M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Avant que ne s’égrènent nos interventions réduites à cinq minutes, je voudrais attirer l’attention de nos collègues sur l’importance de ce débat relatif aux effectifs de la fonction publique.
Or, cette année, on a taillé dans notre temps de parole aussi vigoureusement que dans les effectifs de la fonction publique ! Il est indécent de ne donner que cinq minutes à chaque groupe pour qu’il s’exprime sur cet important sujet ! Nous disposions de dix minutes l’an dernier. Si c’est la règle du « un sur deux » qui doit prévaloir, nous n’aurons donc plus, l’année prochaine, que deux minutes trente secondes…
Monsieur le ministre, est-ce là une nouvelle manifestation de votre parodie de revalorisation du Parlement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ces dispositions ont été arrêtées par la conférence des présidents, il y a trois semaines précisément.
M. Guy Fischer. Nous n’étions pas d’accord !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons été obligés de prévoir une durée considérable pour la discussion de la première partie dans la mesure où nous voulions dégager du temps pour discuter sereinement de la réforme de la taxe professionnelle.
Dans ces conditions et pour pouvoir voter l’article d’équilibre ce soir, nous sommes convenus de limiter à une heure le temps de parole prévu pour chacun des deux débats portant l’un sur les effectifs de la fonction publique d’État et l’autre sur l’endettement.
M. Guy Fischer. C’est la camisole de force !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il serait d’ailleurs souhaitable, madame la présidente, que ces deux débats aient lieu avant la suspension de séance. Cela permettrait à la commission des finances de se réunir pendant cette suspension pour examiner les amendements que nous soumettra certainement M. le ministre, dans le cadre d’une seconde délibération.
débat sur les effectifs de la fonction publique (suite)
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat m’offre l’opportunité d’exprimer l’avis de la commission des lois et bien sûr certaines de mes préoccupations.
Comme le rapporteur général vient de nous le rappeler, la réduction des effectifs de la fonction publique s’est accélérée en 2008.
Au total, 30 627 équivalents temps plein travaillé ont été supprimés en 2008 alors que 28 000 fonctionnaires partis à la retraite l’année précédente n’ont pas été remplacés.
La même tendance est observée pour 2010 : le plafond des autorisations d’emplois est fixé à 2 007 745 équivalents temps plein travaillé et le taux de non-remplacement est porté de 45 % en 2009 à 50 %, avec près de 34 000 suppressions de postes pour 68 000 départs à la retraite.
Seul le ministère de la justice voit le nombre de ses fonctionnaires augmenter de 400 équivalents temps plein travaillé.
En conséquence, sur la période 2007-2010, les effectifs de l’État seront réduits de 100 000 postes au total.
Corrélativement, l’État employeur recrute moins, naturellement : entre 2002 et 2006, le nombre de recrutements externes a diminué de près de 42 % pour se stabiliser en 2007 à 39 867, selon les dernières données publiées, soit une augmentation de 695 entrants par rapport à l’année précédente.
Jusqu’en 2002, l’État recrutait chaque année à un niveau supérieur à celui des départs en retraite. En revanche, depuis 2004, le mouvement s’est naturellement inversé.
Ce schéma d’emplois respecte les termes de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 : celle-ci a prévu un effort amplifié en 2010 et 2011 grâce aux gains de productivité supposés, dégagés par les restructurations intervenant dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Je signale, sans en tirer pour l’instant de conclusion, faute de données sur une durée suffisante, qu’en 2007 le nombre de candidats aux recrutements organisés par l’État a été plus faible qu’en 2006 : la sélectivité est passée de un admis pour douze candidats, aux concours externes, contre un pour treize l’année précédente.
Cette moins forte attractivité de la fonction publique d’État est-elle liée à la politique gouvernementale d’allègement des effectifs ? Il est impossible de l’affirmer pour l’instant.
