de dix-huit mois, mais rien n’a été fait.
J’ai auditionné, avec plusieurs de mes collègues, notamment du groupe Les Républicains, des représentants de plusieurs ministères : ils ont reconnu qu’ils n’étaient pas prêts au motif qu’il faut articuler les dispositions figurant à l’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale votée l’an dernier avec celles figurant aux articles 3, 5 ter et 22 de ce PLFSS. Je crains que nous n’entendions ce même discours pendant trois ans…
Il faut conduire une étude d’impact sur cette harmonisation, à laquelle nous serons associés. Le Gouvernement a réalisé une réforme des retraites particulièrement compliquée ; le Parlement a fait son travail.
J’ai été directeur d’une chambre d’agriculture, je sais que le dossier est complexe. Je sais aussi que, dès qu’il est question de complexité, on préfère travailler dans le secret des cabinets et des offices – ne le prenez pas mal, ce dernier terme n’est nullement péjoratif. Le Parlement demande à être associé.
Le Gouvernement a très largement le temps de satisfaire cette demande, puisque vous venez vous-même d’admettre, madame la ministre, que tant que cette harmonisation des assiettes n’aura pas été réalisée, la réforme ne sera pas appliquée. Associez-nous, c’est du bon sens. Nous souhaitons simplement travailler avec vous.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai indiqué que le Gouvernement s’engageait à associer les parlementaires intéressés et à leur présenter le projet d’ordonnance. Je m’y engage devant vous, comme je l’ai fait devant l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Je me joins aux propos de mon collègue Victorin Lurel.
Je tiens à rappeler que nos territoires sont différents. Les surfaces d’exploitation ne sont pas les mêmes. Si l’on aligne les assiettes des prélèvements sociaux, ces derniers seront multipliés par 6,7, passant de 2 243 euros à 15 000 euros : il sera difficile pour les exploitants agricoles de résister.
Si cette mesure est adoptée, de moins en moins d’exploitants s’installeront à La Réunion, alors que beaucoup d’agriculteurs souhaitaient se lancer. Nous risquons de perdre notre modèle agricole.
Je vous demande de bien réfléchir aux effets de décisions qui doivent être prises non pas de manière globale, mais en fonction des territoires.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je voudrais que le Gouvernement s’engage vraiment. J’ai déjà entendu tellement de ministres prendre des engagements devant le Parlement… Comme je l’ai évoqué récemment, un ministre du travail et une Première ministre m’avaient fait des promesses, la main sur le cœur, sur une mission du Conseil d’orientation des retraites (COR), que j’attends encore…
Quelle valeur doit-on accorder aujourd’hui à un engagement du Gouvernement sur le fait que l’ordonnance serait – fait inédit ! – partagée avec les parlementaires ? Ce n’est pas la tradition : d’habitude, on doit s’avouer déjà bien heureux d’en avoir communication. Et les carottes sont déjà cuites quand on la reçoit, car le débat n’est alors plus possible.
Que doit-on conclure aujourd’hui ? Que doit-on dire à nos exploitants agricoles, alors que la fièvre monte ? Essayez de nous convaincre, madame la ministre. J’ai entendu tant d’engagements similaires que je n’y crois plus, comme pour le père Noël. (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la sénatrice, je peux comprendre votre scepticisme. Je dis simplement qu’il est nécessaire d’articuler deux textes, l’un sur les retraites des non-salariés agricoles, l’autre sur les cotisations sociales.
Je suis ministre du travail depuis moins de deux mois. Je souhaite, car telle est ma méthode de travail, celle que j’ai utilisée avec les partenaires sociaux sur d’autres sujets importants, associer les parlementaires sur ce texte, qui suscite une forte anxiété, ce qui est tout à fait légitime, parmi les représentants de la Nation.
Mme Catherine Conconne. Dont acte.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. J’entends le débat et je comprends les inquiétudes qui s’expriment, car on a le sentiment de donner un blanc-seing au Gouvernement sur une réforme d’une grande complexité, comme l’ont rappelé ceux de nos collègues qui connaissent bien les problématiques de ces territoires. J’entends aussi que le Gouvernement a besoin d’articuler deux réformes fondamentales. Celles-ci doivent être mises en place dans le cadre d’une habilitation à légiférer par ordonnance, mais le Parlement doit aussi participer à leur élaboration.
En tant que président de la commission des affaires sociales, je souhaiterais que notre commission travaille sur le sujet. Vous engagez-vous, madame la ministre, à répondre favorablement à l’invitation formelle – je ne me permettrais pas d’employer le terme « convocation » (Sourires.) – de notre commission, pour nous faire un point sur l’avancée des travaux ?
L’exigence de transparence réclamée par nos collègues serait ainsi satisfaite. Il nous serait alors plus facile de vous accorder un délai supplémentaire pour mettre en œuvre cette réforme nécessaire.
J’espère que vous répondrez très favorablement, madame la ministre, à cette invitation. Cela rassurerait l’ensemble de nos collègues.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je réponds très favorablement à votre demande, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 362 rectifié et 1030.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1307 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 742 est présenté par Mmes Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, M. Jeansannetas, Mme G. Jourda, MM. Vayssouze-Faure et M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 929 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 731-42 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la présente loi, est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Une cotisation à la charge de chaque chef d’exploitation ou d’entreprise, calculée sur la part de l’assiette déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et L. 731-22 qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. »
« Le taux de cette cotisation est égal à la somme des taux fixés en application des cinquième et sixième alinéas du même article L. 241-3. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa de l’article L. 241-3, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« La couverture des charges de l’assurance vieillesse et de l’assurance veuvage est également assurée par des cotisations à la charge des employeurs et des salariés et assises sur la part des revenus d’activité tels qu’ils sont pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 perçus par les travailleurs salariés ou assimilés qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa du présent article. Le taux de ces cotisations est fixé :
« – à 2 % pour les salariés ;
« – à 3,8 % pour les employeurs. »
2° L’article L. 633-1 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les travailleurs indépendants mentionnés au premier alinéa du présent article sont également redevables de cotisations d’assurance vieillesse assises sur la part du revenu d’activité qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa dudit article L. 241-3. Le taux de ces cotisations est égal à la somme des taux fixés en application des cinquième et sixième alinéas du même article L. 241-3. »
III. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, une conférence de financement des retraites associant les organisations syndicales représentatives, les organisations professionnelles d’employeurs représentatives, l’État et les organismes gestionnaires des régimes de retraite obligatoires de base et complémentaire est réunie. Cette conférence est chargée :
1° d’identifier des conditions de financement permettant d’assurer l’équilibre financier durable du système de retraites tout en garantissant un âge d’ouverture du droit à une pension de retraite à soixante-deux ans ;
2° de négocier les modalités de prise en compte de la situation des assurés justifiant d’une carrière longue et de ceux n’ayant pas accompli la durée d’assurance minimale requise pour le bénéfice d’une pension au taux plein ;
3° de proposer des évolutions des dispositifs de compensation dont bénéficient les assurés exposés à des facteurs de risques professionnels et de pénibilité au travail.
La composition de la conférence nationale est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
Ses membres exercent leurs fonctions à titre gratuit.
Elle se réunit au moins une fois par an sur convocation des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 742.
Mme Monique Lubin. Nous souhaitons que soit convoquée une conférence nationale de financement des retraites.
Nous étions défavorables à la réforme des retraites et à l’allongement de la durée de travail, nous le sommes toujours. Il s’agit essentiellement d’une question de recettes ; or personne ne se demande comment nous pourrons maintenir notre système de retraite, si ce n’est en abaissant les droits des futurs retraités, donc ceux des salariés.
Pour notre part, nous considérons qu’il est nécessaire de réfléchir très régulièrement aux solutions que nous pouvons trouver en matière de financement. C’est pour cette raison que nous souhaitons qu’une conférence consacrée aux recettes susceptibles d’être mises en place pour notre système de retraite soit convoquée régulièrement, de sorte que nous ne nous contentions plus de penser qu’il suffit d’allonger la durée du travail des salariés pour le maintenir à flot définitivement.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 929.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Avec ce que je vous propose, tout le monde va être content, car nous allons rajeunir de deux ans – cela ne va pas nous faire de mal. (Sourires.)
Faisons un bond en arrière jusqu’en février 2023, au moment où nous débattions du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Notre amendement vise bien évidemment à abroger la réforme des retraites du gouvernement d’Élisabeth Borne.
À l’époque, le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, devenu ministre depuis,…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Excellent ministre !
Mme Cathy Apourceau-Poly. … défendait une réforme qui reportait l’âge légal de la retraite de 62 ans à 64 ans et le passage à 43 annuités de cotisations, réforme absolument nécessaire selon lui pour éviter de baisser les pensions des retraités.
La réforme a été adoptée, les premiers effets s’en font ressentir pour nos concitoyens et Bruno Retailleau est membre d’un gouvernement qui prévoit pourtant de baisser les montants des pensions de retraite…
Vous comprendrez facilement que cette double injustice n’est pas acceptable, alors que d’autres possibilités de financement de notre système de retraite étaient possibles.
Nous proposons ainsi l’instauration d’une surcotisation au régime d’assurance vieillesse, qui couvrirait les besoins de financement de la branche. Comme notre collègue Monique Lubin, nous demandons la convocation d’une conférence nationale de financement des retraites pour mettre à contribution les compléments de salaire.
Madame la ministre, madame la rapporteure, vous aviez promis, en contrepartie de l’allongement de la durée de travail, une revalorisation des petites pensions : à ce jour, seuls 185 000 retraités ont reçu 30 euros brut par mois en plus ; de surcroît, vous leur faites les poches en reportant l’indexation des pensions au 1er juillet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Mes chères collègues, vous avez réussi à contourner l’article 40 en demandant la convocation d’une conférence et une surcotisation – je peux vous féliciter sur ce point. (Sourires.)
Nous avons bien compris que vous vouliez revenir sur la réforme des retraites, promulguée le 14 avril 2023.
