Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine, M. Jean-Pierre Godefroy.
2. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
3. Communications du Conseil constitutionnel
4. Conventions internationales. – Adoption de trois projets de loi en procédure d’examen simplifié (Textes de la commission)
5. Action extérieure de l'État. – Discussion des conclusions du rapport d’une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Joseph Kergueris, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères ; Jacques Legendre, président de la commission de la culture ; Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Robert Hue, Mme Claudine Lepage.
6. Demande d'avis d'une commission sur un projet de nomination
7. Action extérieure de l'État. – Suite de la discussion et adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale (suite) : Mme Françoise Laborde, M. André Trillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Richard Yung, Didier Boulaud.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Clôture de la discussion générale.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Mme Nathalie Goulet, M. le ministre.
Adoption du projet de loi.
8. Décisions du Conseil constitutionnel
9. Réseaux consulaires – Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; Gérard Cornu, rapporteur de la commission de l’économie.
Mmes Odette Terrade, Nathalie Goulet, Bariza Khiari, M. Yvon Collin, Mme Catherine Procaccia, M. Serge Lagauche.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'État.
Mme Odette Terrade.
Amendement no 1 de Mme Bariza Khiari. – Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mmes Nathalie Goulet, Catherine Procaccia. – Rejet.
Amendement no 2 de Mme Bariza Khiari. – Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Mme Odette Terrade.
Adoption de l'article.
Mmes Nathalie Goulet, Bariza Khiari.
Adoption définitive du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance
11. Accord avec les Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale. – Adoption définitive d’un projet de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances.
Mme Nicole Bricq, MM. Yvon Collin, Thierry Foucaud.
MM. le secrétaire d'État, Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Mme Nicole Bricq, M. le président de la commission.
Adoption définitive de l'article unique du projet de loi.
12. Conventions internationales – Adoption définitive de onze projets de loi en procédure d'examen simplifié (Textes de la commission)
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. Jean-Pierre Godefroy.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 9 juillet 2010, deux décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2010-11 QPC et 2010-13 QPC).
Acte est donné de ces communications.
3
Communications du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat :
- le jeudi 8 juillet 2010 que le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2010-37 QPC) ;
- et le vendredi 9 juillet 2010, que le Conseil d’État et la Cour de cassation ont adressé au Conseil constitutionnel cinq décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité, (nos 2010-38 QPC, 2010-39 QPC, 2010-40 QPC, 2010-41 QPC et 2010-42 QPC), en application de l’article 61-1 de la Constitution.
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de ces communications.
4
Conventions internationales
Adoption de trois projets de loi en procédure d’examen simplifié
(Textes de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser l’approbation de conventions internationales.
Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
convention internationale de 2001 relative à la pollution par les hydrocarbures de soute
Article unique
Est autorisée l'adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (convention « Hydrocarbures de soute ») (ensemble une annexe), adoptée à Londres le 23 mars 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (projet n° 272, texte de la commission n° 634, rapport n° 633).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec la roumanie relatif à l’assistance et à la coopération en matière de protection et de sécurité civiles dans les situations d’urgence
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à l'assistance et à la coopération en matière de protection et de sécurité civiles dans les situations d'urgence, signé à Paris le 22 avril 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à l’assistance et à la coopération en matière de protection et de sécurité civiles dans les situations d’urgence (projet n° 438 (2008-2009), texte de la commission n° 636, rapport n° 635).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec l’allemagne concernant l’échange de renseignements sur les titulaires du certificat d’immatriculation de véhicules
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne concernant l'échange de renseignements sur les titulaires du certificat d'immatriculation de véhicules contenus dans les fichiers nationaux d'immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation (ensemble une annexe), signé à Berlin le 14 mars 2006, et de son avenant sous forme d'échange de notes verbales des 13 février et 20 juin 2008, dont les textes sont annexés à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne concernant l’échange de renseignements sur les titulaires du certificat d’immatriculation de véhicules contenus dans les fichiers nationaux d’immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation (projet n° 488 (2007-2008), texte de la commission n° 638, rapport n° 637).
(Le projet de loi est adopté.)
5
Action extérieure de l'État
Discussion des conclusions du rapport d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État (n° 655).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, la discussion ce jour des conclusions de la commission mixte paritaire, qui s’est déroulée jeudi dernier à l’Assemblée nationale, est la dernière étape de l’examen du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État, qui, comme vous le savez, revêt une importance particulière.
Ce texte vise, en effet, à réformer les instruments de la diplomatie d’influence française, afin de renforcer la place de notre culture et de notre langue hors des frontières de notre pays, ainsi que l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur.
Depuis longtemps déjà le Sénat appelait de ses vœux une réforme de l’action culturelle extérieure. Sur l’initiative de notre collègue Louis Duvernois, il avait même adopté une proposition de loi portant sur ce sujet en 2007.
Il faut donc vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour avoir engagé et porté cette réforme attendue de longue date.
Avant d’évoquer le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je rappellerai brièvement les principales modifications apportées par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale.
Avant même le dépôt au Sénat du présent projet de loi, au début de l’année 2009, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, conjointement avec la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, avait mené un cycle d’auditions consacrées à la réforme de l’action culturelle.
À l’issue de ces auditions, un rapport d’information sur la diplomatie culturelle avait été présenté par Josselin de Rohan et Jacques Legendre, présidents respectifs de ces deux commissions, dont les membres avaient adopté à l’unanimité les dix recommandations contenues dans le document précité au mois de juin 2009.
Lors de l’examen de ce projet de loi, je me suis largement fondé sur ces recommandations.
Je voudrais également souligner la très bonne collaboration que nous avons établie avec M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture, notre collègue Louis Duvernois.
Je crois aussi pouvoir affirmer que, au-delà des clivages politiques, les travaux et les débats qui se sont déroulés dans les deux assemblées ont été marqués par l’attachement des parlementaires de tout bord au renforcement de notre diplomatie d’influence.
Le projet de loi initial présenté par le Gouvernement ne comportait que quatorze articles.
Lors de la présentation de mon rapport, Louis Duvernois et moi-même avions proposé trente-deux amendements, qui ont tous été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Tel qu’il a été adopté par le Sénat, au mois de février dernier, le texte comprenait vingt articles.
Quelles principales modifications le Sénat a-t-il introduites ?
Tout d’abord, nous avons apporté des précisions aux dispositions relatives à la nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France.
Ainsi avons-nous instauré l’obligation de conclure un contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et chacun de ces opérateurs qui sera soumis, avant sa signature, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, pour qu’elles puissent émettre un avis.
Afin de favoriser la représentation de la diversité politique, nous avons également porté de deux à quatre le nombre de parlementaires appelés à siéger au conseil d’administration de ces établissements.
Enfin, nous avons entièrement réécrit l’article relatif aux ressources de ces établissements et mentionné explicitement, et à la première place, les dotations de l’État.
Pour ce qui concerne l’agence culturelle, après un long débat, le Sénat a finalement choisi la dénomination « Institut français » plutôt que « Institut Victor Hugo ».
Nous avons posé le principe d’une tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes, tout en prévoyant d’associer étroitement le ministère de la culture et de la communication ainsi que les autres ministères, notamment au moyen d’un conseil d’orientation stratégique sur l’action culturelle extérieure.
Nous avons également souhaité préciser les missions de cette nouvelle agence, qui reprendrait celles qui sont exercées actuellement par Cultures France, en y ajoutant trois nouvelles attributions : l’enseignement à l’étranger de la langue française, la promotion des idées, des savoirs et de la culture scientifique, ainsi que la formation professionnelle des agents du réseau.
Enfin, nous avons voulu établir un lien étroit entre l’agence et le réseau culturel à l’étranger, en l’associant à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières des agents du réseau culturel, en prévoyant une clause de rendez-vous portant sur le rattachement à terme du réseau à l’agence et prenant la forme de la remise d’un rapport au Parlement dans un délai de trois ans, et en posant le principe d’un recours à l’expérimentation.
Les dispositions relatives à la rénovation du cadre de l’expertise internationale ou à la création d’une allocation au conjoint n’ont fait l’objet que de précisions rédactionnelles.
Enfin, s’agissant du remboursement des dépenses engagées par l’État à l’occasion d’opérations de secours réalisées à l’étranger, nous avons souhaité renforcer le caractère dissuasif du dispositif, en supprimant notamment la référence à un plafond fixé par décret ou à la mention des mises en garde. Je rappelle que cette disposition ne s’appliquera pas aux journalistes ou aux personnes employées par les organisations humanitaires. Le projet de loi est, sur ce point, parfaitement clair.
Sur l’initiative du rapporteur de sa commission des affaires étrangères, Hervé Gaymard, l’Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications au texte adopté par le Sénat. Ces dernières sont, selon moi, plus des améliorations allant dans le sens des souhaits de la Haute Assemblée qu’un véritable bouleversement.
Ainsi, nos collègues députés n’ont pas modifié de façon majeure les dispositions relatives à la nouvelle agence culturelle, conservant même sa dénomination « Institut français ».
Ils sont simplement allés encore plus loin en matière d’expérimentation du rattachement du réseau culturel à la future agence, ce dont on peut se féliciter.
En réalité, les principaux changements apportés par l’Assemblée nationale ont surtout concerné l’agence chargée de l’accueil des étudiants étrangers et de l’expertise internationale.
Le fait de mêler au sein de la même agence les questions relatives tant à l’accueil des étudiants étrangers qu’à l’expertise internationale a été remis en cause par nos collègues députés, qui y ont vu, à juste titre, le mariage de la carpe et du lapin. Ils ont donc préféré séparer les deux missions en instaurant deux agences distinctes.
Une première agence, dont la dénomination resterait « Campus France », dotée du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial et placée sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sera chargée de l’accueil des étudiants étrangers. Dans un délai d’un an, les activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, lui seront transférées, ce qui sera gage de rationalisation.
Une seconde agence, intitulée « France expertise internationale », – sa création résulte de l’adoption d’un amendement déposé par le Gouvernement – sera, quant à elle, chargée spécifiquement du renforcement de l’expertise française à l’étranger.
En définitive, on peut saluer la très grande convergence de vues entre les deux assemblées. Ce fait explique l’esprit très consensuel qui a présidé aux travaux de la commission mixte paritaire et le caractère essentiellement rédactionnel des modifications que cette dernière a apportées au texte adopté par l’Assemblée nationale.
Nous avons toutefois rétabli une disposition introduite par le Sénat et supprimée par les députés prévoyant un rapport annuel des établissements contribuant à l’action extérieure de la France devant l’Assemblée des Français de l’étranger.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Joseph Kergueris, rapporteur. En réalité, la seule véritable difficulté a porté sur l’autorité de l’ambassadeur et sur la place de l’Agence française de développement, l’AFD.
Le Sénat avait souhaité affirmer l’autorité de l’ambassadeur sur l’ensemble des services extérieurs de l’État, y compris sur les bureaux de l’Agence française de développement. Nous estimons qu’il doit pouvoir jouer le rôle d’un chef de file, même en matière d’aide au développement, qui fait partie intégrante de notre politique étrangère.
Après avoir dans un premier temps supprimé toute référence à l’autorité de l’ambassadeur, l’Assemblée nationale, sur l’initiative de son rapporteur et avec l’accord du Gouvernement, l’a rétablie, tout en tenant compte, comme il se doit, des activités bancaires de l’AFD, puisque celles-ci relèvent aussi de dispositions et de responsabilités spécifiques.
Considérant que cette rédaction offrait un bon point d’équilibre, la commission mixte paritaire n’est pas revenue sur ce sujet.
En définitive, le présent projet de loi me semble offrir les outils nécessaires pour le renforcement de notre diplomatie d’influence.
Monsieur le ministre, lors de l’examen des crédits de votre ministère cet automne, nous aurons certainement l’occasion de revenir sur les moyens financiers et humains qui seront consacrés à la mise en place de ces nouveaux opérateurs.
Dans l’attente de ce prochain rendez-vous, que nous appelons de nos vœux, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant le réseau culturel le plus dense au monde, la France a fait depuis longtemps de la promotion de sa culture et de sa langue hors de ses frontières un élément essentiel de sa diplomatie.
Alors que d’autres pays renforcent les moyens consacrés à leur diplomatie d’influence, à l’image de la Chine avec les instituts Confucius, et au moment où la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a élevé la diplomatie dite « de l’intelligence », ou smart power, au rang de priorité de sa politique étrangère, la France doit rester fidèle à ce qui fait sa vocation universelle.
Depuis déjà de nombreuses années, le Parlement, le Sénat en particulier, appelle de ses vœux une réforme de notre diplomatie d’influence.
Les commissions des affaires étrangères et de la culture de la Haute Assemblée ont beaucoup travaillé sur ce sujet. Ainsi, l’an dernier, à l’issue d’une série d’auditions portant sur l’action culturelle de la France à l’étranger, nous avons publié un rapport d’information contenant dix recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par les membres de ces deux commissions.
Dans le droit fil de ces recommandations et sur l’initiative du rapporteur de la commission des affaires étrangères, Joseph Kergueris, et du rapporteur pour avis de la commission de la culture, Louis Duvernois, le Sénat a apporté plusieurs compléments au projet de loi pour conforter la réforme de notre diplomatie d’influence.
Je tiens en cet instant à rendre hommage au travail effectué par nos deux collègues et à la très bonne entente qui a prévalu entre les deux commissions.
Je tiens également à saluer la très large convergence de vues avec nos collègues de l’Assemblée nationale, notamment le rapporteur, Hervé Gaymard, et le président de la commission des affaires étrangères, Axel Poniatowski, ainsi que l’esprit consensuel qui a présidé aux travaux de la commission mixte paritaire.
Je veux enfin vous remercier, monsieur le ministre, non seulement d’être à l’initiative de cette réforme, en dépit de certaines réticences ou résistances, mais aussi d’avoir eu la volonté continue d’y associer étroitement les parlementaires.
Le Sénat a apporté des améliorations sensibles au projet de loi présenté par le Gouvernement.
Tout d’abord, nous avons estimé indispensable de placer la nouvelle agence culturelle, qui s’appellera « Institut français », sous une tutelle unique clairement identifiée. Et, compte tenu de l’importance de la dimension culturelle pour notre diplomatie, il nous a semblé essentiel de confier cette tutelle au ministre des affaires étrangères et européennes.
Cela ne signifie pas pour autant que les autres ministères, comme celui de la culture, ne doivent pas être étroitement associés à la définition des priorités de notre action culturelle. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité instituer un conseil d’orientation stratégique de l’action culturelle extérieure, au sein duquel tous les ministères concernés pourront exprimer leur point de vue et élaborer conjointement les priorités assignées à notre action culturelle à l’étranger.
Il nous a également semblé nécessaire d’associer étroitement les collectivités territoriales ainsi que les alliances françaises, notamment au moyen d’instances consultatives.
La question la plus délicate a porté sur le rattachement ou non du réseau des centres et instituts culturels français à l’étranger à l’agence chargée de la coopération culturelle. Comme vous le savez, les deux commissions sénatoriales saisies s’étaient prononcées à l’unanimité en faveur d’une telle mesure, position partagée par l’Assemblée nationale.
Cependant, compte tenu des nombreuses difficultés juridiques et administratives soulevées par ce rattachement – notamment le statut des personnels et le coût budgétaire, évalué entre 20 et 50 millions d’euros –, nous avons toujours estimé que ce dernier ne pouvait se faire que de manière progressive, à l’image du précédent d’UBIFRANCE. Je rappelle que près de 130 établissements culturels et plus de 6 000 agents seraient concernés, soit le tiers des effectifs du ministère des affaires étrangères.
Nous avons donc pris acte de votre décision, monsieur le ministre, de reporter à trois ans votre décision sur ce rattachement.
Toutefois, sur l’initiative de M. le rapporteur et de M. le rapporteur pour avis, le Sénat a souhaité inscrire cet engagement dans la loi, en prévoyant une clause de rendez-vous. Pendant un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de la future loi, le Gouvernement devra remettre chaque année au Parlement un rapport comprenant une évaluation des modalités et des conséquences de ce rattachement. Dans l’intervalle, des expérimentations devront être menées dans une dizaine de postes représentatifs au moins. Ainsi serons-nous en mesure de nous prononcer en toute connaissance de cause.
Surtout, nous avons estimé indispensable d’établir dès à présent un lien renforcé entre l’agence et le réseau culturel à l’étranger.
Comme nous l’avions souligné dans le rapport d’information conjoint, la gestion des ressources humaines constitue sans doute une faiblesse de notre réseau culturel à l’étranger.
Les personnels appelés à diriger les centres culturels ne se voient proposer qu’une formation de cinq jours. À titre d’exemple, la formation initiale est de six mois en Allemagne. La durée d’immersion dans un pays est relativement courte, de l’ordre de trois années, alors qu’elle est de cinq ans pour le British Council et l’Institut Goethe. Enfin, l’Allemagne et le Royaume-Uni offrent de bien meilleures perspectives de carrière aux agents de leur réseau culturel à l’étranger que la France.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Afin de remédier à cette situation, nous avons souhaité associer l’agence à la politique de gestion des ressources humaines des agents du réseau culturel.
Ainsi, cette dernière sera associée à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels. Elle assurera de nouvelles missions en matière de formation professionnelle.
Je sais que le rattachement à l’agence du réseau culturel a pu susciter des craintes chez certains ambassadeurs. Je veux être très clair sur ce point : autant il ne saurait y avoir de diplomatie française sans une forte composante culturelle, autant une action culturelle à l’étranger coupée de notre diplomatie ne serait pas acceptable pour la commission des affaires étrangères.
Qui peut sérieusement envisager une action culturelle autonome qui ne tiendrait pas compte de nos priorités diplomatiques ?
De même que le ministère des affaires étrangères doit jouer un rôle de direction de notre diplomatie culturelle à Paris, nos ambassadeurs doivent assumer le rôle de chef de file sur le terrain. C’est la raison pour laquelle je me félicite que le Sénat soit parvenu à affirmer l’autorité de l’ambassadeur sur l’ensemble des services extérieurs de l’État dans le texte de loi.
En tant que représentant de l’État et du Gouvernement, l’ambassadeur, à l’image du préfet à l’échelon local, doit pouvoir exercer une réelle autorité sur l’ensemble des services de l’État comme sur l’aide au développement, qui constitue une composante essentielle de notre diplomatie.
Je me félicite donc du compromis auquel nous sommes parvenus avec nos collègues députés à propos de l’Agence française de développement qui préserve l’autorité de l’ambassadeur tout en tenant compte de la spécificité des activités bancaires de l’AFD.
En contrepartie, je pense que les ambassadeurs devront être évalués à l’avenir sur les résultats de leur action en matière culturelle.
Enfin, je voudrais évoquer les dispositions relatives au remboursement des dépenses engagées par l’État à l’occasion des opérations de secours à l’étranger.
Ce dispositif, inspiré de la loi montagne, vise à prévenir les comportements irresponsables de certains voyageurs qui décident de se rendre dans des zones ou des pays dangereux sans tenir compte des mises en garde, et qui mettent en péril leur sécurité et celle des équipes de secours.
Comme nous l’avons dit et répété, il n’a pas vocation à s’appliquer aux journalistes ou aux membres des organisations humanitaires intervenant lors d’une situation de crise. Le texte est parfaitement explicite sur ce point ! La polémique me semble donc totalement infondée, et même stérile.
La commission mixte paritaire a adopté tous les articles du projet de loi à l’unanimité, mais je crains que le texte ne connaisse pas le même sort…
M. Robert Hue. Vous avez raison !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. La politique a ses raisons que la raison ne connaît pas !
Cependant, l’adoption du présent projet de loi permettra de donner à notre diplomatie des outils et des instruments cohérents, rationnels et, nous l’espérons, efficaces, afin de maintenir dans le monde notre influence culturelle et linguistique.
Privées de moyens, nos agences ne seraient que les témoins ou les reflets de notre décadence. Dotées des crédits nécessaires, elles permettront au contraire à nos ambassadeurs de conduire, dans les pays où ils nous représentent, une action continue, offensive et imaginative au service de notre culture.
Nous sommes convaincus que notre littérature, notre musique, nos arts plastiques et notre langue attirent encore et séduisent tous ceux qui, hors de nos frontières, sont sensibles au message universel de la France.
Ne décevons pas leurs attentes et affirmons haut et fort que la culture comme la coopération sont les composantes essentielles de notre diplomatie et qu’elles sont la voix de la France ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que de chemin parcouru en presque dix ans ! Notre collègue Yves Dauge, alors député, faisait déjà le constat, en 2001, d’un réseau culturel en proie à une certaine démobilisation et en quête d’un nouveau souffle. Depuis 2004, la commission de la culture a multiplié les rapports d’information et les propositions de loi pour réclamer un sursaut urgent de notre diplomatie culturelle.
À la suite du rapport d’information commun des commissions de la culture et des affaires étrangères sur la réforme de l’action culturelle extérieure, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat le présent projet de loi au mois de juillet 2009, répondant ainsi au souhait unanime des membres de ces deux commissions, majorité et opposition confondues.
Exactement un an après, nous arrivons au terme – je l’espère – d’un long processus qui devrait être salutaire pour notre diplomatie culturelle et d’influence.
Je voudrais revenir sur les principales innovations introduites par nos collègues députés et validées par la commission mixte paritaire.
Par souci de cohérence, l’Assemblée nationale a recentré l’établissement public succédant à CampusFrance et l’association Égide sur leur cœur de métier commun, à savoir la promotion de l’enseignement supérieur français et le soutien à la mobilité des étudiants et des chercheurs étrangers. Ce nouvel établissement public conservera le nom « Campus France », déjà bien connu des étudiants et chercheurs étrangers.
L’expertise technique internationale ne reste pas pour autant abandonnée sur le chemin, puisque par le biais d’un amendement gouvernemental a été créé un établissement public spécifique se substituant à France Coopération Internationale. La cohérence du dispositif est ainsi préservée. Nous nous rapprochons d’ailleurs du modèle allemand, qui a fait ses preuves et se révèle particulièrement compétitif, en s’appuyant lui aussi sur un opérateur spécifique pour l’accueil des étudiants et chercheurs étrangers, le DAAD, ou Deutscher Akademischer Austausch Dienst, et sur un autre opérateur réservé à l’expertise technique internationale, le GTZ, ou Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit.
Le nouvel opérateur, chargé de la mobilité universitaire et scientifique, restera placé sous la double tutelle des ministères des affaires étrangères et de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui devrait faciliter le transfert des activités internationales du CNOUS à Campus France dans un délai d’un an. Nous tenons particulièrement à cet engagement.
Je rappelle que l’établissement public Campus France aura vocation à faire l’interface entre les viviers d’étudiants étrangers détectés par notre réseau diplomatique et culturel et le CNOUS, chargé d’assurer leur accueil et leur hébergement en France. La double tutelle des ministres des affaires étrangères et de l’enseignement supérieur et de la recherche sur Campus France, ainsi que la présence, au sein de son conseil d’administration, de représentants des étudiants et des conférences de chefs d’établissement d’enseignement supérieur devraient ainsi garantir la cohérence du dispositif.
Je me félicite d’une précision apportée par la commission mixte paritaire. Elle a souligné à quel point il était important que le futur opérateur soit attentif à l’orientation des élèves étrangers scolarisés dans nos établissements français à l’étranger. Ces ressortissants étrangers, dont les résultats au baccalauréat sont bien souvent excellents, constituent un vivier de talents et d’intelligences ; leur lien avec la France doit être impérativement préservé tout au long de leur cursus universitaire.
Si nous ne leur prêtons pas toute l’attention qu’elles méritent, ces élites étrangères continueront d’être happées par les universités anglo-saxonnes, particulièrement offensives. Car telle est bien là la qualité dont nous devons faire preuve : être offensifs, et, surtout, ne plus subir le classement de Shanghai…
L’établissement public pour l’action culturelle extérieure prendra le nom d’« Institut français ». Selon moi, cette dénomination devrait permettre un rapprochement et des partenariats plus aisés avec les alliances françaises, en raison de la proximité de leurs logos. Cette appellation a également le mérite de respecter les gloires locales francophones dont le nom figure bien souvent sur les frontons de nos instituts et centres culturels français à l’étranger.
La commission mixte paritaire a validé un mode de gouvernance stratégique ambitieux et responsable pour l’ensemble des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France. Les conditions de l’exercice de leur tutelle, à Paris comme à l’étranger, de l’élaboration de leurs stratégies respectives et de leur contrôle par le Parlement seront considérablement renforcées. Je souligne, en particulier, que l’autorité des ambassadeurs a vocation à mieux s’affirmer sur les antennes de ces établissements à l’étranger, afin de garantir la cohérence d’ensemble de notre politique extérieure.
Je me félicite du climat de concertation qui a régné tout au long de l’examen de ce projet de loi. Les commissions de la culture et des affaires étrangères ont travaillé main dans la main pour redonner d’une part, une ambition à notre diplomatie culturelle et, d’autre part, confiance aux agents de notre réseau culturel. Je remercie notamment M. le président de la commission des affaires étrangères de la volonté, maintes fois affirmée, de travailler en étroite liaison avec la commission de la culture.
Je souhaite également remercier nos collègues de l’opposition, dont les remarques constructives ont permis d’améliorer le texte. Ils ont ainsi démontré que l’attachement à notre diplomatie culturelle dépassait les clivages politiques. À ce titre, je souligne que les inquiétudes relatives aux moyens de notre action culturelle extérieure sont partagées par l’ensemble des groupes, en particulier dans un contexte budgétaire aussi restreint.
Certes, le texte qui nous est soumis est ambitieux. Toutefois, il est indispensable que cette ambition se traduise par la mise à disposition de moyens budgétaires à la hauteur des défis, dès l’examen du projet de loi de finances pour 2011.
Vous le constatez, monsieur le ministre : la représentation nationale entend vous aider.
Mes chers collègues, je vous encourage à adresser un signal fort à notre réseau diplomatique et culturel à l’étranger en adoptant les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons aujourd’hui à une étape importante de la plus ambitieuse réforme de la diplomatie d’influence présentée par le Gouvernement depuis des décennies et qui verra le jour grâce à vous.
Je me souviens très bien en avoir entendu déjà parler dans les années quatre-vingt-dix, alors que j’étais secrétaire d’État auprès de Roland Dumas. Vous, mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez sans doute la réaliser.
Cette réforme n’a absolument rien d’idéologique. Elle était devenue une nécessité. La France avait face à elle des concurrents, au sens propre du terme : l’Institut Goethe, l’Institut Cervantes, le British Council, l’institut chinois notamment, et ne pouvait donc pas demeurer sans rien faire.
De plus, cette nécessité s’affirme d’autant plus que va être créé un service européen d’action extérieure, sur proposition du Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui n’exercera cependant pas la prérogative de la représentation culturelle européenne.
Lorsque, dans quelques mois ou quelques années, la représentation européenne sera réelle et forte en Europe comme dans le monde, notre diplomatie d’influence ne s’en trouvera pas mieux. Elle devra se battre avec ses propres forces et la lutte se livrera entre les agences française, britannique, espagnole et allemande.
La création de l’Institut français permettra à notre pays d’intervenir. Est en jeu le rayonnement de nos valeurs. Nous devons présenter non seulement la tradition française, mais aussi la création française et peut-être l’avant-garde, grâce à votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs. Je vous remercie de la façon tout à fait assez exceptionnelle dont vous avez travaillé avec le Gouvernement.
Il fallait que la France se dote d’outils nouveaux – tel sera le cas – et dispose d’opérateurs modernes et efficaces. J’espère qu’elle les aura.
L’Institut français va représenter la diplomatie française renouvelée.
L’argument budgétaire a été avancé afin de refuser l’adoption du présent projet de loi. Mais les textes comportent-ils forcément les crédits nécessaires à leur mise en œuvre ?... J’ai enrayé la chute des crédits culturels affectés à mon ministère et j’ai trouvé les moyens – peut-être sont-ils cependant insuffisants – nécessaires à l’Institut français pour mener à bien sa politique, probablement à partir du 1er janvier 2011. Tout comme vous, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, je veillerai à cet aspect financier.
Par ailleurs, pour la première fois, l’Institut français travaillera étroitement avec les alliances françaises. Une convention, en cours d’élaboration, sera signée dans quelques semaines et portera sur 650 points, non de vente, mais de mise en œuvre de notre politique culturelle. Nous avons déjà le logo, presque le papier à lettres (Sourires.) …
M. Didier Boulaud. C’est Byzance !
M. Bernard Kouchner, ministre. Ne manque que la signature.
D’aucuns regretteront de ne pas avoir soutenu une bonne démarche.
La nouvelle agence bénéficiera d’un effort budgétaire sans précédent ; bien sûr, j’aurais souhaité qu’il fût encore plus élevé. Ainsi, pour la première fois également, 4 000 personnes bénéficieront d’une formation dans la nouvelle action culturelle ; 300 agents sont d’ores et déjà concernés.
M. Robert Hue. Ils ne savent pas ce qu’ils vont devenir !
M. Bernard Kouchner, ministre. Enfin, l’agence bénéficiera aussi de la stratégie rénovée que j’ai souhaité donner à la diplomatie d’influence. En proposant sa création, j’ai fait le pari que l’on pouvait faire travailler ensemble les diplomates et les milieux culturels, et c’était peut-être le plus difficile.
À mots couverts, vous avez tous évoqué les difficultés que nous avions rencontrées et que nous ne cessons de croiser chaque jour, mais je pense qu’elles s’aplaniront.
Le mariage capital aura lieu, au sein de l’Institut français, entre les professionnels des milieux culturels et les diplomates.
L’autorité des ambassadeurs recevra, grâce à vous, une reconnaissance législative. Il leur revient de remplir leur nouvelle mission avec cet établissement public. Ceux qui commencent à comprendre que le présent projet de loi est fait non pas contre la diplomatie, mais avec et pour elle, ont fait preuve de beaucoup de bonne volonté.
Vous avez parlé de Campus France, je n’y reviens pas.
Je voudrais maintenant insister sur la faculté, et non l’obligation – je le dis solennellement devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs –, de remboursement des frais liés à des opérations de secours à l’étranger.
Tout d’abord, contrairement à tous les autres pays, la France s’honore de s’engager chaque fois à faire revenir sur son sol ses citoyens retenus à l’étranger ou en danger.
Certains se demandent quelle est la raison d’être de l’article 13 du présent projet de loi puisque, de toute façon, l’État agit déjà. Oui, mais nous voulons que les agences de voyage et les touristes soient informés des dangers du monde actuel et qu’ils assument ces risques en connaissance de cause.
Par ailleurs – ce point est sans doute le plus important car il est difficile à comprendre – cet article dispose très clairement que les journalistes, les humanitaires et d’autres personnes qui sont amenés à se déplacer pour des raisons professionnelles ne seront pas concernés par cette faculté de demande de remboursement, y compris les journalistes Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière retenus actuellement en Afghanistan. D’ailleurs, nous le prouvons suffisamment avec le centre de crise du Quai d’Orsay qui travaille jour et nuit afin de porter secours à nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir prêté attention à ces précisions tant est grande la désinformation… La désinformation politique est une vieille tradition dans notre pays. Bien que les journalistes ou les humanitaires soient nécessairement appelés à prendre des risques, jamais ils ne feront partie des personnes qui en prennent pour rien ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Françoise Laborde. Cela va mieux en le disant !
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la lecture des conclusions, au caractère souvent formel, de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État nous permet d’évoquer de nouveau les enjeux fondamentaux auxquels est confrontée notre diplomatie.
Les débats au Sénat, pour importants qu’ils aient été – je félicite vivement les présidents des commissions des affaires étrangères et de la culture qui y ont beaucoup contribué –, n’avaient suscité que peu d’intérêt à l’extérieur.
Mais lundi dernier, ceux qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, au cours desquels le texte a pourtant été peu modifié, ont connu un regain d’actualité médiatique.
La tribune très critique d’Alain Juppé et d’Hubert Védrine, les déclarations d’un ancien ambassadeur au Sénégal, vos propres déclarations et votre article, monsieur le ministre, ainsi que la situation de nos deux journalistes retenus en otage en Afghanistan ont replacé la discussion du présent projet de loi dans le contexte plus général de la véritable crise d’identité que traverse notre diplomatie.
Lundi dernier, monsieur le ministre, vous avez de nouveau tenté de convaincre que votre projet de loi était à la hauteur de votre ambition de réformer en profondeur notre diplomatie d’influence.
Le texte issu de la commission mixte paritaire apporte peu de modifications, en tous les cas pas sur le fond. C’est pourquoi souligner le vote unanime de la commission mixte paritaire n’a pas grande signification, la plupart des modifications étant de pure forme. De ce fait, toutes les critiques que j’avais pu formuler lors de la première lecture demeurent, en particulier concernant le choix du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC, pour l’opérateur culturel.