En tout état de cause, le nombre de candidats inscrits à un concours n’est pas un critère absolu. D’autres données interviennent dans le choix des candidats, notamment la précarisation de l’emploi privé, les difficultés économiques ou l’attractivité du secteur public.
L’important réside plutôt dans le mode de sélection des candidats afin de recruter le profil le plus adéquat au poste vacant : c’est un facteur d’efficience de l’action des administrations, d’épanouissement et de motivation des fonctionnaires. On ne peut qu’être d’accord avec ce principe.
Le chantier de modernisation des concours conduit par le Gouvernement m’apparaît à cet égard salutaire. Il revient à l’État employeur de déterminer en termes d’emplois à pourvoir les profils qu’il souhaite recruter et non de se borner à sélectionner des candidats sur des épreuves insuffisamment adaptées aux postes.
La simplification, la professionnalisation des concours ainsi que la prise en compte de l’expérience professionnelle pour les recrutements internes méritent d’être approuvées.
La décrue programmée des effectifs peut se comprendre en raison des facteurs évoqués par le rapporteur général, comme l’évolution du travail de l’administration, la RGPP et l’utilisation des nouvelles technologies. Mais, dans certains domaines, elle est moins bien comprise, en particulier sur le terrain, en ce qui concerne les missions régaliennes de l’État, comme l’éducation et la sécurité.
Je rappelle à l’État qu’il n’est pas encore parvenu au terme de la RGPP et que la décentralisation initiée en 1982 a conduit au transfert aux collectivités territoriales de compétences jusque-là assumées par le niveau central.
Parallèlement, les services correspondants aux secteurs transférés n’ont pas toujours été supprimés : l’État jacobin a sans doute du mal à repenser son organisation à l’aune de la République décentralisée, soit qu’il ait conservé quelques compétences dans le secteur transféré, soit que les administrations déconcentrées, auparavant compétentes, aient conservé tout ou partie de leurs effectifs.
Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Je n’ai pas terminé, madame la présidente.
Paradoxalement, nombre de collectivités dans les territoires ruraux s’estiment lâchées par l’État.
Mme Nathalie Goulet. Les territoires ruraux sont complètement abandonnés !
M. Michel Charasse. C’est parce que les fonctionnaires ne veulent pas aller en province !
Mme la présidente. Votre temps de parole est épuisé, madame Gourault.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Je n’en ai pas pour longtemps, madame la présidente.
Ce sentiment résulte de l’accumulation de la suppression progressive de l’ingénierie concurrentielle, de la réforme du réseau des sous-préfectures, des diverses cartes judiciaire, militaire, hospitalière ainsi que du maillage des services publics en milieu rural.
Mme Nathalie Goulet. Et la carte scolaire ?
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Je l’ai dit tout à l’heure.
Ces changements conduisent les collectivités locales à suppléer le désengagement de l’État dans le soutien et le conseil aux petites communes. Ces missions impliquent le recrutement de fonctionnaires territoriaux. Les transferts opérés par l’État expliquent ainsi l’augmentation des effectifs. Je vous l’accorde, monsieur le ministre, les collectivités territoriales ne sont certainement pas toutes vertueuses, mais l’État ne l’est pas toujours non plus.
Monsieur le ministre, je voudrais de nouveau attirer votre attention sur le fait que l’objectif politique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne doit pas constituer un simple ajustement comptable qui serait appliqué forfaitairement. Il me semble, au contraire, nécessaire d’analyser au préalable chaque administration concernée.
À cet égard, je vous l’ai déjà dit en commission, la restructuration des services du trésor et des impôts a été assez exemplaire. C’est un modèle à reproduire dans d’autres secteurs.
Pourriez-vous me préciser les prochaines mesures « RGPPistes », si je puis dire, et les gains attendus ? En tout état de cause, je vous sais gré de penser que les collectivités territoriales font tout ce qu’elles peuvent pour travailler en ce sens aux côtés de l’État ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et du RDSE.)
Mme la présidente. J’indique au Sénat que, pour ce débat, la conférence des présidents a fixé le temps de parole à cinq minutes pour chaque groupe et à trois minutes pour la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est au maximum de quinze minutes.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me dois de vous avertir que je m’en tiendrai à ce minutage exact.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en abordant aujourd’hui le débat sur les effectifs de la fonction publique, je voudrais écarter la vieille et éternelle querelle entre ceux qui pensent qu’il faut de moins en moins d’État et ceux qui en réclament au contraire davantage, entre ceux qui affirment systématiquement qu’il y a trop de fonctionnaires et ceux qui, de façon tout aussi systématique, estiment qu’il n’y en a jamais assez.
Je veux me placer cet après-midi dans le cadre d’une application rationnelle et raisonnable de la révision générale des politiques publiques, dont personne ne saurait nier le bien-fondé : à l’heure des grandes mutations géopolitiques, économiques, sociétales, il revenait assurément à l’État de trouver les voies d’une réorganisation de son fonctionnement.
Il en a arrêté les principes et il s’attache, aujourd’hui, à les mettre en œuvre.
Si la fonction publique correspond à un ensemble de structures, d’administrations réparties à différents niveaux pour divers domaines, elle ne vaut que par les personnels qui la composent – fonctionnaires et contractuels –, et je tiens à saluer, une nouvelle fois, la qualité, la compétence et le dévouement au service public de la très grande majorité d’entre eux.
Mme Nathalie Goulet. Nous nous associons à cet hommage !
Mme Anne-Marie Escoffier. Il est, dès lors, exclu d’aborder la question des effectifs de la fonction publique uniquement en termes quantitatifs. Derrière les sigles « ETP » et « ETPT », derrière les notions de performance, de management et d’efficience, se trouvent des hommes et des femmes dont la dignité doit être respectée.
Mme Anne-Marie Escoffier. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, l’affirmation, moult fois reprise, selon laquelle seul un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sera remplacé, est une formule tout à la fois brutale, symptomatique d’une méconnaissance de la diversité des administrations dans leur fonctionnement et leurs contraintes, et provocatrice, véhiculant une image négative du fonctionnaire.
Loin de moi l’idée de nier la nécessité absolue de mettre en concordance les charges réelles des services avec la disponibilité des agents, de refuser les gains d’efficacité permis par l’évolution des techniques informatiques, de méconnaître les avantages des gestions intégrées.
Monsieur le ministre, je veux voir dans le budget que vous proposez la prise en compte réfléchie des stratégies menées, au niveau global et dans chaque administration en particulier, en termes de gestion des ressources humaines. Je pense aux dispositions de la loi du 3 août dernier relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, à la réorganisation réussie de votre propre administration, avec la création de la direction générale des finances publiques, à la mutualisation des fonctions supports, conséquence opportune de la mise en œuvre de la LOLF.
Malgré tout, de l’autre côté du miroir, se cachent tous ces transferts de compétences chichement compensés auprès des collectivités locales,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. … ces créations d’emplois trop mesurées pour répondre aux engagements pris, notamment à l’égard de l’administration pénitentiaire, ces réductions d’effectifs dans des administrations telles que l’éducation nationale où le critère qualitatif l’emporte sur le critère quantitatif.
Dans ce contexte, je partage tant avec les élus qu’avec les personnels de la fonction publique eux-mêmes la crainte de voir cette détermination avancer à marche forcée vers une régulation budgétaire « technocratique », sourde aux inquiétudes des personnels.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple des graves dysfonctionnements constatés dans les services des cartes grises des préfectures, qui sont aujourd’hui embouteillés par un retard de fabrication des titres. Au-delà du mécontentement du public, il convient de noter le stress des agents qui se trouvent dans l’incapacité de répondre dans des délais normaux à la mission qui leur est impartie.
Sans être alarmiste, j’entends l’inquiétude des personnels face aux réorganisations qui leur sont proposées, quand elles ne leur sont pas imposées.
Certes, la fonction publique n’est pas confrontée aux mêmes drames que ceux qui ont récemment frappé les agents de France télécom, mais il convient d’être vigilants, de tout mettre en œuvre pour accompagner les grandes vagues de réforme, de ne négliger aucun moyen pour maintenir, voire rétablir, le contact entre l’administration et ses personnels.
Chacun sait ici que la gestion des ressources humaines ne peut pas se réduire à instiller, distinctement, une dose de gestion des carrières, une dose de formation et une dose d’action sociale : elle doit au contraire se caractériser par un mélange homogène et harmonieux de ces trois « denrées ».
Comment alors, monsieur le ministre, ne pas attirer votre attention sur cette « décrue » des effectifs ? Elle accompagne une perte de savoir-faire et de mémoire que ne pourra conjurer le recrutement inéluctable de fonctionnaires à court ou moyen terme pour retrouver un équilibre démographique en rapport avec les missions de l’État.
Notre vigilance, vous l’aurez compris, sera alors le garant de l’excellence des services publics ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit la suppression de 33 754 équivalents temps plein travaillé dans la fonction publique, pour un total de 68 500 départs à la retraite.
Cette diminution des effectifs, qui s’inscrit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, devrait permettre de réaliser une économie de 956 millions d’euros l’année prochaine.
Le groupe UMP se félicite de ce que le Gouvernement applique scrupuleusement l’engagement du Président de la République de ne pas remplacer le départ à la retraite d’un fonctionnaire sur deux. Permettez-moi à ce sujet d’ouvrir une petite parenthèse : d’après une enquête que je viens de diligenter auprès des SDIS, les services départementaux d’incendie et de secours, ceux-ci, quelle que soit l’option politique du Président, ne devraient remplacer aucun départ, sauf exception liée à une spécialité professionnelle.
Rappelons que la France figure parmi les pays de l’OCDE où le rapport entre le nombre d’agents publics et la population est le plus élevé : il est, de mémoire, d’environ 24 %, contre 17 % pour l’ensemble de l’OCDE, et il atteint même plus de 40 % dans les DOM !
Cette démarche de diminution des effectifs de la fonction publique a été engagée depuis plusieurs années.
Le nombre de postes non remplacés entre 2007 et 2010 sera supérieur à 100 000, s’élevant à 30 600 en 2009 et à 23 000 en 2008. En 2010, 1 294 emplois seront supprimés au ministère de l’écologie, 3 000 au budget, 3 400 à l’intérieur et 16 000 à l’éducation nationale, qui compte 1,2 million d’agents, dont 800 000 enseignants.
Mme Nathalie Goulet. Où sont-ils ? Pas chez nous !
M. Éric Doligé. Cette diminution des effectifs du ministère de l’éducation nationale entraînera, en 2010, une économie nette, si l’on tient compte de l’extension en année pleine des mesures entrées en vigueur à la rentrée 2009, de 588 millions d’euros.
Un tel effort de rationalisation ne saurait souffrir de la critique selon laquelle il se réaliserait au détriment de la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves. Le ratio actuel entre le nombre d’enseignants et la population scolaire devrait aboutir à des classes comptant au maximum 17 ou 18 élèves, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
La diminution de la qualité est liée aujourd’hui non pas à la baisse globale des effectifs, mais bien plutôt à un manque de rationalisation. Il s’agit par conséquent de mieux cibler les besoins. Les effectifs d’enseignants doivent être réajustés en fonction de ceux-ci.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Éric Doligé. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit ainsi des créations d’emplois dans le premier degré, là où l’évolution démographique le nécessite. Des augmentations d’effectifs sont également programmées dans les établissements situés dans des zones particulièrement défavorisées, ainsi que dans l’enseignement privé du premier et du second degré, en application du principe de parité.
Le groupe UMP se félicite de ce choix judicieux, qui démontre que le Gouvernement ne saurait procéder à des coupes claires là où existent de réels besoins.
L’enseignement supérieur et la justice seront également préservés de toute diminution d’effectifs en 2010 et 2011.
Notre groupe est bien conscient que l’effort consenti par l’État dans un contexte de crise et de creusement des déficits doit être partagé par tous, y compris par nos collectivités.
Chaque année, le nombre de fonctionnaires de l’État diminue de plus de 30 000, quand celui des fonctionnaires territoriaux augmente de 36 000. Cette hausse s’explique en majeure partie par le transfert de nouvelles compétences et l’extension des compétences existantes, mais elle résulte également de la prolifération des normes.
Nos collectivités doivent elles aussi participer à l’effort collectif, qui constitue l’un des piliers de notre politique de réduction du déficit. Il faut analyser non pas seulement l’évolution des effectifs, mais également les coûts. Or, chacun le sait, les collectivités sont peu consultées dès lors qu’il s’agit des salaires de la fonction publique.
Mme Nathalie Goulet. Certes.
M. Éric Doligé. Dans la mesure où l’augmentation des impôts n’est pas envisageable, seule la maîtrise ou la diminution des dépenses publiques permettra de combler progressivement le déficit.
Je rappelle en effet que le coût total pour l’État d’un fonctionnaire – traitement, pension et éléments annexes – est estimé à un million d’euros. Sur chaque million d’euros ainsi économisé, la moitié est reversée aux agents en poste, sous la forme notamment d’augmentation de salaires ou de mesures catégorielles, l’autre, près de 500 000 euros tout de même, étant affectée à la réduction de l’endettement de notre pays.
En conséquence, ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux pendant toute la durée d’une législature équivaut à réduire la dette de près de 75 milliards d’euros.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP soutient donc pleinement cette politique de rationalisation et de réduction des effectifs, qui doit également s’accompagner d’une réflexion sur les actions à mettre en œuvre pour favoriser la mobilité et les passerelles vers le secteur privé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, 5,2 millions de personnes, soit près du quart de la population active, occupent un emploi de service public, la plupart sous un statut dont les règles échappent pour une large part à celles du marché. Il s’agit d’une réelle spécificité, dans un monde dominé par le libéralisme économique ; c’est ce qui explique d’ailleurs que les gouvernements successifs se soient ingéniés au cours des dernières années à réduire ce qu’ils considèrent comme une anomalie.
Entamée en 2003, la baisse continue du nombre de fonctionnaires n’a cessé de s’accélérer. Ainsi, en 2009, ce sont plus de 30 000 emplois équivalents temps plein qui ont été supprimés. Ce rythme est d’ailleurs reconduit en 2010, puisque 34 000 destructions de poste sont prévues ; une fois encore, c’est l’éducation nationale qui en sera la grande victime, avec 16 000 suppressions.
Outre l’idéologie antisociale et réactionnaire qu’elle supporte, cette frénésie destructrice est en totale inadéquation avec notre époque, marquée par la dépression économique. La crise a pourtant révélé avec force le rôle d’« amortisseur social » d’un service public étendu dans notre pays, du point de vue non seulement du pouvoir d’achat, de l’emploi, de notre système de protection sociale et de retraite, mais aussi de l’éthique, face à l’immoralité, ou plutôt l’amoralité, spectaculairement affichée par le système financier dans le monde et en France.
Le Gouvernement ne semble pas avoir pris conscience de cette réalité. Dans les faits, l’offensive contre le service public et spécialement contre la fonction publique, engagée par la loi du 2 février 2007 dite de modernisation de la fonction publique et celle sur la mobilité du 3 août dernier, continue, mais elle revêt désormais des formes ponctuelles et sectorielles.
Ainsi, la récente réforme de l’ENA a mis en œuvre une nouvelle procédure d’affectation « reposant sur un processus privilégiant le dialogue de recrutement entre les élèves et leurs futurs employeurs », autrement dit reposant plus sur l’entregent et le capital social que sur la qualité intrinsèque des candidats. En cela, elle peut être considérée comme une première expérience de remise en cause par le haut des concours, qui sera probablement généralisée au fil du temps à l’ensemble de la fonction publique.
En effet, au-delà des baisses d’effectifs, la fonction publique est de plus en plus soumise à l’intrusion managériale dans son fonctionnement : la course à la rentabilité, l’externalisation de certaines tâches, l’individualisation des rapports, les systèmes de primes et la mise en concurrence des agents sont autant de techniques pour atomiser la fonction publique et lui faire perdre à la fois son sens et son efficacité. C’est ce type de réformes structurelles qui a conduit le nouveau Pôle emploi dans l’impasse que l’on connaît.
Le développement d’un système de primes ou la garantie individuelle du pouvoir d’achat se réduisent à une addition de mesures hétéroclites qui ne concernent qu’une partie des agents et ne sauraient répondre aux insuffisances et aux inégalités salariales qui se sont développées dans la fonction publique.
L’augmentation des salaires de 0,5 % paraît en effet bien misérable au regard des besoins réels : elle est même inférieure à la hausse des prix envisagée en 2010.
Finalement, la politique du Gouvernement se caractérise par une unique visée, guidée par l’ouverture au marché et la réduction à court terme de la dépense publique. Preuve en est l’absence de plus en plus flagrante de réelles négociations avec les organismes représentatifs des fonctionnaires.
Il s’agit là d’une terrible erreur de calcul : alors que le marché rejette 60 000 chômeurs de plus par mois, le Gouvernement, en supprimant des dizaines de milliers de postes, se prive d’une marge de manœuvre importante qui permettrait de réaffecter la dépense publique à des activités bien plus rentables socialement et économiquement.
En fait, la question qui se pose aujourd’hui, monsieur le ministre, je l’exprimerai en ces termes : quel service public, quels besoins à satisfaire ? C’est ce débat-là qu’il faudrait peut-être ouvrir.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Réunis en Congrès le 22 juin dernier, nous avons tous entendu le Président de la République vanter les mérites du modèle social français, qui « fonde sa compétitivité […] sur la recherche d’une productivité globale par la qualité de son éducation, de sa santé, de sa recherche, de ses services publics, de sa protection sociale ».
De ce discours présidentiel, une fois n’est pas coutume, je ne retirerai aucun mot !
C’est pourquoi je m’étonne qu’il ne soit pas suivi d’effets et qu’il soit même totalement contredit par le projet de loi de finances pour 2010, qui poursuit la baisse des effectifs dans la fonction publique.
Après 28 000 postes supprimés en 2008 et 30 600 en 2009, ce sont 33 749 postes qui sont appelés à disparaître en 2010.
Le Gouvernement s’applique même ce qu’il impose à ses agents en ne remplaçant pas un ministre sur deux ! Le secrétariat d’État à la fonction publique est ainsi passé par profits et pertes lors du dernier remaniement. (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous vous faites un titre de gloire d’avoir « réduit les effectifs de 100 000 postes entre 2007 et 2010 » et, à l’Assemblée nationale, il y a quelques jours, vous vous laissiez même aller à un certain lyrisme : « Jamais un Gouvernement n’avait appliqué une telle politique de réduction, jamais un Gouvernement ne l’avait aussi pleinement assumée. »
Il n’y a pourtant pas de quoi pavoiser ! Ainsi, alors qu’à Versailles Nicolas Sarkozy citait l’éducation comme premier fondement, l’éducation nationale paie, une fois de plus, le plus lourd tribut, avec 16 000 suppressions de postes pour la rentrée 2010.
Quand comptez-vous arrêter cette purge sans commune mesure avec la réalité démographique qui crée, au contraire, des besoins à la hausse ?
Monsieur le ministre, vous dites assumer les 100 000 emplois supprimés. Sans doute assumez-vous également la dégradation inhérente des conditions de travail, qui ne peut que nuire à la qualité du service rendu, surtout quand les disparitions de postes touchent des ministères aussi importants que l’intérieur – moins 3 450 – ou l’écologie – moins1 294 ! La sécurité n’est-elle plus une priorité ? Le Grenelle de l’environnement n’est-il qu’une formule creuse ?
Vous taillez dans les effectifs sans aucun débat public sur les missions de l’État parce que les fonctionnaires vous tiennent lieu de variable d’ajustement, pour une économie que vous chiffrez à 3 milliards d’euros ! Il se trouve que c’est, à peu de choses près, le montant du cadeau de TVA fait aux restaurateurs, un cadeau absurde comme l’a bien compris notre commission des finances, contrairement à Nicolas Sarkozy. La suppression de 100 000 postes de fonctionnaires, cela signifie 3 milliards d’euros d’économie ; la création hypothétique de 6 000 emplois dans la restauration a d’ores et déjà coûté 3 milliards d’euros en pertes de recettes.
Le différentiel, c’est 94 000 chômeurs ! Quel immense gâchis !
Quant à votre politique salariale, elle reste essentiellement assise sur des mesures particulières.
L’extension de la GIPA, la garantie individuelle de pouvoir d’achat, présentée comme une panacée, ne fait que mesurer ce qui a été perdu par une revalorisation du point d’indice, qui reste bien trop faible, toujours en deçà de l’inflation estimée.
Les primes au mérite, elles, sont contestables en ce qu’elles créent de la mise en concurrence, des tensions, du stress. On en a vu les effets dans le management privé !
Autre source d’inquiétude, la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a encore banalisé le recrutement par contrat, qui concerne déjà près de 17 % des agents de la fonction publique de l’État.
Sous prétexte louable de mobilité, cette loi accompagne les suppressions de postes dictées par la révision générale des politiques publiques, RGPP, qui mériterait de s’appeler réduction générale des politiques publiques !
Monsieur le ministre, vous prônez « le besoin de souplesse », mais, pour les personnels, c’est trop souvent synonyme de précarité. Le Médiateur de la République s’en préoccupe à propos des enseignants vacataires dans son rapport annuel de 2008. Il y fait des recommandations qui, malheureusement, semblent ne pas avoir été suivies. Il ne faudrait pas que, souplesse oblige, la précarité ne devienne la règle.
Enfin, je suis très choqué de ce mauvais procès fait à la fonction publique territoriale de trop embaucher. Après ceux qui ont été tenus par le Premier ministre se multiplient des propos contraires à la libre administration des collectivités territoriales et qui semblent oublier que, depuis 2004, l’État a transféré, selon la Cour des comptes, de l’ordre de 128 000 emplois ! Excusez du peu ! C’est ainsi que, pour le département de la Seine-Saint-Denis, la dette de l’État aux maisons départementales des personnes handicapées atteint 1,8 million d’euros, ce qui est considérable.
Il faudra également prendre en charge la délivrance du passeport biométrique, bientôt celle des cartes grises – signalons au passage que de graves dysfonctionnements existent actuellement dans le système d’immatriculation des véhicules.
Il est choquant de délester ainsi les préfectures de département et les sous-préfectures des tâches qu’elles assumaient afin de les fermer et d’en charger les communes sans leur octroyer les moyens nécessaires... puis d’accuser les collectivités de pallier les défaillances !
Pour conclure, je constate avec inquiétude que, l’une après l’autre, vos politiques concernant la fonction publique dessinent une autre vision de la société française, où des pans entiers de l’action publique sont abandonnés ou privatisés.
Pour ma part, je ne peux pas cautionner une telle dérive, qui fait de la fonction publique le parent pauvre de l’État, alors qu’elle fait partie intégrante de notre identité nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)