M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Madame Khiari, il n’est pas un texte qui nous soit soumis sans que la gauche demande un rapport, une clause de revoyure ou un bilan. Pourquoi faire exception sur ce projet de loi ? Sans vouloir être désagréable, je veux bien comprendre, mais il faudrait que l’on m’explique !

Mme Odette Terrade. Là, les dés sont pipés !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je comprends la démarche de Mme Khiari, qui souhaite supprimer la clause de revoyure en 2012. Vous connaissez ma position sur le sujet.

Néanmoins, ma chère collègue, je ne puis vous suivre aujourd'hui pour une raison toute simple : je sais trop ce que sont les CMP ! Si nous ne votons pas conforme ce texte, nous risquons de tout perdre et d’en revenir, à l’issue de la commission mixte paritaire, au texte initial de l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, je fais confiance à l’ensemble des MIN. À eux de prouver pendant les deux années à venir – ils auront certainement à cœur de le faire, car ils ont senti le vent du boulet ! – l’intérêt d’un tel périmètre de sécurité. C'est la raison pour laquelle, tout comme l’ensemble du groupe UMP, je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Cher rapporteur, nous ne sommes pas contre l’évaluation, bien au contraire, car elle est légitime et nécessaire. Simplement, la clause de revoyure nous paraît ici biaisée.

Mme Odette Terrade. Tout à fait !

Mme Bariza Khiari. Nous savons trop que l’évaluation servira de gage à des opérateurs, au service de la dérégulation !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Khiari, MM. Bérit-Débat, Lagauche, Raoul, Marc et Daunis, Mme Bricq, M. Mirassou et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Compléter cet alinéa par les mots :

et de sécurité sanitaire

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Dans l’hypothèse où un grossiste présenterait une demande pour un projet de création pour une surface de frais supérieure à 1 000 mètres carrés ou pour une extension, cas de figure qui sera assez rare, j’imagine, maintenant que la liberté d’installation se trouve acquise, ou quasiment, l’autorité administrative devra fonder sa décision d’autorisation sur les conséquences du projet en matière d’aménagement du territoire et de développement durable.

L’emplacement du nouvel entrepôt contribuera-t-il à enlaidir les entrées de ville ou bien s’inscrira-t-il harmonieusement dans le paysage ? Participera-t-il à l’équilibre économique du territoire ? Les infrastructures routières sont-elles adaptées aux flux de camions estimés ? Autant de questions auxquelles il faudra répondre.

L’Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur, a supprimé les critères de sécurité sanitaire, critères qui existent pourtant dans le code de commerce depuis longtemps. Il me semble que l’autorité administrative doit pouvoir s’assurer, par exemple, que l’entrepôt est équipé d’un groupe électrogène susceptible de garantir le maintien de la chaîne du froid ou que la gestion des déchets est prévue.

À l’ère du principe de précaution, je trouve la suppression des critères de sécurité sanitaire bien légère.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Vous avez raison, chère collègue : une rupture de la chaîne du froid serait inconcevable. C’est d’ailleurs bien pourquoi toutes ces hypothèses ont été prévues : le critère de sécurité sanitaire s’applique de manière absolue et prioritaire à toute personne faisant commerce de produits alimentaires, qu’il s’agisse ou non d’un MIN. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a supprimé cette précision du texte.

Fort heureusement, une réglementation très stricte en matière de sécurité sanitaire protège les consommateurs, quelle que soit la filière de distribution considérée.

La question étant indépendante de celle des MIN et de leur périmètre de protection, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission. Une telle précision, comme l’a expliqué M. le rapporteur, est au mieux redondante, au pire inutile, puisque le critère de sécurité s’applique de fait sur l’ensemble du territoire, MIN ou pas MIN.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'article.

Mme Odette Terrade. Nous voterons cet article 11, qui constitue un moindre mal par rapport à la suppression pure et simple des périmètres de référence des MIN voulue par certains.

