M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je m’en excuse auprès de M. le rapporteur spécial, mais je souhaite soutenir la position de Mme la secrétaire d’État. En effet, un effort particulier a été fait pour ce qui concerne cette mission. Par ailleurs, à force de transférer les crédits et de déshabiller Paul pour habiller Pierre, on se retrouve avec des niveaux de crédits beaucoup trop élevés.
Cet amendement aurait un double impact : l’abondement d’une mission d’ores et déjà soutenue par le Gouvernement, et une incidence, du fait du cumul des déductions de programmes, sur le bon fonctionnement de ladite mission.
Je voterai donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je m’exprimerai non pas sur l’aspect budgétaire, mais sur la mise en œuvre de cette politique mémorielle.
Vous dites, madame la secrétaire d’État, qu’il s’agit de développer, au travers de la commémoration de la libération des camps de la mort, des politiques de lutte contre la haine et l’antisémitisme, et cela est bien évident. Mais à force de diluer ce type de mesures en leur donnant une amplitude trop large, on en diminue l’impact. Ainsi, dans les écoles, on voit que les enfants ne sont absolument pas sensibilisés à ces questions.
Bien sûr, nous participons tous aux commémorations et menons tous des actions avec le monde combattant. Toutefois, je considère qu’il y a un défaut de politique mémorielle. Vous n’êtes pas la seule en cause, puisqu’il s’agit d’une politique de long terme qui dépasse largement votre mission et concerne également la politique éducative.
Nous devrions nous pencher sur ce qui a été dit de manière définitive, notamment, par Ernest Renan, qui évoquait les gloires passées et l’héritage indivis de notre histoire. Cet aspect des choses est malheureusement perdu de vue au détriment d’une généralité qui finit par nous faire perdre de vue de grands événements historiques, le plus souvent douloureux, qui font le ciment d’une nation et construisent un pays.
Mes propos, encore une fois, ne sont pas d’ordre budgétaire. Il faut donner corps à cette idée de lutte contre la haine en la reliant à l’histoire de France et aux sacrifices qui ont été consentis.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-46 rectifié ter est présenté par Mme Micouleau, MM. Chatillon, Grand et Karoutchi, Mmes Morhet-Richaud, Berthet et A.M. Bertrand, M. Brisson, Mme Bruguière, MM. Cambon, Cardoux, Charon et Danesi, Mme Deromedi, MM. Détraigne et Dufaut, Mmes Eustache-Brinio et Férat, MM. Gremillet, Husson et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. D. Laurent, Lefèvre, Longeot et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Médevielle, Moga et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Paccaud, Perrin, Pierre, Raison et Savin et Mme Sollogoub.
L’amendement n° II-181 rectifié est présenté par Mme Van Heghe, MM. Kanner et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la Nation et son armée |
102 725 |
102 725 |
||
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
102 725 |
102 725 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale Dont titre 2 |
||||
TOTAL |
102 725 |
102 725 |
102 725 |
102 725 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal, pour présenter l’amendement n° II-46 rectifié ter.
Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Cet amendement vise à transférer 102 725 euros de l’action n° 02, Politique de mémoire, du programme 167, « Liens entre la Nation et son armée », vers l’action n° 07, Actions en faveur des rapatriés, du programme 169, « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».
La Nation a un devoir de justice envers les membres de nos forces supplétives en Algérie, quel que soit leur statut. Le présent amendement vise à régler définitivement la situation des membres rapatriés de nos forces supplétives de statut civil de droit commun.
À ce jour, seules 25 personnes sont concernées, en ce qu’elles ne bénéficient pas de l’allocation de reconnaissance. Il s’agit donc de verser à chacune une aide exceptionnelle et unique de 4 109 euros. Nous clorons ainsi définitivement ce dossier en apportant, très tardivement, une reconnaissance à nos forces supplétives de statut civil de droit commun.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour présenter l’amendement n° II-181 rectifié.
Mme Sabine Van Heghe. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Nous avons déjà évoqué ce dossier sensible lors des dernières années. Un coup de pouce financier serait en effet utile à cet égard pour ces personnes.
L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Nous avons déjà examiné cet amendement l’année dernière. Les gouvernements successifs ont toujours voulu réserver l’allocation de reconnaissance aux anciens harkis de droit local. Cette différenciation a été validée juridiquement par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme.
Plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ont mis en avant le droit à l’allocation de reconnaissance, qui a été ouvert de façon temporaire et très restrictive aux supplétifs de droit commun, ce qui constitue une « fenêtre juridique ».
