compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Lutte contre le dopage
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs (nos 284 [2004-2005], 12).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter vise à améliorer l'efficacité du dispositif de lutte contre le dopage en clarifiant les responsabilités des acteurs internationaux et nationaux.
Ce texte tient compte, d'une part, de la nécessaire évaluation de la loi du 23 mars 1999, à la lumière de son application effective depuis maintenant plus de cinq ans, d'autre part, des évolutions qui se sont produites sur le plan international, notamment le développement de l'Agence mondiale antidopage, l'AMA, et la reconnaissance du code mondial antidopage par l'ensemble des fédérations internationales ainsi que par les 184 Etats signataires de la déclaration de Copenhague.
Les conséquences à tirer tout à la fois de cette évaluation et de ces évolutions ont été pensées dans le cadre de la concertation que j'avais engagée, voilà plus d'un an et demi, auprès des acteurs nationaux mais aussi internationaux de la lutte contre le dopage. Je suis, en effet, convaincu que ce combat contre le dopage doit être porté au niveau international.
L'Agence mondiale antidopage, créée officiellement le 10 novembre 1999, est composée, à parité, de représentants du mouvement olympique et de représentants des autorités gouvernementales. Cette agence fait l'objet d'un cofinancement des gouvernements depuis le 1er janvier 2002.
Afin d'améliorer l'efficacité et le rôle de l'AMA, en janvier 2003, les Etats membres de l'UNESCO sont, sur proposition de la France, convenus d'accroître leur coopération en la matière en élaborant, pour la première fois de l'histoire, une convention internationale contre le dopage dans le sport. Celle-ci a été adoptée aujourd'hui même en séance plénière, à l'occasion de la 32e conférence générale de l'UNESCO. Aux termes de cette convention, l'AMA et le code mondial antidopage sont désormais les pierres angulaires de la lutte internationale contre le dopage.
Dans ce nouveau contexte, la nécessaire clarification des compétences s'inspire d'un principe clair : le contrôle de la loyauté des compétitions internationales doit relever des instances internationales qui les organisent, afin d'assurer l'équité entre les sportifs de toutes les nationalités, le contrôle de la loyauté des compétitions nationales relevant, quant à lui, des autorités nationales.
Parallèlement, il convient de redéfinir les compétences de ces autorités nationales. La lutte contre le dopage ne se résumant pas à sa dimension disciplinaire, le projet de loi réaffirme le rôle premier de l'Etat dans le domaine de la prévention, de la protection de la santé des sportifs et de la mise en oeuvre des programmes publics de recherche.
La protection de la santé des sportifs, quel que soit leur niveau de pratique, du haut niveau au sport pour tous, est améliorée.
Enfin, le projet de loi confie l'ensemble des procédures disciplinaires, mais aussi de contrôle et d'analyse, à une autorité administrative indépendante par.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous présenter maintenant les principales innovations qu'introduit ce projet de loi.
Les politiques de prévention et de recherche seront, à l'avenir, engagées et coordonnées par l'Etat. Un rôle pilote et renforcé est ainsi confié au ministère en charge des sports : il s'agit bien d'une responsabilité gouvernementale.
La protection de la santé des sportifs sera mieux assurée, notamment par la mise en place d'un suivi plus adapté. A cette fin, le texte prévoit qu'un renouvellement régulier du certificat médical, préalable à la délivrance d'une licence, peut être exigé par une fédération en fonction de l'âge du sportif ou de la discipline.
Pour les sportifs de haut niveau, soumis à l'obligation du suivi longitudinal, le médecin chargé de ce suivi pourra établir un certificat de contre-indication à la pratique compétitive, document qui interdira à un sportif ce type de pratique. Il s'agit d'associer le médecin fédéral à ce suivi longitudinal, afin qu'il puisse tirer les conséquences, sur un plan purement médical et non disciplinaire, de l'apparition d'anomalies à l'occasion de cet examen.
En ce qui concerne les procédures disciplinaires, de contrôle et d'analyse, le projet de loi crée une agence indépendante, aux compétences étendues, l'Agence française de lutte contre le dopage, ou AFLD, appelée à se substituer au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.
Cette agence aura pour champ d'intervention les compétitions sportives nationales et l'entraînement des sportifs français et étrangers sur le territoire national.
Dans ce cadre, l'AFLD exercera quatre compétences principales.
Premièrement, elle diligentera les contrôles antidopage, compétence actuelle du ministère chargé des sports.
Le projet de loi renforce l'efficacité des procédures de contrôles inopinés en prévoyant la communication à l'AFLD, par les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels, des informations sur leur localisation pendant les périodes d'entraînement.
Le projet de loi prévoit aussi la possibilité de contrôles au domicile des sportifs qui l'acceptent, et à des horaires fixés de telle manière que leur vie privée soit respectée.
Développer ce type de contrôles est devenu incontournable pour rendre efficace la lutte contre le dopage.
Deuxièmement, l'agence procédera aux analyses des prélèvements. A cet effet, le Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry est intégré à l'agence.
Troisièmement, s'agissant des sanctions disciplinaires, le projet de loi confirme la compétence des fédérations nationales pour prononcer ces sanctions, mais prévoit que l'AFLD pourra se substituer à elles en cas d'inaction ou pour réformer leur décision. De plus, l'agence a le pouvoir d'étendre une sanction fédérale aux autres fédérations.
Quatrièmement, enfin, pour les compétitions nationales, l'agence délivrera, après avis conforme d'un comité d'experts, les autorisations d'usage thérapeutique, les AUT.
L'organisation interne de l'AFLD garantira l'équité et l'indépendance des procédures de contrôle, d'analyse et de sanction.
Enfin, le projet de loi facilite la collaboration entre l'AFLD, l'AMA et les fédérations internationales. Ainsi, l'AFLD pourra, en coordination et avec l'accord des fédérations internationales, effectuer des contrôles pour leur compte à l'occasion des compétitions internationales se déroulant sur notre sol.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi renforce ainsi l'efficacité de la lutte contre le dopage et permet une harmonisation et une coopération internationales, conditions indispensables de cette efficacité. Par exemple, la transposition en droit interne de la liste des produits et procédés interdits élaborée au niveau international par l'AMA sera accélérée.
Si ce texte ne concerne que les procédures disciplinaires, il va de soi que les sanctions pénales liées à la répression des trafics, aux niveaux tant national qu'international, doivent s'appliquer. Tel est le sens de la mise en place du groupe technique national interministériel de lutte contre les trafics comme de la circulaire que j'ai signée avec le garde des sceaux et qui a été transmise aux parquets. Tel est également le sens d'une collaboration étroite avec Interpol.
La lutte contre le dopage est une condition de la préservation des valeurs éthiques du sport et de la protection de la santé des pratiquants, quel que soit, comme je le rappelais tout à l'heure, le niveau de leur pratique. Nous devons être capables d'anticiper les besoins en matière de détection de produits ou de procédés dopants. C'est la raison pour laquelle l'AFLD conservera en son sein la politique de recherche en matière de procédés de détection.
Mesdames, messsieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui répond à ces exigences. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Jean-Claude Frécon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Dufaut, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais, en préambule, situer dans le temps ce projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs.
C'est la quatrième fois que la France légifère en ce domaine. La première législation sur le dopage remonte au 1er juin 1965, avec la loi Mazeaud-Herzog, qui faisait suite à la tragique disparition, quelques mois auparavant, de Tom Simpson sur les pentes du mont Ventoux. La deuxième loi antidopage fut celle du 28 juin 1989, dite loi Bambuck. Plus près de nous, la loi du 23 mars 1999, présentée par Marie-George Buffet, a créé le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.
Malgré ces trois lois à la fois préventives et répressives, le dopage est devenu, en quelques années, un véritable fléau pour le sport. Notre pays, hélas ! n'y échappe pas.
Bien sûr, ce fléau affecte d'abord le sport professionnel. L'hypermédiatisation de certaines disciplines et les enjeux financiers considérables des grandes compétitions ont modifié l'esprit des rencontres sportives. En particulier, les contraintes imposées par les retransmissions télévisées ont entraîné une accélération du calendrier et imposé aux sportifs des rythmes difficilement soutenables.
On pense, bien sûr, au Tour de France, mais, au niveau professionnel, toutes les disciplines sont touchées. Si le cyclisme fait figure de mouton noir, c'est qu'il est aussi, rappelons-le, la discipline la plus contrôlée : en 2004, près de 16 licenciés sur 1 000 ont fait l'objet d'un contrôle.
Au début du mois, la révélation du contrôle positif de l'Argentin Mariano Puerta, âgé de vingt-sept ans et finaliste de Roland-Garros en 2005, est venue nous rappeler que le tennis n'était pas épargné par ce fléau. A cet égard, la fédération de tennis argentine, dont les meilleurs joueurs de niveau international ont tous été contrôlés positifs, n'est certes pas le bon élève de la classe.
Hier encore, c'est le champion de marathon Benoît Z qui était interpellé à la suite d'un contrôle qui s'est révélé positif.
Je vous rappelle également que, en 2004, sur les dix sports les plus contrôlés, c'est l'haltérophilie qui a enregistré le plus grand nombre de contrôles positifs.
Cependant, le fléau du dopage contamine le sport amateur. C'est un sujet de préoccupation majeur au moment où les Français n'ont jamais fait autant de sport. On dénombrait en effet en 2004, dans notre pays, plus de 15 millions de licenciés.
L'expérimentation menée par le CPLD l'année dernière, lors du marathon de Paris, avec le contrôle des participants qui s'étaient déclarés volontaires, montre que les instances de contrôle se sont enfin saisies du problème du sport de masse.
Le dopage est un fléau non seulement parce qu'il porte atteinte à la santé des sportifs et bafoue l'esprit sportif, mais aussi parce qu'il affecte, à l'évidence, la régularité des compétitions. La santé, la loyauté, l'épanouissement personnel : ce sont l'ensemble de ces valeurs véhiculées par le sport que le dopage vient entacher ou même réduire à néant. C'est la raison pour laquelle la plupart des pays européens ont déclaré, depuis quelques années, la « guerre au dopage ». En outre, de très nombreux pays ont, avec eux, signé la déclaration de Copenhague.
Ainsi, le gouvernement espagnol a annoncé, la semaine dernière, l'adoption d'un avant-projet de loi qui prévoit des sanctions pénales allant jusqu'à des peines de prison pour les personnes qui fourniraient à des sportifs des substances prohibées ou les inciteraient à se doper. Ce texte organise également l'obligation légale, pour les athlètes, de se soumettre à des analyses de sang, dans le cadre de contrôles antidopage, y compris inopinés.
Dans un contexte de réelle mobilisation européenne contre le dopage, nous ne pouvons que nous féliciter de ce que la France soit à la pointe dans ce domaine : avec 9 000 contrôles par an et la découverte de nouvelles méthodes de détection de substances toujours plus sophistiquées - je pense, en l'occurrence, à l'EPO, l'érythropoïétine - par le Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry, la France est le pays qui effectue le plus de contrôles et analyse le plus de substances dans les prélèvements. Ainsi, 8 à 9 millions d'euros y sont consacrés, chaque année, à la lutte contre le dopage.
L'actualité récente prouve pourtant qu'il ne faut pas relâcher la pression sur les fraudeurs non plus que sur les industries chimiques, dont l'inventivité semble ne pas avoir de limites et qui repoussent toujours plus loin les techniques de parade - ce qu'elles appellent les « masques » - aux contrôles les plus élaborés.
C'est dans cet esprit que nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en première lecture le 6 avril dernier.
Comme l'a indiqué M. le ministre, ce texte vise essentiellement deux objectifs. Il s'agit tout d'abord de mettre la législation française en conformité avec le code mondial antidopage de l'AMA, que la France s'est engagée à adopter avant les jeux Olympiques d'hiver qui doivent se dérouler à Turin en février 2006. Il convient ensuite de tirer les leçons des six années d'application de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
Si la principale innovation du texte réside dans la mise en place d'une nouvelle agence indépendante, l'Agence française de lutte contre le dopage, qui se substituera à l'actuel Conseil de prévention et de lutte contre le dopage et intégrera le Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry, je me réjouis, à titre personnel, que le chapitre II du projet de loi soit entièrement consacré à la santé des sportifs.
En effet, lutter contre le dopage, ce n'est pas seulement sanctionner les tricheurs, c'est aussi, et surtout, préserver la santé des sportifs, qu'ils soient professionnels, amateurs, ou même « sportifs du dimanche ». Par conséquent, un meilleur contrôle du renouvellement du certificat médical de non-contre-indication à la pratique sportive, en fonction des risques particuliers de certaines disciplines ou de l'âge du sportif, était une mesure tout à fait nécessaire.
La possibilité nouvelle donnée aux médecins de tirer les conséquences des résultats du suivi médical des sportifs de haut niveau sur leur participation aux compétitions va également dans le bon sens.
Sans sous-estimer ces avancées, je ne vous cacherai pas, monsieur le ministre, que certaines évolutions suscitent néanmoins un certain nombre d'inquiétudes.
En premier lieu, l'alignement de la liste des produits et procédés dopants applicables en France sur celle qui est établie par l'Agence mondiale antidopage aboutit à tolérer certaines pratiques à risque, et notamment à autoriser, pour certaines disciplines ou hors compétition, la prise de substances interdites.
Si l'on peut comprendre que, pour la boule, le taux d'alcool autorisé soit un peu plus élevé que pour d'autres disciplines (Sourires), ...
M. Bernard Saugey. Ah bon ?
M. Alain Dufaut, rapporteur. ... il est en revanche difficilement admissible que la prise de stimulants tels que la cocaïne ou de narcotiques tels que l'héroïne soit autorisée par le code mondial hors compétition ! Comme si le souci de préserver la santé des sportifs n'existait plus hors des compétitions sportives ! Ce n'est pas très sérieux !
Certains de mes collègues de la commission des affaires culturelles s'inquiètent de ce nivellement par le bas et pensent, comme moi, que le fait de s'aligner sur les règles internationales ne doit pas conduire la France à régresser dans ce domaine.
En tant que représentant de l'Europe auprès de l'AMA, vous disposez, monsieur le ministre, d'une position privilégiée pour faire évoluer le droit international vers une plus grande rigueur. Vous vous y êtes engagé devant la commission des affaires culturelles, et je vous en remercie. Je sais, pour bien connaître votre capacité de persuasion, que vous y parviendrez !
En deuxième lieu, le nouveau partage des compétences entre les fédérations nationales et internationales peut être contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi puisqu'il aboutit à ce qu'un sportif affilié à une fédération française participant à une compétition internationale sur le territoire français ne soit pas traité de la même manière qu'un sportif de la même fédération, concourant dans la même discipline et sur le sol français, mais dans le cadre d'une compétition ou d'une manifestation organisée par une fédération nationale.
Enfin, en troisième lieu, l'éventuelle négligence ou mauvaise volonté des instances internationales, qui pourraient décider de ne pas contrôler une manifestation sportive de niveau international se déroulant sur le sol français, aboutirait évidemment à soustraire certains sportifs à toute vigilance. A cet égard, je proposerai au Sénat d'adopter un amendement visant à permettre, à titre dérogatoire, à une fédération nationale de prendre l'initiative d'un contrôle lors d'une compétition internationale se déroulant en France, sous réserve de l'accord de la fédération internationale compétente et en coordination avec elle.
Je proposerai au Sénat d'adopter également, sans modifier l'architecture générale du texte, certaines modifications.
Premièrement, il convient de préciser, dans un souci de cohérence, que le programme de contrôles individualisés est une composante du programme national annuel de contrôles évoqué à l'article 2 du projet de loi.
Deuxièmement, nous devons déterminer le fonctionnement des services de la future Agence française de lutte contre le dopage, en insérant un article additionnel avant l'article 4.
Troisièmement, il faut affirmer le rôle de prévention, en matière de lutte contre le dopage, des antennes médicales régionales, auxquelles il est fait référence à l'article 5 du projet de loi. Il convient en effet que leur rendement futur soit bien supérieur à leur rendement actuel.
Quatrièmement, il s'agit de clarifier la procédure de délivrance des autorisations d'usage thérapeutique, qui fait l'objet de l'article 6 du projet de loi. Ces fameuses AUT permettent en effet bien souvent de « contourner » la fiabilité du contrôle, en inversant, en quelque sorte, la logique de l'interdiction du dopage.
Cinquièmement, il est nécessaire de corriger une imprécision de l'article 9 du projet de loi, en permettant de contrôler les sportifs qui participent à une épreuve après vingt et une heures - de nombreuses compétitions s'achèvent en effet plus tard -, tout en limitant à une plage horaire comprise entre six heures et vingt et une heures l'accès des contrôleurs au domicile des sportifs.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais évoquer rapidement le Laboratoire national de dépistage du dopage, le LNDD, de Châtenay-Malabry, qui va désormais jouer un rôle clé, sous la responsabilité de l'agence.
En juin dernier, une délégation du groupe d'études des problèmes du sport et des activités physiques du Sénat s'est rendue à Châtenay-Malabry Nous avons alors pu rencontrer le directeur du laboratoire et observer le fonctionnement de ses services. Or il nous a semblé que toutes les potentialités de cet établissement, qui reste un fleuron de la lutte antidopage mondiale, n'étaient pas tout à fait optimisées, et, en particulier, que les activités de recherche étaient insuffisamment développées.
Par ailleurs, l'intégration du LNDD à la future agence va conduire à réduire son champ d'activité d'environ un tiers, tout en l'obligeant à affronter la concurrence des autres laboratoires.
Je souhaiterais donc que cette évolution incite le LNDD à développer de nouveaux partenariats en matière de recherche, à dynamiser ses équipes et à optimiser l'utilisation de ses équipements. Mais je sais que, sur ce point, monsieur le ministre, nous sommes en accord et que vous veillerez à cette nécessaire évolution.
En conclusion, monsieur le ministre, je tiens à vous rendre hommage, et cet hommage me paraît pleinement mérité. Depuis votre prise de fonction en 2002, vous avez toujours fait de la lutte contre le dopage l'une des priorités de votre action.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Alain Dufaut, rapporteur. Il est vrai que votre passé de champion de haut niveau et votre éthique sportive vous incitent en permanence à mettre toute votre énergie au service d'un « sport propre », dans lequel on met tout en oeuvre pour gagner, mais pas à n'importe quel prix, et cela quels que soient les enjeux financiers du « sport spectacle ».
Ce projet de loi, qui portera votre nom, monsieur le ministre, restera votre contribution à ce combat permanent contre la « tricherie ».
J'achèverai mon propos par une phrase que j'emprunte à Denis Jeambar. Voici ce que celui-ci écrivait dans L'Express après la révélation des contrôles positifs de Lance Armstrong : « Gagner à la loyale est une vertu qu'il faut reconquérir pour que le sport retrouve sa magie et "réenchante" le monde. ». Puisse ce projet de loi y contribuer ! (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'exprime à mon tour notre grande satisfaction de voir ce projet de loi, à l'amélioration duquel nous souhaitons contribuer, soit présenté aujourd'hui devant le Sénat.
Cependant, je voudrais faire écho aux propos de notre rapporteur et relayer les inquiétudes exprimées par un certain nombre de nos collègues sur les conséquences de ce texte. En effet, s'il est consensuel, comme l'a montré son examen en commission, il appelle néanmoins deux remarques de notre part.
En premier lieu, il ne faut pas que l'adaptation de notre droit à la législation internationale nous fasse, nous Français, « régresser » dans le domaine de la lutte contre le dopage.
La France est reconnue sur le plan international pour son exigence dans ce domaine. On nous a même parfois reproché d'avoir une législation plus sévère que celle des autres pays.
Dois-je rappeler que, en 2004, 8 915 contrôles ont été diligentés en France, contre 5 770 au Royaume-Uni et 5 000 seulement au titre de l'Agence mondiale antidopage ?
Il nous faut donc préserver ce niveau de contrôles. Or les fédérations internationales deviennent les maîtresses du jeu lorsqu'elles définissent en toute liberté les manifestations et compétitions inscrites à leur calendrier. Il faut donc espérer que l'AMA saura faire preuve d'une autorité suffisante pour imposer une action antidopage rigoureuse à des fédérations naturellement peu enthousiastes !
C'est pourquoi nous insistons, monsieur le ministre, pour que vous continuiez à être notre ambassadeur auprès de ces instances afin de maintenir nos exigences actuelles. Il faudra faire preuve de beaucoup de volontarisme pour harmoniser les dispositifs prévus par l'Agence mondiale antidopage.
En second lieu, j'évoquerai la recherche, sujet qu'a déjà abordé notre rapporteur.
Le bilan des activités de recherche dressé par le groupe « Sport et santé » des états généraux du sport a mis en évidence nos lacunes en la matière. A titre d'exemple, les publications françaises dans le domaine de la biologie et de la médecine du sport ne représentent que 2 % de la production internationale.
Cette situation est d'autant plus regrettable que la sophistication des produits utilisés pour améliorer les performances requiert un accroissement des efforts proportionnel aux progrès constants de la biotechnologie. Les substances les plus innovantes, développées dans d'autres buts que celui de doper des athlètes, et très vite récupérées par les professionnels de la fraude, restent souvent indétectables par les contrôles urinaires ou sanguins.
Au passage, monsieur le rapporteur, je me permets de noter que vous avez attaqué un peu sévèrement les chimistes. Sans doute avez-vous oublié que M. Jean-François Lamour et moi-même, nous sommes des chimistes ! (Exclamations amusées.)
M. le président. Et de haut niveau !
M. Ivan Renar. Péché majeur ! (Sourires.)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Les chimistes ne cherchent pas à fournir des substances qui seraient utilisées de façon frauduleuse ! Ils travaillent avec les pharmaciens et les médecins à mieux soigner nos concitoyens.
M. Alain Dufaut, rapporteur. C'était entre guillemets, monsieur le président ! (Sourires.)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Cette insuffisance de moyens s'explique, en partie, par le relatif isolement des équipes universitaires de recherche en sciences et techniques du sport au sein de la communauté scientifique. Elle résulte aussi de la dispersion des moyens et du manque de coordination thématique entre les différents intervenants. Il nous faut donc intensifier nos efforts dans ce domaine afin de structurer le secteur, de permettre l'évaluation des avancées en matière de recherche et de leur influence sur le dopage.
N'oublions pas - monsieur le rapporteur, vous l'avez d'ailleurs rappelé - que c'est le Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry qui, grâce à ses travaux de recherche, a mis au point deux procédés, l'un pour détecter l'EPO, l'autre pour déceler l'hémoglobine réticulée.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que l'intégration de ce laboratoire à la nouvelle Agence française de lutte contre le dopage soit l'occasion d'optimiser son potentiel humain, de manière à dynamiser encore davantage les équipes et permettre une veille renforcée sur les données les plus récentes des progrès réalisés dans le domaine des biotechnologies. Nous serons naturellement attentifs à ce que les moyens financiers nécessaires soient attribués à ce laboratoire pour qu'il développe ses activités de recherche et puisse conclure, comme le disait M. le rapporteur, de nouveaux partenariats, notamment avec des laboratoires étrangers et des universités.
Sous réserve de ces observations et comme les conclusions du rapport ont été adoptées à l'unanimité par la commission des affaires culturelles, nous voterons ce projet de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsqu'il obtint l'organisation des premiers jeux Olympiques modernes à Athènes en 1896, Pierre de Coubertin était sans doute à mille lieues de penser que, au fil des années, un lien s'établirait entre la pharmacopée et la pratique sportive... tout au moins celle de certains !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bien sûr !
M. Jean-François Humbert. La devise des jeux Olympiques modernes, citius, altius, fortius - plus vite, plus haut, plus fort -, traduit une conduite à suivre, une manière de vivre pour les sportifs. Elle encourage l'athlète à donner le meilleur de lui-même non seulement pendant toute la fastidieuse période d'entraînement, mais surtout au moment de la compétition.
Certains tricheurs tendent malheureusement à faire évoluer la devise olympique : pour eux, c'est toujours plus vite, plus haut, plus fort, mais... « chargé », c'est-à-dire dopé.
Pourtant, le sport joue dans la vie de nos sociétés un rôle plus important que jamais. Il est même devenu un phénomène mondial, doté de l'immense pouvoir de rapprocher les peuples et de promouvoir des formes de compétition qui élèvent l'esprit humain, le détournent de la haine qui engendre les conflits.
Parallèlement, le sport est un facteur de cohésion sociale, un outil d'éducation, un gisement d'emplois, un instrument pour les politiques de santé publique et d'intégration sociale, ainsi qu'un vecteur d'identité culturelle.
Il aurait été regrettable que nous baissions la garde face au dopage et qu'il puisse continuer à saper cette image. En effet, le dopage porte atteinte aux valeurs éthiques fondamentales, met en péril la santé des athlètes et bafoue les règles et la simple honnêteté. Il est même devenu la plus grave menace pesant sur la crédibilité et l'intégrité du sport.
Soyons clairs, le dopage compromet non seulement la réputation des individus mais celle du sport lui-même ! Il risque de détruire le sport tel que nous le connaissons et que nous l'aimons. Il demeure sans aucun doute l'un des grands fléaux du sport, car il est la négation même du principe de l'esprit sportif. Aucun effort ne doit donc être épargné pour l'éliminer.
Monsieur le ministre, ce projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs est indispensable. Il améliore l'efficacité du dispositif de lutte contre le dopage en clarifiant les responsabilités des acteurs nationaux et internationaux.
D'une part, ce texte redéfinit le rôle des acteurs nationaux en réaffirmant le rôle premier de l'Etat et du ministère chargé des sports dans le domaine de la prévention, de la protection de la santé des sportifs et de la mise en oeuvre des programmes publics de recherche. D'autre part, il permet une harmonisation et une coopération internationales, ce qui est essentiel.
Renforcer la lutte contre le dopage est une condition de la préservation des valeurs éthiques du sport et de la protection de la santé des pratiquants, quels que soient leur niveau ou le niveau de leur pratique. Il s'agit de garantir la valeur intrinsèque et l'intégrité du sport, la santé des athlètes et des jeunes qui les admirent, ainsi que, d'une manière générale, les valeurs morales de nos sociétés.
Ce projet de loi permet de redonner au sport une dimension éthique.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous voterons ce projet de loi, après avoir examiné les amendements que M. le rapporteur aura bien voulu nous présenter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de l'affaire Festina aux contrôles « rétroactifs » de Lance Armstrong, en passant par la mort tragique de Marco Pantani ou encore le geste de l'Allemande Ines Geipel, qui a demandé que ses performances et records soient effacés des annales de l'athlétisme, tous ces événements montrent que le sport est malade. Il souffre du dopage et il revient une nouvelle fois au législateur de s'atteler à la lutte contre ce fléau.
Depuis longtemps, on l'a dit, la France est à l'avant-garde de ce combat. Très tôt, dès 1965 avec la loi Herzog, puis en 1989 avec la loi Bambuck, notre pays a organisé la répression de l'usage de stimulants lors des compétitions sportives. La loi Buffet de 1999 a véritablement fait de la lutte contre le dopage une priorité.
En outre, c'est la France qui diligente le plus de contrôles antidopage. Stigmatisé dans un premier temps pour son attachement à la défense des grands principes, notre pays a contribué à faire avancer cette cause à l'échelon mondial. La création de l'AMA en 1999 et l'adoption du code mondial antidopage en 2003 attestent une volonté réelle et générale d'enrayer ce fléau.
Aujourd'hui, vous nous proposez, monsieur le ministre, d'ajouter une pierre à notre édifice législatif. Pour ma part, animé depuis toujours par le voeu d'un « sport propre », je ne peux que faire miens les objectifs fixés par ce texte.
Cela a été dit, la lutte contre le dopage vise avant tout à protéger la santé des sportifs. Est-il normal de laisser se développer des pratiques dangereuses - il n'est que de songer aux athlètes qui « se lavent » le sang ! -, parfois dignes d'apprentis sorciers ? Quel monde nous attend lorsque nous savons que des recherches sont actuellement menées sur le dopage génétique ? Est-ce celui d'Aldous Huxley dans lequel les êtres sont paramétrés en fonction de leur utilité ? La question de l'éthique est posée.
Il est également nécessaire de lutter contre le dopage, car sa banalisation dans le milieu sportif risquerait d'entraîner l'acceptation des produits dopants dans la société tout entière. Il arrive même que le sport serve de terrain d'expérimentation pour la fabrication de drogues utilisées dans d'autres milieux !
M. Louis Souvet. Absolument !
M. Yvon Collin. Ainsi, l'ecstasy, qui a été introduite dans le milieu de la nuit dans les années quatre-vingt-dix, est le fruit de recherches destinées d'abord aux sportifs.
Par ailleurs, s'il est banal de dire que les jeunes s'identifient à leurs idoles, c'est là une réalité dont il faut tenir compte. Aux Etats-Unis, des enquêtes ont prouvé que des adolescents désireux d'améliorer leurs capacités physiques et de ressembler à leurs athlètes préférés utilisaient des anabolisants.
Pour toutes ces raisons, améliorer les outils de contrôle, d'analyse et de sanction du dopage s'impose. Le projet de loi qui nous est soumis contient des dispositions allant dans ce sens, et c'est très bien.
La mise en place de l'Agence française de lutte contre le dopage, qui sera plus indépendante, le recentrage des compétences de l'Etat sur les volets prévention, recherche et surveillance médicale, l'institution d'un programme de contrôles individualisés des sportifs, sont autant de mesures qui devraient, monsieur le ministre, permettre de faire reculer le dopage.
Cependant, certains experts pensent qu'aucune loi ne viendra à bout de ce problème. Comme eux, je crois que la réglementation ne suffira pas à balayer un phénomène qui appelle aussi, je l'évoquais tout à l'heure, une réponse éthique. Il nous faut nous interroger : quel sport voulons-nous ? Doit-il être un jeu ou un combat ?
Le sport, qui, à l'origine, était une source de plaisir, est devenu, sous la pression des impératifs médiatiques, publicitaires, donc financiers, un combat acharné où tous les coups sont permis, y compris la tricherie et, en l'occurrence, le dopage.
Le corps du sportif est relégué au rang de simple outil, car le plaisir n'a plus sa place dans un processus exacerbé de compétition qui se mue de plus en plus en une concurrence.
Colette Besson, top tôt disparue, était résolument engagée contre le dopage : elle s'acharnait à convaincre ses « disciples » qu'il était possible de courir pour le plaisir, en puisant dans les seules ressources de son corps ; elle expliquait que la satisfaction se situait non pas uniquement dans le fait de courir un peu plus vite que les autres, mais tout simplement dans le fait de courir avec les autres. Le sportif doit songer à son propre dépassement avant de chercher à dépasser les autres. Il doit se souvenir que l'idée de partage et de rencontre était au fondement de l'olympisme.
Certes, je vous l'accorde, une telle reconquête de l'éthique paraît utopique dans un contexte où la logique marchande fait fi de l'humanisme. Cependant, les initiatives prises récemment au sein des instances mondiales invitent à un certain optimisme.
Pour que le sport retrouve toute sa noblesse, il faut que les « dieux du stade » soient des champions qui tirent leurs performances de l'effort, de la persévérance et du courage, sans aucun artifice. Donnons le dernier mot à Pierre de Coubertin : « L'essentiel n'est pas d'avoir vaincu, mais de s'être bien battu. » (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun de ceux qui siégeaient dans cette assemblée en 1998 et 1999 doivent se souvenir de l'adoption de la loi Buffet, du nom du ministre des sports de l'époque.
Plus largement, la popularité de mon amie Marie-George Buffet était grande, car elle engageait la France dans une nouvelle étape de la lutte non seulement contre le dopage mais aussi pour la préservation de la santé des sportifs.
Cette loi permettait de prendre à bras-le-corps le problème réel et complexe qui touche le sport dans tous les pays du monde, tout en résistant au discours tout à la fois simplificateur et erroné du « tous dopés ».
Cependant, à cette époque, certaines voix se sont élevées pour dire que cette loi isolait la France au sein du sport international. Bien au contraire, nous constatons aujourd'hui qu'elle a permis d'enclencher un processus similaire de questionnement chez nos amis et voisins européens, puis d'obtenir du CIO, en février 1999, une déclaration arrêtant le principe de la création de l'Agence mondiale antidopage. Cette agence a pu élaborer, ensuite, un code de lutte contre le dopage. Enfin, monsieur le ministre, vous nous l'avez annoncé, une convention internationale sous l'égide de l'UNESCO vient d'être adoptée.
Nous savons que tout ne fut pas toujours facile et que les résistances sont encore grandes. Toutefois, un tel code universel est aujourd'hui attendu par tous ceux qui se préoccupent de la santé des sportifs et qui sont attachés à l'éthique d'une pratique et à des compétitions sans dopage ni tricherie.
Nous nous félicitons de ce qu'un tel combat humaniste pour le respect du sport, des sportifs et des sportives puisse donc prendre une nouvelle direction.
Dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, le Gouvernement prend acte des modifications intervenues au niveau international et propose de mettre notre législation nationale au diapason des nouvelles normes édictées par l'Agence mondiale antidopage. La France peut donc s'honorer d'avoir été à l'avant-garde du combat pour la lutte mondiale antidopage.
Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous soyons favorables au texte proposé, car nous soutenons l'orientation des actions entreprises.
Cependant, demeurent des interrogations, des inquiétudes, voire des désaccords, comme le rapporteur de notre commission le montre dans son rapport, que j'approuve. Les observations qui y sont formulées montrent bien que tout n'est pas réglé.
A cet égard, la France doit poursuivre et même amplifier son action concernant tant sa réglementation nationale que la mise en place de règles internationales.
Monsieur le ministre, il ne faudrait pas que la création d'une agence indépendante de lutte contre le dopage vous fasse baisser la garde.
M. Ivan Renar. Un escrimeur ne baisse jamais la garde ! (Sourires.)
M. Jean-François Voguet. La puissance publique doit rester vigilante et active pour lutter contre un tel fléau. Il faut continuer à faire preuve de volonté politique et de fermeté.
Nous le savons, la lutte contre le dopage est une action difficile. Elle se heurte à différentes formes de pressions, qui sont liées à des enjeux économiques, bien sûr, mais aussi, parfois, politiques, voire nationalistes. Ces pressions pèsent sur les athlètes et les incitent, dans certains cas, à recourir au dopage.
Un engagement de la puissance publique, de l'Etat, est donc nécessaire. Cela implique une volonté politique forte et constante ainsi que des moyens humains et financiers au service de la lutte contre le dopage. Cette action, vous le savez bien, monsieur le ministre, est bien plus large que celle qui est définie dans le projet de loi, car elle concerne l'ensemble des moyens mis en place au service du mouvement sportif.
Dans ces conditions, nous avons un doute sur la nécessité de supprimer le caractère d'établissement public du LNDD de Châtenay-Malabry, caractère qui marquait l'attachement des pouvoirs publics à ses travaux. Vous connaissez notre intérêt pour ce type de structure, ainsi que l'importance et la pertinence du travail de ce laboratoire, même s'il faut évidemment faire encore mieux.
Nous avions cru qu'une collaboration de cette structure sous tutelle de votre ministère avec la nouvelle agence était possible. Vous avez fait un autre choix ; nous le regrettons.
Monsieur le ministre, par ce projet de loi, vous êtes dorénavant directement responsable de l'engagement et de la coordination des actions d'éducation, de prévention et de recherche. Vos responsabilités sont élargies.
Tout le monde, y compris M. le rapporteur, s'accorde à dire qu'il ne faut pas se satisfaire des actions actuellement mises en oeuvre dans ces domaines. Chacun, ici, sait que le dopage est un fléau qui sévit encore et toujours. Les orateurs qui m'ont précédé en ont donné des exemples significatifs.
Sans tomber dans le discours du « tous dopés », qui serait évidemment une injure à l'immense majorité de nos athlètes, force est de constater que le dopage touche non pas seulement certains sportifs de haut niveau, mais aussi des amateurs, des jeunes en formation, parfois même des enfants.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que regretter que, dans la loi Fillon, l'éducation physique et sportive, y compris dans ses composantes éducatives liées au civisme et à l'éthique, ait été écartée du socle commun des connaissances de notre enseignement scolaire.
Monsieur le ministre, vos responsabilités dans le domaine de l'éducation, de la prévention et de la recherche deviennent essentielles, et je voudrais vous faire part de nos inquiétudes sur les moyens dont vous allez disposer.
Ce projet de loi sur le dopage ne peut trouver sa pleine application, son efficacité même, qu'avec des moyens nouveaux, qui ne nous semblent pas être au rendez-vous de l'année 2006. Nous attendons votre avis sur ce point particulier.
Ma crainte est aussi forte quand vous annoncez la mise en place à moyens constants de l'Agence française de lutte contre le dopage, compte tenu de ce que sont les budgets actuels du CPLD et du LNDD.
Pourtant, dans ce projet de loi, vous confiez l'organisation des contrôles antidopage à cette agence, alors que c'est votre ministère qui en avait auparavant la charge. Cette compétence va nécessiter des moyens importants. Or, en l'état de vos propositions budgétaires, je ne suis pas sûr que l'agence disposera réellement des moyens financiers à la hauteur de ses responsabilités.
Globalement, le manque de moyens mis à la disposition de votre ministère et de la nouvelle agence risque de freiner l'action annoncée, de mettre en cause la volonté affichée.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà les inquiétudes dont je viens de vous faire part, je voudrais formuler un certain nombre de remarques, appeler à la vigilance et à l'action. Pour l'essentiel, je le répète, ces remarques figurent dans le rapport de la commission.
La première concerne la liste des produits et procédés dopants interdits : celle qui sera dorénavant appliquée est plus restreinte que celle qui est chez nous actuellement en vigueur.
M. Jean-François Voguet. Si l'apparition d'une liste internationale est globalement un progrès, elle marque selon moi un certain recul pour notre pays.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous agissiez avec persévérance et fermeté dans les instances internationales, pour que nous parvenions à une liste encore plus contraignante.
L'enjeu est très important. Certes, je ne suis pas sans méconnaître les pressions qui s'exercent sur le plan international contre les mesures édictées par l'AMA ni la mauvaise volonté que certains mettent à les appliquer.
Tout n'est pas réglé avec l'ensemble des fédérations sportives ; la presse s'en est largement fait l'écho dernièrement. Cependant, je vous encourage à faire preuve de fermeté en ce domaine.
L'action de la France a toujours été à la pointe du combat contre le dopage et doit, à notre sens, y demeurer. Il faut à la fois agir pour que les règles édictées deviennent des règles intangibles pour tous, en confortant toujours plus le rôle de I'AMA et, dans le même temps, faire progresser les réglementations au sein même de l'Agence.
La mission est difficile, mais elle est à la hauteur de l'enjeu d'un sport plus mondialisé et plus commercialisé, dans lequel seules la performance et la réussite sont valorisées et où les « cadences » deviennent véritablement infernales.
Si nous voulons maintenir une éthique à la hauteur de nos espérances, il nous faut rester fermes.
Ma deuxième remarque concerne les autorisations d'usage thérapeutique.
Je ne suis pas de ceux qui, a priori, y voient une autorisation à se doper. Je pense même que la reconnaissance de celles-ci peut marquer la fin d'une certaine hypocrisie. C'est pour cela que j'y souscris. Je me félicite d'ailleurs du fait que le médecin soit ainsi appelé à plus de responsabilité dans ce domaine.
Cependant, les AUT ne peuvent être considérées comme une avancée sans que soient mis en place les contrôles indispensables à leur validation. Certes, je n'ignore pas l'évidente nécessité d'une validation rapide. C'est pourquoi la nouvelle agence doit disposer de moyens lui permettant de gérer ces AUT dans des conditions assurant leur qualité.
Enfin, troisième remarque, la volonté d'obtenir de nouveaux résultats en matière de lutte contre le dopage nécessite la mobilisation de tout le monde sportif, de tous ceux qui sont partie prenante de la bonne santé de nos sportifs, des différents partenaires, qu'il s'agisse des sponsors, des laboratoires pharmaceutiques, des médecins de ville, des pharmaciens et des vétérinaires. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je regrette que vous fassiez l'impasse sur une telle nécessité dans ce projet de loi.
Avec ce texte, nous allons restructurer les organismes et redistribuer les rôles dans le cadre de la lutte contre le dopage. Notre groupe souscrit à ces objectifs, sous réserve des critiques, des craintes, des interrogations et des remarques que je viens de formuler et qui justifient les amendements que nous avons déposés.
Il faut cependant, pour que notre prise de position soit complète, que je vous fasse part d'une autre attente, tout aussi forte. Nous aimerions connaître les dispositions que vous comptez prendre pour les nouvelles missions qui vous sont attribuées dans le cadre de ce projet de loi.
Nous sommes dans l'attente d'une politique active en matière d'éducation et de prévention. Cette attente est encore plus forte en ce qui concerne la politique que vous comptez développer en matière de recherche fondamentale et appliquée en lien avec la médecine sportive.
Mais sans doute avez-vous l'intention d'inscrire ces politiques au sein du grand plan de développement du sport que vous nous annonciez au mois de juillet dernier pour la fin du mois de septembre. Il nous tarde d'en prendre connaissance !
En effet, pour que ce projet de loi s'inscrive pleinement dans une perspective de réussite, il doit s'appuyer sur la mise en oeuvre d'une mobilisation permanente, à partir d'engagements clairs de la puissance publique, au côté du mouvement sportif.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que la détermination du groupe communiste républicain et citoyen est forte et que celui-ci votera le présent texte sur le fondement des exigences que je viens de rappeler. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sport apporte indiscutablement à l'homme une raison d'être supplémentaire. Il tient dans notre société et dans la vie de nombreux Français une place qui devient souvent incontournable. Reconnaissons ensemble que, aujourd'hui, s'il n'y avait pas le sport dans notre société, il lui manquerait assurément quelque chose.
D'ailleurs, monsieur le ministre, vous avez raison, ô combien, de donner la priorité dans vos budgets à trois objectifs : la protection du sportif, pour lui-même et pour son entourage ; la contribution du sport à la cohésion sociale de notre pays ; l'aide aux grands sportifs, pour porter le plus haut possible les couleurs de la France.
Oui, le sport est aussi un facteur important de cohésion sociale. En effet, nous sommes tous fiers, quels que soient notre âge, notre sexe ou la couleur de notre peau, lorsqu'un Français monte sur l'une des marches du podium, comme vous l'avez vous-même fait à plusieurs reprises, et particulièrement sur la plus élevée. Au moment où est hissé en haut du mât le drapeau tricolore et alors que retentit la Marseillaise, nous ressentons tous une émotion forte. Eh bien, cette émotion faite de fierté nationale, c'est au sport que nous la devons.
Dans cette assemblée, sur quelques travées que nous siégions, nous savons, monsieur le ministre, qu'un sportif de votre valeur, qui a si brillamment porté nos couleurs, est plus habilité que personne à parler du sport et de ce qui l'entoure.
Rabelais disait que le rire est le propre de l'homme. Personnellement, je suis convaincu que le sport donne à l'homme un supplément d'âme : il est source de sensations spécifiques aussi bien pour ceux qui le pratiquent que pour ceux qui aiment les voir évoluer ; à tous il apporte une ouverture d'esprit, transformant la vision qu'a chacun de la vie et du monde.
Depuis quelques années, l'actualité sportive est régulièrement émaillée d'affaires qui viennent éclabousser la réputation de nombreux champions. Celles qui concernent le dopage sont particulièrement choquantes et consternantes en ce qu'elles salissent durablement l'image de certaines disciplines.
Le sport est une expression naturelle de l'homme et l'apport d'une énergie artificielle supplémentaire n'y a pas sa place.
M. Alain Dufaut, rapporteur. Très bien !
M. Jean Boyer. Le Comité international olympique nous livre une définition assez large de cette dérive en indiquant que « le dopage consiste à administrer des substances appartenant à des classes interdites d'agents pharmacologiques et/ou utiliser diverses méthodes interdites ». Aujourd'hui, il est vrai qu'il est de plus en plus difficile de trouver une juste définition de cette pratique, car on ne sait pas où elle commence et où elle s'arrête.
Même si le dopage existe depuis fort longtemps, il convient de constater que cette pratique s'est en quelque sorte professionnalisée, touchant tous les champs du sport. De surcroît, les méthodes appliquées sont de plus en plus efficaces et subtiles, donc de plus en plus dangereuses.
Oui, depuis quelques années, des nuages viennent trop souvent jeter une ombre déplorable sur la beauté du sport. L'exemplarité et l'intégrité de plusieurs champions se sont trouvées mises en cause, suscitant en nous au mieux des doutes, au pis une terrible déception.
Le sport est devenu un vecteur de communication impliquant des enjeux financiers qui dépassent très largement la nature originelle du sport, d'autant que sont attendus des retours rapides sur investissement.
Mais l'homme n'est pas une machine : il a des limites. Or on exige de lui des performances telles que ce ne sont plus tant des cols que l'on escalade que des interdits !
Oui, monsieur le ministre, nous devons plus que jamais accompagner le sportif et protéger sa santé tant physique que mentale. Vous avez pleinement raison de vouloir compléter la loi du 23 mars 1999 en axant davantage votre action sur la protection de la santé des sportifs. C'est essentiel pour les jeunes générations.
Il est important d'anticiper et de sensibiliser la représentation nationale sur ce fléau pernicieux. Nous devons tout faire pour éviter la banalisation du dopage et nous garder de croire qu'il est réservé aux seuls sportifs de haut niveau.
Je ne reviendrai pas sur les raisons qui motivent le recours à de tels artifices. Mais il est dommage de découvrir que certains produits sont détournés de leur finalité thérapeutique initiale, comme l'EPO, qui facilite le transport de l'oxygène, ou telle hormone de croissance, qui permet d'augmenter la masse musculaire.
De toute évidence, le dopage est contraire aux principes fondamentaux du sport, ainsi qu'à la nature humaine et aux valeurs les plus sacrées. Comment ne pas rappeler ici le magnifique idéal de Pierre de Coubertin : « Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre » ?
Participer n'est-il pas l'essentiel ? Une défaite n'est pas déshonorante, au contraire : elle marque les limites de l'homme, avec ses forces, ses faiblesses, ses différences. En fait, avec le dopage, on oublie la noblesse de l'effort physique, valorisant pour tous.
A l'école, au collège, au lycée, nous devons tout faire, mes chers collègues, pour que le sport garde sa pureté et que continue d'y prévaloir un état d'esprit orienté vers la réussite collective, l'ouverture aux autres, la tolérance et le respect mutuel.
Non, le sport n'est pas une lutte acharnée ou une bataille. Il renvoie à de vraies valeurs humaines, faites de partage et de solidarité. La victoire de l'équipe de France mercredi dernier est un message fort : les Français savent effectivement se montrer unis dans un tel moment, indépendamment de leurs tendances politiques.
Il est important de dénoncer le plus tôt possible ces pratiques auprès des jeunes qui se destinent à une carrière sportive, mais nous regrettons, comme l'a relevé notre excellent rapporteur, que le volet préventif de la lutte contre le dopage soit un peu le parent pauvre de la politique menée dans notre pays. Face aux enjeux économiques de plus en plus importants et aux pressions de plus en plus fortes qui en découlent, efforçons-nous de permettre à tous ces jeunes d'entrer dans la sphère professionnelle avec le bagage de valeurs le plus solide qui soit.
Notre combat d'aujourd'hui n'est-il pas d'engager une sensibilisation, de bâtir un état d'esprit pour demain ?
La création, en mars 1999, du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, autorité administrative indépendante, était une bonne initiative. Cependant, cette instance doit être modernisée pour s'adapter aux nouvelles exigences des règles internationales. C'est pourquoi, monsieur le ministre, vous nous proposez d'y substituer l'Agence française de lutte contre le dopage en lui conférant une nouvelle organisation, de nouvelles compétences et, surtout, un nouveau statut. Cette transformation en une autorité disposant d'une véritable autonomie par rapport aux institutions nationales est, selon nous, une véritable avancée, permettant à la lutte contre le dopage d'être menée en toute indépendance.
Oui, monsieur le ministre, vous avez raison de remettre l'ouvrage sur le métier et de nous demander non seulement de nous prononcer sur la lutte contre le dopage, mais aussi et surtout de nous intéresser à la protection de la santé des sportifs. Ce dernier point est essentiel dans le projet de loi que vous nous soumettez.
Néanmoins, nous devons être bien conscients des difficultés d'application de ce texte sur le terrain, car les produits utilisés sont de plus en plus subtils. Les contrôles sont manifestement insuffisants et devraient être plus souvent inopinés.
Sur ce point, monsieur le ministre, l'instauration d'un meilleur cadre juridique s'agissant du volet répressif va indiscutablement dans le bon sens. Il faudrait également engager une harmonisation des méthodes et des mesures de lutte contre le dopage à l'échelle mondiale, notamment pour que, lors des compétitions internationales, la règle soit appliquée à tous de manière identique, car, comme vous le savez, le sport n'a pas de frontières.
Il reste que la nouvelle répartition des compétences n'est pas sans poser quelques problèmes.
En effet, le fait de confier l'ensemble des compétences aux fédérations internationales ne risque-t-il pas de créer des inégalités de traitement entre sportifs en fonction des disciplines et de la sévérité de leurs instances internationales ? Ne serait-il pas paradoxal que d'une volonté d'harmonisation au niveau international découle une inégalité entre sportifs ? Les réticences de la Fédération internationale de football association, la FIFA, à faire figurer dans ses statuts les règles du code mondial antidopage constitue peut-être l'exemple caractéristique des difficultés que soulève cette nouvelle répartition des compétences
C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, nous approuvons l'amendement que vous avez déposé sur ce point au nom de la commission : son adoption permettrait, dans une large mesure, de prévenir ce risque.
Monsieur le ministre, nous vous savons gré de prendre ce dossier à bras-le-corps, de chercher à rétablir non seulement la confiance, mais aussi une certaine transparence dans la pratique sportive en respectant, comme il se doit, l'esprit de nos compétitions.
En effet, dans nos départements, les jeunes champions ont du mal à comprendre ces dérives. Tout cela crée un certain malaise ou au moins un trouble. Bien souvent, l'état d'esprit qui se fait jour en ce qui concerne le sport, le dopage en particulier, est le fait, non pas de nos sportifs, mais plutôt d'un environnement financier et médiatique très éloigné des préoccupations sportives.
Le sport ne veut pas dire performance à tout prix ; il témoigne simplement d'une volonté de donner le meilleur de soi-même dans le respect des règles. Nous devons préserver absolument nos jeunes générations de cette dérive, guidée généralement par le pouvoir de l'argent, où le sportif n'a plus son mot à dire. Il est pris dans une escalade médiatico-financière où l'argent domine trop souvent.
En adoptant ce projet de loi, nous apporterons tous notre contribution, car le sport n'a pas d'âge, pas de couleur, pas de frontières, pas de sensibilité politique. Il doit garder l'homme dans sa pureté, sa vérité, son intégrité. Nous travaillerons tous pour atteindre ce si bel objectif. C'est pourquoi; monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le soutien sans réserve des membres du groupe de l'Union centriste-UDF.
Je terminerai mon intervention en reprenant à mon compte ce message d'Aimé Jacquet, qui, en 1998, alors que la France gagnait la Coupe du monde de football, nous rappelait : « Donner, recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif sont de toutes les modes, de toutes les époques Elles sont le sport. Le sport est un dépassement de soi. Le sport est une école de vie. » (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que, pendant longtemps, on a reproché à la France d'avoir une des législations les plus sévères en matière de lutte contre le dopage. C'est vrai, et nous n'avons pas en rougir. Bien au contraire, sans faire preuve de chauvinisme, nous ne pouvons que nous féliciter de notre démarche avant-gardiste, anticipant le fléau mondial du dopage, et qui me conduit à penser que la France est belle et bien pionnière en matière de lutte contre le dopage.
M. le rapporteur a rappelé la loi Herzog de 1965, la loi Bambuck de 1989 et la loi Buffet de 1999.
Cette dernière fut adoptée avant même la création de l'Agence mondiale antidopage - en novembre 1999 - et l'élaboration du code mondial antidopage.
C'est cette même loi Buffet qui institua un dispositif complet et assez efficace de lutte contre le dopage pour répondre au double problème de santé et de tricherie. C'est elle qui créa le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage et le dota de prérogatives importantes, notamment en matière de sanctions.
Aujourd'hui, pour tenir compte des modifications intervenues au niveau international, avec la création de l'AMA et l'élaboration du code mondial antidopage, décidée par la déclaration de Copenhague et ratifiée par plus de 160 pays, dont la France, il nous faut adapter notre législation, si possible avant le 1er février 2006, c'est-à-dire avant l'ouverture des jeux Olympiques d'hiver de Turin.
Ainsi, ce projet de loi doit répondre aux engagements internationaux de la France en matière de lutte contre le dopage. Il doit, de plus, répondre aux souhaits du mouvement sportif français. L'harmonisation, nous direz-vous, est donc nécessaire. Soit !
Toutefois, il me semble que la ratification de la déclaration de Copenhague n'emporte aucun lien juridique, mais témoigne uniquement de la volonté des Etats signataires d'oeuvrer dans le sens des recommandations de l'AMA.
Et cette volonté existe en France depuis près de quarante ans. Dès lors, et notamment après que Paris n'a pas été retenu pour les jeux Olympiques de 2012, je tente de comprendre les éventuels intérêts d'une transposition en droit interne français des dispositions du code mondial antidopage.
Peut-être me direz-vous, monsieur le ministre, qu'il n'existe aucune relation entre l'adoption préalable de ce projet de loi, à l'unanimité, par l'Assemblée nationale et le choix de la ville olympique, choix que nous espérions tous, à l'époque, en faveur de Paris ?
Ayant effectué des recherches, j'ai constaté que notre législation antidopage est plus dure que celle de nombreux autres Etats signataires de la déclaration de Copenhague. Ce constat m'amène à formuler un voeu.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous assuriez que, avec cette harmonisation, cette mise en cohérence, la lutte contre le dopage sera menée sans relâchement en France. C'est plus qu'un voeu, c'est une exigence, car, au regard du projet de loi qui nous est soumis, et qui a été, il est vrai, adopté d'une façon assez consensuelle à l'Assemblée nationale, les craintes sont nombreuses.
Permettez-moi d'en citer quelques unes.
Tout d'abord, ce projet de loi n'apporte aucun crédit supplémentaire à la lutte contre le dopage : cette année, par rapport à 2002, les crédits sont même en diminution. Il semble qu'ils connaîtront le même sort en 2006 par rapport à 2005, puisqu'ils devraient atteindre 15 millions d'euros alors que, cette année, ils s'élèvent à 19,3 millions d'euros. J'observe, par conséquent, une baisse des moyens, alors que le Gouvernement annonce une augmentation de 5 % des crédits affectés à la lutte contre le dopage. Mais vous allez sans doute encore me répondre que cela relève d'une « mauvaise interprétation » de la part de l'opposition socialiste...
Je reconnais d'ailleurs que cette crainte pourrait être injustifiée si je m'en tenais au rapport général n°74 que mon ami Michel Sergent a fait, au nom de la commission des finances du Sénat, lors de l'examen de la loi de finances de 2005.
En effet, dans ce rapport, il affirmait que les moyens budgétaires liés à la lutte contre le dopage augmenteraient de 7 % en 2005, au profit notamment des contrôles inopinés et du rôle exercé par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, Conseil mieux reconnu aujourd'hui, disait-il, au-delà de nos frontières.
Cela m'amène à formuler ma deuxième crainte : le transfert des responsabilités de l'Etat à une agence indépendante, l'AFLD, est discutable et peut s'inscrire dans une logique de démembrement du service public et de désengagement de l'Etat.
En effet, cette agence, qui est appelée à se substituer au CPLD, va être dotée de la plupart des pouvoirs en matière de prévention et de lutte contre le dopage, pouvoirs qui étaient jusqu'ici partagés entre le ministère, les fédérations et le Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry.
On assiste à une véritable concentration des pouvoirs entre les mains de cette agence, qui dès lors va diligenter les contrôles, analyser les prélèvements et prononcer les sanctions.
Certes, me direz-vous, monsieur le ministre, la structure de cette agence apporte plus de souplesse en termes de financement public. Mais cette souplesse ne saurait prévaloir sur le principe juridique qui interdit que l'on soit juge et partie. Or, de fait, par les compétences qui lui seront dévolues, cette agence deviendra, en matière de lutte contre le dopage, juge et partie.
Dans ce projet de loi, les fédérations internationales sont les maîtresses du jeu, ce qui suscite quelques craintes. En effet, contrairement au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, l'AFLD ne pourra plus intervenir sur les compétitions internationales organisées en France, sauf à la demande de ces mêmes fédérations. Est également facteur d'inquiétude le fait qu'aucune référence au traitement pénal du dopage ne figure dans le texte, même s'il est vrai que cela a été le cas dans la précédente loi.
Enfin, nous nous interrogeons au sujet de certaines mesures relatives à la lutte contre le dopage, en particulier sur l'introduction du dispositif des autorisations d'usage thérapeutique, les AUT, des produits interdits. Un athlète malade lors d'une compétition peut effectivement éprouver des difficultés pour se soigner, mais, avec les AUT, la prise de produits dopants dans le cadre d'un traitement sera autorisée a priori et non plus a posteriori.
Jusqu'ici, l'incompatibilité de prescription médicale de certaines substances ou procédés et de la pratique sportive en compétition était une garantie, une sûreté contre le dopage, et le seul recours du sportif ayant absorbé une substance interdite, en cas de contrôle positif, était de faire prévaloir l'usage thérapeutique auprès des instances disciplinaires au titre de sa défense.
Cela n'était certainement pas satisfaisant dans la forme et faisait beaucoup sourire, mais aujourd'hui, en légalisant les AUT, on fragilise ce dispositif protecteur, l'Etat français étant dessaisi de toute prérogative en matière d'établissement des interdictions de produits dopants.
Nous regrettons que la commission des affaires culturelles n'ait pas retenu l'amendement par lequel nous proposions que tout sportif ayant subi une prescription de substances ou des procédés interdits soit considéré comme n'étant pas en état de participer à une compétition et se trouve automatiquement placé en situation de congé de maladie.
En effet, la légalisation des AUT risque, à elle seule, de compromettre la lutte exemplaire que mène avec rigueur notre pays depuis des années. Elle banalise l'usage de certains produits, peut permettre la tricherie et écorche l'éthique du sport, car rien n'est dit sur les surdosages éventuels, ni sur la manière de les contrôler.
Il vous appartient donc, monsieur le ministre, de nous apporter toutes les garanties face aux risques de dérives contenues dans ces procédures allégées d'autorisations d'usage thérapeutique, afin de préserver, notamment auprès de nos jeunes, l'image positive, éducative et sociale du sport, véritable facteur de cohésion sociale.
Je terminerai mon propos en abordant des points plus positifs.
Cette loi peut être une étape, si l'Etat s'engage davantage, pour que le sport conserve ses vertus en matière de santé, de bien-être individuel et de développement du lien social.
Nous sommes unanimes à dire que le sport doit être préservé des errements et des dérives qui ont fait la une de l'information ces dernières années, pour ne parler que des affaires connues et révélées au public.
Monsieur le ministre, les efforts que vous fournissez sur le plan non seulement français, mais également, et surtout, international, pour combattre le dopage, sont les bienvenus et nous les saluons.
Pour en revenir au projet de loi, le renforcement des contrôles inopinés, les contrôles en compétition mais aussi lors des entraînements, le suivi longitudinal permettant au médecin qui en est chargé d'établir un certificat médical de contre-indication à la compétition qui s'impose à la fédération concernée, l'obligation pour les sportifs s'entraînant en France de pouvoir être en permanence localisés et, enfin, le durcissement des conditions d'obtention d'un certificat médical permettant la pratique de telle ou telle discipline sont toutes des mesures indispensables.
En conclusion, j'en reviendrai à mon introduction : s'il a été reproché à la France d'avoir adopté une législation plus sévère que les autres pays, nous pouvons nous féliciter que cela ait pu aider ces derniers, qu'ils soient en Europe ou ailleurs, à entamer une lutte un peu plus sérieuse contre le dopage. Cependant, rien n'est jamais acquis en matière de dopage et il nous faudra être très pugnaces et très vigilants.
J'espère que l'harmonisation souhaitée au travers de ce texte ne mettra pas à mal l'avance que notre pays avait en ce domaine. Je partage, bien entendu, les craintes soulevées dans leurs interventions par le rapporteur, M. Alain Dufaut, et le président de la commission, M. Jacques Valade. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le ministre, nous discutons aujourd'hui d'un sujet grave, mais, en tant qu'élu d'un département comme la Haute-Loire, j'éprouve quelques difficultés à l'aborder. En effet, quand je vois, chaque week-end, les jeunes se livrer à leur sport favori, tandis que bénévoles et élus se mobilisent pour mettre à leur disposition les équipements dont ils ont besoin, y compris dans les zones les plus rurales - vous l'avez vous-même constaté, monsieur le ministre - je me demande ce que recouvre exactement notre débat d'aujourd'hui et ce que risquent tous ces pratiquants.
La raison me dit que ces jeunes doivent, eux aussi, être protégés, et que le texte dont nous traitons a pour objet de protéger la santé non seulement des sportifs de haut niveau, mais aussi, par ricochet, des pratiquants de base, à savoir ces jeunes dont nous nous préoccupons quotidiennement. C'est pourquoi je me suis senti tenu d'intervenir, d'autant que j'ai travaillé sur le texte de 1999.
Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez pris le parti de renforcer la vigilance et l'efficacité du dispositif de lutte contre le dopage.
Nul n'ignore que l'attitude de la France en ce domaine est, depuis des années, exemplaire - osons le mot ! - et que notre pays est incontestablement à la pointe dans ce combat, ce qui n'est pas toujours facile, d'ailleurs, et lui a parfois été reproché.
J'aborderai quelques points du dispositif qui nous est proposé.
La création de l'agence française de lutte contre le dopage, l'AFLD, me semble tout à fait essentielle ; c'est le coeur du dispositif. Cette agence sera indépendante, ce qui est indispensable quand on sait les critiques que peuvent subir les pouvoirs publics lorsque, sur un sujet comme celui-ci, ils sont en première ligne. Elle fusionnera avec le laboratoire de Châtenay-Malabry, ce dont je me réjouis. C'est en effet un gage de meilleures relations et, par conséquent, d'une plus grande efficacité.
Je tiens à insister sur un point à ce propos. Si ma mémoire est bonne, c'est M. le rapporteur qui, tout à l'heure, a estimé que, arithmétiquement, l'activité du laboratoire devrait diminuer. (M. le ministre fait un signe dubitatif.) Vous serez certainement amené à faire une mise au point à ce sujet, monsieur le ministre ! Mais si l'activité du laboratoire diminue, la recherche en la matière constitue un champ d'expansion considérable. La lecture des articles consacrés au dopage laisse en effet à penser que les substances utilisées sont de plus en plus sophistiquées et variées et que, la parade n'étant pas toujours disponible, la recherche est essentielle.
Je souhaite, par conséquent, que le laboratoire puisse dégager en son sein les moyens nécessaires pour donner un coup d'accélérateur à la recherche dans la lutte contre le dopage. Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous saurez répondre à cette attente.
Par ailleurs, chacun a bien compris qu'il était nécessaire de clarifier les responsabilités : l'agence sera compétente pour les compétitions organisées sur le plan national, les compétitions organisées sur le plan international étant du ressort des fédérations internationales.
Monsieur le ministre, des craintes ont été exprimées dans cet hémicycle, que vous aurez sans doute à coeur de dissiper.
Cela a déjà été dit, mais je tiens à le répéter avec force : tout dépendra de votre engagement personnel. Votre passé est le garant des résultats de votre action ; je le crois profondément. Vous aurez probablement à vous battre sur le plan international, car ce texte est non pas une fin, mais un commencement : c'est le point de départ de l'action des pouvoirs publics français, qui auront à redoubler d'efforts et de vigilance.
Je souhaite aborder maintenant le rôle désormais dévolu aux antennes régionales : elles deviennent exclusivement des antennes de prévention, après avoir été, à leur création, des antennes de prévention et de lutte contre le dopage.
Le rapporteur nous explique qu'il s'agit d'adapter la loi aux faits ; j'en conviens. Mais j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions : quel sera le rôle exact de ces antennes ? De quels moyens disposeront-elles ? Quels seront leurs objectifs ? Comment sera assuré le suivi de leur action ?
S'agissant des autorisations d'usage thérapeutique, notre excellent rapporteur rappelait tout à l'heure qu'elles seraient de deux ordres : les plus lourdes et les moins lourdes, si je puis dire. Cependant, j'ai une petite crainte, monsieur le ministre : compte tenu du nombre fort élevé d'autorisations à donner, celles-ci ne pourront-elles pas être un moyen de contourner la loi, de passer outre toutes les précautions que nous nous efforçons de prendre ?
A l'évidence, la délivrance de ces autorisations ne peut être interdite ! On ne peut pas davantage interdire à un sportif de se soigner ! Mais comment faire pour que ces autorisations soient, autant que possible, contrôlées ? J'ai l'impression que je mets là le doigt sur une difficulté importante de mise en pratique de ce texte. Mais, fort de votre expérience, monsieur le ministre, vous saurez, j'en suis convaincu, apporter des réponses à ces interrogations.
J'aimerais terminer cette intervention, moi qui ai longtemps été enseignant, par une remarque. Tout à l'heure, j'évoquais ces jeunes qui, tous les week-ends, s'ébattent sur les stades ou dans les gymnases. D'ailleurs, ils s'adonnent à des sports de plus en plus diversifiés, y compris dans les campagnes. Autrefois, ils ne jouaient qu'au football, en tout cas dans mon département ; maintenant, ils pratiquent le basket, le handball, le tennis, le viet-vo-dao, le judo, le tir sportif.
Tout cela est très satisfaisant, mais, me direz-vous, quel rapport entre ces jeunes et le sujet que nous traitons ?
Le sport-spectacle, le sport-business que l'on montre trop souvent sur le petit écran, n'est-il pas pour les jeunes un miroir aux alouettes redoutable, qui risque de leur faire oublier que la promotion sociale se joue d'abord à l'école ? Parfois, dans certains milieux - hélas ! les plus défavorisés - ce miroir aux alouettes peut se révéler très dangereux. Votre texte, monsieur le ministre, outre sa dimension répressive, comporte une dimension éducative et préventive, absolument essentielle. Il nous faut penser à ces jeunes-là dans la mesure où, parfois, l'ascenseur social reste en panne.
Vous êtes particulièrement bien placé, monsieur le ministre, pour savoir quels efforts il est nécessaire de consentir avant de devenir un sportif de haut niveau. Il ne faudrait pas que des perspectives très aléatoires, qui risquent bien souvent de s'apparenter plutôt à des illusions, apparaissent à certains jeunes comme leur seule chance de réussite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Jean-Marc Todeschini applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orateurs précédents ont tous insisté sur les problèmes d'éthique et de santé que soulève le dopage, mais ont également abordé cette question en termes d'image.
En effet, il ne faut pas oublier que le sportif, en particulier le sportif de haut niveau, est un peu un dispensateur de rêve. Il doit également être un exemple pour les jeunes. Mais encore faut-il qu'il soit exemplaire !
Aussi, tout projet de loi tendant à lutter contre le dopage, fût-il imparfait, mérite que l'on s'y rallie sans réserve.
Il est vrai que la position la France, à la pointe de la lutte contre le dopage, est un motif de fierté, et je vous rends hommage, monsieur le ministre, pour avoir poursuivi l'oeuvre de vos prédécesseurs. C'est un domaine où l'ensemble des sensibilités politiques se retrouvent, et cela mérite d'être signalé.
Au-delà de la satisfaction que nous manifestons, des questions se posent, notamment celle-ci : au sein même de notre pays, toutes les fédérations sportives sont-elles sur la même « longueur d'onde » ?
On a stigmatisé, sans doute à juste titre, les dérives du cyclisme. Or, aujourd'hui, le monde du cyclisme mène une lutte efficace contre le dopage, en particulier grâce au suivi longitudinal. En revanche, dans certaines disciplines, sous le prétexte que « chez nous, on ne se dope pas », il règne peut-être un peu plus de laxisme.
Par ailleurs, monsieur le ministre, j'émets des doutes quant à l'attitude de certains organismes internationaux, parmi lesquels je ne citerai que l'Union cycliste internationale et le CIO, bien moins regardants que nous, Français. Ces constatations sont autant de sources d'inquiétude.
Toutefois, je souhaite, pour ma part, demeurer optimiste : ne connaissons-nous pas tous des champions tout à fait exemplaires ?
Ainsi, dans une discipline qui vous est chère, monsieur le ministre, une jeune femme de mon département, Anne-Lise Touya, dont les frères étaient déjà champions olympiques, vient d'obtenir le titre de championne du monde. Connaissant bien cette famille, je peux vous assurer fermement que tous ces titres ont été conquis d'une manière parfaitement loyale. C'est la preuve que l'on peut réussir au plus haut niveau sans l'aide d'adjuvants chimiques, et cela doit nous rendre optimistes.
Pour autant, s'il s'avère que, lors des jeux Olympiques de 2008, le pays qui a porté la contrefaçon à des niveaux jamais atteints est celui qui recueille le plus grand nombre de médailles, alors même que sa très nombreuse population n'est pas nécessairement très sportive, alors oui, j'aurai quelques doutes quant au respect de l'éthique et à la légitimité de l'attribution de certaines médailles. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP. -M. Jean-Marc Todeschini applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à souligner la richesse des interventions que nous venons d'entendre au cours de cette discussion générale.
Chacun, à commencer par M. le rapporteur, a exprimé la nécessité d'affirmer deux priorités.
La première est effectivement fondamentale : c'est le respect de l'éthique dans la pratique sportive, quel que soit le niveau de celle-ci.
La deuxième priorité, à laquelle je souscris tout autant, est d'éviter que cette évolution importante de notre dispositif de lutte contre le dopage ne se traduise pas par une moindre rigueur.
Monsieur Fortassin, vous évoquiez à l'instant le cyclisme et les efforts accomplis dans ce sport pour lutter contre le dopage. Certes, le dispositif mis en place était très perfectionné, mais il y a tout de même eu l'affaire Cofidis.
Selon moi, cette affaire et surtout les révélations faites par l'un des coureurs de cette équipe - je ne citerai pas son nom, mais il en est l'un des principaux protagonistes - sont tout à fait caractéristiques. Ce coureur a en effet raconté comment il passait son temps à contourner la loi : connaissant la date du contrôle mené dans le cadre du suivi longitudinal deux jours avant qu'il n'ait lieu, il se « lavait le sang ». Il faisait de même avant les contrôles inopinés qu'il savait devoir subir pendant les stages. Il a également expliqué comment il pouvait, avec de nouvelles doses d'EPO, passer au travers des mailles des contrôles effectués lors des compétitions.
Tout l'enjeu de la lutte antidopage consiste aujourd'hui à renforcer l'efficacité de celle-ci. Il faut faire en sorte que les contrôles effectués dans le cadre du suivi longitudinal, d'une part, et les contrôles inopinés, d'autre part, qu'ils aient lieu sur notre sol ou n'importe où ailleurs dans le monde, soient beaucoup plus aléatoires, donc beaucoup plus efficaces, afin de permettre de débusquer les tricheurs là où ils sont, tous les tricheurs : non pas seulement les coureurs ou les athlètes, mais aussi ceux qui leur fournissent les produits.
Comme je l'ai dit lors de mon propos préalable, un important travail de lutte contre le trafic des produits dopants est mené en collaboration avec Interpol. Le président de l'AMA, Richard W. Pound, doit d'ailleurs rencontrer le secrétaire général d'Interpol afin d'oeuvrer en ce sens.
S'agissant du respect de l'éthique, dès lors que le sport de haut niveau représente effectivement un magnifique exemple pour nos jeunes, le respect des règles n'en est que plus impératif.
Quant à la seconde priorité, ne pas baisser la garde et veiller à ne pas affaiblir nos positions, je la fais totalement mienne : en tant que membre de la commission exécutive de l'Agence mondiale antidopage, je défends ces positions, qui sont aussi celles des autres pays européens.
M. Dufaut a évoqué le rôle du Laboratoire national de dépistage du dopage. Certes, celui-ci va se trouver dessaisi d'une partie de ses prérogatives en matière de contrôle lors des compétitions de niveau international. Mais rien ne dit que les fédérations internationales ne délègueront pas à l'AFLD, et donc au LNDD, le soin de mettre en place les contrôles pour leur compte. La loi le permet et je pense que cela se passera ainsi.
Pour autant, le Laboratoire national pourra certainement dégager des marges de manoeuvre afin d'engager des programmes de recherche et d'effectuer sur le territoire français de nouveaux contrôles pour le compte de l'AFLD, à l'occasion de compétitions internationales comme à l'entraînement, sur des sportifs nationaux ou étrangers.
Par conséquent, on dégage des marges de manoeuvre - je reviendrai tout à l'heure sur la question du budget - et on cible mieux l'action du LNDD, qui est, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, l'un des plus performants, s'agissant notamment de la recherche sur l'hémoglobine réticulée, l'EPO, les glucocorticoïdes et les hormones de croissance. Il est d'ailleurs toujours en phase de recherche.
Je précise que ce laboratoire doit maintenir son standard en matière de recherche et ne surtout pas être pénalisé par rapport aux autres laboratoires étrangers qui se consacrent uniquement au traitement et à l'analyse.
Ce sujet est actuellement évoqué au sein de l'Agence mondiale antidopage. Un groupe de travail dont la mission est de déterminer les standards en matière de recherche et de contrôle est d'ailleurs en phase de constitution, afin d'éviter que les laboratoires à la pointe de la recherche, comme le nôtre, ne soient affaiblis. Je suis pour ma part très attentif à cette question en tant que membre de la commission exécutive.
Monsieur Valade, vous avez rappelé que, en 2004, le Laboratoire national avait traité près de 9 000 contrôles, alors quand l'AMA n'en avait réalisé que 5 000. Mais il faut savoir que les contrôles effectués par l'AMA sont tous inopinés, ce qui représente un apport d'informations d'une grande richesse.
J'ai tenu, avec d'autres membres de la commission exécutive de l'AMA, à ce que ce volume de 5 000 contrôles soit maintenu en 2005 et en 2006, car ceux-ci constituent un moyen d'investigation très important à l'encontre de sportifs qui se réfugient dans de véritables « paradis du dopage » ; nous en avons tous des exemples à l'esprit. Ces contrôles nous permettent de débusquer les tricheurs là où ils s'entraînent, et où ils pensent être à l'abri des regards.
L'Agence mondiale antidopage est donc au coeur de ce dispositif et l'Agence française, grâce à son indépendance, évoquée par M. Voguet, a toute sa place au sein du réseau d'agences.
Monsieur le président Valade, vous avez également évoqué, comme d'autres orateurs, le problème de la recherche. Pour simplifier, je diviserai ce sujet en deux volets.
D'une part, la recherche qui concerne strictement le dopage, consistant à rechercher les nouveaux procédés et les nouveaux produits, est de la compétence du Laboratoire national de dépistage du dopage et de l'Agence française de lutte contre le dopage, en relation avec l'Agence mondiale antidopage et les autres laboratoires de recherche.
Ce réseau existe d'ores et déjà. Ainsi, notre laboratoire de Châtenay-Malabry collabore avec les laboratoires grec, australien et suisse sur des programmes de recherche pilotés par l'AMA.
D'autre part, la recherche médicale dépend désormais du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative. J'aurai donc la charge de coordonner l'ensemble du dispositif. Mais pour cela, il faut des outils !
Vous l'avez dit, monsieur Valade, la recherche en matière de médecine du sport, de prévention et de santé des sportifs est trop diffuse. Beaucoup d'initiatives existent, mais elles sont très dispersées et souffrent d'un manque de coordination. J'ai d'ailleurs demandé au professeur Jean-François Dhainaut, président de l'université René Descartes-Paris 5, de me remettre un rapport sur le sujet, ce qu'il a fait il y a deux jours.
Nous allons donc mettre en place au sein de l'Institut national du sport et de l'éducation physique - un INSEP refondé et rénové puisque, comme vous le savez, je consacre 115 millions d'euros à cette rénovation - un institut de recherche médicale. Celui-ci aura pour mission de coordonner l'ensemble du dispositif en matière de recherche, non pas seulement à l'INSEP, mais sur l'ensemble du territoire, et de lancer des programmes de recherche ambitieux en matière de santé par le sport : je pense notamment à la pratique sportive de haut niveau, mais aussi à la santé des enfants, de plus en plus nombreux à être touchés par l'obésité dans notre pays ; je pense également au sport en tant que facteur de lutte contre la sédentarité, notamment chez les seniors.
Je répondrai d'un mot à l'inquiétude qui a été exprimée à propos des antennes médicales de lutte et de prévention contre le dopage. Il est vrai qu'aujourd'hui ces antennes sont peu performantes. Ainsi, le lien entre le centre d'appel « écoute dopage », basé à Montpellier, et ces antennes, est peu efficace. Je ferai donc en sorte, dès que ce projet de loi sera adopté, d'assurer une meilleure coordination de leur travail.
Je vous informe que 500 000 euros sont destinés aux antennes médicales dans le projet de budget pour 2006, afin que celles-ci puissent remplir leur fonction d'alerte, en particulier auprès des jeunes sportifs et surtout de leurs familles. Il est en effet essentiel que celles-ci comprennent mieux ces phénomènes de dérive qui peuvent entraîner peu ou prou un jeune vers le dopage lorsqu'il y est encouragé par un membre de son entourage sportif.
MM. Voguet et Todeschini ont évoqué le problème des moyens consacrés à la lutte contre le dopage.
Vous avez déploré, monsieur Todeschini, une baisse de ces crédits depuis 2002.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : en 2003, ce budget était de 16,5 millions d'euros ; il est passé l'année suivante à 17 millions d'euros pour atteindre 19 millions d'euros en 2005. Pour 2006, le projet de loi de finances prévoit un budget de 20 millions d'euros. Nous sommes donc passés en quatre ans de 16,5 millions d'euros à 20 millions d'euros, et, pour ma part, je ne parlerai donc pas d'une baisse.
Certes, la lutte contre le dopage appelle une réorganisation, une évolution à la suite de l'évaluation à laquelle nous avons procédé, mais les moyens sont là, et, monsieur Voguet, si je ne me suis pas permis d'inscrire dans le projet de loi de finances pour 2006 les moyens de l'AFLD, la future Agence française de lutte contre le dopage, c'est parce qu'il aurait été, vous en conviendrez, assez méprisant à l'égard de la représentation nationale d'établir un budget faisant état de l'installation de cette Agence alors que la loi n'a pas encore été votée.
J'ai donc souhaité attendre, et, bien évidemment, les moyens destinés à l'AFLD feront l'objet d'un amendement. Pour votre information, nous estimons ces moyens à environ 6,8 millions d'euros, pour assurer le fonctionnement de l'Agence ainsi que celui du Laboratoire national de dépistage du dopage.
Par ailleurs, vous interprétez tous l'alignement de la liste des produits interdits de la France sur la liste de l'Agence mondiale antidopage comme un fait nouveau. Or, depuis la loi du 23 mars 1999, la France appliquait, non pas la liste de l'AMA puisque l'AMA n'existait pas encore, mais la liste du CIO. La transposition s'effectuait donc déjà.
Comme vous, je regrette qu'il y ait deux listes, une liste en compétition et une liste hors compétition, sur laquelle les stimulants, voire les drogues « sociales », comme la cocaïne, ne sont pas inscrits. Chaque fois que je me rends à l'AMA, je me bats pour que ces produits soient intégrés dans les deux listes, mais, dès lors qu'en 1999 le principe des deux listes a été accepté, il est difficile de revenir en arrière.
Enfin, je reconnais que les AUT, en particulier les AUT allégées, évoquées notamment par M. Gouteyron, suscitent une véritable interrogation à laquelle nous tenterons aussi de répondre le 20 novembre, lors de la commission exécutive de l'AMA.
Il y a encore un besoin de pédagogie et d'interprétation des AUT allégées. Pour autant, je rappelle que, si un athlète peut déposer une demande d'AUT allégée en amont de la compétition, la commission médicale peut préempter l'autorisation et remettre en cause son principe si elle estime que celle-ci est surannée et n'est pas en adéquation avec le profil de santé de l'athlète.
S'il est donc vrai que la réflexion n'est pas finalisée - un travail d'études est d'ailleurs en cours sur ce sujet et devrait nous permettre d'aboutir à des AUT allégées plus performantes et plus pertinentes -, un moyen de remettre en cause a posteriori le principe des AUT allégées, lesquelles sont nécessaires, vous en conviendrez, pour un certain nombre de produits, est donc aujourd'hui à la disposition des commissions médicales, en particulier celles des fédérations internationales et de l'AMA, si elles estiment que le sportif a outrepassé, bien sûr avec le soutien d'un médecin peu scrupuleux, les limites de ce type d'autorisation.
Mais nous aurons, mesdames, messieurs les sénateurs, l'occasion de revenir plus précisément sur tous ces points lors de l'examen des amendements.
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
Organisation de la lutte contre le dopage