Le texte sur lequel nous devons nous prononcer n’apporte toujours pas de réponse satisfaisante aux grands défis auxquels doit faire face notre diplomatie culturelle : toujours pas de stratégie claire et définie. Malgré vos dénégations, les moyens demeurent très insuffisants et, il faut bien le dire, nos agents en poste à l’étranger manifestent une réelle inquiétude, sinon du découragement.
L’objectif inavoué de votre réforme est de réaliser des économies dans ce domaine régalien et de désengager financièrement l’État d’une partie de ses activités diplomatiques.
C’est peut-être ce point qui permet de mieux percevoir le manque d’ambition de cette réforme, qui reposera, en fait, sur une réduction progressive des moyens, tant accordés à la formation des personnels à l’étranger que délégués à des opérateurs extérieurs pour mener l’action de l’État.
Le cœur de votre projet consiste à transférer la mise en œuvre des actions culturelles et de coopération internationale à deux nouveaux opérateurs ayant le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial. Soit ! Mais comment croire à l’efficacité de ces EPIC quand on connaît la baisse constante des crédits d’intervention depuis de nombreuses années ?
L’expérience et les faits nous enseignent, par exemple, que l’action culturelle et scientifique est depuis longtemps la variable d’ajustement permettant à notre diplomatie d’atteindre les objectifs de réduction des dépenses fixés par la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Ainsi, les crédits que vous aviez consacrés au programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l’État » ont baissé de 10 % entre 2005 et 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % cette année.
Certes, j’ai bien noté que, lors du débat à l’Assemblée nationale, vous vous étiez montré satisfait des arbitrages de Matignon sur vos crédits et que vous vous êtes particulièrement félicité des 60 millions d’euros supplémentaires obtenus pour la réforme de l’action culturelle extérieure. Or, si j’ai bien compris, cette somme comprend ce qui a déjà été engagé en 2010 ! Je crains cependant que ce rattrapage ne soit très insuffisant pour enrayer notre perte d’influence dans ce domaine et réussir votre réforme.
Dans un tel contexte, il sera en tout état de cause bien difficile de redonner confiance à l’ensemble des personnels, et le succès de l’Institut français sur la scène internationale risque d’être assez limité.
La discussion à l’Assemblée nationale et le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire ne m’ont pas non plus persuadé de la souplesse et de l’efficacité que le statut d’EPIC conférerait à cet organisme.
Sans cependant adopter une position idéologique et dogmatique ni faire preuve d’intégrisme pour le service public, je reste profondément convaincu que ce statut servira inévitablement à accompagner une baisse des dotations de l’État.
Le choix du statut d’EPIC pour l’opérateur culturel enclenche une logique de réduction du financement de l’État et l’obligation pour cet établissement de retirer une part significative de ses ressources du produit de ses propres prestations.
Le choix du statut d’EPIC plutôt que celui d’établissement public à caractère administratif, ou EPA, que nous avions proposé en première lecture, est pour le Gouvernement une manière de se désengager financièrement, afin, en réalité, de réduire les subventions de l’État et de parvenir, à terme, à l’autofinancement de cet opérateur.
Je reste convaincu de ce risque de désengagement de la puissance publique dans ce domaine et du danger de l’introduction progressive d’intérêts marchands privés par le biais des financements recherchés, notamment avec le mécénat.
Le statut d’EPIC, soumis au droit privé, est aussi moins rigoureux et moins protecteur pour le personnel. En termes de statut, il ne permettra pas d’intégrer dans des conditions satisfaisantes les nombreux fonctionnaires du ministère des affaires étrangères.
L’opérateur culturel étant un établissement public chargé d’une mission de service public culturel, lui octroyer le statut d’établissement public à caractère administratif aurait également été préférable, car ce dernier garantit mieux les financements consacrés par l’État à ce type d’activités. Ce choix aurait donc été une solution plus conforme à la vocation de cet établissement.
Ce statut aurait permis en outre de rassurer les personnels, dont l’adhésion sera indispensable pour rattacher le réseau culturel à l’Institut français.
Monsieur le ministre, bien qu’il n’ait pas de rapport immédiat avec notre diplomatie culturelle, je voudrais également aborder un autre sujet qui, ces derniers jours, a beaucoup alimenté la chronique. Je veux parler de cette disposition controversée – vous venez de l’évoquer – prévoyant le remboursement à l’État des dépenses engagées lors d’opérations de secours à l’étranger,…
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Nous y sommes !
M. Robert Hue. … ce que vous avez appelé la « responsabilisation de nos ressortissants ».
Lors de la première lecture, je m’étais déjà inquiété des propos déplacés de l’ancien chef d’état-major des armées et du secrétaire général de l’Élysée sur l’imprudence d’Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, ainsi que sur le coût des opérations menées par nos armées pour tenter de les sauver des mains de leurs ravisseurs afghans.
Je crains que la formulation trop générale de l’article 13 du projet de loi et son imprécision juridique concernant la légitimité des risques ne le rendent impossible à appliquer avec le discernement nécessaire.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Que n’ont-ils voté contre en commission mixte paritaire !
M. Robert Hue. Mais je crois surtout que, au fond, tout cela n’est qu’un autre moyen pour le Gouvernement de se désengager financièrement et de faire des économies, une autre manière pour l’État de ne pas assumer ses devoirs de solidarité, une autre façon, enfin, de privatiser les questions de sécurité en les livrant aux assureurs.
Non, vraiment, votre réforme n’est pas à la hauteur de la nécessaire adaptation de votre ministère aux nouveaux défis et acteurs sur la scène internationale dont vous nous parlez. Faute de moyens appropriés, et peut-être de réelle ambition, elle ne pourra pas enrayer l’affaiblissement sans précédent des réseaux diplomatiques et culturels de la France qu’ont évoqué MM. Alain Juppé et Hubert Védrine dans leur tribune.
Les quelques arbitrages favorables que vous avez obtenus dans le domaine spécifique de l’action culturelle ne compenseront pas la longue amputation des moyens financiers et en personnels que connaît votre ministère.
Je redoute malheureusement quelques mauvaises surprises quand vous nous présenterez le détail de l’enveloppe globale affectée à votre ministère.
Je crois d’ailleurs pouvoir affirmer sans me tromper que les crédits de l’aide au développement, à laquelle nous sommes particulièrement attachés et qui concourt aussi au rayonnement de la France dans le monde, seront à nouveau en régression.
C’est dans ce contexte particulier, et parce que nous pensons que vous n’avez pas réellement obtenu les moyens de réussir cette réforme, que les membres du groupe CRC-SPG voteront, comme en première lecture, contre ce projet de loi. (M. Didier Boulaud applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus à l’ultime étape parlementaire de ce projet de loi, tant attendu, relatif à l’action extérieure de l’État. J’ai envie de dire que nous revenons de loin… mais que, malheureusement, on ne nous a pas donné la possibilité d’aller encore plus loin !
Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le texte qui nous est présenté cet après-midi a été adopté par la majorité, l’opposition – les groupes socialiste et CRC-SPG - s’étant pour sa part abstenue. Il est sans commune mesure avec celui qui avait été adopté par le conseil des ministres et déposé sur le bureau du Sénat voilà un an. Les travaux effectués en commission et en séance publique par chacune des deux assemblées nous ont en effet permis de donner un peu de chair et de sang à ce texte initialement exsangue.
Pourtant, la déception demeure au regard de l’espoir qu’ont fait naître vos discours, monsieur le ministre. Certes, vous avez, si vous me permettez l’expression, « débloqué la machine » enrayée, en réaction au constat inquiétant sur la vitalité de notre diplomatie culturelle, et nous vous reconnaissons volontiers le mérite d’être à l’origine de ce projet de loi. Seulement, nombre des préconisations issues des multiples travaux qui se sont déroulés en divers lieux, en particulier au sein de la Haute Assemblée, n’ont pas été reprises.
Notre collègue Yves Dauge, alors député, tirait la sonnette d’alarme voilà près de dix ans déjà. Depuis, les auteurs de nombreux rapports et avis budgétaires ou rapports d’information – je ne citerai que celui de nos collègues MM. Legendre et de Rohan, adopté à l’unanimité par les commissions de la culture et des affaires étrangères, dont ils sont les présidents respectifs –, n’ont eu de cesse de réclamer un nouveau souffle pour une réforme réellement ambitieuse de notre politique culturelle extérieure, véritable et efficace diplomatie culturelle de la France.
Il en va de même de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, comme peuvent d’ailleurs en témoigner tous mes collègues sénateurs des Français établis hors de France, qui sont aussi membres de droit de cette instance.
Je puis également assurer que de nombreux Français établis hors de France, ayant une parfaite connaissance du réseau culturel à l’étranger, ont pris ce sujet à bras-le-corps et ont formulé de très intéressantes propositions.
Hélas, le texte reste bien en deçà des espérances suscitées !
Dans de telles conditions, nous ne pouvons que déplorer que votre gouvernement, monsieur le ministre, ait une nouvelle fois engagé la procédure accélérée. La seconde lecture dont le Parlement est ainsi privé aurait assurément été extrêmement bénéfique. Il est vrai que M. Darcos, futur président de l’Institut français, a été nommé voilà déjà plus d’un mois, très exactement lors du conseil des ministres du 7 juin, ambassadeur, « chargé de mission pour l’action culturelle extérieure de la France » : maintenant, bien sûr, il faut aller vite !
À l’origine, la principale ambition de ce texte était de créer une grande agence culturelle à laquelle se serait raccordé l’ensemble du réseau culturel français à l’étranger. Vos ambitions, monsieur le ministre, ont vite été revues à la baisse – mais pas celles des parlementaires !
Ainsi, je me félicite que nos collègues de l’Assemblée nationale aient introduit dans le projet de loi des dispositions que notre groupe avait vainement proposées lors de l’examen du texte par le Sénat.
Je pense, par exemple, à l’objectif de la fusion du réseau culturel de la France à l’étranger, composé de quelque 140 établissements, avec l’établissement public Institut français : le texte, cette fois, l’envisage clairement. L’article 6 ter précise en effet qu’au moins dix missions diplomatiques constituant un échantillon représentatif de la diversité des postes vont conduire une expérimentation durant trois ans et que chaque année, durant ce laps de temps, le Gouvernement présentera un rapport d’évaluation des résultats devant le Parlement.
Cette réforme avait pour ambition claire de rendre plus cohérente et donc plus convaincante, plus conquérante, notre action culturelle extérieure. Par conséquent, il importe que l’Institut français, basé à Paris, et chacun des instituts et centres culturels se nourrissent mutuellement de leurs réflexions, choix stratégiques et choix de programmation. Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que, pour « emporter vers notre culture », pour susciter ce désir de France que nous souhaitons tant voir naître, il faut d’abord s’ouvrir aux autres, développer sa capacité d’écoute, accepter de découvrir de nouvelles choses et de se laisser surprendre, et donc donner aux directeurs des centres toute latitude pour programmer également des artistes locaux et promouvoir ainsi la culture du pays d’accueil.
Par ailleurs, et toujours afin de parvenir à la meilleure coordination possible entre « la tête et les jambes », nos collègues de l’Assemblée nationale ont encore amélioré l’article 6, déjà utilement complété par les sénateurs, pour ce qui concerne la formation et le recrutement des agents.
Nos universités forment d’excellents cadres de l’action culturelle, désireux de servir les intérêts de la France à l’étranger. Mais pour satisfaire ce désir, encore faut-il offrir les possibilités de carrière auxquelles ces jeunes aspirent légitimement. Or jusqu’à présent, je n’ai pas peur de l’affirmer, il est très difficile de faire carrière dans le réseau culturel à l’étranger, sauf à être diplomate, mais, alors, le réseau culturel est, reconnaissons-le, souvent choisi par défaut, en attendant mieux.
Les deux mots formant l’expression « diplomatie culturelle » sont importants. On ne dirige pas un institut ou un service de coopération et d’action culturelle, ou SCAC, sans une formation adéquate. Il faut donner à tous ceux – et ils sont nombreux – qui souhaitent s’orienter vers cette filière une formation spécifique et leur offrir des perspectives de carrière suffisamment attrayantes, tant à l’intérieur du réseau qu’au sein de la nouvelle agence.
Le droit de regard dont disposera l’Institut français sur la nomination et la carrière des personnels du réseau augmentera, nous l’espérons, les chances de parvenir à une gestion harmonieuse des ressources humaines.
Cela étant dit, le choix du statut de l’Institut français ne favorisera, je le crains, ni les possibilités de passerelles au cours de la carrière entre la nouvelle agence et le réseau ni, plus généralement, la fameuse synergie recherchée. Et je nourris de profondes inquiétudes quant aux difficultés et au coût de leur fusion future, pourtant indispensable.
En effet, l’Institut français sera un EPIC, et non un EPA, au même titre que l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, le Louvre, le musée d’Orsay, le Centre Pompidou, notamment.
Symboliquement, le choix de ce statut a une portée très forte. Il sous-entend une conception de la culture gérée de manière commerciale, animée par la recherche première du profit et donc de financements privés.
M. Robert Hue. Très bien !
Mme Claudine Lepage. Prenons garde à la privatisation du réseau culturel français et, de ce fait, à l’abandon du positionnement de la France en termes d’exception culturelle !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Vous n’arrêtez pas de demander des mécénats !
Mme Claudine Lepage. Formons également le souhait que cet EPIC soit un véritable relais entre notre réseau culturel à l’étranger et l’État. Mais n’oublions pas qu’il revient toujours à ce dernier de jouer le rôle de stratège. Or l’absence de ce pilotage stratégique depuis tant d’années a contribué à la situation actuelle.
À cet égard, la mise en place, à la demande des sénateurs, d’un conseil d’orientation stratégique est encourageante, même si, comme le préconisaient MM. de Rohan et Legendre dans leur rapport d’information, la création d’un secrétariat d’État chargé de la francophonie et des relations culturelles extérieures eût été encore plus pertinente.
Mais il est vrai que la récente création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, AEF, a révélé combien l’État pouvait, sans scrupule aucun, abdiquer tout rôle de pilotage dans ce domaine.
C’est pourquoi nous nous réjouissons de la compétence attribuée au conseil d’orientation stratégique, à la demande des députés cette fois, en matière d’audiovisuel extérieur. L’audiovisuel est en effet l’un des principaux vecteurs de diffusion de la culture française à l’étranger et doit, à ce titre, évidemment être intégré à la réflexion globale sur l’action culturelle extérieure de la France
La présentation devant l’Assemblée des Français de l’étranger du rapport annuel des trois établissements publics créés par le projet de loi avait été supprimée par l’Assemblée nationale. Je me félicite que l’AFE retrouve toute sa compétence dans ce domaine, grâce à l’adoption d’amendements déposés tant par la majorité que par l’opposition sénatoriales.
Je souhaite maintenant aborder brièvement la situation de l’Alliance française. Le texte prévoit seulement que « l’Institut français collabore [...] avec [...] les institutions de création et de diffusion culturelle françaises et étrangères, ainsi qu’avec des partenaires publics et privés, dont les alliances françaises. » Que dire du silence assourdissant sur les modalités de cette collaboration ?
Mme Claudine Lepage. Il semblerait, monsieur le ministre, qu’un nouveau logo soit en cours de préparation.
Je ne m’attarderai pas sur la modification apportée par les députés à l’article 1er. Ce dernier, définissant le rôle et l’autorité de l’ambassadeur sur les services extérieurs de l’État, donnera, en pratique, plus d’autonomie à l’AFD.
Je ne m’attarderai pas non plus sur la séparation, bienvenue, de l’Agence française pour la mobilité et l’expertise internationales, chargée de l’accueil des étudiants, en deux agences : France expertise internationale et Campus France. Mon collègue Richard Yung reviendra sur ces points.
Je relèverai simplement que ce nouveau dispositif, en plaçant Campus France sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et de celui de l’enseignement supérieur, permettra l’association progressive du CNOUS. Je me félicite, par ailleurs, que l’aide à la délivrance des visas et à l’hébergement des étudiants étrangers relève désormais de Campus France.
Ainsi, le présent projet de loi, au départ totalement indigent, a-t-il été étoffé au fil des discussions parlementaires, certes tronquées.
Pour autant, satisfait-il aux exigences d’une véritable ambition pour un renouveau de l’action extérieure de l’État ? Non, je le crains, pour une raison qui surpasse peut-être toutes les autres : l’insuffisance des moyens financiers qui lui sont consacrés.
Certes, nous avions beaucoup d’illusions sur cette réforme tant attendue. La phrase d’Alexandre Dumas trouve ici tout son sens : « Une illusion de moins, c’est une vérité en plus ». En effet, la vérité, la réalité implacable, c’est que l’État ne se donne pas les moyens d’une politique culturelle extérieure ambitieuse !
Les seuls chiffres suivants suffisent à le démontrer : les crédits affectés au programme « Rayonnement culturel et scientifique » diminuent encore et toujours : baisse de 10 % en 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % en 2010. De surcroît, le ministre du budget annonce une diminution des crédits du ministère des affaires étrangères de 5 % en 2011, de 7,5 % en 2012 et de 10 % en 2013.
Je ne peux pas passer sous silence les propos de MM. Alain Juppé et Hubert Védrine qui tirent aussi la sonnette d’alarme. Leur conclusion est sans appel : « Il faut adapter l’appareil diplomatique [...], mais cesser de l’affaiblir au point de le rendre d’ici à quelques années incapable de remplir ses missions, pourtant essentielles. » Sauront-ils mieux se faire entendre ? C’est ce qu’espèrent les membres du groupe socialiste.
Dans cette attente, et comme ils l’ont fait lors de la commission mixte paritaire, ils s’abstiendront sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Courage, courage !
6
Demande d'avis d'une commission sur un projet de nomination
M. le président. Par lettre en date du 12 juillet 2010, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître, conformément à la loi organique relative à la nomination des présidents des sociétés audiovisuelles, et à l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat sur le projet de nomination par M. le Président de la République de M. Rémy Pflimlin aux fonctions de président de la société France Télévisions.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui se réunit à seize heures trente.
Acte est donné de cette communication.
7
Action extérieure de l'État
Suite de la discussion et adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président. Nous reprenons l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis déjà de nombreuses années, le Parlement – le Sénat en particulier – appelle de ses vœux une réforme de la diplomatie culturelle de notre pays.
En effet, comme l’explique Maurice Vaïsse dans l’ouvrage La puissance ou l’influence ? paru en 2009, la France doit composer entre une diplomatie de puissance, difficile à mener face aux poids lourds américains ou chinois, et une diplomatie d’influence comprenant des orientations stratégiques fondées sur la promotion de la culture à l’étranger.
Toutefois, notre diplomatie culturelle traverse une crise, dans un contexte marqué par la mondialisation, par la montée en puissance sur la scène internationale de plusieurs pays émergents et par de fortes contraintes budgétaires.
Malgré le présent projet de loi, on peut s’interroger, monsieur le ministre, sur les moyens consacrés à notre action culturelle et technique à l’étranger.
Nous arrivons au terme de l’examen de ce texte, qui demandait d’ailleurs davantage de temps que ne le permet la procédure accélérée engagée, et nous craignons de voir nos espoirs déçus en ce qui concerne le rayonnement de notre pays.
Afin de renforcer l’influence de la France hors de ses frontières, il est proposé de créer trois grands opérateurs : une agence chargée de l’action culturelle extérieure, l’Institut français, une agence pour la mobilité étudiante internationale, Campus France, et une agence pour l’expertise internationale, France expertise internationale. Ces trois opérateurs prendront la forme d’EPIC et interviendront en cohérence avec la création, au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, d’une direction de la mondialisation.
Alors que les autres pays renforcent les moyens consacrés à leur diplomatie d’influence, à l’image du Royaume-Uni avec le British Council, de l’Allemagne avec les instituts Goethe, de l’Espagne avec les instituts Cervantes, mais aussi de la Chine avec les instituts Confucius, et au moment où la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a fait de la diplomatie dite « de l’intelligence », ou smart power, une priorité de sa politique étrangère, la France doit rester fidèle à sa vocation universelle.
Ainsi, comment expliquer que notre pays soit le seul à réduire drastiquement les moyens consacrés à son rayonnement culturel et linguistique ? Cette situation ne peut qu’inquiéter.
Historiquement, notre pays a pourtant été le premier à mettre en place une diplomatie d’influence. Faut-il le rappeler, en 1883, au lendemain de sa défaite face à la Prusse en 1870, il a décidé de mettre en place ce magnifique réseau des alliances françaises qui joue un rôle majeur dans la promotion de notre culture et de notre langue hors de nos frontières.
Aujourd’hui encore, la France dispose du réseau culturel le plus dense et le plus étendu. Mais il suffit de se rendre dans nos ambassades, dans nos centres ou instituts culturels, ou même de voyager à l’étranger pour constater la faiblesse croissante des moyens dont disposent nos diplomates, nos conseillers culturels, nos directeurs d’institut et de centre culturel, ainsi que l’ensemble des personnels de notre diplomatie culturelle, à l’engagement et au dévouement desquels les membres du groupe RDSE rendent l’hommage qu’ils méritent : ils ne peuvent plus ni compenser ni supporter le rétrécissement des crédits et les suppressions de postes.
Comment s’étonner, dans ce contexte, que partout l’usage de notre langue et la présence de la culture française diminuent, y compris dans des zones d’influence traditionnelle de notre pays, comme en Europe centrale et balkanique, au Maghreb et même en Afrique francophone ? De ce fait, la francophonie – je rappelle à cet égard que l’Organisation internationale de la francophonie fête cette année son quarantième anniversaire –, pourrait bien n’être qu’un vague souvenir. J’observe également que cette situation coïncide avec l’abandon de notre politique arabe ou de notre politique africaine.
Le projet de loi affichait de grandes ambitions, mais nos attentes ont été déçues et l’on peut s’inquiéter du sort du rayonnement de la France. Il se contente, par exemple, de transformer le statut de CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial dont l’objectif initial était d’aller vers la diminution, voire la suppression, de tout financement public en incitant les opérateurs à mener des activités lucratives. On est donc loin de la réforme d’ampleur souhaitée !
Heureusement, la commission des affaires étrangères du Sénat a réintroduit les dotations de l’État, que le présent projet de loi avait écartées, et les a inscrites au premier rang des ressources des nouveaux établissements publics. Mais au regard de la dégradation des crédits affectés au ministère des affaires étrangères et européennes, on peut douter de l’effectivité et de la portée de cette correction.
En outre, les sénateurs du groupe RDSE considéraient comme plus adapté le statut d’établissement public à caractère administratif à l’égard d’un établissement public chargé de la culture.
J’en viens maintenant à l’attractivité du système universitaire français. Le nombre des étudiants étrangers accueillis dans l’enseignement supérieur, au sens large, est passé de 160 000 en 1999 à 266 000 en 2008.
Toutefois, la France accueille un nombre trop faible d’étudiants étrangers en provenance des grands pays émergents, comme l’Inde, la Russie ou le Brésil. Dès lors, la plupart des futurs cercles dirigeants de ces pays auront une culture anglo-saxonne. Il en résultera, hélas, la mise à l’écart durable de la France sur la scène culturelle internationale, ainsi que la modification profonde des liens diplomatiques à la défaveur de notre pays.
Nous sommes largement devancés par le Royaume-Uni et l’Allemagne. Il faut dire que les moyens de promotion de Campus France sont dérisoires comparés à ceux du British Council ou de l’Institut Goethe.
En effet, le budget consacré par la France à son rayonnement culturel a connu, ces dernières années, une forte diminution, et tout laisse à penser que le budget du ministère des affaires étrangères ainsi que les effectifs de ce dernier vont continuer encore à subir des coupes claires au cours des prochaines années...
Monsieur le ministre, votre budget est pris en tenaille entre la révision générale des politiques publiques et les contributions internationales, qui connaissent, quant à elles, une hausse exponentielle. Le montant total des contributions internationales versées par la France s’élève à plus de 740 millions d’euros.
Mme Nathalie Goulet. Heureusement !
Mme Françoise Laborde. À titre de comparaison, je rappelle que l’ensemble des moyens consacrés à notre action diplomatique, au sens strict, ne représente que 90 millions d’euros. On peut donc s’interroger.
Ce n’est pas en réduisant la multiplicité de nos opérateurs que l’on remédiera à la disparition progressive de la France sur la scène internationale. Cependant, une chose est sûre : mieux vaut ne pas engager de réformes précipitées si les moyens ne suivent pas dans le projet de budget pour 2011 ! Ce serait ajouter la confusion à la disette ! Il convient de n’entreprendre des réformes que lorsque ces dernières sont susceptibles de tenir leurs promesses et de relever les défis pour lesquels elles ont été élaborées !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. On ne réformerait pas souvent !
Mme Françoise Laborde. Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, ne saurait, à lui seul, tenir lieu de réponse à la crise qui frappe notre diplomatie culturelle.
En revanche, les membres du groupe RDSE se réjouissent que le nom « Institut français » ait été retenu, à l’image de la dénomination « British Council ».
Par ailleurs, la disposition relative au remboursement des frais engagés par l’État pour le sauvetage de Français s’étant délibérément exposés à un danger dans un pays étranger prévue à l’article 13 nous inquiète.
Aux termes de cet article, cette mesure ne s’appliquera pas aux personnes ayant un « motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence ».
À la place de cette exception assez vague et sujette à de mauvaises interprétations, nous aurions souhaité que les journalistes et les humanitaires figurent clairement parmi les personnes non concernées par cette disposition, afin que notre pays affiche fermement son soutien à ces professions et sa solidarité inébranlable envers les journalistes régulièrement retenus en otage dans des zones instables et dangereuses de la planète.
Dans la mesure où le présent projet de loi ne semble pas être de nature à relever les défis colossaux que nécessite la relance de la diplomatie culturelle de la France, je m’abstiendrai, à l’instar d’une grande majorité des sénateurs du groupe RDSE. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin de session extraordinaire, je me réjouis que le présent projet de loi ait pour objet de renforcer notre rayonnement culturel dans le monde.
Avant tout, je tiens à saluer, au nom du groupe UMP, l’immense travail réalisé aussi bien lors d’auditions que de réunions de concertation par le président de la commission des affaires étrangères, Josselin de Rohan, et celui de la commission de la culture, Jacques Legendre, avant même que ce texte ait été déposé sur le bureau du Sénat.
Dans leur rapport d’information sur les enjeux de notre diplomatie culturelle, nos deux collègues ont très largement abordé la situation, esquissant des pistes de solution, dont on retrouve l’esprit dans ce projet de loi.
À ce travail préparatoire s’ajoute naturellement celui de M. le rapporteur, Joseph Kergueris, et de M. le rapporteur pour avis, Louis Duvernois, dont la tâche a été considérable.
Je ne m’attarderai pas sur la méthode, mais je tiens à faire part de notre satisfaction résultant des enrichissements successifs apportés à ce texte depuis la première lecture au Sénat.
Tout d’abord, le présent projet de loi est pragmatique en ce qu’il répond à l’esprit de réforme exprimé par le Président de la République dans le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.
Alors que les opérateurs et les établissements aux statuts divers et variés sont multiples, ce texte présente l’avantage de replacer l’ambassadeur au centre de notre diplomatie culturelle afin d’éviter l’émiettement des actions des uns et des autres.
C’est dans ce cadre que nous soutenons la création d’une seule agence chargée de développer la culture française en étroite coopération avec les autres opérateurs, qu’ils soient publics ou privés, notamment avec les alliances françaises.
L’agence devra fédérer et démultiplier les actions afin de mettre en place une logique d’influence et non plus une simple politique de rayonnement culturel.
En animant et en gérant tout le réseau culturel, l’Institut français remplira un double objectif : répondre à un besoin et à une « demande de France ». Il s’agit, à mes yeux, d’un premier pas vers la mise en place d’un soft power à la française. Aucun pays ne peut se targuer d’exercer une diplomatie d’influence s’il ne crée les conditions de nature à susciter l’envie de connaître sa culture, à fédérer autour de ses valeurs qu’il doit faire partager, et à devenir un modèle culturel de société pour les autres pays.
C’est aussi à ce titre que je me félicite de l’actuelle rédaction des articles 5 et 6 du projet de loi, qui mettent en place une véritable organisation de nos outils d’influence, ce dont nous avons vraiment besoin.
En séparant les missions de promotion de l’enseignement supérieur français, notre système universitaire et professionnel de la mission d’expertise internationale, nous contribuons à donner une meilleure lisibilité à notre action culturelle. Celle-ci se déclinera autour de deux nouveaux EPIC : Campus France et France expertise internationale.
Cette solution me paraît plus judicieuse et surtout plus claire que le choix initial portant sur la création de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales. En effet, l’expertise internationale doit faire l’objet d’une politique à part entière. Le rapport de Nicolas Tenzer sur le sujet ne laisse aucune équivoque.
L’expertise doit être considérée comme un levier de notre action extérieure. C’est pour cette raison que la transformation du groupement d’intérêt public France Coopération Internationale en EPIC me paraît une bonne chose, aussi nécessaire que visionnaire.
Enfin, pour ce qui concerne Campus France, il me semble important de souligner l’approche progressive et expérimentale retenue dans ce projet de loi.
En effet, l’association Égide et la section internationale du CNOUS seront à terme, à l’issue des derniers arbitrages ministériels, intégrées dans Campus France, lequel sera placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Toutefois, je forme le vœu que cette cotutelle ne nuise pas à l’instauration d’une véritable politique d’attractivité universitaire. La cotutelle doit être un avantage et non un handicap, comme nous avons pu si souvent le vérifier. Nous sommes attachés à cette clarification garante d’efficacité.
Notre action culturelle s’est parfois illustrée par un manque de pilotage stratégique clairement identifiable au plan tant interministériel qu’administratif.
En outre, je ne reviendrai sur l’article 14 du projet de loi, qui prévoit la possibilité pour l’État français d’exercer une action récursoire à l’encontre des opérateurs de transport ou autres voyagistes au cas où il devrait mener une opération de secours dans des zones considérées comme dangereuses au profit de ressortissants français, sauf pour vous faire part d’une précision.
Nous avons tous veillé à ce qu’il soit clairement indiqué dans la loi que les personnes s’étant rendues dans de telles zones pour un motif professionnel légitime ne sont pas concernées par cette disposition. Cette remarque vise toutes les catégories de personnes travaillant dans des pays dangereux, qu’il s’agisse des journalistes, des humanitaires, ou encore des chercheurs.
Dans ces conditions, je m’étonne que certains s’agitent au journal télévisé de vingt heures, profitant d’une certaine démagogie ambiante pour faire croire en un sempiternel « anti-journalisme » manifesté par les responsables politiques.
Plusieurs journalistes ont été pris en otage dans des pays en guerre, et ce depuis bien des années. Jamais l’État français ne les a oubliés ! Au contraire, il a toujours activé au maximum les services diplomatiques et les armées ; il agit en ce moment même en Afghanistan pour obtenir la libération des deux journalistes Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière. Mais est-il possible de rendre compte à la presse toutes les semaines de l’état d’avancement des travaux ?... Je ne le pense pas.
Je tenais à vous apporter aujourd’hui cette précision, mes chers collègues, car ce faux procès est plus que regrettable.
Enfin, sachez d’ores et déjà que les membres du groupe UMP du Sénat voteront cette réforme capitale pour notre action extérieure. Mais avant de conclure, je souhaite attirer votre attention sur un dernier point.
Monsieur le ministre, si nous souhaitons que notre pays rayonne et bénéficie pleinement des moyens lui permettant de jouir d’une diplomatie d’influence, nous devons considérer ce texte comme une première étape. Celui-ci doit s’inscrire comme une base juridique et administrative créant des conditions globales et organisationnelles. C’est un bon début. Mais, à l’avenir, il faudra être encore plus audacieux et, n’ayons pas peur des mots, plus offensifs si nous souhaitons que notre pays demeure un modèle culturel en tant que tel. Nous devrons faire preuve de créativité et d’inventivité pour exister. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État met en œuvre une réforme que nous attendions depuis longtemps. Il a l’ambition de créer les conditions nécessaires au renforcement de notre action culturelle à l’étranger et, par là même, du rayonnement international de notre diplomatie d’influence.
Le défi est majeur face à la concurrence d’institutions solidement implantées, telles que le British Council, l’Institut Goethe ou encore de nouveaux acteurs qui se développent rapidement ; je pense en particulier aux instituts Confucius.
L’ancienneté et la multiplicité des établissements constituant notre réseau font toute la richesse de ce dernier, mais sont aussi son talon d’Achille dans la mesure où ils peuvent remettre en cause sa visibilité.
Aujourd’hui, pour développer encore plus tout le potentiel de notre réseau, il importe de lui offrir une nouvelle impulsion en le dotant d’une véritable politique de coordination. C’est pour cette raison que je me réjouis, monsieur le ministre, de ce texte et des avancées qui ont été réalisées par les deux assemblées.
Mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur plusieurs d’entre elles qui me tiennent à cœur.
Le présent projet de loi crée trois établissements publics, Campus France, l’Institut Français et France expertise internationale, chargés respectivement de la valorisation de notre système d’enseignement supérieur, de la coopération culturelle et de la promotion de notre expertise technique. Il en définit très précisément les champs d’action et les missions, ce qui permettra une meilleure clarification des rôles et des objectifs de chacun.
Sur le plan du dispositif institutionnel, je me réjouis de la nouvelle rédaction de l’article 5, qui crée le nouvel EPIC Campus France, auquel est intégrée l’association Égide. Cet établissement est placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’enseignement supérieur et doté de moyens efficaces.
De même, le pilotage de l’Institut français se fera en coopération avec le ministère de la culture. Cette double direction est très importante.
En effet, la politique de rayonnement international ne peut plus reposer sur les mêmes vecteurs que voilà un siècle. Dans un contexte mondialisé, nous ne pouvons plus dissocier les politiques mises en œuvre sur le territoire français des actions conduites à l’échelon international.
Animée par le souci de renforcer notre politique d’influence à l’étranger, j’ai demandé que les conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger soient associés le plus étroitement possible à la gouvernance de ces EPIC.
En première lecture, j’avais défendu, lors de l’examen de l’article 2, un amendement visant à permettre à ces conseillers d’être représentés au conseil d’administration de ces établissements. Je l’ai retiré à la suite de votre engagement solennel, monsieur le ministre, de mentionner dans le décret portant création de chacun des établissements un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger parmi les personnalités qualifiées, ce dont je vous suis extrêmement reconnaissante.
L’article 4 bis, supprimé dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, a été rétabli par la commission mixte paritaire, et je tiens à remercier tout particulièrement le président de la commission des affaires étrangères, Josselin de Rohan, ainsi que le rapporteur saisi au fond et le rapporteur pour avis.
En effet, la présentation d’un rapport annuel d’activité par chacun des établissements publics devant l’Assemblée des Français de l’étranger constitue également un moyen pour nos élus, acteurs au quotidien de notre rayonnement international, d’exercer un très utile droit de regard et de participer aux orientations de notre politique culturelle extérieure.
Je tiens également à souligner l’intérêt de la création de ces établissements publics en termes de partenariat avec des structures variées, publiques et privées, françaises et étrangères. Là encore, le texte adopté constitue un pas supplémentaire dans la bonne direction, car il facilite l’ancrage de notre réseau culturel dans le terroir local, ce qui est essentiel dans notre monde globalisé. Le choix de la dénomination « Institut Français » pour l’un des EPIC, en faveur de laquelle je m’étais très largement exprimée en première lecture, s’intègre dans une telle démarche.
Cela devrait permettre notamment aux acteurs sur le terrain de « sous-titrer » cet institut, avec le nom d’une personnalité francophone jouissant d’une réelle notoriété dans le pays concerné.
De même, rassembler sous l’égide de Campus France les différentes dimensions concourant à l’attractivité de notre système universitaire est tout à fait prometteur. Campus France pourra intervenir en amont, en matière de visas et de bourses, mais aussi en aval, par le suivi des étudiants étrangers étant passés par le système français.
Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, renforcer la lisibilité et l’identification de la marque « France » est essentiel pour contrer le recul apparent de notre influence. Tous les efforts pour consolider ce label sont donc les bienvenus.
Expérimenter le rattachement à l’Institut français de notre réseau culturel à l’étranger s’inscrit aussi opportunément dans cette perspective.
Ce texte pose des jalons très importants pour la refondation de notre politique culturelle à l’étranger. J’en apprécie tout particulièrement le pragmatisme.
Les rapports annuels d’activité devant l’Assemblée des Français de l’étranger et le rapport d’évaluation qui devra être remis au Parlement trois ans après l’entrée en vigueur du texte permettront de retenir le meilleur et d’apporter les indispensables correctifs.
Ce texte soulève également un certain nombre d’enjeux nouveaux qui mériteront d’être approfondis, non seulement en matière de politique culturelle extérieure, mais également d’un point de vue plus général. Je pense ici en particulier au statut des conjoints d’expatriés, pour lequel vous avez beaucoup fait, monsieur le ministre, et je vous en remercie.
C’est en tout cas une grande joie de voir notre pays s’engager résolument en faveur d’une adaptation de son réseau d’influence aux défis d’un monde globalisé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung. (MM. Didier Boulaud et Robert Hue applaudissent.)
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, voilà quelques jours, dans un quotidien du soir, vous avez qualifié la réforme dont nous discutons d’« ambitieuse », ce qui est vrai, je vous en donne acte. Toutefois, il aurait été plus juste de dire que, si tel est le cas, c’est en grande partie grâce au Parlement. Je me réjouis de voir que celui-ci sert à quelque chose ! Nous sommes en effet parfois amenés à nous poser la question.
M. Didier Boulaud. C’est bien vrai !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Pour autant, vous ne voterez pas la réforme !
M. Richard Yung. C’est un procès d’intention que vous nous faites, monsieur le président de Rohan, car je ne suis pas arrivé à ma conclusion
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Votre collègue l’a dit tout à l’heure !
M. Richard Yung. Monsieur le président, je vous demande de décompter ces interruptions de mon temps de parole.
L’économie générale du texte qui nous a été soumis en première lecture n’était pas optimale et ne correspondait pas à nos attentes. Nous avions du mal, en particulier, à y retrouver les ambitions du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.
La rédaction du présent projet de loi a été largement améliorée par les deux chambres. Une deuxième lecture aurait d’ailleurs constitué une excellente chose. Pourquoi avons-nous dû, une fois encore, travailler sous la contrainte de la procédure accélérée ? C’est un grand défaut de ce gouvernement que de procéder ainsi.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi tout d’abord de rappeler l’engagement que vous aviez pris dans cet hémicycle de faire mentionner dans le décret que, parmi les personnalités qualifiées des conseils d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, figurerait un membre élu de l’Assemblée des Français de l’étranger. Vous le verrez, cette disposition s’avérera utile, car les conseillers de l’AFE connaissent bien les situations locales.
Par ailleurs, je me réjouis que la commission mixte paritaire ait rétabli l’obligation, pour les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, de présenter un rapport annuel de leurs activités devant l’AFE. Cette disposition avait été supprimée, sans doute par méconnaissance, par les députés, qui ne comptent pas encore parmi eux de représentants des Français de l’étranger.
La fusion de l’association Égide et du groupement d’intérêt public CampusFrance en un EPIC autonome, ainsi que la spécialisation de ces deux organismes, va dans le bon sens. Le dispositif prévu dans le projet de loi initial mélangeait en effet deux activités par trop différentes ; c’était le mariage de la carpe et du lapin ! Nous l’avions d’ailleurs dit lors de la première et unique lecture, et vous l’avez entendu. La situation me semble donc désormais beaucoup plus claire.
Autant le statut d’EPIC de l’Institut français soulève de notre part certaines réserves, autant celui-ci paraît adapté pour ce qui concerne les appels d’offres et l’expertise. Il s’agit en effet, face à la concurrence internationale et européenne, de réussir à glaner quelques millions d’euros à Bruxelles.
L’EPIC Campus France a été placé sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui est une bonne chose. En permettant l’entrée progressive des activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, dans le dispositif, les étudiants étrangers qui auront réussi à obtenir une bourse dans leur pays d’origine pourront désormais disposer d’une « filière intégrée ». On pourra ainsi les aider, alors que, jusqu’à présent, le soutien qu’ils recevaient s’arrêtait à Roissy ! Après avoir débarqué à l’aéroport, les étudiants étrangers devaient se débrouiller pour trouver une chambre, comme nous avons d’ailleurs dû le faire nous-mêmes à notre époque. Il s’agit donc d’un bon dispositif.
Campus France devient donc une sorte de guichet unique, ce qui améliorera grandement les prestations offertes aux étudiants étrangers.
Concernant les activités de l’AFD, l’Agence française de développement, l’ambassadeur joue déjà un rôle important. Il est associé à l’élaboration des programmes-cadres et peut donner son imprimatur diplomatique et politique. En revanche, il n’a pas à s’engager dans les activités proprement bancaires, qui sont régies par le code monétaire et financier.
Selon moi, il eût été préférable de s’inspirer du modèle allemand, en fusionnant l’AFD et France coopération internationale, afin de créer une grande agence publique de coopération de type GTZ, qui aurait été chargée, d’une part, de l’expertise internationale et, d’autre part, des activités de dons et de prêts. L’ensemble des prestations aurait ainsi relevé du même organisme. C’est là que réside d’ailleurs la force du système allemand, lequel, comme vous le savez, constitue pour nous un concurrent redoutable. Au demeurant, nous aurons certainement d’autres occasions de revenir sur ce point.
Enfin, s’agissant de la disposition controversée de l’article 13 permettant à l’État d’obtenir le remboursement des sommes qu’il a avancées pour rapatrier les Français qui se seraient exposés à des risques qu’ils ne pouvaient ignorer, j’estime qu’il y a là un excès d’indignité. Un dispositif analogue existe notamment pour ce qui concerne les secours en mer ou même en montagne.
Si je ne remets pas en cause l’idée elle-même, je m’étonne du caractère peu explicite de cette disposition. Visiblement, cette question suscite une certaine émotion auprès des journalistes, et ce pour des raisons que l’on peut imaginer.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Il y a aussi de la démagogie ! Chacun se veut le grand défenseur des journalistes !
M. Richard Yung. Non, non ! Pourquoi ne pas préciser qu’il s’agit, entre autres, des journalistes et des humanitaires, dont vous avez fait partie, monsieur le ministre ? Cela n’aurait pas modifié l’économie du texte !
J’en viens à la question des moyens. Vous l’avez dit, l’une de nos grandes difficultés vient du fait que nous votons des lois, mais pas des moyens. Malgré tous vos efforts, qui sont grands, monsieur le ministre, nous observons la diminution permanente des moyens de votre ministère, et notamment de l’action culturelle. Cette dernière sert particulièrement de variable d’ajustement lors des discussions budgétaires.
Bien sûr, les crédits augmentent, en 2011, de 4,5 %. Toutefois, nous le savons, ces augmentations ne sont pas directement consacrées à l’outil diplomatique ; elles correspondent à des modifications de structures et servent à alimenter nos contributions aux organismes internationaux. Le budget des affaires étrangères sert de boîte à lettres : les crédits y entrent et en ressortent aussitôt.
À ma connaissance, la baisse moyenne des crédits dans le domaine culturel a été de 10 % de 2005 à 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % en 2010. Si mes informations sont justes, le nombre de postes consacrés à l’action culturelle continuera de baisser en 2011, sauf avis contraire de votre part, monsieur le ministre.
Nous qui visitons en permanence les consulats, les ambassades et les services culturels, nous connaissons bien les difficultés qui y sont rencontrées. Bien sûr, nous avons de grandes idées ! La France fait toujours de grandes déclarations universelles, sur la paix dans le monde ou les droits de l’homme. Mais la personne en poste au centre culturel de Bobo-Dioulasso ne dispose pas des 150 euros nécessaires pour monter une exposition de photographies, par exemple, sur les ponts romains dans la France gallo-romaine. Telle est la réalité !
Malgré les réformes de structures, ce sera toujours, in fine, la pauvreté ! Nous n’échapperons pas, un jour ou l’autre, j’en suis persuadé, au débat sur l’universalité du réseau. Je pense à cet égard aux tensions qui règnent actuellement au sein du ministère des affaires étrangères. Plusieurs de mes collègues ont d’ailleurs cité la tribune libre d’Alain Juppé et Hubert Védrine, qui, à ma connaissance, ne sont pas de dangereux agitateurs trotsko-communistes.
Pour faire plaisir au président de Rohan, je vais conclure mon propos en indiquant que nous exprimerons sur ce texte un vote d’abstention positive. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. C’est toujours de l’abstention !
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici un projet de loi qui tombe fort à propos, je veux dire qu’il est politiquement très opportun. Non pas que son contenu soit bouleversant, au contraire, mes collègues ont déjà évoqué les doutes et les incertitudes qu’il suscite, ainsi que ses carences, notamment en termes de moyens.
Toutefois, il est opportun d’en parler au vu de la tempête qui secoue votre ministère, monsieur le ministre.
Des vents mauvais vous ont récemment privé de votre secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie, Alain Joyandet. Auparavant, vous vous étiez vu enlever, du jour au lendemain, votre secrétaire d’État chargée des droits de l’homme, Mme Rama Yade, priée d’aller faire du sport ailleurs. Plus tôt au cours du quinquennat de M. Sarkozy, un autre de vos secrétaires d’État, Jean-Marie Bockel, avait fait les frais du retour en force d’une certaine politique africaine en manque de rupture. Et je ne parlerai pas du très médiatisé départ de l’ambassadeur de France à Dakar, un ami ou un ancien ami à vous, qui a quitté avec bruit et fureur son poste africain. Je n’oublie pas non plus le collaborateur de votre ministère chargé naguère des questions religieuses, un ambassadeur qui attend depuis plus de six mois près de son téléphone qu’on veuille bien faire appel de nouveau à ses compétences.
On peut se demander si travailler auprès de vous serait devenu un métier à risques.
M. Didier Boulaud. Si le sujet n’était pas si sérieux, je pourrais dire que tout cela ressemble peu ou prou aux récentes péripéties de l’équipe de France de football...
Mme Nathalie Goulet. Ah non ! Quand même pas !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Il n’y a pas eu de grève ! (Sourires.)
M. Didier Boulaud. Mais je ne pousserai pas la comparaison, tant les choses sont graves.
Deux anciens ministres des affaires étrangères, et non des moindres, viennent de dénoncer fortement et à juste titre « l’affaiblissement sans précédent des réseaux diplomatiques et culturels » de la France. Vous devriez les écouter, monsieur le ministre.
Il est vrai que le budget de votre ministère n’a jamais été à la hauteur – je vous le dis tout de suite parce que je connais vos arguments pour les avoir lus –, y compris sous des gouvernements de gauche. Vos moyens n’ont jamais été pléthoriques, loin de là, mais, malgré tout, avec un petit budget, les personnels du Quai, tous les personnels, arrivaient à faire fonctionner une machine présente partout dans le monde et chargée d’une très haute mission. Or la situation actuelle est très grave, sans commune mesure avec le passé !
D’amputations en réductions de crédits, ce ministère se trouve confronté aujourd’hui à une nouvelle saignée. La RGPP, la révision générale des politiques publiques, s’acharne depuis plusieurs mois sur les fonctionnaires du ministère ; en supprimant trois emplois sur quatre départs en retraite, vous allez bientôt toucher l’os !
Ce traitement de choc permettra-t-il de réaliser des économies ? Même pas, ou alors à la marge ! Ce sont des économies qui vont nous coûter fort cher en termes de présence de la France, d’action diplomatique, bref de politique extérieure.
Les coûts pour notre pays d’une telle politique aveugle et injuste se font déjà sentir, en France et à l’étranger, et ce n’est pas ainsi que remontera le moral de nos concitoyens, 71 % d’entre eux estimant que la France est en déclin, malgré les atouts dont elle dispose.
Comment faire vivre la politique extérieure française si l’on persiste à dégrader l’outil diplomatique ? Comment développer une politique d’influence précise et opportune si l’on réduit la voilure de nos ambitions internationales ? Comment faire vivre la culture française à l’extérieur en créant des coquilles vidées de leurs moyens financiers ?
Qui fait vraiment la politique étrangère de la France ? Serait-ce, comme on l’entend ici ou là, le secrétaire général de l’Élysée ?
L’Élysée a recréé, rénové, élargi le domaine réservé, véritable plaie démocratique sur le flanc de la Ve République.
Monsieur le ministre, vous êtes coresponsable de cette situation et le Président de la République, le Premier ministre et votre collègue de Bercy ont eux aussi leur part de responsabilité !
De grâce, ne nous dites pas, comme vous le faites dans l’édition du 9 juillet dernier du journal Le Monde, que les crédits augmentent, parce que ce n’est pas vrai !
Les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l’État » ont baissé de 10 % entre 2005 et 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % en 2010. Voilà la vérité !
Regardons l’avenir : le plan de rigueur fait peser une lourde contrainte sur le budget de votre ministère, déjà étique. Selon nos informations, dans le cadre de la programmation triennale des finances publiques 2011-2013, les crédits diminueront de 5 % en 2011, de 7 % en 2012 et de 9 % à 10 % en 2013, par rapport à la loi de finances pour 2010.
Les réductions d’effectifs, malgré toutes vos dénégations, vont se poursuivre et même s’accélérer. Certes, les fonctionnaires titulaires seront peut-être épargnés, mais, en revanche, les contractuels et les fonctionnaires détachés seront directement concernés.
Je le répète, nous sommes à la limite de la rupture ; encore quelques dizaines de suppressions de postes et ce sont des dizaines d’établissements, consulats, services culturels et même ambassades qui devront fermer !
Monsieur le ministre, les parlementaires que nous sommes se rendent aussi dans les postes à l’étranger. Nous parlons beaucoup avec les personnels de tous rangs et de tous grades et nous n’entendons pas tout à fait les mêmes paroles que celles que vous tentez de nous faire accroire.
Le malaise est profond. Certes, il n’est pas récent et vous n’en êtes probablement pas seul comptable. Mais ce malaise est durable et il s’aggrave sous votre responsabilité, car, hélas pour vous ! c’est vous qui êtes en ce moment chargé de porter l’estocade.
Attention ! Nous perdons pied au moment même où nos principaux amis et néanmoins concurrents sur la scène internationale font des efforts considérables pour accroître leur influence culturelle et, donc, politique.
Et que dire de la situation de l’aide publique au développement ! En la matière, la France se déshonore en ne tenant pas ses promesses ; le Gouvernement et vous-même allez être obligés d’expliquer pourquoi notre pays ne peut pas tenir ses engagements. M. Sarkozy avait annoncé que, en 2010, nous consacrerions 0,51 % de notre revenu national brut à l’aide publique au développement. Il avait même promis 0,7 % à l’horizon 2015 ! En réalité, avec un coup de rabot par-ci, un coup de rigueur par-là, l’APD de la France, dans les deux prochaines années, n’atteindra même pas le niveau, déjà très bas, de 2008, elle sera à peine à 0,36 %. Là aussi, les masques tombent, les paroles s’envolent et le roi est nu !
D’ailleurs, vous l’avez-vous-même confirmé, monsieur le ministre, si j’en crois le Bulletin quotidien du 18 juin : « La situation n’est pas bonne » et le Président Nicolas Sarkozy va devoir procéder à des arbitrages « pour des choses que je ne peux pas accepter ». En matière d’aide au développement, « nous en sommes cette année à 0,46 % du PIB alors qu’on devrait être à 0,7 %, chiffre qu’on n’atteindra jamais si on continue comme cela ». Après les États-Unis, disiez-vous, « on était le deuxième » pays « pour l’aide au développement. L’année prochaine, ça va régresser, on en sera à 0,41 % du PIB ». Vous poursuiviez : « C’est une période extraordinairement compliquée » et « j’ai honte de penser à quel niveau nous sommes par rapport aux organisations internationales. »
Alors, monsieur le ministre, je vous demande d’écouter ceux qui vous disent qu’il faut cesser d’affaiblir l’appareil diplomatique. Et si vous ne pouvez accepter les mesures qui s’annoncent, n’est-il pas temps de vous remémorer la désormais célèbre formule de notre collègue Jean-Pierre Chevènement, que je n’aurai pas l’outrecuidance de rappeler devant la Haute Assemblée ?
Vous pouvez multiplier les réformes – certaines nécessaires –, développer la création d’instituts et d’agences, mais, monsieur le ministre, sans moyens, c’est la politique extérieure de la France qui étouffe à petit feu.
Je vous poserai une dernière question. Depuis le départ précipité de votre collègue Alain Joyandet, vous avez aussi la redoutable mission de superviser très directement Audiovisuel extérieur de la France, AEF. Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, dans cette période un peu trouble, l’apparition d’un nouveau conflit d’intérêts ? Allez-vous pouvoir exercer toute votre autorité sur ce secteur clé de notre politique extérieure ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Hue applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur le président, permettez-moi de répondre brièvement à M. Boulaud.
Monsieur le sénateur, Alain Joyandet n’exerçait aucune tutelle sur AEF, qui est une holding avec à sa tête un président. Aussi, il est faux d’affirmer que je pourrais être confronté à un quelconque conflit d’intérêt puisque AEF n’entre pas dans le champ de mes attributions, à quelque titre que ce soit.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Didier Boulaud. Dont acte !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Au moment de conclure ce débat, je me réjouis que les commissions des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat, au terme d’un dialogue avec le Gouvernement, soient parvenues à trouver un accord sur ce texte dont j’ai la faiblesse de penser qu’il est important et nécessaire.
Notre collègue Françoise Laborde a mis en doute l’opportunité de cette réforme en l’absence de tout moyen. Elle est finalement la meilleure disciple de l’humoriste Alfred Jarry, qui disait : « Pourquoi remettre au lendemain ce qu’on peut faire après-demain ? » (Sourires.)
On ne peut prétendre que cette réforme était indispensable et urgente et, dans le même temps, réclamer qu’elle soit renvoyée aux calendes grecques, faute de moyens ! Certes, on peut toujours souhaiter plus de moyens, mais je rappelle que la conjoncture contraint toutes les économies occidentales à réduire leurs dépenses budgétaires. Nous aussi, nous devrons évidemment modérer nos ambitions, aussi légitimes soient-elles.
Il est exact, monsieur Boulaud, que le ministère des affaires étrangères a vu ses moyens singulièrement réduits depuis des années, ce que nous regrettons profondément. En l’occurrence, vous n’avez pas le monopole des regrets. La démonstration de ces deux anciens ministres, dont je me garderai bien de critiquer l’argumentation, aurait été beaucoup plus convaincante s’ils n’avaient pas fait remonter à vingt-cinq ans le déclin du soutien au ministère des affaires étrangères. À ma connaissance, ces deux éminentes personnalités ont exercé leurs responsabilités après cette date, et leurs critiques auraient eu plus de poids si les moyens du ministère s’étaient accrus lorsqu’ils étaient en fonction. L’objectivité m’oblige à dire que tel n’a pas été le cas.
La réforme n’attend pas les moyens qui doivent l’accompagner ; il était urgent de réformer l’action extérieure de l’État pour lui permettre d’être plus efficace, et c’est ce que nous avons fait. Toujours est-il que nous ne pouvons qu’espérer que, un jour, le ministère des affaires étrangères pourra consacrer à la diffusion de notre culture des moyens beaucoup plus importants que ceux dont il dispose à l’heure actuelle. Cependant, il faut donner acte à M. le ministre d’être parvenu à obtenir, en dépit de la situation contrainte que nous connaissons, un accroissement des crédits destinés aux établissements dont nous avons voté la création, de telle sorte que ceux-ci disposent d’un minimum de moyens.
Monsieur Yung, un débat existe en effet entre le statut d’établissements publics à caractère administratif et le statut d’établissements publics à caractère industriel et commercial. Si, pour notre part, nous avons fait le choix d’établissements publics à caractère industriel et commercial, c’est avant tout parce qu’ils permettront d’améliorer la situation existante. Aujourd’hui, les statuts des personnels travaillant pour l’action culturelle à l’étranger se caractérisent par une très grande hétérogénéité (M. Richard Yung opine.), et je ne suis pas du tout certain que le système associatif qui a cours actuellement leur assure une très grande sécurité. Alors que certains de ces personnels ne sont titulaires que de contrats à durée déterminée, nous pourrons à l’avenir leur proposer des contrats, certes de droit privé, mais à durée indéterminée.
En outre, à vouloir fonctionnariser à l’excès la culture et à vouloir faire de tous ses agents des fonctionnaires,…
M. Richard Yung. Je n’ai pas dit cela !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. … nous rigidifierions le système, nous empêcherions cette indispensable mobilité. Dans le monde où nous vivons, il faut pouvoir circuler, il faut pouvoir bouger, il faut de la souplesse, et la culture française pâtirait de statuts contraignant ses agents à occuper toujours les mêmes fonctions. C’est vrai, il faut un minimum de formation, il faut pouvoir s’immerger dans la durée, mais il ne faut pas « s’encroûter » pendant des années dans la même fonction et dans le même poste, au risque que l’action culturelle en souffre.
Enfin, certains affirment que la création des EPIC aura pour conséquence une « marchandisation » de la culture. Quel procès ! Lorsque nous avons débattu de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, nous avons aussi été accusés de vouloir « marchandiser » l’Université. Or, mes chers collègues, quels sont ceux d’entre vous qui, exerçant des responsabilités locales, ne s’emploient pas à trouver des ressources extérieures, ne font pas appel au mécénat pour développer un certain nombre d’entreprises culturelles ? Tous, vous le faites, et vous le ferez plus encore à l’avenir.
La forme juridique de l’EPIC nous offrira une plus grande souplesse et nous permettra de dégager des moyens supplémentaires.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons sans hésiter ce texte, qui constitue un véritable progrès. Néanmoins, j’exprimerai un regret : lors de l’examen de ce projet de loi en commission, chacun de ses articles a été voté à l’unanimité ; aussi, je regrette que, pour des raisons politiques – soyons francs –, cette même unanimité ne se retrouve pas en séance publique. Que certains ne veuillent pas voter un texte au motif qu’il émane de la majorité n’empêchera pas celle-ci de l’adopter avec un certain plaisir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. Didier Boulaud. Peut-être pourriez-vous, vous aussi, voter de temps à autre les textes présentés par l’opposition !
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, d’une part, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d’autre part, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi relatif à l’action extérieure de l’état
Titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS CONTRIBUANT À L’ACTION EXTÉRIEURE DE LA FRANCE
Chapitre Ier
Dispositions générales
Article 1er
Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France ont pour mission de promouvoir la présence et l’influence de la France à l’étranger et de participer à l’action extérieure de l’État, notamment par la mise en œuvre à l’étranger d’actions culturelles, de coopération et de partenariat et par la gestion de moyens nécessaires à cette action.
Ces établissements publics sont placés sous la tutelle de l’État. Ils sont créés par un décret en Conseil d’État qui précise leurs missions et leurs modalités d’organisation et de fonctionnement.
Une convention pluriannuelle conclue entre l’État, représenté par les ministres concernés, et chaque établissement public contribuant à l’action extérieure de la France, représenté par le président de son conseil d’administration, définit, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ses missions. Le projet de convention est transmis par le Gouvernement, avant sa signature, aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ce projet de convention dans un délai de six semaines.
Au titre de leurs missions, ces établissements publics peuvent contribuer aux travaux d’instituts indépendants de recherche, en leur assurant le concours d’agents publics placés auprès de ces établissements par l’État.
Pour l’accomplissement de leurs missions, ces établissements peuvent disposer de bureaux à l’étranger qui peuvent faire partie des missions diplomatiques. Là où ils ne disposent pas de bureaux, ils font appel aux missions diplomatiques. Leur action à l’étranger s’exerce sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, dans le cadre de la mission de coordination et d’animation de ces derniers et sans préjudice des particularités de leur action relevant des dispositions du code monétaire et financier.
Article 2
Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France sont administrés par un conseil d’administration.
Le conseil d’administration comprend :
1° Deux députés et deux sénateurs désignés par les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ;
2° Des représentants de l’État ;
3° Des personnalités qualifiées désignées par l’État ;
4° Des représentants élus du personnel.
Le conseil d’administration des établissements publics qui reçoivent le concours de collectivités territoriales et d’organismes partenaires pour accomplir leurs missions comprend des représentants de ces collectivités et organismes.
Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France ne sont pas soumis aux dispositions du chapitre Ier du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
...................................................................................................
Article 4
Par dérogation au II des articles 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et 49 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, peuvent ne pas donner lieu à remboursement les mises à disposition de fonctionnaires auprès des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France en vue d’y exercer des missions d’intérêt public dans les deux années qui suivent la création de ces établissements publics ou, ultérieurement, pour une durée qui ne peut excéder six mois.
Article 4 bis
Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France transmettent un rapport annuel de leurs activités à l’Assemblée des Français de l’étranger.
Chapitre II
L’établissement public Campus France
Article 5
I. − Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé « Campus France », placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’enseignement supérieur et soumis au chapitre Ier.
II. – L’établissement public Campus France a notamment pour missions :
1° La valorisation et la promotion à l’étranger du système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle français, y compris par le suivi régulier des ressortissants étrangers ayant accompli tout ou partie de leur cursus dans le système français d’enseignement ou le réseau d’enseignement français à l’étranger ;
2° L’accueil des étudiants et chercheurs étrangers, y compris l’aide à la délivrance des visas et l’hébergement, en appui aux universités, aux écoles et aux autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi qu’aux collectivités territoriales ;
3° La gestion de bourses, de stages et d’autres programmes de la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs ;
4° La promotion et le développement de l’enseignement supérieur dispensé au moyen des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
L’établissement public Campus France exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministre des affaires étrangères et le ministre chargé de l’enseignement supérieur.
Il veille à répondre aux besoins exprimés par le réseau diplomatique à l’étranger. Il collabore avec les organisations internationales et européennes, les collectivités territoriales, les universités, les écoles et les autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche et les organisations concernées, ainsi qu’avec des partenaires publics et privés.
Pour l’accomplissement de ses missions, il fait appel au réseau diplomatique à l’étranger, sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, et aux établissements placés sous leur autorité ou qui sont liés par convention aux missions diplomatiques.
III. – L’établissement public Campus France se substitue, à la date d’effet de leur dissolution, à l’association Égide et au groupement d’intérêt public Campus France dans tous les contrats et conventions passés pour l’accomplissement de leurs missions.
À la date d’effet de la dissolution de l’association Égide et du groupement d’intérêt public Campus France, leurs biens, droits et obligations sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l’établissement public Campus France.
Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à indemnité, ni à perception d’impôts, droits ou taxes, ni au versement de salaires ou honoraires au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique.
IV. – L’établissement public Campus France est substitué à l’association Égide et au groupement d’intérêt public Campus France à la date d’effet de leur dissolution pour les personnels titulaires d’un contrat de droit public ou de droit privé conclu avec l’un de ces organismes en vigueur à cette date. Il leur propose un contrat régi par le code du travail. Ce contrat reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents étaient titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.
Les agents concernés disposent d’un délai de trois mois pour accepter le contrat proposé à la suite du transfert d’activité. En cas de refus de ces agents, leur contrat prend fin de plein droit et l’établissement public Campus France applique les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés.
Les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’établissement public Campus France leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert.
Article 5 bis
Est créé auprès de l’établissement public Campus France un conseil d’orientation relatif aux modalités d’accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France, comprenant notamment des représentants des étudiants, de la Conférence des chefs d’établissement de l’enseignement supérieur et des collectivités territoriales.
Sa composition et ses règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret.
Article 5 ter
L’ensemble des activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires est intégré à l’établissement public Campus France selon des modalités et un calendrier prévus par un décret à l’issue d’un rapport remis par le Gouvernement avant le 1er juin 2011 aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
À la date d'intégration des activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires à l’établissement public Campus France et au plus tard le 31 décembre 2011, les biens, droits et obligations liés à ces activités sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l'établissement public sans perception d'impôts, de droits ou de taxes.
Article 5 quater
(Supprimé)
Chapitre III
L’Institut français
Article 6
I. – Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial pour l’action culturelle extérieure, dénommé « Institut français », placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et soumis au chapitre Ier.
II. – S’inscrivant dans l’ambition de la France de contribuer à l’étranger à la diversité culturelle et linguistique dans un esprit de partenariat avec les pays d’accueil, l’Institut français concourt, en faisant appel au réseau culturel français à l’étranger, à la politique culturelle extérieure définie par le ministre des affaires étrangères, en étroite concertation avec les ministres concernés, en particulier le ministre chargé de la culture. L’Institut français a notamment pour missions :
1° La promotion et l’accompagnement à l’étranger de la culture française ;
2° Le développement des échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères ;
3° Le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud, ainsi que leur promotion et leur diffusion en France et à l’étranger ;
4° La diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel, en concertation étroite avec les organismes compétents dans ces domaines ;
5° La promotion et l’accompagnement à l’étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français ;
6° Le soutien à une large circulation des écrits, des œuvres et des auteurs, en particulier francophones ;
7° La promotion, la diffusion et l’enseignement à l’étranger de la langue française ;
8° L’information du réseau culturel français à l’étranger, des institutions et des professionnels étrangers sur l’offre culturelle française ;
9° Le conseil et la formation professionnels des personnels français et étrangers concourant à ces missions, et notamment des personnels du réseau culturel français à l’étranger, en liaison avec les organismes compétents. À ce titre, l’institut est associé à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels.