Je rappelle que ladite réforme améliorerait le solde de la branche vieillesse de 8 milliards d’euros à l’horizon 2028. J’emploie le conditionnel, parce que nous faisons face à une situation dégradée, avec davantage de retraités, moins d’actifs et une natalité en berne. Nous ne pouvons nous permettre, dans ces conditions, de revenir sur cette réforme. J’ajoute même que nous aurons certainement à en conduire d’autres pour assurer la pérennité de notre système par répartition ou à envisager d’autres moyens de financement.
Pour ces raisons, nous sommes bien évidemment défavorables à ces deux amendements identiques.
Je précise enfin que les petites retraites vont être intégralement revalorisées en deux fois, au 1er janvier puis au 1er juillet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Mesdames les sénatrices, vos amendements tendent à augmenter les taux de cotisation de l’assurance vieillesse applicables aux exploitants agricoles, aux travailleurs indépendants et aux salariés percevant des rémunérations supérieures à deux fois le plafond de la sécurité sociale.
Cette initiative ne peut recevoir l’accord du Gouvernement, car elle reviendrait à alourdir très fortement – de 7 milliards d’euros – les prélèvements obligatoires, d’augmenter très concrètement les taux pour de nombreux actifs, + 2 points, ainsi que pour leurs employeurs, + 3,8 points. L’emploi serait ainsi considérablement grevé.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Mais de quoi parlez-vous ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Vous proposez également la tenue d’une conférence paritaire de financement pour assurer l’équilibre des systèmes de retraite. Or il existe déjà des instances paritaires chargées de réfléchir à ce sujet comme le Conseil d’orientation des retraites ou le Comité de suivi des retraites (CSR).
Je vous rappelle enfin que le Gouvernement a fait part de son souhait de travailler avec les partenaires sociaux sur des pistes d’amélioration justes et raisonnables de la réforme des retraites de 2023 dans le cadre des équilibres existants. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a identifié trois pistes : la retraite progressive, dont le cadre a été précisé lors de la négociation entre les partenaires sociaux, finalisée vendredi dernier ; les droits à retraite des femmes ; l’usure professionnelle.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je soutiens le principe de cette conférence.
Madame la ministre, madame le rapporteur, soyez modestes : l’année dernière, tout allait bien, vous aviez prétendument trouvé la solution ; cette année, vous nous annoncez que deux ans ne suffiront pas et qu’il faut envisager trois ans, quatre ans… En fait, vous nous dites : cela ne marche pas, alors accélérons !
Autrefois, dans les pays du bloc socialiste, on disait un peu la même chose : cela ne marche pas, mais c’est parce qu’il n’y a pas assez de socialisme.
Faut-il continuer ? Non, il faut une conférence. Je le répète, soyez modestes, votre réforme n’était pas bonne – je n’y reviendrai pas, nous en avons déjà assez parlé. Remettez autour de la table des gens qui vous proposeront d’autres solutions, comme vous l’avez fait pour l’assurance chômage – vous en êtes satisfaits, mais votre première copie était nulle. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous avez su trouver une solution qui satisfait non pas tous les syndicats, mais certains d’entre eux.
À l’époque, vous faisiez face à un front uni de l’ensemble des syndicats. Vous ne pouvez pas continuer de dire que c’était une bonne réforme, d’autant qu’elle n’a rien résolu.
Acceptez le principe de cette conférence de financement et nous en reparlerons après.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Madame la ministre, vous citez le COR et le CSR, mais ces deux organes ont pour vocation d’étudier un certain nombre de scénarios possibles, de faire de la prospective, bref de fournir à la représentation nationale de quoi travailler. La conférence que nous appelons de nos vœux n’a rien à voir.
Madame le rapporteur, vous avez parlé de ce qui allait se passer pour les petites retraites au 1er janvier et au 1er juillet. Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais ce qu’a annoncé M. Le Maire, j’appelle cela une arnaque ! (Mme Cathy Apourceau-Poly approuve.) Les retraités qui devaient être revalorisés du niveau de l’inflation au 1er janvier ne le seront pas. Pis, cela aura des effets pérennes, puisque cette augmentation de 1 %, au lieu de 2 %, servira de base aux augmentations des années suivantes, s’il y en a, ce que nous espérons.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Selon mes informations, les petites retraites ont été augmentées comme prévu, c’est-à-dire de 50 euros à 60 euros par mois, dès octobre 2024, avec un rattrapage. Ce n’est pas énorme, mais c’est ce qui avait été voté par le Sénat lors de la réforme des retraites.
La retraite à 64 ans permet d’économiser 14 milliards d’euros à partir de 2030, et 8 milliards dès 2028. D’après le COR, l’abrogation de la réforme coûterait autour de 27 milliards d’euros. À mon sens, nous devons continuer sur la voie de la réforme Hollande-Touraine, avec 43 ans de cotisations pour une retraite complète. Aller à rebours reviendrait à adresser un message d’irresponsabilité à nos créanciers. Nous devons équilibrer notre système de retraite par répartition et ne pas laisser une dette insurmontable à nos enfants.
Faut-il réfléchir avec les partenaires sociaux pour introduire une petite dose de capitalisation ? Je ne sais pas, mais nous devons en tout cas associer ces derniers à toutes les réflexions sur les possibilités de départ pour les carrières longues ou pénibles, sur la prévention au travail, sur les fonds de prévention et sur la façon d’inciter les seniors à poursuivre le travail, puisque seuls 56 % des 55-64 ans sont encore en activité en France, contre 72 % en Allemagne. L’intégration des seniors dans l’économie est pourtant essentielle pour transmettre leur expérience et participer à l’orientation des jeunes. Nous devons donc proposer des dispositifs, tels que l’activité à temps choisi, la retraite progressive, le cumul emploi-retraite, etc.
Rappelons enfin que la durée de vie moyenne des hommes est passée de 70 ans à 80 ans et de 80 ans à 85 ans pour les femmes. Il y avait 17 millions de retraités en 2020 ; il y en aura 24 millions en 2050. Il y avait deux cotisants pour un retraité en 2000, 1,7 en 2020 et il n’y en aura plus que 1,5 en 2040.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 742 et 929.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 109 |
Contre | 229 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 518 rectifié est présenté par Mme Senée.
L’amendement n° 533 rectifié est présenté par Mme Jacquemet, MM. Maurey, Cambier et Bleunven, Mme Perrot, MM. Perrion, Longeot, S. Demilly et Courtial et Mmes Gacquerre, Billon, Romagny et Antoine.
L’amendement n° 604 rectifié est présenté par MM. Grosvalet et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 637 rectifié est présenté par Mmes Le Houerou et Féret, MM. Roiron, Kanner et Gillé, Mme Harribey, M. Lurel, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi, Kerrouche et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Ziane, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mmes Bonnefoy et Blatrix Contat, MM. Jeansannetas et Vayssouze-Faure, Mme G. Jourda, M. M. Weber, Mme Monier, MM. Marie, Tissot, Durain, Chaillou et Uzenat, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 928 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani, Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1er janvier 2025, le taux de la contribution patronale sur les traitements des agents des collectivités territoriales et des établissements sanitaires versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ne peut être supérieur à 31,65 %.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour présenter l’amendement n° 518 rectifié.
Mme Ghislaine Senée. Cet amendement vise à geler le taux de cotisation patronale sur les traitements des agents publics versée à la CNRACL.
Le Gouvernement a annoncé une série de hausses du taux de 4 points en 2025, 2026 et 2027 ; pour sa part, la commission propose d’augmenter ce taux de 3 points, mais sur quatre années successives. Malheureusement, le résultat reste le même : la charge pour les collectivités va substantiellement s’accroître. Les élus locaux sont unanimes, cette hausse ne sera pas supportable pour les finances publiques locales.
Au regard de l’esprit de responsabilité, maintes fois rappelé lors de la discussion générale par les ministres et les membres de la majorité sénatoriale, cet amendement doit-il être considéré comme irresponsable ? Une chose est certaine : l’ensemble des élus locaux, ainsi que leurs associations, demandent ce gel. Dans ces conditions, je réitère ma question : cet amendement doit-il être considéré comme irresponsable ? Je ne le pense pas ; je pense même que bon nombre de sénateurs et de sénatrices ici présents sont également de cet avis.
C’est notre rôle, au Sénat, de défendre les collectivités locales et de préserver le bon fonctionnement des établissements publics de santé. Aussi, comment pourrions-nous accepter que l’on attaque, une fois encore, la capacité d’autofinancement de nos communes, intercommunalités, départements, régions et, partant, leur capacité d’agir ?
Faut-il rappeler que la CNRACL a contribué à hauteur de 100 milliards d’euros à la solidarité intercaisses, ce qui ne lui a pas permis de constituer des réserves ? Faut-il aussi rappeler qu’outre l’évolution démographique, avec le changement des rapports cotisants-retraités, le déficit de la CNRACL s’explique en partie par le développement du recours aux contractuels, c’est-à-dire des personnels non affiliés à la Caisse, ce qui réduit d’autant le nombre de cotisants.
Un quart des effectifs des fonctions publiques territoriale et hospitalière sont aujourd’hui non titulaires. Cette nouvelle hausse du taux de cotisation patronale va donc accroître ce phénomène. Elle satisfera certes toutes celles et tous ceux qui ne cessent d’attaquer le statut de fonctionnaire, mais elle se fera au grand dam de celles et ceux qui, au contraire, défendent la qualité des services publics.
La hausse des cotisations va finalement aboutir à un transfert de dette de la CNRACL vers les collectivités et les hôpitaux, déjà fortement endettés. Aussi, pour le service public de santé et pour le service public local, il est urgent de geler le taux pour 2025 et de réunir toutes les parties prenantes afin d’étudier leurs propositions pour équilibrer le régime.
Je veux alerter le Sénat : proroger la réforme d’une année ne répond absolument pas à l’urgence. Cela ne fera qu’aggraver et la crise hospitalière et la crise démocratique qui se dessinent pour 2026.
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour présenter l’amendement n° 533 rectifié.
Mme Annick Jacquemet. Nous refusons également toute augmentation du taux de cotisation à la CNRACL. Ma collègue a très bien défendu cet amendement. Pour ma part, je me contenterai d’insister sur les difficultés que rencontrent déjà les collectivités pour boucler leur budget.
