M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le président, permettez-moi d’apporter, comme il est normal, quelques éléments succincts de réponse aux orateurs.
Je veux remercier M. Jean-Paul Amoudry, qui a fort bien compris les enjeux et apporté son soutien au Gouvernement.
J’indique à Mme Pasquet que je partage nombre des arguments qu’elle a avancés dans son intervention, dont je la remercie. Je crois nécessaire de le souligner, car il n’est pas si fréquent que nous soyons d’accord !
J’ai noté que, sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée, personne n’était favorable à la dépénalisation ; en tout cas, personne ne s’est prononcé en ce sens. Je tenais à relever cet accord général, car c’est important pour le débat.
Je souscris tout à fait aux propos de M. François Pillet, même si je n’ai pas bien compris la conclusion de son intervention.
Selon lui, il faut frapper avec discernement. Bien sûr ! Cela signifie justement qu’il faut, non pas agir de la même façon avec tout le monde, mais tenir compte de la personnalité du délinquant. C’est un vieux principe de notre droit républicain : il n’y a pas de mesures générales ; il n’y a que des mesures individuelles.
Il est également nécessaire, M. François Pillet l’a fort justement souligné, de moduler la sanction en fonction de chacun. Précisément, on nous propose une amende de 68 euros pour le premier usage illicite d’une drogue, quelle qu’elle soit, ce qui est contraire à l’idée de modulation et de discernement, puisque cela signifie que tout le monde est traité de la même façon. Voilà ce qui nous différencie, alors que nous visons le même objectif.
Enfin, le volet sanitaire étant totalement absent, celui qui s’en tirera avec une telle amende ne sera pas soumis à une injonction de soins. Pourtant, c’est une chose de recevoir un prospectus comportant une liste d’adresses, mais c’en est une autre que d’être obligé de se soigner, à la suite d’une décision de justice !
M. Gilbert Barbier. Combien d’injonctions thérapeutiques l’année dernière ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Barbier, quand bien même il n’y en aurait eu qu’une, cela vaut mieux que zéro ! Or votre système n’en prévoit aucune. Voilà encore, il faut le reconnaître, une chose qui nous différencie !
Je ne prolongerai pas le débat. J’ai compris votre position : la même amende de 68 euros pour tous, et chacun peut prendre sa drogue. Pour notre part, nous considérons qu’il est préférable de moduler la sanction, afin de frapper avec discernement et, surtout, de ne pas écarter le volet sanitaire, même pour un tout premier usage constaté de drogue.
M. Gilbert Barbier. Vous voulez surtout ne rien faire !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Monsieur le garde des sceaux, je crois qu’il ne faut pas caricaturer notre position !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Bien sûr que si, et vous le savez !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je ne reprendrai pas la théorie de notre excellent collègue François Fortassin sur l’enfumage.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Nous savons tous que la situation actuelle n’est pas bonne et qu’il est nécessaire de faire quelque chose.
Selon vous, cette proposition de loi ne prend pas suffisamment en compte la question de la santé. Mais, monsieur le garde des sceaux, qu’est-ce qui empêchait le Gouvernement de s’en occuper sérieusement pendant toutes ces années ?
Comme le disait notre collègue Gilbert Barbier, observez le nombre d’injonctions thérapeutiques ! Nous le constatons tous sur toutes les travées et depuis des années – sur ce point, nos statistiques ne se différencient pas des vôtres –, aucun effort véritable n’est fait dans ce domaine.
Or vous proposez seulement de laisser les choses en l’état, à savoir, comme le prévoit la loi du 31 décembre 1970, un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende !
J’ai rappelé les propos très clairs tenus à ce sujet par l’actuel Président de la République en 2003 et en 2004, ainsi que ceux du Premier ministre de l’époque.
Il ne faut pas prétendre aujourd’hui, comme je l’ai entendu dire par le président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, que la situation s’améliore. Nous savons tous que c’est faux !
