M. André Ferrand. Nous avons la grande chance de disposer à l’étranger d’un réseau de quelque 450 écoles, dont beaucoup de lycées, qui accueille 240 000 élèves dont 60 % d’étrangers. Il s’agit d’une réserve extraordinaire.
Or, force est de constater que les élèves étrangers qui accomplissent toute leur scolarité dans notre système éducatif poursuivent rarement leurs études dans notre enseignement supérieur.
Cet amendement vise donc à permettre la création, dans une trentaine de lycées français de l’étranger sélectionnés, de classes préparatoires adaptées de niveau bac + 2, qui seraient diplômantes au niveau L1 et L2 et qui constitueraient un sas avec l’enseignement supérieur en France.
Ces sortes de propédeutiques, de classes préparatoires seraient directement liées aux campus d’excellence, de sorte que leurs élèves pourraient soit présenter les concours des grandes écoles de ces campus ou ceux des moyennes écoles, soit entrer à l’université.
L’intérêt d’un tel dispositif serait, premièrement, de nous permettre enfin de tirer parti des pépinières de talents étrangers que sont nos lycées de l’étranger.
Deuxièmement, nous ferions entrer dans notre enseignement supérieur non pas des étudiants directement issus de l’enseignement scolaire, dont le taux d’échec est extrêmement élevé, mais des étudiants à bac + 2.
Troisième et dernier de ses aspects positifs – mais ce ne serait pas le moindre, et il serait également conforme à l’esprit du grand emprunt –, le dispositif assurerait un effet de levier, car les entreprises à l’étranger participeraient probablement plus volontiers à des cofinancements dès lors qu’elles sauraient pouvoir compter sur des partenaires publics.
Je dois vous dire, monsieur le ministre, que ce dispositif a été très bien accueilli dans les milieux universitaires ou par les responsables de grandes écoles auxquels je l’ai présenté et j’ai déjà enregistré plusieurs marques très concrètes de l’intérêt qu’il soulève, intérêt dont attestent d’ailleurs également le nombre et la qualité des cosignataires de cet amendement.
La difficulté est maintenant de franchir la mise en œuvre. Il appartiendra aux acteurs intéressés par le projet de faire preuve de créativité et il faut donc les encourager, monsieur le ministre. C’est ce que j’attends de vous. Nous avons, en quelque sorte, besoin de votre bénédiction pour aller de l’avant.
Vous l’avez compris, il s’agit là d’un investissement d’avenir s’il en est, car le but est d’enrichir notre enseignement supérieur puis notre recherche grâce à un vivier de talents étrangers dont le système d’enseignement français à l’étranger a assuré la formation scolaire. Monsieur le ministre, je compte sur votre appui ! (MM. Jacques Legendre et Auguste Cazalet applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le renforcement de l’attractivité internationale de l’enseignement supérieur français, sujet auquel la commission est elle-même sensible, est un objectif que soutient le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, comme en témoignent les indicateurs choisis pour évaluer les campus d’excellence.
Quant aux lycées français à l’étranger, ils représentent sans aucun doute un vivier de talents qui pourraient être mis davantage à profit, et la constitution de passerelles entre ces établissements et les campus d’excellence peut contribuer, de façon pertinente, à l’internationalisation de notre enseignement supérieur.
La commission, sur la question soulevée par notre collègue André Ferrand, s’en remet à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Ferrand, je connais votre attachement à l’enseignement français hors de nos frontières et je peux d’ailleurs en témoigner, car nous nous sommes plusieurs fois rencontrés à l’étranger.
L’idée que vous développez, pour laquelle vous vous battez depuis quelque temps déjà, intéresse en effet.
Bernard Kouchner, qui vous a écrit récemment, s’est ainsi mis en contact avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, lequel réfléchit à un dispositif qui permettrait de mettre en place un parcours diplômant post-bac dans les lycées français à l’étranger.
