B. DES FORMES TRÈS DIVERSES
•
Au-delà des similitudes précédentes, l'observateur est
parfois surpris par les
disparités
de présentation des
contrats de plan.
Matériellement
, les contrats de plan sont ainsi des documents
d'ampleur inégale (d'une quarantaine de pages à plus de deux
cents pages), dont la mise en forme épouse toutes les nuances depuis un
austère document technique en noir et blanc, jusqu'à un petit
livret en couleurs parsemé de photographies.
En outre,
l'écriture
des contrats emprunte dans certains cas le
ton et les formes d'un discours programmatique, tandis que certains documents
sont construits et écrits en stricte
forme juridique
, avec une
articulation très formelle, des visas, des clauses d'exécution
très précises, une clause de juridiction, et des actions
découpées en chapitres et en articles.
• Les préambules des textes confirment cette impression en
donnant des
définitions
différentes pour les contrats de
plan et leur objet.
En effet, certains contrats renvoyaient explicitement à des articles,
d'ailleurs variables, de la
loi du 29 juillet 1982.
Le contrat de plan
de la région Rhône-Alpes précisait ainsi :
"
le présent contrat constitue un contrat de plan au sens de
l'article 4
de la loi du 29 juillet 1982
", tandis que le
contrat de plan de la région Pays de la Loire indiquait que "
le
présent contrat constitue un contrat de plan au sens de
l'article
11
de la loi du 29 juillet 1982
".
D'autres contrats de plan, comme en région Poitou-Charentes,
définissaient les contrats de plan comme "
l'ensemble des
actions que l'Etat et la Région s'engagent à mener
conjointement, en association avec d'autres partenaires, pendant la
période 1994-1998
".
Il s'agit là d'une formulation proche, mais différente, de celle
retenue dans l'article 11 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1982, qui
insistait sur le caractère
contractuel
du contrat de
plan ("
le contrat de plan conclu entre l'Etat et la région
définit les actions que l'Etat et la région s'engagent à
mener conjointement, par voie contractuelle, pendant la durée du
plan
").
De manière similaire, le contrat de plan pour la Lorraine était
présenté comme suit : "
Le Préfet de
région et le Président du Conseil Régional de Lorraine,
parties contractantes, vu...., considérant...., convaincus....,
décident par le présent contrat de plan de mettre en oeuvre les
actions suivantes
".
En revanche, certains contrats de plan ne comportaient pas de définition
explicite du contrat de plan, mais seulement des éléments
d'explication de la démarche, par exemple :
- "
l'intérêt de la démarche contractuelle
réside dans la définitions d'objectifs communs d'intervention de
l'Etat et de la Région en faveur de la Franche-Comté pour les
cinq prochaines années ; ce contrat est donc d'abord un
contrat-cadre
par objectif dont le but est de garantir la
cohérence de l'action publique
" (Franche-Comté) ;
- "
ce contrat de plan est conçu essentiellement comme un
accord-cadre
[qui] appelle à être complété
par des conventions particulières d'application
"
(Haute-Normandie) ;
- "
le présent contrat de plan constitue l'une des
premières concrétisations et l'un des principaux
outils
d'exécution
[
du Plan régional
]...A travers ce contrat
de plan l'Etat et la Région affirment leur volonté commune de
continuer à construire la Picardie de demain et proposent pour y
parvenir trois grands axes d'intervention
" (Picardie).
Bien plus que de la variété des régions de France, ces
disparités témoignent de ce que la contractualisation n'a ni le
même sens, ni la même portée pour tous les acteurs
concernés.
Le contrat de plan pour la Région Rhône-Alpes s'efforce d'ailleurs
en préambule de préciser la signification du
contrat (cf. encadré ci-dessous).
LA SIGNIFICATION DU CONTRAT DE PLAN EN RHÔNE-ALPES
Le
contrat de plan 1994-1998 pour la région Rhône-Alpes comporte en
préambule un exposé détaillé de "
la
signification du contrat de plan
", qui précise notamment qu'il
"
s'agit d'un contrat passé entre des partenaires pour agir dans
le même sens et non pas d'un exercice budgétaire pluriannuel qui
fixerait dans le détail toutes les modalités de gestion de
" ce " budget pour les cinq ans à venir, [même si] cette
vision d'un contrat qu'il faut continuer à faire vivre au fil des ans
(mise au point des procédures, promotion des actions,
évaluation...) ne remet bien entendu pas en cause la valeur des
engagements financiers qui y seraient pris. [Par ailleurs,] le contrat de plan
n'est pas exhaustif : il ne cherche pas à couvrir l'ensemble des
préoccupations de la vie économique, sociale et
culturelle...[Enfin], le contrat de plan n'est pas exclusif : ...à
l'évidence, l'Etat et la Région agissent et continueront d'agir
en dehors des actions inscrites au contrat de plan. Celui-ci ne peut donc
prétendre en aucun cas résumer son action
".
Source : Contrat de plan 1994-1998 pour la région Rhône-Alpes.
• De la même manière, les contrats de plan accordent une
place variable aux
partenaires
de l'Etat et de la Région.
Le contrat de plan 1994-1998 pour
Poitou-Charentes
s'inscrivait ainsi
résolument dans une
perspective européenne
:
- en indiquant en sous-titre du contrat "
avec
le concours de
l'union européenne
" ;
- en mentionnant dès la troisième page, sous les signatures du
Préfet et du Président de la Région que
" ce
contrat engage également l'Europe
" ;
- en mentionnant parmi les visas du contrat les règlements
européens relatifs aux fonds structurels et au FEOGA.
Cette initiative est néanmoins demeurée relativement
isolée, même si certains contrats précisent que
"
le contrat de plan sera complété par les programmes
européens et il apportera l'essentiel des contreparties nationales
exigées par ces programmes
"
79(
*
)
, qu'il s'inscrit "
en relation
avec l'Union européenne
"
80(
*
)
, qu'il "
contribuera à
orienter les autres financements publics, notamment ceux des programmes
communautaires
"
81(
*
)
,
etc.
Plus généralement, la présentation du contrat laisse une
place inégale aux autres
collectivités locales
et à
leurs contributions, ce qui n'est pas sans soulever des questions quant
à la portée des "
engagements
" pris par les
collectivités non signataires.
Plusieurs contrats se sont d'ailleurs efforcé de lever ces
ambiguïtés
, en indiquant que pour tous les programmes dans
lesquels d'autres collectivités (départements, villes) ou
organismes (SNCF, ADEME, Organismes de recherche, Offices agricoles, Syndicats
mixtes, etc.) sont impliqués, "
des contrats particuliers
pluriannuels ou des conventions d'application seront élaborés
avec ces partenaires
"
82(
*
)
ou que les conventions d'application
du contrat de plan "
préciseront leurs engagements financiers et
seront signées par toutes les parties prenantes
", les
participations des autres partenaires n'étant donc
"
qu'évaluées
"
83(
*
)
.
En outre, certains contrats de plan rappellent les clefs de financement retenus
pour les routes, donc les participations demandées aux
Départements et aux Villes.
De manière plus précise, le contrat de plan pour la
Franche-Comté, région où les Départements
étaient pourtant "
associés
" à la
signature du contrat, indiquait : "
les contributions des autres
collectivités locales sont mentionnées dans ce contrat à
titre indicatif
, pour tenir compte notamment des règles de
cofinancement imposées par les textes en vigueur. Elles deviendront
effectives après la signature du présent contrat par les parties
prenantes, accord préalable sur les projets, et vote des budgets
correspondants. Elles peuvent être si nécessaire
précisées par des conventions d'application. La
réalisation des opérations qui appellent un financement
complémentaire des collectivités locales est subordonnée
à cet engagement
".
Par ailleurs certains contrats mentionnent des participations
d'acteurs
privés
, comme les établissements d'accueil de personnes
âgées pour les programmes de rénovation afférents.
• Enfin, votre rapporteur a relevé dans les documents qui lui ont
été transmis de nombreuses dispositions particulières, qui
entendaient concilier sécurité juridique et souplesse
d'exécution pour les contrats de plan (cf. encadrés
ci-après).
EXEMPLES DE DISPOSITIONS PARTICULIÈRES RELATIVES
A LA
RÉVISION DE CERTAINS CONTRATS DE PLAN
Plusieurs contrats de plan comportent des clauses de
révision
qui s'efforcent de concilier la
sécurité
des contrats,
avec le
pragmatisme
nécessaire à leur exécution.
Le contrat de plan pour la
Bretagne
précisait ainsi :
- "
une
réduction
des crédits prévus par
l'une des parties autorise l'autre partie à réduire sa
contribution dans les mêmes proportions
;
-
en matière de report et
d'annulation
de
crédits
, les règles de la comptabilité publique
s'appliquent pour les cocontractants ; ainsi ils s'engagent à
n'effectuer aucune réfaction ou annulation de crédits sans
négociation préalable
;
-
des clauses permettant, pour certains programmes et sous
réserve de l'accord des cocontractants, un
redéploiement
partiel des crédits affectés entre les
différentes
opérations concourant au même objectif, pourront figurer dans les
conventions d'application
".
Les contrats de plan pour la région Rhône-Alpes et pour la
région Pays de la Loire précisaient que le contrat
était
révisable de plein droit
si les lois de
finance n'ouvraient pas des moyens financiers suffisants.
En outre, le contrat de plan pour la région Rhône-Alpes stipulait
"
lors de l'examen du compte rendu annuel d'exécution du contrat
et s'il est constaté que l'une des parties n'a pu respecter ses
engagements annuels pour des raisons d'opportunité, la partie
défaillante recherchera les voies et les moyens de rattraper son retard
au cours de l'exercice suivant. Faute d'un tel palliatif, l'autre partie est
fondée à
dénoncer
l'article
du contrat de
plan non respecté
... ".
Pour sa part, le contrat de plan pour Poitou-Charentes indiquait
"
l'impossibilité pour un partenaire de remplir ses engagements
sur un point particulier n'entraîne pas systématiquement une
remise en cause de l'ensemble du contrat. Les deux parties conviennent de
s'informer
mutuellement des difficultés qui pourraient
survenir
".
Enfin, le contrat de plan pour la région Pays de la Loire
ajoutait : "
tout nouveau
transfert de compétences
de l'Etat vers la Région, les départements ou les communes sera
susceptible d'entraîner révision du contrat...Faute d'accord entre
les parties, le contrat de plan pourra être
résilié
".
De même, le contrat de plan pour la Picardie prévoyait que
"
les parties cocontractantes conviennent que le présent contrat
pourra être révisé, ou complété par des
conventions annexes, afin de tenir compte des éventuelles
évolutions du cadre législatif
, et notamment des
évolutions des compétences respectives de l'Etat et des
collectivités territoriales ou des évolutions qui pourraient
résulter de l'adoption d'un Schéma national d'Aménagement,
décliné de façon quinquennale par une loi de
programmation
".
Il est à noter que ces dispositions n'ont pas été mises en
oeuvre alors même que l'équilibre général des
contrats fut bouleversé.
EXEMPLES DE DISPOSITIONS PARTICULIÈRES RELATIVES A
L'EXÉCUTION DE CERTAINS CONTRATS DE PLAN
Plusieurs contrats de plan comportent des dispositions qui
entendaient favoriser une
exécution
simplifiée
et
partenariale
des contrats.
Le contrat de plan de la région Lorraine précisait "
les
conventions d'application devront
éviter
, sauf cas
exceptionnels, le
cofinancement
opération par opération
afin d'introduire suffisamment de souplesse dans la mise en oeuvre des
mesures
".
Le contrat de plan de la Région Bretagne explicite plusieurs
dispositions de nature à en accélérer
l'exécution du programme
Université 2000
:
- "
lorsque pour une opération, la part totale des
collectivités territoriales dépassera deux tiers de
l'investissement TTC (hors équipement), l'Etat pourra
déléguer à l'une d'entre elles, si elle le demande, la
maîtrise d'ouvrage de l'opération, dans le respect des
procédures fixées par la réglementation en vigueur. La
Région proposera à l'Etat une liste des opérations
susceptibles de bénéficier de ces dispositions
;
-
sur une opération, les collectivités locales (ou leurs
groupements) auxquels la maîtrise d'ouvrage a été
confiée peuvent avec l'accord de l'Etat réaliser une
première tranche fonctionnelle sans la participation de l'Etat, la
totalité de la participation de celui-ci étant apportée
sur des tranches ultérieures
".
Enfin, le contrat de plan de la Région Bourgogne prévoyait la
mise en place de plus d'une dizaine de commissions mixtes sectorielles
Etat-Région, élargies le cas échéant aux autres
partenaires du contrat et à des représentants des professions ou
à des personnalités qualifiées, ayant pour missions
d'élaborer les
programmes annuels d'exécution
et
d'examiner l'avancement des opérations financées au titre des
différents volets du contrat, ces commissions n'ayant toutefois qu'un
rôle de proposition.
• Il convient plus particulièrement de signaler que
les
engagements financiers
portés aux contrats de plan ne sont pas
traités de manière
homogène
, ce qui ne peut que
brouiller le suivi financier des contrats :
- en effet la plupart des contrats sont muets quant aux conditions
d'actualisation des engagements financiers ;
- mais certains contrats précisent, comme en Languedoc-Roussillon
"
que les engagements financiers des cocontractants s'entendent en
francs de 1993
", c'est à dire en
francs constants
;
- tandis que d'autres contrats stipulent que ces montants
" s'entendent
en
francs courants
" ou "
ne sont pas
actualisables
" ;
- enfin, certaines rédactions sont plus complexes : en Picardie
" les participations financières s'entendent en
francs
courants 1994
", formule qui peut prêter à
ambiguïté ; en Alsace, le contrat de plan distingue les seules
opérations routières, pour lesquelles
" l'effort
financier de l'Etat est fixé en valeur 1993 pour la période du
contrat
", des autres opérations, pour lesquelles le contrat ne
comporte aucune précision.
Il se confirme donc que les Régions n'ont pas appréhendé
la contractualisation de la même manière et n'ont pas entendu
donner la même
signification
aux contrats de plan.