Pourtant, vous ne voulez pas entendre parler des propositions susceptibles d’améliorer la situation, non pour des raisons techniques ou juridiques, ni pour des questions de santé, mais peut-être parce que la période n’est pas opportune. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
L’article L. 3421-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, sous réserve des dispositions du troisième alinéa, la première infraction constatée est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « coupables de ce délit », sont remplacés par les mots : « coupables du délit prévu au premier alinéa ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :
Après l'article 1er,
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 3421-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3421-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3421-1-1. – Dans le cas prévu à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3421-1, la contravention est accompagnée des coordonnées des centres spécialisés de soins aux toxicomanes les plus proches. »
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Je souhaite précisément réintroduire ce volet médical, sanitaire et éducatif dont vous craignez qu’il ne disparaisse, monsieur le garde des sceaux. Certes, en l’occurrence, il est optionnel, puisqu’il ne s’agit que de transmettre aux jeunes qui seraient interpellés les coordonnées des centres spécialisés de soins aux toxicomanes les plus proches. Néanmoins, ce n’est pas négligeable, car cette information donnée est déjà une première main tendue dans le domaine éducatif et médical.
Rien n’empêche – nous verrons si l’amendement suivant est adopté – d’ouvrir le débat au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, où tous les partenaires sont représentés, et de rendre les choses plus systématiques ou obligatoires en la matière.
En tout état de cause, grâce à une information quasi systématique – je fais confiance aux forces de l’ordre, qui sauront alerter les parents des mineurs sur le sujet –, le jeune, et ses parents s’il est mineur, sauront au moins où se renseigner de façon plus précise sur ce problème de consommation de drogue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, qui vise simplement à prévoir que les forces de police ou de gendarmerie communiqueront à la personne verbalisée pour un premier usage de stupéfiants les coordonnées des centres spécialisés de soins aux toxicomanes les plus proches.
Mes chers collègues, aujourd’hui, il est spécifié sur les paquets de cigarettes que « le tabac tue » et, sur les bouteilles d’alcool, que « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». Ici, en l’occurrence, il s’agit d’un marché illicite. Le fait que la police fournisse les coordonnées des centres de soins spécialisés en cas d’infraction constatée me paraît positif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Article 2
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article L. 3421-2 du même code, les mots : « lorsque le délit a été constaté », sont remplacés par les mots : « lorsque l’infraction a été constatée ». – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 3421-4 du même code, les mots : « La provocation au délit prévu », sont remplacés par les mots : « La provocation à l’infraction prévue ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le conseil communal ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est informé du nombre d'infractions constatées pour le premier usage de stupéfiants.
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Je souhaite prévoir dans la loi que le conseil communal ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance de chaque territoire est systématiquement informé du nombre d’infractions constatées pour le premier usage de stupéfiants.
Il s’agit, en effet, par excellence, de l’instance où sont réunis tous les partenaires – éducatifs, médicaux, sanitaires, de justice et des forces de sécurité – qui pourraient, s’ils sont précisément informés de ce qui se passe sur leur territoire, non seulement recenser correctement les données, pour éviter les statistiques nébuleuses, mais aussi adapter ensemble leurs comportements, afin de répondre plus efficacement aux problèmes que pose l’usage des stupéfiants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission est d’autant plus favorable à cet amendement que son auteur a accepté de le modifier en commission.
Ainsi, le conseil communal ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est désormais « informé » et non « destinataire » du nombre d’infractions constatées pour le premier usage de stupéfiants.
En effet, il n’était pas question de communiquer au conseil communal ou intercommunal la liste des contrevenants pour lesquels une infraction a été relevée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.
L'amendement n° 3, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement chaque année afin de rendre compte de l’application nationale mais également territoriale de la présente loi.
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Nous souhaitons que, chaque année, un rapport soit présenté par le Gouvernement au Parlement, afin de rendre compte de l’application non seulement nationale, mais également territoriale de la présente loi.
Il ne faut pas l’oublier, nous ne devons pas nous affranchir de l’obligation de revoir globalement ce sujet, qui est bel et bien un problème de santé publique, mais aussi de vérifier que les apparences positives de ce texte de loi, selon votre expression, monsieur le ministre, se sont bien transformées en mesures efficaces, notamment grâce à l’implication de tous, y compris du Gouvernement, qui, j’en suis certaine, en fera sa priorité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Il est rare que multiplier les rapports ait des conséquences positives sur le fonctionnement de notre République…
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Klès, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Virginie Klès. Dans la mesure où, publiquement, il a été précisé tout à l’heure que l’on n’oublierait pas de revoir de façon sérieuse et globale ce problème, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Je souhaite reprendre rapidement quelques points, l’essentiel ayant été dit.
Nous avons parlé tout à l'heure de dissuasion. Permettez-moi de rappeler que celle-ci n’est efficace que si elle est crédible. Faire croire le contraire, penser qu’une dissuasion est forcément plus efficace quand elle est maximaliste, me paraît dangereux.
La crédibilité d’une mesure de dissuasion repose d’abord sur la proportionnalité de la réponse et sur son application réelle. En l’occurrence, tel que le texte de loi était écrit jusqu’à présent, la dissuasion n’était pas crédible et ne pouvait donc pas fonctionner.
Grâce à l’adoption des amendements que j’ai proposés, les trois réponses, pénale, médicale et éducative, ne seront plus dissociées, mais resteront liées, ce qui est de nature à améliorer à la fois le fonctionnement et l’efficacité des mesures qui seront prises.
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.
M. Philippe Darniche. Pour ma part, je voterai ce texte, car nous sommes confrontés à un véritable problème de santé publique, qui n’a pu être résolu à ce jour.
Le dispositif de la proposition de loi de notre collègue Gilbert Barbier visant à instaurer une contravention pour réprimer le premier usage constaté de stupéfiants peut paraître de portée modeste, mais il me semble intéressant et de nature à apporter une vraie réponse, en particulier dans nos territoires ruraux et nos petites communes, où nous connaissons chaque famille.
La législation actuelle n’est pas applicable : sur ce point, monsieur le garde des sceaux, je ne suis pas d’accord avec vous. Ainsi, la consommation de stupéfiants, loin de diminuer, ne cesse d’augmenter et constitue un problème de santé publique majeur. Selon moi, la loi du 31 décembre 1970 mérite d’être revue. À cet égard, la proposition de loi qui nous est soumise apporte une réponse concrète à une préoccupation quotidienne : tant de jeunes ont totalement sombré à cause de la drogue, se sont marginalisés, ont perdu toute envie de vivre, ne faisant plus la différence entre les joies et les peines…
Sans doute ce texte ne représente-t-il qu’une première étape. Nous devrons très probablement, à l’avenir, aller plus loin encore, mais il nous faut réagir ! En tout cas, je salue le travail réalisé par M. le rapporteur et tous ceux de nos collègues qui se sont impliqués dans l’élaboration de cette excellente proposition de loi, en particulier M. Barbier.
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour explication de vote.
M. Raymond Vall. Je voterai ce texte parce que j’ai, dans ma proche famille, un jeune qui a basculé dans la schizophrénie vingt ans après avoir pour la première fois touché à la drogue, à l’insu de ses parents.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez évoqué tout à l’heure les injonctions de soins ; je vous le dis, tout ce qui peut éviter à un jeune de sombrer mérite d’être mis en œuvre. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je tiens à remercier M. Barbier et M. le rapporteur, ainsi que tous ceux de nos collègues qui ont participé à la réflexion approfondie menée au sein de la commission.
Quelle que soit notre position sur ce très important problème de société, nous savons tous, mes chers collègues, que la législation actuelle, si elle prévoit de lourdes sanctions, est sans effet parce que non appliquée. En tant que législateurs, nous ne pouvons nous satisfaire d’une telle situation, parfaitement hypocrite.
Il nous paraît préférable d’emprunter la voie du réalisme, consistant, monsieur le ministre de la justice, à proportionner la sanction aux faits commis. L’histoire de la justice en témoigne : on a toujours cherché, dans les périodes de progrès, à trouver la juste proportion.
Nous devons, parallèlement, aider les très nombreuses personnes entraînées dans la spirale de la drogue, en prenant en compte les questions de santé publique qui se posent.
Je ne prétends pas que cette proposition de loi règlera tout, mais elle permettra de rompre avec l’hypocrisie que je dénonçais à l’instant et d’aller avec pragmatisme à la rencontre d’êtres humains qu’il convient d’aider. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le garde des sceaux, je ne comprends pas votre position ! En tant que président de conseil général, vous avez eu affaire à ces problèmes de santé publique, et vous savez très bien qu’on ne les traite pas par des sanctions ! La sanction ne peut être qu’un outil, visant à prendre acte d’une situation et à ouvrir sur d’autres réponses.
Telle est bien la philosophie de cette proposition de loi. Comme l’a dit notre collègue Virginie Klès, une sanction mesurée, et donc applicable, servira à déclencher une prise en charge des primo-utilisateurs de stupéfiants. Cela me semble être une solution rationnelle et intelligente.
Si l’on veut, dans le cadre d’une politique de santé publique, prendre à bras-le-corps ce problème très difficile à régler par une simple loi, il faut du temps et de la volonté. Or ce processus peut parfois commencer par une légère inflexion législative.
Monsieur le garde des sceaux, si, comme j’en suis persuadé, vous partagez notre volonté d’améliorer l’état sanitaire de notre population, s’agissant notamment des jeunes, pourquoi vous opposez-vous à un bon texte qui permettra à notre législation de progresser en ce sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. L’adoption de cette proposition de loi permettra d’améliorer la proportionnalité de la sanction aux faits, ce qui nous satisfait. Ainsi, les primo-usagers de stupéfiants n’encourront plus une peine de prison et une amende d’un montant très élevé.
Cela étant, comme je l’ai déjà dit, nous doutons fortement de l’efficacité du dispositif, en termes tant de prévention que de dissuasion. La question de la toxicomanie mérite un débat très approfondi. Elle a d’ailleurs fait l’objet d’une mission commune d’information, à laquelle j’ai participé et dont les conclusions ont été rendues au mois de juin dernier. Eu égard aux doutes que j’ai exprimés, et dans l’attente d’un élargissement de la réflexion au sein de notre assemblée, nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Je voudrais dire, aussi posément que possible, que les sénateurs écologistes n’envisagent pas la question de cette façon.
Nous avons été très sensibles à la qualité de ce débat et saluons la prise de conscience qu’une partie de la jeunesse va mal.
Nous ne sommes ni laxistes ni tolérants, mais nous ne sommes pas favorables à la pénalisation de l’usage de stupéfiants ; nous prônons pour notre part une politique de santé publique ambitieuse.
Nous ne voterons donc pas ce texte, qui a cependant le mérite de poser de bonnes questions.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Tout au long de ce débat, j’ai essayé de ne pas tomber dans la caricature ; je trouve un peu dommage que certains orateurs n’aient pas observé la même ligne de conduite…
Par exemple, il a été affirmé que la loi n’est jamais appliquée. Or, monsieur le président de la commission des lois, monsieur Barbier, 53 671 condamnations ont été prononcées l’année dernière, ainsi que 2 357 injonctions thérapeutiques pour les seules juridictions parisiennes : ce n’est pas rien !
Mme Virginie Klès. Il n’y en aurait pas moins avec l’adoption de la proposition de loi !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Ce qui nous sépare, c’est que vous proposez une réponse unique, automatique, à la première infraction constatée, à savoir une peine d’amende, alors que, pour notre part, nous sommes partisans du recours à une panoplie de mesures diversifiées, comprenant notamment, outre les sanctions que j’ai déjà évoquées, l’obligation de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de drogues, l’intéressé devant en assumer les frais. Cette sanction a concerné 17 000 personnes l’an dernier : là encore, ce n’est pas rien !
Je respecte toutes les opinions, mais je ne peux pas laisser dire que la loi n’est pas appliquée et que les sanctions prévues ne sont jamais prononcées !
Par ailleurs, je me suis trompé en affirmant, tout à l’heure, que personne, sur vos travées, n’était favorable à la dépénalisation : l’un d’entre vous vient de l’appeler de ses vœux. Je regrette vivement qu’il n’y ait plus unanimité sur ce point !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, auteur de la proposition de loi.
M. Gilbert Barbier, auteur de la proposition de loi. Je remercie le Sénat d’avoir adopté cette proposition de loi.
Certes, comme beaucoup d’entre vous l’ont souligné, mes chers collègues, ce texte ne résoudra pas tous les problèmes : j’en ai bien conscience, et il reste encore beaucoup à faire. Néanmoins, il est important que les recommandations de la mission commune d’information de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les toxicomanies aient aujourd’hui trouvé une traduction législative.
Cette proposition de loi vise à remédier au fait que la loi actuellement en vigueur n’est pas appliquée. M. le ministre nous a livré des statistiques, mais que représentent 2 357 injonctions thérapeutiques quand notre pays compte 1,2 million de consommateurs de produits stupéfiants ? Quant aux 53 671 condamnations que vous avez évoquées, monsieur le ministre, il s’agit, dans 73 % des cas, de simples rappels à la loi ! (M. le garde des sceaux fait un signe de dénégation.) Vous allez citer d’autres chiffres, mais c’est bien l’ordre de grandeur !
Je ne comprends pas votre opposition frontale à ce texte, monsieur le ministre : sur un tel sujet, nous devrions pouvoir nous rejoindre. Le problème dont nous traitons aujourd’hui intéresse l’ensemble de la société. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.