L’Institut français exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministre des affaires étrangères et le ministre chargé de la culture.
Il opère sans préjudice des missions des organismes compétents en matière de promotion et d’exportation intervenant dans les domaines spécifiques mentionnés au présent article et en complémentarité avec ceux-ci, et dans une concertation étroite avec tous les opérateurs, qu’ils soient publics, associatifs ou privés. Il veille à répondre aux besoins exprimés par le réseau diplomatique à l’étranger.
L’Institut français collabore avec les organisations internationales et européennes, les collectivités territoriales et notamment les départements et collectivités d’outre-mer, les organisations professionnelles concernées par l’exportation des industries culturelles françaises, les institutions de création et de diffusion culturelle françaises et étrangères, ainsi qu’avec des partenaires publics et privés, dont les alliances françaises.
Pour l’accomplissement de ses missions, il fait appel au réseau diplomatique à l’étranger, sous l’autorité des chefs de mission diplomatique, et aux établissements placés sous leur autorité ou qui sont liés par convention aux missions diplomatiques.
L’Institut français concourt à l’animation et à la gestion du réseau culturel. Il émet un avis sur la programmation des activités des établissements culturels français à l’étranger, sur les nominations et les évaluations des agents du réseau culturel, sur l’allocation des moyens humains, financiers et immobiliers dont dispose le réseau ainsi que sur leur répartition géographique. Ces dispositions sont précisées dans le décret en Conseil d’État mentionné à l’article 1er.
III. – L’Institut français se substitue à l’association CulturesFrance, à la date d’effet de sa dissolution, dans tous les contrats et conventions passés par cette dernière pour l’accomplissement de ses missions.
Les biens, droits et obligations de l’association CulturesFrance sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l’Institut français à la date d’effet de sa dissolution.
Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à indemnité, ni à perception d’impôts, droits ou taxes, ni au versement de salaires ou honoraires.
IV. – L’Institut français est substitué à l’association CulturesFrance à la date d’effet de sa dissolution, pour les personnels titulaires d’un contrat de travail de droit public ou de droit privé conclu avec cet organisme en vigueur à cette date. Il leur propose un contrat régi par le code du travail. Ce contrat reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents étaient titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.
Les agents concernés disposent d’un délai de trois mois pour accepter le contrat qui leur est proposé à la suite du transfert d’activité. En cas de refus de ces agents, leur contrat prend fin de plein droit et l’Institut français applique les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés.
Les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’Institut français leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert.
Article 6 bis
Pour l’élaboration des stratégies de rayonnement de la culture et de la langue françaises à l’étranger, le ministre des affaires étrangères réunit, au moins une fois par an, un conseil d’orientation stratégique qu’il préside et auquel participent des représentants de l’ensemble des ministères concernés. Ce conseil est également composé de personnalités qualifiées désignées par le ministre des affaires étrangères, notamment des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat, des collectivités territoriales et des alliances françaises, ainsi qu’une personnalité représentative des cultures numériques. Le ministre chargé de la culture est vice-président de ce conseil.
Le champ d’intervention du conseil d’orientation comprend l’audiovisuel extérieur de la France. À ce titre, le président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France y est associé.
Le ministre des affaires étrangères invite le président du conseil d’administration de l’Institut français à participer au conseil d’orientation stratégique.
Article 6 ter
Pendant un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement conduit une expérimentation du rattachement à l’Institut français du réseau culturel de la France à l’étranger. Dans un délai ne pouvant excéder six mois à compter de la publication de la présente loi, le ministre des affaires étrangères désigne des missions diplomatiques, dont le nombre ne peut être inférieur à dix, choisies pour constituer un échantillon représentatif de la diversité des postes en termes d’effectifs, de moyens et d’implantation géographique.
Chaque année jusqu’au terme de ce délai de trois ans, le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport d’évaluation prospective des résultats de cette expérimentation.
Si le Gouvernement décide, au terme de l’expérimentation, qu’elle n’est pas concluante, dès lors que des personnels ont changé de statut dans le cadre de l’expérimentation, leur rétablissement dans leur statut initial est de droit.
Les modalités de ce rétablissement et la liste des postes concernés sont déterminées par voie réglementaire.
Un cahier des charges conclu entre l’Institut français et sa tutelle précise les modalités de cette expérimentation et de son suivi régulier.
Chapitre IV
France expertise internationale
Article 6 quater
I. – Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé « France expertise internationale », placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et soumis aux dispositions du chapitre Ier.
II. – L’établissement public France expertise internationale concourt à la promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale françaises à l’étranger. Il contribue notamment au développement de l’expertise technique internationale et à la maîtrise d’œuvre de projets sur financements bilatéraux et multilatéraux dans le cadre des orientations stratégiques définies par l’État.
L’établissement public France expertise internationale opère sans préjudice des missions des organismes privés compétents en matière d’expertise et de mobilité internationales. Il intervient en concertation étroite avec tous les opérateurs, qu’ils soient publics ou privés. Il veille à répondre aux besoins exprimés par le réseau diplomatique à l’étranger.
III. (nouveau) – L’établissement public France expertise internationale se substitue, à la date d’effet de sa dissolution, au groupement d’intérêt public France coopération internationale dans tous les contrats et conventions passés pour l’accomplissement de ses missions. À la date d’effet de la dissolution du groupement d’intérêt public France coopération internationale, ses biens, droits et obligations sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l’établissement public, sans perception d’impôts, de droits ou de taxes.
IV. (nouveau) – Est créé auprès de l’établissement public France expertise internationale un conseil d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée, comprenant notamment des représentants des entreprises qualifiées dans le domaine de l’expertise technique internationale. Ce conseil comprend également des représentants des collectivités territoriales. Sa composition et ses règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret.
Article 6 quinquies (nouveau)
Le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, un rapport proposant un renforcement de la cohérence du dispositif public de l’expertise technique internationale.
Titre II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXPERTISE TECHNIQUE INTERNATIONALE
...................................................................................................
Article 9 bis A
Dans le premier alinéa de l’article L. 761-6 du code de la sécurité sociale, après les mots : « les fonctionnaires titulaires de l’État », sont insérés les mots : «, les fonctionnaires des assemblées parlementaires ».
...................................................................................................
Titre III
ALLOCATION AU CONJOINT
Article 12
I. – Il est créé une allocation au conjoint versée au conjoint ou au partenaire lié par un pacte civil de solidarité de l’agent civil de l’État en service à l’étranger qui n’exerce pas d’activité professionnelle ou qui exerce une activité professionnelle pour laquelle il perçoit une rémunération brute totale annuelle inférieure ou égale à un montant fixé par voie réglementaire.
Cette allocation se substitue au supplément familial dont bénéficient les personnels civils de l’État en service à l’étranger.
Cette allocation ne bénéficie pas aux conjoints ou aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité des personnels contractuels recrutés à l’étranger sous le régime des contrats de travail soumis au droit local.
II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
Titre IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OPÉRATIONS DE SECOURS À L’ÉTRANGER
...................................................................................................
Article 14
L’État peut exercer une action récursoire à l’encontre des opérateurs de transport, des compagnies d’assurance, des agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours, ou de leurs représentants, auxquels il a dû se substituer en organisant une opération de secours à l’étranger, faute pour ces professionnels d’avoir fourni la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus à l’égard de leurs contractants.
Les conditions d’application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État.
M. le président. Sur les articles 1er à 14, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Qui aime la France travaille forcément à son rayonnement et, selon moi, personne ne peut aujourd’hui nier l’apport du texte « coproduit » qui nous est proposé.
Je tiens en cet instant à saluer le travail des collaborateurs de terrain, des alliances françaises, de l’ensemble des personnels de nos ambassades, en particulier nos ambassadeurs qui sont bien entendu tout naturellement les chefs de file de l’action extérieure de l’État – comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ?
Toutefois, monsieur le ministre, comment ne pas rapprocher les ambitions affichées et la réalité du terrain ? Certes, et le président de Rohan ne manquera sans doute pas de le souligner, je ne suis pas toujours très assidue en commission, mais mon statut de « sénateur renouvelable » m’oblige à quelques contraintes locales.
Néanmoins, je lis avec une grande attention les comptes rendus des travaux de la commission. J’ai ainsi constaté que l’importance de faire appel à des recrutés locaux a été soulignée à maintes reprises.
La raison en est assez simple. Souvent, les personnels des ambassades sont nommés pour un temps assez court : la première année, ils prennent la température du pays ; la deuxième, ils se constituent des réseaux et, la troisième, ils cherchent leur point de chute pour l’année n+4 ! Leurs préoccupations sont donc peu propices à l’efficacité que l’on attend d’eux.
Permettez-moi de prendre un exemple. Un nouveau conseiller de presse, issu de CampusFrance, vient d’être nommé aux Émirats arabes unis – que je connais un peu ! Cet homme, vraisemblablement très estimable, ne parle pas l’arabe – soit ! –, mais il ne parle pas non plus l’anglais, ce qui, pour un attaché de presse, est un peu délicat... Il est donc devenu, parce que notre ambassadeur, M. Alain Azouaou, est un homme remarquable et très créatif, secrétaire général de l’ambassade, ce qui est une nouveauté. Il est donc payé comme un expatrié sans pour autant remplir la tâche à laquelle il est destiné.
Quant au précédent attaché culturel, il venait du musée des Arts Premiers, où il donnait quatre heures de cours par semaine. Lui non plus ne parlait pas les langues du pays.
Malgré les efforts colossaux que nous faisons, notamment grâce aux actions conduites par le Louvre ou la Sorbonne, jamais nos échanges culturels avec les Émirats arabes unis n’ont été aussi faibles en ce qui concerne le travail de notre ambassade.
Monsieur le ministre, je tenais à appeler votre attention sur ces faits. J’attends avec une grande impatience la nomination d’un attaché régional pour les pays du Golfe persique. Une uniformité est nécessaire. Il existe un très bon conseiller local, qui connaît parfaitement bien cette région. Un poste régional serait extrêmement important pour cette partie du monde.
Monsieur le ministre, comme je l’indiquais dans une question orale que j’ai finalement retirée, dans cette période de disette budgétaire, il faut éviter ces erreurs de casting. Elles sont d’autant plus regrettables que l’on pourrait faire beaucoup mieux.
En écho aux propos du président de la commission des affaires étrangères, M. Josselin de Rohan, je citerai le Centre français de Tbilissi, intégralement payé par un mécène géorgien, le lycée français de Dubaï, financé pour partie par la banque de Sharjah, les activités de nos alliances françaises, qui sont soutenues par le mécénat, comme les réceptions du 14 juillet dans nos ambassades.
Monsieur le ministre, il faut mettre les actes en conformité avec notre politique. Je ne partage absolument pas le point de vue de Françoise Laborde en matière de contributions aux organisations internationales, car je conçois mal comment nous pourrions ne pas y participer.
J’ai eu tort d’avoir raison trop tôt. L’année prochaine, l’Union de l’Europe occidentale, l’UEO, aura disparu, et j’en suis fort aise… (M. Yves Pozzo di Borgo s’exclame.) Parce que vous y siégez, mon cher collègue ! Les crédits qui y étaient consacrés pourront vraisemblablement être redéployés soit vers le Conseil de l’Europe, qui fait tout de même un peu de travail, soit vers l’action culturelle de l’État.
Lors de la discussion du texte qui est devenu la loi de modernisation de l’économie, la LME, nous avions souligné, dans la partie consacrée à l’attractivité de la France, l’improbable politique des visas, la difficile politique de réception des étudiants étrangers en France.
Monsieur le ministre, les divers éléments que je viens d’évoquer forment un tout. Quoi qu’il en soit, quelle que soit la forme juridique que prendra l’Institut français que nous allons créer, soyez assuré de notre entier soutien : l’important, c’est ce qu’il y a dans la boîte ; le statut est une question franco-française.
Mes chers collègues, nous devons tous travailler au rayonnement de la France. Si ce texte se révèle imparfait, nous le compléterons. En tout état de cause, il témoigne d’une volonté politique et je regrette que tout le monde ne s’y soit pas associé. Je puis vous assurer, pour voyager de par le monde, que ce texte constituera une aide importante pour nos ambassadeurs, qui sont des acteurs majeurs de notre rayonnement culturel, notamment dans des pays comme le Yémen ou encore l’Iran, dans lesquels le français est enseigné dans des conditions qui ne sont pas toujours très faciles.
Monsieur le ministre, en dépit des déboires que nous connaissons dans les pays du Golfe persique, l’ensemble de mon groupe votera avec enthousiasme le présent projet de loi. (MM. Jean-Pierre Fourcade, François Trucy et Christian Cointat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre. Madame la sénatrice, je ne peux pas vous répondre sur tous les sujets que vous avez évoqués, et je le regrette.
Je peux toutefois me porter garant que le prochain attaché culturel – je n’ai pris aucune part à la nomination de l’actuel – parlera très bien l’arabe et connaîtra les affaires de la région.
En ce qui concerne le manque de moyens dont souffre le ministère (M. le ministre se tourne vers la gauche de l’hémicycle.), je n’aurai pas la cruauté de reprendre les paroles du président de la commission des affaires étrangères, et dont je tiens à le remercier.
C’est bien joli de critiquer, mais nous devons assumer collectivement la baisse des crédits (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), dans un contexte qui a changé ; nous vivons dans un monde différent. Quand on parle des affaires étrangères, le terme « étrangères » devrait tout de même faire problème !
Certes, nous ne consacrons pas assez d’argent à ce ministère réputé, mais nous avons le deuxième réseau diplomatique du monde, après celui des États-Unis ! Faut-il en diminuer les postes, qu’ils soient consulaires ou diplomatiques ? Je ne le crois pas et je suis même persuadé du contraire.
Mme Claudine Lepage. C’est pourtant ce qui se passe !
M. Bernard Kouchner, ministre. Et puis, le total de « l’argent culturel », si vous me permettez cette expression, s’élève à 350 millions d’euros, soit beaucoup plus que les crédits des instituts Cervantès et Goethe, mais moins, je l’admets, que le British Council. Ce dernier est en effet plus riche, mais il est aussi beaucoup plus tourné vers le profit, et ce pour une raison très simple : on apprend beaucoup plus l’anglais que le français.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Bernard Kouchner, ministre. Nous n’avons donc pas à rougir !
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne nous lamentons pas sur le manque de crédits ! Efforçons-nous plutôt de bien utiliser ceux dont nous disposons.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Bernard Kouchner, ministre. Car enfin, 350 millions d’euros, ce n’est pas si mal !
Je comprends que vous me reprochiez de ne pas avoir accru ces crédits de façon suffisante. Mais je les ai augmentés, ce qui n’est pas le cas de certains de ceux qui me critiquent aujourd’hui. Au contraire, avec eux, le trou continuait de se creuser.
Bien sûr, il faut tout changer. Mais, croyez-moi, il y a beaucoup à faire ! Madame Goulet, les critères qui vous semblent importants pour les nominations, parler la langue du pays, par exemple, n’étaient pas retenus de manière systématique, même s’il arrivait, par hasard, que tel soit le cas.
Mme Nathalie Goulet. Par hasard !
M. Bernard Kouchner, ministre. Et puis, cela a été souligné tout à l’heure, il y a aussi l’appréciation de la culture locale. Il s’agit d’un élément capital. La rencontre de la culture locale et de la culture française peut se révéler productive. Il en va tout autrement lorsque la culture française est exportée et vient, en quelque sorte, s’ajouter à la culture locale, comme une culture supplémentaire. La culture française, est belle, bien entendu. Mais pour devenir attractive, et avec elle la langue française, elle doit se marier avec les cultures locales. Tel est notre objectif.
Il n’y a pires conservatismes – je dis bien conservatismes, et non pas conservateurs – que ceux qui sont sûrs d’eux. Le conservatisme était la tradition dans l’action culturelle : nous proposions toujours la même chose. Je ne prétends absolument pas que c’était mauvais et qu’il faut rompre avec la tradition, et ne plus rien proposer de ce qui fait notre héritage culturel. Mais nous ne pouvons pas en rester là, nous devons nous ouvrir. De ce point de vue, j’ai beaucoup apprécié les exemples qui ont été évoqués.
En conclusion, je souhaite remercier chacun d’entre vous pour le travail accompli. Sans vos contributions, et si le Sénat, par le travail conjoint de la commission de la culture et de la commission des affaires étrangères, n’avait pas donné l’impulsion nécessaire, nous en serions encore à nous lamenter sur la baisse du rayonnement culturel de la France, sur le recul de notre diplomatie dite d’influence.
En dehors de la diplomatie dite d’influence, les rapports de force vont surgir à nouveau : le nationalisme et la concurrence industrielle vont être au premier plan. Sans préjuger les résultats, nous avons bien fait de réformer notre outil culturel. C’était indispensable et c’est probablement la meilleure chose que nous pouvions faire dans ces temps de troubles et d’affrontements par personnes, par entreprises et, peut-être aussi, par cultures interposées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. André Trillard applaudissent.)
8
Décisions du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 12 juillet 2010, les textes de deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution :
- de la loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ;
- et de la loi relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Acte est donné de ces communications.
9
Réseaux consulaires
Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services (projet n° 576, texte de la commission n° 595, rapport n° 594).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons étudier ensemble, en deuxième lecture, le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.
Je souhaite rappeler d’emblée que, comme le Sénat, le Gouvernement a parfaitement conscience du rôle fondamental des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat, en tant qu’acteurs du maillage territorial et du développement économique de nos entreprises. Après un examen en première lecture les 9 et 10 juin dernier pour mener à bien cette réforme des chambres consulaires, nous nous retrouvons aujourd’hui.
Je tiens à saluer l’excellent travail, en première lecture, de la commission de l’économie, de son président, Jean-Paul Emorine, et de son rapporteur, Gérard Cornu, et la recherche de l’équilibre qui a présidé à nos travaux.
En deuxième lecture, les députés ne se sont écartés des propositions du Sénat que pour un seul article parmi les quarante-trois que compte ce texte.
Lors de la première lecture du projet de loi devant la Haute Assemblée, j’avais qualifié ce texte d’« équilibré ». Je n’hésite pas à réitérer mon appréciation en deuxième lecture : ce texte conforte l’équilibre nécessaire aux réseaux consulaires.
Avant d’en venir au fond, je tiens à rappeler que, et c’est une particularité importante qui a souvent été oubliée lors de nos nombreux débats, cette réforme a été très largement conçue et portée par les acteurs de la vie consulaire, qu’il s’agisse des représentants des réseaux de chambres de commerce et d’industrie ou de chambre de métiers et de l’artisanat. Le projet de loi ne peut certes satisfaire toutes les demandes, mais les efforts de concertation qui ont été menés successivement par le Gouvernement, ensuite par les députés puis par les sénateurs ont porté leurs fruits.
Il s’agit donc, je le répète, d’un texte équilibré dont il me semble important de rappeler les principales composantes.
Quels sont les équilibres du projet de loi ?
Le texte présente deux volets, chacun ayant fait l’objet de nombreuses discussions : d’une part, la réforme des réseaux consulaires, d’autre part, la directive Services.
S’agissant tout d’abord de la réforme des réseaux consulaires, objet du titre Ier, nous avons, toujours avec la recherche de l’équilibre pour ambition, renforcé l’échelon régional des chambres consulaires tout en préservant les services de qualité effectués sur le terrain par les chambres.
Il s’agit, d’abord, d’un équilibre en termes de moyens.
Vous avez ainsi su trouver un équilibre en matière de moyens budgétaires sur le plan territorial. En effet, vous avez prévu que les chambres de commerce et d’industrie territoriales, les CCIT, disposeront « des moyens budgétaires et en personnels nécessaires au bon accomplissement de leurs missions de proximité et de la faculté de gérer ceux-ci de façon autonome ». Il s’agit d’une assurance forte donnée aux CCIT : elles ne seront en aucune manière les otages de l’échelon régional.
De même, vous avez construit un juste équilibre pour le recrutement des agents de droit public – Dieu sait si nous avons eu des débats sur ce sujet ! – en affirmant clairement le principe de leur recrutement par les chambres de commerce et d’industrie de région, les CCIR, mais en donnant la possibilité aux chambres de commerce et d’industrie territoriales de bénéficier d’une délégation permanente leur permettant de recruter les agents nécessaires au bon accomplissement de leurs missions opérationnelles.
Vous avez donc clairement amélioré le texte et accordé des garanties importantes : le renforcement régional ne se fera pas aux dépens des chambres locales. Celles-ci conserveront leurs missions de services de proximité aux entreprises. Il n’est pas question de se priver de leurs compétences. Elles sont et demeureront l’échelon de proximité du réseau au service des chefs d’entreprise.
Il s’agit, ensuite, d’un équilibre en termes de représentation.
Vous avez également su construire un équilibre entre les seuils de représentation de l’échelon territorial au sein des CCIR et les conditions de vote du budget régional. Je partage d’ailleurs pleinement l’analyse du rapporteur M. Cornu : il est préférable que le budget ne soit pas voté à la majorité qualifiée. Ce principe va de pair avec un seuil de représentation de chaque chambre de commerce et d’industrie territoriale à la chambre de commerce et d’industrie de région qui conduira les chambres à échanger, à négocier. Ainsi, le seuil que vous avez retenu, et que les députés ont confirmé, assure la cohérence avec un vote du budget de la CCIR à la majorité simple.
Il s’agit, enfin, d’un équilibre en termes de ressources fiscales.
Vous avez en outre complété le dispositif d’affectation des ressources fiscales proposé par l’Assemblée nationale.
Ainsi, vous avez introduit un dispositif permettant de lisser sur trois ans l’impact pour les entreprises de la régionalisation de la part foncière de la taxe pour frais de chambres de commerce.
Vous avez également imposé aux chambres de commerce et d’industrie la tenue d’une comptabilité analytique, gage de transparence et de bonne utilisation des ressources fiscales. En effet, ces dernières, comme cela a été rappelé, ne sauraient être utilisées pour le financement d’activités marchandes.
Enfin, vous avez précisé que les CCIT devront verser aux CCIR le montant des salaires des agents mis à leur disposition par ces dernières. Il s’agit d’un principe de bonne gestion : les chambres de commerce et d’industrie de région resteront les employeurs de ces agents, mais il n’était pas raisonnable, comme l’a souligné à juste titre le rapporteur pour avis, M. Éric Doligé, que les coûts salariaux soient assumés par l’échelon régional alors que leur travail est essentiellement local.
Vos compléments ont permis d’aboutir à un dispositif pérenne et cohérent avec l’esprit de la réforme. L’Assemblée nationale, je le constate, a suivi vos propositions.
Je tiens à rappeler que les ressources fiscales ne représentent que 30 % de l’ensemble des ressources des chambres. En somme, 90 % de l’ensemble des ressources des chambres ira à l’échelon territorial.
Il n’en restait pas moins indispensable d’affecter ces ressources fiscales à l’échelon régional. En effet, ces ressources représentent une incitation forte pour les chambres de commerce et d’industrie territoriales à ne pas s’isoler, à ne pas se désolidariser. Des échanges sur le budget et sa répartition entre CCIT découleront les échanges sur les autres sujets, en particulier la cohérence des actions locales, ce qui est très important.
Vous avez également rappelé les conditions dans lesquelles ces chambres peuvent exploiter les données recueillies dans le cadre de leur mission de Centre de formalités des entreprises, ou CFE, ainsi que les dispositions spécifiques à l’Île-de-France, en permettant – c’est un apport très important – aux chambres d’Essonne et de Seine-et-Marne de conserver le statut de chambre de commerce et d’industrie territoriale.
Enfin, vous avez défini la notion de représentativité des organisations syndicales au sein des établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie, en vous appuyant sur les critères retenus par la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale.
Toutes ces améliorations au projet de loi étaient nécessaires. Au reste, l’Assemblée nationale a voté dans les mêmes termes les dispositions correspondantes.
J’en viens maintenant au titre II du projet de loi, qui concerne la transposition de la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur, ou directive Services.
La réforme la plus importante est bien sûr celle des marchés d’intérêt national, les MIN. C’est d’ailleurs le seul article que les députés ont souhaité modifier.
Aujourd’hui, un grossiste concurrent du marché d’intérêt national ne peut s’installer dans le périmètre dit « de référence » du marché, sauf dérogation préfectorale exceptionnelle. Le projet du Gouvernement consistait à simplifier les critères d’octroi de cette autorisation.
Les échanges sur ce sujet ont été particulièrement nourris. L’Assemblée nationale, en première lecture, a supprimé ces périmètres de référence. Pour votre part, sur proposition du groupe CRC-SPG, vous avez réintroduit le principe d’un périmètre de référence, en fixant un seuil de 1 000 mètres carrés en dessous duquel l’installation d’un grossiste ne serait pas soumise à autorisation.
Le Gouvernement, je le répète, souhaite favoriser la concurrence en réformant le dispositif actuel, mais en maintenant la possibilité de créer ou de conserver un périmètre de référence autour des marchés d’intérêt national. Il me semble donc que le texte issu de l’Assemblée nationale, qui prévoit un seuil de 1 000 mètres carrés s’appliquant aux produits vendus par le MIN, trouve un équilibre satisfaisant.
Les débats nombreux, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, nous invitent cependant à suivre dans la durée le dispositif qui sera mis en place. Ainsi, les députés ont proposé qu’un bilan soit dressé à l’horizon de 2012 afin de tous nous éclairer sur l’opportunité de maintenir, ou non, les périmètres de référence des MIN. Une telle clause de rendez-vous me semble utile, j’allais même dire indispensable.
S’agissant plus globalement du titre II de ce projet de loi, je tiens à vous remercier de l’esprit de responsabilité dont vous avez fait preuve face à l’obligation de transposition de la directive Services, que notre pays ne peut méconnaître.
Vous avez introduit des dispositions permettant aux experts-comptables et aux associations de gestion et de comptabilité d’assister les personnes physiques dans la réalisation matérielle de leurs déclarations fiscales, créant une obligation d’assurance responsabilité civile identique pour tous les professionnels de l’expertise comptable, des obligations en matière d’information du consommateur, de nouveaux pouvoirs de contrôle pour ce qui est des services à la personne. En somme, je remercie la Haute Assemblée d’avoir saisi l’occasion de la transposition de cette directive pour simplifier l’environnement législatif de certaines professions et améliorer la protection du consommateur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous remercier du travail approfondi que vous avez accompli sur ce projet de loi en première lecture. Comme je l’ai déjà dit, seul l’article 11 a fait l’objet d’une modification de la part des députés.
Nous allons donc examiner cet article. Toutefois, je partage l’avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire : l’équilibre trouvé par l’Assemblée nationale sur les MIN me paraît pouvoir être préservé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services qui résulte des travaux de l’Assemblée nationale est la copie quasi conforme du texte que nous avons adopté en première lecture, puisqu’un seul article reste en discussion, l’article 11 relatif aux marchés d’intérêt national.
Le vote presque conforme de l’Assemblée nationale sur un texte pourtant largement modifié par le Sénat constitue une forme de reconnaissance de la qualité du travail que nous avons accompli, et je m’en félicite.
Je me réjouis surtout que l’examen de ce projet de loi, annoncé comme « difficile » et qui, de fait, a donné lieu à des débats animés et même vifs, tant au Parlement qu’au sein du réseau des chambres de commerce et d’industrie, ait finalement permis de réaliser des avancées importantes et d’apporter des réponses satisfaisantes sur les principaux points d’inquiétude suscités par la réforme. Il en résulte un texte qui respecte l’équilibre entre la rationalisation des réseaux permise par le renforcement du niveau régional et la préservation des services de proximité indispensables aux entreprises et au dynamisme de nos territoires.
Je voudrais brièvement revenir sur les avancées majeures réalisées par notre Haute Assemblée.
Tout d’abord, nous avons assoupli le recrutement des personnels, comme M. le secrétaire d’État l’a souligné, via une possibilité donnée aux chambres de commerce et d’industrie territoriales, dans le cadre d’une délégation permanente qui peut être accordée par la chambre de commerce et d’industrie de région, de recruter les agents de droit public sous statut « nécessaires au bon accomplissement de leurs missions opérationnelles ».
Ensuite, nous avons décidé que le vote du budget se fera à l’échelon régional, annuellement, à la majorité des membres présents ou représentés par souci d’éviter une paralysie du fonctionnement des CCIR, tandis que le vote de la stratégie, en début de mandature d’ailleurs, se fera à la majorité qualifiée des deux tiers afin de permettre que se dégage un véritable consensus sur les orientations stratégiques du réseau.
Par ailleurs, en ce qui concerne la représentation des chambres de commerce et d’industrie territoriales au sein de la chambre de commerce et d’industrie de région, le Sénat est parvenu, en fixant le plafond maximal à 40 %, à un équilibre garantissant une représentation satisfaisante des grosses chambres sans que les petites soient écrasées.
Enfin, un dispositif spécifique a été mis en place pour la région francilienne autour d’un établissement régional doté de la personnalité morale, auquel sont rattachées des chambres de commerce et d’industrie départementales qui en sont dénuées, constituées par les anciennes CCI et délégations présentes sur le territoire de cette région ; le Sénat a introduit dans ce dispositif, à l’unanimité – je tiens à le souligner –, la possibilité pour les chambres de la Seine-et-Marne et de l’Essonne de conserver leur personnalité morale et de devenir des chambres de commerce et d’industrie territoriales, tout en restant rattachées à la chambre de commerce et d’industrie de région.
S’agissant des modalités de financement fiscal du réseau des chambres de commerce et d’industrie, le Sénat a apporté, sur l’initiative du rapporteur pour avis M. Éric Doligé, d’importants éléments en termes de transparence et de sincérité de l’affectation des crédits à la nouvelle architecture mise en place par l’Assemblée nationale. Cette nouvelle architecture repose, je vous le rappelle, sur deux nouvelles contributions en remplacement de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle : une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises, la CFE, et une contribution sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.
Pour les chambres de métiers et de l’artisanat, l’Assemblée nationale et le Sénat n’ont apporté que des modifications marginales au texte initial du Gouvernement, hormis peut-être sur le volet financier, qui devait être précisé afin de mettre en cohérence le financement des chambres avec la réforme de la taxe professionnelle. À cet égard, je voudrais saluer le travail réalisé par les chambres de métiers et de l’artisanat dans la préparation de la réforme de leur réseau. Leur attitude a vraiment été exemplaire.
Un seul article, comme je l’ai dit, reste en discussion au terme de la navette parlementaire : il s’agit de l’article 11 relatif aux marchés d’intérêt national. Cet article a fait l’objet de débats animés au sein de notre assemblée.
M. Gérard César. Oh oui !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Si la commission de l’économie a d’abord suivi ma proposition de supprimer le périmètre de protection des MIN, le Sénat, en séance plénière, a préféré maintenir ces périmètres en réservant l’autorisation administrative aux surfaces de vente supérieures à 1 000 mètres carrés. L’Assemblée nationale a repris cette position de compromis entre le maintien en l’état des périmètres et leur suppression complète, tout en prévoyant une procédure d’évaluation du dispositif d’ici à la fin de l’année 2012.
Il s’agit là, je crois, d’une position qui offre deux avantages : elle permet, dans la pratique, de libéraliser les installations de commerce de gros et, ce faisant, de stimuler le petit commerce de proximité ; elle permet également d’apaiser le débat et de donner aux acteurs le temps d’envisager sereinement les évolutions utiles ou nécessaires au dispositif. Je suis donc favorable à cette solution de compromis.
Mes chers collègues, je vous invite par conséquent à adopter le texte en l’état. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Gérard César. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que nous sommes appelés à examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, seul un article reste en discussion, l’Assemblée nationale ayant voté l’ensemble du texte conforme, abstraction faite de l’article 11 sur les marchés d’intérêt national.
Il est édifiant de le constater s’agissant d’un texte aussi peu consensuel parmi les acteurs du réseau consulaire. C’est un mauvais signe concernant la vitalité de notre démocratie.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Oh !
M. Gérard César. Au contraire !
Mme Odette Terrade. Pour commencer, je souhaiterais renouveler l’appréciation globale portée par mon groupe parlementaire sur ce texte. Nous ne pouvons ignorer que celui-ci se place directement dans le cadre de la réforme territoriale et de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Votre objectif est double : réduire le nombre de chambres territoriales, conformément aux prescriptions du rapport Attali, en générant une organisation très centralisée où les chambres territoriales seront sous une tutelle directe des chambres régionales. Il s’agit ainsi de réorganiser la présence consulaire sur le territoire national en fonction de critères dont nous voyons poindre qu’ils seront essentiellement centrés non sur l’utilité de la présence d’une chambre sur un territoire, mais mécaniquement selon le nombre d’adhérents qu’elles pourront recenser !
Depuis de nombreux mois, nous vous répétons que nous nous inscrivons en faux contre cette vision technocratique qui ne tient pas compte des réalités territoriales et de l’intérêt général de la présence sur l’ensemble du territoire des CCI. De plus, une telle disposition tend à une concentration des richesses sur quelques pôles jugés compétitifs.
Malgré ces arguments que nous développons, la philosophie de ce texte n’a pas évolué d’un pouce, et nous le déplorons. Je considère que le maintien à l’Assemblée nationale de la suppression de la qualité d’établissement administratif aux chambres de commerce et d’industrie, contrairement à la jurisprudence unanime des plus hautes juridictions de l’État, est particulièrement significatif de cette logique.
Nous vous l’avons dit, il s’agit d’un bien mauvais signe pour les activités de service public assumées par les CCI. Le fait de retirer cette qualification à ces établissements revient très directement à pousser les CCI à renforcer leur caractère commercial.
Pourtant, nous estimons nécessaire une véritable modernisation du réseau consulaire, modernisation qui passe par une refonte de sa gouvernance afin de laisser plus de place aux élus de terrain ainsi qu’aux représentants des personnels.
Nous estimons également que cette modernisation doit passer par un renforcement de ses missions de service public, notamment en termes de formation professionnelle.
Cependant, votre unique obsession est d’ordre purement budgétaire et votre logique est fort simple : toute dépense d’intérêt général est à réduire au nom de la rigueur budgétaire ! C’est également une illustration criante de la politique d’austérité que vous menez, politique qui, loin de permettre à la France de sortir de la crise, l’y engagera plus profondément encore.
Comment croire en outre que la transposition de la directive Services, qui vise à libérer la concurrence, à promouvoir la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux, permettra un quelconque progrès dans les secteurs visés, que ce soit dans le cadre du marché de placement, pour les marchés d’intérêt national, les MIN, ou encore pour les agents artistiques ? Comment ne pas voir que ce sont ces politiques ultralibérales qui ont conduit l’Europe dans le mur par la faute des marchés financiers ?
À ce titre, la rédaction de l’article 11 résultant des débats à l’Assemblée nationale me semble moins pertinente que celle que le Sénat avait adoptée, par la voie d’un amendement que j’avais déposé au nom de mon groupe. Pourtant, cet amendement constituait déjà à nos yeux un amendement de repli, puisque nous continuons de penser que la transposition de la directive Services n’était pas justifiée et que les impératifs sanitaires et environnementaux imposent de maintenir les périmètres de référence autour des MIN. Ces structures favorisent en effet les circuits courts et sont des outils essentiels d’aménagement du territoire et de développement durable.
Vous avez cependant fait le choix de revenir sur cette rédaction, qui permettait le maintien des périmètres de référence pour les surfaces supérieures à 1 000 mètres carrés. En effet, vous avez assorti cette disposition d’un mécanisme transitoire conduisant à ce que ces périmètres tombent en désuétude dès 2012, à la suite de la rédaction d’un bilan dont nous savons déjà qu’il ira dans le sens de ce que vous avez voulu nous faire adopter ici même en première lecture. Une telle disposition s’apparente à une mise en scène, puisqu’il s’agit de reculer pour mieux sauter : nous le déplorons vivement !
Je conclurai mon intervention sur la question des personnels, qui a agité nos débats, notamment concernant la représentativité syndicale au sein de la commission paritaire nationale, qui n’avait pas évolué depuis 1952.
À la suite de la première lecture à l’Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d’État, vous avez engagé une concertation avec les syndicats, mais celle-ci s’est avérée inopérante car elle a abouti précisément à ce que les syndicats ne souhaitaient pas, c'est-à-dire à la définition des critères de représentativité en fonction du code du travail et non des lois spécifiques à la fonction publique.
Vous nous avez donc offert un simulacre de concertation, simulacre parfait puisque la responsabilité de cet amendement incombe non pas au Gouvernement mais à notre éminent rapporteur : c’est ce que nous pouvons qualifier de grand courage politique !
Nous n’avons de surcroît constaté aucune avancée concernant notre demande que les élections à la commission paritaire nationale soient le résultat d’élections directes sur l’ensemble du territoire national et non uniquement la consolidation de résultats locaux.
En deuxième lecture, vous vous êtes engagés à revoir la question de l’aide financière aux organisations syndicales. Je vous rappelle ainsi que seuls les deux syndicats représentés à la commission paritaire perçoivent une aide non négligeable de 270 000 euros. Nous espérons que, dans ce domaine, les résultats seront plus concluants.
Plus largement, nous pouvons craindre que cette réorganisation consulaire ne se traduise par des suppressions de postes dans le cadre de la RGPP, ainsi que par l’accentuation de la mobilité, celle-ci se faisant dorénavant à l’échelon régional.
Pour l’ensemble de ces raisons, et parce que nous sommes convaincus que les CCI, véritables leviers de développement économique local, méritent mieux que votre réforme comptable, nous ne voterons pas ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Une deuxième lecture dans ces conditions, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un peu, comme on dit dans mon bocage, « arriver à la fumée des cierges » : nous ne pouvons plus discuter de grand-chose, la quasi-totalité du texte ayant été – heureusement ou malheureusement, je ne saurais le dire – votée en termes identiques.
Sur la réforme des réseaux consulaires à proprement parler, monsieur le secrétaire d’État, je voulais vous faire part de l’entier soutien de mon groupe.
Dès le mois de septembre 2008, l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie avait engagé des négociations au sein de leurs réseaux pour renforcer l’échelon régional. Nous nous apprêtons aujourd’hui à récolter le fruit de ce travail.
Cette réforme est importante : les 30 000 personnes travaillant au sein des réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat participent au développement économique de notre pays, tout le monde le sait.
Les chambres consulaires sont à ce titre le deuxième formateur de France, avec plus de 500 établissements de formation et 620 000 personnes formées chaque année. En outre, elles constituent le bras armé de la politique économique des régions, dont nous avons bien besoin aujourd’hui compte tenu des difficultés économiques que rencontrent nos territoires.
La régionalisation de l’organisation des réseaux consulaires apporte de la clarté. L’échelon régional est le plus pertinent, monsieur le secrétaire d’État. Il est d'ailleurs fort dommage que vous n’ayez pu communiquer au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales cette fièvre régionale qui aurait permis, dans un autre débat, quelques éclaircissements.
Les chambres régionales deviennent les pilotes et les interlocuteurs responsables à l’égard des conseils régionaux.
À ce stade du débat, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais simplement vous poser quelques questions, relayant les interrogations du président de la chambre de métiers et de l’artisanat de mon département sur ce texte.
Tout d’abord, le projet de réforme prévoit deux modalités d’organisation du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat : l’option « mutualisation » ou l’option « régionalisation ». Le choix de l’une ou l’autre de ces deux options, pense-t-il, permettra sans doute à notre réseau d’engager sa modernisation selon les réalités existantes dans chaque réseau.
Cependant, la mise en œuvre de l’option « régionale » risque de s’avérer difficile si une – ou plusieurs – chambre départementale, minoritaire au niveau régional, refuse ce schéma. En effet, celle-ci resterait alors un établissement public rattaché à la chambre de métiers et de l’artisanat de la région avec un budget propre.
Une telle organisation à plusieurs vitesses, malgré la mutualisation des fonctions supports, sera sans nul doute source de problèmes entre les différentes structures. Aussi, à l’image de l’option « mutualisation », il semblerait plus judicieux de considérer que le choix majoritaire s’applique à l’ensemble des chambres de métiers et de l’artisanat départementales, sans dérogation possible.
Ensuite, le conseil de modernisation des politiques publiques demandait, le 11 juin 2008, que la mise en œuvre de la RGPP au niveau des chambres de métiers et de l’artisanat permette de réaliser des économies importantes.
Or, la commission des finances de l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui semble remettre en cause ce principe, même s’il prévoit une baisse de la taxe pour frais de chambres de métiers entre 2011 et 2013 ainsi que son indexation sur le montant du plafond annuel de la sécurité sociale.
En d’autres termes, la baisse des charges sur les entreprises risque d’être relative dans le cadre de la mise en œuvre de l’option « régionalisation », schéma d’organisation pourtant vivement encouragé par le Gouvernement au titre des gains de productivité attendus.
Je suis certaine, monsieur le secrétaire d’État, que vous trouverez les réponses adéquates à ces deux questions auxquelles, pour ma part, je n’ai pas su répondre.
Enfin, je voudrais souligner le travail remarquable des chambres de métiers et de l’artisanat. Vous venez de rencontrer le président de la chambre de métiers et de l’artisanat de l’Orne, M. Chalumeau, lors de votre récent passage à Carrouges en tant que secrétaire d’État chargé du tourisme, monsieur Novelli. Aussi, je voudrais vous inviter très officiellement à venir participer aux journées « Artisanalement vôtre », une création purement ornaise – il n’y a pas que le camembert dans l’Orne. (Sourires.)
Dans ce cadre, la chambre de métiers et de l’artisanat rencontre sur le terrain les artisans d’une intercommunalité, d’un canton – je déplore, à titre personnel, que celui-ci existe encore –, bref les acteurs locaux, non seulement pour connaître leurs difficultés, mais également pour présenter les options offertes par la chambre de métiers en matière de formation, de conseils ou de subventions.
Curieusement, malgré des outils de communication de plus en plus importants et la mise en place de « guichets uniques », certains artisans s’installent encore sans disposer des renseignements minimaux et se retrouvent finalement en difficulté au bout de six ou huit mois.
J’espère que vous trouverez le temps de venir participer à ces journées, monsieur le secrétaire d’État. Il faudrait que notre département puisse être labellisé, car le président de notre chambre de métiers et de l’artisanat a également organisé une cellule de crise pour que les artisans puissent venir à n’importe quel moment exposer leurs difficultés, l’ensemble des services de la chambre exerçant alors ses talents afin d’essayer de leur venir en aide.
Je vous assure que, dans cette période de crise, il serait extrêmement intéressant de « dupliquer » ce type de dispositif, en particulier pour les agriculteurs, qui connaissent de grandes difficultés.
Les procédés réactifs et de terrain sont l’apanage de l’artisanat, première entreprise de France – on ne le dira jamais assez –, non délocalisable et présente dans toutes les communes rurales, si petites soient-elles, que le Sénat soutient envers et contre tous.
Quoi qu’il en soit, monsieur le secrétaire d’État, je compte sur vous pour rencontrer le président Chalumeau et moi-même dans le département de l’Orne. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste. – M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne comprends pas les préventions qui ont incité le Gouvernement à ne pas engager la procédure accélérée sur ce texte tant cette deuxième lecture est verrouillée. C’est de l’urgence déguisée, monsieur le secrétaire d’État ! Aussi, vous ne serez pas surpris que je partage les interrogations de ma collègue Odette Terrade.
La deuxième lecture de ce projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services a-t-elle permis de l’améliorer ? Manifestement, la réponse est « non », dans la mesure où seul un article a été retouché par nos collègues de l’Assemblée nationale. En revanche, les aspects financiers, les questions liées aux compétences, au transfert des agents mais aussi à la création d’un conseiller territorial consulaire n’ont pas reçu, dans le débat, la clarification nécessaire.
Il est vrai que, en première lecture, le Sénat a amélioré les dispositions du texte qui pouvaient être améliorées, en supprimant les mesures les plus controversées – à ce stade, je tiens à remercier M. le rapporteur de sa capacité d’écoute, plusieurs de nos amendements ayant été adoptés –, je pense notamment au rétablissement de la personnalité morale pour les CCI de l’Essonne et de la Seine-et-Marne.
En dépit de quelques avancées obtenues à la suite de l’adoption d’amendements présentés par l’opposition, le texte demeure source de nombreuses insatisfactions et d’incertitudes. Le grand écart entre la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et la commission des finances du Sénat est toujours d’actualité.
En première lecture, la commission des finances de notre assemblée avait pourtant alerté le Gouvernement et la représentation nationale en dénonçant « le déficit de préparation et d’ambition de la réforme des CCI », considérant que celle-ci restait « au milieu du gué » et que, si elle avait été saisie au fond, « elle aurait demandé le rejet de la partie du projet de loi relative aux chambres de commerce et d’industrie ».
Le groupe socialiste tient une fois encore à rappeler que les transferts d’argent des CCIT aux CCIR sont antinomiques avec le schéma régional retenu.
Aujourd’hui, les chambres régionales sont des coquilles vides. Cette réforme leur confère un rôle de tête de pont régional. Or le texte est conçu de telle sorte que le savoir-faire, la motivation, la « gagne » demeureront au niveau territorial, alors que les moyens financiers et les décisions stratégiques relèveront du niveau régional.
Je ne suis guère optimiste sur les vertus de cette organisation : ni descendante, ni ascendante, elle sera source de névroses et de démotivation. (M. le secrétaire d’État s’exclame.)
En première lecture, j’avais souligné que cette organisation consulaire s’articulait autour de chambres de nature différente – territoriale, métropolitaine, régionale –, sans que la répartition des diverses compétences ne soit correctement établie. Ce constat, non partisan, est toujours d’actualité.
La majorité sénatoriale était, les 9 et 10 juin dernier, fortement divisée, notamment sur la perte d’autonomie fiscale des CCIT.
Le groupe socialiste a souligné que le projet de loi était incohérent, que son dispositif de financement était bancal, illisible, fondé sur un enchevêtrement de flux et de reflux financiers entre les chambres, dont le mécanisme supprime l’autonomie fiscale des CCI locales.
L’examen du texte en deuxième lecture n’a pas permis de revenir sur ces vices de fabrication. Cette réforme est mal engagée, sa réussite compromise. Les futurs conseillers territoriaux consulaires, nos territoires et nos entreprises vont probablement en essuyer les plâtres. Je ne doute pas un instant que nous serons prochainement sollicités pour remettre l’ouvrage sur le métier.
Seul l’article 11 relatif aux marchés d’intérêt national a été modifié à l’Assemblée nationale.
Le groupe socialiste est bien évidemment opposé à la suppression du périmètre de référence. À cet égard, je suis chaque fois surprise lorsque mes collègues de la majorité affirment que je soutiens le monopole. C’est une illusion d’optique, ou une manifestation de mauvaise foi (M. le rapporteur fait un signe de dénégation.), que de considérer Rungis comme un monopole. Il s’agit, au contraire, d’une mosaïque de producteurs et de distributeurs, concentrés dans un marché, ce qui facilite les différents contrôles.
En effet, le MIN est un périmètre réglementé destiné à protéger le consommateur et le producteur, dans un souci d’aménagement du territoire. Il présente un certain nombre d’autres avantages, sur lesquels je ne reviendrai pas car ils ont été longuement évoqués en première lecture.
Pour se mettre en conformité avec la directive Services, il fallait revoir les procédures d’autorisation d’installation des grossistes au sein des périmètres de protection. Ce travail de transposition a donné lieu à la version initiale d’une proposition, établie en concertation avec les MIN. Ce dispositif, qui n’avait pas rencontré le désaccord de Bruxelles, maintenait une autorisation administrative préalable à toute installation d’un grossiste dans le périmètre. Cette autorisation était fondée non plus sur un test économique, mais sur des considérations d’aménagement du territoire et de développement durable.
Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a estimé que ce compromis était encore trop protectionniste. À cet égard, l’option retenue par la majorité parlementaire est d’inspiration encore plus libérale que Bruxelles. Le rapporteur au Palais-Bourbon a souhaité établir la liberté totale d’installation, autrement dit la dérégulation.
Heureusement, le Sénat a adopté un amendement du groupe CRC-SPG tendant à maintenir une autorisation d’exploitation commerciale pour les projets d’implantation dont la superficie de vente est supérieure à 1 000 mètres carrés. L’Assemblée nationale est revenue en partie sur cette disposition en précisant la règle de calcul des 1 000 mètres carrés et en prévoyant une clause de revoyure. Il s’agit là d’un dispositif transitoire.
Le groupe socialiste demeure encore très réservé sur cette position dite « de compromis ». En effet, le commerce de gros n’est pas régi par la loi de modernisation de l’économie. Autrement dit, lorsqu’un grossiste souhaitera installer un entrepôt de 4 000 mètres carrés, il lui suffira, conformément aux dispositions de ce projet de loi, de déclarer une surface de produits frais de 999 mètres carrés et d’obtenir un permis de construire. Aucune autre formalité n’est requise. Or, par la suite, qui contrôlera que les rayons frais seront bien cantonnés dans ces 999 mètres carrés ?
D’où vient cette volonté, cette obsession de démanteler des régulations qui ont fait leur preuve ?
Le groupe socialiste n’est pas, en soi, opposé à l’ouverture de nouveaux entrepôts : il estime néanmoins indispensable que toute nouvelle ouverture fasse l’objet non seulement d’un examen attentif en matière d’aménagement du territoire, d’inscription dans l’espace urbain et d’accessibilité, mais aussi d’un contrôle dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité alimentaire.
C’est pourquoi nous présenterons deux amendements. Nous sommes sans grandes illusions sur le sort qui leur sera réservé, mais, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, seuls les combats qui ne sont pas menés sont perdus d’avance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé en deuxième lecture fait suite à une proposition de réforme élaborée par l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie en avril 2009, après un débat mené en 2008.
Plus exactement, l’objectif du projet de loi est principalement de rationaliser l’organisation administrative et territoriale des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat, mais aussi de réformer le régime administratif de plusieurs professions réglementées dans le domaine du commerce, de l’artisanat et des services.
Sa logique générale est de renforcer le niveau régional des chambres et de diminuer leur nombre à l’échelon local afin – c’est en tout cas le but affiché – de réaliser des économies, conformément aux objectifs de la RGPP, tout en conservant un important réseau de proximité.
Dans un contexte d’endettement massif des entreprises, nous aurions pu être d’accord avec un renforcement des missions de service public de nos organismes consulaires et une action de proximité et d’animation plus importante auprès des petites et moyennes industries, ainsi que des petites et moyennes entreprises. Or le projet de loi qui nous est présenté est un texte fourre-tout : il débute par une révision de la carte consulaire, programme ensuite la mort des marchés d’intérêt national en supprimant leurs périmètres de référence, supprime au passage la licence d’agent artistique, révise la législation sur la profession d’expert-comptable et ouvre la voie à des ordonnances spécifiques organisant le secteur des métiers et de l’artisanat.
Ce qui importe avant tout, c’est que les CCI puissent se recentrer et se concentrer sur ce qui constitue leur expertise et leur cœur de métier, à savoir la relance de l’innovation, des investissements, de la production, des marchés et de l’emploi sur l’ensemble de nos territoires, notamment les territoires ruraux les moins peuplés et les plus touchés par la crise. Ces territoires ont besoin, vous en êtes tous convaincus, d’être soutenus.
Or ce projet de loi, qui est mal construit, parce qu’il a fait l’objet d’une concertation insuffisante en amont, prévoit exactement le contraire. Il conduira ainsi à accélérer la désertification et la paupérisation en milieu rural et montagnard, sans pour autant permettre aux métropoles, où sont concentrés le chômage et la précarité en période de crise économique, de faire face aux enjeux auxquels elles sont confrontées.
Nous ne voulons pas que les établissements consulaires deviennent de simples cabinets de consulting auprès des quelques grosses entreprises qui siégeront au sein du conseil d’administration de la CCI de région. Nous ne sommes pas dupes ! Nous voyons bien que l’objectif, in fine, de cette réforme est d’amener les chambres de commerce et d’industrie à abandonner progressivement leurs missions de service public au profit de missions purement commerciales.
L’ancrage territorial du réseau des CCI, au plus près du maillage entrepreneurial, est un atout décisif. Pourquoi alors ne pas avoir mis en place une véritable concertation avec les collectivités territoriales, qui représentent 75 % de l’investissement public de notre pays et qui sont des partenaires à part entière du développement économique ? C’est cette proximité qui permet de répondre en permanence de manière adéquate aux besoins évolutifs des entreprises, d’apporter des réponses rapides, souples, réactives, originales et innovantes aux problèmes perpétuellement nouveaux auxquels elles ont à faire face. En aboutissant à un affaiblissement de cette proximité territoriale, la réforme proposée par le texte manquera totalement son but.
En réalité, le projet de loi semble vide de tout contenu. De fait, il invite les CCI à faire des économies d’échelle en sacrifiant le niveau efficace de la proximité et à réduire les emplois, sans aucune concertation sociale au préalable. Plusieurs centaines d’emplois vont disparaître car, malgré ce qui a pu être dit, cette réorganisation entraînera des suppressions de postes.
Enfin, je conclurai mon intervention par quelques mots sur le seul article restant en discussion. Le texte résultant des travaux du Sénat en première lecture permettait d’assurer la défense de l’existence des marchés d’intérêt national, grâce au maintien des périmètres de référence. L’Assemblée nationale a légèrement modifié le texte du Sénat. Cependant, je me félicite qu’elle ait maintenu le périmètre de référence, tout en autorisant les surfaces inférieures à 1 000 mètres carrés. Je ne suis pas contre cette possibilité, à condition qu’il soit précisé qu’il s’agit de moins de 1 000 mètres carrés cumulés.
En conclusion, je rappelle que le groupe RDSE est très réservé sur ce projet de loi. Comme d’habitude, il s’exprimera dans sa diversité : la majorité du groupe s’abstiendra sur ce texte, tandis que quelques-uns de nos collègues l’approuveront, monsieur le secrétaire d’État. (Mme Odette Terrade et M. Jean-Claude Frécon applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.
L’Assemblée nationale a adopté conforme le texte issu des travaux du Sénat en première lecture, à l’exception d’un article, l’article 11, relatif aux marchés d’intérêt national.
En tant que sénateur du Val-de-Marne, département dans lequel, chacun le sait, est implanté le MIN le plus important de France, je voudrais rappeler pourquoi mon collègue Christian Cambon et moi-même étions attachés au maintien de la version initiale du projet de loi en ce qui concerne le périmètre de référence des MIN.
En effet, le texte initial de l’article 11 était conforme aux exigences de la directive européenne et permettait à tous les grossistes de s’établir au sein d’un MIN. Ces marchés sont, comme les chiffres le démontrent et comme l’a rappelé Mme Khiari, des lieux de véritable concurrence. La version initiale de l’article 11 protégeait ces zones d’échange et assurait leur pérennité.
Le Gouvernement, il faut le rappeler, avait mené une concertation approfondie pendant deux ans. Il était en effet nécessaire d’assouplir les périmètres de protection du fait de l’adoption de la directive européenne proscrivant les régimes de protection pour les remplacer par des régimes d’autorisation.
Cette concertation a abouti à un texte destiné à assouplir le périmètre de protection en soumettant l’autorisation à des critères d’aménagement du territoire et de développement durable. Ces critères n’ont pas été retenus par hasard et n’avaient nullement été contestés par la Commission européenne. Ce sont d’ailleurs ceux que nous avions adoptés en 2008 pour l’urbanisme commercial, dans la loi de modernisation de l’économie. Il était donc logique qu’ils soient proposés pour assouplir le périmètre de protection des MIN.
Cependant, l’Assemblée nationale n’a pas souhaité en tenir compte. Elle a préféré supprimer de façon radicale les périmètres de protection, de même que M. le rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Comme je l’ai déjà dit en première lecture, je trouve regrettable que les parlementaires, qu’ils soient sénateurs ou députés, n’aient tenu aucun compte du processus de concertation réelle qui avait été mené par le Gouvernement. Le Sénat avait pourtant adopté une position de sagesse, se rapprochant du texte initial du Gouvernement.
Ce que nous voulons, c’est une concurrence saine qui préserve non seulement la réputation des MIN, mais surtout l’objectif initial de leur création. Vous avez vous-même reconnu, monsieur le rapporteur, que les MIN, et notamment celui de Rungis, fonctionnaient très bien. Alors pourquoi vouloir les désorganiser ?
Ces marchés contribuent très largement aux échanges commerciaux de productions agricoles et alimentaires dans nos régions ; ils permettent à des milliers de producteurs de trouver les débouchés nécessaires à l’écoulement de leurs produits auprès des grossistes et des distributeurs.
Par ailleurs, nous savons les efforts qu’accomplissent ces professions pour promouvoir la qualité et la variété d’une production agricole française réputée dans le monde entier, et qui nous est enviée.
Monsieur le rapporteur, en supprimant purement et simplement les périmètres de référence au nom de la libre concurrence, dont on connaît les dérives et surtout les dégâts, vous risquiez de porter un coup fatal à cette magnifique filière de produits frais dont les acteurs sont si respectueux de la qualité et qui laisse toute leur place aux producteurs, y compris aux plus petits d’entre eux.
Monsieur le secrétaire d’État, si le texte final de l’article 11 recueille aujourd’hui un large consensus, soyez assuré que nous saurons rester vigilants quant à son évolution dans deux ans, et ce quels que soient les sénateurs élus ou réélus sur ces travées.
Telles sont les remarques que je souhaitais faire en mon nom personnel et au nom de M. Christian Cambon, ainsi que des trente et un autres sénateurs cosignataires de notre amendement, en particulier Mme Bernadette Dupont, MM. Ambroise Dupont, Louis Nègre, Jean-Claude Gaudin et Laurent Béteille, sans oublier le président Roland du Luart.
S’agissant des autres dispositions du projet de loi, nous pouvons nous féliciter de leur adoption conforme par nos collègues de l’Assemblée nationale dans la rédaction modifiée par le Sénat en première lecture, notamment concernant la réforme des réseaux consulaires, en particulier celle des chambres de commerce et d’industrie, qui était sans nul doute la partie la plus difficile du texte et sur laquelle un consensus a donc été trouvé.
Je voudrais également saluer la position constructive du rapporteur de l’Assemblée nationale, qui a permis l’adoption d’un texte dans un climat apaisé.
Enfin, je tiens à remercier le rapporteur du Sénat, M. Gérard Cornu, pour son courage : il a accepté de rapporter un texte sur lequel, au départ, nul ne pensait pouvoir trouver un accord, en particulier pour ce qui est des réseaux consulaires.
Monsieur le rapporteur, vous avez su réduire progressivement les points de désaccord sur ce sujet et, à l’instar M. le secrétaire d’État, vous montrer à l’écoute des préoccupations des uns et des autres. Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, au nom du groupe UMP, je tiens à vous en remercier.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Union pour un Mouvement Populaire apportera son soutien au projet de loi, même si certains parmi nous regrettent que l’Assemblée nationale n’ait pas voté conforme l’intégralité de ce texte, y compris, donc, l’article 11. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, force est de constater que le texte que nous examinons aujourd’hui, c’est-à-dire l’article 11 du projet de loi, puisque tous les autres articles ont été adoptés conformes par nos collègues de l’Assemblée nationale, suscite sinon moins d’opposition, en tout cas moins de vives réactions.
Souvenons-nous que l’article 11 relatif aux périmètres de référence des marchés d’intérêt national avait provoqué, après la suppression de ces périmètres protecteur en première lecture à l’Assemblée nationale, une vive réaction de la part de nombreux sénateurs, qu’ils soient membres de l’opposition ou de la majorité.
Monsieur le secrétaire d’État, le groupe socialiste du Sénat, avec le soutien de sénateurs de toutes les travées de cet hémicycle, vous avait alors donné l’opportunité de revenir à la rédaction initiale du projet de loi que vous aviez déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Ce premier texte était issu de la fructueuse concertation que vous aviez menée avec l’ensemble des professionnels du commerce des produits frais et de l’agriculture. Ce processus avait abouti à une proposition d’évolution de la réglementation des MIN qui recueillait l’assentiment de la plupart des parties concernées et qui semblait acceptable par la Commission européenne.
En effet, il convient de le rappeler, la directive Services n’a jamais condamné la nature ni les objectifs des marchés d’intérêt national et leurs périmètres de référence. Le texte qui avait été élaboré était conforme à la lettre et à l’esprit de cette directive, quoi qu’on en pense par ailleurs. L’argument selon lequel les périmètres de référence devaient être supprimés au motif qu’ils étaient en contradiction avec cette directive ne tenait donc pas.
Mes chers collègues, nous connaissons tous la suite : c’est finalement un amendement de compromis déposé par nos collègues du groupe CRC-SPG qui a permis de sauver les périmètres de référence des MIN. Les procédures d’autorisation dans ces marchés ont été assouplies et les critères d’octroi de l’autorisation permettant l’installation d’un grossiste dans le périmètre de référence d’un marché d’intérêt national ont été redéfinis.
Le texte résultant des travaux du Sénat était sans doute le meilleur compromis qu’il était possible d’envisager. Les autorisations d’installation des grossistes n’étaient plus obligatoires que pour les surfaces commerciales supérieures à 1 000 mètres carrés et prenaient en compte des critères fondés sur des considérations d’aménagement du territoire, de sécurité sanitaire et de développement durable.
Mes chers collègues, il convient de rappeler que ces périmètres de référence sont tout à fait essentiels pour la bonne marche du service public de l’alimentation. Il ne s’agit pas de défendre un monopole, bien au contraire ! Sans ces périmètres dits « de protection », les grossistes et distributeurs du secteur agroalimentaire auraient pu s’installer rapidement au sein des agglomérations, sans autorisation préalable des pouvoirs publics, au titre du commerce de gros des produits frais, tout en échappant aux divers contrôles, notamment sanitaires.
Cette concurrence déloyale aurait eu pour effet d’affaiblir sensiblement les 1 300 PME du MIN de Rungis ainsi que des dizaines d’autres en régions, et de menacer la pérennité des 26 000 emplois des MIN de France.
Les périmètres de protection des marchés d’intérêt national interdisent, comme chacun le sait, toute extension ou création d’activité destinée à la vente en gros à l’intérieur du périmètre pour les produits protégés. C’est en partie grâce à l’efficacité de cette mesure destinée à protéger les MIN et les grossistes et producteurs qui y exercent leurs activités que le marché de Rungis, le plus grand marché de produits frais au monde, est devenu un modèle dont l’organisation est exportée par ses dirigeants dans le monde entier.
Le marché de Rungis génère à lui seul un chiffre d’affaires de près de 8 milliards d’euros. Plus de 5 500 grossistes y emploient 12 000 salariés. Depuis plus de quarante ans, le MIN de Rungis mène au quotidien le combat de la qualité et de la fraîcheur de ses produits dont 18 millions de consommateurs profitent tous les jours. Chaque matin, ce sont plus de 30 000 professionnels qui franchissent les portes du marché pour l’approvisionner, y faire leurs achats ou venir y travailler.
Grâce aux périmètres de référence, les MIN sont de puissants outils d’aménagement du territoire. Ils constituent un réservoir d’emplois qu’il faut protéger et, pour nombre de nos agriculteurs, un outil essentiel de mise en marché de leurs produits jusque sur les étalages des commerçants forains et sédentaires de nos centres-villes. Ils sont le seul outil dont l’État dispose pour suivre la formation des prix de détail des produits frais. Ils sont, enfin, un lieu de contrôles sanitaires et phytosanitaires, des procédures essentielles pour assurer notre sécurité alimentaire.
Certes, les travaux du Sénat ont permis de sauver ces périmètres de protection, et nous pouvons être satisfaits, mes chers collègues, du combat qui a été mené sur toutes les travées de cet hémicycle pour la défense des MIN.
Lors de la deuxième lecture, l’Assemblée nationale s’est fort opportunément ralliée au texte voté par le Sénat et l’a même amélioré en écartant toute possibilité pour un opérateur de détourner, en multipliant sur le même site plusieurs implantations distinctes, la mesure de simplification consistant à dispenser d’autorisation les installations de faible surface.
Le texte transmis par l’Assemblée nationale prévoit en effet que la surface s’entend, le cas échéant, pour un groupe d’installations proches mais formellement distinctes, ce qui permettra d’éviter la constitution sans contrôle d’une installation dépassant le seuil légal des 1 000 mètres carrés par agrégation de plusieurs bâtiments destinés aux mêmes clients.
En revanche, le texte issu des travaux du Sénat en première lecture a été mis à mal sur deux points essentiels selon nous.
Tout d’abord, le Sénat avait prévu que l’autorité administrative compétente pour donner l’autorisation d’installation devait statuer sur les demandes d’autorisation en prenant en considération les effets du projet en matière d’aménagement du territoire, de développement durable et de sécurité sanitaire. L’Assemblée nationale a supprimé ce dernier critère, ce qui ne paraît absolument pas justifié : la sécurité sanitaire constitue une condition tout à fait essentielle pour accorder ou refuser l’autorisation d’implantation d’un grossiste. Nous vous proposerons donc un amendement visant à réintroduire ce critère.
Par ailleurs, le dispositif de compromis adopté par le Sénat en première lecture a été substantiellement fragilisé : la majorité à l’Assemblée nationale a décidé de lui conférer un caractère provisoire en limitant son application au 31 décembre 2012. À cette date, un bilan de l’organisation des marchés d’intérêt national, portant en particulier sur la mise en œuvre et l’efficacité des périmètres de référence au regard des objectifs visés, sera présenté au Parlement par l’autorité administrative compétente.
Certes, l’élaboration de ce bilan associera notamment les établissements publics et les organisations interprofessionnelles concernées. Les déclarations du rapporteur Gérard Cornu lors de la réunion de la commission de l’économie du 30 juin dernier ne nous ont cependant pas rassurés sur l’orientation de celui-ci.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons un amendement de suppression de cette clause de revoyure.
De plus, vous n’êtes pas sans savoir que, pour se développer, les MIN ont besoin d’investissements importants qui nécessitent une visibilité à long terme. Manifestement, cette clause de revoyure constitue un obstacle à de tels investissements.
Si l’échéance du 31 décembre 2012 devait être maintenue, les élus et professionnels qui défendent une alimentation de qualité au service des citoyens seront plus nombreux et plus déterminés que jamais pour préserver la concurrence « qualité » que garantissent les marchés d’intérêt national.
Le savoir-faire de ceux qui y travaillent et le service public qui les protège méritent toute notre attention et notre respect. Il s’agit ni plus ni moins de défendre le modèle français d’économie mixte et de distribution alimentaire alternative à la grande distribution ? Nous serons toujours attentifs à la défense des MIN, car il ne s’agit rien de moins que de défendre l’intérêt général et le service public de l’alimentation.
Grâce à l’existence des périmètres de référence, la France dispose encore d’un circuit de distribution alimentaire de qualité. Les MIN sont, par définition, des lieux de concurrence où se confronte une diversité d’offres. Ce ne sont ni des « monopoles » ni des lieux de « privilège ». Nous serons toujours présents pour défendre leur pérennité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Avant de répondre à l’ensemble des orateurs, je tiens à remercier ces derniers de la discussion qui vient d’avoir lieu et qui montre à quel point le texte a suscité l’intérêt ; les avis ont parfois été divergents, mais c’est tout l’intérêt de la démocratie et des débats, notamment au sein de la Haute Assemblée.
Je félicite de nouveau les membres de la commission de l’économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en particulier le président Jean-Paul Emorine et le rapporteur Gérard Cornu, pour l’excellence de leur travail. À chacun des moments forts, les conclusions du Gouvernement convergeaient avec celles du rapporteur, les quelques différences d’appréciation qui subsistaient étant assez minimes.
Monsieur Collin, s’agissant de votre appréciation de la réforme des réseaux consulaires, je vous ai trouvé un peu sévère.
M. Yvon Collin. C’est rare !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. C’est rare, en effet !
À l’instar de Mme Terrade, vous avez estimé que ce projet de loi était peu consensuel. Je rappellerai pourtant, une nouvelle fois, combien ce texte a été d’abord le fruit d’un travail au sein du réseau lui-même, et que le ministre a tenu le plus grand compte des propositions qui ont été faites par ce dernier, en dépit des vives discussions qui ont pu avoir lieu en son sein. Je fais référence ici au réseau des chambres de commerce et d’industrie plus qu’a celui des chambres de métiers et de l’artisanat ; le débat sur ces dernières faisait déjà l’objet d’un consensus sur les axes de la réforme, et a donc été peu nourri.
Monsieur Collin, madame Terrade, le travail accompli a vraiment été considérable, à la fois avant la rédaction du projet de loi et après le dépôt de ce texte au Parlement. Il me semble que nous sommes maintenant parvenus à un équilibre, comme l’a très justement souligné Mme Procaccia.
Nous sommes arrivés à un équilibre sur les prérogatives exercées par les échelons territorial et régional, sur le recrutement des agents de droit public par les chambres de région et sur la délégation permanente qui permettra aux chambres territoriales de recruter. Un équilibre a également été trouvé quant aux ressources fiscales, qui seront attribuées aux chambres de région puis réparties entre les chambres territoriales avec des garanties pour ces dernières.
Madame Goulet, comme vous l’avez remarqué à juste titre, il est prévu que les chambres de métiers et de l’artisanat départementales puissent soit fusionner au sein d’une chambre de métiers et de l’artisanat de région pour en devenir des sections, soit conserver leur statut d’établissement public et être simplement rattachées à une chambre régionale. Vous vous êtes interrogée avec raison sur le fait qu’une telle option n’a pas été prévue pour les chambres de commerce et d’industrie.
Avant l’adoption de ce texte, il y avait une différence forte dans la structuration des réseaux consulaires. Celle-ci était quasiment achevée pour les chambres de métiers et d’artisanat : pour cent départements, on comptait cent trois chambres de métiers. Il n’en allait pas de même pour le réseau des chambres de commerce et d’industrie, lesquelles étaient encore plus de cent cinquante avant la réforme. C’est cette profonde différence qui explique que cette option ait été proposée par le réseau des chambres de métiers et d’artisanat et que je l’ai intégrée dans le projet de loi.
Par ailleurs, ainsi que je m’y étais engagé, le Gouvernement a choisi de respecter le plus possible le choix de réforme porté par les réseaux. Les chambres de commerce et d’industrie de Paris et de Versailles-Val-d’Oise-Yvelines ont, pour leur part, privilégié une fusion au sein d’une chambre de commerce et d’industrie Paris-Île-de-France. Par conséquent, le projet de loi prévoit des dispositions spécifiques pour cette région.
Madame Goulet, vous vous êtes ensuite interrogée sur les économies qui seront réalisées grâce aux mutualisations entre les chambres de métiers et de l’artisanat.
Je tiens à vous indiquer que ces économies sont réelles. Comme vous l’avez-vous-même souligné, elles se traduiront par une baisse non seulement de la taxe pour frais de chambres de métiers et de l’artisanat entre 2011 et 2013, mais également du niveau de droit additionnel, qui ne pourra plus être porté qu’à 90 % du droit fixe si une convention d’objectifs et de moyens est conclue entre la chambre de métiers et de l’artisanat et l’État. Auparavant, une chambre était susceptible de bénéficier d’un droit additionnel pouvant être porté jusqu’à 95 % du droit fixe. Nous le voyons, il y a donc là une diminution qui devrait satisfaire tous les partisans de la baisse des dépenses fiscales de notre pays.
Madame Goulet, je suis bien entendu totalement disponible pour venir vous rendre visite, ainsi qu’à l’ensemble des parlementaires de l’Orne.
Mme Nathalie Goulet. Ça se gâte ! Je pensais que c’était seulement pour moi ! (Sourires.)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame Terrade, vous m’avez interrogé sur le caractère administratif des établissements publics que sont les chambres de commerce et d’industrie.
Mme Odette Terrade. Qui avait été gagné à l’Assemblée nationale en première lecture !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. À la suite de l’adoption d’un amendement présenté par votre collègue M. Paul ! Or cela avait suscité de nombreux débats, que nous n’allons pas refaire aujourd'hui.
Comme vous l’avez-vous-même indiqué, l’affirmation du caractère administratif des chambres de commerce et d’industrie aurait eu une lourde conséquence : c’est le statut de la fonction publique qui se serait appliqué en matière de représentativité syndicale !
Votre Haute Assemblée a estimé qu’il n’était pas nécessaire de préciser le caractère administratif des chambres de commerce et d’industrie, car cela aurait eu pour effet de nier la part industrielle et commerciale de certaines missions de ces organismes.
En outre, je tiens à rappeler que le statut général des fonctionnaires ne s’applique pas aux agents des chambres de commerce et d’industrie. En effet, le statut de ces derniers relève de la commission paritaire nationale, qui, comme vous le savez, a été instituée par la loi de 1952.
Je voudrais attirer votre attention sur ce qui se passerait si nous vous suivions. Compte tenu des modalités de représentation des agents qui résultent de la loi de 1952 et du fait que, aujourd'hui, 60 % des représentants en commission paritaire locale ne sont pas affiliés à une organisation syndicale, un alignement des règles relatives au dialogue social au sein des chambres de commerce et d’industrie sur celles qui s’appliquent à la fonction publique aurait pour conséquence d’empêcher les agents non affiliés à des syndicats de se présenter !
Mme Odette Terrade. Mais non ! Absolument pas !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce serait incompréhensible pour les agents des chambres consulaires, qui font confiance à leurs représentants. C’est pourquoi nous n’avons pas souhaité retenir une telle option.
J’en viens à présent au titre II du projet de loi, et je centrerai mon propos sur le sujet qui a été le plus évoqué par les différents intervenants, celui des MIN.
Tout d’abord, je me réjouis que M. le rapporteur Gérard Cornu ait annoncé son intention de se rallier au texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale. Je tenais à l’en remercier, car ce texte me semble aujourd’hui un bon point d’équilibre.
Je salue également Mme Procaccia et M. Lagauche. Vous le voyez, je m’adresse aussi bien à la droite qu’à la gauche ! (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. C’est toujours le Val-de-Marne ! (Nouveaux sourires.)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Tous les deux se sont livrés à un plaidoyer très enthousiaste en faveur des marchés d’intérêt national.
D’ailleurs, je vous indique que nombre de pays s’inspirent aujourd'hui de cette formule. Ainsi, le marché d’intérêt national de Rungis exporte actuellement son savoir-faire en Chine. Vous avez eu raison d’en souligner les mérites.
Madame Procaccia, je tenais à vous remercier d’avoir rappelé qu’une concertation avait été menée par le Gouvernement, en l’occurrence par moi-même, afin d’essayer de trouver un équilibre entre, d’une part, la nécessité de transposer la directive Services, ce qui rendait le statu quo impossible, et, d’autre part, l’obligation de prendre en compte les périmètres de référence qui sont définis. Il était, me semble-t-il, important de le rappeler.
Madame Khiari, je vous ai connue plus optimiste lors de l’examen d’un certain nombre d’autres textes législatifs. Aujourd'hui, je vous trouve un peu pessimiste. J’espère que l’avenir vous démentira.
Madame Terrade, il ne faut pas plaider pour le statu quo. Celui-ci n’arrange rien, en particulier lorsque nous sommes dans l’obligation d’évoluer, que ce soit pour nous mettre en conformité avec les directives européennes ou pour nous adapter à tel ou tel aspect de la globalisation.
À mon sens, le texte qui a été adopté par l’Assemblée nationale constitue un équilibre juste et permet de renforcer la concurrence tout en conservant les périmètres de référence actuels.
Les débats ont été nombreux, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. À mon avis, la clause de revoyure qui est prévue au 31 décembre 2012 pour dresser un bilan est vraiment nécessaire. Nous pourrons apprécier s’il est ou non opportun de maintenir les périmètres de référence. (Mme Nathalie Goulet opine.)
Toute pratique doit être soumise à l’épreuve des faits et jugée en fonction de ses conséquences. À cet égard, madame Khiari – nous avons souvent été d'accord sur d’autres sujets, et je regrette qu’il n’en aille pas de même aujourd'hui –, il ne me semble pas raisonnable de fermer le débat ! À quel titre nous priverions-nous d’un bilan ? Il ne faut pas en rejeter le principe ou en anticiper les conclusions en réclamant d’ores et déjà la suppression des périmètres après le mois de décembre 2012. Cette question devra être abordée au regard du bilan qui aura été dressé.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais apporter à l’ensemble de vos interpellations. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
Article 11
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre VI du livre VII du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article L. 761-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les marchés d'intérêt national sont des services publics de gestion de marchés offrant à des grossistes et à des producteurs des services de gestion collective adaptés aux caractéristiques de certains produits agricoles et alimentaires.
« Ils répondent à des objectifs d'aménagement du territoire, d'amélioration de la qualité environnementale et de sécurité alimentaire.
« L'accès à ces marchés est réservé aux producteurs et aux commerçants. » ;
2° L'article L. 761-4 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « en Conseil d'État » sont supprimés ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
c) Au début de l'avant-dernier alinéa, les mots : « Le décret mentionné au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « Ce décret » ;
3° L'article L. 761-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 761-5. – Dans le périmètre mentionné à l’article L. 761-4, les projets d’implantation ou d’extension de locaux ou d’ensembles de locaux destinés à recevoir, aux fins de vente autre que de détail, des produits dont la liste est définie par arrêté des ministres de tutelle, sur une surface de vente consacrée à ces produits de plus de 1 000 mètres carrés, sont soumis à l’autorisation de l’autorité administrative dans les conditions définies à l’article L. 761-7.
« L'autorisation prévue au premier alinéa est de droit lorsque le marché ne dispose pas des surfaces nécessaires pour permettre l'implantation ou l'extension envisagée.
« Le régime d'autorisation prévu par le présent article ne s'applique pas aux locaux des producteurs et groupements de producteurs pour les produits qui proviennent d'exploitations sises à l'intérieur du périmètre de référence.
« Au plus tard le 31 décembre 2012, un bilan de l’organisation des marchés d’intérêt national, portant en particulier sur la mise en œuvre et l’efficacité des périmètres de référence au regard des objectifs poursuivis, est présenté au Parlement par l’autorité administrative compétente afin de déterminer s’il y a lieu, ou non, de maintenir ce dispositif ou de le faire évoluer à compter du 1er janvier 2013. L’élaboration de ce bilan associe notamment les établissements publics et les organisations interprofessionnelles concernés.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. » ;
4° L'article L. 761-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 761-6. – Lorsque le périmètre de référence d'un marché d'intérêt national englobe un port, le régime d'autorisation prévu au premier alinéa de l'article L. 761-5 ne s'applique pas aux installations incluses dans l'enceinte du port et accueillant des activités portuaires lorsque ces installations sont uniquement destinées à des produits importés dans ce port ou exportés à partir de lui par voie maritime. » ;
5° L'article L. 761-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 761-7. – L'autorité administrative compétente statue sur les demandes d'autorisation qui lui sont présentées en vertu de l'article L. 761-5 en prenant en considération les effets du projet en matière d'aménagement du territoire et de développement durable. » ;
6° À la première phrase de l'article L. 761-8, les mots : « aux interdictions des articles L. 761-5 et L. 761-6 » sont remplacés par les mots : « aux dispositions des articles L. 761-5 et L. 761-7 ».
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture le seul article restant en discussion. Comme cela a été souligné, il traite des marchés d’intérêt national.
Il faut bien dire que cet article a particulièrement évolué depuis le dépôt du projet de loi.
En effet, si le texte initial, qui était issu d’une concertation menée pendant dix mois avec les professionnels, apparaissait équilibré, la rédaction dont nous avons eu à débattre en première lecture l’était beaucoup moins, l’Assemblée nationale ayant adopté un amendement de Mme Vautrin tendant à la suppression pure et simple des périmètres de référence des MIN.
D’ailleurs, et cela a été également souligné, une telle situation a créé une grande émotion, tant parmi les professionnels des MIN que chez les élus des départements concernés. Au demeurant, je vous rappelle que tous ne sont pas du Val-de-Marne, monsieur le rapporteur. (Sourires.)
Grâce à l’adoption d’un amendement présenté par notre groupe au Sénat, ces périmètres de référence ont pu être maintenus pour les surfaces supérieures à 1 000 mètres carrés, dès lors soumises à l’octroi d’une autorisation.
Or, cette rédaction a été modifiée par l’Assemblée nationale. En effet, il est dorénavant prévu que le seuil de 1 000 mètres carrés concerne uniquement la surface consacrée à la vente des produits normalement commercialisés dans les MIN, dont la liste est établie par arrêté interministériel, et non la totalité des marchandises.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a prévu qu’un bilan de l’organisation des marchés d’intérêt national, portant en particulier sur la mise en œuvre et l’efficacité des périmètres de référence au regard des objectifs visés, serait réalisé à la fin de l’année 2012, afin de déterminer s’il y a lieu, ou non, de maintenir un tel dispositif.
À nos yeux, il s’agit d’un véritable recul par rapport aux avancées obtenues au Sénat, qui constituaient déjà pour nous – je l’ai indiqué – un repli. En effet, nous continuons de considérer que ces périmètres de référence correspondent à une mission d’intérêt général et que leur maintien est nécessaire.
De plus, le rapporteur, notre collègue Gérard Cornu, ne laisse aucun suspense sur l’issue de ce bilan. En effet, selon le compte rendu de la réunion de commission du 30 juin 2010, il a déclaré : « De toute façon, nous supprimerons les périmètres dans deux ans… » ! Nous jugeons de tels propos excessifs.
Dans ces conditions, la réalisation d’un bilan ne peut apparaître que comme un leurre pour repousser à plus tard une décision politique trop difficile à prendre aujourd’hui.
Toutefois, mes chers collègues, quand vous rendrez-vous enfin compte que la directive Services, que vous souhaitez voir transposée dans notre droit interne, comporte tous les ingrédients ayant conduit à la grave crise économique et sociale que nous traversons aujourd’hui ? Indépendamment de toute autre considération, la concurrence libre et non faussée est un non-sens pour garantir les droits essentiels. C’est une politique économique sans avenir social, sans progrès possible pour les citoyens ! Nous en avons la démonstration tous les jours. Il serait temps, selon nous, de se ressaisir.
En outre, et pour en revenir aux MIN, à l’heure actuelle, nous n’avons aucune idée de la méthodologie qui sera utilisée pour la confection de ce bilan, en dehors du fait qu’il sera sous la responsabilité de l’autorité administrative.
De notre point de vue, et les débats l’ont souligné, l’enjeu est trop important pour que de telles questions demeurent en suspens. Aussi, nous demandons des clarifications, mais également que les parlementaires y soient associés de bout en bout.
Cela pourrait notamment se faire par l’intermédiaire du groupe de travail consacré aux fruits et légumes ou d’une commission d’enquête. Cependant, la participation des parlementaires à cette tâche doit être un élément intangible.
Les périmètres de référence autour des MIN sont justifiés par des considérations d’intérêt général, et ce indépendamment de tous les dogmes posés par la directive Services.
Ainsi, ces périmètres ont été conçus à Paris pour contraindre les opérateurs à s’installer à Rungis lors du déménagement des Halles, et dans toute la France pour organiser un système de distribution qui avait pour objectifs de permettre la mise en marché des productions agricoles régionales, de maîtriser la formation des prix, de veiller à la moralité des transactions grâce à la police des marchés, de contrôler les flux de marchandises avec un suivi douanier et de veiller à la sécurité alimentaire des approvisionnements, grâce aux contrôles vétérinaires et phytosanitaires in situ.
Pour cette raison, nous sommes particulièrement attachés au maintien des périmètres de référence et nous n’accepterons pas leur suppression sur le fondement d’un bilan factice qui serait réalisé en 2012.
Pour se développer, les MIN ont besoin d’investissements importants, ce qui implique une visibilité à long terme.
C’est pourquoi nous attendons des engagements concrets sur les conditions de réalisation d’un tel bilan avant l’adoption du présent projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Khiari, MM. Bérit-Débat, Lagauche, Raoul, Marc et Daunis, Mme Bricq, M. Mirassou et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me suis déjà exprimée lors de la discussion générale sur les limites de l’amendement des 1 000 mètres carrés.
Les difficultés d’application de cette disposition sont manifestes et attestent de la facilité déconcertante à la contourner.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer qu’un décret d’application précisera les modalités d’évaluation des superficies ? En ces temps de révision générale des politiques publiques, ou RGPP, pouvez-vous nous assurer qu’un service de l’État sera chargé de ce contrôle ? Par ailleurs, les gestionnaires des MIN seront-ils informés de toute nouvelle installation au sein de leur périmètre ?
Une telle imprécision, conjuguée à l’adoption par l’Assemblée nationale de la clause de revoyure, renforce notre scepticisme.
Certes, côté face, cette clause garantit qu’un bilan d’application de la loi sera établi.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez répondu par anticipation. Je considère que ce travail d’évaluation de nos politiques publiques est tout à fait légitime et nécessaire.
Mme Bariza Khiari. Mais je constate que nous ne savons pas en tirer les conséquences. Voilà quelques mois, le bilan d’application de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, la LME, était, pour partie, négatif, malgré les précautions sémantiques contenues dans le rapport, qu’il s’agisse de l’urbanisme commercial ou des relations commerciales.
Pour l’heure, nous n’avons pas vu le début du commencement d’un ajustement. Selon vous, deux ans, c’est trop court. Ce qui est vrai pour l’urbanisme commercial l’est également pour le commerce de gros.
Cette clause de revoyure s’apparente plus à un gage donné à la grande distribution de commerce de gros qu’à une réelle volonté d’évaluation de la loi.
Côté pile, la clause de revoyure a des conséquences lourdes d’un point de vue économique. Cette incertitude à moyen terme incite les opérateurs des MIN à différer, voire à annuler des investissements lourds, qui sont pourtant parfois nécessaires pour le développement de leurs activités.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cette période transitoire. Notre opposition ne se limite pas à la seule question du bilan ; la solution retenue nous paraît biaisée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur le président, si vous le permettez, je souhaite apporter une réponse relativement détaillée, car l’amendement présenté par Mme Khiari porte sur un sujet qui est effectivement important. J’aimerais donc revenir sur la genèse des décisions qui ont été prises par les députés.
Comme vous l’avez compris, les modifications adoptées à l’Assemblée nationale par rapport au texte issu des travaux du Sénat sont le fruit d’un compromis. Et une solution de compromis peut ne satisfaire personne.
D’un côté, il y a ceux, dont je fais partie, qui veulent favoriser la liberté d’entreprendre. Je suis toujours gêné lorsqu’on cherche à brider la liberté d’entreprendre. Que voulez-vous ? C’est ainsi ! Je suis pour que les gens puissent librement créer leur entreprise.
De l’autre côté, il y a ceux qui entendent entraver la liberté d’entreprendre et conserver des privilèges.
Mme Odette Terrade. Ce ne sont pas des privilèges !
M. Gérard Cornu, rapporteur. C’est tout ! Chacun a sa pensée politique.
Le texte adopté au Palais-Bourbon est un compromis entre les libéraux et ceux qui veulent s’arc-bouter sur des privilèges.
M. Michel Teston. Oh !
Mme Bariza Khiari. Le terme « privilèges » est excessif !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Dès lors, il est logique que le compromis puisse ne satisfaire personne.
Ce qui me gêne dans cet amendement, c’est qu’il vise à supprimer le bilan de l’organisation des MIN.
Loin de moi l’idée de sacrifier Rungis : la société d’économie mixte du marché de Rungis, la SEMMARIS, fait un travail remarquable, exporte son savoir-faire dans le monde entier, et ce sans périmètre de protection, d’ailleurs, puisqu’il n’y a qu’en France qu’un tel périmètre existe. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est la vérité !
La SEMMARIS est une excellente entreprise, au savoir-faire extraordinaire. C’est pourquoi la suppression du privilège et du périmètre de protection ne me posait pas de difficulté. Mais proposer de supprimer le dispositif d’évaluation,… les bras m’en tombent !
Les socialistes sont d’habitude les premiers à demander des dispositifs d’évaluation. Pourquoi vouloir supprimer cette évaluation-là, qui doit être remise au plus tard le 31 décembre 2012 ? Franchement, madame Khiari, je ne vous comprends pas, d’autant moins qu’en commission vous vous êtes vous-même interrogée sur l’existence du seuil des 1 000 mètres carrés, faisant valoir qu’un établissement pourrait sournoisement augmenter sa surface grâce à un projet d’extension de 990 mètres carrés non soumis, lui, à autorisation. Le cas s’est déjà présenté dans la grande distribution.
Nous ferons le bilan au 31 décembre 2012. S’il y a eu des tricheurs de part et d’autre ou si l’installation s’est révélée impossible au-delà de 1 000 mètres carrés, nous verrons bien !
Ce dispositif d’évaluation est le fruit d’un compromis. Je préfère que nous en restions au texte de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement n° 1.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame Khiari, M. le rapporteur a parfaitement démontré le caractère insolite de votre demande de suppression. Je n’y insisterai pas.
En revanche, je reviendrai plus longuement sur votre argument qui tend à accréditer l’idée que l’excellent rapport de votre collègue Élisabeth Lamure sur l’application de la loi de modernisation de l’économie n’aurait finalement servi à rien. Je m’inscris en faux, et je vous donnerai trois exemples pour vous prouver que les conclusions de Mme Lamure reçoivent un début d’effet.
Tout d’abord, en ce qui concerne le raccourcissement des délais de paiement, problème réglé par le titre Ier de la loi de modernisation de l’économie, des inconvénients sont apparus, certains secteurs aux cycles de production anormalement longs éprouvant des difficultés à se conformer à la loi. J’ai soutenu une charte de bonne conduite qui a été signée par la Fédération française du bâtiment et les promoteurs immobiliers afin de parvenir à un accord sur le raccourcissement des délais de paiement dans ce secteur bien spécifique.
Ensuite, le rapport de Mme Lamure faisait état d’une insatisfaction en matière d’urbanisme commercial. Vous le savez, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi présentée par le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Patrick Ollier, et sera discutée prochainement par la Haute Assemblée. Ce texte a pour ambition de faire évoluer le dispositif en matière d’urbanisme commercial, conformément à l’engagement qui avait été pris par le Gouvernement.
Enfin, le titre II de la loi de modernisation de l’économie institue, et c’est heureux, la négociabilité dans les relations entre producteurs et distributeurs. Cependant, cette négociabilité avait une contrepartie, à savoir la possibilité de sanctionner les clauses abusives des contrats. Nous en avons tiré toutes les conséquences puisque, vous ne l’ignorez pas, l’ensemble des enseignes de la grande distribution française ont été assignées. Nous connaîtrons les résultats de cette action dans les semaines et les mois à venir.
Vous le voyez, nous avons tenu le plus grand compte des conclusions du rapport de Mme Lamure. Il serait bon que vous ne vous priviez pas, en supprimant la possibilité d’un bilan à l’horizon de 2012 sur les MIN, des éléments d’adaptation que vous souhaitez par ailleurs introduire.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame Khiari, il n’est pas un texte qui nous soit soumis sans que la gauche demande un rapport, une clause de revoyure ou un bilan. Pourquoi faire exception sur ce projet de loi ? Sans vouloir être désagréable, je veux bien comprendre, mais il faudrait que l’on m’explique !
Mme Odette Terrade. Là, les dés sont pipés !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je comprends la démarche de Mme Khiari, qui souhaite supprimer la clause de revoyure en 2012. Vous connaissez ma position sur le sujet.
Néanmoins, ma chère collègue, je ne puis vous suivre aujourd'hui pour une raison toute simple : je sais trop ce que sont les CMP ! Si nous ne votons pas conforme ce texte, nous risquons de tout perdre et d’en revenir, à l’issue de la commission mixte paritaire, au texte initial de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, je fais confiance à l’ensemble des MIN. À eux de prouver pendant les deux années à venir – ils auront certainement à cœur de le faire, car ils ont senti le vent du boulet ! – l’intérêt d’un tel périmètre de sécurité. C'est la raison pour laquelle, tout comme l’ensemble du groupe UMP, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Cher rapporteur, nous ne sommes pas contre l’évaluation, bien au contraire, car elle est légitime et nécessaire. Simplement, la clause de revoyure nous paraît ici biaisée.
Mme Odette Terrade. Tout à fait !
Mme Bariza Khiari. Nous savons trop que l’évaluation servira de gage à des opérateurs, au service de la dérégulation !
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Khiari, MM. Bérit-Débat, Lagauche, Raoul, Marc et Daunis, Mme Bricq, M. Mirassou et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par les mots :
et de sécurité sanitaire
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Dans l’hypothèse où un grossiste présenterait une demande pour un projet de création pour une surface de frais supérieure à 1 000 mètres carrés ou pour une extension, cas de figure qui sera assez rare, j’imagine, maintenant que la liberté d’installation se trouve acquise, ou quasiment, l’autorité administrative devra fonder sa décision d’autorisation sur les conséquences du projet en matière d’aménagement du territoire et de développement durable.
L’emplacement du nouvel entrepôt contribuera-t-il à enlaidir les entrées de ville ou bien s’inscrira-t-il harmonieusement dans le paysage ? Participera-t-il à l’équilibre économique du territoire ? Les infrastructures routières sont-elles adaptées aux flux de camions estimés ? Autant de questions auxquelles il faudra répondre.
L’Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur, a supprimé les critères de sécurité sanitaire, critères qui existent pourtant dans le code de commerce depuis longtemps. Il me semble que l’autorité administrative doit pouvoir s’assurer, par exemple, que l’entrepôt est équipé d’un groupe électrogène susceptible de garantir le maintien de la chaîne du froid ou que la gestion des déchets est prévue.
À l’ère du principe de précaution, je trouve la suppression des critères de sécurité sanitaire bien légère.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Vous avez raison, chère collègue : une rupture de la chaîne du froid serait inconcevable. C’est d’ailleurs bien pourquoi toutes ces hypothèses ont été prévues : le critère de sécurité sanitaire s’applique de manière absolue et prioritaire à toute personne faisant commerce de produits alimentaires, qu’il s’agisse ou non d’un MIN. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a supprimé cette précision du texte.
Fort heureusement, une réglementation très stricte en matière de sécurité sanitaire protège les consommateurs, quelle que soit la filière de distribution considérée.
La question étant indépendante de celle des MIN et de leur périmètre de protection, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission. Une telle précision, comme l’a expliqué M. le rapporteur, est au mieux redondante, au pire inutile, puisque le critère de sécurité s’applique de fait sur l’ensemble du territoire, MIN ou pas MIN.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'article.
Mme Odette Terrade. Nous voterons cet article 11, qui constitue un moindre mal par rapport à la suppression pure et simple des périmètres de référence des MIN voulue par certains.
Je profite de l’occasion pour réaffirmer ici que le groupe CRC-SPG reste déterminé à préserver les MIN, qui offrent une concurrence de qualité, ainsi que le savoir-faire des personnels qui y travaillent et le service public qui les protège pour défendre ce modèle français de distribution alimentaire, alternative à la grande distribution.
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté à l'unanimité des présents.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. À une abstention près, l’ensemble du groupe de l’Union centriste soutiendra ce texte.
Je me suis un peu écartée de mes notes tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, et j’ai oublié de vous solliciter pour que le décret que vous ne manquerez pas de prendre prévoie bien des procurations ou des pouvoirs pour les représentants qui seront retenus par des obligations régionales ou qui auront des difficultés à se déplacer pour assister à certaines réunions, même si nos beaux départements ont été récemment bien dotés en termes de réseau routier.
Le président de la chambre de métiers et de l’artisanat de l’Orne, M. Chalumeau, a beaucoup insisté auprès de moi sur cette nécessité, et je me fais son interprète, bien consciente au demeurant que cela relève non de la loi mais du décret.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Les chambres de commerce sont des institutions multiséculaires qui ont connu peu de bouleversements majeurs dans leur histoire. La dernière grande loi concernant les CCI remonte à la Révolution française et s’inscrit dans le projet de disparition des corps intermédiaires. Cependant, la dissolution des corporations des métiers n’a pas résisté à l’épreuve du temps, et les CCI furent rétablies dans leur périmètre et dans leurs prérogatives dix années après leur dissolution.
La présente réforme des réseaux consulaires, adoptée au forceps, est une énième manifestation d’une forme de régionalisme jacobin. Mais, non, l’échelle régionale n’est pas toujours la clef de tout !
Lors de la première lecture, mon collègue Gérard Longuet avait ironisé sur les spécificités locales de certaines CCI et insisté sur le caractère folklorique de certaines d’entre elles dans une économie mondialisée. C’était une intervention pleine d’esprit, mais trop caricaturale pour toucher juste.
Claude Bérit-Débat avait, lui, évoqué le dynamisme de la CCI de Dordogne. D’autres collègues avaient à leur tour insisté sur les capacités d’innovation et sur les réalisations audacieuses de leur CCI. Certes, certaines sont dynamiques et bien gérées alors que d’autres le sont moins. Néanmoins, en quoi la régionalisation administrative du réseau modifiera-t-elle un tel état de fait ?
Ce texte est une mauvaise réponse à un bon diagnostic. Les CCI s’étaient majoritairement exprimées en faveur d’une réforme, mais certainement pas de celle-là ! Au lieu de leur permettre d’aborder l’avenir positivement, vous mettez en place une organisation budgétivore et contre-productive.
Le groupe socialiste votera contre ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
Mme Odette Terrade. Le groupe CRC-SPG vote contre ce projet de loi !
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Organisation des débats
M. le président. Mes chers collègues, pour les douze projets de loi relatifs à des conventions fiscales internationales que nous allons maintenant aborder, la conférence des présidents avait décidé un examen simplifié.
Le groupe CRC-SPG ayant demandé le retour à la procédure normale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale, nous entendrons, sur ce projet de loi, M. le secrétaire d’État, M. le rapporteur et les trois orateurs qui se sont inscrits dans la discussion générale.
En revanche, les onze autres conventions fiscales internationales seront mises aux voix sans débat.