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour présenter l’amendement n° 604 rectifié.
Mme Guylène Pantel. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 637 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à annuler la hausse de 4 points pendant trois ans ou de 3 points pendant quatre ans – de toute façon, c’est la même chose – du taux de contribution patronale sur les traitements des agents des collectivités territoriales.
Cette mesure constitue une nouvelle atteinte à l’équilibre financier des collectivités territoriales, déjà très fragilisées, qui n’a fait l’objet d’aucune concertation avec lesdites collectivités.
Cette hausse de 4 points représenterait pour les seuls départements une dépense supplémentaire de 400 millions d’euros dès 2025. Cette ponction, même réduite un peu chaque année, est insoutenable, particulièrement dans un contexte de tension budgétaire exacerbée par l’inflation et la crise énergétique, qui limitent déjà les capacités d’action des collectivités.
Si les causes du déséquilibre du régime de CNRACL sont bien identifiées – les compensations interrégimes, un ratio cotisants-pensionnés défavorable, un recours croissant aux contractuels –, cette hausse brutale de la cotisation vieillesse ne répond à aucune de ces problématiques structurelles. Au contraire, elle aggrave l’injustice en faisant peser sur les collectivités le poids de déficits dont elles ne sont pas responsables.
Les départements sont particulièrement en difficulté aujourd’hui. Or ce sont eux qui assurent les dépenses de cohésion sociale. Il s’agit du cœur de leurs compétences.
Par ailleurs, nous connaissons tous la situation financière extrêmement difficile des établissements hospitaliers. Les déficits, abyssaux, ont été multipliés par trois depuis 2020. Beaucoup d’établissements ne paient plus leurs cotisations Urssaf et demandent à leurs fournisseurs des délais de paiement insoutenables.
Nous parlions tout à l’heure de l’insincérité de la présentation de votre budget. C’en est ici un bon exemple : cette baisse permet au Gouvernement d’afficher une augmentation des dépenses de santé, alors qu’il s’agit d’un tour de passe-passe budgétaire que nous dénonçons avec force.
Mme Émilienne Poumirol. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 928.
Mme Céline Brulin. Nous souhaitons nous aussi empêcher l’augmentation du taux de cotisation à la CNRACL.
Tout à l’heure, madame la rapporteure, dans votre intervention en discussion générale, vous avez déclaré que les hôpitaux et les collectivités étaient sans doute parmi les services publics les plus exsangues aujourd’hui. Je ne saurais mieux dire.
À mon sens, cette augmentation du taux est à la fois intenable et injuste.
Intenable, comme de nombreux exemples concernant les collectivités nous l’ont montré. Ce n’est pas à des sénateurs que je vais expliquer les difficultés des communes pour élaborer leur budget en ce moment, tributaires de la longue liste des coups de rabot auxquels elles sont confrontées. Il en va de même pour les établissements hospitaliers : lors de son audition, le directeur du CHU de Saint-Étienne nous expliquait que l’augmentation du taux de cotisation à la CNRACL équivalait à 120 emplois. Quel CHU peut aujourd’hui se priver de 120 emplois ?
Injuste, parce qu’il faut d’abord se rappeler que les employeurs ont payé pendant des années des surcotisations à la CNRACL. Celle-ci est de surcroît venue au secours d’autres régimes pour la modique somme de 100 milliards d’euros en euros constants. Enfin, il avait été question d’une reprise de la dette de la CNRACL – la caisse est en déficit depuis 2020, si ma mémoire est bonne – dans le cadre de la réforme de 2021, ce qui n’a pu se faire en raison de la crise de la covid-19.
Il nous faut trouver des remèdes structurels pour ce régime, qui souffre à la fois d’un ratio démographique défavorable et d’une baisse des emplois de fonctionnaires par rapport aux contractuels. Or une augmentation du taux, que ce soit sur trois ou quatre ans, est tout sauf une mesure structurelle : cela revient à repousser le problème à plus tard en asphyxiant un peu plus les collectivités et les hôpitaux. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Céline Brulin. Cela n’est pas acceptable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Les auteurs de ces amendements souhaitent que le taux de cotisation à la CNRACL reste figé à 31,65 % dans les années à venir.
Je rappelle que, selon un rapport récent réalisé conjointement par l’inspection générale des affaires sociales, l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale de l’administration (IGA), la CNRACL sera déficitaire de 3,8 milliards d’euros en 2024 et, si rien n’est fait, de 11,1 milliards d’euros en 2030.
En ce qui concerne l’année 2025, la hausse de 4 points initialement prévue aurait rapporté 2,3 milliards d’euros. C’est un élément essentiel de l’effort de redressement des finances sociales. Nous avons souhaité tenir compte des difficultés particulières des collectivités territoriales et des hôpitaux. Aussi, la commission des affaires sociales a proposé d’étaler la hausse de 12 points sur quatre ans au lieu de trois.
Le Premier ministre a déclaré à Angers, le 15 novembre dernier, qu’il acceptait cette proposition. Celle-ci rapportera, en 2025, 600 millions d’euros de moins que prévu. Dans ces conditions, il ne me paraît pas raisonnable de vouloir aller plus loin en figeant les taux l’année prochaine. Il faut bien trouver des solutions…
J’entends bien que les contractuels, qui ne cotisent pas, posent problème.
Mme Émilienne Poumirol. Il y a de moins en moins de fonctionnaires !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il faudra certainement s’intéresser à cette question. Pour autant, la démographie est ce qu’elle est.
Je n’ai pas bien compris la référence à la surcotisation ; je pense que vous voulez plutôt parler de la solidarité qui s’est manifestée entre les différents régimes.
Toujours est-il que si nous laissons les choses en l’état, c’est non pas d’une journée, mais de deux journées de contribution solidarité dont nous aurons besoin. Je comprends bien les difficultés des collectivités territoriales, mais nous ne pouvons faire porter tous les efforts sur d’autres. Ce serait tout aussi compliqué.
La commission est défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je veux vous rappeler l’importance des enjeux financiers.
En 2030, le déficit de la CNRACL sera de 10 milliards d’euros, quand l’ensemble des déficits de la branche vieillesse sera de 14 milliards d’euros. J’y insiste, cette caisse représentera 10 milliards d’euros à elle seule sur les 14 milliards d’euros de déficit total de la branche vieillesse. On voit bien que le système n’est absolument pas soutenable pour les pensionnés eux-mêmes.
Nous avons souhaité lisser la hausse sur trois ans, à la différence du rapport d’inspection, qui proposait des mesures beaucoup plus brutales. La commission, quant à elle, a proposé un lissage sur quatre ans. Le Premier ministre s’est également prononcé dans ce sens, lors des assises des départements, en exprimant sa préférence pour une hausse annuelle des cotisations de 3 points pendant quatre ans au lieu de 4 points pendant trois ans.
Cette augmentation, je le rappelle, est absolument nécessaire pour maintenir la soutenabilité du régime de retraite et assurer le versement des pensions des agents des collectivités locales et des agents hospitaliers, dont la retraite constitue un droit acquis.
C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Par ces amendements, nous vous demandons d’examiner sérieusement les autres solutions, ce que vous n’avez jamais fait.
Les contractuels représentent actuellement 22 % des effectifs, ce qui veut dire que plus d’un agent public sur cinq est un contractuel qui ne cotise pas à ce régime.
J’ai entendu certains dire qu’il faudrait peut-être les faire cotiser… Justement, un amendement allant dans ce sens a été déposé ; j’imagine qu’il recevra un avis favorable de la rapporteure, ce dont je me réjouis.
Il faut mettre en place un système de taxation pour dissuader l’embauche de contractuels. Le coût de ces derniers ne doit pas être inférieur à celui des fonctionnaires.
Au moment de la prime Ségur, le solde de la CNRACL s’est amélioré de 800 millions d’euros. C’est aussi simple que cela ! Pour la même raison, nous déplorons le gel de la valeur du point des années durant. Ce raisonnement peut être calqué sur tout le système de retraite : quand le salaire moyen ne suit pas l’inflation, décroche ou baisse par rapport au PIB, les ressources de la sécurité sociale s’assèchent d’autant.
Je voudrais aussi revenir sur les 100 milliards d’euros de contribution de la CNRACL à la solidarité entre caisses. Rappelons tout de même que le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) a été asséché, dilapidé par les récents gouvernements pour rembourser des dettes tout à fait différentes, en l’occurrence celles qui résultaient du covid-19. Je n’ai rien contre la solidarité, mais il me semble que ce fonds aurait pu servir à faire front, à passer ce que l’on appelle la bosse démographique. Mais vous l’avez asséché, et l’on doit maintenant faire face au rapport démographique à l’état pur.
J’y insiste : des solutions, il y en a, qu’il s’agisse des salaires, du recours aux contractuels ou du rétablissement d’un fonds de réserve pour affronter la fameuse bosse…
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Mme la rapporteure disait ne pas comprendre notre référence à une surcotisation, mais c’est en fait tout simple : si le solde de la CNRACL était positif à cette époque, c’est parce que les cotisations étaient plus élevées qu’elles ne l’auraient été si elles n’avaient dû servir qu’à régler les retraites des fonctionnaires. Parallèlement, comme il a été rappelé, la CNRACL, bénéficiaire, a servi de caisse de solidarité pour d’autres caisses, dont les adhérents cotisaient beaucoup moins : il faut quand même s’en souvenir.
Ce qui me choque, dans cette décision, c’est son caractère abrupt : elle a été prise sans aucune concertation avec les collectivités locales, qu’il s’agisse des communes ou des départements, pour lesquels c’est une véritable catastrophe.
Ajoutons enfin, comme Mme Poncet Monge vient de le rappeler, que les 22 % de contractuels représentent autant de cotisations en moins.