Je profite de l’occasion pour réaffirmer ici que le groupe CRC-SPG reste déterminé à préserver les MIN, qui offrent une concurrence de qualité, ainsi que le savoir-faire des personnels qui y travaillent et le service public qui les protège pour défendre ce modèle français de distribution alimentaire, alternative à la grande distribution.

M. le président. Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article 11 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. À une abstention près, l’ensemble du groupe de l’Union centriste soutiendra ce texte.

Je me suis un peu écartée de mes notes tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, et j’ai oublié de vous solliciter pour que le décret que vous ne manquerez pas de prendre prévoie bien des procurations ou des pouvoirs pour les représentants qui seront retenus par des obligations régionales ou qui auront des difficultés à se déplacer pour assister à certaines réunions, même si nos beaux départements ont été récemment bien dotés en termes de réseau routier.

Le président de la chambre de métiers et de l’artisanat de l’Orne, M. Chalumeau, a beaucoup insisté auprès de moi sur cette nécessité, et je me fais son interprète, bien consciente au demeurant que cela relève non de la loi mais du décret.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Les chambres de commerce sont des institutions multiséculaires qui ont connu peu de bouleversements majeurs dans leur histoire. La dernière grande loi concernant les CCI remonte à la Révolution française et s’inscrit dans le projet de disparition des corps intermédiaires. Cependant, la dissolution des corporations des métiers n’a pas résisté à l’épreuve du temps, et les CCI furent rétablies dans leur périmètre et dans leurs prérogatives dix années après leur dissolution.

La présente réforme des réseaux consulaires, adoptée au forceps, est une énième manifestation d’une forme de régionalisme jacobin. Mais, non, l’échelle régionale n’est pas toujours la clef de tout !

Lors de la première lecture, mon collègue Gérard Longuet avait ironisé sur les spécificités locales de certaines CCI et insisté sur le caractère folklorique de certaines d’entre elles dans une économie mondialisée. C’était une intervention pleine d’esprit, mais trop caricaturale pour toucher juste.

Claude Bérit-Débat avait, lui, évoqué le dynamisme de la CCI de Dordogne. D’autres collègues avaient à leur tour insisté sur les capacités d’innovation et sur les réalisations audacieuses de leur CCI. Certes, certaines sont dynamiques et bien gérées alors que d’autres le sont moins. Néanmoins, en quoi la régionalisation administrative du réseau modifiera-t-elle un tel état de fait ?

Ce texte est une mauvaise réponse à un bon diagnostic. Les CCI s’étaient majoritairement exprimées en faveur d’une réforme, mais certainement pas de celle-là ! Au lieu de leur permettre d’aborder l’avenir positivement, vous mettez en place une organisation budgétivore et contre-productive.

Le groupe socialiste votera contre ce texte.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

Mme Odette Terrade. Le groupe CRC-SPG vote contre ce projet de loi !

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services
 

10

Organisation des débats

M. le président. Mes chers collègues, pour les douze projets de loi relatifs à des conventions fiscales internationales que nous allons maintenant aborder, la conférence des présidents avait décidé un examen simplifié.

Le groupe CRC-SPG ayant demandé le retour à la procédure normale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale, nous entendrons, sur ce projet de loi, M. le secrétaire d’État, M. le rapporteur et les trois orateurs qui se sont inscrits dans la discussion générale.

En revanche, les onze autres conventions fiscales internationales seront mises aux voix sans débat.

11

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale
Discussion générale (suite)

Accord avec les Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale

Adoption définitive d’un projet de loi

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale
Article unique (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 541, texte de la commission n° 622, rapport n° 620).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de Christine Lagarde et de François Baroin, retenus par d’autres engagements. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Vous avez souhaité débattre en séance publique du projet de loi autorisant la ratification de l’accord sous forme de lettre relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale avec les Bahamas. Il s’agit d’une procédure un peu exceptionnelle, ce type de projet de loi étant en général adopté par procédure simplifiée. Le Gouvernement se félicite cependant de cette démarche, car il y voit la marque de l’intérêt qu’attachent les sénateurs à son action dans la lutte contre les paradis fiscaux.

Je saisis donc cette occasion pour éclairer la Haute Assemblée sur le contexte dans lequel cet accord a pu être négocié, ainsi que onze autres accords d’échanges de renseignements et, bientôt, six avenants à nos conventions fiscales avec les principaux paradis fiscaux de la planète.

En effet, depuis la fin de l’année 2008, la France joue un rôle moteur dans la mobilisation de l’ensemble de la communauté internationale pour lutter contre les juridictions non coopératives.

Répondant à l’appel lancé en octobre 2008 par dix-sept États membres de l’OCDE, réunis à Paris sur l’initiative du ministre du budget de l’époque, Éric Woerth, le G20 s’est saisi du problème des paradis fiscaux lors du premier sommet de Washington. Cette initiative mais aussi l’engagement personnel du Président de la République ont permis, lors du sommet qui s’est tenu le 2 avril 2009 à Londres, d’obtenir des résultats concrets.

À la demande du G20, le secrétariat de l’OCDE a donc établi deux listes de juridictions, en fonction de leur degré de transparence en matière fiscale.

La « liste noire » comprenait quatre États qui n’avaient pas encore pris l’engagement de respecter les standards internationaux de transparence fiscale.

Une liste dite « grise » comportait, quant à elle, les noms de trente-huit États ou territoires qui n’avaient pas encore mis en œuvre ces standards, bien qu’ils s’y soient engagés.

Cette méthode a immédiatement porté ses fruits : les quatre juridictions de la liste noire ont très rapidement pris les engagements qui leur étaient demandés, de sorte que cette liste est désormais vide ; dans le même temps, la plupart des juridictions de la liste grise ont tenu leurs engagements, de sorte que cette liste ne comporte plus aujourd’hui que quatorze juridictions, sur les trente-huit de départ.

Depuis le 2 avril 2009, plus de quatre cents accords bilatéraux d’échange d’informations, du type de celui qui est soumis à votre examen aujourd’hui, ont ainsi été signés dans le monde entier.

La transparence, la levée du secret bancaire et la coopération entre administrations fiscales pour lutter contre la fraude et l’évasion sont désormais universellement reconnues.

À titre d’exemple, le Brésil, le Chili, le Luxembourg et la Suisse ont levé leur réserve concernant le modèle de convention établi par l’OCDE. De nombreux pays ont modifié leur législation nationale afin de la rendre conforme aux engagements pris, qu’il s’agisse du Liechtenstein, de l’Autriche, de Hong Kong ou de Singapour.

Ces évolutions sans précédent revêtent une importance considérable, mesdames, messieurs les sénateurs, surtout si on les replace dans une perspective historique : souvenons-nous que la Suisse oppose le secret bancaire depuis les années vingt et que les grandes batailles menées au sein de l’Union européenne autour de la directive sur la fiscalité de l’épargne n’avaient pas permis de convertir les principaux paradis fiscaux ni les places financières à la transparence et à ses vertus. Or, pour ce qui est de la transparence, c’est chose faite aujourd’hui !

Mme Nicole Bricq. Il faut réviser cette directive !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Vous le voyez, l’approche stigmatisante, naming and shaming, s’est révélée d’une redoutable efficacité. Les États concernés ont signé plus d’accords en quelques mois que pendant la décennie précédente, telle est la réalité, madame Bricq !

Mme Nicole Bricq. Ce qui compte, c’est l’efficacité réelle !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Le mur du secret bancaire, que l’on croyait immuable, s’est effondré, comme s’était effondré le mur de Berlin.

Mme Nathalie Goulet. Et les murailles de Jéricho !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Ce succès donne, je le crois, une vraie leçon à ceux qui doutent, et ils sont nombreux, du volontarisme en politique : alors que tant de responsables politiques de notre pays se contentaient, il y a quelques années, de dénoncer les paradis fiscaux sans jamais agir, le Président de la République a su démontrer que la force de la volonté politique pouvait avoir raison des citadelles les plus imprenables.

Dès le lendemain du G20, le Gouvernement a engagé une politique de négociation d’accords bilatéraux tous azimuts avec les États figurant sur la liste de l’OCDE. Nous avons ainsi proposé, dès le 3 avril, à tous les États ou territoires qui figuraient sur les listes, grise et noire, de signer un accord permettant l’échange de renseignements.

Dans les cas où nous étions déjà liés par une convention fiscale, nous avons choisi de proposer de conclure des avenants. Six d’entre eux sont aujourd’hui soumis à l’examen de l’Assemblée nationale et vous seront transmis prochainement ; ils concernent notamment la Suisse, le Luxembourg ou encore Singapour.

Dans les autres cas, nous avons proposé de ne signer qu’un accord d’échange de renseignements sans contrepartie, car il n’y a pas de contrepartie à donner à un État qui ne fait que respecter l’engagement qu’il a pris devant la communauté internationale

Au total, depuis le mois de mars 2009, la France a signé six avenants et seize accords d’échange de renseignements. Plus d’une demi-douzaine d’autres avenants ou accords sont encore en cours de négociation. Les douze accords qui vous sont soumis aujourd’hui ne sont que l’avant-garde d’une série qui permettra de couvrir tous les États, territoires significatifs ou places offshore de la planète.

Telle la réalité de l’action de notre pays dans ce domaine.

Avec ces accords, nous serons en mesure d’échanger sans restriction des renseignements fiscaux avec les juridictions jusqu’alors peu coopératives du continent européen – la Suisse, le Luxembourg, la Belgique et le Liechtenstein, en particulier –, les plus importants des centres financiers asiatiques – Hong Kong, Singapour – ou des paradis fiscaux – les îles Caïmans, les Îles Vierges britanniques, Jersey, Guernesey ou, bien entendu, les Bahamas, qui nous occupent ici plus spécifiquement.

Ces résultats placent la France au premier rang du combat international en faveur de la transparence. Voilà la réalité des faits.

Nous avons par ailleurs relayé cette action internationale par les mesures adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2009 et complétées par l’arrêté du 12 février dernier.

Sur la proposition du Gouvernement, vous avez inscrit, dans la loi française, une définition des juridictions non coopératives, assortie de critères précis et de sanctions fiscales pour les États concernés. L’arrêté du 12 février 2010 a établi, pour l’année 2010, une liste de dix-huit États ou territoires non coopératifs au regard de la législation française.

Les sanctions prévues sont lourdes ; je citerai la majoration à 50 % des retenues à la source sur les flux à destination des États de la liste, la taxation des flux entrants, le refus de déduire les charges payées dans ces territoires, le durcissement des conditions de justification des prix de transfert.

Par l’outil fiscal, nous avons mis en œuvre un véritable arsenal de sanctions économiques à l’encontre de ces États. Avec de tels niveaux de taxation, qui voudrait continuer à échanger avec eux ? Nous les avons donc mis « hors jeu » !

En 2010, le Gouvernement a entendu s’inscrire pleinement en cohérence avec les travaux menés par l’OCDE. La liste publiée le 12 février dernier comprend tous les États ou territoires de la dernière liste grise publiée par l’OCDE en 2009, ou qui n’ont pas conclu une convention d’assistance avec la France. Ces juridictions sont soumises à l’arsenal de sanctions que vous avez voté à la fin de l’année 2009.

Cette liste a déjà montré son utilité : si plusieurs des juridictions y figurant ont, certes, protesté, elles ont surtout répondu à notre invitation, formulée dès le printemps de 2009, à négocier un accord d’échange de renseignements, invitation restée sans réponse jusque-là.

La ratification des accords qui vous sont soumis n’est qu’une étape : le Gouvernement continuera à se mobiliser pour obtenir une transparence fiscale effective.

Certains font profession de scepticisme, ceux-là même qui, alors qu’ils étaient au Gouvernement, ont peu agi, si l’on excepte quelques gesticulations, pour lutter efficacement contre les paradis fiscaux. Je tiens à leur indiquer que nous continuerons à aller de l’avant : le Gouvernent ne s’arrêtera pas à ces signatures, qui ne constituent pas une fin en soi ; nous veillerons à ce que l’échange d’informations soit effectif.

Sur le plan international, le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales, qui regroupe les trente membres de l’OCDE et plus de soixante autres États ou territoires, a mis en place un mécanisme d’évaluation par les pairs. François d’Aubert, délégué général à la lutte contre les juridictions et territoires non coopératifs, autrement dit, les paradis fiscaux, a été chargé de présider ce groupe d’évaluation. Les travaux du Forum ont progressé très vite puisque les premières évaluations ont commencé.

Ces évaluations porteront à la fois sur le cadre légal – lois internes et accords internationaux – de la coopération administrative et sur l’effectivité de l’échange d’informations. Nous accordons la plus grande importance à ces travaux dont un bilan pourra être tiré lors de la présidence française du G20, en novembre 2011.

Sur le plan national, le dispositif adopté en loi de finances rectificative comporte, lui aussi, son propre mécanisme de suivi. À compter du 1er janvier 2011, il permettra de faire vivre cette liste, en y ajoutant les États qui, bien que liés à la France par un accord fiscal, ne nous fourniraient pas, en pratique, une assistance administrative satisfaisante.

À ce jour, les mesures de sanction ne s’appliquent qu’à un petit nombre d’États. Il faut s’en réjouir, car cela traduit le fait que la plupart des pays concernés ont accepté de répondre à l’invitation lancée par la communauté internationale pour qu’ils signent des accords d’échange de renseignements.

Mais la loi prévoit que ces sanctions s’appliqueront également à ceux qui, ayant signé des accords, ne les mettraient pas en œuvre. Le processus mis en place par l’OCDE nous offre l’outil d’évaluation qui nous permettra de mettre en œuvre ces dispositions.

Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui marque une étape dans le combat pour la transparence fiscale et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Ce n’est qu’une étape, mais elle est majeure !

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faudra bien que ce texte entre en vigueur pour que nous puissions mesurer son efficacité. C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, je vous demande de bien vouloir en autoriser la ratification. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous avons adopté mercredi dernier, en commission, douze projets de loi visant à autoriser l’approbation d’accords d’échange de renseignements en matière fiscale, dont celui qui fait l’objet de notre débat, l’accord passé avec les Bahamas.

Cet examen, je tiens à le souligner, a été précédé par un travail préalable sérieux.

La commission des finances a ainsi procédé à un cycle d’auditions, le 23 mars dernier, afin de faire le point sur l’intense activité conventionnelle menée en matière fiscale, au cours des deux dernières années. Nous avons pu entendre le chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l’OCDE, ainsi que des représentants du ministère du budget et du ministère des affaires étrangères et européennes.

M. le président de la commission des finances expliquera certainement tout à l’heure que la commission n’a pas l’intention d’en rester là. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je lui laisse donc le soin de le faire…

La lutte contre les paradis fiscaux constitue un enjeu mondial, et la France entend jouer un rôle de leader dans ce domaine.

Elle a ainsi fortement soutenu la démarche d’élaboration des listes grise et noire de l’OCDE, publiées à la suite de la réunion du G20 à Londres, le 2 avril 2009.

Je rappelle que l’OCDE qualifie de « non coopératif » un État qui répond aux quatre critères suivants : ses impôts directs sont insignifiants, voire inexistants ; son régime fiscal, lorsqu’il existe, n’est pas transparent ; ses activités économiques substantielles sont rares ; son administration fiscale ne transmet pas les renseignements aux autres pays.

Les États non coopératifs figurent sur la liste noire de l’OCDE, que M. le secrétaire d’État a évoquée tout à l’heure. C’était, en 2009, le cas du Costa Rica, de la Malaisie, des Philippines et de l’Uruguay. Lorsque ces États signent au moins douze accords, ils intègrent la liste blanche. S’ils manifestent l’intention de se mettre en conformité avec les standards fixés par l’OCDE sans avoir encore atteint le seuil des douze accords, ils sont alors « transférés » sur la liste grise, ce qui était le cas des Bahamas.

Adhérant aux initiatives multilatérales, la France a initié une démarche de négociation systématique avec les juridictions non coopératives. Elle a ainsi proposé à tous les États ou territoires qui figuraient sur la liste du 2 avril 2009, dont les Bahamas, de signer un accord permettant l’échange de renseignements.

S’agissant du contenu de la convention, l’OCDE a élaboré, en 2002, un accord-cadre sur l’échange de renseignements en matière fiscale, afin d’offrir une norme de référence permettant d’assurer un échange effectif d’informations et, par là même, de réduire les risques d’évasion fiscale. En particulier, les restrictions à l’échange motivées par le secret bancaire sont formellement prohibées dans le cadre de tels accords.

En contrepartie, ces derniers n’autorisent pas à aller à « la pêche aux renseignements ». Les informations demandées doivent être vraisemblablement pertinentes, ce qui signifie que leur détention doit permettre de faciliter le déroulement des enquêtes ou poursuites en matière fiscale.

La France applique fidèlement cet accord-cadre et parvient même, dans certains cas, à imposer des normes encore plus rigoureuses, comme nous allons le voir pour les Bahamas.

Un point mérite encore d’être souligné à titre liminaire. Notre pays s’est attaché, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009, à garantir l’application effective des accords qu’il conclut en matière de lutte contre les paradis fiscaux, en se dotant d’un outil de sanction des États qui ne rempliraient pas leurs engagements. Ces sanctions ont été détaillées par M. le secrétaire d’État.

Il s’agit en fait de durcir le régime fiscal applicable aux transactions réalisées avec ces États. Le dispositif permet notamment de refuser certaines exonérations de plus-values de cession ou d’imposer des retenues à la source en faveur de la France, en particulier en matière de dividendes. Il a également pour objet d’accroître la transparence des transactions au sein des groupes internationaux.

Cette démarche, très systématique on le voit, a été couronnée de succès. La France a ainsi conclu vingt-cinq accords en moins de neuf mois en 2009, dont l’accord avec les Bahamas, signé le 7 décembre 2009, à Paris.

Nos relations avec ce territoire sont certes ténues. La Société Générale et le Crédit Agricole ont des filiales à Nassau, mais BNP Paribas a annoncé son retrait à la fin du mois de septembre 2009. Au total, le stock des investissements français aux Bahamas était estimé, à la fin de l’année 2008, à 419 millions d’euros par la Banque de France, soit 2 % seulement des investissements français en Amérique latine et dans les Caraïbes.

L’inscription des Bahamas sur la liste grise de l’OCDE était fondée sur une fiscalité pratiquement inexistante. Il n’y est prévu aucun impôt sur le revenu, sur les bénéfices, sur le patrimoine ou sur le chiffre d’affaires. Seuls des droits de mutation à titre onéreux sont prélevés lors de la cession de biens immobiliers, tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales.

Or on dénombrait, en 2008, 44 000 compagnies internationales et 136 banques offshore sur ce territoire.

Si, jusqu’en 2009, les Bahamas n’avaient signé qu’un seul accord d’échange de renseignements en matière fiscale – avec les États-Unis en 2003 –, ils ont depuis conclu vingt et un accords d’échange de renseignements.

Certes, certains ont été passés avec des paradis fiscaux comme la principauté de Monaco et la République de Saint-Marin et, à cet égard, mes chers collègues, j’entends bien évidemment votre réprobation silencieuse… Mais la plupart des partenaires des Bahamas dans ce domaine n’entrent pas dans cette catégorie. Il s’agit notamment des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas, de la Finlande, du Danemark, de l’Espagne, de l’Australie, de l’Allemagne, du Canada, de la Suède, de la Norvège, de l’Islande, de la Chine, de l’Argentine, du Mexique, du Groenland, des îles Féroé et de la Belgique.

Les Bahamas ont donc pour l’instant joué le jeu et intégré la liste blanche de l’OCDE, même si nous attendons encore la notification de la procédure de ratification de leur part. À défaut, l’OCDE pourrait reconsidérer leur sortie de la liste grise.

S’agissant du détail de l’accord conclu avec ce territoire, accord qui nous intéresse tout particulièrement aujourd’hui, il convient, en premier lieu, de souligner que celui-ci fait partie du second cycle de négociations mené par la France en 2009.

Les premiers accords, conclus au premier semestre de l’année 2009, s’inspiraient totalement et strictement du modèle fixé par l’OCDE. La deuxième vague, dont relève le texte que nous examinons, comprend des améliorations apportées à ce modèle, et ce à l’initiative de la France.

Ainsi, le champ d’application est plus étendu : il ne fait pas référence à une liste précise d’impôts, mais vise tous les impôts existants et ceux de même nature qui seront établis après la date de signature.

En outre, l’accord prévoit que les parties doivent adapter leur législation interne afin de rendre effectif l’échange de l’information. Cette dernière doit donc être réellement disponible. L’administration des Bahamas doit y avoir accès et être en mesure de la transmettre.

Enfin, on peut se féliciter que les frais extraordinaires qui seraient générés à la suite d’une demande de la France ne soient pas systématiquement remboursés par celle-ci, contrairement à ce qui prévalait dans les premiers accords conclus.

Au-delà des améliorations spécifiques du modèle de l’OCDE qui apparaissent dans l’accord conclu avec les Bahamas, je rappellerai brièvement que les informations échangées peuvent être de toute nature, bancaire ou non. En l’espèce, les Bahamas devront prendre, pour chaque demande, toutes les mesures adéquates nécessaires pour la collecte des renseignements, que ces derniers soient détenus par des banques, des institutions financières ou dans le cadre de fiducies, de fondations ou de sociétés, à condition que cela ne soulève pas de difficultés disproportionnées.

Une fois qu’ils auront reçu l’attestation de la France qu’elle aura employé tous les moyens disponibles sur son territoire sans soulever de difficultés disproportionnées, les Bahamas disposeront alors de quatre-vingt-dix jours pour fournir les éléments demandés.

Ils ne pourront rejeter une telle demande que si la divulgation des informations est contraire à l’ordre public, discriminatoire ou si elles sont couvertes par le secret commercial ou professionnel. Il convient également de souligner que cet échange doit respecter le droit des contribuables.

Tels sont les éléments essentiels que je souhaitais exposer à propos de cet accord. Ils valent par ailleurs pour les onze autres accords qui seront examinés tout à l’heure en procédure simplifiée.

Il apparaît crucial d’autoriser cette ratification dans la perspective de la présidence française du sommet du G20, au second semestre de l’année 2011. En effet, comme je l’ai déjà indiqué, la France est un leader sur la scène mondiale dans la lutte contre les paradis fiscaux depuis 2009 et elle se doit de présenter un bilan positif en 2011.

La commission des finances sera vigilante non seulement sur la transmission effective des renseignements qui pourraient être demandés aux Bahamas, mais également sur la mise en place effective des accords d’échange de renseignements conclus par notre pays.

S’agissant, d’une manière plus générale, de l’état d’avancement de la politique de lutte contre les paradis fiscaux, la commission des finances veillera, si besoin est, à l’application du mécanisme de sanctions prévu par la loi de finances rectificative. En outre, elle organisera à l’automne une séance consacrée aux conventions fiscales, en présence des principaux ministres responsables en ce domaine.

En conclusion, mes chers collègues, je vous propose d’adopter sans réserve le présent projet de loi visant à approuver l’accord conclu avec les Bahamas. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)