11
Accord avec les Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Adoption définitive d’un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 541, texte de la commission n° 622, rapport n° 620).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de Christine Lagarde et de François Baroin, retenus par d’autres engagements. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Vous avez souhaité débattre en séance publique du projet de loi autorisant la ratification de l’accord sous forme de lettre relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale avec les Bahamas. Il s’agit d’une procédure un peu exceptionnelle, ce type de projet de loi étant en général adopté par procédure simplifiée. Le Gouvernement se félicite cependant de cette démarche, car il y voit la marque de l’intérêt qu’attachent les sénateurs à son action dans la lutte contre les paradis fiscaux.
Je saisis donc cette occasion pour éclairer la Haute Assemblée sur le contexte dans lequel cet accord a pu être négocié, ainsi que onze autres accords d’échanges de renseignements et, bientôt, six avenants à nos conventions fiscales avec les principaux paradis fiscaux de la planète.
En effet, depuis la fin de l’année 2008, la France joue un rôle moteur dans la mobilisation de l’ensemble de la communauté internationale pour lutter contre les juridictions non coopératives.
Répondant à l’appel lancé en octobre 2008 par dix-sept États membres de l’OCDE, réunis à Paris sur l’initiative du ministre du budget de l’époque, Éric Woerth, le G20 s’est saisi du problème des paradis fiscaux lors du premier sommet de Washington. Cette initiative mais aussi l’engagement personnel du Président de la République ont permis, lors du sommet qui s’est tenu le 2 avril 2009 à Londres, d’obtenir des résultats concrets.
À la demande du G20, le secrétariat de l’OCDE a donc établi deux listes de juridictions, en fonction de leur degré de transparence en matière fiscale.
La « liste noire » comprenait quatre États qui n’avaient pas encore pris l’engagement de respecter les standards internationaux de transparence fiscale.
Une liste dite « grise » comportait, quant à elle, les noms de trente-huit États ou territoires qui n’avaient pas encore mis en œuvre ces standards, bien qu’ils s’y soient engagés.
Cette méthode a immédiatement porté ses fruits : les quatre juridictions de la liste noire ont très rapidement pris les engagements qui leur étaient demandés, de sorte que cette liste est désormais vide ; dans le même temps, la plupart des juridictions de la liste grise ont tenu leurs engagements, de sorte que cette liste ne comporte plus aujourd’hui que quatorze juridictions, sur les trente-huit de départ.
Depuis le 2 avril 2009, plus de quatre cents accords bilatéraux d’échange d’informations, du type de celui qui est soumis à votre examen aujourd’hui, ont ainsi été signés dans le monde entier.
La transparence, la levée du secret bancaire et la coopération entre administrations fiscales pour lutter contre la fraude et l’évasion sont désormais universellement reconnues.
À titre d’exemple, le Brésil, le Chili, le Luxembourg et la Suisse ont levé leur réserve concernant le modèle de convention établi par l’OCDE. De nombreux pays ont modifié leur législation nationale afin de la rendre conforme aux engagements pris, qu’il s’agisse du Liechtenstein, de l’Autriche, de Hong Kong ou de Singapour.
Ces évolutions sans précédent revêtent une importance considérable, mesdames, messieurs les sénateurs, surtout si on les replace dans une perspective historique : souvenons-nous que la Suisse oppose le secret bancaire depuis les années vingt et que les grandes batailles menées au sein de l’Union européenne autour de la directive sur la fiscalité de l’épargne n’avaient pas permis de convertir les principaux paradis fiscaux ni les places financières à la transparence et à ses vertus. Or, pour ce qui est de la transparence, c’est chose faite aujourd’hui !
Mme Nicole Bricq. Il faut réviser cette directive !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Vous le voyez, l’approche stigmatisante, naming and shaming, s’est révélée d’une redoutable efficacité. Les États concernés ont signé plus d’accords en quelques mois que pendant la décennie précédente, telle est la réalité, madame Bricq !
Mme Nicole Bricq. Ce qui compte, c’est l’efficacité réelle !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Le mur du secret bancaire, que l’on croyait immuable, s’est effondré, comme s’était effondré le mur de Berlin.
Mme Nathalie Goulet. Et les murailles de Jéricho !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Ce succès donne, je le crois, une vraie leçon à ceux qui doutent, et ils sont nombreux, du volontarisme en politique : alors que tant de responsables politiques de notre pays se contentaient, il y a quelques années, de dénoncer les paradis fiscaux sans jamais agir, le Président de la République a su démontrer que la force de la volonté politique pouvait avoir raison des citadelles les plus imprenables.
Dès le lendemain du G20, le Gouvernement a engagé une politique de négociation d’accords bilatéraux tous azimuts avec les États figurant sur la liste de l’OCDE. Nous avons ainsi proposé, dès le 3 avril, à tous les États ou territoires qui figuraient sur les listes, grise et noire, de signer un accord permettant l’échange de renseignements.
Dans les cas où nous étions déjà liés par une convention fiscale, nous avons choisi de proposer de conclure des avenants. Six d’entre eux sont aujourd’hui soumis à l’examen de l’Assemblée nationale et vous seront transmis prochainement ; ils concernent notamment la Suisse, le Luxembourg ou encore Singapour.
Dans les autres cas, nous avons proposé de ne signer qu’un accord d’échange de renseignements sans contrepartie, car il n’y a pas de contrepartie à donner à un État qui ne fait que respecter l’engagement qu’il a pris devant la communauté internationale
Au total, depuis le mois de mars 2009, la France a signé six avenants et seize accords d’échange de renseignements. Plus d’une demi-douzaine d’autres avenants ou accords sont encore en cours de négociation. Les douze accords qui vous sont soumis aujourd’hui ne sont que l’avant-garde d’une série qui permettra de couvrir tous les États, territoires significatifs ou places offshore de la planète.
Telle la réalité de l’action de notre pays dans ce domaine.
Avec ces accords, nous serons en mesure d’échanger sans restriction des renseignements fiscaux avec les juridictions jusqu’alors peu coopératives du continent européen – la Suisse, le Luxembourg, la Belgique et le Liechtenstein, en particulier –, les plus importants des centres financiers asiatiques – Hong Kong, Singapour – ou des paradis fiscaux – les îles Caïmans, les Îles Vierges britanniques, Jersey, Guernesey ou, bien entendu, les Bahamas, qui nous occupent ici plus spécifiquement.
Ces résultats placent la France au premier rang du combat international en faveur de la transparence. Voilà la réalité des faits.
Nous avons par ailleurs relayé cette action internationale par les mesures adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2009 et complétées par l’arrêté du 12 février dernier.
Sur la proposition du Gouvernement, vous avez inscrit, dans la loi française, une définition des juridictions non coopératives, assortie de critères précis et de sanctions fiscales pour les États concernés. L’arrêté du 12 février 2010 a établi, pour l’année 2010, une liste de dix-huit États ou territoires non coopératifs au regard de la législation française.
Les sanctions prévues sont lourdes ; je citerai la majoration à 50 % des retenues à la source sur les flux à destination des États de la liste, la taxation des flux entrants, le refus de déduire les charges payées dans ces territoires, le durcissement des conditions de justification des prix de transfert.
Par l’outil fiscal, nous avons mis en œuvre un véritable arsenal de sanctions économiques à l’encontre de ces États. Avec de tels niveaux de taxation, qui voudrait continuer à échanger avec eux ? Nous les avons donc mis « hors jeu » !
En 2010, le Gouvernement a entendu s’inscrire pleinement en cohérence avec les travaux menés par l’OCDE. La liste publiée le 12 février dernier comprend tous les États ou territoires de la dernière liste grise publiée par l’OCDE en 2009, ou qui n’ont pas conclu une convention d’assistance avec la France. Ces juridictions sont soumises à l’arsenal de sanctions que vous avez voté à la fin de l’année 2009.
Cette liste a déjà montré son utilité : si plusieurs des juridictions y figurant ont, certes, protesté, elles ont surtout répondu à notre invitation, formulée dès le printemps de 2009, à négocier un accord d’échange de renseignements, invitation restée sans réponse jusque-là.
La ratification des accords qui vous sont soumis n’est qu’une étape : le Gouvernement continuera à se mobiliser pour obtenir une transparence fiscale effective.
Certains font profession de scepticisme, ceux-là même qui, alors qu’ils étaient au Gouvernement, ont peu agi, si l’on excepte quelques gesticulations, pour lutter efficacement contre les paradis fiscaux. Je tiens à leur indiquer que nous continuerons à aller de l’avant : le Gouvernent ne s’arrêtera pas à ces signatures, qui ne constituent pas une fin en soi ; nous veillerons à ce que l’échange d’informations soit effectif.
Sur le plan international, le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales, qui regroupe les trente membres de l’OCDE et plus de soixante autres États ou territoires, a mis en place un mécanisme d’évaluation par les pairs. François d’Aubert, délégué général à la lutte contre les juridictions et territoires non coopératifs, autrement dit, les paradis fiscaux, a été chargé de présider ce groupe d’évaluation. Les travaux du Forum ont progressé très vite puisque les premières évaluations ont commencé.
Ces évaluations porteront à la fois sur le cadre légal – lois internes et accords internationaux – de la coopération administrative et sur l’effectivité de l’échange d’informations. Nous accordons la plus grande importance à ces travaux dont un bilan pourra être tiré lors de la présidence française du G20, en novembre 2011.
Sur le plan national, le dispositif adopté en loi de finances rectificative comporte, lui aussi, son propre mécanisme de suivi. À compter du 1er janvier 2011, il permettra de faire vivre cette liste, en y ajoutant les États qui, bien que liés à la France par un accord fiscal, ne nous fourniraient pas, en pratique, une assistance administrative satisfaisante.
À ce jour, les mesures de sanction ne s’appliquent qu’à un petit nombre d’États. Il faut s’en réjouir, car cela traduit le fait que la plupart des pays concernés ont accepté de répondre à l’invitation lancée par la communauté internationale pour qu’ils signent des accords d’échange de renseignements.
Mais la loi prévoit que ces sanctions s’appliqueront également à ceux qui, ayant signé des accords, ne les mettraient pas en œuvre. Le processus mis en place par l’OCDE nous offre l’outil d’évaluation qui nous permettra de mettre en œuvre ces dispositions.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui marque une étape dans le combat pour la transparence fiscale et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Ce n’est qu’une étape, mais elle est majeure !
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faudra bien que ce texte entre en vigueur pour que nous puissions mesurer son efficacité. C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, je vous demande de bien vouloir en autoriser la ratification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous avons adopté mercredi dernier, en commission, douze projets de loi visant à autoriser l’approbation d’accords d’échange de renseignements en matière fiscale, dont celui qui fait l’objet de notre débat, l’accord passé avec les Bahamas.
Cet examen, je tiens à le souligner, a été précédé par un travail préalable sérieux.
La commission des finances a ainsi procédé à un cycle d’auditions, le 23 mars dernier, afin de faire le point sur l’intense activité conventionnelle menée en matière fiscale, au cours des deux dernières années. Nous avons pu entendre le chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l’OCDE, ainsi que des représentants du ministère du budget et du ministère des affaires étrangères et européennes.
M. le président de la commission des finances expliquera certainement tout à l’heure que la commission n’a pas l’intention d’en rester là. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je lui laisse donc le soin de le faire…
La lutte contre les paradis fiscaux constitue un enjeu mondial, et la France entend jouer un rôle de leader dans ce domaine.
Elle a ainsi fortement soutenu la démarche d’élaboration des listes grise et noire de l’OCDE, publiées à la suite de la réunion du G20 à Londres, le 2 avril 2009.
Je rappelle que l’OCDE qualifie de « non coopératif » un État qui répond aux quatre critères suivants : ses impôts directs sont insignifiants, voire inexistants ; son régime fiscal, lorsqu’il existe, n’est pas transparent ; ses activités économiques substantielles sont rares ; son administration fiscale ne transmet pas les renseignements aux autres pays.
Les États non coopératifs figurent sur la liste noire de l’OCDE, que M. le secrétaire d’État a évoquée tout à l’heure. C’était, en 2009, le cas du Costa Rica, de la Malaisie, des Philippines et de l’Uruguay. Lorsque ces États signent au moins douze accords, ils intègrent la liste blanche. S’ils manifestent l’intention de se mettre en conformité avec les standards fixés par l’OCDE sans avoir encore atteint le seuil des douze accords, ils sont alors « transférés » sur la liste grise, ce qui était le cas des Bahamas.
Adhérant aux initiatives multilatérales, la France a initié une démarche de négociation systématique avec les juridictions non coopératives. Elle a ainsi proposé à tous les États ou territoires qui figuraient sur la liste du 2 avril 2009, dont les Bahamas, de signer un accord permettant l’échange de renseignements.
S’agissant du contenu de la convention, l’OCDE a élaboré, en 2002, un accord-cadre sur l’échange de renseignements en matière fiscale, afin d’offrir une norme de référence permettant d’assurer un échange effectif d’informations et, par là même, de réduire les risques d’évasion fiscale. En particulier, les restrictions à l’échange motivées par le secret bancaire sont formellement prohibées dans le cadre de tels accords.
En contrepartie, ces derniers n’autorisent pas à aller à « la pêche aux renseignements ». Les informations demandées doivent être vraisemblablement pertinentes, ce qui signifie que leur détention doit permettre de faciliter le déroulement des enquêtes ou poursuites en matière fiscale.
La France applique fidèlement cet accord-cadre et parvient même, dans certains cas, à imposer des normes encore plus rigoureuses, comme nous allons le voir pour les Bahamas.
Un point mérite encore d’être souligné à titre liminaire. Notre pays s’est attaché, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009, à garantir l’application effective des accords qu’il conclut en matière de lutte contre les paradis fiscaux, en se dotant d’un outil de sanction des États qui ne rempliraient pas leurs engagements. Ces sanctions ont été détaillées par M. le secrétaire d’État.
Il s’agit en fait de durcir le régime fiscal applicable aux transactions réalisées avec ces États. Le dispositif permet notamment de refuser certaines exonérations de plus-values de cession ou d’imposer des retenues à la source en faveur de la France, en particulier en matière de dividendes. Il a également pour objet d’accroître la transparence des transactions au sein des groupes internationaux.
Cette démarche, très systématique on le voit, a été couronnée de succès. La France a ainsi conclu vingt-cinq accords en moins de neuf mois en 2009, dont l’accord avec les Bahamas, signé le 7 décembre 2009, à Paris.
Nos relations avec ce territoire sont certes ténues. La Société Générale et le Crédit Agricole ont des filiales à Nassau, mais BNP Paribas a annoncé son retrait à la fin du mois de septembre 2009. Au total, le stock des investissements français aux Bahamas était estimé, à la fin de l’année 2008, à 419 millions d’euros par la Banque de France, soit 2 % seulement des investissements français en Amérique latine et dans les Caraïbes.
L’inscription des Bahamas sur la liste grise de l’OCDE était fondée sur une fiscalité pratiquement inexistante. Il n’y est prévu aucun impôt sur le revenu, sur les bénéfices, sur le patrimoine ou sur le chiffre d’affaires. Seuls des droits de mutation à titre onéreux sont prélevés lors de la cession de biens immobiliers, tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales.
Or on dénombrait, en 2008, 44 000 compagnies internationales et 136 banques offshore sur ce territoire.
Si, jusqu’en 2009, les Bahamas n’avaient signé qu’un seul accord d’échange de renseignements en matière fiscale – avec les États-Unis en 2003 –, ils ont depuis conclu vingt et un accords d’échange de renseignements.
Certes, certains ont été passés avec des paradis fiscaux comme la principauté de Monaco et la République de Saint-Marin et, à cet égard, mes chers collègues, j’entends bien évidemment votre réprobation silencieuse… Mais la plupart des partenaires des Bahamas dans ce domaine n’entrent pas dans cette catégorie. Il s’agit notamment des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas, de la Finlande, du Danemark, de l’Espagne, de l’Australie, de l’Allemagne, du Canada, de la Suède, de la Norvège, de l’Islande, de la Chine, de l’Argentine, du Mexique, du Groenland, des îles Féroé et de la Belgique.
Les Bahamas ont donc pour l’instant joué le jeu et intégré la liste blanche de l’OCDE, même si nous attendons encore la notification de la procédure de ratification de leur part. À défaut, l’OCDE pourrait reconsidérer leur sortie de la liste grise.
S’agissant du détail de l’accord conclu avec ce territoire, accord qui nous intéresse tout particulièrement aujourd’hui, il convient, en premier lieu, de souligner que celui-ci fait partie du second cycle de négociations mené par la France en 2009.
Les premiers accords, conclus au premier semestre de l’année 2009, s’inspiraient totalement et strictement du modèle fixé par l’OCDE. La deuxième vague, dont relève le texte que nous examinons, comprend des améliorations apportées à ce modèle, et ce à l’initiative de la France.
Ainsi, le champ d’application est plus étendu : il ne fait pas référence à une liste précise d’impôts, mais vise tous les impôts existants et ceux de même nature qui seront établis après la date de signature.
En outre, l’accord prévoit que les parties doivent adapter leur législation interne afin de rendre effectif l’échange de l’information. Cette dernière doit donc être réellement disponible. L’administration des Bahamas doit y avoir accès et être en mesure de la transmettre.
Enfin, on peut se féliciter que les frais extraordinaires qui seraient générés à la suite d’une demande de la France ne soient pas systématiquement remboursés par celle-ci, contrairement à ce qui prévalait dans les premiers accords conclus.
Au-delà des améliorations spécifiques du modèle de l’OCDE qui apparaissent dans l’accord conclu avec les Bahamas, je rappellerai brièvement que les informations échangées peuvent être de toute nature, bancaire ou non. En l’espèce, les Bahamas devront prendre, pour chaque demande, toutes les mesures adéquates nécessaires pour la collecte des renseignements, que ces derniers soient détenus par des banques, des institutions financières ou dans le cadre de fiducies, de fondations ou de sociétés, à condition que cela ne soulève pas de difficultés disproportionnées.
Une fois qu’ils auront reçu l’attestation de la France qu’elle aura employé tous les moyens disponibles sur son territoire sans soulever de difficultés disproportionnées, les Bahamas disposeront alors de quatre-vingt-dix jours pour fournir les éléments demandés.
Ils ne pourront rejeter une telle demande que si la divulgation des informations est contraire à l’ordre public, discriminatoire ou si elles sont couvertes par le secret commercial ou professionnel. Il convient également de souligner que cet échange doit respecter le droit des contribuables.
Tels sont les éléments essentiels que je souhaitais exposer à propos de cet accord. Ils valent par ailleurs pour les onze autres accords qui seront examinés tout à l’heure en procédure simplifiée.
Il apparaît crucial d’autoriser cette ratification dans la perspective de la présidence française du sommet du G20, au second semestre de l’année 2011. En effet, comme je l’ai déjà indiqué, la France est un leader sur la scène mondiale dans la lutte contre les paradis fiscaux depuis 2009 et elle se doit de présenter un bilan positif en 2011.
La commission des finances sera vigilante non seulement sur la transmission effective des renseignements qui pourraient être demandés aux Bahamas, mais également sur la mise en place effective des accords d’échange de renseignements conclus par notre pays.
S’agissant, d’une manière plus générale, de l’état d’avancement de la politique de lutte contre les paradis fiscaux, la commission des finances veillera, si besoin est, à l’application du mécanisme de sanctions prévu par la loi de finances rectificative. En outre, elle organisera à l’automne une séance consacrée aux conventions fiscales, en présence des principaux ministres responsables en ce domaine.
En conclusion, mes chers collègues, je vous propose d’adopter sans réserve le présent projet de loi visant à approuver l’accord conclu avec les Bahamas. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe de travail mixte formé de sénateurs et de députés qui a été constitué après le déclenchement, entre 2007 et 2008, de la crise financière internationale et que l’on nomme trivialement le « G24 » a émis, dès 2008, un certain nombre de recommandations.
En novembre 2008, bien avant le sommet du G20 de Washington, il avait présenté des propositions au Président de la République. Pour mémoire, je voudrais vous lire quelques extraits de la déclaration, que nous, membres du groupe de travail, avions tous signée.
Nous indiquions tout d’abord que « toute " remise à plat " du système financier international ne saurait éluder cette question récurrente » des paradis fiscaux, bancaires et juridiques. Et nous ajoutions – c’était à l’automne de l’année 2008 : « Comment peut-on en effet demander aux contribuables de renflouer les institutions financières en faillite et laisser dans le même temps ces institutions faciliter la fraude offshore par le recours aux paradis fiscaux ? »
Au niveau mondial, il faut reconnaître aux ministres français et allemand du budget d’avoir initié, dès 2008, un renouveau des travaux au sein de l’OCDE afin que le secret bancaire soit levé et les pays non coopératifs sanctionnés, y compris au travers des entités qui y sont établies.
Néanmoins, le « G24 » des parlementaires faisait déjà valoir dans ses propositions qu’il était « nécessaire d’accélérer la révision de la directive 2003/48/CE du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts ». Cette question a de nouveau été évoquée lors du Conseil ECOFIN du 19 janvier 2010, sans toutefois qu’aucune accélération ne soit constatée. Pourtant, tout le monde sait que cette directive est insuffisante…
Au niveau national, nous avions également avancé un certain nombre de propositions, en particulier le renforcement, par des actions nationales coordonnées, de la lutte contre les territoires non coopératifs et le renforcement des procédures en matière de lutte contre la fraude, par la création d’un service d’enquêtes fiscales judiciaires disposant de prérogatives traditionnellement dévolues aux officiers de police judiciaire.
Lors du sommet du G20 à Londres, le 2 avril 2009, nous avions encore une fois formulé des recommandations. Concomitamment à ce sommet du G20, l’OCDE avait publié la liste des États et territoires non coopératifs. Il y avait, vous vous le rappelez, une liste noire, une liste grise, une liste blanche. Comme M. le rapporteur l’a souligné dans son rapport écrit et comme il l’a rappelé tout à l’heure, la liste noire a finalement disparu. En effet, selon la condition fixée par l’OCDE, pour disparaître de la liste noire, il fallait avoir signé douze accords bilatéraux mais, et cela figure aussi dans le rapport de M. Gouteyron, sur les cinq cents accords qui auraient été conclus à ce jour, cinquante l’auraient été entre paradis fiscaux…
Il faut réunir les conditions de la transparence, définir les sanctions à prendre à l’encontre de ces territoires non coopératifs et des résidents de ces territoires mais aussi à l’encontre des personnes morales ou physiques qui les utilisent.
J’ai là la liste des propositions que nous formulions avant le sommet du G20 de Pittsburgh en septembre 2009, sommet qui a donné une véritable impulsion à la lutte contre les paradis fiscaux. Mais, finalement, le G20 s’en est remis aux États, contrairement à la proclamation des ministres de l’économie et des finances, qui, eux, mais c’était avant le G20 de Pittsburgh, envisageaient un instrument multilatéral.
Il fallait donc signer les conventions bilatérales dont nous débattons ce soir. La France a édité sa propre liste comme d’autres États l’ont fait. Au départ, cette liste comptait dix-huit États et territoires, puis la France l’a révisée en début d’année en la limitant à quatorze territoires.
Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, dans ce débat fort utile que nous avons en séance publique, c’est de vérifier si la France se donne les moyens de ses fins.
La ratification de ces douze conventions fiscales m’a permis de relire les débats que nous avions eus, en décembre 2009, avec le ministre du budget d’alors, M. Woerth, quand il s’est agi d’introduire dans la loi un certain nombre de dispositifs pouvant, à l’époque, nous inciter à aller au bout des investigations.
Nous avions bien insisté, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait qu’il fallait assurer un suivi par le législateur des orientations proclamées.
Il nous paraît important que ce débat ait lieu ce soir, même en cette fin de session extraordinaire, afin de voir où nous en sommes par rapport aux orientations qui ont été définies lors des G20 que j’ai évoqués.
Qui plus est, la France s’est dotée d’une organisation intéressante à un moment où elle était médiatiquement exposée, mais dans un sens positif pour le ministre à l’époque : je fais allusion au fameux imbroglio avec la Suisse dans l’affaire de ce qu’il est convenu d’appeler « la liste des 3 000 ».
Il est vrai que, pour la première fois, par la loi de finances rectificative, nous nous dotions, sous le contrôle du juge, d’une cellule qui serait logée au ministère de l’intérieur et qui serait finalement l’embryon d’une véritable police fiscale permettant de mener des investigations. Nous nous dotions aussi de sanctions applicables aux pratiques non coopératives pouvant aller notamment, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez rappelé, jusqu’à une retenue à la source de 50 %.
M. Gouteyron a dit que les Français étaient les champions de la lutte contre l’évasion fiscale.
Mme Nicole Bricq. Je voudrais quelque peu relativiser. Mais il en sera peut-être question quand le Président de la République française présidera le G20, l’année prochaine.
Pour relativiser, donc, je rappellerai qu’en mars 2010, la chose est passée pratiquement inaperçue, sur l’initiative du président des États-Unis, a été votée une loi intitulée « lutte contre le chômage ». Cette loi a été adoptée grâce à l’appui d’une partie des Républicains, puisque onze d’entre eux l’ont votée.
Dans ce texte, sont prévues des sanctions à l’encontre des pratiques non coopératives. Elles sont moins sévères, puisqu’il s’agit d’une retenue à la source de 30 %, mais je pense qu’elles seront plus efficaces parce que le législateur américain suit les moyens de l’administration afin de veiller à l’efficacité des lois qu’il vote.
Ce qui est important dans la loi de finances rectificative de décembre 2009, c’est que, sur le papier, on pourra tester les conventions fiscales ratifiées. C’est le véritable enjeu des signatures bilatérales : se doter des moyens de ses fins, suivre dans la durée ces conventions.
À cet égard, je signale que la convention franco-allemande nous apparaît comme la meilleure référence, parce qu’elle est la plus précise. Elle définit exactement ce qu’est une personne, ce qu’est une société.
Nous savons qu’il existe un grand « trou noir » constitué par les trusts et que, là, les références habituelles des conventions qui sont signées sont trop lâches : on ne sait pas exactement de quoi l’on parle. Voilà pourquoi j’ai cité en exemple la convention franco-allemande.
Le suivi dans la durée de ces conventions est indispensable, compte tenu de la faible portée de la condition de l’OCDE. Je rappelle en effet qu’il suffit pour un État ou un territoire de signer douze conventions pour disparaître de la liste noire. À ce moment-là, il sera peut-être plus efficace de se procurer une liste des comptes bancaires détenus à l’étranger, comme la preuve en a été faite dans l’affaire qui nous a opposés un temps à la Suisse ou dans l’affaire du Liechtenstein, qui concernait les Allemands.
Il est du reste à noter que la convention avec la Suisse n’est toujours pas ratifiée. Elle l’est pour le Parlement, mais comme il pourrait y avoir un référendum, pratique habituelle en Suisse, la seule assurance que nous avons, c’est que normalement, à la date du 7 octobre, cette convention sera ratifiée.
Je veux rappeler que, lors de l’examen en séance de la loi de finances rectificative, le groupe socialiste avait déposé deux amendements. Le premier consistait indirectement à doter d’une base législative le fichier EVAFISC constitué par le ministre du budget et à demander que la commission des finances soit régulièrement tenue informée de l’avancée du dispositif de contrôle et de l’exploitation qui s’ensuivrait. Nous avions reçu le soutien du rapporteur général et du président de la commission des finances, et cet amendement avait suscité de longs débats, mais le Gouvernement, par la voix de M. Woerth, avait beaucoup insisté pour que nous le retirions.
Compte tenu des engagements pris et de notre volonté de soutenir le ministre dans son combat contre les paradis fiscaux, contre l’évasion fiscale, nous avions retiré notre amendement. Six mois après, je le regrette, car nous n’avons reçu aucune communication de la part du ministre. Je l’avais pourtant mis en garde, à l’époque, contre les risques d’une surexposition médiatique qui pouvait lui nuire et, surtout, qui ne pouvait prendre la place du travail patient et complet d’investigation dans la durée.
J’ai tout de même eu le temps de lire, même rapidement, le rapport de l’Inspection générale des finances dans une affaire qui ne nous occupe pas aujourd'hui, mais dont il serait insensé que l’on ne parle pas au sein du Parlement alors qu’elle s’étale partout dans la presse, qu’il en est question à longueur de journée sur la plupart des radios et des chaînes de télévision.
En la circonstance, la réponse était dans la question. L’Inspection générale des finances a mené son enquête administrative, comme elle en a l’habitude, elle n’est nullement répréhensible en cela. Mais j’observe que, pour aboutir à donner comme information générale que 6 247 dossiers ont été identifiés et traités par la cellule fiscale du 18 mai 2007 au 22 mars 2010, période pendant laquelle M. Woerth était ministre du budget, il aurait peut-être suffi, plutôt que de commander un rapport à l’IGF, de collecter les rapports d’activité de la Direction générale des finances publiques… On serait arrivé à peu près au même résultat !
S’agissant des investigations relatives aux cinq noms faisant l’objet de la saisine du ministre du budget, j’ai noté tout de même que les services fiscaux – les vrais, pas la cellule fiscale du cabinet – n’ont pas été informés des échanges ayant eu lieu entre le fameux « chef de la cellule fiscale », le ministre et son directeur de cabinet.
Nous savons que la liste des 3 000 a donné lieu à des actions de l’administration fiscale mais, comme la saisine se limitait à quelques noms qui n’y figuraient pas, nous n’en savons pas plus sur le résultat des enquêtes qui ont suivi.
Nous ne savons pas non plus véritablement quel a été, dans le détail, le bilan exact de la cellule de régularisation fermée officiellement en décembre 2009, ni comment s’est fait le départ entre les transactions et les sanctions, et nous doutons quelque peu de la méthode de la transaction, qui devrait être exceptionnelle, mais qui devient le droit commun.
Je vous recommande la lecture de ce rapport de l’IGF, qui n’est pas très long. Permettez-moi d’en citer la conclusion, très intéressante. M. Bassères, qui a signé ce rapport, nous dit : « Il conviendrait de s’interroger sur la tradition consistant à créer au sein du cabinet du ministre » – il s’agit non de ce ministre précisément, mais du ministre chargé du budget en général – « une équipe dédiée au traitement des situations fiscales individuelles, dont l’existence même nourrit la suspicion ».
Pour ce qui nous concerne, ce ne sont pas les personnes qui nous intéressent, c’est bien plutôt le problème des moyens que l’on se donne et que l’on donne à notre administration qui retient notre attention.
Un test intéressant viendra quand nous aurons à autoriser l’approbation d’un accord avec les Seychelles… À l’occasion de la convention France-Seychelles, nous verrons dans quelle mesure l’administration fiscale est efficace dans ses investigations !
En attendant, nous ne sommes pas là pour parler de tel ou tel,…
M. André Trillard. C’est déjà fait !
Mme Nicole Bricq. … ce n’est pas l’habitude, ici, et ce n’est pas le style du groupe socialiste (Exclamations sur les travées de l’UMP), mais nous tenons absolument à ce que notre administration soit efficace, et nous voulons aboutir.
M. le président. Je vous prie de conclure, madame Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je termine, monsieur le président, en rappelant que, lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2009, nous avions apporté notre soutien total au ministre du budget qui disait toute sa volonté de lutter efficacement contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale. Nous sommes toujours déterminés à le faire. Nous lui avions apporté notre soutien oral, et nous avions également voté l’amendement qu’il nous avait proposé, à l’article 14. (M. André Trillard marque son impatience.)
Ces paradis fiscaux sont en effet à la fois la source de l’instabilité financière qui pénalise l’économie réelle et un vol des contribuables qui s’acquittent de leurs contributions au budget de l’État et des collectivités locales. Il faut neutraliser les « trous noirs » de la finance mondiale, qui affaiblissent la souveraineté des États et réduisent à néant les tentatives de régulation.
M. le président. Veuillez maintenant conclure, vous avez dépassé le temps qui vous était imparti !
M. André Trillard. C’est scandaleux !
Mme Nicole Bricq. Je termine, monsieur le président.
Mais nous exigeons un juste retour en contrepartie de l’engagement que nous avions pris en décembre 2009. Jusqu’à présent, nous ne l’avons pas obtenu. Nous avions demandé que la commission des finances soit régulièrement tenue au courant des investigations qui étaient menées. C’est pourquoi, dans l’attente d’être informés des suites qui ont été données aux dispositions que nous avons votées il y a six mois, nous nous abstiendrons sur ces conventions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Mes chers collègues, je demande à chacun de respecter son temps de parole !
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, l’examen en séance publique d’un projet de loi tendant à autoriser un accord fiscal international donne lieu à une discussion. Nous avons ainsi l’occasion d’évoquer la nécessité pour la communauté internationale de faire davantage d’efforts en matière de lutte contre les paradis fiscaux, ce qui est bien évidemment significatif dans le contexte actuel de crise économique et de fortes turbulences politiques.