L’impression qui se dégage de nos débats depuis tout à l’heure, c’est que l’on a affaire à une politique de marchands de tapis. Cette après-midi, Mme la ministre de la santé nous annonçait que l’augmentation du ticket modérateur, qui devait être de 10 points, ne serait que de 5 points : soyez contents ! L’augmentation des cotisations à la CNRACL devait se faire en trois ans, elle se ferait désormais en quatre ans : soyez contents ! Eh bien, non ! Ce n’est pas une politique que de faire de petites concessions, des semblants de concessions ; ce n’est pas une vraie politique de santé.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je veux simplement apporter deux éléments d’information pour éclairer le débat.
Premièrement, si nous sommes tous conscients que la CNRACL a connu des excédents importants, il faut en revanche rappeler qu’une bascule s’est produite en 2018 et que, depuis lors, les exercices annuels sont tous déficitaires. On peut discuter des raisons de ce changement, accuser le recours accru aux contractuels, mais ce déficit n’en grossit pas moins. Cela veut dire que, si aucune décision n’est prise, quels que soient les capacités ou les stocks de réserves de la CNRACL, on approchera bientôt d’un résultat relativement nul.
Deuxièmement, le Sénat a voulu porter un regard global sur le sujet des finances des collectivités ; nos collègues membres de la commission des finances pourront nous le confirmer. L’effort demandé aux collectivités, de 5 milliards d’euros à l’origine – nous avons tous considéré que c’était beaucoup trop important, notamment pour celles qui ont peu d’excédents, en particulier les départements – englobe plusieurs dispositifs : nous les avons tous considérés, qu’il s’agisse de l’impact des mesures prises concernant le FCTVA, que nous souhaitons minimiser, ou de celui de l’augmentation des cotisations à la CNRACL.
Le choix de procéder à cette augmentation sur quatre ans plutôt que sur trois n’est pas le résultat d’une négociation de coin de table : simplement, avec la commission des finances, nous avons examiné cet effort de manière globale. Il nous semblait trop important, mais nécessaire à l’équilibre des comptes publics. Ce qui nous importait, en réalité, c’est que la facture globale soit supportable pour les collectivités. C’est pour y parvenir que nous avons fait le choix d’une diminution de leur contribution globale au travers de plusieurs ajustements que nous serons amenés à voter lors de l’examen du projet de loi de finances, dans les semaines qui viennent, notamment pour ce qui concerne le fonctionnement du FCTVA.
Nos choix concernant la CNRACL s’inscrivent dans ce regard global : même s’il s’agit de deux budgets différents, la vision doit être commune, l’un devant renforcer l’autre. Nous avons défini des priorités dans les efforts, ce qui explique notre choix de quatre ans plutôt que trois.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce que je vois, depuis tout à l’heure, c’est que, dans ce PLFSS, on fait les poches à tout le monde ! On fait les poches aux travailleurs, on fait les poches aux retraités, on fait les poches maintenant aux collectivités locales ! En somme, vous vous attaquez à tout le monde ! (On le revendique sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il y a quand même un petit souci : vous vous attaquez à tous ceux qui sont fragilisés dans notre société, y compris les communes et les départements, mais qu’en est-il des riches ? Ça ne vous dit rien ? Tout ce qu’on pourrait prendre de ce côté-là, toutes ces exonérations de cotisations, ça ne vous parle pas ? C’est à cela qu’il faudrait s’attaquer, ne croyez-vous pas ? Ou bien pensez-vous qu’il faille continuer ainsi ?
Pour ma part, madame la ministre, je vous demande solennellement de bien vouloir, pour une fois, écouter les maires, les présidents d’intercommunalités, les présidents de région. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) vous demande justement de surseoir à votre décision concernant la CNRACL.
Vous frappez déjà les collectivités par le fonds de précaution. Je suis élue d’un département où nombre de communes ont été inondées et ont un mal fou à se relever ; aujourd’hui, les communautés d’agglomération qui les aident vont être victimes de vos décisions concernant le fonds de compensation, et voilà qu’en plus de cela vous leur mettez la CNRACL sur le dos !
Madame la ministre, vous mettez tout le monde en difficulté et n’écoutez personne, pas même l’AMF. Il est quand même incroyable de constater que, même quand c’est l’association des maires qui vous demande de surseoir à cette décision, vous faites la sourde oreille. Mais qui allez-vous écouter ? Qui entendez-vous encore ? Soyons un peu sérieux : il faut se ressaisir, il est encore temps.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 518 rectifié, 533 rectifié, 604 rectifié, 637 rectifié et 928.
J’ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, la deuxième, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et, la troisième, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 127 |
Contre | 212 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 375, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 1434-4 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un médecin retraité désirant reprendre une activité afin de répondre aux besoins des services hospitaliers en manque de personnel ou des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins définies par l’agence régionale de santé au sens du présent article, est exonéré de cotisation retraite au titre de l’exercice de cette activité, sans affection des autres cotisations sociales éventuellement dues. »
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Cet amendement vise à instaurer un dispositif d’exonération de cotisation de retraite permettant d’inciter les médecins retraités à reprendre une activité professionnelle, dans le but de pallier le manque de professionnels de santé dans les zones médicalement sous-dotées, aussi appelées déserts médicaux.
La situation est catastrophique du fait des politiques déconnectées menées depuis des décennies. Adopter cet amendement permettrait d’améliorer quelque peu l’accès des Français aux soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 disposait, en son article 13, que les médecins libéraux retraités reprenant leur activité dans le cadre du cumul emploi-retraite seraient exonérés de cotisations vieillesse pour la seule année 2023, à la condition que leurs revenus n’excèdent pas un plafond fixé par décret à 80 000 euros annuels.
Le Gouvernement a déposé sur le présent texte un amendement n° 1341 visant à reconduire cette mesure, au titre de l’année 2025, pour les seuls médecins libéraux exerçant leur activité en situation de cumul emploi-retraite dans des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante, telle que définie par l’agence régionale de santé. Ils seraient ainsi exonérés des cotisations d’assurance vieillesse dues pour les revenus d’activité perçus en 2025 au titre de leur régime de base, de leur régime complémentaire et de leurs prestations complémentaires de vieillesse. En revanche, contrairement à la mesure de 2023, cette exonération ne leur ouvrirait aucun droit à retraite de base en vue d’une seconde pension.
Je vous proposerai, mes chers collègues, d’adopter cet amendement du Gouvernement ; je suis en conséquence défavorable à celui-ci, qui vise à instaurer une exonération pérenne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Le Gouvernement partage votre volonté de lutter contre les déserts médicaux, monsieur le sénateur. Par conséquent, afin d’inciter les médecins libéraux retraités à reprendre une activité, il est favorable à l’élargissement aux médecins en cumul emploi-retraite de l’accès au régime simplifié des professions médicales, et ce sur tout le territoire.
Ce dispositif permet de simplifier considérablement les démarches et de réduire les prélèvements sociaux dus par le médecin en cumul emploi-retraite. Il répond aussi, en ce sens, au besoin de flexibilité des médecins libéraux à la retraite qui voudraient poursuivre ou reprendre leur activité. Il a fait l’objet d’un amendement adopté en séance publique à l’Assemblée nationale et devenu l’article 3 ter du présent projet de loi.
Cet élargissement du régime simplifié ne pourra cependant être pleinement mis en œuvre qu’à compter de 2026, en raison d’un certain nombre de contraintes techniques. En attendant, au vu de l’urgence de la situation dans les déserts médicaux, il apparaît pertinent de favoriser le maintien en activité des médecins libéraux retraités qui souhaitent exercer dans des zones d’intervention prioritaires, à savoir les zones sous-denses, dans lesquelles, comme vous le soulignez, les besoins sont plus importants.
Le Gouvernement propose donc que ces médecins soient exonérés temporairement des cotisations d’assurance vieillesse de base et complémentaires dues sur les revenus d’activité de 2025, dans la limite d’un plafond. Tel est le sens de l’amendement n° 1341, qui vous sera soumis dans quelques instants et au profit duquel je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Nous serons très certainement amenés à reparler du cumul emploi-retraite pour les médecins. Si je ne me trompe, quelque 15 000 médecins continuent aujourd’hui de travailler après leur retraite et font tenir notre système de santé face au problème des déserts médicaux.
Je veux simplement faire remarquer que le Gouvernement, encore une fois, ne trouve rien d’autre à nous proposer qu’une exonération de cotisations sociales. C’est toujours cette approche que vous privilégiez. Pour notre part, nous préférerions que le médecin en cumul emploi-retraite cotise, et que ces cotisations lui ouvrent des droits supplémentaires, ce qui est normal dans la mesure où il travaille plus longtemps. L’exonération n’est pas, selon nous, la bonne réponse.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je voudrais abonder dans le sens de Mme Poumirol : il faudrait tout de même changer quelque peu de méthode.
Si j’ai bien suivi les dernières évolutions du droit, aujourd’hui, en cas de cumul emploi-retraite, on peut en quelque sorte liquider une seconde fois ses droits à la retraite, ce qui n’était pas le cas auparavant ; alors, on cotisait sans prestations, à fonds perdu. Ce problème a été résolu, d’une manière à laquelle je suis assez favorable, en liant cotisations et prestations : désormais, si l’on continue son activité après la liquidation de sa retraite, on pourra, quand on l’arrêtera définitivement, bénéficier d’une revalorisation de ses droits, notamment pour ce qui est de la retraite complémentaire. C’est une bonne chose, c’est acquis.
Mais ce que l’on propose à présent, c’est tout à fait paradoxal : plutôt que de cotiser sans avoir de droits, comme auparavant, ou de cotiser en ayant des droits, comme aujourd’hui, on voudrait que ces personnes ne cotisent pas, mais aient des droits. C’est ce qu’on appelle un dispositif asymétrique, qui plombe la sécurité sociale. On en trouve un exemple similaire avec les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires : cela ne sert à rien, cela n’a aucun effet sur l’emploi, cela ne fait que générer de purs effets d’aubaine, et les personnes auxquelles s’appliquent ces exonérations n’en bénéficient pas moins des droits afférents à ces dernières, notamment en matière d’assurance maladie. Ces dispositifs asymétriques, similaires à ce qui est demandé dans cet amendement, c’est vraiment la mort de la sécurité sociale !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
M. le président. L’amendement n° 745, présenté par Mmes Bélim et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane, Lurel et Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas et Vayssouze-Faure, Mme G. Jourda, M. M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° du II de l’article L. 114-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Analysant la situation comparée des Français de la France métropolitaine et des Français des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, en tenant compte des différences de montants de pension, de la durée d’assurance respective, de l’impact des écarts de niveaux du salaire minimum de croissance et des années de cotisations des travailleurs indépendants en particulier les artisans et commerçants sur les écarts de pensions ; »
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Je souhaite attirer l’attention de notre assemblée sur une injustice persistante, qui affecte nos concitoyens ultramarins : les disparités historiques dans le calcul des pensions de retraite.