Seuls les anciens supplétifs de droit commun qui ont sollicité l’attribution de cette allocation entre le 5 février 2011 et le 20 décembre 2013 et qui, à la suite d’un refus de l’administration, ont engagé un recours contentieux ont pu l’obtenir. La liste précédemment évoquée comprend donc désormais 24 inscrits.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation d’impasse juridique. En effet, 18 de ces personnes ont fait l’objet d’une décision de rejet de la part de l’administration, non suivie de recours contentieux. Dans leur cas, le refus de l’administration est donc devenu définitif. Par ailleurs, 6 personnes ont fait un recours contentieux et ces procédures ont abouti à 5 rejets et à l’identification d’une personne ayant servi comme « appelé », car il n’était pas, en fait, un supplétif de droit commun.
La situation est donc complexe et délicate. Cette impossibilité juridique m’a conduite à prendre l’engagement devant les parlementaires d’essayer de régler humainement cette situation. J’ai ainsi chargé l’ONAC-VG de contacter ces personnes afin de savoir si elles souhaitaient bénéficier d’une aide sociale.
Sur les 24 personnes contactées, 3 sont décédées, 15 n’ont pas souhaité donner suite à cette proposition et 6 ont effectué une demande de secours ; parmi ces dernières, 2 ont déjà reçu une aide importante. Enfin, un dossier est encore en cours d’étude. Je tiens à la disposition personnelle du rapporteur général de la commission des finances la liste nominative de ces personnes et les décisions les concernant.
Dans ces conditions, et parce que la mesure proposée ne pourrait être mise en œuvre par l’administration, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, je demande le retrait des amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-46 rectifié ter et II-181 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 73 E et l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 73 E, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Article 73 E (nouveau)
I. – Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :
1° Le chapitre unique du titre V du livre II est ainsi modifié :
a) La section 1 est ainsi modifiée :
– l’article L. 251-1 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Cette carte permet une réduction sur les tarifs des services de transport ferroviaire domestique de voyageurs.
« La réduction est de :
« 1° 50 % pour les pensionnés pour un taux d’invalidité de 25 % à 45 % ;
« 2° 75 % pour les pensionnés pour un taux d’invalidité de 50 % et plus. » ;
– l’article L. 251-2 est ainsi rétabli :
« Art. L. 251-2. – La gratuité du voyage est accordée au guide de l’invalide à 100 % bénéficiaire de l’article L. 133-1.
« La carte d’invalidité attribuée à l’invalide porte alors la mention “Besoin d’accompagnement – Gratuité pour le guide”. » ;
b) L’article L. 251-5 est ainsi rétabli :
« Art. L. 251-5. – Les conjoints et partenaires survivants de guerre non remariés ou non dans les liens d’un pacte civil de solidarité, ayant au moins deux enfants d’âge scolaire à leur charge, et les orphelins de guerre ont droit à un voyage aller et retour par an, à bord de services de transport ferroviaire domestique de voyageurs, quelle que soit la distance parcourue, au tarif des billets congés annuels. » ;
2° L’article L. 523-1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 523-1. – Les entreprises ferroviaires délivrent chaque année, sur leur demande et sur certificat du maire, un billet aller-retour dans la classe la plus économique pour des services de transport ferroviaire domestique de voyageurs aux conjoints ou partenaires survivants, aux ascendants et descendants des premier et deuxième degrés et, à défaut de ces parents, à la sœur ou au frère aîné des militaires morts pour la patrie pour leur permettre de faire un voyage gratuit de leur lieu de résidence au lieu d’inhumation faite par l’autorité militaire.
« La sœur ou le frère aîné peuvent faire bénéficier de leur titre, à leur place, l’un des autres frères et sœurs.
« Les parents, le conjoint ou partenaire survivant, les ascendants et les descendants des premier et deuxième degrés des militaires disparus jouissent de la même faculté pour se rendre à l’ossuaire militaire le plus rapproché du lieu indiqué par le jugement déclaratif de décès. »
II. – Le 3 de l’article 162 du code de la famille et de l’aide sociale est ainsi rétabli :
« 3. À un voyage aller et retour chaque année à bord de services de transport ferroviaire domestique de voyageurs au tarif et pour la durée de validité des congés payés, quelle que soit la distance parcourue. »
III. – Les bénéficiaires d’une rente, d’une pension, d’une retraite, d’une allocation telle que l’allocation aux vieux travailleurs salariés, l’allocation aux vieux, l’allocation de réversion ou d’un secours viager, versé au titre d’un régime de sécurité sociale, ont droit à un voyage aller-retour par an à bord de services de transport ferroviaire domestique de voyageurs, quelle que soit la distance parcourue, au tarif des congés payés.
Le bénéfice de ce tarif s’étend également aux conjoints et aux enfants mineurs des bénéficiaires mentionnés au premier alinéa du présent III, à condition qu’ils habitent sous le même toit que ce bénéficiaire et qu’ils ne bénéficient pas, à un autre titre, de la réduction tarifaire instituée par la loi. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 73 E
M. le président. L’amendement n° II-185, présenté par Mme Van Heghe, MM. Kanner et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 73 E
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité servant au calcul du montant des pensions militaires d’invalidité ainsi que sur les solutions destinées à compenser les retards l’ayant affecté.
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement vise à réparer une injustice concernant la revalorisation des pensions militaires d’invalidité.
Nous avons accumulé beaucoup de retard sur cette question. Malgré les augmentations de la valeur du point d’indice de la grille de la fonction publique annoncées en 2016 – de 0,6 % en juillet 2016, puis de nouveau de 0,6 % en février 2017 –, les précédentes revalorisations du point de PMI n’ont pas réussi à effacer les pertes de pouvoir d’achat.
La valeur du point de PMI servant au calcul du montant des pensions militaires d’invalidité pour les victimes de guerre, hors guerre, civiles, civiles de guerre, pour leurs ascendants – veuves, orphelins de la Nation – et pour les victimes des attentats terroristes, doit être aujourd’hui majorée.
Le rapport demandé permettra de mesurer le retard du point de PMI et de définir les moyens de le combler, avec l’objectif de préparer une prochaine revalorisation devant s’opérer par la voie réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. La commission n’étant en règle générale pas favorable aux demandes de rapport, sauf exception, je propose le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Puisqu’il s’agit de ma dernière prise de parole en tant que rapporteur spécial sur ce budget, je tiens à remercier les services du Sénat, notamment ceux qui sont rattachés aux commissions et la direction de la séance, de même que vos services, madame la secrétaire d’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Le système actuel repose sur l’évolution de l’indice d’ensemble des traitements bruts de la fonction publique d’État publié par l’Insee. Ce principe a été voté en 2005 avec l’accord de toutes les associations. Il permet de revaloriser les pensions militaires plusieurs fois par an, chaque fois que l’indice évolue, et de façon rétroactive.
La valeur de ce point continuera à augmenter de 2019 à 2021, du fait de la poursuite de l’entrée en vigueur du protocole relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR).
J’ai donné un accord de principe aux associations pour qu’une commission tripartite réalise une étude très précise en 2020. Nous pourrons ainsi mesurer l’impact du PPCR sur le point d’indice. Cet impact devrait, selon moi, être particulièrement positif, eu égard à l’évolution des indices jusqu’à présent.
Cette commission tripartite se réunira dans le courant de l’année 2020 avec les associations du monde combattant, la représentation parlementaire – Sénat et Assemblée nationale – et les ministères concernés. Au document demandé par les auteurs de l’amendement, je préfère un tel travail, d’autant que cette commission publiera un rapport qui sera, bien sûr, porté à votre connaissance.
Je demande donc le retrait de l’amendement, qui ne me paraît pas utile.
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
5
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun observera le respect des uns et des autres ainsi que son temps de parole ; je me permets d’insister sur ce point.
décès des treize militaires au mali (i)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Alain Richard. Monsieur le Premier ministre, nos forces armées viennent de subir la perte tragique de treize militaires d’élite, en action de combat, au Mali.
Nous nous inclinons devant leur sacrifice et nous rendons hommage à leur courage, celui de tous les hommes et femmes engagés sous les armes.
L’opération dans laquelle nos soldats sont engagés a été autorisée par le Parlement, conformément à la Constitution, et nos commissions en sont tenues informées. Elle est légitime, a été décidée en plein accord avec les autorités du pays, et elle apporte un appui décisif à la force des Nations unies chargée d’œuvrer à la stabilisation du Mali.
Nous déplorons intensément la perte dramatique de ces hommes de valeur, mais, aujourd’hui, nous devons aussi voir le sens authentique de leur action, celui de l’action internationale de la France.
Monsieur le Premier ministre, il est important que vous redisiez, aujourd’hui, devant le Sénat, les actions déjà menées par nos forces contre nos ennemis, dans le Sahel, le concours que nous apportent les nations partenaires et la coopération développée avec le Mali et ses voisins, pour construire la paix dans cette région, qui importe tant à notre sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC, Les Républicains et SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre à la question que vous posez, monsieur le sénateur, je souhaite, vous vous en doutez bien, m’associer au message de respect et de tristesse que vous venez de formuler, à l’intention de nos compatriotes qui servent sous les drapeaux, de leurs familles, de leurs compagnons d’armes, et à l’intention de tous ceux qui mesurent, parce qu’ils les connaissent et qu’ils en sont proches, le sacrifice que nos soldats sont susceptibles de faire, et l’engagement – l’engagement de toute une vie – qu’ils prennent en servant les armées françaises.
Je le dis, monsieur le sénateur, à quelqu’un qui le sait mieux que d’autres, compte tenu des fonctions que vous avez exercées : nous pouvons être fiers de nos forces armées. Je le dis au Sénat, avec un profond respect et une immense admiration, alors que nous savons tous que les treize morts que nous devons déplorer dans cette opération de combat au Mali touchent particulièrement cette maison, cet hémicycle, en la personne de votre collègue, de notre ami, Jean-Marie Bockel.
La France se bat au Mali. Plus exactement – j’ai souvent l’occasion de le souligner –, dire : « la France se bat au Mali », c’est dire, en vérité : « des hommes et des femmes se battent au Mali pour la France, pour y défendre sa sécurité, pour garantir la stabilité d’États amis, alliés et partenaires ».
Elle se bat au Mali depuis que le précédent Président de la République a considéré qu’il était de l’intérêt de la France d’aller stopper cette avancée vers Bamako, qui menaçait de déstabiliser une région et de permettre la constitution d’une zone de non-droit, dans laquelle, nous le savons, des groupes armés terroristes se seraient organisés afin de pouvoir, ensuite, déstabiliser, non seulement la région, mais encore notre pays, y compris par des actions terroristes.
Des hommes et des femmes se battent donc au Mali, dans le cadre, d’abord, de l’opération Serval, puis de l’opération Barkhane.
Le sens de cet engagement est rappelé régulièrement, mais je veux indiquer deux choses très brièvement.
D’abord, la France n’est pas seule. Elle est la première puissance présente – par la force, par la capacité numérique de son engagement, par la compétence des forces armées qu’elle déploie sur ce territoire –, mais elle n’est pas seule. Bien d’autres nations participent à ces opérations, soit dans le cadre de la Minusma, soit dans le cadre des opérations organisées avec les États de la région, qui sont actifs dans ce processus, soit, encore, dans le cadre de l’opération dite « EUTM », qui réunit des États de l’Union européenne.
Ces derniers participent-ils assez ? C’est une question délicate et nous avons, à l’évidence, un travail de conviction à mener avec nos partenaires européens – et, au-delà, avec nos alliés – sur l’intérêt commun que nous avons à faire prévaloir des zones de paix et de développement dans la bande du Sahel, sous peine d’avoir à subir chez nous, en Europe, et partout dans le monde, la déstabilisation que j’évoquais précédemment.
Nous devons – c’est l’objectif fixé aux forces armées françaises qui participent aux opérations –, déstabiliser les groupes armés terroristes. Nous devons déstabiliser leurs caches d’armes, leurs routes d’approvisionnement. Nous devons réduire leurs points forts. Nous devons accompagner les armées des États concernés, notamment ceux du G5 Sahel, dans leur montée en puissance, indispensable pour garantir la paix.
Nous devons aussi – nous le savons parfaitement, et ce n’est pas facile – faire en sorte que le combat ne soit pas simplement militaire, car, si le combat militaire est nécessaire, il n’est pas suffisant pour régler des questions qui se posent, parfois depuis très longtemps, dans cette région. Il y a donc tout un travail de stabilisation politique, qui revient souvent aux États concernés, et de développement économique et de perspective pour l’ensemble des populations.
Ce que je veux dire, monsieur le sénateur, en vous répondant ainsi, c’est que le combat que nous livrons est un combat militaire dur et risqué. Tous ceux qui servent dans les armées françaises connaissent le risque auquel ils s’exposent. Parfois, dans la vie civile – je ne parle pas de la Haute Assemblée, bien entendu –, on oublie les risques auxquels s’exposent nos soldats, on ne les voit pas très bien, on ne les mesure pas complètement.
Tous ceux qui s’engagent sous les drapeaux les connaissent ; cela ne rend pas le risque moins intense ni le chagrin moins fort, mais c’est un risque qui est connu et que prennent consciemment les jeunes gens qui sont au service de la France. Nous devons en être fiers et les célébrer ; nous devons accompagner ceux qui restent – les conjoints, les enfants, les parents –, les accompagner de la chaleur de notre fraternité ; et nous devons savoir que ce qui se joue là-bas est important pour nous ici, et que ce combat sera long et difficile.
L’honneur d’une démocratie, c’est de faire en sorte que le pouvoir politique choisisse d’engager des troupes sur un théâtre d’opérations étranger lorsqu’il considère que c’est nécessaire ; c’est une lourde responsabilité et elle a été lourde pour tous ceux qui ont exercé ces choix.
L’honneur d’une démocratie, c’est aussi de dire la fierté que représentent, pour nous tous, ces hommes et ces femmes. J’ai bien conscience, monsieur le président, qu’en disant ces mots je suis un peu maladroit, mais je veux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que je suis, que nous sommes tous, infiniment admiratifs de ce qu’ils font sur place. (Applaudissements prolongés.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Olivier Léonhardt. Monsieur le Premier ministre, notre émotion est, de même que celle de nos concitoyens, à son comble depuis l’annonce de la mort, ce lundi 25 novembre, de treize de nos soldats, dans la collision de deux hélicoptères au cours d’une opération de combat au Mali.
Au nom de tous les collègues de mon groupe, je souhaite rendre hommage au courage de ces héros, qui ont péri ensemble au cours cette tragédie. Je tiens à honorer leur mémoire, et je veux adresser notre soutien le plus profond aux familles endeuillées. J’ai naturellement une pensée particulière pour notre collègue Jean-Marie Bockel et sa famille.
À cet instant, alors qu’un hommage national sera rendu aux Invalides lundi prochain, il me paraît crucial de réaffirmer notre soutien aux 4 500 soldats engagés sur le terrain pour combattre le terrorisme islamiste qui nous frappe ici aussi, en France et en Europe.
Par-delà les débats que certains voudraient engager sur la stratégie de la France dans la région du Sahel, je veux rappeler deux choses, simples et pourtant fondamentales : sans l’opération Barkhane, le Mali, pays ami de la France, serait aujourd’hui sous la domination de nos ennemis ; en effet, au Mali, la France fait face, trop seule, à l’organisation de l’État islamique dans le Grand Sahara.
C’est d’ailleurs sur ce point que je souhaite vous interroger, monsieur le Premier ministre. Dans un contexte de dégradation de la situation sécuritaire dans la région du Sahel, alors que la France protège toute l’Europe au travers de cette opération, quelles initiatives comptez-vous prendre pour obtenir un soutien militaire renforcé de la part de nos alliés européens, qui sont, de fait, directement concernés ? Quelles initiatives diplomatiques et politiques, la France prend-elle auprès de l’Union européenne et de l’Organisation des Nations unies, pour avancer vers la stabilisation économique et institutionnelle dans cette région ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Monsieur le sénateur Léonhardt, je tiens d’abord à excuser l’absence de Florence Parly, qui a tenu à se rendre au Mali, aux côtés de nos forces armées, à la suite du drame au cours duquel treize de nos militaires ont trouvé la mort lundi, lors d’une opération de combat contre les groupes armés djihadistes, dans le Liptako malien.
Je veux aussi vous remercier, vous, la représentation nationale, du soutien indéfectible que vous exprimez à nos forces armées. Je dois le dire, notre ministère et la communauté de défense sont très sensibles au soutien de la Nation, dans les moments difficiles, mais aussi tout au long de l’année.
Monsieur le sénateur, la France reste, plus que jamais, engagée aux côtés du Mali.
À court terme, nos axes d’effort consistent d’abord à soutenir les armées locales et la force du G5 Sahel ; outre notre soutien à l’équipement de ces forces, cela passe par des opérations conjointes, comme l’opération Bourgou IV, menée justement au cours des dernières semaines et appuyée par Barkhane, qui a permis de neutraliser nombre de terroristes et de saisir beaucoup d’équipements. La France veut mobiliser les Européens pour lancer la force Takouba, un déploiement de forces spéciales européennes, en accompagnement des Maliens.
Cela dit, M. le Premier ministre vient de le dire, la solution n’est pas que militaire, l’accord de paix doit être mis en œuvre et nous devons progresser en matière de gouvernance et de développement. C’est au gouvernement malien qu’il appartient de jouer un rôle moteur ; son engagement à désarmer toutes les milices et à aller au bout du processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion doit être suivi d’effets.
La France est prête à aider les Maliens à faire face à la crise survenue dans le centre du pays ; le Premier ministre malien s’est rendu dans cette région et a permis la signature d’accords locaux, ce qui est un pas supplémentaire.
Le retour de la sécurité et de la justice est impératif, mais il faut également traiter les causes profondes de la crise,…