M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Cela ne durera pas !
M. André Vantomme, rapporteur pour avis. Nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d’État, savoir quelles sont les réflexions et les mesures engagées sur ces quatre sujets.
Une dernière observation concerne les crédits transitant par les ONG. Quand on voit la taille et la compétence acquises par les ONG anglo-saxonnes, on mesure combien les ONG sont les éléments d’efficacité et d’influence de leur pays d’origine. Dans ce domaine, la France a pris du retard. Les fonds transitant par les ONG s’élèvent à 1,14 % contre 5 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Le Gouvernement s’est engagé à redresser la barre. Nous l’y encourageons.
M. André Ferrand. Très bien !
M. André Vantomme, rapporteur pour avis. Je laisse à M. Christian Cambon le soin de vous faire part de la position de la commission des affaires étrangères, de la défense et forces armées sur les crédits de la mission. (Applaudissements.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, rapporteur pour avis.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le secrétaire d’État, la politique d’aide au développement exige de la persévérance, du bon sens et de l’initiative. Ces qualités ne vous font pas défaut. Vous manquerait-il des crédits, comme le souligne mon collègue André Vantomme ? Sans doute votre budget n’est-il pas tout à fait à la hauteur des ambitions de la France dans ce domaine. Pour être honnête, je dois souligner que vous avez réussi à préserver les crédits de la mission « Aide publique au développement » dans un contexte budgétaire dont nous savons tous combien il est difficile. Je ne vais pas revenir sur les chiffres, vous les trouverez dans notre rapport écrit. Je voudrais plutôt concentrer mon propos sur quelques observations.
Première observation, le Gouvernement a décidé, lors du dernier comité interministériel de la coopération internationale et du développement, qui s’est tenu le 5 juin 2009, de consacrer plus de 60 % de son effort budgétaire en faveur du développement de l’Afrique subsaharienne. Notre commission s’en félicite. Elle observe cependant que cette priorité à l’Afrique n’a pas toujours été suivie d’effets ces dernières années. L’Afrique subsaharienne représentait 53 % de notre aide publique au développement en 2005 ; elle ne reçoit plus que 42 % en 2008. Il s’agira donc à terme de redresser le cap.
Dans le même temps, le 12 novembre dernier, le conseil stratégique de l’Agence française de développement autorisait l’extension des interventions dans trois nouveaux pays : les Philippines, le Mexique et la Colombie.
Entre la priorité à l’Afrique et l’accroissement des interventions dans les pays émergents, n’y a-t-il pas, monsieur le secrétaire d’État, une contradiction ? Avons-nous encore les moyens de couvrir les cinq continents ? Je peux comprendre la volonté de ne pas être absent de zones prometteuses, comme l’Asie. Mais, en même temps, quand on voit les progrès de l’influence américaine et chinoise en Afrique, on se demande s’il ne faudrait pas concentrer nos efforts sur cette zone, qui est non seulement notre sphère d’influence traditionnelle, mais aussi le continent qui a le plus besoin d’aide pour se développer.
Deuxième observation, le Xè Fonds européen de développement, FED, est abondé à hauteur de 22,6 milliards d’euros, ce qui représente un enjeu considérable, alors même que nous allons nous prononcer ce matin sur les 3,5 milliards d’euros de la mission « Aide publique au développement ».
Monsieur le secrétaire d’État, l’année 2010 sera marquée par la renégociation des perspectives budgétaires du FED et par la rédaction d’un document-cadre définissant la stratégie de la France au sein de cet organisme. La commission des affaires étrangères a plusieurs fois rappelé qu’elle souhaitait être associée à la rédaction de ce document. Vous nous expliquerez, je l’espère, comment vous comptez faire participer la commission et les rapporteurs à cet important événement.
Par ailleurs, la modification de la clé de répartition définissant la contribution de la France au FED permettra de dégager une marge de manœuvre de 100 millions à 150 millions d’euros. Comment comptez-vous utiliser ces crédits ? N’est-ce pas l’occasion de renforcer notre aide bilatérale à l’Afrique ?
Troisième observation, la coopération décentralisée devient de plus en plus importante. En 2008, 72 millions d’euros ont été consacrés à des projets concrets que votre ministère recense et met à la disposition des élus, grâce à cet outil formidable qu’est l’Atlas français des coopérations décentralisées et des autres actions extérieures. L’État accompagne ce mouvement non seulement pour soutenir financièrement les initiatives des collectivités, mais également pour renforcer la cohérence des actions menées. Vous y consacrez 8 millions d’euros avec un effet de levier considérable puisqu’à chaque euro dépensé par l’État correspondent près de 5 euros abondés par les collectivités territoriales. Pourtant, le projet de loi de finances ne prévoit que 8 millions d’euros pour cette action. Ce montant ne permettra de toucher que la moitié des projets demandeurs. N’y a-t-il pas moyen d’amplifier cet effort ?
J’aurais également souhaité aborder bien d’autres sujets : le bilan des opérateurs, l’AFD, la banque mondiale, le fonds sida, notamment, mais également des priorités sectorielles de la France. J’aurais pu vous interroger sur la nouvelle organisation de la politique européenne de développement avec la mise en place du service européen de l’action extérieure, ainsi que sur les chances de succès de la contribution solidaire internationale.
Je pourrais aussi évoquer la réforme de votre administration et les efforts considérables de la DGM pour moderniser ses méthodes, mais le temps m’est compté. Aussi, m’arrêterai-je là, en vous renvoyant à mon rapport écrit. J’émets le souhait, avec le président de la commission et l’ensemble de ses membres, qu’un débat d’orientation sur la politique française de coopération et de développement puisse intervenir au cours de l’année 2010 au sein de notre assemblée, ce qui serait véritablement utile pour nous tous. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.)
Monsieur Joyandet, j’ai lu ce matin dans un journal que vous étiez le ministre « le plus économe de ses moyens ». Je vous en félicite !
M. Jean-Pierre Fourcade. Bravo !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. Approuvant les priorités de ce budget et l’effort du ministère pour se moderniser, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur la ligne de front budgétaire, les nouvelles ne sont guère réjouissantes.
À l’appui de mon propos, je citerai deux exemples.
Au sein du programme 209, les crédits consacrés à notre influence culturelle et linguistique, tant dans les pays émergents que dans les pays de la zone de solidarité prioritaire et les pays les moins avancés, font l’objet d’une diminution de 6 %.
Quant aux subventions aux alliances françaises inscrites au programme 209, elles sont réduites de 25 %. Or, ces organismes constituent notre outil de rayonnement linguistique le plus dynamique du fait du succès rencontré par leurs cours de langue.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Ces chiffres me conduisent donc à dresser un constat préoccupant de l’évolution des crédits de la politique de promotion de la langue française menée par notre pays au sein de son réseau culturel à l’étranger.
Néanmoins, les contributions de notre pays à l’Organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs demeurent encore substantielles, bien qu’également en diminution par rapport à leur niveau de 2009.
La participation totale de la France au financement de la francophonie multilatérale s’établit en 2010 à 53 millions d’euros, contre 58 millions d’euros en 2009.
À cela, s’ajoute la participation majoritaire de la France au financement de TV5 Monde, à hauteur de 72 millions d’euros, et au loyer de la future Maison de la francophonie, pour un montant de 4 millions d’euros en 2010.
Au total, le budget de la francophonie, géré dans sa dimension politique et institutionnelle, s’établit ainsi à 142 millions d’euros.
Par ailleurs, le pilier culturel sur lequel s’appuie également notre politique francophone dispose d’un budget évalué à 256 millions d’euros, voire à 782 millions d’euros si l’on y inclut le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE. Je note que la participation financière des familles au budget total de l’agence est substantielle – de l’ordre de plus de 60 % – et qu’elle ne cesse de croître. Nos établissements culturels et nos établissements scolaires d’enseignement français représentent numériquement la plus grande académie hors de France.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. C’est vrai !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et celle qui obtient les meilleurs résultats au baccalauréat ! Là-bas, on sait lire, écrire et compter !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Ils participent tout naturellement à la diffusion de notre langue.
Dans ces conditions, votre ministère évalue à près de 925 millions d’euros l’effort financier total consenti par l’État à une politique francophone ambitieuse, chiffre qui inclut bien évidemment le budget significatif de l’AEFE.
J’ai également eu l’occasion de commenter, lors de mon intervention sur les crédits de la mission « Médias », l’évolution des ressources affectées à la société holding Audiovisuel extérieur de la France, AEF, qui font l’objet d’une augmentation de 6 % par rapport à l’exercice 2009.
Des incertitudes pèsent néanmoins sur la répartition par AEF de sa dotation publique entre RFI, France 24 et TV5 Monde et la signature du contrat d’objectifs et de moyens liant la holding à la puissance publique pour la période 2009-2013.
Cette difficulté n’est probablement pas étrangère à la situation sociale délicate que connaît aujourd’hui Radio France Internationale ainsi qu’au pilotage stratégique de la société holding « Audiovisuel extérieur de la France », qui pâtit de l’absence d’une concertation interministérielle opérationnelle.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Cela étant, je vous demanderai, monsieur le secrétaire d’État, de nous apporter des éléments d’information sur deux points.
Pourriez-vous nous décrire les efforts conduits par votre ministère en matière d’évaluation et de suivi des dotations publiques consenties à l’Organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs ? Ces contributions doivent pouvoir abonder des programmes pour lesquels un retour sur investissement est identifiable.
Pourriez-vous en outre nous préciser dans quelle mesure votre ministère s’appuie sur la promotion et l’enseignement de la langue française comme leviers de développement économique et d’intégration régionale ? En effet, au sein du programme 209, un certain nombre de projets financés par le Fonds de solidarité prioritaire et l’Agence française de développement comportent un volet culturel et linguistique significatif. À cet égard, ne pourrions-nous pas envisager des montages financiers innovants entre l’Agence française de développement et notre réseau d’enseignement français à l’étranger ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget que nous examinons maintenant constitue l’un des piliers de l’action internationale de la France. Or, comme chaque année, on nous annonce une augmentation de l’effort en matière d’aide publique au développement pour l’année suivante, mais je doute encore une fois que nous y parvenions.
Je regrette profondément la tendance à banaliser le retard pris par la France dans le respect de ses engagements en matière d’aide au développement et par rapport aux autres pays occidentaux. Pourtant, selon le sondage annuel que l’Agence française de développement vient de rendre public, cette année encore, deux Français sur trois pensent que, malgré le contexte de crise internationale, la France doit maintenir, voire augmenter son aide. Seuls 10 % estiment qu’il faut la stopper. La lutte contre la pauvreté ainsi que le réchauffement climatique se trouvent d’ailleurs en tête de leurs préoccupations.
Malgré tout, ce budget baisse inexorablement ; au mieux, il stagne. Quant à ceux qui le voient en augmentation, en dehors de tout ajustement comptable et de glissement d’une mission à une autre, qu’ils m’expliquent comment ils font.
En dépit des « objectifs du Millénaire » fixés par l’ONU, qui, je le rappelle, visent à réduire de moitié la pauvreté pour 2015, le compte n’y est pas !
La France s’est engagée à consacrer 0,7 % de son PIB à terme et 0,51 % en 2010. Le montant de l’aide publique au développement française, comme cela a été confirmé tout à l’heure, sera compris entre 0,44 % et 0,48 % du PIB. Pour 2011, comme l’évoquait notre excellent collègue Michel Charasse, il sera de 0,42 %.
Depuis de nombreuses années maintenant, le projet de budget, lorsqu’il est à la hausse, comptabilise les annulations de dettes. Encore une fois, ce budget ne m’apparaît donc pas sincère.
Pis, les pays pauvres ont le sentiment, à double titre, de payer pour la crise économique et financière, quand les nations développées sont si promptes à recapitaliser leurs banques, à aider les grands patrons à garder leurs stock-options et autres bonus. Pourtant, des pays comme le Royaume-Uni ou l’Espagne, aussi durement touchés que nous par la crise financière internationale, vous en conviendrez, voient leur objectif atteindre 0,6 % de leur richesse nationale en 2010, ce qui dépasse leurs espérances.
L’année 2010 sera marquée par un sommet sur les « objectifs du Millénaire » pour le développement, cinq ans avant la clause de rendez-vous de 2015. Je suis curieux de connaître la position qu’adoptera le Gouvernement pendant ce sommet.
Il est certainement utile, à ce stade de mon intervention, de rappeler à quoi sert l’aide au développement, née lors de la décolonisation.
Elle a pour but d’aider financièrement les pays en voie de développement en vue d’un rééquilibrage des niveaux de développements respectifs ou, autrement dit, de « l’éradication de la pauvreté dans le monde ».
Comme vous le savez, les Nations unies ont précisé dans les « objectifs du Millénaire » les finalités de ces aides, répartis en huit catégories. Je n’y reviens donc pas.
Nous sommes en 2009. Faut-il rappeler que 1,4 milliard de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans le monde, avec moins de 1,25 dollar par jour, qu’un enfant meurt du paludisme toutes les trente secondes, que six millions de personnes dans les pays en voie de développement attendent un traitement contre le SIDA, que, en Afrique plus particulièrement, 800 000 personnes souffrent de la faim et que des milliers d’enfants exécutent un travail harassant ?
L’Afrique sera le premier continent touché. Le directeur de l’Agence française de développement le dit lui-même : « Nous devrons nous accommoder d’une coupe radicale. » Ce constat est d’autant plus alarmant que les faibles moyens consacrés à l’aide française sont de moins en moins utilisés pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, au profit de dossiers tels que la lutte contre l’immigration et la promotion des entreprises françaises. Il n’est pas loin de penser que les ONG sous-traitent la vision humanitaire de l’aide au développement alors que telle n’est pas leur mission.
Le Président Sarkozy avait pourtant promis, à Doha, que l’Afrique serait une priorité. Mais vous avez choisi : aider les pays émergents sous forme d’aides publiques, de prêts ou de dons accompagnés de l’aide d’entreprises françaises et écraser l’Afrique sous forme de prêts, qui ne seront jamais remboursés ! C’est bien pratique lorsque l’on souhaite gonfler les chiffres.
Dans le neuvième Fonds européen de développement, l’Union européenne n’a consacré que 4,5 % à l’agriculture des pays de la zone Afrique, Caraïbes, Pacifique. L’échec est aujourd’hui dramatique. L’abaissement des droits de douane et l’ouverture des marchés, prévus dans ces accords, n’ont pas enrichi l’Afrique, ainsi que nous l’avions fortement dénoncé à cette tribune.
L’agriculture constitue un enjeu majeur pour les décennies à venir. Jacques Diouf, directeur général de l’agence de l’ONU pour le secteur alimentaire, ne cesse de répéter qu’il faut produire là où les gens en ont besoin.
La France et l’Europe doivent réorienter leurs aides pour l’agriculture. Les engagements pris lors du sommet du G8 à cet effet sont appréciables, mais les efforts financiers doivent être plus soutenus et les engagements tenus.
Quant aux crédits consacrés à la lutte contre les changements climatiques - deuxième sujet d’inquiétude des Français -, ils sont loin des 100 milliards de dollars annuels nécessaires pour enrayer la dégradation de la situation à l’échelle planétaire, selon le secrétaire général de l’ONU, que les membres de la commission des affaires étrangères ont rencontré il y a un mois, alors même que, comme je l’ai dit en commission, 1 500 milliards de dollars sont consacrés chaque année dans le monde aux dépenses militaires.
Enfin, je terminerai mon propos en vous disant ma stupéfaction de voir la France participer à cette lamentable assimilation entre immigration et codéveloppement. La CIMADE a fait part à de nombreuses reprises de son inquiétude et de son indignation et a alerté à propos de l’évolution de la coopération française, qui est soumise à une obligation de résultat en matière de régulation des flux migratoires. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez jamais voulu l’affirmer, mais cette condition figure bien dans l’une des conclusions du comité interministériel.
Comme je l’ai dit dans mon intervention dans le cadre de la mission « Action extérieure de l’État », les discours sont en tel décalage avec la réalité des moyens consacrés que cela en est souvent déconcertant. Pis, ils décrédibilisent la France aux yeux du monde entier, surtout vis-à-vis de ses partenaires, et plus particulièrement de nos amis africains.
Pour toutes ces raisons, il est évident que mes collègues du groupe CRC-SPG et moi-même ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’aide publique au développement est un élément central des relations internationales. Notre histoire en a fait une composante essentielle de notre diplomatie. Cependant, il nous faut aujourd’hui prendre en compte l’apparition de nouveaux enjeux, tels que les changements climatiques ou la mondialisation.
Depuis plus d’un an, les répercussions de la crise économique et financière mondiale sans précédent se sont fait particulièrement sentir sur les pays pauvres. En effet, en 2008, nous avons pu constater que les flux de capitaux privés vers les pays en développement ont accusé une baisse singulière de plus de 700 milliards de dollars par rapport au niveau record de 2007. Selon les estimations de la Banque mondiale, les apports nets seront probablement négatifs en 2009.
Malgré un contexte budgétaire extrêmement contraignant et la situation douloureuse de nos finances publiques, le montant de l’aide publique au développement pour 2010 devrait se situer entre 8,66 milliards d’euros et 9,36 milliards d’euros, contre 8,46 milliards d’euros en 2009.
Ainsi, le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » connaîtra une augmentation de 16 % par rapport à l’exercice précédent. Les crédits de paiement, avec une hausse de 210 millions d’euros, passeront de 2,08 milliards d’euros en 2009 à 2,29 milliards d’euros en 2010.
Cette aide de la France envers les pays pauvres représente 0,44 % à 0,48 % du revenu national brut. En augmentation constante - nous nous en réjouissons -, ce budget répond à l’engagement du Président de la République, dont l’objectif à terme, nous le savons, est de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut à l’aide au développement.
Les efforts budgétaires consentis envers les pays pauvres sont la preuve que l’aide publique au développement demeure l’une des priorités de notre politique étrangère. Cela permet à la France de confirmer sa quatrième place parmi les plus généreux donateurs de la planète.
De fait, la France est un partenaire traditionnel de l’aide publique au développement avec d’autres grandes puissances dans les enceintes onusiennes et européennes. Mais ne convient-il pas de réévaluer l’importance de sa contribution dans les canaux multilatéraux de l’aide au développement, notamment au sein du Fond européen de développement, le FED ? Le pourcentage de l’apport français devrait en effet être indexé sur notre contribution au budget de l’Union européenne. Sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelle sera notre marge de manœuvre pour les négociations à venir ?
Si notre participation au FED traduit la priorité accordée aux pays de la zone Afrique, Caraïbes, Pacifique, heureusement, la France a également des programmes d’aide bilatérale avec des pays de ces zones. Ces programmes donnent à notre pays une réelle visibilité. À titre personnel, je pense qu’il faut les promouvoir.
Le 5 juin dernier, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, a fixé les grands axes de notre politique d’aide publique au développement. Il a été décidé qu’elle serait plus concentrée géographiquement et sectoriellement. Ainsi, quatorze pays pauvres d’Afrique bénéficieront de programmes d’aide dans des domaines spécifiques, dont l’agriculture ou la sécurité alimentaire.
Alors que les prix des denrées alimentaires de base ne cessent de grimper et que la crise alimentaire mondiale fait éclater des émeutes de la faim, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous faire part de la stratégie adoptée par le CICID en faveur de la sécurité alimentaire ?
Mes chers collègues, chaque année, nous cherchons à maintenir et autant que possible à augmenter le niveau de la contribution française à l’aide au développement, et c’est important. Mais il faut prendre conscience d’une réalité : les acteurs, les vecteurs et les outils de l’aide au développement n’ont cessé d’évoluer.
Nous devons appréhender notre politique d’APD, d’abord en ayant une perspective globale de l’action des opérateurs et bailleurs de fonds multilatéraux ou européens et des acteurs non étatiques que sont les ONG et les collectivités territoriales – c’est le vaste chantier de la coopération décentralisée qu’il nous faut organiser –, puis sous l’angle de l’efficacité, car provisionner des budgets pour des dispositifs d’aide qui n’opéreraient pas comme des leviers de développement effectifs à long terme me paraît indécent.
Les populations des pays bénéficiaires de l’aide au développement vivent trop de souffrances pour que nous permettions le gaspillage. Pour l’éviter, nous devons accompagner notre politique d’APD d’une réelle politique d’évaluation.
C’est pourquoi il est urgent de moderniser nos outils d’aide au développement et d’y associer de nouveaux acteurs, notamment ceux du secteur privé. À ce titre, je me félicite de la présence de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur ; elle est le symbole du rôle que doit jouer en matière de développement le secteur privé et en particulier les acteurs de notre économie : les entreprises.
Il est primordial, comme vous le faites, de mettre en place des partenariats solides, sur lesquels nous pourrons avoir une réelle visibilité. Il s’agit de créer les conditions d’un développement viable, solide – « durable », pourrais-je dire, si ce qualificatif n’avait perdu une partie de son sens – et adapté aux contextes régionaux.
Nos grandes entreprises représentent des leviers considérables pour les tissus économiques des pays en voie de développement. Il est important de créer une véritable synergie entre les acteurs publics traditionnels de l’APD, nos entreprises présentes à l’international et les services de coopération décentralisée.
Les acteurs du secteur privé peuvent faire bénéficier de leur expérience et de leur réseau les industries émergentes des pays les moins avancés. Nous ne devons en aucun cas négliger ces possibilités, il en va de la survie de ces États.
Avant de conclure, madame, monsieur les secrétaires d’État, je souhaiterais aborder un dernier point. L’année prochaine, un certain nombre de pays d’Afrique occidentale et centrale commémoreront les cinquante ans de leur indépendance. Ces États partagent la particularité d’avoir été d’anciennes colonies de la France. Je voudrais attirer votre attention sur la nécessité de préparer soigneusement ces manifestations, qui suscitent une certaine inquiétude chez nos amis africains. Je suis sûr que vous saurez rappeler quelle a été la volonté française d’accompagner ces pays dans leur accession à l’indépendance, en particulier au travers d’une aide bilatérale massive, multiforme, mais surtout éviter que les préparatifs de ce cinquantième anniversaire ne soient pollués par des polémiques relatives à notre passé.
Pour en revenir aux crédits de la mission et des comptes de concours financiers, madame, monsieur les secrétaires d’État, je suis heureux de vous confirmer le soutien du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions. –M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le montant de l’APD stagnera en 2010 à hauteur de 0,44 % du revenu national brut, alors même que la France s’était engagée avec ses partenaires européens à le porter à 0,51 % en 2010, pour atteindre 0,7 % en 2015. M. Chirac, lorsqu’il était président de la République, avait fixé cet objectif à 2012, mais M. Sarkozy l’a déjà repoussé à 2015… Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, n’a pas pris le bon chemin ; il sera impossible, à ce rythme, de respecter l’objectif en 2015 ; il faudra donc revoir la date : 2020 peut-être ?
S’il ne faut pas minorer l’importance de l’aide publique au développement de la France, nous ne devons cependant pas cacher les difficultés que nous rencontrons actuellement à tenir nos engagements. Ces difficultés sont d’ailleurs partagées par d’autres pays. En Europe, nos partenaires ne sont pas non plus tous à la hauteur de leurs promesses ou de leurs engagements. Pour les pays européens, la tentation est grande de casser le thermomètre, afin de pallier l’insuffisance de l’aide par rapport aux objectifs affichés.
La montée en puissance du concept d’approche globale de l’aide nous inspire une certaine inquiétude : ce concept ne cacherait-il pas un renoncement aux engagements internationaux d’aide publique au développement ? Certes, la France n’est pas à l’origine de ce concept, mais elle semble prête à le soutenir. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous donner des explications. Quelles seraient les conséquences de l’application d’un tel concept ?
Plusieurs intervenants de l’aide au développement s’interrogent sur l’évolution qui consiste à privilégier, au détriment des dons, les prêts à des pays à revenu intermédiaire et émergents, accompagnant un soutien aux entreprises françaises. Est-ce vraiment une politique d’aide, de coopération, de partenariat, ou ne sommes-nous pas plutôt dans une action digne du commerce extérieur ?
Une nouvelle orientation semble à l’œuvre puisque le Président de la République s’est engagé à consacrer à l’Afrique la moitié de l’aide publique bilatérale ; mais que cela signifie-t-il exactement : quels seront les pays bénéficiaires, et de quel type d’aide bilatérale s’agit-il ? Tout cela mérite des explications.
Malgré cette réorientation, nous regrettons la faiblesse des crédits d’aide-projet, c’est-à-dire des subventions. Comment, sinon, apporter une aide réelle, un encouragement effectif au développement des pays les plus pauvres dans des secteurs non rentables comme l’éducation, les transports ou la santé ?
Cela m’amène à vous interroger sur la stratégie de l’Agence française de développement, l’AFD. Plusieurs observateurs et acteurs de l’aide au développement ont le sentiment que l’AFD a essentiellement un rôle de banquier et privilégie son activité de prêts au détriment de sa fonction de principal opérateur de l’aide au développement. Je voudrais que vous nous éclairiez sur les missions et les objectifs que vous accordez à l’Agence, en particulier dans le domaine de l’aide bilatérale. Bref, est-il souhaitable que l’Agence soit de plus en plus bancaire, et de plus en plus orientée vers les pays émergents ?
Quelle est la capacité de l’AFD à être pleinement efficace en Afrique subsaharienne ? Des efforts ont été réalisés en ce qui concerne la « sincérité » de l’aide. Souvent critiquée pour sa complexité sinon son obscurité, l’aide publique de la France, pourtant importante, gagnerait encore à ne pas utiliser de méthodes comptables peu orthodoxes, qui conduisent à majorer les chiffres et à masquer les déficiences.
Comme je l’ai signalé dans mon rapport pour avis, il y a un meilleur équilibre à trouver entre les aides bilatérales et les aides multilatérales. Le projet du Gouvernement de stabiliser la proportion entre ces deux types d’aide va dans le bon sens. Aussi, j’insiste sur la nécessité de développer l’évaluation et le pilotage des contributions françaises aux organismes multilatéraux. Il me semble important de soutenir la volonté de notre commission d’expertiser et de contrôler l’action de la France dans les fonds multilatéraux.
Il ne faut pas perdre notre capacité à agir de façon bilatérale. Il convient de prendre conscience des limites d’une politique trop centrée sur l’aide multilatérale. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous seriez plutôt favorable à une telle réorientation ; mais comment faire dès lors que la politique menée depuis plusieurs années a consisté à réduire ou à éliminer les services de coopération et d’action culturelle, les SCAC ? Quel sera sur le terrain le dispositif susceptible d’accompagner l’aide bilatérale ?
Permettez-moi, pour conclure mon intervention, de dire quelques mots du sommet de Copenhague, dont dépend notre futur à tous : pays du nord, du sud, de l’est et de l’ouest de la planète. Le sommet de l’ONU sur le climat s’ouvrira dans moins d’une semaine et, avec lui, l’espoir d’un accord historique pour l’avenir de notre terre et de sa population.
Ce sommet doit aboutir à des décisions précises, lisibles, contraignantes et vérifiables : les pays riches, qui portent une responsabilité majeure dans la dette écologique mondiale que nous accumulons depuis plusieurs décennies, doivent se fixer des objectifs ambitieux de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, afin d’atteindre collectivement, en 2030, une baisse de 40 % par rapport à 1990. J’espère que tous les pays seront à la hauteur de ce rendez-vous historique.
Je souhaite souligner que ce sommet doit être l’occasion pour la communauté internationale de manifester de la manière la plus nette sa solidarité à l’égard des pays les plus pauvres. Le soutien financier qui sera arrêté à Copenhague pour aider les pays les plus pauvres à lutter contre les effets du réchauffement climatique tout en se développant sera de ce point de vue essentiel.
J’espère que les pays participants sauront aussi faire preuve de créativité au moment d’énoncer les voies pour trouver les financements appropriés. Ce n’est donc pas le moment de fléchir et de sacrifier l’aide au développement. Il faudra ensuite recadrer notre effort en fonction des engagements issus du sommet de Copenhague.
Ainsi, je considère que la politique d’aide au développement doit être un axe majeur de la politique étrangère de la France. Le Gouvernement établit un lien politique entre « coopération » et « immigration » ; je ne partage pas sa vision. Si le codéveloppement est le parent pauvre de l’identité nationale et de la politique d’immigration, nous augurons mal de son avenir.
Monsieur le secrétaire d’État, une révision générale des politiques publiques implacable, des caisses vides, une dette colossale, voilà les écueils qui jalonnent votre parcours ! Cela ne doit pas toujours être facile (M. le secrétaire d’État sourit.)… S’il le faut, nous serons prêts à vous soutenir pour faire plus et mieux dans le domaine de l’aide au développement.
Votre budget connaît quelques améliorations et des correctifs importants ont été incorporés, mais nous sommes encore loin du compte et la sincérité globale du projet de loi de finances pour 2010 n’est pas évidente. C’est pourquoi le groupe socialiste ne pourra pas voter les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)