Ces inégalités ne sont pas anecdotiques ; elles sont le fruit d’une construction qui continue de pénaliser nos territoires. Pour prendre l’exemple de La Réunion, le Smic n’y a été aligné sur le montant national qu’en 1996. Cette différence de traitement a des répercussions directes sur les pensions actuelles de nos retraités. Plus préoccupant encore, le régime des prestations familiales n’a été véritablement appliqué dans les départements d’outre-mer (DOM) qu’à partir des années 1970, et ce de manière partielle. Jusqu’en 1993, les barèmes appliqués sont restés systématiquement moins avantageux que dans l’Hexagone. La situation est particulièrement critique pour nos artisans et commerçants ultramarins, du fait d’un régime de cotisation spécifique, qui a perduré jusqu’en 2000. Nombre d’entre eux ne peuvent justifier que de trente-trois années de cotisation, là où leurs homologues hexagonaux peuvent en comptabiliser jusqu’à quarante-trois.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons que le comité de suivi des retraites accorde une attention particulière aux problématiques ultramarines, via un rapport spécifique. Il s’agira non pas simplement de constater ces inégalités, mais bien de les corriger, car j’ai envie de croire que notre République ne peut se satisfaire de ces disparités qui affectent nos concitoyens ultramarins jusque dans leurs retraites. (Très bien ! sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Le comité de suivi des retraites est tenu de rendre chaque année un avis public, qui s’appuie sur les documents du Conseil d’orientation des retraites, afin d’analyser la situation économique et financière des retraités et du système de retraite français.
Les auteurs de l’amendement n° 745 proposent d’inclure parmi les sujets que cet avis doit aborder une analyse comparative des droits à pensions et du niveau des pensions des Français métropolitains et ultramarins.
Je suis défavorable à cet amendement, dont l’adoption alourdirait la charge de ce comité. (Protestations sur les travées du groupe SER.) On lui demanderait d’analyser la situation des retraités selon leur lieu de vie et de travail, alors que la priorité me semble devoir être l’analyse de la soutenabilité de notre système de retraite et de l’évolution du niveau des pensions de tous les retraités, y compris outre-mer.
Nous sommes quelques-uns à siéger au COR parmi les membres de notre assemblée. Nous penserons à rappeler aux auteurs de ces avis qu’ils ne doivent pas oublier nos concitoyens ultramarins.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez que l’avis annuel du comité de suivi des retraites intègre une analyse comparée de la situation des Français métropolitains et de ceux d’outre-mer. La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 prévoit que ce comité remettra au Parlement un rapport sur les effets de la réforme des retraites ; nous lui avons indiqué que ce rapport devrait également détailler les effets spécifiques de celle-ci outre-mer.
Je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. J’avoue ne pas comprendre cet entêtement à nous rétorquer systématiquement que l’on aura un rapport sur la réforme des retraites. Mais nous ne voulons pas d’un rapport sur cette réforme, qui est très récente : nous voulons un rapport de fond, pour que l’État puisse constater l’énormité de la disparité qui résulte de notre histoire, comme ma collègue Audrey Bélim vient de vous l’expliquer ; cette disparité qui fait qu’aujourd’hui les retraités martiniquais, guyanais, réunionnais ou guadeloupéens ne sont pas traités de la même manière que ceux de l’Hexagone. Il y a des parcours à trous, il y a une application tardive de la sécurité sociale.
On vous demande ce rapport depuis un an et demi ! Olivier Dussopt, dans ce même hémicycle, la main sur le cœur, nous l’a promis. Lors de la rencontre d’Emmanuel Macron avec l’ensemble des élus de l’outre-mer, Mme Élisabeth Borne, alors Première ministre, l’a également validé. Il s’agit non pas de la réforme des retraites, madame la ministre, mais de la retraite considérée globalement. Il y a des trous dans la raquette, il y a des disparités d’application : il faut une année entière pour monter un dossier de retraite en Martinique tant il y a de problèmes et d’écueils invisibles !
Vos prédécesseurs avaient pris l’engagement d’aller mettre le nez là-dedans, mais on attend toujours, et vous me parlez de rapport sur la réforme des retraites… Non ! Savez-vous ce qui arrive, madame la ministre ? Il y a des irritants dans notre société, de nombreux irritants. Or, lorsque nous venons ici vous dire de faire attention, d’envoyer des signaux, de faire un petit quelque chose – un rapport du CSR, ce n’est pas la mer à boire, tout de même ! –, un coup on nous dit oui, un coup non, un coup peut-être… Ce n’est que quand – pardonnez-moi l’expression – ça commence à péter dans les outre-mer que tout le monde accourt, que l’on fait des chèques, que l’on apporte des solutions. Nous voulons faire de la prévention, et il faut nous croire : en nous aidant à régler les problèmes, c’est vous-mêmes que vous aidez !
Être aussi sourd à des demandes simples est assez incompréhensible : allez mettre le nez dans le problème des retraites, et vous verrez le nombre de personnes qui touchent 350 euros ou 400 euros par mois, simplement à cause de ces disparités. C’est invivable ! (Mme Annie Le Houerou applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Il est extrêmement dommage que l’on nous dise, une fois de plus, de faire confiance et d’espérer que, demain, on pensera à nous. Nous, c’est tout le temps que nous pensons à la France ! Nous vous regardons tout le temps. Il arrive parfois que l’on se trompe et que l’on dise « métropole » au lieu d’« Hexagone » ; cela m’embête.
Il faut vraiment penser aux territoires ultramarins, à leurs spécificités et aux disparités qu’ils recouvrent. C’est tout ce que nous demandons, territoire par territoire. Et cette approche peut aussi servir ici, au sein de l’Hexagone, entre centralités et ruralités. Nous sommes différents, nous avons une histoire différente, et aujourd’hui, afin de traiter les choses comme il le faut, on devrait être capable d’entendre cette histoire, de la coucher sur le papier et d’éviter de réformer sans faire des analyses ni des bilans. Nous avons besoin que l’on parle de nous en sachant d’où nous venons et ce que nous sommes.
Mme Catherine Conconne. Vous avez voté contre, madame la présidente de la délégation aux outre-mer : c’est indigne !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Frédéric Buval applaudit également.)
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 650 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas, Vayssouze-Faure et M. Weber, Mme Monier, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla et Uzenat, Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 943 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Silvani, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux quatrième, cinquième, huitième et neuvième alinéas de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, le montant : « 24 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € ».
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 650 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à renforcer la taxation des retraites chapeaux en faisant peser une taxation de 21 % sur celles qui dépassent 10 000 euros. On abaisserait pour ce faire le seuil de déclenchement de la taxation, qui est aujourd’hui fixé à 24 000 euros.
On serait loin de toucher au pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes, car les retraites chapeaux bénéficient avant tout aux dirigeants des grandes entreprises. Il s’agit de faire participer ces personnes aux revenus élevés à l’effort de redressement des comptes de la sécurité sociale, ainsi que de renforcer l’équité fiscale.
Les Français les moins fortunés en ont marre de toujours devoir mettre la main à la poche ! D’un côté, on a la hausse du ticket modérateur, la baisse des indemnités journalières et l’absence d’indexation des retraites ; de l’autre, les gouvernements qui se sont succédé depuis sept ans ne touchent jamais à ceux qui bénéficient de revenus exceptionnellement élevés : l’injustice est flagrante !
Vous chercheriez des recettes, madame la ministre ? En voilà une ! Elle pourrait venir compenser les besoins de financement de nos hôpitaux, qui n’ont plus les moyens de fonctionner normalement et où les conditions de travail des professionnels qui y exercent sont extrêmement difficiles. Elle pourrait également être utile pour accompagner le financement de nos collectivités territoriales, qui assurent chaque jour la cohésion sociale dans nos villes et nos départements.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 943 rectifié.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à l’heure, on discutait de la revalorisation des petites retraites : finalement, les retraités qui touchent une pension inférieure à 1 430 euros ne la verront augmenter que de 0,9 % au lieu de 1,8 %. A contrario, on a ce que vient de nous décrire Annie Le Houerou : les retraites chapeaux.
Rappelons-nous : Bruno Le Maire avait promis de les plafonner lorsqu’il s’était aperçu que l’ex-PDG d’Airbus était parti avec une rente de 1,3 million d’euros par an, soit plus de 100 000 euros par mois. Pour notre part, avec cet amendement, nous n’allons pas aussi loin – vous voyez que nous savons être raisonnables –, puisque, plutôt que de plafonner, nous nous contentons de relever la fiscalité quand cette retraite chapeau dépasse 10 000 euros par mois.
Pourtant, même cela, vous avez du mal à l’admettre, alors que vous n’avez pas eu beaucoup de mal à désindexer de l’inflation les petites retraites. Au contraire, une fois de plus, vous avez fait les poches des retraités les plus modestes, sans toucher à ceux qui vivent avec des retraites si élevées qu’ils ne savent plus quoi en faire…
M. le président. L’amendement n° 826 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le huitième alinéa est ainsi modifié :
a) Le montant : « 600 € » est remplacé par le montant : « 1 000 € » ;
b) Le montant : « 24 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € » ;
2° Au neuvième alinéa, le montant : « 24 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’objet de cet amendement est identique à celui de ceux que viennent de présenter Annie Le Houerou et Cathy Apourceau-Poly ; je compléterai donc simplement leurs arguments par quelques données.
Selon la Drees, 200 000 personnes bénéficient d’une retraite chapeau. Ces bénéficiaires sont majoritairement issus de grandes entreprises, qui sont bien plus nombreuses à adhérer à un tel contrat, en profitant des conditions avantageuses offertes par l’article 39 du code général des impôts, que les plus petites. Ces conditions profitent majoritairement à de grands chefs d’entreprise, dont les salaires sont déjà élevés, tout comme – il est intéressant de le préciser – leur espérance de vie après la retraite.
Un chef d’entreprise dont le salaire annuel est de 2 millions d’euros par an percevrait ainsi une retraite chapeau équivalant à 15 % de son salaire, soit 300 000 euros. Ce montant, cumulé à une espérance de vie moyenne de vingt ans après la retraite, représente pour l’entreprise un engagement de quelque 6 millions d’euros.
Le salaire annuel moyen des dirigeants des grandes entreprises ne cesse de s’envoler : entre 2019 et 2022, il a connu une hausse de 27 %, soit plus de 6 millions d’euros, tandis que les salaires annuels moyens des employés des grandes entreprises du CAC 40 – qui ne sont pas les plus défavorisés – n’augmentaient en parallèle que de 9 % sur la même période, soit trois fois moins.
La dynamique de ces rémunérations entraînera en toute logique une hausse importante des montants des retraites chapeaux, soulignant d’autant plus la nécessité et l’intérêt d’une taxation de ce dispositif, a fortiori au moment où la baisse programmée des recettes sous le dernier quinquennat – nous y reviendrons – explique une grande part de l’augmentation du déficit de la sécurité sociale, du moins jusqu’en 2023.
En conséquence, cet amendement vise à mettre en place une taxe sur les retraites chapeaux les plus hautes – 10 000 euros par mois, ce n’est pas rien – afin de rendre le système fiscal plus progressif tout en mobilisant des ressources pour le financement solidaire, et ce à la place d’une attaque à l’encontre du pouvoir d’achat de tous les retraités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Les deux amendements identiques nos 650 rectifié et 943 rectifié, de même que l’amendement n° 826 rectifié, visent à renforcer la taxation des retraites chapeaux, rentes viagères versées par les entreprises à certains salariés. Ce dispositif est actuellement exonéré de cotisations sociales et de CSG.
Bien que les sommes concernées soient importantes, je rappelle qu’en 2012 – d’après l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales – 84 % des 205 000 bénéficiaires d’une retraite chapeau percevaient une rente annuelle d’un montant inférieur à 5 000 euros.
Tout le monde pense qu’il s’agit de cadres très supérieurs, mais je puis vous dire d’expérience que ce sont certes souvent des cadres, mais qui ont beaucoup travaillé. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Ils perçoivent une prime, en quelque sorte – un peu comme celle que vous avez exonérée. Pourquoi revenir sur cette situation ? (Mêmes mouvements.)
La commission, comme les années précédentes, est opposée à un renforcement de la taxation des retraites chapeaux, appelées également articles « 82 et 83 » du code général des impôts : j’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 650 rectifié et 943 rectifié.
Quant à l’amendement n° 826 rectifié, qui concerne davantage des niveaux de taxation et de plafond, nous y sommes également défavorables, pour les mêmes raisons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Dans une décision de décembre 2012, le Conseil constitutionnel a censuré la contribution établie à 21 % que vous proposez pour la part des rentes supérieures à 24 000 euros par mois. Ce taux dont vous souhaitez étendre l’application n’existe donc plus en droit.
Le cumul que vous proposez entre l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et la contribution spécifique au taux de 21 % pour la fraction des retraites chapeaux aboutirait à un taux d’imposition de plus de 75 %, soit un niveau considéré comme confiscatoire par le juge constitutionnel.
En ce qui concerne les abus que vous avez soulignés, une ordonnance du 3 juillet 2019 relative aux régimes professionnels de retraite supplémentaire a permis de mieux encadrer le régime social des retraites chapeaux.
Cette ordonnance limite les droits acquis chaque année par les salariés à 3 % de leur rémunération. Elle empêche également que les retraites chapeaux soient accordées en fin de carrière, sans aucun rapport avec la durée de cotisation dans l’entreprise, afin de les rapprocher du régime applicable aux retraites supplémentaires.
En conséquence, je suis défavorable à ces trois amendements.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Madame la rapporteure, on n’en sortira jamais !
Il s’agit, selon vous, de cadres qui ont beaucoup travaillé et vous ne comprenez pas pourquoi il faudrait les taxer un peu plus. La semaine dernière, en commission, j’ai pourtant entendu dire qu’il fallait que l’effort soit partagé par tous pour résorber ce trou que personne n’avait vu venir… Il s’agissait alors de faire travailler gratuitement tous les salariés pendant 7 heures. Certains seraient-ils plus redevables que d’autres pour devoir faire plus d’efforts ?
Vous ne voulez surtout pas toucher aux bénéficiaires de retraites chapeaux ; vous considérez même comme un sacrilège de vouloir les imposer de 1 centime supplémentaire ! En revanche, vous demandez aux salariés, y compris à ceux qui occupent des emplois pénibles, notamment dans la grande distribution, de travailler 7 heures de plus pour rien. Cela, ce serait normal ! C’est une drôle de conception de la solidarité… (Mme Émilienne Poumirol marque son approbation.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 650 rectifié et 943 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 339 rectifié, présenté par M. Lurel, Mmes Conconne, Bélim et G. Jourda et MM. Fagnen et Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur l’application de l’article 51 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 relatif au reste à charge zéro.
Le rapport s’attache à analyser les possibilités d’une extension du dispositif reste à charge zéro pour les implants dentaires, notamment pour les prothèses fixées unitaires supra-implantaires pour le traitement de l’édentement unitaire et les prothèses amovibles complètes implanto-retenues pour le traitement de l’édentement complet.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Le présent amendement vise à demander au Gouvernement de nous présenter un rapport sur les implants dentaires pour le traitement de l’édentement.
La Haute Autorité de santé a publié, le 6 novembre dernier, un avis favorable au remboursement de l’ensemble des actes requis lors des phases préthérapeutique, thérapeutique et post-thérapeutique, avec mise au point d’un référentiel.
Le ministère de la santé s’est intéressé à la question, mais on ne voit pas quels sont les débouchés. Nous lançons donc un appel au Gouvernement pour être davantage informés sur cette affaire.
En 2023, plus de 1 million de Français se sont fait poser des implants complets ou unitaires. Cela coûte une fortune. Il n’y a pas très longtemps, un ami me disait qu’il avait dans la bouche le prix d’une Mercedes ! La Haute Autorité de santé estime qu’il faut traiter cette question et prendre en charge ce traitement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La position constante de la commission des affaires sociales est de rejeter les demandes de rapport. Pour avoir souvent établi les bilans annuels de l’application des lois, je rappelle que le Parlement n’obtient déjà pas de réponse aux quelques demandes que nous laissons passer… Ne surchargeons donc pas les ministères et faisons les rapports nous-mêmes : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 339 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 38° de l’article L. 311-3, il est inséré un 39° ainsi rédigé :
« 39° Les personnes employées par la collectivité des Terres australes et antarctiques françaises en mission dans les territoires qu’elle administre ou embarquées à bord de navires. » ;
2° Après le 19° de l’article L. 412-8, il est inséré un 20° ainsi rédigé :
« 20° Les personnes employées par la collectivité des Terres australes et antarctiques françaises en mission dans les territoires qu’elle administre ou embarquées à bord de navires. »
II. – Le I est applicable aux contrats prenant effet à une date fixée par décret, et au plus tard à compter du 1er janvier 2026.
M. le président. L’amendement n° 1204, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
à une date fixée par décret, et au plus tard à compter du 1er janvier 2026
par les mots :
à compter du 1er janvier 2025
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Les agents de l’administration des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) qui travaillent dans les districts austraux et antarctiques ou à bord de navires en tant que contrôleurs de pêche ne bénéficient pas de la couverture d’un régime obligatoire de sécurité sociale durant le temps de leur mission, qui varie entre 3 et 12 mois.
Contrairement à leurs collègues travaillant à La Réunion pour l’administration des Taaf, qui relèvent du régime général, ils cessent d’être couverts par ce régime pendant leur mission.
L’administration des Taaf cotise donc volontairement auprès de la Caisse des Français de l’étranger (CFE) pour assurer à une partie de ces agents une couverture sociale alors que cette caisse a normalement vocation à couvrir les personnes expatriées. Cette situation complique la situation de ces assurés et la gestion du personnel par l’administration des Taaf.
Le Gouvernement a déposé un amendement au PLFSS lors des débats à l’Assemblée nationale pour permettre d’assurer ces personnes, qu’elles travaillent dans les districts des Taaf ou à bord des navires de pêche pour assurer les contrôles.
Cet amendement, qui répond aux attentes formulées par l’administration des Taaf, a été adopté par l’ensemble des députés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 3 ter (nouveau)
I. – La première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 642-4-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° Au début, sont ajoutés les mots : « Les médecins remplissant les conditions prévues aux troisième à sixième alinéas de l’article L. 643-6, » ;
2° Après la deuxième occurrence du mot : « code », sont insérés les mots : « , les médecins participant à une campagne de vaccination ».
II. – L’article L. 642-4-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 642-4-2. – I. – Les médecins remplissant les conditions prévues aux troisième à sixième alinéas de l’article L. 643-6 du présent code, les médecins exerçant leur activité à titre de remplacement, les médecins exerçant une activité de régulation dans le cadre du service d’accès aux soins mentionné à l’article L. 6311-3 du code de la santé publique et de la permanence des soins mentionnée à l’article L. 6314-1 du même code, les médecins participant à une campagne de vaccination, lorsqu’ils n’exercent pas d’autre activité en médecine libérale, ainsi que les étudiants remplaçants en médecine remplissant les conditions prévues à l’article L. 4131-2 dudit code mentionnés à l’article L. 646-1 du présent code peuvent, lorsque leurs rémunérations sont inférieures à un seuil, opter pour le calcul mensuel ou trimestriel de l’ensemble des cotisations et contributions sociales dont ils sont redevables en appliquant un taux global appliqué par référence aux taux des contributions et cotisations sociales applicables aux revenus des médecins mentionnés au 1° du même article L. 646-1 au montant de leur rémunération après l’abattement prévu à l’article 102 ter du code général des impôts.