J’ai pour ma part bon espoir que l’on parvienne à une solution ; je ne sais encore ni laquelle, ni dans quelles conditions, mais c’est une nécessité puisqu’il s’agit de la compétitivité et du rayonnement de la France à l’étranger.
Cependant, retirer 150 millions d’euros à Ariane 6 soulève tout de même quelques difficultés : s’il est normal que la recherche spatiale bénéficie du grand emprunt,…
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Éric Woerth, ministre. … il serait en revanche assez logique que le financement de classes post-bac dans les lycées français à l’étranger relève du budget général de l’État.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet.
M. Éric Woerth, ministre. Je l’ai dit, je ne peux m’opposer à votre amendement sur le fond, mais je ne peux pas non plus accepter que les crédits affectés au développement du lanceur Ariane 6 soient diminués de 150 millions d’euros pour assurer le lancement de l’enseignement supérieur à l’étranger.
Je vous propose donc, monsieur Ferrand, que nous nous revoyions assez rapidement avec le ministre des affaires étrangères et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche pour étudier la manière concrète d’avancer sur ce sujet, qui, tout le monde en convient, est un vrai sujet et je vous remercie donc de l’intérêt que vous y portez.
M. le président. La parole est à M. André Ferrand, pour explication de vote.
M. André Ferrand. Monsieur le ministre, je vous suis très reconnaissant de cette réponse qui, vous l’avez compris, est celle que j’attendais. Il est clair que je n’en veux ni au CNES ni à Ariane 6 – et je tiens d’ailleurs vivement à rassurer à cet égard mon ami Christian Gaudin, qui, j’en suis sûr, aurait été à mes côtés pour défendre le développement de l’enseignement supérieur français à l’étranger s’il n’avait farouchement défendu, et il a eu raison, le CNES et Ariane 6 ! (Sourires.) –, mais il fallait bien gager cet amendement qu’évidemment je retire.
M. le président. L'amendement n° 112 rectifié est retiré.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'article 6 et l’état B annexé.
M. Thierry Foucaud. Notre premier motif de désaccord sur cet article 6 est qu’il vise à procéder, au-delà de la mise en œuvre des dépenses liées à l’emploi des ressources tirées de la levée du grand emprunt, à de nouvelles coupes dans les crédits budgétaires votés en loi de finances initiale.
Ce sont en effet plus de 1,8 milliard d’euros de crédits qui sont annulés, et les annulations frappent l’ensemble des chapitres budgétaires, comme si on effectuait une sorte de réduction forfaitaire sur l’ensemble des lignes sans être trop regardant quant aux conséquences.
Ce collectif consacrerait donc une fois encore l’annulation de la réserve de précaution, ce qui soulève tout de même de sérieuses questions sur le sens de nos discussions budgétaires antérieures, notamment, bien sûr, la discussion des crédits en loi de finances initiale.
Deuxième motif de désaccord, l’accroissement de la dépense publique, quand il est entériné, se produit dans le cadre quasi exclusif du grand emprunt, les sommes engagées au titre des autorisations de programme étant assez manifestement imprécises, comme plusieurs de mes collègues l’ont d’ailleurs dit.
Le Gouvernement a donc choisi de ne pas envisager de rentrées fiscales supplémentaires qui soient dignes de ce nom et de ne pas procéder à une véritable remise en question de la dépense fiscale. Il a donc opté pour un endettement complémentaire de l’État, endettement qui, nous l’avons souligné, risque fort de se révéler producteur de profits…pour les entreprises.
Troisième motif de désaccord, les investissements adossés au grand emprunt s’avèrent être des opérations sélectionnées, sur des créneaux précis, en dehors de toute cohérence de la démarche de recherche de nos établissements publics comme de nos universités.
Ainsi mobilise-t-on des moyens importants pour les internats d’excellence en matière scolaire, tandis que l’on poursuit la politique de suppression de postes dans l’ensemble des établissements de l’enseignement primaire et secondaire.
De même, on met en avant les « campus d’excellence » – je pense évidemment au site de Saclay, pleinement intégré au projet du Grand Paris –, alors que la grande majorité de nos universités continueront à vivre dans la précarité du fait de la faiblesse de leurs moyens de fonctionnement.
Si quelques étudiants et techniciens travaillent à la conception d’un véhicule du futur qui, peut-être, sera fabriqué en dehors des frontières nationales, il n’est pas certain que nous y trouverons tout à fait notre compte...
Bref, les choix sélectifs opérés par l’article 6, entièrement tendus vers des applications industrielles génératrices de profits pour quelques groupes privés bien connus, ne nous paraissent pas, malgré leur caractère séduisant, répondre pleinement aux attentes générales, d’autant qu’il faudra probablement ajouter au service de la dette du grand emprunt le crédit d’impôt recherche dont bénéficieront, là encore, sans difficulté les entreprises cocontractantes.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’article 6.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'ensemble de l’article 6 et de l’état B annexé.
(L'article 6 et l’état B sont adoptés.)
Article 7 et état C
Il est ouvert aux ministres, pour 2010, au titre des comptes spéciaux, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant à 2 940 000 000 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état C annexé à la présente loi.
État C
RÉPARTITION DES CRÉDITS POUR 2010 OUVERTS ET ANNULÉS, PAR MISSION ET PAR PROGRAMME, AU TITRE DES COMPTES SPÉCIAUX
I. – COMPTES D’AFFECTATION SPÉCIALE
(En euros) |
||||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes |
Crédits de paiement supplémentaires ouverts |
Autorisations d’engagement annulées |
Crédits de paiement annulés |
Participations financières de l’État |
1 940 000 000 |
1 940 000 000 |
||
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
1 940 000 000 |
1 940 000 000 |
||
Totaux |
1 940 000 000 |
1 940 000 000 |
II. – COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS
|
(En euros) |
|||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes |
Crédits de paiement supplémentaires ouverts |
Autorisations d’engagement annulées |
Créditsde paiement annulés |
Prêts et avances à des particuliersou à des organismes privés |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
||
Prêts aux petites et moyennes entreprises |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
||
Totaux |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l’article 7 et de l’état C annexé.
(L'article 7 et l’état C sont adoptés.)
TITRE II
DISPOSITIONS PERMANENTES
Article 8
I. – Le code rural est ainsi modifié :
1° L’article L. 741-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-5. – L’article L. 741-16 s’applique aux cotisations dues au titre des allocations familiales. » ;
2° L’article L. 741-16 est ainsi modifié :
a) Les I et II sont ainsi rédigés :
« I. – Les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales pour les travailleurs occasionnels qu’ils emploient.
« Les travailleurs occasionnels agricoles sont des salariés dont le contrat de travail relève du 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail pour des tâches temporaires liées au cycle de la production animale et végétale, aux travaux forestiers et aux activités de transformation, de conditionnement et de commercialisation de produits agricoles lorsque ces activités, accomplies sous l’autorité d’un exploitant agricole, constituent le prolongement direct de l’acte de production.
« Cette exonération est déterminée conformément à un barème dégressif linéaire fixé par décret et tel que l’exonération soit totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 150 % et devienne nulle pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 200 %. Pour le calcul de l’exonération, la rémunération mensuelle et le salaire minimum de croissance sont définis dans les conditions prévues aux quatrième et cinquième phrases du premier alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
« II. – Les demandeurs d’emploi inscrits à ce titre sur la liste mentionnée au 3° de l’article L. 5312-1 du code du travail depuis une durée fixée par décret sont assimilés à des travailleurs occasionnels lorsqu’ils sont recrutés par contrat à durée indéterminée par un groupement d’employeurs exerçant des activités mentionnées au I. » ;
b) Au III et à la première phrase du IV, les références : « aux I et II » sont remplacées par la référence : « au I » ;
c) Au premier alinéa du VI, les mots : « les taux réduits de cotisations mentionnés au I et » sont supprimés et les mots : « de leur application » sont remplacés par les mots : « d’exonération » ;
d) Au second alinéa du VI, les mots : « des taux réduits », « auxdits taux réduits » et « ils se sont appliqués » sont respectivement remplacés par les mots : « de l’exonération », « à ladite exonération » et « elle s’est appliquée » ;
e) Il est ajouté un VII ainsi rédigé :
« VII. – Le bénéfice des dispositions du présent article ne peut être cumulé avec celui d’une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l’application de taux spécifiques, d’assiettes ou montants forfaitaires de cotisations, à l’exception des exonérations prévues aux articles L. 741-5 et L. 751-18 du présent code et de la déduction forfaitaire prévue à l’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. » ;
3° Après l’article L. 741-16, il est inséré un article L. 741-16-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 741-16-1. – I. – Les caisses de mutualité sociale agricole se substituent, selon les modalités définies au II, aux employeurs de travailleurs définis aux I et II de l’article L. 741-16 pour le paiement de la part patronale des cotisations suivantes, dues pour l’emploi de ces mêmes salariés :
« 1° La participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, prévue à l’article L. 6331-1 du code du travail ;
« 2° La cotisation de la retraite complémentaire obligatoire des salariés versée aux institutions de retraite complémentaire mentionnées à l’article L. 727-2 du présent code ;
« 3° La cotisation versée à l’Association pour la gestion du fonds de financement, rendue obligatoire, en application des articles L. 911-3 et L. 911-4 du code de la sécurité sociale, par l’arrêté du 23 décembre 2009 portant extension et élargissement de l’accord relatif à la prorogation de l’accord du 13 novembre 2003 conclu le 23 mars 2009 par les organisations signataires de la convention collective du 14 mars 1947 et de l’accord interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961 ;
« 4° La cotisation versée à l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture, rendue obligatoire, en application de l’article L. 2261-15 du code du travail, par l’arrêté du 15 septembre 2006 portant extension d’un avenant à l’accord collectif national de travail sur l’emploi dans les exploitations et entreprises agricoles ;
« 5° La cotisation versée au Conseil des études, recherches et prospectives pour la gestion prévisionnelle des emplois en agriculture et son développement, dénommé PROVEA, rendue obligatoire, en application de l’article L. 2261-15 du code du travail, par l’arrêté du 28 octobre 2002 portant extension d’un accord collectif national de travail sur les saisonniers, sur diverses dispositions sur les contrats à durée déterminée et sur l’organisation de la gestion prévisionnelle de l’emploi en agriculture ;
« 6° La cotisation versée à l’Association pour le financement de la négociation collective en agriculture, rendue obligatoire, en application de l’article L. 2261-15 du code du travail, par l’arrêté du 26 mars 1992 portant extension d’un accord national relatif à l’organisation de la négociation collective en agriculture ;
« 7° La cotisation due au titre du fonctionnement du service de santé et de sécurité au travail prévue à l’article L. 717-2-1.
« II. – Cette prise en charge est calculée selon les modalités et le barème dégressif prévus à l’article L. 741-16.
« Cette prise en charge donne lieu à compensation intégrale par l’État. Elle est cumulable avec le bénéfice des exonérations totales ou partielles de cotisations patronales ou salariales prévues aux articles L. 741-5, L. 741-16 et L. 751-18 du présent code ainsi qu’avec la déduction forfaitaire prévue à l’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. » ;
4° Le deuxième alinéa de l’article L. 751-10 est supprimé ;
5° L’article L. 751-18 est ainsi rétabli :
« Art. L. 751-18. – L’article L. 741-16 s’applique aux cotisations dues au titre des accidents du travail. » ;
6° (nouveau) Au 1° de l’article L. 725-24, les mots : « de taux réduits » sont remplacés par les mots : « d’exonération ».
II. – Le présent article s’applique aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2010.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet article 8 est, à la vérité, un étrange objet.
En effet, le secteur de l’agriculture est marqué depuis plusieurs années – et ce fut singulièrement vrai en 2009 – par une profonde exacerbation de la concurrence entre pays européens, concurrence qui n’a, au demeurant, pas grand-chose de libre ni de non faussé.
Dans les faits, alors même que certains exploitants ne semblent pas toujours rechigner à utiliser une main-d’œuvre sous-payée et parfois non déclarée, l’agriculture française se retrouve en position de faiblesse face à la concurrence d’autres pays de l’Union – je pense notamment à l’Espagne et à l’Italie – qui ont fait du dumping social la source de la rentabilité de leur production.
Les moindres garanties offertes aux salariés agricoles, saisonniers ou réguliers, et le recours massif à une main-d’œuvre extracommunautaire, qui subit des conditions sociales indignes du XXIe siècle et dont le recrutement se déroule bien souvent de la pire des façons, constituent le principal argument de vente des produits italiens et hispaniques, qui envahissent l’ensemble des marchés européens et dont la production standardisée échappe d’ailleurs assez souvent au mode naturel de culture.
En conséquence, l’agriculture française, malgré ses atouts et notamment la qualité de ses produits, malgré des process de production de moins en moins consommateurs de produits phytosanitaires et de plus en plus respectueux de l’environnement, se trouve victime du développement du hors-sol d’un côté et du « moins-disant » social de l’autre.
Dans un secteur comme celui-ci où la valeur ajoutée est pour le moins faible, cette situation conduit à la déstabilisation de l’ensemble de la filière. Or, quelle réponse propose-t-on aujourd’hui ? Eh bien, l’article 8 prévoit tout bonnement de faire en sorte que le « moins-disant » social puisse s’appliquer aux emplois saisonniers agricoles en tendant à exonérer les exploitations du paiement des cotisations sociales afférentes à l’emploi des salariés agricoles concernés !
De fait, on creuse un peu plus le déficit de la sécurité sociale tout en légalisant, d’une certaine manière, par une exonération de charges tous les comportements peu respectueux des règles du jeu qui pouvaient d’ores et déjà avoir cours dans notre pays.
On s’engage là dans une course vers l’abîme en matière de conditions de travail et de rémunérations avec nos concurrents les plus « vifs » sur ces créneaux de production, c’est-à-dire les pays du sud de l’Union, alors qu’il vaudrait sans doute mieux que nous œuvrions à l’échelle européenne pour relever le niveau des garanties et des normes sociales applicables au travail salarié agricole !
C’est donc pour refuser ce dumping social légalisé que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter notre amendement de suppression de l’article 8.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je peine un peu à comprendre, car l’article 8, qui s’inscrit dans un contexte de crise grave de l’agriculture, est fait pour accroître le niveau de l’emploi grâce à la baisse du coût du travail, pour mieux lutter contre le recours contre le travail clandestin en incitant les employeurs à déclarer leurs salariés.
Je suis donc surpris, mon cher collègue, que votre groupe ait déposé un amendement de suppression de cet article, amendement auquel la commission est naturellement tout à fait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est évidemment très défavorable à l’amendement n° 101.
Tout d’abord, l’agriculture attend beaucoup de ce projet de loi de finances rectificative. Les salaires n’étant pas élevés dans ce secteur, il faut évidemment faciliter les choses. La compétition internationale intense qui règne dans ce domaine rend la situation très difficile pour les agriculteurs. Au travers de l’article 8, le Gouvernement propose une mesure éminemment sociale et utile pour l’agriculture. Aussi, je m’étonne de cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 124, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7
Après la référence :
L. 1242-2
insérer les mots :
ou de l'article L. 1242-3
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les contrats de travail, en vigueur au 1er janvier 2010, conclus avec des groupements d'employeurs pour une durée indéterminée et ouvrant droit à l'application des dispositions du I de l'article L. 741-16 du code rural dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi bénéficient de l'exonération prévue au même article dans sa rédaction issue de la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Il s'agit d'un amendement de précision pour l'application de la mesure d’exonération « travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi » dite « TO-DE », aux entreprises d'insertion et aux groupements d'employeurs.
Les entreprises d’insertion pourront bénéficier des exonérations pour l’emploi, sous contrat à durée déterminée, ou CDD, de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi dans l’agriculture. Ce dispositif concerne 6 000 salariés affiliés au régime agricole et employés par diverses structures d’insertion, qui, sans ces allégements de charges, ne peuvent plus fonctionner.
Par ailleurs, cet amendement vise à éviter que les groupements d’employeurs qui bénéficient actuellement des exonérations TO-DE pour l’emploi de salariés sous contrat à durée indéterminée, ou CDI, et pas seulement sous contrat à durée déterminée, ne soient pénalisés par la nouvelle mesure. L’amendement prévoit donc que pour les CDI déjà existants les groupements d’employeurs continuent de bénéficier de l’exonération TO-DE selon les modalités prévues par l’article 8. Cela permettra de préserver les 7 600 emplois salariés actuels au sein des groupements d’employeurs.
Pour les nouvelles embauches, en revanche, l’exonération TO-DE ne s’appliquera qu’aux CDD et aux CDI conclus avec d’anciens demandeurs d’emploi.
Ces deux précisions n’ont pas d’impact financier. L’évaluation du coût de la mesure de l’article 8 intégrait en effet déjà en base les entreprises d’insertion et les CDI des groupements d’employeurs ; nous avons eu tout à l’heure une discussion sur le fait que la nouvelle mesure coûtait 168 millions d’euros, et les mesures déjà acquises dans ce cadre-là représentent environ 300 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est favorable à un amendement qui se justifie par la volonté de réduire la précarité de ces personnels.
Cela étant dit, je me pose une question sur le surcoût budgétaire. J’ai compris qu’il avait déjà été pris en compte dans l’estimation générale de la mesure prévue à l’article 8, soit 168 millions d’euros par an. Ai-je bien compris, monsieur le ministre ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Dans ces conditions, l’avis de la commission est favorable.
M. le président. L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. César, Trucy et J. Gautier et Mme Malovry, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7
Remplacer les mots :
au cycle de
par le mot :
à
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy. À cet instant, je m’exprime au nom de M. César.
La référence au cycle qui figure dans le texte est, vous l’aurez noté, beaucoup trop réductrice et ne révèle pas la réelle activité des exploitants agricoles.
De plus, le maintien des termes « au cycle » manque de cohérence avec la suite de l'article, et particulièrement avec les travaux forestiers qui, eux, ne sont pas précédés du terme « cycle ».
Enfin, cette référence au cycle de production n'est pas habituellement utilisée pour définir les productions agricoles et végétales et ne figure pas dans les articles du code rural relatifs au travail salarié. Dès lors, ces termes peuvent être source de problèmes d'interprétation et d'insécurité juridique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission comprend l’inspiration de Gérard César mais trouve qu’il va un peu loin : avec la disposition gouvernementale, le surcoût est de l’ordre de 168 millions d’euros, alors que, avec l’amendement de notre collègue César, il s’élèverait à 400 millions d’euros. Cela paraît tout de même beaucoup par les temps qui courent.
Aussi, la commission souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je comprends bien la volonté du sénateur César partagée par le sénateur Trucy, mais cet amendement introduit une plus grande insécurité juridique.
Les termes « cycle de production » ont été ajoutés au texte à la demande du Conseil d’État parce que les exonérations de charges prévues ici concernent les travailleurs saisonniers. S’il n’y a pas référence à un cycle, à une saisonnalité de la production, il n’y a pas d’emploi saisonnier, et l’application des exonérations de charges s’appuie alors sur d’autres notions juridiques. C’est la raison pour laquelle nous avons introduit cette notion, qui doit être maintenue si l’on veut sécuriser juridiquement la mesure.
M. le président. Monsieur Trucy, l’amendement n° 43 rectifié est-il maintenu ?
M. François Trucy. Je suis accablé de mon indignité. Je retire l’amendement, et tâcherai de consoler M. César demain. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8