compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinquante.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par courrier en date du 3 décembre 2009, les textes de deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution et de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports.

Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel, édition des lois et décrets.

Acte est donné de ces communications.

3

Organisme extraparlementaire

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale des compétences et des talents, en application de l’article L. 315-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des lois à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

4

Article 35 et état B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Deuxième partie

Loi de finances pour 2010

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Aide publique au développement - Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux - Compte de concours financiers : Prêts à des Etats étrangers

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (nos 100 et 101).

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 35 et état B

Aide publique au développement

Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux

Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre aide publique au développement se porte un peu mieux.

En 2008, l’aide publique au développement française atteint 7,6 milliards d’euros, soit 0,39 % du revenu national brut, ou RNB, contre 0,38 % en 2007. Nous sommes au quatrième rang mondial en volume et au deuxième rang du G7 en valeur.

La progression de l’aide française en 2008 est de presque 3 % en termes réels et de plus de 11 % hors annulation de dettes. En 2009, grâce aux annulations de dettes reportées de 2008, nous pourrions être à 0,44 % du RNB, soit tout près du plus haut niveau enregistré en 2006, 0,47 % du RNB. Pour 2010, nous serons entre 0,44 % et 0,48 % du RNB, selon que les dettes du Congo et de la République démocratique du Congo seront annulées ou pas par le Fonds monétaire international.

Cet effort est particulièrement méritoire dans le contexte contraint de nos finances publiques. La chute de l’aide publique au développement française en 2006 et 2007 tend aujourd’hui à être rattrapée et notre pays pourra honorer les engagements pris par le Président de la République, notamment lors de la conférence de Doha, à la fin de 2008.

La conjoncture économique mondiale exige une solidarité accrue en faveur des pays en développement, pour respecter les « objectifs du Millénaire » à l’horizon de 2015. Les pays donateurs semblent avoir compris, puisqu’en 2008 les membres du comité d’aide au développement de l’OCDE ont augmenté leur aide de plus de 10 % pour avoisiner les 120 milliards de dollars, montant historique jamais constaté précédemment.

Il faut pourtant, mes chers collègues, relativiser cette satisfaction globale.

D’abord, l’aide de terrain, monsieur le secrétaire d’État, – la plus visible, donc la plus rentable politiquement – est toujours tragiquement minoritaire dans l’aide publique au développement française. En 2008, 41 % de notre aide va au multilatéral et 9 % aux annulations de dettes. La France a néanmoins obtenu une réduction de sa contribution au Fonds européen de développement, le FED, pour les années 2011 à 2013 et, en 2011, nous devrions tomber à 804 millions d’euros, soit 68 millions d’euros de moins qu’en 2010.

Ensuite, certaines dépenses importantes figurent toujours dans l’aide publique au développement, parce qu’elles sont engagées, par exemple, sur notre territoire. Je pense aux fonds consacrés à Mayotte et à Wallis-et-Futuna pour 381 millions d’euros en 2008, à l’aide aux réfugiés originaires des pays en développement pour 224 millions d’euros, aux frais d’écolage des étudiants étrangers en France, etc.

Notons pourtant un progrès. Seuls les frais concernant les étudiants ressortissants de pays en développement sont décomptés, soit 637 millions d’euros en 2008. Mais la qualification de ces dépenses en aide publique au développement, comme je vous l’ai dit, monsieur le secrétaire d’État, reste sujette à caution.

À l’inverse, certaines dépenses contribuant au développement ne sont pas comptabilisées : la dépense fiscale relative aux dons faits aux organisations de solidarité internationale, les mécanismes de garantie, la sécurisation de l’aide alimentaire et l’essentiel de la coopération militaire et de défense. Aussi, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de dresser un inventaire précis et chiffré de tous ces éléments afin que nous puissions avoir une vue plus exacte et objective de l’effort national en faveur de l’aide publique au développement.

Dernier point pour tempérer l’enthousiasme, en 2011, nous estimons que l’aide publique au développement française pourrait tomber à 0,42 % du RNB, contre 0,44 % au moins en 2010.

Certes, nous le savons tous, il y a toujours un décalage entre prévision et exécution, notamment du fait des aléas liés aux annulations de dettes et aux dépenses non programmables.

Néanmoins, la France s’est engagée à atteindre 0,7 % de son RNB en 2015. Parvenir à cet objectif suppose une croissance quasi « miraculeuse » de notre aide publique au développement, 17 % par an en moyenne sur la période allant de 2012 à 2015. Les contributions budgétaires annuelles nécessaires dépendent évidemment de l’amélioration de la situation de nos finances publiques et, de ce point de vue, je me garderai bien de prendre des paris.

Toutefois, je me félicite de certains progrès, comme le renforcement de l’efficacité de notre aide publique au développement, à la suite des décisions de juin dernier pour concentrer l’aide française sur un champ prioritaire resserré. C’est une orientation conforme à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et à mes préconisations récurrentes, si je me réfère à mes précédents rapports.

Par ailleurs, 60 % des ressources budgétaires d’aide publique au développement iront à l’Afrique subsaharienne, et quatre catégories de pays éligibles à l’aide publique au développement relèvent désormais d’interventions adaptées. Une liste nominative de quatorze États a ainsi été arrêtée, regroupant les pays pauvres dits « prioritaires ». Cette concentration géographique de l’aide conduira à substituer peu à peu à la zone de solidarité prioritaire actuelle, qui comprend 55 pays, la notion de » partenariats différenciés ».

L’aide française sera en outre dirigée vers cinq secteurs prioritaires : la santé, l’éducation, l’agriculture, le développement durable et le soutien à la croissance. Ces mesures particulièrement heureuses offrent un soutien plus efficace aux pays et aux secteurs qui en ont le plus besoin.

La mission « Aide publique au développement » proprement dite reçoit, en 2010, 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,5 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 57 % des 6,2 milliards d’euros de crédits de paiement du budget général qui peuvent être ou sont comptabilisés en aide publique au développement et qui sont répartis dans onze missions. La mission ne constitue que le tiers de l’ensemble de l’aide publique au développement nationale totale, qui représente 8,6 milliards d’euros.

Par rapport à 2009, les autorisations d’engagement baissent d’environ 8 %. Cette évolution n’est pas trop préoccupante à court terme : l’explication vient du programme 110, relevant de Bercy ; la moindre dotation en autorisations d’engagement – la baisse est de 46 % par rapport à 2009 – tend à préserver la « soutenabilité » du programme, et donc à éviter une « crise de paiement ». Au contraire, les autorisations d’engagement du programme 209 – le vôtre, monsieur le secrétaire d’État – qui concentrent l’aide de terrain, augmentent de 16 %.

Je mets toutefois en garde, par avance, contre toute tentation de combler, à partir d’une ponction sur le programme 209, les insuffisances éventuelles qui apparaîtraient en exécution sur le programme 110. J’appelle aussi l’attention sur les conséquences, en 2011 et 2012, de ce tassement des autorisations d’engagement du programme 110.

Les crédits de paiement de la mission, quant à eux, augmentent de 12 %, reflet de la croissance de l’aide publique au développement générale. L’effort de réduction des effectifs se poursuit : le plafond d’emploi du programme 209 est fixé à 2 667 équivalents temps plein, soit une baisse de 122 postes, mais, en réalité, de 87 équivalents temps plein du fait de certains transferts dans d’autres administrations.

Pour conclure, voilà quelques préconisations qu’appelle, à mon avis, cette mission.

Premièrement, la dépense fiscale de l’aide publique au développement sera proche de zéro en 2010, faute de souscripteurs pour les dispositifs en cause, notamment le compte épargne codéveloppement. Le Gouvernement doit s’interroger sur l’opportunité de maintenir cet instrument, conçu pour un public qui ne dispose pas de l’épargne nécessaire. En d’autres termes, il est tellement « fauché » qu’il ne peut pas cotiser à un dispositif d’épargne.

Deuxièmement, j’évoquerai le pilotage stratégique de l’Agence française de développement, l’AFD, dont la tutelle a été renforcée en juin dernier. Nos ambassadeurs, monsieur le secrétaire d’État, doivent disposer des moyens en compétences et en effectifs pour porter une appréciation plus éclairée sur les projets de l’AFD qui leur sont soumis et ne plus s’en tenir à un avis de caractère purement formel – de type « rien à signaler ! » – que le conseil d’administration de l’AFD se borne à enregistrer avec scepticisme.

Cette attitude ne favorise guère l’autorité et la crédibilité des ambassadeurs et ne grandit pas le prestige de la fonction, alors qu’ils doivent avoir une vision politique au sens noble du terme sur les projets. Aussi, l’affectation en ambassade de sous-préfets en mobilité qui seraient spécialement chargés du suivi des dossiers de l’aide publique au développement permettrait à nos ambassadeurs d’assumer pleinement leur rôle en la matière en s’appuyant sur des fonctionnaires de terrain dont nous connaissons tous dans nos départements l’efficacité et le sens pratique.

Troisièmement, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui remplace l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations depuis 2009, aide à la réalisation de projets économiques portés par des migrants souhaitant retourner dans leur pays d’origine.

Comme je l’ai dit l’an dernier, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que l’aide accordée à ces projets qui est de 7 000 euros, et qui risque, dans certains cas, d’être inefficace parce qu’insuffisante, soit augmentée jusqu’à 15 000 ou 20 000 euros, quitte à renforcer les conditions de sérieux et de pérennité des projets.

Quatrièmement, sans rouvrir le débat que nous avons eu lundi dernier – dont le président de la commission des finances sans nul doute se souvient certainement – sur la question des frais de scolarité, mais pour préserver l’équilibre financier de nos établissements d’enseignement à l’étranger, et, plus généralement, pour soutenir notre effort en faveur de la francophonie, il est opportun que l’État et les partenaires sociaux, notamment les représentants des entreprises françaises dans chaque pays, essaient de conclure avec notre ambassade locale une sorte d’accord de bonne conduite permettant une prise en charge partielle, en tout cas mieux partagée avec l’État, des frais de scolarité des enfants des résidents français. Cette participation réduirait une charge budgétaire qui légitimement préoccupe chaque année un peu plus la commission des finances.

En conclusion, j’indique au Sénat que, sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai tout à l’heure et au bénéfice de ces quelques observations, complétant celles qui figurent dans mon rapport écrit, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la suite de Michel Charasse, je vais vous présenter les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » est doté d’un peu plus de un milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 737 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution des deux tiers par rapport à 2009 ; bien évidemment, il s’agit de crédits évaluatifs.

Ce compte est divisé en trois sections.

La section 1 concerne des prêts à des États étrangers destinés à faciliter la réalisation de projets d’infrastructures dont la réalisation fait appel à des biens et à des services d’origine française.

La section 2 comprend des prêts à des États étrangers pour consolidation de leurs dettes envers la France.

La section 3 a trait à des prêts à l’Agence française de développement, l’AFD, consentis en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers.

D’une manière générale, nous constatons que ce compte est déficitaire d’environ 108 millions d’euros. L’explication en est simple : les prêts excèdent le montant des remboursements qui ont été encaissés.

Le programme 851 contribue à soutenir l’expansion internationale des entreprises françaises. Même si les crédits de paiement s’élèvent à 300 millions d’euros pour 2010 contre 180 millions d’euros en 2009, nous devons toutefois constater la modestie de ces crédits, malheureusement révélatrice de l’insuffisance de notre présence industrielle internationale. Madame la secrétaire d’État, comme l’année dernière, je reste convaincu que nous avons des savoir-faire, notamment urbains, qui intéressent la totalité des secteurs économiques et que nous devrions beaucoup mieux rentabiliser.

Plus inquiétante est la diminution pour 2010 des autorisations d’engagement. Je rappelle que, sur la période 1998-2008, le volume des prêts consentis au titre de la réserve pour les pays émergents s’est élevé à 1,94 milliard d’euros.

Au titre de 2010, les principaux décaissements concernent le projet de ligne à grande vitesse au Maroc, qui a déjà été entamé au cours des années passées, celui du tramway à Rabat, les projets de métro au Caire et à Hanoï et les secteurs de l’eau et de l’environnement en Arménie et en Mongolie, notamment.

Le programme 852 est une reconduction de celui de 2009. Les annulations des dettes consenties par la France s’inscrivent dans le cadre de l’initiative pour les pays pauvres très endettés, qui a été lancée en 1996. Elle concerne trente-cinq des quarante pays éligibles, et je suis heureux de vous rappeler, mes chers collègues, que la France est le premier contributeur en cumul.

Le total des annulations consenties, ou qui le seront, par la France dans le cadre de l’initiative des pays pauvres très endettés depuis 1996 est de 12,7 milliards d’euros, 7,6 milliards d’euros dans le cadre multilatéral et 5 milliards d’euros dans un cadre bilatéral. Certains observateurs estiment que l’individualisation de la participation française serait insuffisante par rapport à la participation multilatérale.

Sur ce programme 852, je souhaite apporter quelques précisions, car il ne faudrait pas que nous résumions nos relations avec les pays pauvres très endettés à une simple annulation de dette.

La France, l’Europe, les pays développés et les pays émergents ont des devoirs à l’égard de ces pays, souffrant du mal le plus dramatique qui puisse exister : la faim. Comme vous le savez, ce fléau mondial concerne 963 millions de personnes, nombre malheureusement en croissance – ces temps-ci, il sera beaucoup question de l’eau, mais les problèmes de l’eau et de la faim sont très liés – et le paradoxe est que la moitié de ces personnes sous-alimentées travaillent la terre. Le défi alimentaire est l’enjeu majeur de l’humanité pour les générations à venir.

L’origine de cette situation est une inégalité de répartition des matières premières agricoles qui engendre de nombreux conflits et désastres.

Cette inégalité de répartition doit nous engager à privilégier la construction d’infrastructures de transports, de ressources énergétiques hydraulique et solaire, l’entretien d’un savoir toujours utile à celui qui cultive et maintient.

La sécurité alimentaire dans ces pays ne peut relever ni d’un libre-échange mondial – la variation des cours le prouve : en septembre 2008, par exemple, par rapport au début 2008, le cours du blé s’est effondré du 60 %, le baril de pétrole de 75 % – ni d’un repli national à l’intérieur de frontières incertaines et démunies.

Nous avons à favoriser l’application du principe de régionalisation que l’Union européenne a su instituer avec la politique agricole commune, la PAC, et que Michel Barnier, à la suite d’Edgard Pisani, a défendu lors du G8 qui s’est tenu en Italie au mois d’avril dernier. Mais que penser du dernier sommet de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, à Rome, où, hormis le président Silvio Berlusconi, aucun chef d’État n’était présent ?

Vous ne serez pas surpris si je cite, au titre de notre solidarité avec les pays en voie de développement, le respect de nos propres engagements en faveur du projet « climat énergie européen » limitant le réchauffement climatique : nous avons une « dette écologique » à l’égard de ces pays, dette d’autant plus facile à évaluer que nous prétendons connaître le prix du carbone, et je sais que l’Agence française de développement, l’AFD, n’est pas insensible à ce sujet.

Il y a une « justice climatique » à faire vivre et je crois personnellement que les paradis fiscaux pourraient être plus sollicités.

Au nom de la sécurité alimentaire des pays qui retiennent tout spécialement notre attention, il serait utile que, dans un cadre approprié, nous intervenions pour qu’il y ait une transparence minimale dans les contrats de location ou de ventes de terres à des intervenants étrangers.

II y a là un champ enthousiasmant pour nos diplomates qui savent, par exemple, que le Mali et le Sénégal ne sont pas dans des situations identiques. Nous avons à soutenir une expertise française et francophone d’accompagnement pour tirer un maximum de notre aide en direction des États et de leur population.

Nous pouvons rappeler que les créanciers des pays africains doivent respecter des règles de transparence et de justice.

Les prêts AFD sont des prêts sur trente ans, dont dix ans de différé, à un taux de 0,25%. L’enveloppe demeure modeste : 208 millions d’euros

Je veux ici souligner une initiative exemplaire : l’Agence française de développement a mis en place un nouvel instrument de prêt dit « prêt très concessionnel contracyclique », qui adapte le profil des remboursements des pays débiteurs aux circonstances économiques.

Cette procédure s’avère particulièrement utile pour les pays emprunteurs et exportateurs d’un petit nombre de produits dont les cours reposent sur ceux, particulièrement fluctuants, des matières premières. Je suis heureux de constater que la France est le seul pays pour l’instant à avoir expérimenté ce dispositif. Il faut que nous plaidions pour son extension.

Je terminerai par le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux ».

La mission correspondant à ce compte, qui retrace la coopération monétaire avec les pays de la zone franc, n’est dotée d’aucun crédit pour 2010, comme en 2008 et en 2009.

Cette coopération garantit la parité du taux de change et la convertibilité, la liberté de transfert, la centralisation des réserves de change des États membres

Les experts du Trésor estiment que la probabilité de voir l’État intervenir pour garantir ces obligations demeure très faible.

Monsieur le secrétaire d’État, vos services sont heureux de constater que, dans le contexte actuel de crise, les mécanismes de la zone franc ont contribué à stabiliser la situation monétaire et financière de l’ensemble des pays concernés.

Ces considérations ne sauraient nous faire oublier que certains de ces pays connaissent une baisse de recettes, une progression de leurs dépenses – de l’ordre du quart de leur produit intérieur brut – une chute des cours, une baisse de production des matières premières, tout cela alors que l’euro enregistre une forte appréciation par rapport au dollar. Ce sont là des facteurs d’inquiétude et je pense, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, qu’un rapport d’étape sur cette question serait le bienvenu.

En lien avec le rapport de notre collègue Adrien Gouteyron, ce n’est pas manquer d’objectivité que de s’interroger sur l’évolution de la présence de la France dans le monde.

La commission des finances vous propose d’adopter sans modification les crédits des compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux ». (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. André Vantomme, rapporteur pour avis.

M. André Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens ici en tant que rapporteur de la commission des affaires étrangères et je m’exprimerai tout à l'heure au nom du groupe socialiste.

Ce léger dédoublement ne m’empêchera pas d’aborder maintenant les sujets qui fâchent ; je laisserai les autres sujets à mon collège et corapporteur Christian Cambon.

L’année 2009 a été marquée dans les pays en développement par la diffusion de la crise financière née dans les pays occidentaux.

Selon la Banque mondiale, en 2009, du fait de la crise, 53 millions de personnes supplémentaires vivent avec moins de 1,25 dollar par jour. Ce chiffre parle de lui-même.

La communauté internationale a répondu à cette situation sans tarder. Les interventions de la Banque mondiale ont notamment augmenté de 50 %. Le montant de l’aide publique internationale au développement en 2008 est le plus haut jamais atteint.

La France a-t-elle pris sa part dans cet effort collectif ?

Je crois que oui. Elle a augmenté de façon très significative ses lignes de crédits à la disposition du Fonds monétaire international, le FMI, et de la Banque mondiale. Elle demeure plus généralement le quatrième donateur de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, en volume.

La France se met-elle en mesure d’honorer ses engagements en matière d’aide au développement ?

Il nous semble que non. Nous nous étions engagés à porter notre effort à 0,51 % du PIB en 2010. Cet effort devrait se situer entre 0,44 % et 0,48 % en 2010…

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Exactement !

M. André Vantomme, rapporteur pour avis. …et plutôt dans la fourchette basse compte tenu de la faible probabilité que nous procédions aux allégements de dettes envisagés en 2010.

Atteindrons-nous l’objectif de 0,7 % du revenu national en 2015 ? C’est peu probable. Cela supposerait une croissance de 17 % de ces crédits. Faut-il rappeler qu’entre 2008 et 2009 cette croissance était de 2,1 % ?

La commission des affaires étrangères vous invite à ne pas baisser les bras. La France, qui a porté haut et fort sa politique de coopération, doit maintenir le cap.

Dans ce contexte, les tentations de modifier les critères de définition de l’aide au développement, au sens de l’OCDE, sont fortes. Je vous engage à résister à l’attrait de gonfler artificiellement nos chiffres. Le Gouvernement ne s’est d’ailleurs pas engagé dans cette voie puisqu’il a, conformément aux recommandations de l’OCDE, minoré les crédits d’écolage et d’accueil des réfugiés qu’il déclarait comme aide publique au développement. Il est vrai, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez intégré la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Une telle mesure est peu conforme aux engagements pris lors la création de cette taxe, mais ne manque pas de cohérence avec l’objet de l’UNITAID, qui relève clairement de l’aide au développement.

Je dirai maintenant quelques mots sur la composition de notre effort global en faveur du développement. Si l’on considère l’aide dite programmable, 55 % de cette aide est désormais multilatérale, contre 30 % il y a dix ans. Notre politique de coopération se décide désormais autant à Paris qu’à Bruxelles et à Washington.

Ce constat n’implique pas forcément une critique. Dans un certain nombre de domaines, l’échelon européen ou multinational est le seul efficace.

L’unique critère pertinent pour établir un choix entre ces deux niveaux est l’efficacité. Les projets de coopération ne devraient être portés au niveau communautaire ou multilatéral que si, en raison des dimensions ou des effets des actions envisagées, ils seraient mieux réalisés à ces niveaux. C’est appliquer au développement le principe de subsidiarité que nous avons placé au cœur des institutions européennes.

Cette évolution suscite néanmoins quatre séries de questions.

La première est relative au pilotage et à l’évaluation de nos contributions multilatérales. Y a-t-il en face de chacune de nos contributions des objectifs et des évaluations ? Nous n’en sommes pas certains.

La deuxième porte sur l’articulation en amont et en aval des différents types d’aides. Y a-t-il à Paris et sur le terrain, au Niger ou au Mali, une coordination suffisante des différents opérateurs ? Fait-on assez pour promouvoir des outils de mise en cohérence des actions menées ?

La troisième concerne notre influence dans les choix de ces fonds multilatéraux. Est-il normal que nous ne disposions, par exemple, que d’un demi-siège au conseil d’administration du fonds sida alors que nous sommes le deuxième contributeur ? Arrivons-nous, dans les institutions où nous contribuons de façon marginale, à faire valoir nos priorités pour l’Afrique ?

La quatrième, et dernière, a trait à la visibilité de notre aide. Qui sait aujourd’hui que le quart du budget du FED est assumé par la France ?