« Ce taux global peut :
« 1° Être minoré lorsque l’activité concernée fait l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie de tout ou partie des contributions et cotisations mentionnées au premier alinéa du présent I ;
« 2° Croître lorsque les rémunérations sont situées entre un montant de rémunération et le seuil prévu au même premier alinéa.
« II. – L’option pour l’application du I est exercée auprès de la caisse mentionnée aux articles L. 211-1 et L. 752-4 dans la circonscription de laquelle sont exercées les activités. Cette caisse assure, en lien avec les médecins ou les étudiants concernés et les organismes mentionnés au III du présent article, la réalisation des déclarations nécessaires à ces activités.
« III. – La déclaration des rémunérations et le paiement des cotisations et des contributions sociales qui en découlent sont effectués par les médecins et les étudiants remplaçants mentionnés au I au moyen d’un téléservice mis en place à cette intention par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4.
« IV. – Les modalités d’application du présent article, notamment les seuils et montants mentionnés au I, sont fixées par décret. »
III. – A. – Le I entre en vigueur le 1er juillet 2025.
B. – Le II entre en vigueur le 1er janvier 2026.
M. le président. L’amendement n° 1119, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Nous saluons l’engagement des médecins retraités venant prêter main-forte dans l’actuel contexte de crise de la démographie médicale. Ces derniers ont été particulièrement présents durant la crise du covid-19. Sans eux, nous n’aurions certainement pu faire face à la situation.
Cependant, nous regrettons la proposition du Gouvernement de créer par cet article un mécanisme qui, in fine, s’apparente encore une fois à un allégement de cotisations sociales.
Ce choix d’élargir le dispositif de simplification de cotisations sociales revient à diminuer les ressources de la sécurité sociale au détriment de sa capacité à financer les soins. C’est un pansement inadapté à la crise de la démographie médicale.
De surcroît, ladite crise, que traversent nos territoires, tant en métropole qu’en outre-mer, ne pourra être résolue par des mesures partielles ou dérogatoires.
Chaque professionnel, quel que soit son statut, contribue à cet équilibre essentiel. Pour vraiment nous attaquer à la crise de la démographie médicale, nous avons besoin d’une action ambitieuse et résolue vers le recrutement et la formation. Je regrette, à ce titre, que le Gouvernement n’ait pris aucun engagement pour aller dans cette voie.
Pour toutes ces raisons, nous appelons à la suppression de cet article 3 ter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement concerne le régime de déclaration simplifiée. La commission, qui sera favorable à l’amendement n° 1341 du Gouvernement sur les déserts médicaux, est par conséquent défavorable à celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 915, présenté par Mme Ramia, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 284 rectifié, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
IV – Pour une durée de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, l’État peut, à titre expérimental, instituer dans les zones sous-denses mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique une limitation des cotisations sociales auxquelles sont assujettis les médecins spécialistes libéraux et les médecins généralistes à compter de leur installation. Ses modalités sont définies par décret.
V. – Les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation prévue au IV sont définies par un décret en Conseil d’État, au plus tard au 31 décembre 2025. La liste des territoires participant à l’expérimentation est fixée par un arrêté conjoint du ministre chargé des solidarités, et du ministre chargé des relations avec les collectivités territoriales.
VI. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du IV est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Cet amendement vise à permettre l’expérimentation d’une politique incitative pour encourager spécialistes et généralistes à s’installer dans les déserts médicaux en limitant leurs cotisations sociales.
De très nombreux habitants renoncent aux soins. Devant cette situation, nombre de dispositifs contraignants ont été proposés au Parlement, soulevant parfois une opposition nette des médecins.
Les dispositions de cet amendement, au contraire, se veulent incitatives. Nous proposons aux médecins une baisse de cotisations sociales propre à les attirer dans ces secteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’amendement vise à limiter, à titre expérimental et pendant cinq ans, les cotisations sociales acquittées par les médecins qui s’installent dans des zones de désert médical.
Ces sujets doivent être traités plus largement et non par la voie d’une simple expérimentation. Des travaux sont en cours. Nous allons seulement accepter l’amendement n° 1341 du Gouvernement sur le cumul emploi-retraite pour les médecins : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 ter.
(L’article 3 ter est adopté.)
Après l’article 3 ter
M. le président. L’amendement n° 1341, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Sous réserve que leur revenu professionnel non salarié annuel soit inférieur à un montant fixé par décret, les médecins exerçant leur activité dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins mentionnée à l’article L. 1434-4 du code de la santé publique classée par l’agence régionale de santé territorialement compétente comme une zone d’intervention prioritaire et remplissant les conditions prévues aux troisième à sixième alinéas de l’article L. 643-6 du code de la sécurité sociale sont exonérés, au titre de leur activité professionnelle en qualité de médecin, des cotisations d’assurance vieillesse mentionnées aux articles L. 642-1, L. 644-1, L. 645-2 et L. 645-3 du même code dues sur les revenus perçus en 2025.
II.- Par dérogation au 2° de l’article L. 161-22-1 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 161-22-1-1 du même code, les médecins bénéficiant de l’exonération de cotisation prévue au I ne se constituent, au titre des périodes concernées, aucun droit à retraite de base en vue d’une seconde pension.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Conformément à l’engagement du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, cet amendement vise à lutter contre la désertification médicale en s’appuyant sur les médecins libéraux ayant déjà liquidé leurs pensions de vieillesse, qui étaient environ 13 500 au 1er janvier 2024.
Cet amendement tend donc à favoriser le maintien en activité des médecins libéraux retraités qui souhaitent exercer dans les zones sous-denses, en prévoyant une exonération de leurs cotisations d’assurance vieillesse dues sur les revenus d’activité perçus en 2025 au titre de leurs régimes de base et de prestations complémentaires de vieillesse.
Pour être éligibles à ce dispositif, les médecins libéraux retraités devront justifier d’un revenu annuel inférieur à un montant fixé par décret.
À titre d’exemple, le plafond avait été fixé à 80 000 euros pour une mesure d’exonération similaire des cotisations vieillesse des médecins en cumul emploi-retraite prévue pour 2023.
Les médecins bénéficiaires de cette exonération ne pourront s’ouvrir de nouveaux droits pour une seconde pension au titre du régime de base des professionnels libéraux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement que j’évoque depuis un certain temps.
Toutefois, le Gouvernement doit faire attention : en ciblant une zone, à l’instar des zones franches ou des zones de revitalisation rurale (ZRR), le risque est parfois d’en vider une autre. C’est donc très compliqué.
J’émets un avis favorable, car il ne s’agit ici que de l’année 2025. Quoi qu’il en soit, nous aurons besoin d’une étude d’impact. Il existe beaucoup de déserts médicaux sur notre territoire, pas seulement en ruralité, mais aussi dans les villes et les quartiers.
En revanche, je serai défavorable à l’amendement n° 474 rectifié, qui n’est pas en discussion commune, mais qui reprend le même dispositif en outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je signale à votre attention que des médecins s’installent en ZRR, perçoivent des dotations, puis changent de territoire cinq ans après pour pouvoir en toucher de nouvelles… Il faut se montrer vigilant.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Nous avons déjà évoqué ce problème avec le cumul emploi-retraite. Or voilà que l’on nous propose encore une mesure d’incitation à l’installation en zones sous-dotées…
Cela fait des années que l’on parle des déserts médicaux et que chacun y va de sa petite idée. Les aides à l’installation sont extrêmement nombreuses, qu’il s’agisse des contrats d’engagement de service public (CESP), des ZRR ou maintenant du plan France Ruralités Revitalisation (FRR). En sus des exonérations de cotisation, des aides fiscales sont même prévues.
Les incitations se multiplient sans qu’aucune évaluation réelle de l’impact de ces aides sur l’installation dans les zones sous-dotées ait été réalisée. Mon collègue vient de le rappeler, les aides fiscales dans les ZRR ont conduit à un certain nomadisme : de cinq ans en cinq ans, tout au long de la vie, on se déplace de quelques kilomètres ou d’un territoire à un autre pour pouvoir bénéficier des aides.
Nous ne sommes pas favorables à une exonération des cotisations, pas plus pour inciter les médecins à s’installer que pour encourager le cumul emploi-retraite. J’ai proposé tout à l’heure de donner aux médecins qui cotisent plus longtemps des droits supplémentaires afin de bénéficier d’une retraite plus importante.
Nous ne souhaitons pas ouvrir de nouvelles exonérations sans aucun résultat. Les déserts médicaux connaissent aujourd’hui une croissance exponentielle : 87 % des territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains, sont sous-dotés. Ce n’est donc pas une incitation supplémentaire qui réglera le problème, loin de là. Posons-nous plutôt les bonnes questions.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Je soutiendrai cet amendement du Gouvernement. Il y a foison d’aides à l’installation, mais il y a beaucoup moins d’aides en fin de carrière pour les médecins en cumul emploi-retraite. Il existe beaucoup de mesures – dont il faudra peut-être tirer le bilan – en début de carrière, mais moins en fin de carrière, ce que les médecins eux-mêmes déplorent.
Il convient de soutenir le cumul emploi-retraite, même s’il faudra certainement s’interroger sur les aides à l’installation.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je souhaiterais évoquer la journée d’action dénommée « Les vieux méritent mieux », lors de laquelle treize grandes fédérations du soutien à domicile ont dénoncé l’existence de déserts médico-sociaux dans des départements entiers, où l’on ne trouve plus de services domiciliaires.
Je vous invite donc, madame la ministre, à proposer, l’année prochaine, des incitations pour l’installation des aides à domicile dans ces départements. Il ne faut pas se focaliser sur les seuls médecins.
Le cumul emploi-retraite, c’est bien, mais nous aurions préféré une démographie adéquate : les jeunes cotisent, ce qui nous aurait permis d’éviter le rapport démographique catastrophique que nous avons évoqué.
Alors que les incitations existent depuis des années, j’ai entendu une organisation de médecins demander un abondement de 1,5 point de retraite, au lieu de 1 point, pour faciliter l’installation dans des zones sous-denses. Je dénonce cette surenchère : ils n’en ont jamais assez !
J’y insiste, certains départements sont aujourd’hui de vrais déserts médico-sociaux. Pour les professionnels concernés, on n’entend jamais parler d’incitations. Les professionnels de l’aide à domicile ne peuvent plus travailler après 65 ans, et les auxiliaires de puériculture et les travailleurs sociaux viennent à manquer dans certains départements, ce qui conduit à des gels de berceaux et à des fermetures de lits.
La crise de ressources humaines ne touche pas que les médecins.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 ter.
L’amendement n° 474 rectifié, présenté par M. Buval, Mme Ramia, M. Omar Oili, Mme Duranton, M. Patient et Mmes Schillinger et Phinera-Horth, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 1434-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1434-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1434-3-…. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans, dans le cadre du schéma régional pluriannuel d’organisation des soins des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, peuvent être créées, sur proposition de l’agence régionale de santé, dans les zones démographiques sous dotées médicalement, des zones franches médicales.
« Il peut être institué, dans les zones franches médicales prioritaires, une exonération partielle des cotisations sociales auxquels sont assujettis les médecins généralistes retraités et les médecins spécialistes retraités.
II. – Un décret détermine les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I. les ministres chargés des outre-mer, de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la liste des territoires participant à cette expérimentation, dans la limite de trois régions.
III. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation, qui se prononce notamment sur la pertinence d’une généralisation.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Frédéric Buval.
M. Frédéric Buval. Cet amendement, qui n’est guère original, vise à permettre l’installation de médecins retraités en cumul emploi-retraite en les exonérant d’une partie des cotisations sociales s’ils acceptent de se réinstaller en zones sous-denses en outre-mer.
Si la suppression du numerus clausus et la télémédecine constituent des avancées en matière de lutte contre les déserts médicaux, il s’avère que de nombreux médecins retraités seraient favorables à poursuivre leur activité dans les zones sous-denses, moyennant des aménagements en termes non seulement d’horaires, mais aussi de charges sociales.
Les dispositions prises dans les précédents PLFSS sont encourageantes : les médecins qui cumulent en zone sous-dense sont, depuis février 2019, exonérés de cotisations complémentaires vieillesse jusqu’à 40 000 euros de revenus d’activité par an.
Ce plafond a été doublé, sachant que le gain annuel moyen des « cumulants » s’établit plutôt autour de 65 000 euros et que les praticiens qui ont choisi de cumuler cessent en moyenne toute activité à 69,5 ans, soit quatre ans plus tard que ceux qui ne cumulent pas.
La désertification médicale est un problème suffisamment aigu pour que l’on envisage toutes les possibilités facilitant l’accès aux soins pour tous, notamment dans les outre-mer, qui sont particulièrement sous-dotés par rapport à l’Hexagone.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Avis défavorable, compte tenu de l’adoption de l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 474 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 quater (nouveau)
Jusqu’au 1er janvier 2026, le taux global applicable aux travailleurs indépendants des professions libérales relevant à la fois des articles L. 613-7 et L. 631-1 du code de la sécurité sociale peut être fixé par décret à un niveau inférieur à celui qui résulterait de l’application du premier alinéa du I de l’article L. 613-7 du même code, sans que l’écart à ce dernier excède :
1° 20 % en 2024 ;
2° 10 % en 2025 – (Adopté.)
Après l’article 3 quater
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 900 rectifié ter, présenté par MM. Canévet et Mizzon, Mme Sollogoub, MM. Fargeot, Delcros, Longeot, S. Demilly, Courtial et Bleunven, Mme Romagny, M. Duffourg et Mme Havet, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les II, III, IV et VI de la section I du chapitre premier du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts sont abrogés.
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les chapitres 6 et 7 du titre 3 du livre 1 sont abrogés ;
2° Le titre IV du livre II est ainsi rédigé :
« Titre IV
« Ressources
« Chapitre unique
« Art L. 241-1. – I. – La couverture de l’ensemble des dépenses prises en charge par les organismes mentionnées au titre III du présent livre est assurée par une micro-taxe sociale sur les mouvements des paiements scripturaux, collectée et perçue intégralement par ces organismes.
« II. – L’assiette de cette micro-taxe sociale inclut les paiements scripturaux et électroniques ;
« III. – Le taux de la micro-taxe sociale est fixé à 1,8 %. »
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la micro-taxe sociale instituée par le présent amendement.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. J’entends s’exprimer beaucoup de réticences à la baisse des cotisations sociales, mais regardons la réalité en face : les entreprises de notre pays sont de plus en plus en difficulté, parce que leur compétitivité est particulièrement entamée.
Notre modèle social ne peut continuer de fonctionner ainsi. Chaque fois qu’il y a des besoins ou des problèmes, on augmente les cotisations sociales, ce qui altère la compétitivité de nos entreprises et menace nos emplois. Il est temps que nous passions à un autre modèle de financement de notre protection sociale. Cela est possible, en supprimant la totalité des cotisations sociales et en les remplaçant par une taxe sur les paiements scripturaux.
Ceux-ci représentent en France quelque 35 000 milliards d’euros. Une taxe de 1,8 % sur ces paiements permettrait de supprimer la totalité des cotisations sociales, de même que la contribution sociale généralisée. Elle générerait une recette de 615 milliards d’euros, ce qui financerait l’ensemble de notre protection sociale.
Il est temps d’y songer. J’invite chacun à y réfléchir très attentivement, parce que nous ne pouvons continuer de cette manière : les difficultés vont croissant, les besoins sont en augmentation et personne n’est satisfait de notre système de santé. Il faut trouver une façon de financer autrement la protection sociale.
M. le président. L’amendement n° 901 rectifié ter, présenté par MM. Canévet et Mizzon, Mme Sollogoub, MM. Fargeot, Delcros, Longeot, S. Demilly, Courtial et Bleunven, Mme Romagny, M. Duffourg et Mme Havet, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié
1° Après l’article L. 137-2, il est inséré un article L. 137-… ainsi rédigé :
« Art L. 137-… Les contributions mentionnées au présent chapitre ne concernent pas la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2. » ;
2° Le titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Titre IV
« Ressources
« Chapitre unique
« Art L. 241-1.- I. – La couverture de l’ensemble des dépenses prises en charge par l’organisme mentionné au chapitre 1er du titre II du présent livre est assurée par une micro-taxe sociale sur les mouvements des paiements scripturaux, collectée et perçue intégralement par cet organisme.
« II – L’assiette de cette micro-taxe sociale inclut les paiements scripturaux et électroniques.
« III – Le taux de la micro-taxe sociale est fixé à 0,25 %. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la micro-taxe sociale instituée par le présent amendement.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cet amendement de repli vise à supprimer les cotisations sociales pour l’assurance maladie, qui représentent 77 milliards d’euros.
À cette fin, il suffit d’instaurer une taxe de 0,25 % sur les paiements scripturaux dans notre pays, ce qui permettra de redonner de la compétitivité à l’ensemble de nos entreprises.
Cela peut paraître étonnant, mais il faut y réfléchir. Nous y viendrons de toute façon, même si ce n’est pas aujourd’hui, et je reviendrai à la charge. (Sourires.) Je vous invite à méditer sur ce sujet extrêmement important.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, je me souviens que, l’année dernière, vous aviez déjà sorti de votre chapeau cette magnifique proposition.
Il faut reconnaître qu’il y a quelque chose d’un peu magique dans l’idée d’une suppression de toutes les cotisations sur le travail grâce à l’instauration d’une microtaxe sociale de 1,8 % sur les seuls paiements scripturaux.
Je ne demande pas mieux que de réfléchir à cette idée, qui semble particulièrement intéressante. Du reste, toute proposition est bonne à prendre au regard de la situation de nos comptes sociaux…
L’année dernière, nous avions émis un avis défavorable sur la demande de rapport ; cette année, et j’en suis désolée, nous ne sommes pas plus favorables à cet amendement. Très honnêtement, monsieur Canévet, j’ignore si une imposition sur les transactions vaut mieux, économiquement, que le système fiscalo-social que nous connaissons. Cela tiendrait en quelque sorte du miracle, mais j’aimerais que ça marche. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Monsieur le sénateur, vous abordez un sujet qui est de plus en plus évoqué dans le débat public, à savoir le poids du financement de la protection sociale par le travail.
Aujourd’hui, 53 % de la protection sociale est financée par les revenus du travail, ce qui explique l’écart très fort entre le coût chargé de l’employeur et le salaire « net net » du travailleur. Vous avez raison de dénoncer cette spécificité bien française.
Cependant, je pense que votre proposition n’est pas opérante en ce qu’elle introduit un problème d’équité entre les paiements traditionnels et les nouveaux types de paiement. Elle introduit de doubles taxations avec la TVA, la taxe sur les transactions financières, la fiscalité sur le patrimoine…
Pour ces raisons, je sollicite le retrait de vos deux amendements ; à défaut, j’y serai défavorable, même si vous soulevez là une question très importante.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cher collègue, je ne vois pas trop comment les droits contributifs pourraient s’articuler avec votre proposition, ce qui me paraît poser problème.
De façon plus générale, je vous propose de soutenir la taxe Tobin sur les transactions financières et sur les mouvements de capitaux, qui a plus d’intérêt. Comme vous le savez, certains mouvements prennent moins d’une seconde… Nous pourrions, grâce à cette taxe, obtenir le rendement que vous espérez.
J’ignore si vous avez, dans le passé, soutenu la taxe Tobin et son augmentation. Toutefois, j’y insiste, je ne vois pas comment votre taxe pourrait s’articuler avec une taxation hors sol des droits contributifs. La taxe Tobin, quant à elle, présente l’intérêt de ralentir les transactions financières et la financiarisation de l’économie à l’échelle mondiale, qui nous coûte tant.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 900 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 901 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 46 amendements au cours de la journée. Il en reste 811 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 19 novembre 2024 :
À quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 129, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 19 novembre 2024, à une heure cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER