compte rendu intégral
Présidence de M. Didier Guillaume
vice-président
Secrétaires :
M. Gérard Le Cam,
Mme Catherine Procaccia.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe
Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre II (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
Article 2 (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II, au vote sur l’article 2.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons reçu ce matin par e-mail l’appel d’un collectif de juristes internationaux, lequel a également été publié dans l’hebdomadaire français Valeurs Actuelles. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Ces juristes issus de nombreux continents, ces voix qui nous parviennent de pays sources pour l’adoption nous rappellent que le droit international, lequel est fondé sur le droit universel, c'est-à-dire non pas le droit français, européen ou américain, mais le droit de tous les humains (M. Patrice Gélard fait un signe d’approbation.), est fondé sur trois principes.
Premièrement, une famille est composée d’un homme et d’une femme. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Rebsamen. C’est de l’obstruction !
Un sénateur du groupe socialiste. Sur quel article du règlement se fonde votre rappel ?
M. Bruno Retailleau. Deuxièmement, un enfant a le droit d’avoir un père et une mère. Troisièmement, la société est garante de l’intérêt supérieur de l’enfant. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Retailleau achever son intervention !
M. Bruno Retailleau. Je pense que nous devrions les entendre.
Mme Cécile Cukierman. Ce ne sont pas les experts qui font la loi !
M. Bruno Retailleau. Ils s’appuient sur de grands textes internationaux (Les protestations sur les travées du groupe socialiste se poursuivent.), de la Déclaration de Genève jusqu’à la Convention de La Haye, et nous rappellent les dangers de la possession d’autrui et de la réification de l’enfant.
Je pense que nous devrions entendre ces voix autorisées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Je ne vous donne pas acte de votre rappel au règlement, cher collègue, car ce n’en était pas un. Il s’agissait d’une intervention.
Pour la clarté et la sérénité de nos débats, je demanderai aux orateurs souhaitant faire un rappel au règlement de brandir le règlement du Sénat et d’indiquer sur quel article ce rappel se fonde. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, je m’apprêtais à dire exactement ce que vous venez d’indiquer. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) M. Retailleau se livre à un véritable détournement. En quoi l’e-mail de juristes qu’il a reçu justifie-t-il un rappel au règlement ? Si, nous devions faire un rappel au règlement à chaque fois que nous recevons un email ou que nous lisons un article dans le journal, cela n’aurait plus aucun sens ! (Rires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bertrand Auban. Cela mérite une sanction !
M. Richard Yung. Un blâme !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, je suis très heureux que vous ayez décidé d’appliquer le règlement avec rigueur alors que nous observons des mises en cause de nos procédures. (Tout à fait ! sur les travées du groupe socialiste.) Monsieur Mercier, je suis persuadé que l’ancien garde des sceaux que vous êtes – nous vous connaissons – ne manquera pas de s’insurger contre de telles pratiques.
M. Bruno Retailleau. Vous étiez experts !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 153 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 177 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.
Mme Catherine Troendle. Conformément à votre demande, monsieur le président, je brandis le règlement du Sénat et l’ouvre à la page de l’article 29 bis. C’est en effet sur cet article relatif à l’organisation de nos travaux que se fonde mon rappel au règlement.
Nous reprenons aujourd'hui nos travaux sans savoir exactement quand ils s’achèveront. Certains s’en moquent peut-être, mais ceux, très nombreux, qui participent à ce débat depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, aimeraient savoir comment va se dérouler la suite de nos travaux. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Hier soir, vous nous avez annoncé que l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale était retiré de l’ordre du jour de la séance d’aujourd’hui. Quelles conclusions devons-nous en tirer pour la discussion du projet de loi en cours ? Telle est ma première question, monsieur le président.
En outre, il a été décidé, dès le début de l’examen des amendements, d’en réserver le plus grand nombre. J’imagine, comme une rumeur persistante émanant des travées de la majorité sénatoriale le laisse entendre, que vous allez probablement recourir à l’application de l’article 42, alinéa 7, de notre règlement ? C’est un acte de mépris à l’égard des travaux parlementaires (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un procès d’intention !
Mme Catherine Troendle. … et de défiance vis-à-vis de l’opposition et des millions de Français qui s’opposent à ce texte ! (M. Bertrand Auban s’exclame.)
Vous persistez dans votre démarche. Vous avez refusé l’organisation d’un référendum. Mme Vallaud-Belkacem refuse de venir s’exprimer devant la représentation nationale. Le président du groupe socialiste a demandé à l’opposition de sortir de l’hémicycle pour gagner du temps, alors même que c’est son groupe qui a ralenti le déroulement de nos travaux (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) en n’assurant pas une présence suffisante de ses membres dans l’hémicycle et en imposant, au cours de la séance d’hier, scrutin public sur scrutin public.
M. François Zocchetto. Çà, c’est vrai !
Mme Catherine Troendle. Je vous le dis, nous sommes prêts à aller jusqu’au bout, car nous sommes motivés !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, et Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Nous aussi !
Mme Catherine Troendle. Par conséquent, monsieur le président, je vous remercie de bien vouloir nous faire un point précis sur le déroulement de nos travaux et de nous indiquer quelles sont vos intentions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Troendle.
La réponse que vous attendez est dans votre question, me semble-t-il. En début d’après-midi, nous aurons à mon avis une meilleure idée du déroulement de nos travaux pour la fin de la journée. S’agissant de ce matin, je vous informe que nous siégerons jusqu’à treize heures.
La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Je voudrais dire à l’opposition que l’on ne peut pas gérer tout à la fois l’ordre du jour et les temps de parole en fonction des disponibilités des uns et des autres.
M. Jean-Jacques Hyest. Sur quel article du règlement se fonde ce rappel ? Il faut brandir le règlement !
M. François Rebsamen. Je le dis avec respect à l’opposition : ce n’est pas le groupe UMP qui fixe l’ordre du jour !
M. Bruno Sido. Non, hélas !
M. Jean-Louis Carrère. Vous en aviez l’habitude !
M. François Rebsamen. Nous sommes présents et nous travaillons.
S’agissant du propos de Mme Troendle sur la « rumeur », c’est un commentaire sur une rumeur !
Par ailleurs, je souhaite que l’on évite les manœuvres de retardement.
M. Jackie Pierre. Ça, c’en est une !
M. François Rebsamen. Hier après-midi, M. Lenoir a encore une fois stigmatisé l’absence en séance de sénatrices et de sénateurs socialistes.
M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
Mme Catherine Troendle. Vous n’étiez pas là !
M. François Rebsamen. Pour ce qui nous concerne, mes chers collègues, quand il y a des réunions de commission ou des auditions, nous y allons ! (M. Jackie Pierre s’exclame.)
Quant à vous, chers collègues qui siégez à la droite de cet hémicycle, vous vous énervez quand des réunions de commission sont prévues en même temps que la séance : l’intervention de Mme Debré, hier soir, le montre bien. Mais on ne peut pas avoir une chose et son contraire !
Cette intervention est l’occasion pour moi de vous inviter à travailler dans la sérénité : avançons dans le débat et évitons les manœuvres de retardement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Sur quel article se fonde-t-il ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Hugues Portelli. Sur la base de l’intervention de M. Rebsamen.
M. le président. M. Rebsamen répondait au rappel au règlement fait par Mme Troendle. Vous avez remarqué, monsieur le sénateur, que je ne lui ai pas donné acte de son rappel au règlement.
Mes chers collègues, nous devons reprendre nos travaux dans la sérénité. Le règlement du Sénat permet à chacun de s’exprimer, de faire vivre ses convictions et d’aller au bout du débat. En ce sens, il est moins restrictif que celui de l’Assemblée nationale. Je souhaite donc que chacun utilise le règlement du Sénat, et rien que lui.
M. Hugues Portelli. Bien sûr !
M. le président. Monsieur Portelli, je vous ai dit quelle règle devait être suivie pour un rappel au règlement. Pouvez-vous me dire sur quel article se fonde le vôtre ?
M. Hugues Portelli. Il se fonde sur l’article 29 bis du règlement, monsieur le président. (L’orateur brandit le règlement du Sénat.)
M. le président. Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Hugues Portelli. Monsieur Rebsamen, j’ai fait partie du groupe de travail, présidé par Gérard Larcher, sur la dernière révision du règlement du Sénat, au sein duquel tous les groupes parlementaires de cette assemblée étaient représentés.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !
M. Hugues Portelli. Après un très long débat sur la question du temps législatif programmé, nous avons fini par aboutir à un consensus. Rappelez-vous : à la suite de la révision constitutionnelle de 2008, les députés avaient voulu introduire ce type de dispositif au sein du règlement de l’Assemblée nationale. La majorité comme l’opposition sénatoriales y étaient, en revanche, hostiles.
MM. Jean-Marc Todeschini et François Rebsamen. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas un rappel au règlement, c’est un rappel à l’Histoire !
M. Hugues Portelli. Nous nous sommes mis d’accord pour ne pas introduire le temps législatif programmé dans le règlement du Sénat et pour continuer à travailler comme nous l’avions fait jusqu’alors. Les sénateurs sont libres d’utiliser leur temps de parole et leur droit d’amendement, conformément à la tradition sénatoriale.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce ne sont pas vos mémoires, monsieur Portelli !
M. Hugues Portelli. Je tenais simplement à rappeler cette tradition et notre accord politique d’alors,…
M. François Rebsamen. Mais quel est le problème ?
M. Hugues Portelli. … que l’on ne peut pas remettre en cause en détournant les procédures !
M. Marc Daunis. Et c’est vous qui parlez de détournement de procédure ?
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Portelli.
Je vous indique, mes chers collègues, que la présidence veillera au respect du règlement par tous, afin que chacun puisse s’exprimer et que le débat se déroule sereinement.
Article 3
(Non modifié)
I. – À l’article 361 du code civil, les références : « des trois derniers alinéas de l’article 357 » sont remplacées par la référence : « du dernier alinéa de l’article 357 ».
II. – L’article 363 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 363. – L’adoption simple confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant au nom de ce dernier. Toutefois, si l’adopté est majeur, il doit consentir à cette adjonction.
« Lorsque l’adopté et l’adoptant, ou l’un d’eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction du nom de l’adoptant à son propre nom, dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Le choix du nom adjoint ainsi que l’ordre des deux noms appartient à l’adoptant, qui doit recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom de l’adoptant au premier nom de l’adopté.
« En cas d’adoption par deux époux, le nom ajouté à celui de l’adopté est, à la demande des adoptants, celui de l’un d’eux, dans la limite d’un nom. Si l’adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé et l’ordre des noms adjoints appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique, au premier nom de l’adopté.
« Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l’adoptant, décider que l’adopté ne portera que le nom de l’adoptant ou, en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, que l’adopté conservera son nom d’origine. En cas d’adoption par deux époux, le nom de famille substitué à celui de l’adopté peut, au choix des adoptants, être soit celui de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux et dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Cette demande peut également être formée postérieurement à l’adoption. Si l’adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution du nom de famille est nécessaire. »
M. le président. L’amendement n° 172 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Mes chers collègues, nous le disons depuis le début de cette semaine, le groupe UDI-UC est très majoritairement opposé à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels. En effet, cela reviendrait tout simplement à admettre dans notre droit le principe d’une filiation sociale, nécessairement paradoxale car fondée sur une impossibilité biologique.
Nous nous devons de protéger l’intérêt de l’enfant, qui, si cette disposition était adoptée, se verrait ainsi privé d’un père ou d’une mère. Le fait que certains enfants aient pu s’épanouir sans le repère de l’un ou de l’autre ne justifie en rien que la loi généralise la possibilité pour les couples de personnes de même sexe d’adopter. Enfin, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe risque d’entraîner une rupture d’égalité entre les enfants, selon qu’ils seront nés de couples hétérosexuels ou adoptés par eux – cela représente encore, heureusement, la majorité des cas – ou adoptés par des couples homosexuels, et, par conséquent, privés de père ou de mère. L’égalité entre adultes – ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire au début de nos débats, c’est le seul motif qui nous est opposé pour justifier ce texte – se ferait donc au détriment de celle des enfants.
Nous vous proposons par conséquent de supprimer l’article 3 du présent projet de loi qui, sous couvert de dispositions relatives au nom de famille, tend en réalité à consacrer l’établissement d’une filiation adoptive issue de deux hommes ou de deux femmes.
Nous sommes évidemment contre une telle évolution, qui – permettez-moi de le dire, car je le pense vraiment – confine à l’absurde. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme l’a dit lui-même M. Détraigne, cet amendement est la conséquence logique de l’opposition du groupe UDI-UC à l’adoption plénière par un couple composé de deux personnes de même sexe.
La commission, défavorable à la suppression de l’article 3 du présent projet de loi, se prononce contre l’amendement n° 172 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Je dois tout de même vous faire part de mon étonnement. Bien entendu, il est cohérent que vous fassiez preuve de constance à vous opposer au texte, à vouloir contrarier chacune des dispositions qu’il contient, et à faire valoir l’union civile.
Néanmoins, votre qualité de législateur devrait vous amener à prendre acte de l’adoption de l’article 1er. Dès lors, faisons en sorte, dans l’intérêt de nos concitoyens, que la loi soit la mieux construite, la plus structurée, la plus cohérente possible !
Vous semblez décidés – j’allais dire « farouchement déterminés » – à discuter jusqu’au bout, sur toutes les dispositions. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi. Entendons-nous bien, je ne remets pas en cause votre liberté d’amender. Mais pourquoi, compte tenu du vote conforme de l’article 1er intervenu précédemment, ne pas discuter d’amendements qui pourraient permettre d’améliorer le texte ?
M. François Rebsamen. Bien sûr !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est un peu étonné de cette méthode, monsieur le sénateur, même si, naturellement, il y fera face aussi longtemps que vous l’aurez décidé. En matière de fabrication de la loi, cette pratique lui semble assez surprenante.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 172 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment, ils ne sont pas assez nombreux !
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et Mmes les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 154 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 163 |
Contre | 178 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 36 rectifié ter, présenté par MM. Gélard, P. André, G. Bailly, Bas, Beaumont, Béchu, Bécot, Belot, Billard, Bizet et Bordier, Mme Bouchart, M. Bourdin, Mme Bruguière, MM. Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit, Cardoux et Carle, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chatillon, Chauveau, Cléach, Cointat, Cornu, Couderc, Courtois, Dallier et Dassault, Mme Debré, MM. del Picchia, Delattre et Dériot, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé, P. Dominati et Doublet, Mme Duchêne, MM. Dufaut, Dulait, A. Dupont, Duvernois, Emorine et Falco, Mme Farreyrol, MM. Ferrand, Fleming, Fontaine, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, Frogier, Gaillard et Garrec, Mme Garriaud-Maylam, MM. J.C. Gaudin, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grosdidier, Guené, Hérisson, Houel, Houpert et Humbert, Mme Hummel, MM. Huré et Hyest, Mlle Joissains, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, M. Laménie, Mme Lamure, MM. G. Larcher, Laufoaulu, D. Laurent, Lecerf, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Lorrain, du Luart, Magras, Marini et Martin, Mme Masson-Maret, M. Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, de Montgolfier, Nachbar, Nègre, Paul, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton, Pointereau, Poncelet, Poniatowski et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. Raffarin, de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, Saugey, Savary, Savin et Sido, Mme Sittler, MM. Soilihi et Trillard, Mme Troendle et MM. Trucy, Vendegou, Vial, Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer le mot :
époux
par les mots :
conjoints mariés ou ayant contracté une union civile
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Mme le garde des sceaux va encore nous reprocher de continuer à présenter des amendements de suppression des articles !
M. Jean-Louis Carrère. Oui, mais comme vous ne le comprenez pas…
M. Jean-Jacques Hyest. Mais enfin, c’est logique ! À partir du moment où nous ne voulons pas des modifications que vous proposez d’apporter au code civil, nous demandons leur suppression !
Madame le garde des sceaux, l’article 363 du code civil que vous proposez n’a pas seulement pour objet de tirer les conséquences de l’adoption de l’article 1er du projet de loi en substituant le mot « époux » aux mots « mari » et « femme ». Si cette dernière modification est logique, vous allez cependant plus loin en modifiant les dispositions applicables en cas de désaccord sur le nom dans une adoption simple, par exemple. Avant, c’était l’adoptant qui décidait, maintenant il en ira autrement.
Tout cela soulève un certain nombre de questions. Pour ma part, je me méfie énormément des modifications du code civil, particulièrement en ce qui concerne le nom : elles interviennent quasiment tous les dix ans, la dernière remontant à 2002. À peine les règles sont-elles un peu assimilées – certains ne savent toujours pas comment on choisit un nom – que l’on modifie encore tout !
Cette frénésie législative n’est pas forcément bonne. Et, comme d’habitude, aucune évaluation n’a été réalisée. On ne regarde pas ce qui s’est passé, la façon dont la législation a évolué et quels étaient les vrais problèmes rencontrés. On n’examine pas la jurisprudence. On ne dispose de rien. Néanmoins, on modifie les textes !
Je propose que nous supprimions cet article pour deux raisons : premièrement, parce que nous ne sommes pas d’accord avec le mariage des personnes de même sexe ; deuxièmement, parce que les modifications apportées ne me paraissent pas complètement pertinentes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur Hyest, l’amendement n° 36 rectifié ter ne vise pas à supprimer l’article. Il concerne les personnes ayant contracté une union civile. Celle-ci ayant été repoussée, l’amendement n’a logiquement plus d’objet. Le service de la séance aurait dû le signaler.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Monsieur Hyest, ce que j’ai dit tout à l’heure vaut pour tous les amendements à venir qui ne tiennent pas compte de l’adoption de l’article 1er.
Vous insistez sur la question de la dévolution du nom, et vous avez raison car c’est un sujet de fond. Cependant, comme l’a rappelé M. le rapporteur, ce point n’est pas vraiment l’objet de l’amendement, qui concerne les personnes ayant contracté une union civile. Or l’union civile n’existera pas !
Vos observations sur la dévolution du nom sont tout à fait fondées. Il est vrai qu’une loi est intervenue il y a une dizaine d’années. Elle est restée inachevée parce que le sujet est tellement complexe qu’aucune des deux chambres n’est arrivée à obtenir une majorité pour voter jusqu’au bout ce qui avait été prévu à l’époque par le projet de loi. Cependant, il ne s’agit pas de revenir tous les dix ans, de façon cyclique, sur la question du nom ! Simplement, cette question « travaille » la société.
J’ai souligné hier que le mariage ne modifiait pas la pratique en vigueur par rapport au nom. L’usage veut que, éventuellement, l’épouse prenne le nom du conjoint : on a rarement, pour ne pas dire jamais, vu l’inverse se produire. Pourtant, le code civil le permet. À telle enseigne que lors de la dissolution du mariage, en cas de divorce ou de séparation de corps, un des conjoints, pour pouvoir renoncer au nom, doit obtenir l’accord de l’autre conjoint. Il s’agit indifféremment de l’un ou de l’autre.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’allons pas refaire ce débat. Discutons de points qui concernent le texte !
Hier, un sénateur de l’opposition s’est livré à un exercice sur les noms composés. Il a fait ce que l’on appelle en mathématiques du calcul de probabilités, c’est-à-dire qu’il a envisagé toutes les combinaisons possibles entre plusieurs termes. Cela a semblé réjouir ses collègues siégeant à la droite de cet hémicycle.
M. Charles Revet. Ça ne nous a pas réjouis, ça nous a inquiétés !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais c’était totalement hors sujet ! En effet, si ce sénateur avait pris la peine de lire le texte, il se serait aperçu que, quand il y a deux noms, un seul nom peut être retenu, l’adjonction respectant l’ordre alphabétique !
Je veux bien qu’on se livre à tous les exercices, y compris à quelques exercices de divertissement – mon propos ne vous vise pas, monsieur Hyest –, mais je rappelle que nous sommes en train de légiférer ! Cette loi, si elle est adoptée, s’appliquera aux citoyens, et nous devons donc avoir tous le souci – je ne doute pas une seconde que ce ne soit le cas – de lui permettre de sortir dans le meilleur état possible des mains du législateur.
J’attends que l’énergie déployée pour faire durer l’examen du projet de loi vise surtout à améliorer le texte ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)