M. le président. Il faudrait conclure.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. … en soutenant le redéploiement accéléré de l’État et des services ; c’est la priorité de notre appui, notamment avec l’Alliance Sahel. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
récentes inondations dans le sud de la france
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre de la transition écologique et solidaire, le Var vient de subir de nouvelles inondations dramatiques : nous déplorons cinq morts et des dégâts dont le montant devrait se situer entre 180 millions et 300 millions d’euros. À l’origine, comme c’est classiquement le cas dans le Var et dans tout le sud de la France, de violents orages de type cévenol, avec le ruissellement torrentiel qui en résulte.
Pourtant, par l’un de ces mystères bureaucratiques dont notre pays fait ses délices, et malgré toutes les tentatives du Sénat – je pense notamment à celle, en décembre 2017, de Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois, François Patriat et votre serviteur –, le Gouvernement se refuse obstinément à considérer que la lutte contre le ruissellement relève pleinement de la « prévention de l’inondation », ce qui, à n’en pas douter, doperait pourtant les politiques de prévention à la charge des collectivités, en rendant les travaux que la situation exige finançables par la taxe dite « Gemapi ».
Madame la ministre, combien de catastrophes vous faudra-t-il encore pour admettre l’urgence qu’il y a à lever les obstacles au déploiement d’une politique pérenne de prévention de l’inondation dans le sud du pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je veux tout d’abord exprimer ma solidarité à l’égard des victimes des graves inondations du week-end dernier. Avec cinq décès, le bilan est lourd, et j’ai bien évidemment une pensée pour les proches des victimes.
Je veux aussi saluer l’exceptionnelle mobilisation des forces de secours, des services de l’État, des opérateurs et des élus locaux, qui ont fait face, ce qui a permis que le bilan ne soit pas plus lourd.
Bien entendu, le Gouvernement assurera un suivi attentif de l’ensemble des conséquences de ces intempéries. Le cumul des précipitations a été très important, ce qui a justifié le placement, par Météo France, de deux départements – le Var et les Alpes-Maritimes – en vigilance rouge.
De fait, notre pays doit se préparer à vivre ce type de phénomènes de plus en plus souvent et de plus en plus intensément. C’est pourquoi il faut effectivement agir pour la prévention des inondations, et c’est ce que nous faisons, en particulier avec les programmes d’action pour la prévention des inondations, financés notamment par le Fonds Barnier.
J’attends, pour les prochains jours, un rapport d’inspection de mon ministère, qui doit dégager des pistes pour mettre en œuvre plus rapidement ces programmes d’action pour la prévention des inondations. Toutes les propositions seront bien sûr examinées, l’objectif étant de simplifier et d’optimiser nos procédures, tout en conservant le même niveau d’exigence en matière d’environnement.
Par ailleurs, une démarche d’ensemble, à l’échelle des bassins de risque, est indispensable, et nous sommes aujourd’hui pleinement engagés pour accélérer avec pragmatisme la mise en œuvre de la politique publique de prévention des risques d’inondation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Je vous remercie, madame la ministre, d’exprimer votre solidarité, mais la meilleure façon de le faire serait de régler le problème que je vous soumets !
M. Pierre-Yves Collombat. Comment se fait-il que l’on ne puisse pas financer, ou alors avec les plus grandes difficultés, les opérations de lutte contre le ruissellement, qui est le problème central dans le Var et les Alpes-Maritimes ? Répondez-moi : que voulez-vous faire, que pensez-vous faire ? Et cessez de me dire ce que je sais déjà !
Quant au Fonds Barnier, nous en reparlerons ; c’est l’argent des assurés qui le finance, non le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, je veux m’associer, en préambule, au nom de mes collègues du groupe socialiste et républicain, à l’hommage unanime rendu à nos militaires morts pour la France.
Monsieur le Premier ministre, neuf Français sur dix disent vivre actuellement une crise sociale ; personnels des hôpitaux, étudiants, chômeurs, enseignants, pompiers et aujourd’hui agriculteurs sont autant de lanceurs d’alerte sur l’état de notre société.
Pourtant, la France est un pays riche. C’est donc qu’il y a un problème, monsieur le Premier ministre, que M. le Président de la République évacue d’un « revers de formule » : les Français seraient « pessimistes ». Mais comment pourrait-il en être autrement, quand ils considèrent que leurs difficultés sont mal comprises de leurs gouvernants, quand les solutions avancées reposent quasiment toujours sur la stigmatisation de telle ou telle catégorie : sur les chômeurs prétendus profiteurs pour la réforme forcée de l’assurance chômage, sur les étrangers prétendus consommateurs de notre système de santé pour la réforme de l’accès à l’aide médicale d’État ?
Et voici maintenant la réforme des retraites, avec son lot d’annonces désordonnées et anxiogènes. Elle commencera par pénaliser la génération des personnes nées entre 1959 et 1963, qui, nous aviez-vous dit, ne devait pas être concernée, mais prendra finalement de plein fouet, tout comme les mères de famille, d’ailleurs, les effets de la réforme paramétrique que vous nous préparez, le tout, bien sûr, sur fond de stigmatisation de ces « nantis », qui seraient la source des maux de tous les autres.
Diviser, toujours diviser…
Monsieur le Premier ministre, où est l’État, l’État protecteur, qui garantit la cohésion sociale, qui maintient le vivre-ensemble malgré les différences, qui apaise, qui rassemble son peuple, bref, celui qui redonnera l’optimisme, voire l’espoir, à nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites.
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame Lubin, permettez-moi d’abord d’être sensible au discours que vous tenez sur les fractures de la société française. Je m’en étais moi-même beaucoup ému lorsque j’étais Médiateur de la République.
Si je me suis engagé, sous l’autorité du Premier ministre, dans la mise en place d’un projet universel, c’est peut-être porté par le souffle de l’histoire, pour essayer de faire en sorte que le soutien de l’universalité ne se résume pas à une addition de différences (Murmures désapprobateurs sur des travées des groupes CRCE et SOCR) ; pour que l’on puisse, au contraire, retrouver ce sens du bien commun et que l’on ne cherche pas à considérer l’État comme une fiction permettant à chacun de vivre au détriment des autres. (M. Martin Lévrier applaudit, suivi par des membres des groupes LaREM et RDSE, tandis que les murmures vont croissant sur les travées des groupes CRCE et SOCR, rejointes par des travées du groupe Les Républicains, où M. Bruno Retailleau interpelle le haut-commissaire.)
C’est la raison pour laquelle, souhaitant faire bénéficier les futures générations de la formidable exigence qu’avait exprimée Winston Churchill – la différence entre un politicien et un politique, c’est que, quand l’un s’occupe des prochaines générations, l’autre s’occupe de prochaines élections (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE. – Protestations sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.) –, nous avons souhaité mettre en place un système répondant à l’exigence d’équité – les mêmes règles pour tous –, faisant de la retraite le reflet du travail et permettant d’assurer plus de solidarité et de redistribution, notamment vis-à-vis des femmes.
M. Philippe Bas. Bavardage !
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Selon nos simulations, les pensions des femmes des générations 1980 et 1990 augmenteront de 5 % à 10 %.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est faux !
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Je crois que, sur ce sujet, nous pourrions nous retrouver. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et RDSE. – Marques de perplexité et de désapprobation sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Je constate, monsieur le haut-commissaire, que le Gouvernement est toujours dans un système manichéen : d’un côté, ceux qui auraient tout compris ; de l’autre, ceux qui n’auraient rien compris.
Il y a une chose que j’ai retenue, toutefois : le « souffle de l’histoire » nous rappelle que, lorsqu’ils en ont assez, les peuples finissent toujours par se rebeller ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
situation de la forêt française
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un premier temps, je souhaite à mon tour, au nom du groupe Les Indépendants, assurer les familles des treize militaires tués lundi de notre sincère compassion et de notre profond respect.
Ma question s’adresse au ministre de l’agriculture. Elle porte sur la crise sanitaire que traverse la forêt ; j’y associe notre collègue Anne-Catherine Loisier, présidente du groupe d’études Forêt et filière bois du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Monsieur le ministre, la forêt traverse une crise sans précédent.
Les conditions climatiques ont mis à mal les peuplements forestiers. On compte désormais près de 2,7 millions de mètres cubes touchés, toutes essences confondues ; les régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté sont les plus frappées.
En outre, depuis la sécheresse de 2018, la propagation du scolyte a explosé, entraînant un dépérissement massif. Les volumes d’épicéas scolytés approchent, dans les forêts publiques du Grand Est, 1,5 million de mètres cubes, ce qui représente presque 5 000 hectares de forêts dans le seul département de la Meuse.
Le 8 octobre dernier, vous avez annoncé la mise en place d’un plan de soutien de 16 millions d’euros, pour valoriser le bois scolyté et replanter. C’est un début, mais, face à l’ampleur du désastre, cela s’avérera vite insuffisant. Comment ce plan se déclinera-t-il ?
Cette tempête silencieuse qui frappe nos forêts françaises est aussi un véritable enjeu européen, puisque l’Allemagne et les pays d’Europe centrale sont eux aussi fortement touchés. À titre d’exemple, l’Allemagne vient de concevoir un plan de 800 millions d’euros sur trois ans.
C’est donc une catastrophe économique, écologique et sanitaire.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire à court et à moyen terme ? La forêt a besoin d’une politique très ambitieuse : il est urgent d’évacuer le bois contaminé, afin de contenir la propagation, et il est également nécessaire de réinvestir massivement dans nos forêts ; il y va de l’héritage que nous laisserons aux générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Franck Menonville, vous avez raison de poser cette question, en y associant Anne-Catherine Loisier et, de fait, l’ensemble des sénateurs, parce que la situation que traverse la forêt française est aujourd’hui dramatique.
Elle l’est à deux égards : d’un point de vue conjoncturel, avec cette maladie liée aux scolytes – on parle de dizaines de milliers d’hectares de bois scolyté –, qui pose un véritable problème à notre forêt, et pour l’avenir, pour la longue durée, car, avec le dérèglement et le réchauffement climatiques et nos essences actuelles, la forêt ne répond pas suffisamment à l’enjeu du captage du carbone.
Sur le premier point – la dimension conjoncturelle –, vous l’avez dit, il est urgent de bouger, d’avancer. Avec le CSF forêt-bois, le Gouvernement en a pris la mesure. Nous avons mis sur pied un plan d’extrême urgence de 16 millions d’euros : 6 millions d’euros disponibles immédiatement pour lutter contre les scolytes et sortir le bois scolyté afin de l’injecter dans l’économie, et 10 millions d’euros pour travailler à la régénérescence de la forêt. Il faut gagner cette bataille.
Sur la durée, il est absolument indispensable de tenir compte de ce que vous, les forestiers, constatez, vous qui êtes habitués à évoluer dans la forêt ; j’aurais également pu citer le sénateur Daniel Gremillet (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.), avec lequel nous travaillons beaucoup.
Il faut absolument travailler à une replantation de la forêt avec d’autres essences. Nous devons avoir un plan d’ensemble, et j’ai demandé que l’ensemble de la filière bois, de l’amont à l’aval, travaille, d’ici à fin mars, sur la mise en place d’un plan structurel qui nous permette de régler cette situation dramatique.
Les parlementaires ont pris, comme le Gouvernement, la mesure du problème, et nous réussirons ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
décès des treize militaires au mali (ii)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Indépendants.)
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, au nom de mon groupe et au nom de la commission de la défense, je souhaite rendre à mon tour hommage à la mémoire de nos soldats disparus tragiquement dans l’accident d’hélicoptère intervenu au Sahel, alors qu’ils étaient engagés en plein combat contre des groupes djihadistes armés.
Une fois de plus, mes chers collègues, nos forces paient un lourd tribut à cette guerre qu’avec un courage et une abnégation sans limites elles livrent pour notre sécurité, celle des Français, mais aussi celle de toute l’Europe.
Nos pensées douloureuses vont aux familles de ces héros, à leurs camarades – de Pau, de Gap, de Varces et de Saint-Christol –, mais encore aux soldats de toutes nos forces engagées en OPEX, qui, chaque jour, partent en opération sans savoir s’ils rentreront le soir.
Avec une émotion toute particulière, nos pensées et notre affection vont ici à notre collègue, Jean-Marie, qui nous parlait si souvent de ce fils tant aimé, dont la vocation était le service de la France. Écoutons le message de son père, hier soir : « nous sommes dévastés, mais nous sommes fiers de lui » ; car, en vérité, ces treize soldats n’étaient pas là par hasard ; ils avaient choisi cet engagement au nom des valeurs, auxquelles ils croient, auxquelles ils croyaient.
En cet instant, nous leur devons qu’il n’y ait pas de polémique. Nous leur devons respect, recueillement et reconnaissance.
Ici, au Sénat, viendra sûrement le temps des interrogations. Elles sont légitimes. Peut-être aussi faudra-t-il un débat.
Mais, aujourd’hui, nous savons que, face à une extension de la menace djihadiste vers les pays voisins, notre présence militaire est indispensable. Je dirai même qu’elle est incontournable, car, sans sécurité, inutile de croire au développement ou à plus de présence sur le terrain de l’État malien, déjà si défaillant.
Nous savons aussi que nous ne pouvons assurer seuls cette mission, sur un territoire grand comme l’Europe. Vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, de nombreux pays nous aident déjà, mais ils nous aident insuffisamment.
À la veille de plusieurs sommets – sommet européen et sommet des nations occidentales de l’OTAN –, pensez-vous, monsieur le Premier ministre, pouvoir mobiliser plus encore nos alliés européens et occidentaux, afin qu’ils nous aident encore plus efficacement et qu’un tel drame ne se reproduise plus jamais – en d’autres termes, pour que Pierre-Emmanuel Bockel et ses compagnons d’infortune ne soient pas morts pour rien ? (Applaudissements prolongés.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Cambon, je n’ai rien à ajouter à l’essentiel de l’intervention que vous venez de prononcer.
Je mesure l’émotion de l’ami et la parfaite compréhension que vous avez de l’ensemble de ces sujets, compte tenu des responsabilités que vous exercez au sein de la Haute Assemblée. Vous connaissez les militaires français, vous les voyez régulièrement, vous les auditionnez ici, vous les saluez, avec de nombreux sénateurs, sur les théâtres d’opérations extérieures. Vous partagez avec eux la réalité de ce que sont les opérations extérieures, le sens de l’engagement profond et, en même temps, la très grande simplicité dans les rapports humains qui prévaut généralement lorsque l’on rencontre celles et ceux qui servent sous les drapeaux français. Bref, monsieur le président, comme beaucoup d’entre nous ici, vous les aimez.
La perte de treize hommes entraîne évidemment de la tristesse et, à certains égards, une forme de désarroi.
Cependant, vous l’avez dit, nous sommes au Mali pour d’excellentes raisons.
Nous sommes au Mali pour garantir la sécurité de la France. Nous sommes au Mali pour accompagner des États partenaires et amis. Nous sommes au Mali parce qu’une décision politique a voulu que nous y soyons. Cette décision politique, il est bien naturel que le Parlement la discute, l’interroge. C’est ce que vous faites depuis longtemps et c’est ce que vous continuerez à faire. Il est légitime, normal, sain, dans une démocratie, qu’il en soit ainsi.
Vous l’avez dit également, monsieur le président, nous devons faire en sorte que la France, qui n’est pas seule au Mali, puisse être plus accompagnée encore. Nous devons faire en sorte que les mandats de l’ensemble des structures qui interviennent soient probablement mieux coordonnés. Nous devons faire en sorte que les objectifs politiques et opérationnels soient adaptés au fur et à mesure que la menace mute et se transforme.
Il appartiendra au Président de la République de s’exprimer, après le temps du deuil, sur ce que nous pouvons faire pour convaincre nos alliés et nos amis européens que l’intérêt de l’Europe se joue aussi dans cette région.
Il appartiendra à l’ensemble de la communauté nationale et des acteurs du débat public de convaincre nos partenaires sur place, les États du Sahel, qu’une partie décisive de la solution se trouve dans leurs mains et que la réconciliation nationale au Mali et la « reconstitution de l’armée nouvelle », comme on l’appelle parfois dans ce pays, sont des conditions indispensables au retour à la stabilité, à la préservation de celle-ci et au développement.
Il nous appartiendra de les convaincre qu’ils doivent tous continuer à s’engager et à assumer avoir besoin de nous, ou d’autres, pour garantir cette stabilité.
Comme je le disais tout à l’heure au sénateur Alain Richard, c’est un combat difficile. C’est un combat long. Nous le savons. Il faut donc débattre, formuler des objectifs politiques, convaincre nos alliés et soutenir encore et toujours les femmes et les hommes qui s’engagent sous nos drapeaux. (Applaudissements.)
malaise des agriculteurs (i)
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre Louault. Monsieur le ministre de l’agriculture, il ne vous aura pas échappé que, aujourd’hui, à Paris, comme dans un certain nombre de villes françaises, nos agriculteurs sont dans la rue.
Après l’espoir suscité par la loi dite « Égalim » et les États généraux de l’alimentation, les agriculteurs de notre pays sont amenés à constater que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances qu’ils ont nourries et que, collectivement, nous voulons leur donner depuis tant d’années.
Une réalité nous rattrape encore et toujours : celle des prix agricoles. Monsieur le ministre, monsieur le Premier ministre, elle relève de la responsabilité de votre Gouvernement !
Aujourd’hui, 450 000 Français se lèvent tous les matins à six heures et travaillent 7 jours sur 7 pour ne gagner même pas le SMIC pour la moitié d’entre eux – un quart ont même des revenus inférieurs au RSA. Pourtant, ce sont ces milliers de paysans qui nourrissent nos 68 millions de concitoyens, avec pour seul retour les attaques des doctrinaires environnementaux et animalistes !
Les agriculteurs font des efforts considérables. Ils ont acquis une grande capacité de remise en cause, comme peu de personnes dans notre société. Les pratiques agricoles évoluent pour améliorer la qualité des produits. La disparition du glyphosate détruira les espoirs des agriculteurs, notamment des plus performants en matière de conservation des sols.
Malgré tous ces constats, le phénomène d’agri-bashing s’acharne, mitraille, harcèle l’agriculture de ce pays.
Monsieur le ministre, comment redonner une raison de vivre aux agriculteurs ? Comment leur permettre de gagner leur vie ? Comment leur redonner une raison d’être face à leurs bourreaux, qui les emmènent tout droit au suicide ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Pierre Louault, aujourd’hui, selon le comptage du ministère de l’intérieur, 1 086 tracteurs roulent sur Paris.
M. Bruno Sido. Bravo !
M. Didier Guillaume, ministre. Ce chiffre traduit une mobilisation très importante. De nombreuses capitales régionales connaissent également des manifestations et des blocages considérables.
Quelle est la raison de cette mobilisation ?
Comme vous l’avez dit dans la seconde partie de votre question, les agriculteurs en ont tout simplement marre du dénigrement permanent. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Les agriculteurs en ont marre de se faire insulter lorsqu’ils épandent dans un champ. Les agriculteurs en ont marre des agressions et des attaques de leurs élevages – on en recense désormais soixante-dix, auxquelles ont pu participer des parlementaires de la République, madame Assassi. (Mme Éliane Assassi proteste. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) Ce week-end encore, trois bâtiments d’élevage ont été brûlés.
De tels agissements sont inacceptables ! Il faut les condamner fermement. Toutes celles et tous ceux qui leur trouveront des justifications seront complices de la détresse des agriculteurs et de l’agri-bashing. (Applaudissements sur les mêmes travées, ainsi que sur des travées du RDSE.)
Nous essayons de travailler pour que les agriculteurs perçoivent un revenu décent. Aujourd’hui, l’agriculture est confrontée à une grande difficulté : c’est la seule profession, en France, qui ne fixe pas ses prix. C’est la seule profession qui vend à des prix inférieurs aux coûts ! C’est inacceptable.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Égalim !
M. Didier Guillaume, ministre. Je répondrai à Mme Primas tout à l’heure. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
La loi Égalim a prévu l’inversion de la construction des prix, qui n’avait jamais été tentée jusqu’alors.
M. Pierre Cuypers. C’est raté !
M. Didier Guillaume, ministre. Celle-ci a été décidée par l’ensemble de la profession agricole et reprise par les parlementaires, à la suite des États généraux. Nous sommes en train de la mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
malaise des agriculteurs (ii)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre de l’agriculture, notre pays a une chance insolente, celle de disposer d’une situation exceptionnelle pour que notre agriculture puisse répondre à bien des enjeux : souveraineté alimentaire, transition écologique, sécurité sanitaire, nouvelles énergies.
Cependant, nos agriculteurs sont aujourd’hui perdus, totalement perdus, et la colère qui s’exprime aujourd’hui à Paris et aux alentours est un cri.
Monsieur le ministre, notre agriculture est en grande difficulté. Ma question est simple : comment comptez-vous répondre aujourd’hui à la détresse des agriculteurs descendus dans la rue ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la présidente Sophie Primas, lorsque je siégeais dans cet hémicycle, j’ai travaillé à trois lois agricoles : la LMAP de Bruno Le Maire, qui visait à redonner du revenu aux agriculteurs ; la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de Stéphane Le Foll, dont l’objectif était de permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail ; enfin, la loi Égalim de Stéphane Travert, dont le but était d’inverser la construction des prix.
Je suis au regret de dire que, depuis quinze ans, tous gouvernements confondus, la France n’a pas réussi à donner un revenu décent à ses agriculteurs. (Exclamations sur de nombreuses travées.) C’est cela le drame !
Nous participons tous à cette situation. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la loi Égalim, un pari a été tenté, celui de l’inversion de la construction des prix,…
M. Jérôme Bascher. Pari perdu !
M. Didier Guillaume, ministre. … coconstruits avec les syndicats agricoles, de manière que ce soit les filières qui fixent leurs prix.
J’ai d’ailleurs remarqué, madame la présidente, que vous ne reveniez pas sur ce choix, opéré lors des États généraux, dans votre proposition de loi en cours de préparation, qui me paraît un excellent texte. C’est dire si ce choix vous convient : vous avez raison !
Une expérimentation de deux ans a été prévue. Comme vous le savez, l’année dernière, la loi n’était pas en application, car les ordonnances n’étaient pas prises. Le mécanisme ne pouvait donc pas fonctionner. C’est cette année, comme l’a encore dit la présidente de la FNSEA la semaine dernière, que nous verrons s’il fonctionne ou pas. Il faudra y revenir le cas échéant.
Pour ma part, je crois à l’intelligence collective. Je pense que nos entreprises de l’agroalimentaire, qui font du bon travail, vont pouvoir avancer. Je pense que la grande distribution va pouvoir s’adapter à une nouvelle façon de payer. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)
Surtout, je crois que la mobilisation d’aujourd’hui des agriculteurs – je vais devoir quitter le Sénat, parce que je les reçois tout à l’heure – va contribuer, avec le travail des parlementaires et du Gouvernement, à faire évoluer la situation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)