Nous devons donc nous prononcer aujourd'hui sur un accord avec un territoire emblématique, puisqu’il s’agit des Bahamas, une des destinations préférées de tous ceux qui souhaitent investir et faire fructifier leur capital sans impôt ni taxe, dans un environnement naturel et climatique paradisiaque.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les Bahamas sont le plus riche des paradis fiscaux de la zone caraïbe. L’économie locale est dominée par les activités bancaires offshore et la domiciliation des International Business Companies. Ces dernières seraient au nombre de 160 000 environ, pour 140 banques offshore.
Il n’existe aux Bahamas aucun impôt sur le revenu, ni sur les bénéfices, ni sur le patrimoine, ni sur le chiffre d’affaires : c’est un véritable paradis !
Seuls les droits de mutation à titre onéreux sont prélevés lors de la cession de biens immobiliers, tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales. C’est dire l’attractivité de cet archipel, dont l’économie reste fondamentalement liée à la bonne santé de celle des États-Unis.
En raison du caractère mondial de la crise financière, les pays membres du G20 s’étaient réunis en 2009 à deux reprises afin de tenter de trouver des solutions équilibrées et consensuelles pour moraliser le marché et mettre fin à la concurrence déloyale des paradis fiscaux. Vaste programme !
Il convenait de mettre un frein aux activités douteuses, en particulier à l’opacité dont peuvent bénéficier individus et entreprises dans certains territoires manifestement non coopératifs.
Toutefois, pour être efficace, cet effort devait être poursuivi dans le temps avec une grande fermeté. La France devait, nous disait-on alors, se donner des moyens d’action pour lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale, comme notre collègue Nicole Bricq l’a excellemment rappelé.
Mais, sans une volonté politique ferme et durable, il est vain d’espérer gagner contre un tel système. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui est l’occasion pour les membres du RDSE de réaffirmer qu’il est grand temps de mettre fin aux activités de ces ports de l’économie souterraine, de ces havres de la spéculation, de ces blanchisseries de l’argent sale, qui sont autant de poumons de l’économie criminelle et de bases financières pour les internationales terroristes !
D’après Raymond Baker, chercheur américain spécialiste des circuits noirs de la finance mondiale, l’argent qui passe par les paradis fiscaux est destiné pour 5 % à la corruption, pour 30 % au blanchiment, le reste représentant l’évasion et la fraude fiscales. C’est donc énorme !
Mettre un terme aux paradis fiscaux impliquerait de vouloir en finir avec la concurrence fiscale déloyale dont notre pays est victime depuis bien trop longtemps.
À Londres, en avril 2009, le G20 avait dans un premier temps dressé une liste noire des paradis fiscaux, sur laquelle figuraient les Bahamas, accompagnée de sanctions à l’encontre des places et institutions financières refusant de se conformer aux exigences de transparence. Ces mesures reposaient manifestement sur de bonnes intentions, mais nous savons depuis longtemps que l’enfer en est pavé !
La lutte contre les paradis fiscaux devait devenir – promis-juré ! - une priorité.
Puis, à Pittsburgh, en septembre 2009, il a été décidé de doter le monde d’une nouvelle instance de pilotage de l’économie mondiale. Le G20 a alors été désigné comme forum principal pour la coopération économique internationale : les listes définitives, grise et noire, des territoires non coopératifs étaient adoptées par chaque État membre.
C’est dans ce contexte que j’avais déposé, avec l’ensemble des membres de mon groupe, une proposition de loi relative à la taxation spécifique de certaines transactions financières dont le taux devait évoluer en fonction du niveau de coopération des territoires visés par les listes du G20.
Dans son dispositif, notre proposition de loi fixait le taux commun de la taxe à 0,05 %. Pour les transactions effectuées avec certains États, deux taux dérogatoires étaient prévus selon le degré de coopération fiscale et bancaire de ces derniers avec la France : un taux de 0,1 % pour les États issus de la liste grise des paradis fiscaux établie par l’OCDE et un taux maximum de 0,5 % pour les États issus de la liste noire.
Il était également prévu que le taux applicable soit modifié en loi de finances à chaque nouvelle publication par l’OCDE des listes des paradis fiscaux.
Notre proposition de loi fut débattue ici même le 23 juin dernier : on nous expliqua alors que nous avions raison et que notre proposition était excellente, mais qu’il était probablement trop tôt et qu’il fallait laisser à d’autres la maîtrise du temps et du calendrier sur cette question, comme sur bien d’autres, du reste !
Il semble que le Président Sarkozy souhaite reprendre, lors du G20 qui se tiendra à Paris, non pas notre idée – une telle affirmation serait prétentieuse ! –, mais, en tout cas, le principe d’une taxe Tobin. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous donner de plus amples informations sur ce sujet ? Si tel est bien le cas, je suis certain que l’idée du groupe RDSE paraîtra alors excellente à tous !
Outre l’intérêt pour l’État de renflouer ses caisses de façon pérenne, notre proposition de loi aurait constitué également un outil efficace de lutte contre la spéculation pratiquée par des établissements financiers depuis des territoires peu coopératifs et soucieux d’opacité, comme les Bahamas.
Au demeurant, je rappelle que plusieurs pays ont déjà mis en place des barrières à l’entrée des flux spéculatifs, notamment en provenance des Bahamas, et ce avec un succès assez probant.
Aujourd’hui, que nous propose le Gouvernement ? Tout simplement la possibilité d’un échange d’informations fiscales entre la France et les Bahamas, sans aucune certitude que cet accord soit réellement efficace. En effet, en matière de transparence fiscale, les bonnes intentions restent souvent lettre morte face à la grande créativité déployée par les acteurs financiers pour contourner les dispositifs.
En outre, rien ne permet d’affirmer que les Bahamas respecteront la lettre, et encore moins l’esprit, de cet accord classique, et ma foi fort modeste, puisqu’ils ne l’ont toujours pas ratifié à ce jour.
Le pari de la transparence fiscale qui sous-tend cet accord repose donc sur la bonne volonté des représentants des Bahamas conjuguée à la pression du Gouvernement français, dont on peut parfois craindre que, en la matière, il ne pratique le double langage.
C’est pourquoi, devant le peu de garanties offertes par cet accord, la majorité des membres du RDSE et les sénateurs Radicaux de gauche font le choix de l’abstention. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à la suite de la décision de la conférence des présidents d’inscrire à l’ordre du jour la discussion, en procédure d’examen simplifié, d’un certain nombre de conventions fiscales internationales, nous devons avouer que nous nous sommes interrogés sur l’attitude à adopter.
À la vérité, cette soudaine éruption de conventions fiscales passées entre la France et des pays et territoires comme l’Île de Man, l’archipel des Îles Turques et Caïques, les Îles Vierges britanniques ou encore la Principauté de Liechtenstein nous a convaincus d’y porter un regard au moins attentif.
Les pays et territoires visés par ces différentes conventions sont connus pour faire partie, encore aujourd’hui – c’est d’ailleurs la finalité de cette série de conventions –, de ce que l’on appelle communément les « paradis fiscaux », ces lieux et cieux tranquilles pour qui veut voir ses revenus, de préférence importants, échapper au fisc français ou aux services homologues d’autres pays à législation fiscale constituée et opératoire.
Ils ont en commun de ne compter qu’un nombre fort réduit d’habitants résidents : 335 000 habitants dans l’archipel des Bahamas, 22 000 dans les Îles Turques et Caïques, 25 000 dans les Îles Vierges britanniques, moins de 30 000 dans la République de Saint-Marin et sur le rocher de Gibraltar, un peu plus de 34 000 dans la Principauté de Liechtenstein, 61 000 dans les Îles Caïmans, environ 65 000 à Guernesey, moins de 70 000 dans l’archipel des Bermudes, un peu plus de 75 000 sur l’Île de Man, 85 000 dans la Principauté d’Andorre et 90 000 à Jersey.
Ce sont donc des territoires peu peuplés, de taille souvent réduite, même si certains des archipels antillais et caribéens dont nous évoquons les spécificités aujourd’hui ont un domaine maritime étendu.
Les Bahamas, ce sont 700 îles et 2 400 îlots pour une grande part à louer, moyennant redevance, sur la base de baux emphytéotiques.
Nous sommes surtout en présence de territoires représentatifs, pour certains, d’originalités historiques, notamment en Europe, avec Andorre ou Gibraltar, mais plus généralement dotés d’un exotisme fiscal pour le moins déroutant.
Si l’on prend en effet la situation de la plupart des territoires antillais et caribéens que nous évoquons aujourd’hui, nous constatons que l’administration fiscale n’y est guère occupée ou, en tout cas, pas aux mêmes activités que les administrations fiscales européennes, puisque, de manière générale, il n’existe dans ces territoires ni impôt sur le revenu, ni impôt sur les sociétés, ni, a fortiori, d’impôt sur la fortune.
Dans plusieurs cas, les plus-values sont exonérées et les deux seules activités fiscales importantes sont, d’une part, l’encaissement de recettes d’enregistrement – constitution de sociétés et parfois droits de mutation – et, d’autre part, la perception d’un certain nombre de droits de douane et de droits indirects sur des produits de consommation importés pour la population résidente ou de passage.
Prenons le cas des Bahamas, où il n’existe donc ni impôt sur le revenu ni impôt sur les sociétés.
Les Bahamas constituent l’un de ces pays accueillant un pavillon dit de complaisance. L’archipel se situe même dans le tiercé de tête des immatriculations sous cette forme du FOC, flag of convenience, avec plus de 46,5 millions de tonneaux immatriculés, dépassant même les références que sont, en Europe, les îles de Chypre et de Malte.
Chacun gardera en mémoire la fameuse affaire du Prestige, ce pétrolier bahaméen qui vint souiller la Galice et les Côtes d’Armor.
Mais l’archipel partage avec d’autres destinations vacancières des retraités nord-américains le privilège d’accueillir ce que l’on appelle les International Business Companies, structures juridiques plus ou moins vides en termes de personnel et d’activité productrice, mais tout à fait décisives en matière de mouvements de capitaux et de prix de transferts internes au sein des groupes multinationaux.
Ainsi, les Bahamas comptent 160 000 IBC – soit presque une pour deux habitants résidents, enfants compris ! -qui acquittent chaque année 3 000 dollars de droits d’enregistrement. Vu le volume des sommes brassées par ce type de structure, on mesure immédiatement l’impact de cette fiscalité.
Au demeurant, comme il n’y a pas de limite au dumping fiscal, d’autres territoires, dont nous examinons d’ailleurs la situation ce jour, proposent le même service – l’enregistrement d’une structure juridique ad hoc à visée d’optimisation fiscale, puisqu’une IBC n’est que cela – pour un droit moindre.
Ainsi, dans les Îles Vierges britanniques, le droit fixe d’enregistrement s’établit à 1 350 dollars, ce qui a d’ailleurs conduit les rues et le registre du commerce de la capitale de l’archipel, Road Town, à être peuplés de plus de 250 000 IBC, soit environ dix pour un habitant résident !
Les Bahamas ont toutefois une spécificité que beaucoup leur envient : celle de disposer d’un secteur bancaire important, qualifié d’offshore, regroupant 245 établissements et constituant, avec les activités immobilières, plus du cinquième du PIB de l’archipel. La crise financière aidant, cela a aussi constitué l’une des causes de la contraction de l’activité économique du pays.
Notons, bien évidemment, que les activités touristiques se révèlent également importantes pour l’économie locale. Elles sont d’ailleurs, faut-il le rappeler, à l’origine de l’essentiel des emplois dans l’archipel, emplois dont l’existence est directement liée à l’activité des croisiéristes.
Cela dit, il y a bien longtemps que l’assaut des touristes américains sur Nassau a été remplacé par les opérations financières et les activités de holding, qui constituent la spécificité de l’archipel.
New Providence, l’île qui abrite la capitale, est effectivement une providence pour tous les analystes financiers, les dirigeants de groupes, qui peuvent faire transiter par l’archipel – le plus souvent électroniquement – tout ou partie de leurs activités et, singulièrement, de leurs profits réalisés ailleurs.
Dans le même ordre d’idées, on se rappellera que la société gestionnaire de la boîte de nuit du chanteur Johnny Hallyday, l’Amnésia, physiquement située au pied de la Tour Montparnasse, était juridiquement implantée dans les Îles Caïmans,…
Mme Nathalie Goulet. Et à Dubaï !
M. Thierry Foucaud. … où le régime fiscal des entreprises est quasiment identique à celui qui est pratiqué aux Bahamas.
Comment se déroulent ces activités, sachant que certains établissements bancaires français – je pense à Paribas qui, un temps, était présent à Nassau comme aux Îles Caïmans – ont pu avoir des succursales dans ces territoires et que les opérations concernent aussi les entreprises de production ?
Le schéma est connu : la production d’une unité réalisée dans un pays étranger est vendue, quasiment à prix coûtant, à une IBC implantée à Nassau. Puis l’IBC prélève sa dîme sur le prix de la vente et procède à la revente de la même production à une autre entité juridique du même groupe située dans un pays où la fiscalité est plus élevée.
Résultat : le différentiel de prix entre le lieu de production et le lieu principal de la vente – il peut d’ailleurs s’agir du pays d’origine de la société mère du groupe – est essentiellement capté par la filiale implantée aux Bahamas sous forme d’IBC, et échappe donc largement à l’imposition tant sur le lieu de production que sur le lieu de vente.
Cela vaut pour les Bahamas mais aussi pour des territoires moins éloignés de la France métropolitaine.
Ainsi, l’île de Jersey, dont il sera question dans une autre convention, ne compte qu’environ 90 000 habitants résidents dont un tiers, ou peu s’en faut, dans la capitale, Saint-Hélier, mais les activités financières sont déterminantes pour l’économie locale.
En effet, le PIB jersiais dépend à 53 % des activités financières, avec 47 banques gérant près de 200 milliards de livres de dépôts et 1 452 fonds d’investissement divers à la tête de 240 milliards de livres.
Nous avons donc une activité financière locale représentant 5 millions de livres de dépôts par résident !
De même, à Guernesey, le quart des emplois dépend des activités financières.
Les îles anglo-normandes, Gibraltar ou l’Île de Man partagent d’ailleurs avec les territoires antillais et caribéens dont nous parlions auparavant la même absence de fiscalité digne de ce nom sur les opérations financières.
À la vérité, nous aurions fort bien pu demander l’organisation d’une discussion sur chaque situation, le cas de la principauté d’Andorre et celui du Liechtenstein étant suffisamment intéressants pour cela. Mais le seul portrait – et il est peu reluisant – de ces quelques paradis fiscaux nous amène à considérer avec beaucoup de scepticisme la portée des mesures prévues par les différentes conventions.
Monsieur le secrétaire d’État, de quels renseignements l’administration fiscale française pourra-t-elle disposer de la part de pays où l’absence presque totale de fiscalité directe implique, mécaniquement, l’absence de rôles d’imposition, et donc d’une connaissance, même succincte, de la réalité des revenus perçus, des transactions effectuées, des bénéfices réalisés, si l’on recherche les opérations qui ont eu lieu depuis la métropole en direction de ces territoires ?
Nous pouvons même nous demander si ces conventions, présentées comme un pas dans la bonne direction, n’ont finalement pas d’autre objet que de donner un vernis de légalité et de respectabilité à ce qui va continuer à être mené sans vergogne ni complexe, c’est-à-dire des opérations de pure optimisation fiscale, touchant les placements financiers, les transactions monétaires et les échanges de biens et de services.
Nous pouvons même craindre que, du fait de son incapacité à répondre aux éventuelles sollicitations de l’administration française, l’administration bahamienne ne finisse par faire en sorte que les questions posées se perdent dans le triangle des Bermudes de l’opacité financière.
Ce qui est évidemment certain, c’est que les sommes transitant chaque jour par ces territoires ne profitent que peu aux résidents et se limitent, pour l’essentiel, aux salaires versés aux opérateurs locaux installés sur place.
L’intense spéculation financière menée depuis les territoires de complaisance fiscale dont nous parlons, transitant par eux ou opérée à destination de ces territoires, pollue depuis de trop nombreuses années la vie économique de l’ensemble de la planète et ne fait pas pour autant le bonheur des peuples.
Bien qu’experts en opérations financières, les Bahamiens ont un PIB par habitant deux fois inférieur à celui de la plupart des pays européens, et 14 % des actifs sont au chômage aujourd’hui, à la suite de la contraction de l’activité touristique.
Seulement voilà, les milieux d’affaires internationaux ont besoin de ces « lessiveuses » d’argent pas toujours très net, pour mener à bien la mission qu’ils imposent à la production, c’est-à-dire réaliser le plus possible de profits.
Et comme la crise financière de l’été 2008 a attiré l’attention de l’opinion publique sur les paradis fiscaux, ce que l’OCDE appelle les « territoires et pays non coopératifs », eh bien, il faut donner le change !
La vérité, c’est bien que cette convention avec le gouvernement de la Communauté des Bahamas comme les onze autres conventions fiscales qui nous sont proposées ne visent qu’à donner l’apparence de la « normalisation » des activités financières, permettant de sortir des listes noire ou grise de l’OCDE les douze territoires concernés.
Cette normalisation, par voie de conséquence et par pur parallélisme des formes, affectera non seulement les pays en question mais aussi, et surtout, les filiales, entreprises ou établissements financiers d’origine française qui viendraient à y exercer une activité.
Nous sommes pour notre part convaincus que rien ne changera avec ces conventions fiscales, et singulièrement avec celle qui a été passée avec les Bahamas.
On peut même craindre, dans un avenir plus ou moins lointain, qu’un pétrolier immatriculé à Nassau ne vienne, une fois encore, polluer les côtes de l’un des pays européens, peut-être même du nôtre.
Mais les activités offshore de l’archipel ne sont aucunement menacées par la convention, et elles pourront continuer de se dérouler autant « off » que « on » shore, avec vue sur le récif corallien et les flots turquoise…
Ce qui restera écrit sur du vent, ou, au mieux, sur le sable – pour mieux être emporté à la première marée – sera l’espérance de la transparence des transactions bancaires et financières.
Les dix dernières secondes de mon temps de parole m’éviteront de prendre tout à l’heure la parole pour explication de vote.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. N’y a-t-il pas de motion tendant à opposer la question préalable ? (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. Non, monsieur le président de la commission.
Monsieur le secrétaire d’État, quels sont les avoirs d’origine française domiciliés dans l’un des douze paradis fiscaux dont nous examinons la situation ? Il est très important pour la population française de savoir que certains, ici, en France, profitent… (M. André Trillard s’exclame.)
En tout cas, nous voterons contre ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je remercie particulièrement M. le rapporteur de son soutien. Celui-ci a indiqué, comme Mme Bricq, qu’un certain nombre d’accords ont été signés entre paradis fiscaux. C’est un fait, mais ils ne représentent que 10 % du nombre total des accords.
Mme Nicole Bricq. Cinquante sur cinq cents !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Vous le voyez, madame Bricq, nous avons les mêmes chiffres !
Cela signifie, a contrario, que 90 % des accords signés ne concernent pas les paradis fiscaux entre eux.
La France agit au sein de l’OCDE pour que le critère des douze accords auquel vous vous êtes référés les uns et les autres, permettant de « blanchir » un État, soit remplacé par une obligation de signer avec ses grands voisins.
Cette demande prospère et fait l’objet d’une attention particulière dans le cadre de l’évaluation du forum mondial dont j’ai parlé tout à l’heure.
Madame Bricq, parmi les différents sujets que vous avez abordés, je souhaiterais en relever quelques-uns.
D’abord, vous avez remarqué que la révision de la directive sur l’épargne n’avait pas été lancée. Il est vrai qu’il a été plus facile de faire avancer la transparence en s’alliant aux grands pays du G20 plutôt que dans le cadre de l’Union européenne.
Cela étant, nous ne sommes pas restés inactifs au sein de cette dernière : depuis avril 2009, je vous le rappelle, la directive sur l’assistance au recouvrement a été rénovée, la Commission a reçu mandat de négocier des accords anti-fraude avec la Suisse ou le Liechtenstein, et la révision de la directive « Épargne » a été évoquée à cinq reprises dans les conseils ECOFIN.
Le Luxembourg et l’Autriche bloquent, mais nous avons bon espoir de progresser avec l’appui de la Belgique, qui a, vous le savez, pris la présidence de l’Union européenne le 1er juillet.
La France n’a eu de cesse, depuis le début de l’année 2009, d’accélérer l’adoption de la directive « Épargne » révisée. Nous devrions pouvoir compter sur le soutien d’un certain nombre d’alliés de poids, dont la Belgique, bien sûr, mais aussi l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, de sorte que les efforts de la France pourraient enfin porter leurs fruits ; notamment, la lutte contre les trusts pourrait voir le jour à l’échelon européen.
Je vous rappelle que les accords d’échange de renseignements qui nous sont soumis couvrent toutes les situations, y compris les trusts que vous avez évoqués.
Vous semblez sceptiques.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas très clair !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Il est certain que, si vous ne votez pas le projet de loi qui vous est soumis, comme vous vous apprêtez à le faire, nous n’aurons accès à aucune information. Je ne pense pas que ce soit une amélioration par rapport à la situation actuelle.
Enfin, un suivi est prévu par l’OCDE et par le présent texte, si tant est que le Sénat l’adopte. Nous pourrons donc juger sur pièces de la qualité de l’information échangée.
Vous avez aussi évoqué, madame Bricq, la cellule de régularisation, mise en place au sein du ministère des finances.
Permettez-moi de vous citer quelques chiffres : 4 600 dossiers ont été régularisés, pour 7 milliards d’euros d’actifs, dont les deux tiers ont été rapatriés physiquement en France ; une somme de un milliard d’euros d’impôt a été collectée. Ce n’est pas négligeable !
Vous avez commenté le récent rapport de l’Inspection générale des finances, qui, selon vous, n’avait aucun lien avec cette discussion. Mais vous lui avez malgré tout consacré à peu près la moitié de votre intervention…
Les investigations menées par l’Inspection générale des finances l’ont conduite à analyser chacun des 6 400 dossiers qui ont été examinés par la cellule fiscale.
Si vous émettez des réserves sur les conditions de cette enquête, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, dont je ne me souviens pas qu’il soit membre de l’UMP, a un accès illimité à ces dossiers ; il peut donc toujours venir juger par lui-même.
Mme Nicole Bricq. Le précédent l’a fait !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. M. Collin s’est interrogé sur l’éventualité d’une taxe sur les transactions financières.
Je lui répondrai qu’un certain nombre de mesures ont déjà été adoptées en 2009.
Une taxe de financement par les banques des activités de surveillance a été mise en place, ainsi qu’une taxe sur les bonus, pour un rendement respectivement de 150 millions d’euros et de 360 millions d’euros.
De plus, vous le savez, le Gouvernement prépare, en coordination avec ses partenaires européens, un projet de taxation des banques, qui sera présenté dans le cadre des lois de finances de fin d’année.
L’abstention sur ce texte n’est pas une bonne chose, me semble-t-il, parce que cette attitude ne favorisera pas les échanges de renseignements dont, par ailleurs, chacun a souhaité qu’ils soient les plus importants possible.
Monsieur Collin, vous êtes sceptique sur la portée de l’accord, qui dépend de la volonté des autorités des Bahamas. Mais, pour apprécier l’effectivité d’un accord, il faut d’abord qu’il entre en vigueur et, pour cela, il faut le voter ! J’espère évidemment que ce sera la volonté d’un nombre important de membres de la Haute Assemblée.
Monsieur Foucaud, je vous remercie de m’avoir parfaitement éclairé sur la fiscalité des Bahamas. Je salue votre connaissance de la question, ce qui prouve que vous l’avez étudiée de très près. (Sourires.)
Nous partageons le même constat : les Bahamas, ce n’est pas une nouveauté, sont un paradis fiscal !
J’en déduis que vous allez soutenir l’action du Gouvernement, qui vise à instaurer un minimum de transparence et d’échange de renseignements sur ledit paradis.
De mon point de vue, vous ne pouvez que vous féliciter d’un accord qui permettra à l’administration fiscale d’accéder aux informations sur les activités de nos contribuables aux Bahamas. Après votre exposé, l’on comprendrait mal que vous ne souteniez pas ce texte, la seule question qui se pose ici étant celle de savoir si l’on est pour ou contre la transparence aux Bahamas.
Vous avez fait état de votre scepticisme quant à l’échange de renseignements sur demande prévu par cet accord. Son article 5 est pourtant très précis, stipulant que chaque partie contractante fait en sorte que ses autorités compétentes pour l’application de l’accord disposent du droit d’obtenir et de fournir sur demande, d’une part les renseignements détenus par les banques, les institutions financières et toute personne agissant en qualité de mandataire ou de fiduciaire, d’autre part les renseignements concernant les propriétaires juridiques et les bénéficiaires effectifs des sociétés, sociétés de personnes, fonds de placement collectif et autres personnes, à savoir, dans le cas d’une fiducie, les renseignements sur les constituants, les fiduciaires, les bénéficiaires et les tiers protecteurs et, dans le cas de fondations, les renseignements sur les fondateurs, les membres du conseil de la fondation et les bénéficiaires.
Vous voyez, monsieur Foucaud, qu’il serait temps de mettre en œuvre cet accord, et je ne doute pas que vous y contribuerez en votant ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais tout d’abord rendre hommage au Gouvernement, qui a permis l’accélération du processus de ratification. Dans un passé récent, il n’était pas rare que certaines conventions fiscales ne soient ratifiées qu’au bout de deux ou trois ans. Ce changement de rythme est sans doute lié à une prise de conscience : la crise a avivé les enjeux et renforcé la volonté d’agir pour lutter contre tous ces paradis fiscaux et leurs méfaits.
Je remercie Nicole Bricq d’avoir rappelé les travaux du « G24 », qui ont, en effet, mis l’accent sur la nécessité de conduire cette lutte.
Adrien Gouteyron a dit l’essentiel en nous présentant son rapport, mais je voudrais rappeler que la commission des finances a pour responsabilité de veiller à l’effectivité de ces engagements, chacune de ces conventions s’apparentant en quelque sorte à une déclaration d’intention. Nous avons donc une obligation d’évaluation.
Mes chers collègues, il nous faut aujourd’hui autoriser la ratification et, demain, évaluer. Je précise d’ailleurs au Sénat que, dès le 14 septembre, la commission des finances entendra Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et M. François Baroin, ministre du budget, pour faire le point sur les conventions fiscales.
Nous verrons alors dans quelle mesure les dispositions que nous avons votées dans la loi de finances pour 2010 auront pu trouver une concrétisation depuis lors, et nous en tirerons toutes les conséquences.
Comme le suggère Thierry Foucaud, on pourrait rejeter ce texte, et monter périodiquement à la tribune pour dresser un état des lieux et dénoncer les méfaits des paradis fiscaux. Il me semble que nous devons être pragmatiques, et faire en sorte que la mondialisation s’attaque désormais efficacement à ces phénomènes de « trous noirs » de l’économie et de la fiscalité.
Ce n’est certes pas simple de conclure des conventions avec des pays qui n’ont pas de fiscalité. Ces États devront respecter l’engagement qu’ils ont pris de se doter d’une législation en conséquence, afin notamment que les échanges d’informations ne soient pas dépourvus de contenu et soient effectifs.
Je comprends le scepticisme, mais ces conventions marquent une première étape qui mérite, en tant que telle, de recevoir le soutien du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signé à Nassau le 1er décembre 2009 et à Paris le 7 décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir affirmé que la France s’engage à voir aboutir, dans le cadre de l’Union européenne, la révision de la directive « Épargne ».
Je le remercie également pour son bilan chiffré de l’activité de la cellule de régularisation fiscale. Nous en avions eu quelques bribes dans la presse, mais jamais un bilan quantitatif exhaustif.
Il serait toutefois intéressant d’obtenir les résultats détaillés de cette régularisation, à savoir les montants en droits, en intérêts de retard et en pénalités, ainsi que les profils des contribuables « régularisés ». Il faudrait aussi que le Parlement puisse obtenir périodiquement un rapport d’étape détaillé sur les contrôles fiscaux, notamment ceux qui sont lancés contre les évadés fiscaux.
Je remercie M. le président de la commission des finances, qui, c’est la première fois, a fixé au 14 septembre 2010 le rendez-vous que nous avions demandé en décembre 2009. Ce rendez-vous important nous permettra peut-être de faire progresser notre volonté commune de suivi.
Je précise enfin que je n’ai pas la même notion du temps que M. le secrétaire d’État. Je n’ai pas consacré la moitié de mon intervention au rapport de l’Inspection générale des finances, mais il m’a semblé indispensable de l’évoquer dans cette enceinte, ne serait-ce que cinq minutes, et je ne pense pas y avoir consacré plus que cela.
Ce qui compte, c’est l’effectivité des conventions. Et c’est parce que nous avons quelques motifs d’inquiétude à cet égard que nous nous abstiendrons.
Jeudi dernier, lors du débat sur les orientations des finances publiques pour 2011, le ministre du budget s’est fait fort d’annoncer, parmi les économies budgétaires prévues pour 2011, la suppression de 3 127 emplois de fonctionnaire au ministère de l’économie et des finances.
Ces réductions d’effectifs, qui interviennent pour la troisième année consécutive, nous conduisent à douter de la volonté réelle du Gouvernement d’opérer des contrôles fiscaux. Si l’administration fiscale devait finir par être démantelée par ces pertes d’emplois, le suivi des conventions fiscales serait assez difficile à assurer… Cette annonce sème le doute dans notre esprit, et constitue un motif supplémentaire d’abstention.
Rendez-vous le 14 septembre ! Nous verrons ensuite, puisque nous devons autoriser l’approbation d’une série de conventions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quinze !
Mme Nicole Bricq. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas là pour nous inscrire dans le plan de communication du Président de la République. Effectivement, Nicolas Sarkozy veut pouvoir prendre la présidence du G20 en se targuant de représenter le pays qui a signé le plus de conventions… Non, nous ne sommes pas là pour cela ! Nous sommes là pour vérifier l’efficacité de ces conventions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste - M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour pouvoir vérifier l’efficacité de ces conventions, madame Bricq, encore faut-il que les autorités françaises redoublent d’efforts pour les conclure, et que nous autorisions leur ratification !
Quant au rendez-vous du 14 septembre, je vous signale qu’il s’agit du second de cette nature, après la réunion très importante du 23 mars. La commission des finances a en effet la volonté d’examiner en profondeur l’effectivité de ces conventions.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
12
Conventions internationales
Adoption définitive de onze projets de loi en procédure d'examen simplifié
(Textes de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de onze projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces onze projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
accord avec les îles turques et caïques relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Turques et Caïques relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 18 septembre 2009 et à Waterloo le 5 octobre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je m’interroge, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi donc avoir signé cette convention à Waterloo, et non à Cockburn Town, la capitale des Îles Turques et Caïques ?... (Sourires.)
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Turques et Caïques relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 542, texte de la commission n° 623, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec les bermudes relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Bermudes relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 2 octobre 2009 et à Hamilton le 8 octobre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Bermudes relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 543, texte de la commission n° 624, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec les îles caïmans relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Caïmans relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 16 septembre 2009 et à George Town le 30 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Caïmans relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 544, texte de la commission n° 625, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec gibraltar relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Gibraltar relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 18 septembre 2009 et à Gibraltar le 22 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Gibraltar relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 545, texte de la commission n° 626, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec saint-marin relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale, signé à Saint-Marin le 22 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 546, texte de la commission n° 627, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec andorre relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale, signé à Andorre-la-Vieille le 22 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 548, texte de la commission n° 629, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec guernesey relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Guernesey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale, signé à Paris le 24 mars 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Guernesey relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 549, texte de la commission n° 630, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec l’île de man relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Île de Man relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (ensemble un protocole), signé à Douglas le 26 mars 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Île de Man relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 550, texte de la commission n° 631, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec les îles vierges britanniques relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Vierges britanniques relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale, signé à Paris le 17 juin 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Vierges britanniques relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 551, texte de la commission n° 632, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec le liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale, signé à Vaduz le 22 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (projet n° 547, texte de la commission n° 628, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec jersey relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale et à l’imposition des pensions
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Jersey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale et à l'imposition des pensions (ensemble une annexe), signées à Paris le 12 mars 2009 et à Saint-Hélier le 19 mars 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Jersey relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale et à l’imposition des pensions (projet n° 540, texte de la commission n° 621, rapport n° 620).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 13 juillet 2010, à quatorze heures trente :
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Rapport de MM. Gérard César et Charles Revet, rapporteurs pour le Sénat (n° 654, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART