2. La mise en place de marchés internationaux de permis d'émissions pourrait s'accompagner de conflits et de distorsions de concurrence
Compte
tenu des difficultés pratiques évoquées
précédemment, les marchés de permis d'émission
seront inévitablement
imparfaits
, ce qui pourrait occasionner des
conflits et des litiges de nature à favoriser les pays les plus
" forts " à l'échelle internationale. En particulier,
si le nombre de vendeurs ou d'acheteurs effectifs était réduit,
il est à craindre que les échanges de permis ne soient
utilisés comme " arme politique ".
Par ailleurs, certains États pourraient être tentés de
manipuler
l'
allocation
interne des permis négociables pour
donner un avantage à leurs entreprises nationales.
Les modalités d'allocation interne des permis peuvent en effet exercer
un impact sensible sur les
coûts de production
de certaines
unités industrielles, comme l'illustre l'exemple ci-dessous;
emprunté à Olivier GODARD
71(
*
)
.
MODALITÉS D'ALLOCATION DES PERMIS ET COÛTS DE PRODUCTION
On
considère deux unités sidérurgiques fictives soumises
à des régimes différents pour la même contrainte de
réduction des émissions (- 10 %) : la première
doit acheter ses permis aux enchères, la seconde reçoit ses
permis gratuitement.
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Unité (A)
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Unité (B)
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Régime national : |
Permis négociables domestiques
Allocation initiale aux enchères
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Permis
négociables
Allocation initiale gratuite
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Surcoûts totaux |
L'entreprise doit acheter 500000 t de permis
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L'entreprise doit baisser de 10 % ses émissions ou
acheter 50000 t de permis
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Surcoûts/tonne d'acier (hypothèse de prix : 417 $/tonne d'acier) |
+ 8 % |
+ 0,8 % |
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Le surcoût direct pour l'entreprise qui achète tous ses permis est donc de 7,2 % par rapport à sa concurrente. |
Olivier
GODARD souligne ainsi que "
la non harmonisation des règles
d'allocation initiale pour la mise en oeuvre de permis négociables
domestiques pourrait affecter les conditions de la concurrence entre firmes.
L'anticipation de cet impact pourrait conduire chaque pays à s'aligner
sur les règles les plus avantageuses pour les firmes émettrices,
c'est-à-dire l'allocation gratuite, alors que cette solution
présente deux
inconvénients
majeurs :
- elle favorise les entreprises en place contre les nouveaux
entrants ;
- elle prive l'État du produit de la vente des permis, au
détriment des secteurs moins polluants (un État qui donne
gratuitement des permis négociables aux entreprises polluantes ne peut
opérer de redéploiement global au profit des secteurs non
polluants, c'est-à-dire ne peut bénéficier de
double
dividende)
".
En outre, certains États pourraient être tentés de vendre
les permis aux entreprises en place, tout en les accordant gratuitement aux
nouvelles installations, ce qui constituerait une
subvention
déguisée
aux investissements étrangers.
Enfin, des distorsions de concurrence pourraient survenir si certains
États recourraient aux marchés de permis pour leurs entreprises,
tandis que d'autres préféraient instaurer une écotaxe,
comme l'illustre ce nouvel exemple d'Olivier GODARD.
72(
*
)
|
INSTRUMENTS NATIONAUX DE MAÎTRISE DES ÉMISSIONS ET COÛTS DE PRODUCTION
De
manière analogue à l'illustration précédente,
soient deux usines sidérurgiques situées l'une en France, l'autre
aux États-Unis, qui émettent chacune 500 000 tonnes de
carbone.
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France
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États-Unis
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Objectif uniforme : réduction de 10 % |
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Régime national : |
Taxe à 600 F/tC + compensation sous la forme de baisses de charges sur les bas salaires |
Permis
négociables
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Coûts totaux : |
500000t x 600 FF = 300 MF |
50000 t x 70 $ = 3,5 M$ =21 MF |
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Surcoûts/tonne d'acier (2500 FF) : |
300 F = + 12 % |
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Au
total, il serait optimal que les
instruments nationaux
soient
coordonnés
à l'échelle internationale. Les
propositions présentées à cette fin par la France au
sommet de Kyoto se sont toutefois heurtées à une forte opposition
des Etats-Unis, comme de certains autres États de l'Union
européenne, qui souhaitaient que les modalités nationales de
maîtrise des émissions demeurent du ressort de leur
souveraineté
.
A défaut, il serait souhaitable que les
règles
d'assiette
des taxes ou
d'allocation
internes des permis pour les
pays qui recourraient à ces instruments soient
harmonisées
à l'échelle internationale, mais un accord à ce sujet
semble aujourd'hui encore hors de portée
73(
*
)
.
À tout le moins, une fraction minimale de permis négociables
devrait être mise aux
enchères
dans une procédure
ouverte aux opérateurs étrangers, afin que le système des
permis négociables soit "
ouvert et concurrentiel
".
Il est par ailleurs nécessaire d'adapter à l'échelle
européenne des règles d'allocations transparentes, non
discordantes et non discriminatoires, qui soient fondées sur ces
critères communs à tous les États de l'Union, comme l'y
invite la Commission européenne.