MAÎTRISER LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE : QUELS INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES ?
LEPELTIER (Serge)
RAPPORT D'INFORMATION 346 (98-99) - Délégation du Sénat pour la planification
Table des matières
- SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS
- INTRODUCTION
-
CHAPITRE I
DÉSORMAIS SCIENTIFIQUEMENT ÉTABLIE,
LA NÉCESSITÉ DE MAÎTRISER LES ÉMISSIONS
DE GAZ À EFFET DE SERRE A ÉTÉ UNANIMEMENT RECONNUE LORS DES SOMMETS
DE RIO (1992) ET DE KYOTO (1997)- I. POURQUOI LUTTER CONTRE L'ACCUMULATION DE GAZ À EFFET DE SERRE DANS L'ATMOSPHÈRE ?
- II. POURQUOI S'EFFORCER DE RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DÈS MAINTENANT ?
-
III. POURQUOI LES PAYS INDUSTRIALISÉS DOIVENT-ILS
S'ENGAGER LES PREMIERS DANS LA MAÎTRISE DES ÉMISSIONS DE GAZ
À EFFET DE SERRE ?
- 1. Les pays en développement seront à l'avenir les principales victimes et les principaux responsables de l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre
- 2. Les pays industrialisés ont toutefois une responsabilité historique en matière d'effet de serre
- 3. Les pays industrialisés doivent donc s'engager les premiers dans la maîtrise des émissions, de manière suffisamment crédible pour rallier les pays en développement
- IV. POURQUOI ACCORDER LA PRIORITÉ À LA MAÎTRISE DES ÉMISSIONS DE CO2 ?
-
CHAPITRE II
LA THÉORIE ÉCONOMIQUE PROPOSE DES INSTRUMENTS POUR RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE AU MOINDRE COÛT- I. LA MAÎTRISE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE N'IRA PAS SANS COÛTS NI EFFETS REDISTRIBUTIFS
-
II. LA TAXATION DES ÉMISSIONS DE CO2 : UN
INSTRUMENT SIMPLE ET EFFICIENT, MAIS QUI POURRAIT PÉNALISER LA
COMPÉTITIVITÉ DES PAYS QUI Y RECOURRAIENT ISOLÉMENT.
- 1. La taxation est un instrument simple et efficient, qui satisfait au principe pollueur-payeur
- 2. Pour être efficace, la taxation doit toutefois s'accompagner de politiques publiques d'incitation à la maîtrise de l'énergie
- 3. Sous certaines conditions strictes, la taxation des émissions de CO2 pourrait conduire à un " double dividende "
- 4. La taxation des émissions de CO2 doit être coordonnée à l'échelle internationale
- 5. La coordination internationale des taxes sur le CO2 est néanmoins délicate
-
III. LES MARCHÉS DE PERMIS D'ÉMISSION
CONSTITUENT UN INSTRUMENT EFFICIENT, MAIS DE MISE EN oeUVRE DIFFICILE
- 1. Le principe des marchés de permis d'émission n'est aucunement immoral
- 2. Les marchés de permis constituent un instrument efficient sous certains conditions
- 3. Cette intuition théorique est validée par les expériences de marchés de permis conduites aux États-Unis
- 4. L'allocation initiale des permis soulève toutefois des difficultés considérables
- IV. LA RÉGLEMENTATION EST NÉCESSAIRE, À TITRE COMPLÉMENTAIRE
- V. BIEN CIBLÉES, LES SUBVENTIONS SONT EFFICACES
-
CHAPITRE III
ENJEUX ET MODALITÉS DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE- I. UNE COOPÉRATION DIFFICILE
- II. POURTANT SIMPLE ET EFFICIENTE, LA CRÉATION D'UNE TAXE COORDONNÉE SUR LE CO2 N'A PAS ENCORE FAIT L'OBJET D'UN ACCORD INTERNATIONAL
- III. LE SOMMET DE KYOTO S'EST CONCLU PAR UN ACCORD SUR LE PRINCIPE DE QUOTAS D'ÉMISSIONS POUR LES PAYS INDUSTRIALISÉS À PARTIR DE 2008, C'EST-À-DIRE D'UNE APPROCHE PAR LES QUANTITÉS ET NON PAS PAR LES PRIX
-
IV. LES PAYS SIGNATAIRES DU PROTOCOLE DE KYOTO SE SONT
ÉGALEMENT ACCORDÉS SUR LE PRINCIPE DE MÉCANISMES
D'ÉCHANGE DE LEURS QUOTAS
- 1. Le principe commun de ces mécanisme de flexibilité : plusieurs pays peuvent s'accorder pour répartir leurs efforts de manière plus efficiente
- 2. L'Union européenne a ainsi obtenu la possibilité de former une " bulle " au regard du protocole de Kyoto
- 3. Le protocole de Kyoto reconnaît également la possibilité de marchés internationaux de permis d'émissions, et le principe de la " mise en oeuvre conjointe "
- 4. Le protocole de Kyoto reconnaît deux mécanismes de flexibilité intertemporelle
- 5. Le protocole de Kyoto reconnaît le " mécanisme de développement propre "
-
V. LE FONCTIONNEMENT CONCRET DE CES MÉCANISMES
D'ÉCHANGE, QUI SOULÈVENT DES DIFFICULTÉS
CONSIDÉRABLES, DEVRA ÊTRE NÉGOCIÉ AVANT LA FIN DE
L'AN 2000
- 1. Le " calendrier de Buenos Aires "
- 2. Le fonctionnement pratique de ces échanges soulève des difficultés considérables
- 3. Les difficultés pratiques soulevées par les mécanismes de flexibilité sont liées au principe même des quotas, et non pas aux instruments d'échange
- 4. Le mécanisme de développement propre présente des risques spécifiques
-
VI. LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHANGES DE PERMIS
D'ÉMISSION SOULÈVE DES INQUIÉTUDES LÉGITIMES
- 1. Les marchés de permis pourraient constituer une désincitation à la maîtrise des émissions pour les pays industrialisés
- 2. La mise en place de marchés internationaux de permis d'émissions pourrait s'accompagner de conflits et de distorsions de concurrence
- 3. L'Union européenne souhaite donc limiter le rôle des mécanismes de flexibilité
- VII. LA FRANCE ET L'UNION EUROPÉENNE SERAIENT TOUTEFOIS LES PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES DES ÉCHANGES DE PERMIS, ET NE POURRONT SANS DOUTE PAS RESPECTER LEURS ENGAGEMENTS DE KYOTO SANS ACHETER DES PERMIS
- VIII. L'UNION EUROPÉENNE DOIT DONC ENVISAGER AVEC PLUS D'OUVERTURE LES ÉCHANGES DE PERMIS D'ÉMISSION
-
CHAPITRE IV
A L'ÉCHELLE NATIONALE, ASSOCIER
VOLONTARISME POLITIQUE ET UTILISATION PRAGMATIQUE DES INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES-
I. COMBINER LES INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES AVEC
PRAGMATISME
- 1. Pour des politiques graduelles, prévisibles et crédibles
- 2. Pour des politiques coordonnées à l'échelle européenne
- 3. Réduire les distorsions fiscales et réglementaires
- 4. Différencier les politiques de maîtrise des émissions selon les secteurs d'activité
- 5. Privilégier la vérité des prix dans le secteur des transports
- 6. Privilégier les incitations publiques et la réglementation pour le secteur résidentiel-tertiaire
- 7. Privilégier les engagements volontaires et l'accès aux marchés de permis pour les industries à haut contenu énergétique
-
II. INFLÉCHIR LES CHOIX COLLECTIFS
- 1. Informer les citoyens
- 2. Rétablir la notion de maîtrise de l'énergie
- 3. Donner l'exemple dans les administrations
- 4. Prendre en compte l'effet de serre dans les choix publics
- 5. Evaluer et coordonner les choix publics
- 6. Associer les collectivités locales
- 7. Débattre au Parlement des Plans nationaux de lutte contre l'effet de serre
-
I. COMBINER LES INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES AVEC
PRAGMATISME
- CONCLUSION
N°
346
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès verbal de la séance du 11 mai 1999.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour la planification (1) sur les instruments économiques et fiscaux visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre,
Par
M. Serge LEPELTIER,
Sénateur.
(1)
Cette délégation est composée de
: MM. Joël
Bourdin,
président
; Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Georges
Mouly, Jean-Pierre Plancade,
vice-présidents
; Roger Husson,
Mme Odette Terrade,
secrétaires
; M. Pierre André,
Mme Janine Bardou, MM. Michel Charzat, Patrick Lassourd, Henri Le Breton,
Daniel Percheron, Roger Rinchet, Alain Vasselle.
Environnement -
Changement climatique - Commerce international -
Coordination des politiques économiques - CO
2
-
Développement propre - Double dividende - Economies d'énergie -
Economie de l'environnement - Ecotaxe - Effet de serre - Equité -
Evaluation des politiques publiques - Fiscalité - Marchés de
permis - Mécanismes de flexibilité - Modèles
macroéconomiques - Permis d'émission négociables -
Protocole de Kyoto - Prospective -Réglementation - Sommet de Rio -
Subventions - Transports - Union européenne.
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS
Pour
les négociations internationales relatives au changement
climatique :
• Promouvoir inlassablement l'idée d'une taxation des
émissions de CO
2
coordonnée dans les pays de l'OCDE.
• Mais accepter, au nom du principe de précaution, le
développement des échanges internationaux de permis
d'émissions, dont la France aura sans doute besoin pour respecter ses
engagements de Kyoto.
• Renoncer à l'idée avancée par la France et l'Union
européenne de rationner ces échanges de permis.
• Mais mobiliser les négociateurs européens pour que les
échanges de permis prévus par le protocole de Kyoto soient
efficaces, transparents, ouverts, non discriminatoires et concurrentiels.
• Promouvoir l'harmonisation internationale des règles
d'allocation des permis d'émissions aux opérateurs privés.
• Renforcer l'expertise économique et financière des
Délégations européennes aux conférences
internationales sur le climat.
• Inciter les entreprises françaises à participer à
des projets de développement propre.
Pour le cadre communautaire de maîtrise des émissions de gaz
à effet de serre :
• Adopter la proposition de directive qui vise à étendre
et à renforcer la taxation minimale des produits
énergétiques.
• Rechercher les bases d'un compromis pour une coordination plus
ambitieuse de la fiscalité de l'énergie dans l'Union
européenne.
• Coordonner les grandes lignes des politiques nationales des Etats
membres en matière d'effet de serre.
• Instaurer avant 2008 un système européen de permis
d'émissions négociables, ouvert aux entreprises industrielles et
aux collectivités territoriales, et interconnecté à terme
avec les marchés internationaux de permis.
Pour les mesures nationales de maîtrise des émissions de gaz
à effet de serre :
• Mieux informer les citoyens des enjeux liés au changement
climatique.
• Débattre au Parlement des plans nationaux de lutte contre
l'effet de serre.
• Conduire des politiques graduelles, annoncées à l'avance
et qui préparent systématiquement le très long terme.
Privilégier les mesures " utiles en tout état de
cause ".
• Déterminer, dans le cadre du Commissariat général
du Plan, une valeur de référence pour la tonne de carbone
émis.
• Intégrer systématiquement la valeur des émissions
de gaz à effet de serre évitées ou suscitées par
les grands projets d'infrastructure dans l'évaluation de leur
rentabilité socio-économique.
• Refonder et rétablir la notion d'économies
d'énergie. Renforcer durablement les moyens de l'ADEME consacrés
à la maîtrise de l'énergie.
• Donner l'exemple dans les bâtiments de l'Etat : respecter la
réglementation qui limite la température dans les locaux
publics ; modifier les modalités d'investissement immobilier de
l'Etat pour prendre en compte les coûts de fonctionnement des
bâtiments.
• Réduire les distorsions fiscales et réglementaires qui
concourent insidieusement à accroître nos émissions de gaz
à effet de serre : rapprocher la fiscalité des
énergies primaires de leur contenu en CO
2
;
rééquilibrer la fiscalité des carburants ; modifier
les mécanismes de péréquation des prix de
l'électricité ; favoriser le développement des
énergies renouvelables dans les départements d'outre-mer.
• Promouvoir la filière bois et le développement de la
cogénération.
• Restituer au consommateur un signal de prix qui intègre le
coût pour la collectivité du choix de son mode de transport ;
moduler la fiscalité des véhicules selon leurs émissions
de polluants.
• Contrôler l'application de la réglementation relative aux
performances énergétiques des nouveaux bâtiments.
Simplifier et renforcer la réglementation relative aux bâtiments
tertiaires.
• Amplifier les déductions fiscales pour gros travaux sur les
opérations de rénovation et de réhabilitation qui
présentent une utilité collective manifeste, et plus
particulièrement sur les travaux qui réduisent la consommation
d'énergie.
• Informer sur les gisements d'économies d'énergie :
sensibiliser les jeunes aux consommations inutiles ; diffuser les ampoules
basse consommation, renforcer l'étiquetage des appareils
électroménagers ; développer la certification ;
former à la conduite économique ; mettre en oeuvre la
disposition de la loi sur l'air du 30 décembre 1996 qui rend obligatoire
l'information des locataires et des acquéreurs de logements sur les
dépenses énergétiques qu'ils peuvent s'attendre à
acquitter annuellement.
• Développer l'appui au diagnostic énergétique
pour les collectivités locales, les PME et les particuliers. Mettre
à leur disposition, via le réseau Internet, des auto-diagnostics
énergétiques. Favoriser l'émergence d'un marché de
services énergétiques aux usagers.
Pour les collectivités territoriales :
• Informer et conseiller les élus locaux. Associer les
collectivités territoriales à la maîtrise des
émissions de gaz à effet de serre.
• Prendre en compte, de manière cohérente, la
maîtrise des émissions de gaz à effet de serre dans les
contrats de Plan Etat-Régions et dans les contrats
d'agglomération.
• Coordonner les politiques foncières, la fiscalité locale,
l'urbanisme commercial, l'offre de services collectifs et l'offre de transports
en commun pour réduire les trajets subis et le recours
systématique à la voiture individuelle pour les
déplacements quotidiens.
• Promouvoir l'offre de transports économes en énergie
fossile. Faciliter la circulation à vélo. Mieux imputer aux
automobilistes le coût collectif de l'usage de leur véhicule en
ville. Mieux réguler les feux.
• Développer les énergies locales : filière
bois, cogénération, valorisation énergétique des
déchets, petit hydraulique, géothermie, éolien,
solaire.
INTRODUCTION
A
l'issue du sommet " Planète terre " tenu à Rio de
Janeiro en juin 1992, 171 Etats, dont tous les Etats européens, auxquels
s'ajoute l'Union européenne, signataire à part entière,
ont ratifié la
convention-cadre
des Nations Unies sur le
changement climatique
, dont l'objectif ultime est "
la
stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans
l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation
anthropique
1(
*
)
du système
climatique
".
Dans le cadre de cette convention, entrée en vigueur le
21 mars 1994, les pays dits " de l'Annexe I ",
c'est-à-dire les pays de l'OCDE (dont la France), l'Ukraine et la
Russie, ainsi que la plupart des pays d'Europe orientale, se sont
engagés à
stabiliser
le volume de leurs émissions
de gaz à effet de serre en l'an 2000 au même niveau qu'en 1990.
Au
Sommet de Kyoto
(décembre 1997), ces engagements ont
été prolongés pour la période 2008-2012 : les pays
industrialisés se sont en moyenne engagés à réduire
de 5,2 % leurs émissions de gaz à effet de serre sur la
période 2008-2012 par rapport à 1990, l'Union européenne
s'engageant pour sa part à réduire ses émissions de
8 %.
Dans le cadre d'un accord interne à l'Union européenne, la
France
s'est engagée à
stabiliser
ses
émissions
(objectif 0 %).
Ces
objectifs
quantifiés, notamment parce qu'ils ne concernent
que les pays industrialisés, sont relativement
modestes
d'un
point de vue environnemental : leur respect ne ferait que ralentir
légèrement la progression des concentrations de gaz à
effet de serre dans l'atmosphère et retarder un peu les effets du
changement climatique.
Pourtant, le respect de ces engagements suppose une
inflexion majeure
des tendances de la consommation d'énergie dans les pays les plus
développés.
En effet, alors même que la faiblesse de la croissance économique
dans les années 1990 a freiné la consommation d'énergie,
la France ne devrait pas respecter son objectif de stabilisation des
émissions de gaz à effet de serre en l'an 2000 par rapport
à 1990 : après s'être infléchies au
début des années 1990, nos émissions de CO
2
réaugmentent fortement (+4,7 % en 1998) et se sont
établies en 1998
2(
*
)
à
108 millions de tonnes d'équivalent carbone, nettement
au-delà du niveau atteint en 1990 (104,5 millions de tonnes).
En outre, si l'économie française connaissait, lors de la
prochaine décennie, une progression de l'activité de l'ordre de
son " potentiel de croissance ", (environ 2,3 % par an), les
émissions de gaz à effet de serre
augmenteraient
spontanément de près d'un quart.
Le rapport du Commissariat général du Plan " Energie
2010-2020, les chemins d'une croissance sobre ", suggère donc que
le respect par la France du protocole de Kyoto repose sur la combinaison de
trois facteurs : "
une politique nationale de maîtrise de
l'énergie volontariste, une convergence au moins européenne
autour de certaines mesures, une transformation socioculturelle des modes de
vie
"
3(
*
)
.
Or, la mise en oeuvre des plans nationaux successifs de lutte contre l'effet de
serre a pris du retard : les mesures de maîtrise des
émissions appliquées à ce jour représenteraient
seulement
15 % des efforts
requis
pour stabiliser les
émissions de gaz à effet de serre en France d'ici 2008-2012, et
la mise en oeuvre effective de l'ensemble des mesures décidées au
cours des années 1990 ne représenterait qu'un quart à la
moitié des efforts requis.
Ce constat a conduit la Délégation pour la Planification du
Sénat à confier à votre rapporteur un
rapport
d'information
sur les instruments économiques qui permettraient
à la France de maîtriser ses émissions de gaz à
effet de serre au
moindre coût
économique.
CHAPITRE I
DÉSORMAIS SCIENTIFIQUEMENT
ÉTABLIE,
LA NÉCESSITÉ DE MAÎTRISER LES
ÉMISSIONS
DE GAZ À EFFET DE SERRE A ÉTÉ
UNANIMEMENT RECONNUE LORS DES SOMMETS
DE RIO (1992) ET DE KYOTO
(1997)
I. POURQUOI LUTTER CONTRE L'ACCUMULATION DE GAZ À EFFET DE SERRE DANS L'ATMOSPHÈRE ?
1. L'effet de serre est un phénomène naturel, mais qui est amplifié par le développement des activités humaines
L'effet
de serre est un phénomène naturel. S'il n'existait pas, la terre
serait inhabitable, car la température sur terre serait
inférieure de quelque 33° C à ses niveaux actuels.
Le
mécanisme
de l'effet de serre, schématiquement, est le
suivant
4(
*
)
: le rayonnement solaire
incident est pour partie absorbé par la terre, principalement à
la surface, pour partie renvoyé vers l'espace sous la forme de
rayonnements de longueur d'onde plus élevée. Une partie de ce
rayonnement est à son tour absorbée et réfléchie
par les gaz à effet de serre de l'atmosphère, principalement par
la vapeur d'eau, les nuages, le CO
2
(dioxyde de carbone), le
CH
4
(méthane), le N
2
O (protoxyde d'azote) et les
CFC (chlorofluorocarbones)
5(
*
)
.
Autrement dit, la terre reçoit à la fois un rayonnement provenant
directement du soleil et un rayonnement réfléchi par
l'atmosphère, ce qui entraîne une élévation des
températures moyennes à la surface.
Cet effet est
amplifié
par les formes contemporaines du
développement des activités humaines.
En effet, la plupart des activités humaines (transports, chauffage,
réfrigération, industrie, élevage, déchets...)
rejettent des gaz à effet de serre. En particulier, l'utilisation de
sources fossiles d'énergie (charbon, pétrole, gaz) ou de
l'électricité produite à partir de ces sources fossiles,
émet du CO
2
, qui se diffuse très rapidement dans
l'atmosphère et y demeure en moyenne plus d'un siècle avant
d'être " piégé " dans des " puits à
carbone ", comme la végétation.
Tous les modèles s'accordent à prévoir que les
émissions humaines de gaz à effet de serre augmenteront
spontanément à un rythme soutenu au cours des décades
à venir. Selon l'OCDE, le total de ces émissions pourraient ainsi
tripler
d'ici 2050, pour atteindre 50 à 70 milliards de
tonnes d'équivalent CO
2
, soit 15 à 20 milliards
de tonnes d'équivalent carbone
6(
*
)
par an.
Ces émissions de gaz à effet de serre tendent à
s'accumuler
dans l'atmosphère : il est désormais
établi que la teneur atmosphérique des gaz à effet de
serre a significativement augmenté depuis l'époque
préindustrielle, notamment pour le méthane (CH
4
:
+ 145 % environ), le protoxyde d'azote (N
2
O :
+ 15 % environ) et le CO
2
(+ 30 % environ).
La
concentration
de CO
2
dans l'atmosphère est ainsi
passée de 280 ppm
7(
*
)
à
360 ppm en un siècle, alors qu'elle n'était pas sortie d'une
fourchette de 170 ppm à 280 ppm au cours des 200.000
années précédentes.
2. L'accumulation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère tend à changer le climat
Les
constatations précédentes ont conduit en 1988 à la
création du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution
du climat (GIEC), sous l'égide du Programme des Nations Unies pour
l'Environnement (PNUE) et de l'Organisation météorologique
mondiale (OMM). Le GIEC est une
instance
intergouvernementale
qui
regroupe près de deux mille chercheurs et experts, avec pour missions
d'évaluer les données scientifiques disponibles sur
l'évolution du climat, d'en apprécier les incidences
écologiques et socio-économiques, et de formuler des
stratégies possibles de prévention et d'adaptation.
Le GIEC a publié un premier rapport en 1990. Mis à jour en 1992,
ce rapport a servi de base scientifique aux négociations du sommet de la
Terre de Rio. Le GIEC a ensuite rendu public en 1995 son deuxième
rapport d'évaluation, et conduit désormais un processus
d'expertise continu : un troisième rapport est en cours
d'élaboration.
Les résumés de ces rapports ont été
approuvés mot à mot
à l'unanimité par
l'assemblée du GIEC et
ratifiés
par l'ensemble des parties
à la convention cadre sur le climat (dont la France).
Les rapports du GIEC concluent très nettement que l'accumulation de gaz
à effet de serre dans l'atmosphère tend à
modifier le
climat
.
Le GIEC a ainsi mis en évidence de nombreuses "
anomalies
statistiques " relatives à l'évolution récente du
climat. Par exemple, l'ampleur et la persistance d'El Niño entre 1990 et
1995, phénomène à l'origine de sécheresses et
d'inondations en Amérique Latine ont été inhabituelles par
rapport à la situation au cours des 120 dernières années.
En outre, les travaux scientifiques coordonnés par le GIEC indiquent
que la température moyenne à la surface de la terre a
augmenté de 0,3 à 0,6 °C depuis l'ère
préindustrielle, les effets de ce
réchauffement
ayant
été jusqu'alors en partie masqués et
atténués par l'inertie thermique des océans et par la
présence croissante d'aérosols (poussières, sulfates) dans
l'atmosphère (où ils font écran au rayonnement solaire).
En l'absence de mesures énergiques de maîtrise des
émissions de gaz à effet de serre, le GIEC estime donc que la
température
moyenne à la surface de la terre pourrait
s'accroître encore de 2° C entre 1990 et 2100
(+ 1° C à + 3,5° C selon les
scénarios), ce qui représente (par dilatation thermique) une
élévation d'environ 50 cm du
niveau de la mer
(+ 15 à + 95 cm selon les scénarios).
Enfin, le GIEC a étudié différents
scénarios
qui permettraient de
stabiliser
la concentration de CO
2
dans
l'atmosphère. L'examen de ces scénarios suggère que
l'effort à réaliser est considérable. Par exemple, pour
stabiliser la concentration de CO
2
à 550 ppm (le double de la
concentration préindustrielle ou une fois et demie la concentration
actuelle), ce qui constitue selon l'Union européenne un objectif
nécessaire à long terme, il faudrait que les émissions
mondiales retrouvent en 2100 leur niveau d'aujourd'hui, malgré la
croissance de la population mondiale et l'industrialisation des pays en
développement, puis que ces émissions diminuent ensuite d'un
tiers. La hausse de la température globale se poursuivrait toutefois
longtemps après 2100 (en raison de l'inertie thermique des
océans), et elle serait à terme supérieure à
2°C
8(
*
)
.
3. Ce changement climatique sera vraisemblablement préjudiciable à l'humanité
Selon le
GIEC (1995), ce changement climatique s'accompagnerait d'une perturbation du
cycle de l'eau et par une augmentation de la fréquence et de
l'intensité des
catastrophes naturelles
d'origine climatique
(sécheresses, inondations, tempêtes, cyclones).
La montée du niveau de la mer et l'accroissement de la fréquence
des tempêtes (et des surcotes) menaceront certains
espaces
côtiers
, en particulier les deltas (comme la Camargue), les
mangroves, les récifs coralliens, les plages d'Aquitaine.
Selon le GIEC, la superficie émergée du Bangladesh sera ainsi
réduite de 17,5 %, celle de l'Egypte de 1 %.
Par ailleurs, le changement climatique pourrait favoriser la recrudescence du
paludisme
, ainsi que l'extension de maladies infectieuses comme la
salmonellose ou le choléra, en raison de l'élévation de la
température et de la multiplication des
inondations
.
En outre, le changement climatique serait trop rapide pour que les
écosystèmes naturels
puissent s'adapter : il en
résultera sans doute une forte baisse de la biodiversité
(c'est-à-dire la disparition d'espèces animales ou
végétales).
Les effets du changement climatique sur l'
agriculture
sont
débattus : schématiquement, d'un côté les
plantes cultivées pourraient souffrir de " stress hydrique "
(c'est-à-dire de l'alternance de périodes de sécheresse et
de pluviosité plus prononcées) ; de l'autre, l'accumulation
de CO
2
dans l'atmosphère exerce aussi un rôle
fertilisant sur les plantes (qui tendent à pousser plus vite).
Au total, le changement climatique aura des conséquences
économiques importantes : aux coûts directs
(dégâts des tempêtes, par exemple), s'ajoutent en effet des
coûts d'adaptation (construction de digues, modification des cultures,
etc.).
Pour la
France
, les simulations réalisées par les experts
de Météo-France
9(
*
)
suggèrent que le changement climatique réduirait le
caractère tempéré du climat : la France
connaîtrait un réchauffement moyen de l'ordre de 2° C,
mais celui-ci serait davantage marqué en été et dans le
sud du pays. En outre, les précipitations augmenteraient de 20 % en
hiver, mais baisseraient de 15 % l'été. Il en résulterait
une augmentation des
crues
en hiver et au printemps et une diminution
sensible de l'humidité du sol en été et à
l'automne, avec une augmentation du stress hydrique pour les cultures agricoles
(maïs, tabac, tournesol, ...) et les arbres forestiers (pin maritime,
hêtre, chêne pédonculé...) les plus sensibles
à la sécheresse.
Ces évolutions pourraient être préjudiciables à
l'agriculture, à l'environnement et au tourisme : " la France
serait moins douce ".
Par ailleurs, le réchauffement du climat pourrait entraîner la
disparition d'entre un tiers et la moitié de la masse des
glaciers
alpins
au cours des cent prochaines années
10(
*
)
(ce qui accroîtrait les risques d'avalanches),
ainsi qu'une réduction sensible du
manteau neigeux
dans les Alpes
et les Pyrénées, avec des conséquences importantes pour
les stations de ski de moyenne montagne.
Inversement, il existe également un risque, difficilement quantifiable,
que le changement climatique ne se traduise par un affaiblissement du Gulf
Stream
11(
*
)
, susceptible d'entraîner un
refroidissement sensible de notre façade océanique
(- 4° C), ramenant les températures moyennes en France au
niveau de celles atteintes lors de la dernière
glaciation
.
II. POURQUOI S'EFFORCER DE RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DÈS MAINTENANT ?
1. Le principe de précaution commande de freiner le changement climatique dès aujourd'hui
Le fait
que les émissions humaines de gaz à effet de serre tendent
à perturber le climat et à accroître le risque de
phénomènes climatiques extrêmes est désormais
scientifiquement établi
par les travaux du GIEC, dont le
deuxième rapport a été approuvé mot à mot en
décembre 1995 par les représentants de 116 gouvernements, de 13
organisations intergouver-nementales et de 25 O.N.G.
Certains auteurs toutefois ont argué des incertitudes quant aux
conséquences précises du changement climatique pour
préconiser de ne rien faire avant d'en savoir plus, d'autant plus que
" l'échelle de temps " du phénomène est
très longue : après la stabilisation du niveau des
émissions de gaz à effet de serre, il faudra plusieurs
décennies pour que la concentration de ces gaz dans l'atmosphère
cesse d'augmenter, et plusieurs siècles pour que le niveau de la mer
s'arrête de monter, en raison de l'
inertie
du climat.
Certaines simulations économiques suggèrent par ailleurs qu'il
serait économiquement rationnel de
repousser
dans l'avenir la
maîtrise des émissions afin de l'effectuer à moindre
coût.
Ces simulations reposent toutefois sur un
pari
quant aux
évolutions technologiques futures. Ce pari est contraire au
principe
de précaution
unanimement reconnu lors du Sommet de Rio.
Par ailleurs, si l'on attend pour agir d'être en mesure d'établir
des prévisions climatiques précises à l'horizon d'un
siècle, il est certain que l'on ne fera jamais rien. Or les
connaissances scientifiques accumulées jusqu'à aujourd'hui
soulignent que le changement climatique sera très probablement
dommageable à l'humanité. En outre, certains des
dommages
prévisibles, comme la réduction de la biodiversité et la
destruction d'écosystèmes côtiers, seront
irréversibles
. Dans ces conditions, le principe de
précaution commande d'agir dès aujourd'hui pour freiner
l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
L'article 2 de la convention-cadre sur le changement climatique stipule ainsi
que " ...
quand il y a risque de perturbations graves ou
irréversibles, l'absence de certitudes scientifiques absolues ne doit
pas servir de prétexte
" et qu'il "
incombe aux parties
de prendre des mesures de précaution pour prévoir,
prévenir ou atténuer les causes du changement climatique ou en
limiter les effets néfastes
" (c'est-à-dire
" mitiger " le changement climatique).
D'un point de vue économique, il est rationnel de payer dès
aujourd'hui une "
prime d'assurance
", sous la forme de
mesures de maîtrise des émissions, pour retarder le changement
climatique, en attendant d'en savoir plus.
Réduire dès aujourd'hui les émissions de gaz à
effet de serre est également plus
équitable
, notamment
vis-à-vis des générations futures. En effet, cela revient
à répartir une partie du coût des dommages potentiels sur
les pollueurs actuels, au travers des coûts de maîtrise des
émissions.
Enfin, l'
inertie
des émissions de gaz à effet de serre
invite à des
décisions publiques rapides
. Les choix
publics contemporains en matière d'urbanisme et d'infrastructures de
transports conditionnent en effet le niveau des émissions de gaz
à effet de serre du siècle prochain, en particulier pour les pays
en développement, qui effectuent aujourd'hui des choix de
développement irréversibles
12(
*
)
.
2. Le coût des dommages liés au changement climatique est très difficile à évaluer
La
théorie économique suggère de mettre les coûts d'une
politique au regard de ses avantages. Un tel bilan coûts/avantages est
cependant extrêmement difficile, sinon impossible, dans le cas du
changement climatique :
- il est difficile de rapporter des coûts présents (de
maîtrise des émissions) à des bénéfices
futurs (la mitigation des conséquences dommageables du changement
climatique) lorsque ceux-ci sont lointains : le coût d'un dommage
survenant dans 100 ans varie de 1 à 50, selon que le taux
d'actualisation retenu (c'est-à-dire la préférence pour le
présent) est de 5 % ou de 1 % ;
- les
prévisions
d'émissions sont très
sensibles
aux
hypothèses
retenues en matière de
croissance, de progrès technique et de prix relatifs des
différentes sources d'énergie, comme l'illustrent les projections
ci-dessous de l'OCDE :
PROJECTIONS DES ÉMISSIONS DE CO
2
À
L'HORIZON 2050
SELON DIVERSES HYPOTHÈSES POUR LA CROISSANCE
MONDIALE
SUR LA PÉRIODE 1990-2050
Taux de croissance annuel moyen 1990-2050 |
Emissions de CO
2
en 2050
|
3,3 % |
30 |
2,3
%
|
17 |
1,3 % |
9 |
Source : OCDE, 1995. |
- le
lien entre les émissions (flux) de CO
2
et l'évolution
des concentrations (stocks) de gaz à effet de serre dans
l'atmosphère est loin d'être parfaitement élucidé.
L'incertitude tient surtout au manque d'informations précises sur les
processus d'élimination des gaz à effet de serre (l'action des
" puits ") et à la complexité des interactions entre
les gaz dans l'atmosphère ;
- enfin, même si les incertitudes scientifiques étaient
levées, le coût prévisible du changement climatique
demeurerait très difficile à estimer avec précision. La
valorisation de
risques irréversibles
dont l'horizon est lointain
soulève en effet des dilemmes, notamment éthiques, qui sont
presque insolubles, par exemple : quel coût donner à la
disparition d'une espèce naturelle ou d'un
écosystème ?
Les tentatives d'estimation du coût du changement climatique fournissent
toutefois
deux enseignements
:
- d'une part, l'
ordre de grandeur
des dommages liés au changement
climatique est de
plusieurs points du PIB mondial annuel
13(
*
)
(0 à 21 % selon les études
recensées par le GIEC, avec une moyenne de 3,6 %). Selon le GIEC,
le coût du changement climatique serait ainsi de 5 à 125 $
par tonne de carbone actuellement émise (le Conseil d'analyse
économique donnant pour sa part une fourchette plus large :
coût négatif à 200 $ / tonne) ;
- d'autre part, les
pays en développement
seront les principales
victimes
du changement climatique car leurs économies sont plus
fragiles et plus dépendantes des milieux naturels, tandis que certains
pays froids pourraient globalement en bénéficier, du fait de
l'augmentation de leurs rendements agricoles.
ESSAI
D'ESTIMATION DU
|
||
Europe orientale et ex-URSS |
- 0,3 % |
|
OCDE - Europe |
1,3 % |
|
Amérique du Nord |
1,5 % |
|
OCDE - Pacifique (Japon, Corée, Nouvelle-Zélande, Australie) |
2,8 % |
|
Moyen-Orient |
4,1 % |
|
Amérique Latine |
4,3 % |
|
Asie du Sud et du Sud-Est |
8,6 % |
|
Afrique |
8,7 % |
Source : TOL (1994), repris dans le rapport du
GIEC
(1995),
chapitre 6, p. 63.
3. Il convient donc de privilégier les mesures " sans regrets " et les instruments souples, graduels et lisibles
Les
incertitudes relatives aux aspects économiques du changement climatique
ne plaident évidemment pas pour l'inaction, mais invitent seulement
à conduire des politiques de maîtrise des émissions qui
soient graduelles, transparentes et si possible réversibles,
c'est-à-dire à recourir aux instruments économiques les
plus
souples
.
Ces incertitudes invitent par ailleurs à veiller au
" séquençage " des politiques de réduction des
émissions de gaz à effet de serre, en mettant continûment
en rapport les coûts économiques d'une modernisation
prématurée de certaines installations et les risques d'une
temporisation excessive (qui rendrait la maîtrise des émissions
plus coûteuse à l'avenir).
Il est notamment indispensable d'accorder une priorité aux mesures
"
sans regrets
" ou " utiles en tout état de
cause ", c'est-à-dire qui accroissent le bien-être collectif
indépendamment de leur impact favorable pour la maîtrise des
émissions de gaz à effet de serre.
Selon l'OCDE, la suppression de certaines
distorsions fiscales
et des
imperfections de marché conduisant à une utilisation
sous-optimale de l'énergie réduirait ainsi de 20 % les
émissions de CO
2
des pays industrialisés. Par
ailleurs, l'abandon des subventions à l'énergie dans les pays en
développement et en transition pourrait stimuler leur croissance
économique, tout en réduisant de 4 à 18 % les
émissions mondiales de CO
2
14(
*
)
.
III. POURQUOI LES PAYS INDUSTRIALISÉS DOIVENT-ILS S'ENGAGER LES PREMIERS DANS LA MAÎTRISE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ?
1. Les pays en développement seront à l'avenir les principales victimes et les principaux responsables de l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre
Les
estimations présentées supra suggèrent que le coût
du changement climatique rapporté au PIB sera plus élevé
pour les pays en développement que pour les pays industrialisés.
Les pays en développement tropicaux et subtropicaux concentreront
également l'immense majorité des victimes humaines liées
à la fréquence accrue des tempêtes et des cyclones.
Or, les pays en développement sont aujourd'hui et demeureront à
l'avenir les principaux responsables de l'
accroissement
des
émissions de gaz à effet de serre. En effet, leurs besoins
énergétiques augmentent fortement, en lien avec leur
développement économique et avec leur dynamisme
démographique.
En outre, ces besoins énergétiques risquent d'être
largement satisfaits à partir de
charbon
(l'énergie
fossile la plus polluante pour l'effet de serre), car il s'agit de la
principale ressource énergétique de nombre de pays en
développement, dont la
Chine
et l'
Inde
.
Selon l'OCDE, les émissions de CO
2
de la Chine et de l'Inde
pourraient représenter ainsi plus d'un tiers des émissions
mondiales de CO
2
en 2050, tandis que les pays de l'OCDE ne
représenteraient plus qu'un quart des émissions mondiales.
EMISSIONS ANNUELLES DE CO
2
:
L'IMPORTANCE
CROISSANTE DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
PART DES ÉMISSIONS MONDIALES DE CO
2
(EN %)
|
1990 |
2050 |
OCDE |
48 |
25 |
dont Etats-Unis |
23 |
12 |
Europe de l'Est et ex-Union soviétique |
23 |
17 |
Chine et Inde |
13 |
38 |
Reste du monde |
16 |
20 |
Source : modèle GREEN de l'OCDE, 1998. |
A
l'échelle mondiale, la maîtrise des émissions de gaz
à effet de serre dépendra donc à très long terme
avant tout des choix énergétiques des pays en
développement.
Selon M. Michel PETIT, coordonnateur du GIEC pour la France, si les
pays industrialisés mettaient tous en oeuvre, dès aujourd'hui,
les politiques de maîtrise des émissions les plus rigoureuses qui
soient envisagées, le réchauffement de la planète ne
serait ainsi réduit que de 0,3°C à l'horizon 2100
(1,7°C au lieu de 2°C), si les pays en développement
n'infléchissent pas leur mode de croissance.
LES
INCERTITUDES RELATIVES À L'ÉVOLUTION
DE LA CONSOMMATION
D'ÉNERGIE DE LA CHINE
15(
*
)
Avec 1,3
milliards d'habitants (21 % de la population mondiale), la Chine ne
représente aujourd'hui que 10 % de la consommation mondiale
d'énergie, et moins de 5 % de celle de pétrole (sa
consommation de pétrole est à peine supérieure à
celle de l'Allemagne).
A ce jour, l'intensité énergétique (c'est-à-dire le
rapport consommation d'énergie/PIB) est ainsi deux fois plus faible que
dans la moyenne des pays en développement. Les causes de cette
sobriété " anormale " demeurent débattues :
surestimation du PIB, efficacité énergétique induite par
des pratiques contraignantes (comme les restrictions aux déplacements),
structure différente de l'économie ?
De même, l'évolution de la consommation d'énergie de la
Chine apparaît difficile à prévoir, la principale inconnue
portant sur les besoins énergétiques du secteur des
transports :
- selon certains " optimistes ", ces besoins pourraient demeurer
contenus, la progression du nombre de véhicules individuels (2 millions
aujourd'hui) étant limitée par le faible développement des
infrastructures routières, le faible degré d'urbanisation et la
densité du réseau ferroviaire ;
- à l'inverse, d'autres énergéticiens s'inquiètent
de ce que le mode de développement chinois ne rejoigne celui des autres
économies dynamiques d'Asie, à la faveur notamment de l'ouverture
croissante de l'économie. La consommation d'énergie par habitant
a en effet été multipliée entre 1971 et 1994 d'un facteur
4 à 6 en Indonésie, en Thaïlande et en Corée, dont le
niveau de développement économique
" précède " celui de la Chine.
2. Les pays industrialisés ont toutefois une responsabilité historique en matière d'effet de serre
Les pays
industrialisés ont une
responsabilité
particulière
dans l'accumulation des émissions de gaz à effet de serre dans
l'atmosphère.
En premier lieu, les pays industrialisés sont très largement
responsables des émissions passées de gaz à effet de serre
dans l'atmosphère depuis la révolution industrielle.
En second lieu, les pays industrialisés et en transition
émettent
encore aujourd'hui plus des
deux tiers
des gaz
à effet de serre.
EMISSIONS ANNUELLES DE CO
2
: 1950-1994
(en tonnes de CO
2
16(
*
)
)
Enfin, les pays industrialisés émettent aujourd'hui beaucoup plus
de gaz à effet de serre par habitant, notamment de CO
2
, que
les pays en développement.
EMISSIONS DE CO
2
PAR HABITANT EN 1993
(en tonnes de carbone par an)
Etats-Unis |
5,4 |
Pays-Bas |
3,1 |
OCDE |
3,0 |
Allemagne |
3,0 |
France |
1,7 |
Chine |
0,6 |
Afrique |
0,2 |
Monde |
1,1 |
Les pays
industrialisés sont ainsi largement responsables de l'augmentation de la
concentration
de gaz à effet de serre dans l'atmosphère
depuis la révolution industrielle, donc du
changement
climatique
observé depuis plusieurs décennies.
Les pays industrialisés possèdent par ailleurs les meilleures
technologies
disponibles pour réduire les émissions de gaz
à effet de serre.
L'article 3 alinéa 1 de la convention-cadre des nations Unies sur le
changement climatique énonce donc le principe de
responsabilités communes
, mais
"
différenciées
". Les pays
industrialisés ont ainsi reconnu leur responsabilité
particulière en matière de changement climatique.
3. Les pays industrialisés doivent donc s'engager les premiers dans la maîtrise des émissions, de manière suffisamment crédible pour rallier les pays en développement
Il
découle des constats précédents que
l'équité
, comme la volonté de promouvoir des
relations diplomatiques apaisées entre les pays du Nord et ceux du Sud,
commandent aux pays industrialisés de s'engager les premiers dans la
maîtrise des émissions.
Toutefois, cet engagement sera peu utile s'il n'exerce pas
d'effets
d'entraînement
(politique et technologique) sur les pays en
développement.
Il importe donc que cet engagement soit
crédible
,
c'est-à-dire que les pays développés prennent des mesures
qui " démontrent [qu'ils] prennent l'initiative de modifier les
tendances à long terme des émissions anthropiques ", comme
l'énonce l'article 4 de la convention-cadre sur le changement
climatique. Les pays de l'OCDE doivent donc donner des " signes
forts " en matière d'effet de serre.
Par ailleurs, les pays industrialisés doivent privilégier les
instruments de maîtrise des émissions auxquels les pays en
développement pourront le plus aisément se rallier et qui
favorisent la
diffusion
des technologies économes en
énergie.
Enfin, le processus de maîtrise des émissions à
l'échelle internationale doit être
équitable
pour
être légitime, donc efficace. La France souligne à cet
égard avec constance lors des sommets internationaux que la
maîtrise des émissions doit s'accompagner d'une
convergence
des
niveaux d'émissions
par
habitant
: il n'y a
aucune justification à ce qu'un Américain du Nord ait durablement
le " droit " d'émettre 25 fois plus de CO
2
dans
l'atmosphère qu'un Africain.
A titre d'exemple, pour stabiliser la concentration de CO
2
dans
l'atmosphère à 550 ppm (le double du niveau
préindustriel), la France estime ainsi que les émissions de
CO
2
des pays industrialisés devraient converger à long
terme vers un niveau situé entre 1 et 2,7 tonnes de carbone par habitant
et par an.
IV. POURQUOI ACCORDER LA PRIORITÉ À LA MAÎTRISE DES ÉMISSIONS DE CO2 ?
CARACTÉRISTIQUES ET SOURCES
DES PRINCIPAUX GAZ À EFFET DE SERRE D'ORIGINE HUMAINE
|
Emissions anthropiques
|
|
Part dans le réchauffement anthropique de la planète (" le forçage radiatif "), en % |
Principales sources anthropiques d'émissions |
CO
2
|
26.000 |
120 |
64,2 % |
Utilisation d'énergie (80 %) et modification de l'utilisation des sols principalement déforestation (17,3 %), production de ciment (2,7 %). |
CH
4
|
300 |
10,5 |
19,3 % |
Production et utilisation d'énergie (25,9 %), fermentation entérique (23,9 %), rizières (17 %), déchets (7,4 %), décharges (10,8 %), combustion de biomasse (8 %), eaux usées domestiques (7,1 %). |
CFC |
0,7 |
9,0 |
9,5 % |
Industrie (100 %), principalement réfrigérants, aérosols, agents d'expansion, solvants. |
N
2
O
|
6 |
132 |
4,0 % |
Combustion de combustibles fossiles (8,7 %), sols fertilisés (47,8 %), défrichage (17,4 %), production d'acide (15,2 %), combustion de biomasse. |
Autres hydrocarbures halogénés (HFC, PFC) |
1,2 |
variable |
2,9 % |
Activités industrielles : applications comparables à celles des CFC et production d'aluminium |
Source : GIEC, 1990, 1992.
1. Les émissions de CO2 constituent la cause principale du changement climatique
Le
CO
2
est, de loin, le plus important des gaz à effet de serre
d'origine anthropique : si l'on tient compte du pouvoir de
réchauffement des différents gaz, les émissions de
CO
2
sont ainsi responsables des deux tiers du changement climatique,
et même de
80 %
de l'effet de serre imputable aux
pays
industrialisés
.
Ces émissions de CO
2
sont aujourd'hui en
augmentation
rapide à l'échelle mondiale et, contrairement à d'autres
gaz à effet de serre, on ne connaît pas de procédés
efficaces de
capture
au bout du tuyau ("
end of pipe
").
CAPTURE ET STOCKAGE DES REJETS DE CO 2 17( * )
Il
existe déjà des technologies chimiques de
capture
de
CO
2
, mais leur coût est élevé (de l'ordre de 900
F/tonne de carbone). A moyen terme, d'autres technologies pourraient permettre
de réduire ces coûts. Cependant, le rendement d'une centrale
électrique thermique équipée de systèmes de capture
serait environ 15 % moindre, ce qui pourrait renchérir de 30 %
le coût du Kw/h produit. En outre, la capture du CO
2
entraîne une surconsommation énergétique, donc une
surproduction de CO
2
. Enfin, ces technologies ne concerneraient que
les grandes installations fixes.
Le
stockage
de CO
2
est envisagé dans des gisements
d'hydrocarbures épuisés, dans les nappes aquifères ou dans
les océans (cette dernière formule reposant sur l'idée
d'accélérer le processus naturel d'absorption du CO
2
par les océans, en y injectant du CO
2
et en espérant
qu'il y séjournera plusieurs centaines d'années avant de se
redégager dans l'atmosphère). Outre leurs difficultés
techniques et leur coût élevé (lié au transport du
CO
2
), ces injections, qui ne seraient d'ailleurs envisageables que
pour les émissions d'installations fixes (en raison de la
nécessité de récupérer le CO
2
émis), présentent toutefois de nombreuses incertitudes quant
à leur impact sur l'environnement.
Par ailleurs, les effets du CO
2
sur le climat sont relativement bien
identifiés, et la plupart des émissions de CO
2
se
mesurent avec une
précision
suffisante pour constituer l'assiette
d'une taxe.
Enfin, les mesures d'atténuation des émissions de CO
2
influent indirectement sur les émissions de méthane et
directement sur les émissions d'oxydes d'azote (NO
x
) et
d'oxydes de soufre (SO
x
).
En effet, une part significative des émissions de
méthane
(grisou) sont liées à l'extraction du charbon, aux rejets dans
l'atmosphère à la sortie des puits de pétrole, et à
la distribution du gaz : en agissant sur les émissions de
CO
2
, donc sur la consommation d'énergie fossile, on
réduit indirectement les émissions de méthane. De
même, les émissions d'oxyde d'azote ou de soufre sont largement
liées à l'utilisation de combustibles, notamment dans les
véhicules automobiles.
Ces arguments plaident prioritairement en faveur de politiques de
maîtrise des
émissions
de CO
2
.
Il est cependant nécessaire de favoriser aussi le développement
des " puits " de carbone, c'est-à-dire d'une part de
réduire le déboisement, de préserver le couvert forestier
et de favoriser l'afforestation (le reboisement) ; d'autre part, de
promouvoir
l'utilisation du bois
, dans la construction ou
l'ameublement : non seulement le
bois
est un matériau qui
fixe le carbone
, mais il se substitue pour partie à d'autres
matériaux (ciment, acier), dont la production émet des gaz
à effet de serre dans l'atmosphère.
La promotion des " puits " de carbone ne peut cependant se substituer
à long terme à une politique de maîtrise des
émissions, dans la mesure où le reboisement ne met pas un terme
aux émissions brutes de carbone et où il existe une limite
physique aux surfaces qui s'y prêtent.
2. Il est également possible de maîtriser à faible coût les émissions des autres gaz à effet de serre
Les
émissions de protoxyde d'azote (N
2
O) sont principalement
liées à l'utilisation d'engrais dans l'agriculture et à
des
processus
industriels
tels que la production d'acide nitrique
et d'acide adipique, ainsi qu'à la généralisation des pots
catalytiques et aux processus de combustion des combustibles fossiles.
Les émissions de
méthane
(CH
4
) proviennent du
lisier, de la digestion du bétail, des déchets (notamment des
décharges), enfin de la production et de la distribution
d'énergie.
Les émissions de N
2
O et de CH
4
résultent
donc d'un très large éventail d'activités humaines et sont
souvent difficiles à mesurer. Elles se prêtent donc mal à
l'instauration d'un impôt ou d'un marché.
Selon les travaux réalisés par la Commission européenne,
il serait toutefois possible de parvenir à des réductions
supplémentaires de ces gaz à faible coût, grâce
à des réglementations adaptées, favorisant
l'amélioration des processus industriels, la réduction des
déchets biodégradables, la récupération du
méthane dans les décharges, la réduction des
émissions provenant des gazoducs, enfin une meilleure gestion de
l'alimentation et du lisier animaux.
S'agissant des autres gaz à effet de serre, les
CFC
sont d'ores
et déjà interdits dans le cadre du protocole de Montréal,
car ces substances attaquaient dans la couche d'ozone.
Le protocole de Kyoto a par ailleurs pris en considération trois gaz
" industriels " à pouvoir radiatif élevé et
longue durée de vie dans l'atmosphère, même si leur
incidence sur le réchauffement est pour l'heure relativement
limitée :
- les HFC, produit de substitution aux CFC ;
- les PFC, qui sont principalement des sous-produits de la fusion de
l'aluminium ;
- le SF
6
, dont les émissions sont notamment dues à son
utilisation dans les équipements à haute tension, mais
également à la production de magnésium et à
d'autres usages industriels.
Le potentiel de réduction des émissions de ce gaz est pour
l'heure mal connu. Selon la Commission européenne, il semblerait
toutefois possible, en coopération avec les milieux industriels, de
parvenir à une réduction significative à faible coût
d'ici à 2010.
CHAPITRE II
LA THÉORIE ÉCONOMIQUE
PROPOSE DES INSTRUMENTS POUR RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DE GAZ
À EFFET DE SERRE AU MOINDRE COÛT
I. LA MAÎTRISE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE N'IRA PAS SANS COÛTS NI EFFETS REDISTRIBUTIFS
1. La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre n'ira pas sans coûts pour certains secteurs économiques
La
maîtrise des émissions de CO
2
, principal facteur de
l'effet de serre, suppose d'effectuer davantage d'
économies
d'énergie
ou de substituer des énergies très peu
(électricité nucléaire, électricité
hydraulique, énergies renouvelables) ou peu (comme le gaz) intenses en
CO
2
aux énergies les plus intenses en CO
2
(charbon, pétrole).
Cette évolution repose sur un redéploiement progressif de nos
économies et une inflexion de nos modes de vie.
Ce redéploiement n'ira pas sans
coûts
socio-économiques
d'adaptation
: par exemple,
certaines entreprises devront modifier et moderniser leurs modes de production
plus tôt qu'elles ne l'avaient anticipé.
Ce redéploiement accélérera la
transformation
sectorielle
de nos économies, au détriment des secteurs
producteurs ou fortement utilisateurs d'énergie (transports automobiles,
par exemple).
Si le marché du travail fonctionne mal, en particulier si la
mobilité géographique ou sectorielle des salariés est
insuffisante pour compenser le déclin relatif de certaines
activités, ce redéploiement pourrait entraîner un
chômage
de
transition
.
Ces coûts de friction résultent de la nécessité
même de maîtriser les émissions de gaz à effet de
serre, pour prévenir des dommages supérieurs.
Le recours à des instruments économiques, comme des taxes sur le
CO
2
, ne fait que
répartir ces coûts
de la
manière la plus efficace, c'est-à-dire la moins
pénalisante pour la croissance économique à long terme.
Les simulations effectuées à ce jour suggèrent d'ailleurs
que le
coût
de maîtrise des émissions serait
très faible
à l'échelle macroéconomique :
les politiques de maîtrise des émissions n'auraient
pas
d'impact perceptible
sur la progression de notre niveau de
vie à moyen terme. Selon l'OCDE, la mise en oeuvre du protocole de
Kyoto ne freinerait la progression du PIB des pays industrialisés que de
0,01 à 0,05 point par an d'ici 2010.
2. La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre s'accompagnera également d'effets redistributifs
La
maîtrise des émissions de gaz à effet de serre exercera
nécessairement des
effets redistributifs
:
- entre
entreprises
,
a priori
au détriment des
activités intensives en énergie, et en faveur de certaines
activités de services
18(
*
)
;
- entre
ménages
, au détriment des plus gros utilisateurs
d'énergie ;
- entre
Etats
, au détriment des pays producteurs et exportateurs
d'énergie et, dans une moindre mesure, au détriment des pays
industrialisés qui se sont le plus engagés à rationner
leurs émissions
19(
*
)
.
Ces effets redistributifs trouvent leur origine dans la nécessité
même de réduire les émissions de gaz à effet de
serre. Il serait d'ailleurs conforme au
principe pollueur/payeur
que les
ménages, les particuliers ou les pays les moins économes en
énergie participent davantage à l'effort collectif de
maîtrise des émissions.
Par ailleurs, le fait que les pays industrialisés se soient
engagés à rationner leurs émissions de manière plus
ou moins intensive, tandis que les pays en développement n'ont pas pris
d'engagements semblables, se traduira nécessairement par des
distorsions
de
concurrence
à l'échelle
internationale.
II. LA TAXATION DES ÉMISSIONS DE CO2 : UN INSTRUMENT SIMPLE ET EFFICIENT, MAIS QUI POURRAIT PÉNALISER LA COMPÉTITIVITÉ DES PAYS QUI Y RECOURRAIENT ISOLÉMENT.
1. La taxation est un instrument simple et efficient, qui satisfait au principe pollueur-payeur
Les
émissions de gaz à effet de serre présentent un coût
pour la collectivité qui n'est pas reflété dans les prix
actuels des énergies fossiles. Cette " externalité
négative " conduit à une
surconsommation
d'énergie
et à des émissions de gaz à effet de
serre préjudiciables au bien-être collectif.
Dès lors, il est légitime de modifier, via l'instauration de
taxes appropriées, le système des prix relatifs afin de faire
prendre en compte aux agents le coût réel de leurs
émissions de gaz à effet de serre : la taxation satisfait
ainsi au principe pollueur/payeur. En corrigeant une externalité
négative, elle rétablit la
vérité des prix
,
c'est-à-dire qu'elle améliore le fonctionnement du marché,
au lieu de le fausser.
La taxation des émissions de gaz à effet de serre est par
ailleurs un instrument
simple
d'utilisation par les autorités
publiques, dès lors que les émissions sont bien
identifiées, ce qui est notamment le cas pour le CO
2
.
En particulier, les autorités publiques n'ont pas besoin de disposer
d'informations sur les techniques et les coûts de production des agents
économiques, au contraire d'une approche réglementaire.
La taxation est également un instrument
souple
, qui permet la
modulation de la politique de l'environnement en fonction de l'évolution
des connaissances scientifiques et techniques.
La taxation est un instrument
lisible
pour les agents
économiques : la mise en oeuvre graduelle d'une taxe, selon un
calendrier annoncé à l'avance et crédible fournit un
horizon (" un signal de prix ") pour les choix d'
investissement
des ménages, des entreprises et des collectivités publiques.
La taxation est plus
efficace
que la réglementation : en
effet, la taxation incite les agents dont les coûts de dépollution
sont faibles à aller au-delà de la norme ou de l'existant.
La taxation est un instrument économiquement
efficient
:
chaque agent réagit de la manière qui lui convient le mieux, en
fonction de ses coûts de réduction des émissions. La
réduction des émissions est ainsi obtenue au
moindre
coût
.
Par ailleurs, chaque agent est incité à réduire les
émissions jusqu'à ce que ses coûts marginaux de
dépollution atteignent le niveau de la taxe (c'est-à-dire
jusqu'à ce qu'il ne lui soit plus rentable de réduire ses
émissions). A long terme, les coûts marginaux de maîtrise
des émissions sont donc égalisés pour l'ensemble des
agents économiques. La taxe permet ainsi de
répartir
efficacement
les effets de maîtrise des émissions : les
réductions d'émissions les plus importantes seront
effectuées là où leur coût est le plus faible.
En particulier, la taxation devrait dynamiser les mesures " sans
regrets ", et stimuler les efforts de recherche et d'innovation des agents
privés.
La taxation peut également fournir des
ressources
aux
autorités publiques pour favoriser le développement de
technologies " propres ".
La taxation des émissions de CO
2
pourrait
générer d'
autres avantages
économiques que la
maîtrise de l'effet de serre : réduction des dommages
environnementaux causés par les émissions gazeuses (par exemple
de dioxyde de soufre - SO
2
-) liées à la consommation
d'énergies fossiles, réduction des coûts de congestion,
d'insécurité et de bruit liés aux transports ;
réduction de la
dépendance énergétique
, etc.
Pour être pleinement efficace, la taxation doit être mise en oeuvre
de manière
graduelle
et selon un calendrier annoncé
longtemps à l'avance, afin de permettre aux agents économiques
d'effectuer leurs calculs coûts/avantages et de limiter leurs coûts
d'ajustement.
Dans le cadre de la lutte contre l'effet de serre, le niveau
" optimal " d'une taxe sur le CO
2
, c'est-à-dire le
niveau qui freinerait suffisamment les émissions de CO
2
pour
satisfaire au principe de précaution, varie selon les études de
600 à 1.500 F/tonne de carbone
, ce qui correspondrait
à une augmentation de 25 % à 60 % du prix du
pétrole raffiné, à une augmentation de 100 % à
400 % du prix du charbon, et à une
hausse
de
40 centimes à 1 franc du litre de carburant.
En revanche, le niveau de taxe sur le CO
2
suffisant pour atteindre
les
objectifs
fixés
à Kyoto
pourrait être
inférieur : de l'ordre de
100 à 800 F/tonne de
carbone,
soit l'équivalent de quelques centimes à
0,5 franc par litre de carburant.
Lorsqu'elle s'ajoute à une
fiscalité
déjà
élevée
, l'efficacité d'une taxe
modérée est toutefois controversée : soit par exemple
une voiture consommant 7 litres aux 100 kilomètres, et dont la
durée de vie est de 200.000 kilomètres. Elle consommera au
total 14.000 litres de carburant, ce qui correspond à 8 tonnes
de carbone environ. Une taxe de 800 F/tonne de carbone ne
représentera alors qu'un coût de l'ordre de 6.400 F sur la
durée de vie de la voiture, soit un surcoût marginal très
faible (quelques %), par rapport à l'ensemble des coûts d'achat et
d'entretien du véhicule. Il est ainsi peu probable que cette taxe
infléchisse immédiatement les choix des automobilistes.
A
court terme
, la taxation des émissions de CO
2
pourrait donc avoir un impact assez
faible
: selon la Direction de
la Prévision, une augmentation du prix de l'énergie fossile de
10 % ne réduirait la consommation que de 3 % après
5 ans
20(
*
)
.
A long terme
, la sensibilité de la consommation d'énergies
fossiles à leur prix serait cependant en France
quatre fois plus
élevée
: l'évolution des prix de l'énergie
exerce bien à long terme une influence sensible sur la consommation
d'énergie, donc sur les émissions de gaz à effet de serre.
Cette intuition est confirmée pour l'Union européenne par les
simulations réalisées par l'OCDE à l'aide du modèle
d'équilibre général GREEN
21(
*
)
: selon ces simulations, une écotaxe
aurait sur les émissions de CO
2
des effets d'abord modestes,
puis fortement
croissants
avec le temps.
EMISSIONS DE CO
2
DE L'UNION EUROPÉENNE
APRÈS L'IMPOSITION, EN 1990
22(
*
)
,
D'UNE ÉCOTAXE
ÉNERGIE-CO
2
ÉQUIVALENTE À 10 $/BARIL DE
PÉTROLE
|
1990 |
1995 |
2000 |
2010 |
2030 |
2050 |
Emissions ( en millions de tonnes de carbone ) |
|
|
|
|
|
|
% d'écart par rapport au scénario de référence |
|
|
|
|
|
|
L' expérience des vingt dernières années suggère d'ailleurs une corrélation entre les efforts d'économie d'énergie et les variations des prix de l'énergie :
LIEN
ENTRE LES VARIATIONS DES PRIX DE L'ÉNERGIE
ET DE L'INTENSITÉ ÉNERGÉTIQUE
23(
*
)
DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS
|
France |
Etats-Unis |
Japon |
|
Evolution du prix moyen des carburants (en %) |
78 / 81
|
+ 17,5
|
+ 58,2
|
+ 46,1
|
Evolution de l'intensité énergétique (en %) |
78 / 86
|
- 6,0
|
- 16,4
|
- 11,9
|
Source : Commissariat général du Plan, 1998.
Selon le Conseil d'analyses économiques
24(
*
)
, les niveaux d'émission de CO
2
des
différents pays industrialisés seraient de même
liées au prix implicite de ces émissions
25(
*
)
: "
La Suède, pays plus froid et
de même niveau de vie que les Etats-Unis, dégage 5 fois moins
de CO
2
par dollar
de PIB,
avec un prix
à la tonne d'émission 2,5 fois plus fort. Avec un prix
d'émission 75 % plus élevé qu'aux Etats-Unis,
l'Allemagne de l'Ouest dégage 2 fois moins de CO
2
par dollar produit
".
Au total, il semble bien que nos économies soient sensibles aux
signaux de prix
que représenteraient des taxes sur le
CO
2
.
2. Pour être efficace, la taxation doit toutefois s'accompagner de politiques publiques d'incitation à la maîtrise de l'énergie
La
taxation n'est pleinement efficiente que si l'ensemble des agents
économiques sont effectivement en mesure d'effectuer des calculs et des
arbitrages coût/avantages.
La taxation est ainsi peu efficace si les agents économiques connaissent
mal leur consommation d'énergie et/ou leurs coûts de
maîtrise des émissions. Cela pourrait être le cas des
ménages, pour la consommation des appareils
d'électroménagers, l'éclairage individuel ou l'isolation
des bâtiments.
Comme le soulignait le rapport de la
Commission d'enquête
du
Sénat
sur la politique énergétique de la
France
26(
*
)
, il est ainsi nécessaire
d'informer
les locataires ou les acquéreurs sur la consommation
énergétique des logements ; d'informer les consommateurs sur
les performances énergétiques des appareils
électroménagers ; enfin d'informer les citoyens sur leurs
consommations inutiles.
Par ailleurs, la taxation peut être inefficace dans les secteurs
où les agents rencontrent des
contraintes de financement
pour
effectuer des investissements pertinents en matière d'économies
d'énergie (par exemple dans le logement social ou pour certaines PME).
Il incombe alors aux autorités publiques de réduire les
imperfections du marché du crédit, en accordant aux agents
concernés des garanties publiques ou des subventions pour leurs emprunts.
Enfin, la taxation sera d'autant plus juste et plus efficace que les
autorités publiques s'attacheront à offrir des
alternatives
aux agents privés, par exemple en développant
les transports collectifs, pour les trajets domicile - travail.
3. Sous certaines conditions strictes, la taxation des émissions de CO2 pourrait conduire à un " double dividende "
•
La prévention du changement climatique justifie à elle seule
l'instauration d'une taxe sur les émissions de CO
2
, dont le
produit pourrait être très important : une taxe de 600
F/tonne de carbone rapporterait, en France, près de
60 milliards
de francs
, soit 0,7 % du PIB.
La taxation environnementale ne doit cependant pas servir de prétexte
à la hausse des prélèvements obligatoires et de frein
à la rationalisation des dépenses publiques : la taxe
prélevée doit être
redistribuée
sous la forme
d'une baisse des autres impôts.
L'instauration d'une taxe sur le CO
2
est donc l'occasion d'une
réforme
fiscale
de grande ampleur.
A priori
, si cette réforme fiscale substitue une taxe sur le
CO
2
à des impôts plus
distorsifs
pour
l'activité économique, elle peut favoriser la croissance. La
baisse de certains prélèvements distorsifs peut d'ailleurs en
retour stimuler la maîtrise des émissions
de CO
2
: par exemple, la diminution des droits de mutation
pourrait faciliter les déménagements des salariés, et donc
réduire les trajets domicile-travail.
• De manière générale, l'idée selon laquelle
une réforme fiscale pourrait remplacer des impôts distordants par
des impôts prélèvements moins défavorables à
l'activité économique suscite néanmoins deux
réserves
:
- en premier lieu : la structure d'une économie dépendant
largement de celle de la fiscalité, toute réforme fiscale se
traduit par des
coûts d'adaptation
. Dans le cas de l'instauration
d'une taxe sur le CO
2
, ces coûts de redéploiement ne
sont toutefois pas liés à la réforme fiscale
elle-même, mais à la nécessité de réduire les
émissions de CO
2
;
- en second lieu, les économistes éprouvent les plus grandes
difficultés à déterminer quels sont les impôts qui,
pour une économie et un moment donnés, sont les plus
préjudiciables à l'activité économique.
En l'espèce, il semble toutefois que, compte tenu du niveau
élevé du
chômage
, notamment pour les salariés
les moins qualifiés, les
charges
sociales
pesant sur le
coût du travail figurent aujourd'hui en Europe parmi les
prélèvements les plus pénalisants pour la croissance
à l'emploi, d'où l'idée émise par la Commission
européenne
27(
*
)
de " recycler "
le produit d'une écotaxe sous la forme d'
allégements de
cotisations sociales
28(
*
)
.
• En première analyse, la combinaison d'une taxe sur
l'énergie et/ou les émissions de CO
2
et
d'allégements de charges sociales sur les salaires constitue un
transfert favorable aux entreprises et aux salariés, au détriment
des consommateurs. Ce transfert des prélèvements des actifs vers
les inactifs pourrait contribuer à
l'enrichissement
du
contenu
en
emploi
de la croissance à travers deux
mécanismes :
- l'allégement du coût du travail ralentirait la
substitution
de capital au travail, tant à l'échelle
microéconomique - dans chaque entreprise -, qu'à
l'échelle macroéconomique - la demande des consommateurs serait
modifiée au profit des biens ou services intensifs en travail, dont le
prix baisserait - ;
- cet effet serait
renforcé
par la hausse du prix de
l'énergie. De manière générale, les investissements
en biens d'équipement et l'utilisation d'énergie sont en effet
complémentaires, car les machines consomment de l'énergie.
L'augmentation du prix de l'énergie résultant des écotaxes
inciterait donc les entreprises à privilégier les modes de
production les plus intensifs en main-d'oeuvre.
Par ailleurs, la taxation des énergies fossiles réduirait les
importations d'énergie, donc améliorerait le
solde
extérieur
.
• Ces effets favorables seraient toutefois contrebalancés par les
conséquences du
choc inflationniste
induit par cette
réforme fiscale : l'accroissement du prix de l'énergie
entraînerait, en raison de l'importance de ce produit dans la
consommation des ménages (10 % d'un budget-type), une forte
élévation des
prix
à la
consommation
.
Si les salaires étaient indexés sur l'évolution du pouvoir
d'achat, il en résulterait une accélération des salaires
nominaux, donc des prix à la production, ce qui enclencherait une
spirale prix/salaires.
En outre, la résorption du chômage, initialement induite par la
mesure, favoriserait une hausse du salaire réel. Or, cette
accélération des salaires réels serait concomitante avec
un ralentissement des gains de productivité du travail (en freinant
la substitution capital/travail, la réforme fiscale ralentirait en effet
le progrès technique), qui devrait " normalement "
s'accompagner d'un ralentissement des rémunérations (il y aurait
moins de " grain à moudre ").
Au total, la mesure peut
accélérer l'inflation
et
dégrader
les
coûts
salariaux unitaires
des
entreprises
, ce qui freinerait la croissance et
in fine
l'emploi.
Cela explique que les simulations effectuées avec des modèles
macroéconométriques, qui reflètent les comportements
passés, conduisent, en première analyse, à un certain
scepticisme
quant à la possibilité d'un double
dividende : selon ces modèles, l'impact de la mesure sur la
croissance et l'emploi serait en tout état de cause faible, et
peut-être même légèrement négatif.
DOUBLE DIVIDENDE ET MODELES MACROECONOMIQUES Le fonctionnement spontané des modèles macroéconométriques met en évidence le premier dividende : l'instauration d'une écotaxe compensée par des allègements de cotisations sociales réduit significativement la consommation d'énergie et les émissions de CO 2 . En revanche, le fonctionnement spontané de ces modèles, qui reflète les comportements passés, ne conduit pas à un double dividende : la réforme fiscale est à peu près neutre pour la croissance et l'emploi, tout en accélérant l'inflation. |
||||||||||||
EFFETS
MACROÉCONOMÉTRIQUES À 5 ANS D'UNE TAXE SUR LES
ÉMISSIONS DE CARBONE
(1)
ÉQUIVALENTES À
300 F/TONNE DE CARBONE, SELON LE MODÈLE MÉTRIC
|
||||||||||||
|
|
... compensée par une baisse de la TVA |
... compensée par une baisse des cotisations sociale employeurs |
|
||||||||
|
P.I.B. |
0,06 |
0,00 |
|
||||||||
|
Prix à la consommation |
- 0,03 |
+ 0,40 |
|
||||||||
|
Solde budgétaire en % du P.I.B. |
+ 0,00 |
+ 0,07 |
|
||||||||
|
(1) . Soit environ 30 milliards de francs par an. |
|
||||||||||
• En revanche, si l'on rajoute aux simulations une hypothèse de modération salariale 29( * ) , les modèles macroéconométriques font apparaître un " double dividende " : à coût budgétaire nul, le remplacement des charges sociales par une écotaxe est favorable à la croissance et à l'emploi à moyen terme, tout en réduisant les émissions de CO 2 . |
||||||||||||
SIMULATION, À L'AIDE DU MODÈLE
MACROÉCONOMÉTRIQUE HERMÈS, D'UNE RÉDUCTION DES
COTISATIONS SOCIALES EMPLOYEUR FINANCÉE PAR UNE TAXE
CO
2
/ÉNERGIE
(
1)
,
ÉQUIVALENTE À 1 POINT DE PIB, SOUS L'HYPOTHÈSE DE
MODÉRATION SALARIALE
|
||||||||||||
|
|
France |
Six pays européens |
|
||||||||
|
P.I.B. |
+ 0,06 |
+ 0,15 |
|
||||||||
|
Consommation |
+ 0,03 |
+ 0,15 |
|
||||||||
|
Investissement |
- 0,06 |
- 0,01 |
|
||||||||
|
Exportations |
- 0,56 |
- |
|
||||||||
|
Importations |
- 0,56 |
- |
|
||||||||
|
Solde extérieur en points de P.I.B. |
+ 0,08 |
- |
|
||||||||
|
Emploi |
+ 0,44 |
+ 0,64 |
|
||||||||
|
Salaire réel/tête |
+ 0,24 |
+ 0,39 |
|
||||||||
|
Prix à la consommation |
+ 0,80 |
+ 0,95 |
|
||||||||
|
Solde public ( 2) |
0,00 |
0,00 |
|
||||||||
|
Solde extérieur en points de PIB |
- 2,78 |
- 3,53 |
|
||||||||
|
Emissions de CO 2 |
- 4,69 |
- 4,41 |
|
||||||||
|
1. Par
construction : l'intégralité du produit de la taxe
ex
post
est ristournée.
|
|
||||||||||
|
||||||||||||
SIMULATION, À L'AIDE DU MODÈLE
MACROÉCONOMÉTRIQUE HERMÈS-LINK
(1)
, D'UNE
RÉDUCTION DES COTISATIONS SOCIALES EMPLOYEUR FINANCÉE PAR UNE
TAXE CO
2
-ÉNERGIE
(2)
, SOUS L'HYPOTHÈSE DE
MODÉRATION SALARIALE ET EN TENANT COMPTE DU PROGRÈS
TECHNIQUE
(3)
|
||||||||||||
|
|
France |
Six pays européens |
|
||||||||
|
Montant de la taxe en 2005 (en % du PIB) |
1,10 (4) |
1,7 |
|
||||||||
|
P.I.B. |
0,15 |
0,74 |
|
||||||||
|
Emploi |
0,33 |
0,74 |
|
||||||||
|
Solde public (en % du P.I.B.) |
- 0,22 |
0,02 |
|
||||||||
|
Consommation d'énergie |
- 3,19 |
- 5,50 |
|
||||||||
|
Emissions de CO 2 |
5,73 |
- |
|
||||||||
1.
Bureau du plan - Bruxelles, Erasme, Paris, 1997.
|
•
Ce résultat s'inverse si l'on rajoute une hypothèse de
modération salariale. Les simulations commanditées par la
Commission européenne (cf. encadré) suggèrent ainsi que
l'introduction d'une taxe mixte CO
2
/énergie d'un montant de
l'ordre de 1 % du PIB, redistribuée sous forme de baisse des
cotisations sociales, aurait des effets considérables à moyen
terme sur la consommation d'énergie et les émissions de
CO
2
, tout
en favorisant la croissance et l'emploi, sous
réserve que cette réforme fiscale s'accompagne de politiques de
modération salariale.
Ces simulations suggèrent également que ce double dividende est
d'autant plus important que la mesure est mise en oeuvre simultanément
dans plusieurs pays interdépendants : il en résulte alors un
effet d'entraînement
mutuel, lié au dynamisme de la
consommation catalysé par les créations d'emplois.
Enfin, des variantes de ces simulations suggèrent que les
créations d'emplois potentielles sont plus importantes si les
allégements de charges sociales sont ciblés sur les
bas
salaires
.
Ces résultats macroéconométriques, sont dans l'ensemble
confirmés pour le long terme par les simulations réalisées
à l'aide de " modèles d'équilibre
général calculables " qui reproduisent de manière
théorique le fonctionnement de l'économie.
• Ces résultats sont toutefois
fragiles
, car les
modèles appréhendent très mal les enchaînements
macroéconomiques induits par les variations de
prix
relatifs.
En outre, les modèles macroéconomiques rendent mal compte des
coûts " de transition " et des " chocs sectoriels "
induits par la mesure
30(
*
)
.
• Au total, votre rapporteur ne saurait se risquer à trancher la
controverse académique sur le double dividende, mais il en retient
toutefois deux
conclusions
consensuelles :
-
la taxation des émissions de CO
2
se justifie par
elle-même
et ne doit pas reposer sur l'idée d'un " double
dividende ". Ce double dividende est en effet d'ampleur limitée
(+ 70.000 à + 100.000 emplois potentiels en France pour
un déplacement de prélèvements de l'ordre de cent
milliards de francs). En outre, le double dividende repose sur l'acceptation
par les consommateurs d'un transfert de pouvoir d'achat au profit des
entreprises et, implicitement, des chômeurs, ce qui semble aujourd'hui
incertain ;
- l'instauration d'une taxe sur les émissions de CO
2
doit
cependant s'accompagner de politiques de
modération
salariale,
sous peine de relancer l'inflation et de dégrader la
compétitivité des entreprises, donc l'emploi.
4. La taxation des émissions de CO2 doit être coordonnée à l'échelle internationale
Si un
pays décide de
manière isolée
l'introduction d'une
taxe sur le CO
2
compensée par la baisse d'autres
prélèvements, il modifie la
compétitivité
de
ses secteurs exportateurs
31(
*
)
:
- d'un côté la compétitivité-prix des branches
intensives en énergie (industrie lourde, transports internationaux) est
détériorée ;
- de l'autre, la compétitivité-prix des activités peu
intensives en énergie est accrue.
La résultante de ces deux effets est incertaine, mais probablement
défavorable. En effet, les pertes de compétitivité sont
concentrées
sur certains secteurs, où elles exercent un
impact suffisamment sensible pour conduire à des délocalisations
d'activités, tandis que les gains de compétitivité sont
plus diffus, et dans l'ensemble modestes, de sorte que leur impact est
réduit.
La plupart des modèles suggèrent ainsi que les effets de
l'introduction d'une taxe sur les émissions de CO
2
sont moins
favorables lorsque cette taxe est mise en oeuvre de manière
isolée, que lorsque la réforme fiscale est coordonnée dans
un ensemble de pays interdépendants.
L'introduction d'une taxe sur le CO
2
dans la France seule pourrait
ainsi y freiner la croissance, dans des proportions toutefois très
modestes, comme l'illustrent les simulations ci-dessous.
SIMULATION À L'AIDE DES MODÈLES HERMÈS
ET
MIDAS
|
||
|
Mesure mise en oeuvre en France seule |
Mesure mise en oeuvre à l'échelle européenne européens |
|
Résultats pour la France |
|
P.I.B. |
- 0,03 |
0,18 |
Emploi (milliers) |
+ 89 |
+ 116 |
Solde budgétaire (en % du P.I.B.) |
- 0,05 |
+ 0,36 |
Solde commercial (en % du P.I.B.) |
0,39 |
0,40 |
Cela
explique que, parmi les pays de l'OCDE, seuls le Danemark, la Finlande, les
Pays-Bas, la Norvège et la Suède aient adopté des taxes
sur l'énergie ou le CO
2
explicitement destinées
à réduire les émissions de CO
2
32(
*
)
. En outre, ces systèmes de taxes comportent de
nombreuses
exemptions
ou modérations de taux, concernant
notamment l'électricité, les industries lourdes et les
entreprises qui sont fortement utilisatrices d'énergie et/ou qui sont
exposées à la concurrence internationale, ce qui en réduit
d'ailleurs l'efficacité pour la maîtrise des émissions de
CO
2
.
L'instauration d'une taxe sur les émissions de CO
2
doit donc
s'effectuer dans la mesure du possible de manière
coordonnée
à l'échelle internationale.
La plupart des simulations macroéconométriques suggèrent
à cet égard que l'
Union européenne
pourrait
constituer une échelle suffisante, sous réserve d'exemptions
spécifiques à certaines activités très intensives
en énergie et exposées à la concurrence des autres pays
industrialisés.
En effet, l'Union européenne constitue à la fois une zone
suffisamment fermée pour que l'impact macroéconomique des
variations de compétitivité vis-à-vis du reste du monde
soit relativement faible, et une zone suffisamment intégrée pour
que la redistribution du produit de l'écotaxe sous la forme d'une baisse
des charges sociales exerce un effet d'entraînement mutuel sur la
croissance et l'emploi dans les pays membres.
5. La coordination internationale des taxes sur le CO2 est néanmoins délicate
Le
débat relatif aux
propositions européennes
d'écotaxe montre toutefois que, même coordonnée à
l'échelle internationale, la taxation peut modifier les conditions
concurrentielles au détriment des pays consommateurs ou producteurs
d'énergies riches en carbone, de sorte que l'instauration
coordonnée d'une écotaxe demeure délicate : la
plupart des pays de l'Union européenne s'accordent désormais sur
le
principe
d'une écotaxe (dont seraient exonérées
les énergies nouvelles), mais par sur l'
assiette
de cette taxe.
La
Commission européenne
avait en effet proposé au Conseil
en 1992, puis en mai 1995, une
directive
portant création d'une
écotaxe
sur les produits énergétiques assise pour
moitié sur le contenu en carbone de ces produits (c'est-à-dire
sur le CO
2
), pour moitié sur leur contenu en énergie.
Le montant de cette
taxe mixte CO
2
/énergie
devait
être graduellement augmenté pour atteindre l'équivalent de
10 $ par baril.
PROPOSITION DE DIRECTIVE TAXE CO
2
/ÉNERGIE
AMENDÉE EN MAI 1995 :
TAUX OBJECTIFS POUR L'AN 2000 (TAUX
ÉQUIVALENTS À 10 $ PAR BARIL)
(EN
ÉCUS)
1 litre d'essence |
0,04487 |
1 litre de gazole |
0,05140 |
1 kg de GPL |
0,0625 |
1 kg de fuel lourd |
0,05737 |
1 litre de gaz naturel |
0,042 |
Produits énergétiques solides |
0,00937
Écu/kg de CO
2
|
Électricité |
0,007ECU par Kw/h |
1. Le
niveau de la taxe serait fixé à 30 % de l'objectif la
première année, et atteindrait ensuite progressivement 100 % de
ce taux objectif.
Trois arguments justifiaient selon la Commission le choix d'une
assiette
mixte
50 % CO
2
/50 % énergie :
- une assiette mixte incite à
économiser
l'ensemble des
énergies, donc favorise à long terme un développement
économique moins fondé sur l'utilisation intensive de
l'énergie ;
- une taxe assise uniquement sur le contenu en CO
2
des
énergies aurait conféré un avantage comparatif excessif
à l'
énergie nucléaire
, alors même que les
externalités négatives liées à la filière
électronucléaire (déchets notamment) sont mal
maîtrisées. Le principe de précaution invitait donc, selon
la Commission, à diversifier l'approvisionnement
énergétique ;
- enfin, une taxe assise sur le seul contenu en CO
2
des produits
énergétiques aurait donné un
avantage
très
important à la
France
33(
*
)
, dont
la consommation d'énergie repose largement sur les
électricités hydraulique et électronucléaire (qui
n'émettent quasiment par de CO
2
), au détriment des
autres pays européens, dont l'Allemagne, qui produisent leur
électricité en majorité à partir d'énergies
fossiles (charbon, gaz). Cet avantage aurait stimulé les exportations
françaises d'électricité électronucléaire,
d'une part ; favorisé la compétitivité
intra-européenne des industries lourdes françaises, d'autre
part
34(
*
)
.
Ce choix d'une assiette mixte CO
2
/énergie rencontrait
toutefois trois
réserves
:
- en premier lieu, la prise en compte des externalités négatives
présumées ou le " rétablissement de la
vérité des prix " dans la filière nucléaire,
ne peut être atteint de manière efficiente par la
fiscalité. Il vaudrait mieux astreindre les opérateurs à
provisionner
rigoureusement les coûts de retraitement des
déchets et de démantèlement des centrales, comme le
suggère la
Cour des comptes
dans son dernier rapport annuel ;
- en second lieu, une assiette mixte réduit l'incitation à
substituer
des énergies pauvres en CO
2
à des
énergie riches en CO
2
. Une taxe mixte est donc
moins
efficace
à court terme qu'une taxe émise seulement sur le
CO
2
;
- enfin, une assiette mixte énergie/CO
2
ne trouve
guère de fondements
éthiques,
car elle ne répond
guère aux principe pollueur/payeur.
Ces réserves ont motivé
l'opposition
à la directive
de l'Espagne, et dans une moindre mesure de la France, cependant que le
Royaume-Uni se réclamait par principe hostile à une harmonisation
de la fiscalité, et craignait par surcroît des pertes de
compétitivité importante pour les industries consommant du
charbon.
Le projet de directive s'est ainsi trouvé
bloqué
. Le
Conseil a donc invité la Commission à reformuler des propositions
sur une base moins ambitieuse (cf. encadré).
|
NOUVELLE PROPOSITION DE DIRECTIVE DE LA COMMISSION
-
augmenter
les taux minimaux d'accise fixés par la directive
92/82/CEE pour certains produits énergétiques qui n'ont pas
été réévalués depuis lors ;
|
|
|||||||||||
|
NIVEAU
DES IMPÔTS INDIRECTS (AUTRES QUE LA TVA)
|
|
|||||||||||
|
|
Impôts indirects au
|
Taux minima proposés pour 2002 |
|
|||||||||
|
Super sans plomb (1000 l) |
625 |
500 |
|
|||||||||
|
Essence sans plomb (1000 l) |
583 |
500 |
|
|||||||||
|
Gazole-carburant (1000 l) |
362 |
393 |
|
|||||||||
|
Gazole de chauffage (1000 l) |
79 |
26 |
|
|||||||||
|
Fuel lourd 1 (1000 kg) |
18 |
28 |
|
|||||||||
|
Charbon (1 GJ) |
0 |
0,7 |
|
|||||||||
|
Gaz naturel (1000 m3) |
13 2 |
25 |
|
|||||||||
|
Électricité :
|
0,2
3
|
3
|
|
|||||||||
|
1.
Teneur en soufre < 1 %.
|
|
|||||||||||
|
EFFETS
À L'HORIZON 2005 DE LA DIRECTIVE PORTANT RESTRUCTURATION DE LA
FISCALITÉ ÉNERGÉTIQUE, SELON DIVERS MODÈLES
MACROÉCONOMIQUES, SOUS L'HYPOTHÈSE D'UNE AFFECTATION DES
RESSOURCES FISCALES SUPPLÉMENTAIRES À DES ALLÉGEMENTS DE
CHARGES SOCIALES
|
|
|||||||||||
|
|
Modèle Hermès 1 |
Modèle GE1-E3 2 (2004) |
Modèle E3 ME 3 |
|
||||||||
|
|
France |
UE |
France |
UE |
France |
UE |
|
|||||
|
PIB |
0,01 |
0,06 |
0,02 |
0,02 |
0,09 |
0,20 |
|
|||||
|
Emploi (en milliers) |
17 |
190 |
13 |
155 |
72 |
457 |
|
|||||
|
Émissions de CO 2 |
- 2,14 |
- 1,60 |
- 0,63 |
- 1,47 |
- 0,46 |
- 0,50 |
|
|||||
|
1.
Modèle macroéconométrique, Bureau général du
Plan. Bruxelles et Erasme. Paris.
|
|
Selon la
Commission européenne cette directive réduirait les
distorsions de concurrence
sur le marché intérieur qui
sont imputables aux différentiels de taxation de l'énergie.
En outre, l'augmentation des taux minima d'accises réduirait la
concurrence fiscale
entre États membres, permettant de ce fait
aux États qui le souhaitent d'accroître la taxation des
émissions de CO
2
, sans souffrir de pertes de
compétitivité dissuasives.
Enfin, les propositions de la Commission se traduiraient par une hausse de la
taxation de certains produits énergétiques qui, quoique modeste,
pourrait contribuer à la
maîtrise des émissions
de
CO
2
, tout en stimulant légèrement la croissance et
l'emploi, selon les simulations macroéconomiques réalisées
par la Commission.
Votre rapporteur estime que l'adoption de cette Directive constitue un premier
pas indispensable.
Votre rapporteur souhaite par ailleurs qu'un compromis permette une
coordination plus ambitieuse de la fiscalité énergétique
à l'échelle de l'Union européenne.
III. LES MARCHÉS DE PERMIS D'ÉMISSION CONSTITUENT UN INSTRUMENT EFFICIENT, MAIS DE MISE EN oeUVRE DIFFICILE
1. Le principe des marchés de permis d'émission n'est aucunement immoral
Le
principe des marchés des permis d'émission consiste à
allouer aux " pollueurs " (des États à l'échelle
internationale, des entreprises à l'échelle nationale)
gratuitement, à prix fixe ou aux enchères, des
quotas
d'émissions
de CO
2
, que ceux-ci peuvent ensuite
s'échanger.
Chaque émetteur de CO
2
doit alors s'assurer qu'il
détient autant de permis d'émission que ce qu'il va
émettre. Dans le cas contraire, il se trouve contraint ou bien de
réduire ses émissions, ou bien d'acheter des permis. Inversement,
si ses efforts de maîtrise des émissions lui permettent de
posséder un excédent de permis, il peut mettre ceux-ci en vente.
Le développement de marchés de permis d'émissions
négociables rencontre en France des
obstacles culturels
35(
*
)
:
- "
l'organisation de nos
régimes administratifs
,
fondée sur la transcription réglementaire d'approches
d'ingénieur ;
- la croyance de la part des administrations, mais aussi des entreprises, que
la souplesse nécessaire à une maîtrise efficiente des
émissions serait obtenue par la
négociation informelle
des
conditions d'application de la réglementation, plutôt que par un
système formel de permis ;
-
le rejet de la notion de " droit à polluer ", dans un
pays où le terme de " droit " est associé à des
contenus positifs ;
- enfin, l'idée que des agents privés puissent gagner de l'argent
avec de la pollution est généralement considérée
comme
immorale
".
Le principe des marchés de permis n'est pourtant en aucun cas
immoral : loin de consacrer un " droit à polluer ", la
création de marchés de permis d'émission
restreint
au contraire la faculté des agents économiques d'émettre
du CO
2
, qui était auparavant illimitée.
2. Les marchés de permis constituent un instrument efficient sous certains conditions
À
l'instar des taxes, les marchés de permis sont en théorie un
instrument efficient : les réductions d'émissions ont lieu
là où leur
coût
est le plus
faible
. En effet,
les agents ayant les coûts marginaux de maîtrise des
émissions les plus faibles ont intérêt à
procéder à des investissements de dépollution pour vendre
des permis d'émission aux agents ayant des coûts plus
élevés. Inversement, ces derniers peuvent acheter des permis
plutôt que de procéder à des réductions
d'émissions trop coûteuses.
Pour que les marchés de permis soient efficients, il est toutefois
nécessaire que le
nombre
de
participants
effectifs soit
limité
, sinon les coûts de transaction sont trop
élevés : il est donc exclu que chaque automobiliste
achète des permis d'émission pour son véhicule. Mais le
nombre de participants doit aussi être
suffisant
, sinon les
échanges sont peu concurrentiels.
En outre, le fonctionnement des marchés de permis doit être
transparent.
En effet, les transactions occultes favorisent les
rapports de force
politique et les abus de position dominante.
La transparence des marchés pourrait
a priori
reposer sur une
obligation déclarative, mais il semble préférable que les
transactions s'effectuent plutôt par l'intermédiaire d'une ou
plusieurs
bourses d'échanges
36(
*
)
:
- chaque État ou entreprise demandeur de permis aurait ainsi un
accès équitable, mais concurrentiel, à toutes les offres
de permis . Cela éviterait les arrangements
privilégiés et exclusifs qui réserveraient le
bénéfice des échanges les plus prometteurs à
certains États ou grandes entreprises, en fonction de relations
d'allégeance ou de dépendance ;
- la mise en concurrence la plus large des offres et des demandes favoriserait
un prix économiquement significatif qui, rendu public, fournirait une
information
précieuse à tous les opérateurs, y
compris ceux qui ne sont pas partie à l'échange ;
- l'information ainsi donnée sur le prix de transaction permettrait
d'évaluer aisément par la suite les conditions selon lesquelles
les gouvernements rétrocéderaient des permis à leurs
entreprises (une rétrocession à un prix inférieur au prix
d'acquisition se révélant comme une subvention
déguisée) ;
- enfin, la liquidité du marché serait accrue, tandis que les
coûts de transaction seraient réduits.
Par ailleurs, si l'offre et la demande sont instables ou inertes, ce qui est le
cas de l'énergie, le rationnement induit par les quotas
d'émissions peut se traduire par une forte
volatilité des
prix
, préjudiciable aux décisions des agents
économiques. Les quotas d'émission CO
2
doivent donc
comporter des mécanismes de flexibilité intertemporelle (mise en
réserve des permis excédentaires à une période
donnée, calcul des émissions en moyenne, possibilité
" d'emprunter " des permis). Ces mécanismes, qui
favoriseraient l'apparition de marchés dérivés permettent
en retour une meilleure
efficience intertemporelle
: les
réductions d'émissions sont effectuées au moment où
elles sont collectivement les moins coûteuses.
Il existe toutefois un dilemme entre l'efficience économique (qui invite
à une grande flexibilité dans le temps), et la
crédibilité
du système (il ne doit pas être
possible de repousser trop longtemps ses obligations).
Enfin, pour que les marchés de permis fonctionnent, il est
nécessaire que les permis aient une valeur, c'est-à-dire qu'il
existe un mécanisme de
sanction
dissuasif en cas de non respect
des quotas et que le respect des quotas ne soit pas difficile à
contrôler.
3. Cette intuition théorique est validée par les expériences de marchés de permis conduites aux États-Unis
Les
États-Unis ont expérimenté dès 1977
différentes formules de flexibilité dans leur approche contre les
pollutions atmosphériques. Avec la réforme de la
loi sur l'air
de 1990
(" Clean Air Act "), les États-Unis ont ainsi
entrepris de créer un marché national de permis d'émission
du dioxyde de soufre (SO
2
), sur la base d'un plafond national
d'émission réparti entre les centrales thermiques
37(
*
)
. Ce programme avait pour objectif de réduire
le phénomène des
pluies acides
, c'est-à-dire une
pollution à longue distance, à l'instar de celle due aux rejets
de gaz à effet de serre. À ce titre, cette expérience
fournit des
enseignements
quant à la possibilité de lutter
contre le changement climatique au moyen de marchés de permis
d'émission :
- l'expérience du programme Acid-Rain démontre la
faisabilité
à grande échelle d'un système de
permis négociable et l'existence de
gains économiques
importants. Certes, il a fallu une longue période
d'expérimentation pour définir, et rendre acceptable aux yeux des
tutelles administratives, des ONG, de l'opinion, des firmes elles-mêmes,
un système de règles permettant des échanges fluides. Mais
les objectifs de réduction des émissions de SO
2
ont
été atteints, et même dépassés, et les
coûts moyens de dépollution ont été réduits
de 30 à 50 % par rapport à l'approche réglementaire
initialement envisagée, ces gains provenant notamment de la mise en
concurrence des différentes techniques de dépollution
38(
*
)
.
- "
l'expérience américaine démontre
également la souplesse d'un système de permis
négociables : le marché n'a pas fonctionné de la
façon qui était prévue -toutes les précisions
relatives aux prix, aux quantités échangées et à
l'évolution des technologies s'étant
révélées erronées-, mais il a su s'adapter de
façon satisfaisante, au moins en première
approximation
"
39(
*
)
.
- le programme Acid-Rain suggère par ailleurs quelques
facteurs
clefs
de
succès
40(
*
)
. En
premier lieu, la
vente aux enchères
d'une partie des permis (le
reste étant alloué gratuitement), a joué un rôle
important dans le démarrage, puis l'unification du marché, en
diffusant de l'information, en favorisant l'apparition d'un prix public et en
stimulant l'apparition
d'intermédiaires
(ou courtiers)
spécialisés. En second lieu, les tentatives initiales de greffer
les permis négociables sur les dispositifs réglementaires
existants et d'introduire les marchés de permis par phases successives,
se sont révélées source de complexité et
d'inefficacité.
Enfin, le succès du programme " Acid Rain " doit beaucoup
à la crédibilité du système de
mesure
41(
*
)
des émissions,
d'enregistrement et de mises à jour des droits de chaque
détenteur, ainsi que des systèmes de
sanction
et de
pénalités en cas de défaillance.
Il est donc clair qu'un tel système ne pourrait être
transposé
à l'identique pour les émissions de
CO
2
, que se soit à l'échelle nationale (entre grandes
entreprises), en raison de la moindre précision de la
mesure
des
émissions ; ou à l'échelle internationale (entre
États), en raison de la difficulté de mettre en place un
système de
contrôle
et de
sanction
crédible.
4. L'allocation initiale des permis soulève toutefois des difficultés considérables
D'un
point de vue théorique, la taxation des émissions de
CO
2
et l'instauration d'un marché de permis d'émission
sont des instruments relativement proches, en ce qu'il s'agit d'instruments de
marché qui permettent tous deux de réduire les émissions
au moindre coût. La vente de permis à prix fixe est ainsi analogue
à une taxe. Marché de permis et taxation présentent
toutefois plusieurs différences :
- la taxation permet aux autorités publiques de fixer un
plafond
(le montant de la taxe), pour les
coûts
de réduction des
émissions, avec une incertitude sur l'efficacité de la taxe pour
réduire les atteintes à l'environnement. En revanche, un
système de permis négociables permet de fixer à l'avance
un plafond pour les émissions de CO
2
, mais avec une
incertitude sur les coûts de la dépollution mise en oeuvre.
Le choix de l'instrument optimal dépend donc de l'
incertitude
que les autorités publiques préfèrent supporter. Dans le
cas de l'effet de serre, les coûts du changement climatique pourraient
être quasiment proportionnels aux émissions (il est difficile de
mettre en évidence des effets de seuil), tandis que les coûts de
dépollution sont très sensibles aux objectifs (la
détermination d'objectifs trop ambitieux pourrait conduire à des
coûts économiques prohibitifs). Dans ces conditions, il est
a
priori
préférable de recourir à la taxation
plutôt qu'à des quotas et à des échanges de
permis ;
- par ailleurs, le système de marchés de permis est un instrument
moins adapté si le nombre d'intervenants est trop élevé
(en raison des
coûts de transactions),
ou si ce nombre est
réduit (en raison des risques de
collusion
). A l'échelle
nationale, il ne saurait donc être question de marchés de permis
qu'entre entreprises de taille suffisante (ce qui ne couvrirait qu'une partie
des émissions) ;
- les marchés de permis présentent toutefois l'avantage d'ajuster
les contraintes pesant sur les agents économiques au
contexte
économique
général : lorsque la conjoncture est
déprimée, les émissions ralentissent, donc le prix des
permis baisse, toutes choses égales par ailleurs, ce qui réduit
les efforts demandés aux entreprises ;
- en outre, lorsque les permis sont distribués gratuitement (comme dans
le programme " Acid Rain "), les entreprises polluantes ne subissent
pas de
choc financier
initial, ce qui rend l'instrument plus
acceptable
qu'une taxe.
L'
allocation initiale
des permis soulève toutefois des
difficultés considérables.
En théorie, si les coûts de transaction sont faibles, l'efficience
économique et environnementale ne dépend pas des modalités
d'allocation de ces permis : les réductions d'émission ont
lieu de toute façon là où leur coût est le plus
faible.
L'allocation des permis présente toutefois des effets redistributifs
très importants, dès lors que ces permis ont une
valeur
marchande
ou un coût d'opportunité.
Les modalités d'allocation initiale et de
renouvellement
des
permis d'émissions (à l'instar des permis de pêche, ils
sont temporaires), soulèvent ainsi des problèmes
d'
équité
et
de distorsions de concurrence
, aussi
bien à l'échelle nationale, qu'à l'échelle
internationale. Par exemple, selon quelles règles allouer des permis aux
nouvelles entreprises ? Une entreprise qui ferme une installation
polluante conserve-t-elle ses quotas ?
Sauf si elle s'effectue sous forme d'enchères périodiques,
l'allocation des permis donne ainsi lieu à des
marchandages
aux
enjeux financiers considérables, pour lesquels les diplomaties (à
l'échelle internationale) et les administrations (à
l'échelle nationale), sont inégalement préparées.
Les négociations internationales sur le changement climatique achoppent
ainsi entre pays en développement et pays industrialisés sur le
critère d'allocation " équitable " qui doit être
retenu (cf. chapitre III.1)
De manière générale, l'allocation des permis risque en
fait de conduire à une situation de
"
victime-payeur
" : les victimes ayant davantage
intérêt que les " pollueurs " à la maîtrise
des émissions, elles se verront contraintes de brader des quotas
à bas prix aux pollueurs afin que ceux-ci consentent à s'associer
à la réduction des émissions. La répartition des
quotas de Kyoto repose ainsi largement sur des " droits acquis ".
À l'échelle nationale, cette situation se manifesterait par
l'allocation gratuite de permis aux entreprises émettrices, au
détriment de la collectivité (qui aliénerait ce faisant
son patrimoine).
IV. LA RÉGLEMENTATION EST NÉCESSAIRE, À TITRE COMPLÉMENTAIRE
1. La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre ne saurait entièrement reposer sur la réglementation
La
réglementation
42(
*
)
consiste
à imposer des limites quantitatives à l'émission de
substances nocives ou à l'utilisation de certains biens. Elle peut
prendre de nombreuses formes :
normes
d'émission
individuelles,
obligations
de recourir à des techniques de
production moins polluantes ou à des dispositifs de dépollution,
etc.
D'une manière générale, la réglementation est
indispensable en matière environnementale quand il s'agit de
prévenir des risques vitaux identifiés ou localisés, par
exemple pour le transport des produits dangereux ou le fonctionnement des
centrales nucléaires. Mais cela n'est pas le cas des risques
associés au changement climatique, car on ne peut établir la
chaîne des causalités
entre les émissions d'une
installation donnée et les perturbations du climat.
Lorsque des
contrôles
sont possibles la réglementation peut
être efficace et présente l'avantage que ses effets sur
l'environnement sont parfaitement
prévisibles
, dans la mesure
où elle s'appuie sur des normes définies avec précision.
Le rapport du Comité interministériel de l'évaluation des
politiques publiques relatif à la maîtrise de
l'énergie
43(
*
)
, souligne ainsi que
"
l'action réglementaire développée avec
continuité depuis 1975 pour améliorer l'efficacité
énergétique des nouveaux bâtiments constitue un exemple
réussi qui a eu un impact énergétique marqué et
rentable
".
L'établissement de normes peut également faciliter la production
de certains produits en grande série, donc conduire à des
économies d'échelle
.
La réglementation est toutefois
difficile
à
calibrer
. Trop exigeante, elle fait peser des coûts excessifs sur
les agents économiques. Insuffisante, elle est inefficace.
Le Comité interministériel d'évaluation des politiques
publiques
44(
*
)
remarque, par exemple, que
"
la réglementation qui avait exigé en 1975 un niveau
minimum de rendement pour les chaudières est un échec exemplaire.
Insuffisamment exigeante, elle n'a servi à rien alors qu'elle aurait
pu généraliser l'emploi de matériels plus performants
et stimuler le progrès technique
".
En raison de ces difficultés de calibrage, la réglementation est
difficile et coûteuse à administrer : les négociations
entre les industriels et l'administration pour la codétermination des
seuils réglementaires peuvent être longues et délicates.
Elle est également
instable
, ce qui brouille les anticipations
des entreprises et des ménages et ne favorise pas les meilleurs choix
d'investissements. Par ailleurs, lorsqu'elle impose certains moyens
technologiques, la réglementation constitue un
frein
au
progrès technique puisqu'elle fixe une fois pour toutes les
méthodes à utiliser
45(
*
)
.
En outre, la réglementation est difficile à
coordonner
à l'échelle internationale. Il y a alors un risque que les Etats
cherchent à manipuler les normes pour créer des barrières
aux importations ou pour avantager leurs entreprises à l'exportation.
Enfin, les réglementations, même les mieux définies, ne
sont
pas
efficientes
économiquement : elles ne minimisent
pas le coût total pour atteindre un objectif fixé. En effet, il
est impossible de les différencier suffisamment pour tenir compte de
chaque situation, de sorte que les réductions d'émissions ne sont
pas nécessairement effectuées là où elles sont les
moins coûteuses (les coûts marginaux de réduction des
émissions ne sont pas égalisés pour tous les agents). D'un
côté, certains agents devront effectuer des investissements
très coûteux et peu efficaces ; de l'autre, les agents qui
pourrait réduire leurs émissions à très faible
coût ne sont aucunement incités à aller au-delà des
normes existantes.
Au total, la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre
ne saurait donc entièrement reposer sur une approche
réglementaire.
2. La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre requiert toutefois le renforcement de certaines réglementations
Le
recours à des instruments de marché (taxation et permis
d'émissions) est inopérant dans au moins deux situations :
- lorsque les émissions sont difficiles à établir ou
à
mesurer
: il est alors malaisé de déterminer
une assiette fiscale ou de contrôler le respect de quotas
d'émission ;
- lorsque les agents ne disposent pas d'une
information
suffisante sur
leurs propres émissions et sur leurs coûts de dépollution,
soit par " myopie " (les ménages connaissent ainsi très
mal les coûts et les avantages de l'isolation des habitations), soit
parce que les émissions sont très diffuses (les consommateurs
prennent ainsi très peu en compte le critère d'efficacité
énergétique lors de l'achat d'ampoules ou d'appareils
électroménagers).
Dans ces deux configurations, le recours à la réglementation est
indispensable.
La lutte contre les émissions des gaz à effet de serre autres que
le CO
2
, dont les émissions sont difficiles à mesurer,
passe donc par la réglementation. On peut ainsi réduire les
émissions de méthane par l'instauration ou le renforcement des
réglementations relatives aux mises en décharge, aux fuites de
gaz sur les sites de production d'énergie et les oléoducs, voire
à la qualité de l'alimentation des ruminants.
Par ailleurs, la réglementation peut améliorer l'information des
consommateur, grâce à :
- l'instauration d'
obligations d'information
, à l'instar du
système d'étiquetage informatif qui a été rendu
obligatoire pour certains appareils électroménagers
(réfrigérateurs, congélateurs, sèche-linge), afin
d'orienter les consommateurs vers les appareils les plus économes ;
- le développement de "
labels
". À court terme,
la labellisation peut s'avérer peu efficace pour lutter contre le
changement climatique. En effet, les coûts de certification et de
contrôle peuvent être élevés, et la labellisation ne
répondrait peut-être pas à un besoin d'information des
consommateurs, qui ne sont pas encore prêts à des sacrifices
individuels significatifs pour lutter contre le changement climatique. En
outre, la labellisation pourrait être considérée par l'OMC
comme une barrière aux échanges internationaux. Cependant,
à long terme, la diffusion de labels pourrait
sensibiliser
les
consommateurs à la maîtrise de l'énergie, et contribuer au
développement d'une conscience environnementale ;
- des dispositions réglementaires portant sur des
normes
minimales
de rendement énergétique (ces normes fournissent
implicitement une information aux consommateurs).
Par ailleurs, le renforcement de la réglementation peut prendre la forme
d'
engagements
volontaires
de la part des industriels : les
constructeurs automobiles européens se sont ainsi engagés
auprès de l'Union européenne sur des objectifs quantifiés
d'amélioration de l'efficacité énergétique de leurs
moteurs
46(
*
)
.
Idéalement, le renforcement de la réglementation doit être
harmonisé
à l'échelle internationale, afin
d'éviter l'apparition de barrières ou de distorsions aux
échanges, et le développement corollaire de litiges commerciaux.
Mais l'harmonisation des normes est un processus très lent et
très difficile.
L'adoption par un pays isolé d'une réglementation plus
restrictive n'est toutefois pas toujours un frein à sa
compétitivité. Les premiers pays à mettre en oeuvre
certaines normes peuvent disposer d'une
avance technologique
ou peser
davantage lors des négociations internationales relatives à la
normalisation (les pays suiveurs s'adaptant aux normes définies par les
pays pionniers), à l'instar de l'Allemagne avec les pots
catalytiques.
V. BIEN CIBLÉES, LES SUBVENTIONS SONT EFFICACES
1. Les subventions peuvent présenter des inconvénients
Les
subventions
qui seraient nécessaires pour réduire les
émissions de gaz à effet de serre sans recourir à d'autres
instruments économiques atteindraient des montants considérables
(plusieurs dizaines de milliards de francs par an), et se traduiraient par des
prélèvements publics supplémentaires. Par ailleurs, les
subventions sont parfois peu efficaces (effets d'aubaine), peu
efficientes
(en distordant le fonctionnement des marchés), et peu
réversibles
.
En outre, la gestion des subventions peut représenter des coûts
pour les administrations, comme pour les entreprises, tout en étant
difficile à calibrer.
Le rapport du Comité interministériel de l'évaluation des
politiques publiques relatif à la maîtrise de
l'énergie
47(
*
)
concluait par exemple qu'il
"
n'a pas été possible de mettre en évidence
l'impact de l'aide, très modeste, constituée par le régime
d'amortissement accéléré des investissements de
maîtrise d'énergie, qui représente un avantage
équivalent à une subvention de 2 à 5 % selon la
durée de vie de l'installation
". Par ailleurs, les avantages
fiscaux proposés aux sociétés agrées pour le
financement des économies d'énergie (SOFERGIE) constituent selon
ce même rapport d'évaluation
48(
*
)
"
une formule qui complique, sans profit réel, le paysage des
financements des entreprises et des collectivités
".
Enfin, le fait de subventionner les " polleurs " peut être
injuste et favorise à long terme le développement d'un
"
aléa moral
" (c'est-à-dire une incitation
à polluer pour bénéficier de subventions).
En conséquence, la lutte contre le changement climatique ne saurait
entièrement reposer sur la création de nouvelles subventions.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il
serait au contraire plus judicieux de réduire certaines
subventions
implicites
à la consommation d'énergie ou aux énergies
les plus riches en CO
2
(cf. chapitre IV).
2. Des subventions ciblées sont toutefois nécessaires pour remédier aux imperfections des marchés
La
théorie économique identifie plusieurs configuration où
des
subventions ciblées
peuvent efficacement favoriser la
maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.
En premier lieu, il est efficace d'aider les agents économiques qui
rencontrent des
contraintes de financement
, c'est-à-dire qui
éprouvent des difficultés à emprunter pour effectuer des
investissements à la fois rentables d'un point de vue
socio-économique et pertinents pour la maîtrise des
émissions de gaz à effet de serre.
À l'échelle internationale, il est ainsi souhaitable que les pays
industrialisés accordent des garanties d'emprunt ou des aides directes
aux investissements de dépollutions des pays en développement
où se trouvent les gisements de maîtrise des émissions les
moins coûteux.
À l'échelle nationale, il est notamment pertinent d'aider
l'afforestation, les investissements d'économie d'énergie des
PME, les efforts d'isolation thermique des bailleurs sociaux et des
primo-accédants à la propriété, ainsi que les
projets des collectivités locales en matière de transports
collectifs. Ces aides peuvent prendre la forme de subventions directes, mais
aussi de garanties d'emprunt, dont l'
effet multiplicateur
peut
être élevé.
En second lieu, des subventions bien ciblées peuvent avoir un
"
effet déclencheur
" en améliorant
l'information des agents économiques, à travers deux
mécanismes :
- le fait que les investissements de maîtrise des émissions soit
subventionné est un
"
signal " symbolique
important de leur intérêt pour la collectivité dans son
ensemble, qui contribue à sensibiliser l'ensemble des agents
économiques au changement climatique. Conjoncturellement, il serait
ainsi mal venu de remettre en cause le principe de certaines subventions aux
économies d'énergie, même si leur impact est
incertain ;
- par ailleurs, les
subventions au conseil
, en particulier le
cofinancement des
diagnostics énergétiques
pour les
collectivités locales, les entreprises ou les particuliers, sont
extrêmement efficaces. La plupart des agents économiques n'ont en
effet ni l'idée d'effectuer un tel diagnostic, ni surtout une
idée des économies d'énergie qu'ils pourraient
réaliser.
Enfin, les autorités publiques peuvent subventionner les
"
externalités positives
", c'est-à-dire les
décisions individuelles qui accroissent le bien-être collectif,
sans que leur auteur en soit directement récompensé.
Il convient notamment d'encourager la
recherche-développement
en
matière de changement climatique, et de réorienter les
dépenses de R & D dans le domaine de
l'énergie : selon l'OCDE, durant la période 1977-1990, moins
de 6 % des dépenses de R & D dans le domaine de
l'énergie des pays de l'OCDE ont été affectées aux
économies d'énergie, et seulement 9 % aux formes
d'énergie renouvelables, contre près de 50 % à la
fission nucléaire et 12 % à la fusion nucléaire.
Par ailleurs, subventionner la diffusion de technologies prometteuses, comme la
cogénération
permet de bénéficier
d'économies d'échelle, donc d'en réduire le coût.
La cogénération 49( * )
La
cogénération recouvre un ensemble de techniques de production
simultanée d'énergie thermique, récupérée
sous forme de gaz chauds ou de vapeur et utilisée pour le chauffage, et
d'énergie mécanique, cette dernière étant le plus
souvent utilisée pour produire de l'électricité par
couplage à un alternateur.
La valorisation simultanée de la chaleur et de l'énergie
mécanique peut permettre d'atteindre des rendements
énergétiques très élevés, de l'ordre de
80 %, et même jusqu'à 90 %, largement supérieurs
à ceux d'une production séparée de chaleur et
d'électricité. La cogénération permet donc de
réaliser des économies appréciables d'énergie
primaire.
La cogénération se prête en outre à la valorisation
énergétique des ordures ménagères.
CHAPITRE III
ENJEUX ET MODALITÉS DE LA
COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE DE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
I. UNE COOPÉRATION DIFFICILE
1. Le changement climatique : un problème global, d'ampleur sans précédent
Au
contraire des " pluies acides ", qui retombent pour partie sur le
territoire des pays pollueurs, ou des atteintes à la couche d'ozone,
dont les CFC émis par les pays industrialisés étaient
largement responsables, le changement climatique est un problème
entièrement global, dont tous les pays sont à la fois
responsables et victimes : les émissions de gaz à effet de
serre se diffusent très rapidement dans l'atmosphère de
l'ensemble de la planète, où leur concentration est
homogène.
Le changement climatique est aussi
sans précédent
par son
ampleur, par la diversité des activités humaines
concernées, et par l'importance des inflexions nécessaires pour y
remédier : contrairement aux CFC, il existe peu de produits de
substitution aux gaz à effet de serre.
La lutte contre le changement climatique soulève également nombre
de questions nouvelles, en matière économique, éthique et
politique.
2. Comment déterminer le niveau d'effort optimal ?
La
première de ces questions porte sur le
calendrier
et
l'
intensité
des efforts de maîtrise des émissions
à l'échelle internationale.
Si le respect du principe de précaution invite en effet à agir
(cf. chapitre I), les connaissances scientifiques et les simulations
économiques ne permettent en effet guère de déterminer un
niveau d'effort " optimal ", d'autant plus que l'horizon temporel ou
les préférences des populations diffèrent : le
degré de préférence pour le présent, la valeur
attribuée à la préservation de la biodiversité, la
solidarité envers les générations à venir ne sont
pas les mêmes dans tous les pays.
Par surcroît, le coût de maîtrise des émissions est
partout plus que proportionnel aux réductions de ces émissions,
comme l'illustre le tableau ci-dessous.
|
|
|
||||
|
Émissions en 2010 (en millions de tonnes de carbone) |
Réduction d'émissions
|
Ordre de grandeur du coût pour l'Union européenne (en milliards d'euros) |
Ordre
de grandeur coût moyen de réduction
|
|
|
|
1030 (référence) |
0 |
0 |
- |
|
|
|
900 |
- 130 |
10 |
75 |
|
|
|
800 |
- 230 |
25 |
110 |
|
|
|
700 |
- 330 |
60 |
180 |
|
|
|
600 |
- 430 |
130 |
300 |
|
|
|
Source : OCDE, calculs de l'auteur. |
3. Comment répartir les efforts entre les pays ?
Il est
difficile de définir un critère optimal pour la
répartition des efforts de maîtrise des émissions entre
pays.
Le critère
a priori
le plus conforme à
l'équité consisterait à partager un plafond
d'émissions mondial
au prorata
de la
population
des pays.
La mise en oeuvre de ce critère n'est toutefois par aussi simple qu'il
n'y paraît : faut-il par exemple accroître les quotas des pays
démographiquement dynamiques, au détriment de ceux qui
maîtrisent la fécondité de leur population ?
|
|
|
||||||||||||
|
EXEMPLES DE RÈGLES D'ALLOCATION DES QUOTAS À
L'ÉCHELLE INTERNATIONALE
|
|
||||||||||||
|
|
Règle |
Avantages |
|
||||||||||
|
1. |
Droits acquis . Quotas alloués d'après les parts d'émissions des pays/régions dans une année donnée. |
Relativement facile à définir et à mesurer. |
|
||||||||||
|
2. |
Règle égalitaire . Quotas alloués à proportion du poids démographique de chaque pays/région dans une année donnée. |
Facile à mesurer et conforme au principe de l'égalité des droits en matière d'utilisation de l'atmosphère. |
|
||||||||||
|
3. |
Règle d' efficience . Quotas alloués à proportion de l'inverse de l'intensité de carbone relative des pays/régions, mesurée par le ratio des émissions de C0 2 au PIB, pondérée en fonction de la population. |
Avantage les pays qui utilisent des sources d'énergie plus efficientes émettant moins de carbone. |
|
||||||||||
|
4. |
Règle redistributive . Quotas alloués en proportion inverse du PIB par habitant du pays/de la région, pondéré en fonction de la population. |
Avantage
les pays pauvres en engendrant un flux positif de
|
|
||||||||||
|
5. |
Règle d' équité et d' efficience . Quotas alloués en proportion inverse de la consommation de combustibles fossiles par habitant d'un pays/d'une région. |
Tend à avantager les pays en développement démunis et les pays qui favorisent les sources d'énergie exemptes de carbone et l'utilisation rationnelle de l'énergie. |
|
||||||||||
|
|
|
|
|
||||||||||
|
RÉPARTITION INITIALE DES QUOTAS
50(
*
)
SUIVANT DIFFÉRENTES RÈGLES D'ALLOCATION
(EN % DU TOTAL)
|
|
||||||||||||
|
|
Droits acquis |
Critère égalitaire |
Efficience |
Critère redistributif |
Équité |
|
|||||||
|
États-Unis |
27.1 |
7.9 |
15.4 |
0.2 |
1.9 |
|
|||||||
|
Japon |
6.8 |
3.9 |
11.0 |
0.2 |
4.0 |
|
|||||||
|
Communauté européenne |
16.6 |
10.2 |
19.8 |
0.7 |
4.1 |
|
|||||||
|
Autres pays de l'OCDE (1) |
6.0 |
4.0 |
7.7 |
0.3 |
4.5 |
|
|||||||
|
Chine |
12.2 |
35.1 |
18.2 |
42.0 |
20.6 |
|
|||||||
|
Ex-Union soviétique |
20.9 |
9.1 |
2.7 |
2.8 |
2.3 |
|
|||||||
|
Inde |
3.0 |
26.1 |
23.8 |
52.7 |
59.2 |
|
|||||||
|
Europe de l'Est |
7.3 |
3.8 |
1.5 |
1.1 |
3.5 |
|
|||||||
|
(1) À l'exclusion du Mexique. |
|
||||||||||||
|
SIMULATION DES TRANSFERTS FINANCIERS INDUITS EN 2050 ENTRE
GRANDES ZONES PAR LE CHOIX D'UNE RÈGLE D'ALLOCATION
|
|
||||||||||||
|
|
|
||||||||||||
|
|
Région |
|
|||||||||||
|
Règle d'allocation des quotas |
OCDE |
Ex-Union soviétique et Europe de l'Est |
Chine et Inde |
|
|||||||||
|
Droits acquis |
14 |
22 |
-36 |
|
|||||||||
|
Critère égalitaire |
-90 |
-29 |
119 |
|
|||||||||
|
Efficience |
5 |
-57 |
52 |
|
|||||||||
|
Critère redistributif |
-176 |
-58 |
234 |
|
|||||||||
|
Équité |
-130 |
-52 |
182 |
|
|||||||||
|
Source OCDE. |
|
|
|
|
|||||||||
|
Les simulations ci-dessus suggèrent que l'allocation des quotas nationaux sur la base de l'égalité " pure " (au prorata du nombre d'habitants), se traduirait par des transferts au profit des pays en développement, dont le montant serait plusieurs fois supérieur au montant actuel de l'ensemble de l'aide au développement. |
|
En
outre, ce critère ne tient compte ni des
responsabilités
historiques en matière de changement climatique, ni des
capacités
technologiques ou financières des
différents États, ni de ce que les
effets
du changement
climatique sont très différenciés, (certains pays froids
en seraient peut-être même bénéficiaires).
Enfin, la répartition des efforts selon un critère
égalitaire se traduirait par des
transferts
au profit des pays en
développement, dont le montant total pourrait être
supérieur au niveau actuel de l'aide au développement et
équivalent aux transferts induits par les chocs pétroliers au
profit des pays de l'OPEP, ce qui ne paraît par de nature à
réunir l'
adhésion
des pays industrialisés.
Ces problèmes d'équité entraînent le risque de
comportements de "
passagers clandestins
" : quel que
soit le critère retenu, à défaut d'autorité
coercitive à l'échelle internationale, certains pays refuseront
de s'associer aux efforts collectifs de maîtrise des émissions ou
auront la tentation de s'affranchir de leurs obligations, tout en
espérant bénéficier des efforts consentis par les
autres.
4. Le problème des " fuites de carbone "
L'efficacité de mesures de réduction des
émissions de gaz à effet de serre prises unilatéralement
par un pays ou un ensemble de pays peut être affectée par un
phénomène baptisé "
fuite de carbone
".
Ces fuites de carbone se produisent si la maîtrise des émissions
de CO
2
dans certains pays tend à
accroître
les
émissions de CO
2
des
autres pays
, à travers les
mécanismes suivants :
- le ralentissement de la consommation d'énergies fossiles dans les pays
qui s'efforcent de réduire leurs émissions de CO
2
entraîne une diminution de la demande mondiale de ces énergie,
donc une baisse de leur
prix
. Cela peut favoriser une hausse de la
consommation d'énergie fossile dans les autres pays ;
- par ailleurs, les efforts de maîtrise des émissions dans les
pays " vertueux " peuvent stimuler le développement des
activités les plus polluantes dans les pays les moins vertueux,
où ces activités seraient de fait plus
compétitives.
Les simulations effectuées par l'OCDE à l'aide du modèle
Green d'une réduction unilatérale des émissions dans
l'Union européenne suggèrent toutefois que l'ampleur de ces
" fuites de carbone " serait très
limitée
(de
l'ordre de quelque %), voire négatives.
AMPLEUR DES FUITES DE CARBONE SOUS L'HYPOTHÈSE D'UNE
STABILISATION UNILATÉRALE DES ÉMISSIONS DANS L'UNION
EUROPÉENNE
|
||
|
2010 |
2030 |
Évolution des émissions de l'Union européenne par rapport au scénario de référence : |
- 206 |
- 389 |
Évolution des émissions des autres pays : |
+ 3 |
- 13 |
Source : OCDE, 1995. |
Au
premier abord surprenant, ce résultat s'explique, selon l'OCDE, par
l'action de
mécanismes correcteurs
:
- la maîtrise des émissions dans les pays de l'Union
européenne entraînerait une diminution du prix mondial du
pétrole
, conduisant à un ralentissement de la croissance
économique, donc des émissions de CO
2
, des pays
exportateurs de pétrole (OPEP, Russie). Par ailleurs, cette baisse du
prix du pétrole favoriserait un
effet de substitution
interénergie par lequel le pétrole remplacerait plus rapidement
le charbon dans les pays en développement, ce qui favoriserait la
maîtrise des émissions.
- par ailleurs, les pertes de compétitivité subies par les
secteurs à haute intensité d'énergie dans l'Union
européenne, s'accompagneraient inévitablement d'un renforcement
de l'avantage comparatif des autres secteurs économiques, susceptible de
favoriser des
relocalisations
d'autres activités dans les pays de
l'Union.
Le modèle utilisé par l'OCDE ne peut toutefois prendre en compte
plusieurs mécanismes susceptibles d'
accroître
l'ampleur de
ces " fuites de carbone
51(
*
)
:
- l'impact de mesures unilatérales sur les anticipations et les
comportements stratégiques des producteurs, qui peuvent être
incités à délocaliser leurs unités de
production ;
- le pouvoir de marché des producteurs de biens à haute
intensité d'énergie dans les pays ne participant pas à la
réduction des émissions : si ces producteurs sont moins
nombreux, ils pourront accroître leurs marges, ce qui se traduira par un
transfert de revenus au profit des pays les moins économes en
énergie, donc par une augmentation des émissions
totales.
II. POURTANT SIMPLE ET EFFICIENTE, LA CRÉATION D'UNE TAXE COORDONNÉE SUR LE CO2 N'A PAS ENCORE FAIT L'OBJET D'UN ACCORD INTERNATIONAL
1. L'instauration d'une taxe coordonnée sur le CO2 constituerait un instrument simple et efficient, ainsi qu'un " signal " politique fort
Le
recours à une taxation du CO
2
coordonnée à
l'échelle internationale, c'est-à-dire à une action par
les prix, constituerait un instrument efficient. En effet, la taxe maximiserait
les réductions d'émissions dans les pays où elles sont les
moins coûteuses. Au total, la taxation coordonnée du
CO
2
est susceptible de
diviser
au moins
par 2
les
coûts
de maîtrise des émissions par rapport à
des mesures de réduction unilatérales.
La taxation coordonnée n'empiéterait guère sur la
souveraineté
des États, puisque les ressources fiscales
qu'ils prélèveraient leur reviendraient directement (une partie
de ces revenus pouvant toutefois bénéficier au fonds mondial pour
l'environnement).
COÛT MACROÉCONOMIQUE DU PROTOCOLE DE KYOTO SUR
LA
PÉRIODE 1990-2010 SELON DIVERSES HYPOTHÈSES
(Ecart du PIB en 2010 par rapport au scénario " sans
mesures ", en % du PIB)
|
Chaque
zone met en oeuvre
|
Taxe
coordonnée
|
Union européenne |
- 0,8 % |
- 0,2 % |
Etats-Unis |
- 0,4 % |
- 0,2 % |
Japon |
- 0,9 % |
- 0,2 % |
Pays exportateurs de pétrole |
- 3,4 % |
- 1,4 % |
Monde |
- 0,7 % |
- 0,2 % |
Source : Centre de développement de l'OCDE,
Modèle GREEN, 1998.
La mise en oeuvre d'une taxe coordonnée serait par ailleurs très
simple
, et très aisée
à contrôler
.
La taxation coordonnée des émissions de CO
2
permettrait de maîtriser très simplement les
rejets
" apatrides
", c'est-à-dire les émissions
liées aux transports aériens ou maritimes internationaux, pour
lesquelles les politiques nationales sont impuissantes et le
développement de réglementations internationales semble complexe.
A défaut, ces émissions doivent faire l'objet d'une taxation ou
d'une réglementation spécifique.
Enfin, l'instauration d'une taxe coordonnée, même d'un montant
modeste, et même limitée aux pays industrialisés, aurait
constitué un
signal
politique et diplomatique fort :
- attestant vis-à-vis de l'
opinion publique
, de l'importance du
changement climatique ;
- attestant vis-à-vis des
pays en développement
de la
détermination des pays industrialisés à réduire
leurs émissions ;
- témoignant de la prise en considération du principe de
précaution et de la capacité des pays industrialisés
à prendre en compte leur intérêt commun.
2. Le principe d'une taxe coordonnée n'a pas pour l'heure surmonté les réticences de certains pays
Lors des
négociations internationales relatives à l'effet de serre, le
principe d'une taxe coordonnée à l'échelle mondiale a
rencontré l'
opposition
des pays en développement gros
consommateurs de charbon, au premier rang desquels l'
Inde
et la
Chine
, où l'instauration d'une écotaxe assise sur le
CO
2
aurait constitué un choc économique de très
grande ampleur.
En effet, le prix initial de l'énergie y est faible. En outre, selon le
GIEC, le contenu en CO
2
d'une unité de PIB est dix fois plus
élevé en Chine qu'en Europe, en raison d'un recours accru au
charbon et d'une efficacité énergétique moindre.
Au total, selon l'OCDE, le montant d'une taxe harmonisée à
l'échelle mondiale aurait représenté en Chine et en Inde
une part du PIB plus de quatre fois supérieure à celle atteinte
dans les principaux pays industrialisés. Le produit fiscal de la taxe
aurait également été plus important, permettant des
allégements massifs d'autres impôts. Mais le "
choc
économique
" induit aurait peut-être affecté la
croissance de ces pays en développement.
En outre, l'instauration d'une taxe sur les CO
2
exercerait des
effets redistributifs importants en Chine, où les produits
énergétiques sont pour partie subventionnés, ce qui y rend
la mesure socialement et politiquement difficile.
Au total, selon l'OCDE
52(
*
)
, l'instauration
d'une taxe sur les émissions de CO
2
, coordonnée
à l'échelle mondiale, devrait s'accompagner de
transferts
financiers massifs en faveur des pays en développement. En quelque
sorte, il faudrait aider ces pays pour qu'ils acceptent d'effectuer l'essentiel
des efforts de réduction, dans l'intérêt de la
collectivité à l'échelle planétaire.
Il demeure toutefois envisageable, et souhaitable, d'instaurer une taxe
coordonnée sur le CO
2
au sein des pays de l'
OCDE
,
où les disparités sont plus limitées. Cette mesure
représenterait en effet un " signal fort "
vis-à-vis des pays en développement.
Mais cette idée s'est jusqu'alors heurtée aux réticences
des
États-Unis
envers le principe même d'une
" taxe ", et plus encore d'une taxe
" internationale ".
III. LE SOMMET DE KYOTO S'EST CONCLU PAR UN ACCORD SUR LE PRINCIPE DE QUOTAS D'ÉMISSIONS POUR LES PAYS INDUSTRIALISÉS À PARTIR DE 2008, C'EST-À-DIRE D'UNE APPROCHE PAR LES QUANTITÉS ET NON PAS PAR LES PRIX
1. Les acquis du Sommet de Rio53( * )
La
convention-cadre
sur le changement climatique adoptée en juin
1992 au Sommet de Rio après quinze mois de négociations, puis
ratifiée
par
171 États
, dont tous les
États européens, auxquels s'ajoutent la communauté
européenne, signataire à part entière, est
entrée en vigueur
le 21 mars 1992.
Cette convention définit les
principes
qui doivent guider
l'action de la communauté internationale :
- la protection du climat doit être assurée pour le
bénéfice des générations présentes et
futures, sur la base d'un critère d'
équité
qui
prenne en compte les responsabilités communes mais
différenciées des États, ainsi que leurs capacités
respectives ;
- les parties à la convention ont l'obligation de prendre des
mesures
de précaution
pour
anticiper, prévenir ou
réduire les causes du changement climatique ;
- les mesures adoptées par les parties ne doivent pas constituer une
discrimination arbitraire ou injustifiable ou une restriction
déguisée au
commerce international
;
- enfin, la conférence des parties (COP) est désignée
comme l'
organe exécutif
de la convention. Elle examine
périodiquement la pertinence des engagements, à la lumière
des progrès scientifiques et de l'expérience des programmes
nationaux de réduction des émissions.
Au vu de ces principes, une distinction a été
opérée dans les types d'engagements incombant respectivement aux
pays en développement et aux pays industriels. Les pays de l'OCDE, moins
le Mexique, et les pays en transition vers une économie de
marché, en particulier la Fédération de Russie et
l'Ukraine, constituent ainsi " les pays de l'Annexe 1 " qui ont
souscrit des engagements particuliers :
- ramener leurs émissions des trois principaux gaz à effet de
serre (CO
2
, méthane, N
2
O) en l'an 2000 au niveau
de 1990 ;
- assurer le
financement
des surcoûts qui seraient
supportés par des pays en développement, du fait des actions de
réduction des gaz à effet de serre que ces derniers
entreprendraient.
Le Sommet de Rio instituait ainsi les
prémices d'engagements
quantitatifs
. Ces engagements, qui n'étaient pas assortis de
mécanismes de contrôle et de sanctions, ne seront toutefois
guère respectés : selon le Conseil d'analyses
économiques, "
la plupart des pays signataires de la convention
n'auront pas ramené en l'an 2000 leurs émissions au niveau de
1990. Certains en seront même très éloignés :
les États-Unis pourraient bien augmenter leurs émissions de
près de 15 %, et l'Union européenne de
5 %
".
2. Les engagements du protocole de Kyoto
La
troisième session de la conférence des parties à la
conférence sur le climat, qui s'est tenue à
Kyoto
en
décembre 1997
, avait donc pour ordre du jour l'adoption de
nouveaux engagements.
Ce sommet s'est effectivement conclu par un
accord
entre l'ensemble des
parties, y compris les pays en développement.
Cet accord, le " protocole de Kyoto ", constitue sans doute le
traité le plus
ambitieux
jamais signé en matière
d'environnement.
Cet accord comporte pour l'essentiel des
engagements
de la part des pays
" de l'annexe I ", c'est-à-dire des pays
industrialisés et les pays en transition, de réduire ou de
limiter les
émissions globales
de six gaz à effet de
serre
54(
*
)
exprimées en
équivalent
CO
2
, et mesurées sur la
période 2008-2012.
En moyenne, ces engagements consisteraient, pour les pays
industrialisés, à réduire leurs émissions sur la
période 2008-2012 de 5 % par rapport au niveau de
référence de 1990, alors qu'en l'absence de mesures, ces
émissions auraient augmenté en moyenne de près d'un quart.
Les émissions des pays industrialisés seraient ainsi
réduites
de près de
30 %
par rapport à
leur
tendance
.
Ces engagements varient entre
- 8 %
(pour l'Union
européenne) et
+ 10 %
(pour l'Islande) pour 2008-2012
par rapport à 1990
55(
*
)
, sans tenir
compte des sources d'émissions ou inversement des " puits " de
carbone liés à la forêt ou au changement d'affectation des
terres
56(
*
)
.
Dans le calcul de leurs émissions pour la période 2008-2012, les
parties tiendront compte des modifications des émissions
résultant de leurs initiatives en matière de
boisement
et
de
reboisement
(qui absorbe du CO
2
) où à
l'inverse de déforestation.
LES
ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE PAR PAYS EN 1990
|
|||||
1990 |
Quotas
|
||||
|
Émissions de CO
2
|
Émissions de l'ensemble des gaz à effet de
serre
|
Émissions de GES par habitant hors changements d'affectation des sols et sylviculture |
Émissions de GES par habitant y compris changements d'affectation des sols et sylviculture |
par rapport à 1990 en moyenne annuelle |
Australie |
79 |
127 |
7,4 |
15,0 |
+ 8 % |
États-Unis |
1352 |
1593 |
6,4 |
4,6 |
- 7 % |
Canada |
126 |
158 |
6,0 |
6,0 |
- 6 % |
Russie |
651 |
840 |
5,7 |
4, 3 |
0 % |
Allemagne |
277 |
339 |
4,3 |
4,0 |
- 21 %* |
Pays-Bas |
47 |
58 |
3,9 |
3,8 |
- 6 %* |
Royaume-Uni |
157 |
198 |
3,5 |
3,4 |
- 12,5 % |
Italie |
117 |
154 |
2,7 |
2,1 |
- 6,5 % |
Japon |
315 |
329 |
2,7 |
1,9 |
- 6 % |
France |
100 |
135 |
2,4 |
1,8 |
0 % * |
Espagne |
62 |
85 |
2,2 |
1,6 |
+ 15 % |
* Ces quotas résultent d'un accord de juin 1998 interne à l'Union européenne et relatif au partage de l'objectif de l'Union (- 8 %). |
Les pays de l'annexe I se sont par ailleurs engagés à avoir pris, d'ici 2005, des mesures tangibles , leur permettant de réaliser une part significative (mais non précisée) de leurs engagements.
3. Les zones d'ombre du protocole de Kyoto
Même si les
pays en développement
reconnaissent
qu'ils devront eux aussi participer à l'effort général de
maîtrise des émissions, le protocole ne comporte aucun engagement
précis de leur part.
Le protocole de Kyoto résulte ainsi pour l'essentiel d'un compromis
diplomatique entre pays développés, qui se sont alloués
entre eux des quotas
57(
*
)
. Ces quotas sont
l'expression ni de la
rationalité économique
, ni de
l'
équité
, comme le suggère la lecture du tableau
ci-dessus.
Au total, les réductions d'émissions acceptées pour la
période 2008-2012 sont ainsi très en deçà de ce qui
serait nécessaire, d'après les scientifiques, pour stabiliser les
émissions de gaz à effet de serre à un niveau compatible
avec le principe de précaution.
Par ailleurs, le principe des quotas soulève des difficultés de
contrôle
(certification, vérification) et de
sanction
: le protocole reste très flou quant aux
modalités des sanctions, le terme de " sanctions "
n'étant même pas mentionné dans le texte de l'accord. En
outre, le protocole demeure muet sur l'
après 2012.
Par surcroît, toute partie peut se
retirer
du protocole
après trois années écoulées à partir de
l'entrée en vigueur du protocole, sans que cela ait, semble-t-il de
conséquence
58(
*
)
.
Or, il est indispensable que le processus de Kyoto soit
crédible
,
afin que les pays en développement se rallient effectivement à la
maîtrise des émissions.
Enfin, l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto ne sera effective que
trois mois après sa ratification par 55 parties de la convention,
dont des pays de l'annexe I (des pays industrialisés)
représentant au moins 55 % des émissions totales des parties
de l'annexe I en 1990, ce qui est très loin d'être atteint et
ce qui signifie que les
États-Unis
(plus de 30 % des
émissions mondiales de CO
2
) disposent quasiment d'un droit de
veto
.
IV. LES PAYS SIGNATAIRES DU PROTOCOLE DE KYOTO SE SONT ÉGALEMENT ACCORDÉS SUR LE PRINCIPE DE MÉCANISMES D'ÉCHANGE DE LEURS QUOTAS
1. Le principe commun de ces mécanisme de flexibilité : plusieurs pays peuvent s'accorder pour répartir leurs efforts de manière plus efficiente
Les coûts marginaux de réduction des émissions diffèrent dans des proportions considérables selon les pays. Schématiquement, il est plus facile et moins coûteux de maîtriser les émissions de CO 2 dans les pays où l'utilisation de l'énergie est initialement moins efficace, ainsi que dans les pays où les énergies consommées sont riches en CO 2 et peuvent donc être remplacées par des énergies moins polluantes. Inversement, il est plus difficile et beaucoup plus coûteux de maîtriser les émissions de CO 2 dans les pays où l'efficacité énergétique est élevée et où les possibilités de substitution sont réduites.
COÛT D'UNE RÉDUCTION DE 1 % PAR AN DU TAUX
DE
CROISSANCE MOYEN DES ÉMISSIONS
59(
*
)
|
|||
Union européenne |
80 |
||
Économies dynamiques d'Asie ... |
52 |
||
Brésil |
40 |
||
Japon |
39 |
||
États-Unis |
35 |
||
Pays exportateurs de pétrole |
35 |
||
Pays en transition |
23 |
||
Inde |
7 |
||
Chine |
3 |
||
Source : Simulation du modèle GREEN, OCDE, 1995. |
Il est
donc rationnel que plusieurs pays s'accordent pour maîtriser les
émissions de CO
2
avec le meilleur rapport
efficacité/coût, c'est-à-dire là où les
réductions d'émissions sont les moins coûteuses.
Selon les simulations effectuées par l'OCDE, le recours à ces
mécanismes de flexibilité permet de diviser au moins par deux les
coûts des engagements de Kyoto :
COÛTS DES ENGAGEMENTS DE KYOTO EN 2010
|
|||||
|
Chaque pays ou bloc 1 de pays de l'annexe I respecte ses engagements seul |
Réduction des émissions au moindre coût |
Réduction des émissions au moindre coût |
||
|
au moyen d'une taxe intérieure |
par une taxe coordonnée dans les pays de l'annexe I |
par des marchés de permis entre les pays de l'annexe I |
grâce à des échanges de permis à l'échelle mondiale |
|
Union européenne |
- 0,8 |
- 0, 2 |
- 0,4 |
- 0,2 |
|
États-Unis |
- 0,4 |
- 0,2 |
- 0,3 |
- 0,2 |
|
Pays en transition |
2,1 |
1,6 |
1,2 |
0,9 |
|
CEI |
- 1,0 |
0,7 |
3,0 |
1,3 |
|
total annexe I |
- 0,5 |
- 0,1 |
- 0,1 |
- 0,2 |
|
Chine |
- 0,1 |
- 0,1 |
- 0,1 |
0,4 |
|
Pays exportateurs de pétrole |
- 3,3 |
- 1,4 |
- 1,3 |
- 0,9 |
|
Total pays en développement |
- 1,0 |
- 0,5 |
- 0,4 |
-0,1 |
|
Monde |
- 0,7 |
- 0,2 |
- 0,2 |
-0,1 |
|
1.
Union européenne, États-Unis, Japon, et les pays de l'OCDE,
Économies en transition, Etats Baltes et communauté des
États indépendants (Russie, Ukraine notamment).
|
Ces
simulations suggèrent également que le recours à des
mécanismes de flexibilité est
gagnant-gagnant
à
l'échelle mondiale.
- les engagements des pays de l'annexe I sont réalisés
à moindre coût ;
- les pays en développement ou en transition bénéficient
des
transferts
financiers ou technologiques liés aux
échanges ;
- la croissance des pays industrialisés est moins ralentie, ce qui
freine moins la demande adressée aux pays en développement, donc
leur propre croissance.
Le ralentissement de la croissance dans les pays industrialisés
lié à la mise en oeuvre du protocole de Kyoto serait quoi qu'il
en soit
imperceptible
à l'échelle macroéconomique
(- 0,01 point à - 0,05 point de croissance annuelle
en moins selon les scénarios).
2. L'Union européenne a ainsi obtenu la possibilité de former une " bulle " au regard du protocole de Kyoto
Lors des
négociations de Kyoto, l'Union européenne a demandé, et
obtenu, la possibilité pour un groupe de pays de prendre un
engagement solidaire
au regard du protocole de Kyoto, c'est-à-dire
de former ensemble une "
bulle
".
Les parties qui souhaitent ainsi satisfaire à leurs obligations de
manière conjointe doivent établir un
accord
séparé
portant nouvelle répartition des engagements
individuels des États membres. Ainsi, la France et l'Allemagne qui se
sont toutes deux dans un premier temps engagées à Kyoto sur un
objectif de - 8 % pour 2008-2012 par rapport à 1990, ont vu
leurs objectifs ramenés respectivement à 0 % et
- 21 % dans le cadre d'un accord interne à l'Union
européenne.
L'accord créant une bulle doit être déposé au moment
de la ratification ou de l'entrée en vigueur du protocole, et doit
rester valide sur la durée entière de la période
d'engagement. En cas de défaillance collective, la
responsabilité
de l'Union européenne et des États
membres serait
conjointement
engagée.
Comme le souligne le Conseil d'analyses économiques
60(
*
)
, ce mécanisme "
répond aux
préoccupations européennes, mais il ouvre des perspectives qui
peuvent être saisies par toutes les autres parties. Des bulles
opportunistes, ne reposant pas sur un lien géographique,
économique et politique fort, peuvent donc être
constituées
".
Cette possibilité emportait ainsi
de facto
la
reconnaissance
du principe des
marchés
de permis : si
l'Union européenne refuse ce principe ou si elle souhaite en limiter
l'utilisation, rien n'empêchera les pays qui le souhaitent de former une
bulle " opportuniste " pour échanger des permis entre
eux.
3. Le protocole de Kyoto reconnaît également la possibilité de marchés internationaux de permis d'émissions, et le principe de la " mise en oeuvre conjointe "
Le
protocole de Kyoto autorise le
négoce
des quotas
d'émissions entre les pays qui ont pris des engagements chiffrés,
c'est-à-dire les pays industrialisés et en transition. Les
États qui parviendront à un niveau d'émissions
inférieur à la quantité qui leur était
attribuée pourront ainsi revendre une partie de leurs quotas
d'émission à d'autres États.
Des
opérateurs privés
pourront accéder à ces
marchés internationaux, mais sous la responsabilité de leur
État d'origine : si les autorités françaises
attribuent une partie du quota national à une entreprise
française, celle-ci pourra vendre des permis d'émission, qui
viendront en déduction du quota alloué à la France.
Inversement, si un opérateur privé achète des permis sur
les marchés internationaux, ceux-ci s'ajouteront au quota de son pays.
La
mise en oeuvre conjointe
constitue une forme particulière du
négoce de droits d'émission au niveau du projet
61(
*
)
. Les parties à l'annexe I de la
convention pourront entreprendre, avec d'autres parties à
l'annexe I, des projets (par exemple la substitution de combustible d'une
centrale thermique, la construction d'une centrale nucléaire, le
développement d'une infrastructure ferroviaire), qui se traduiront par
une réduction supplémentaire des émissions dans le pays
où se déroule le projet.
Ces réductions augmenteront d'autant le quota de la partie qui finance
le projet, tout en étant défalquée du quota du pays
où se déroule le projet. La mise en oeuvre de ce mécanisme
d'application conjointe suppose donc un
accord intergouvernemental
. Il
s'agit en fait d'une
forme particulière du négoce
,
où les quotas sont
troqués
en contrepartie d'un appui
technique ou financier à certains projets.
|
EXEMPLES DE MISE EN oeUVRE DU MÉCANISME D'APPLICATION CONJOINTE |
|
|
1. Dans le cadre d'un accord intergouvernemental, la France finance la modernisation de centrales thermiques en Pologne |
|
|
2.
Baisse des émissions de la Pologne par rapport au scénario sans
aide.
|
|
|
3. Le
quota de la France est augmenté de 1 million de tonnes
|
|
|
ou |
|
|
1. Une entreprise française modernise une cimenterie en République Tchèque, dans le cadre d'un protocole entre la France et la République Tchèque |
|
|
2.
Baisse des émissions de la République Tchèque
|
|
|
3. Le
quota de la France a augmenté de 500.000 tonnes par an :
|
|
|
|
|
4. Le protocole de Kyoto reconnaît deux mécanismes de flexibilité intertemporelle
Les
engagements des pays de l'annexe I seront vérifiés
en
moyenne
sur la période 2008-2012. Ce mode de calcul a pour avantage
de
lisser
les effets de la
conjoncture
économique, comme
des aléas climatiques : si les quotas avaient été
établis pour une année donnée, par exemple 2010, les pays
connaissant cette année une conjoncture exceptionnelle ou un hiver
très rigoureux, susceptibles d'entraîner une hausse temporaire de
leurs émissions de CO
2
, auraient été
désavantagés.
Par ailleurs, les permis d'émission non utilisés peuvent
être
mis en réserve
pour des périodes
ultérieures. Cet élément de souplesse accroît
l'efficacité écologique du dispositif à court terme
(certains pays pourraient être incités à aller
au-delà de leurs engagement), sans la réduire à long
terme. Ce mécanisme constitue par ailleurs une
garantie
pour le
cas où les échanges de permis démarreraient difficilement,
ainsi qu'une source d'efficience économique : les réductions
d'émission pourront être effectuées " en avance "
si cela s'avère économiquement avantageux.
Ce mécanisme de flexibilité intertemporelle devrait notamment
entraîner l'apparition de "
marchés
dérivés
" de permis d'émission,
c'est-à-dire de négoce de permis pour des périodes
futures, sous réserve que le prolongement des objectifs quantitatifs
au-delà de 2012 apparaisse crédible.
5. Le protocole de Kyoto reconnaît le " mécanisme de développement propre "
Le mécanisme de développement propre constitue la possibilité pour une partie de l'annexe I (c'est-à-dire pour un pays industrialisé), de gagner des quotas d'émission en effectuant des projets de réduction d'émission dans des pays en développement. Ce mécanisme sera ouvert aux personnes privées et publiques.
EXEMPLE DE MISE EN oeUVRE DU MÉCANISME
|
1. La France (ou une entreprise française) modernise une cimenterie ou finance un projet d'économie d'énergie en Inde. |
2. Réductions supplémentaires des émissions de CO 2 de l'Inde |
3. Ces réductions sont évaluées et certifiées par des experts indépendants. |
4.
L'Inde ne perd rien.
|
Au
contraire de l'application conjointe, le pays où se déroule le
projet ne perd pas de quotas, puisqu'il n'a pas pris d'engagements
chiffrés. Il y a ainsi un risque de " collusion ". Les
réductions d'émission doivent donc être
certifiées
par des experts indépendants, sous la
supervision d'un organe spécifique de nature multilatérale.
Par ailleurs, pour être prises en compte, les émissions devront
correspondre à "
des effets, réels, mesurables et
à long terme du point de vue du changement climatique
".
Une part du produit financier des crédits d'émission sera
réservée à la couverture des coûts administratifs de
gestion du dispositif et à l'attribution d'une aide aux pays en
développement particulièrement vulnérables au changement
climatique.
V. LE FONCTIONNEMENT CONCRET DE CES MÉCANISMES D'ÉCHANGE, QUI SOULÈVENT DES DIFFICULTÉS CONSIDÉRABLES, DEVRA ÊTRE NÉGOCIÉ AVANT LA FIN DE L'AN 2000
1. Le " calendrier de Buenos Aires "
Lors de
la
conférence
de
Buenos Aires
(1998), les parties à
la convention cadre sur le changement climatique se sont accordées sur
un
calendrier
de négociation des modalités pratiques de
ces mécanismes, qui avaient été largement laissées
dans le flou par le protocole de Kyoto.
Après une étape intermédiaire en 1999, ces
modalités devraient ainsi être négociées avant la
fin de l'an 2000, dans le cadre d'un
sommet sur le climat
qui pourait se
tenir à partir d'
octobre 2000
, c'est-à-dire au moment
où la France exercera la
présidence
de
l'Union
européenne
.
Le résultat de ces négociations conditionnera vraisemblablement
la
ratification
du protocole de Kyoto, donc son entrée en vigueur.
Certains des experts auditionnés expriment toutefois des
doutes
quant à la possibilité de finaliser un accord avant la fin de
l'an 2000, compte tenu de l'ampleur des problèmes en suspens.
2. Le fonctionnement pratique de ces échanges soulève des difficultés considérables
Les
négociations relatives aux modalités pratiques des
mécanismes de flexibilité devront notamment prévoir des
mécanismes de
contrôle
et de
sanction
, qui
constitueraient à bien des égards une
novation
à
l'échelle internationale.
Le dispositif de sanctions prévu par le protocole de Montréal sur
les CFC, qui reposait sur des
sanctions commerciales
(comme
l'interdiction d'importer des produits contenant des CFC en provenance des pays
non signataires) est en effet
inapplicable
aux émissions de gaz
à effet de serre : tous les produits échangés
contiennent de l'énergie (donc " des rejets " de
CO
2
) et il n'est pas envisageable de soumettre à un boycott
total les pays qui ne participeraient pas à la lutte commune contre le
changement climatique.
La définition de règles contraignantes se heurte en
l'espèce à un
dilemme
cornélien :
- des sanctions suffisantes sont nécessaires pour s'assurer du respect
du traité, pour éviter des comportements de passager clandestin,
et surtout pour donner une
valeur
aux quotas d'émissions :
à défaut de sanctions, les parties n'ont aucun
intérêt à s'échanger des permis ou à mettre
en oeuvre des projets de développement propre, ce qui réduit
d'autant l'efficience de l'action collective contre le changement
climatique ;
- inversement, si les sanctions apparaissent trop dures, elle ne seront pas
appliquées, ou bien les États concernés pourraient se
retirer du protocole, comme l'article 27 leur en ouvre la
possibilité.
• La théorie économique suggère que des
sanctions financières
, par exemple, l'obligation de constituer un
dépôt non rémunéré auprès du Fonds
mondial pour l'Environnement, éventuellement converti en amende si les
dépassements persistent, pourraient constituer un optimum. Toutefois, le
seul traité international prévoyant à ce jour des
sanctions financières analogues est le traité de Maastricht.
• À tout le moins, il paraît nécessaire
d'éviter que des pays vendent des permis dont ils ne disposent
pas : face à une situation économique
détériorée un gouvernement pourrait en effet être
tenté de
brader
les quotas nationaux, sans pour autant mettre en
oeuvre les politiques nécessaires pour limiter les émissions.
Pour limiter ce phénomène, il conviendrait de partager entre
États vendeurs et États acheteurs le risque que les quotas
nationaux des pays vendeurs ne soient finalement pas respectés, par
exemple en engageant la responsabilité de l'Etat qui a acheté des
permis à un pays qui ne respecterait pas ses plafonds
d'émission
62(
*
)
. De cette manière
les acquéreurs seraient incités à faire preuve de prudence
et à être vigilants quant aux mesures adoptées par leurs
partenaires. À long terme, cette règle pourrait d'ailleurs
conduire à l'émergence d'agences de notation, comme pour les
emprunts internationaux, dont le classement pèseraient sur la valeur de
marché des permis offerts par les différents
États
63(
*
)
.
• Outre les difficultés liées aux mécanismes de
sanction, se posent également des problèmes de
mesure
: le protocole de Kyoto porte sur d'autres gaz que le
CO
2
(le méthane, le NO
2
, les CFC, les HFC et le
SF
6
), dont les émissions ne peuvent être
évaluées avec précision, ce qui paraît peu
compatible avec le principe de quotas, et surtout avec la faculté
d'échanger ces quotas.
Au total, la
crédibilité
du processus de Kyoto est pour
l'heure incertaine, ce qui n'incite guère les pays en
développement à s'y rallier.
3. Les difficultés pratiques soulevées par les mécanismes de flexibilité sont liées au principe même des quotas, et non pas aux instruments d'échange
On
impute parfois aux imperfections des
instruments
d'échange
(marchés de permis, application conjointe), les difficultés de
mesure, de contrôle ou de sanction.
En fait, ces difficultés ne proviennent pas des instruments
eux-mêmes, mais du choix d'une approche par des
quotas
:
c'est le respect des quotas lui-même qui est difficile à mesurer,
contrôler et sanctionner.
4. Le mécanisme de développement propre présente des risques spécifiques
Les
mécanismes de développement propre, et, dans une moindre mesure,
de mise en oeuvre conjointe, soulèvent des problèmes de
mesure
spécifiques. Ces mécanismes supposent en effet de
déterminer le montant des émissions évitées par un
projet précis par rapport à un scénario de
référence "
business as usual
". Or le niveau
d'émission du scénario de référence est soumis
à de grandes incertitudes : par exemple, qui sait si la cimenterie
concernée par un projet de développement propre n'aurait pas
été modernisée quoi qu'il advienne un ou deux ans plus
tard, parce que cette modernisation aurait été rentable ?
La
comptabilisation
des émissions évitées donnera
donc lieu à des calculs complexes, susceptibles d'accroître les
coûts de transaction et de créer une incertitude
préjudiciable au développement de ces mécanismes de
flexibilité. "
Si le scénario de référence
était trop laxiste, le mécanisme de développement propre
conduirait à créditer des réductions d'émissions
tout à fait fictives qui porteraient atteinte aux objectifs et à
la crédibilité du processus de Kyoto, si à l'inverse, la
référence était très rigoureuse, on pourrait en
venir à ne créditer que les réductions obtenues dans le
cadre de projets très onéreux et dépourvus de
viabilité économique, le mécanisme demeurant peu efficient
et marginal
"
64(
*
)
.
Lors du sommet de Buenos Aires, la France a par ailleurs souligné
plusieurs
risques
spécifiques liés au mécanisme de
développement propre
65(
*
)
(MDP) :
- le mécanisme pourrait s'avérer un
frein
à
l'adoption, à terme, d'objectifs quantifiés par les
pays en
développement
(bénéficiant déjà du
MDP sans contrepartie, les pays en développement n'ont plus
intérêt à souscrire des engagements précis) ;
- ce mécanisme pourrait paradoxalement les inciter à conserver
des politiques
inefficaces
et peu favorables à l'environnement,
dans le seul but de conserver un gisement de projets de réduction
à bas coût leur permettant d'attirer des financements en
provenance de pays du Nord
66(
*
)
;
- un afflux trop grand de crédits d'émission en provenance des
pays en développement pourrait parallèlement conduire les
pays
industrialisés
à s'affranchir de tout effort domestique
sérieux. La lutte contre l'effet de serre se traduirait alors par des
transferts financiers Nord/Sud à l'efficacité incertaine, sans
prise de conscience des enjeux liés au changement climatique dans les
pays industrialisés ;
- les transferts liés au mécanisme de développement propre
pourraient servir de
prétexte
à certains pays du Nord pour
réduire à due proportion leur aide au développement, ce
qui aurait un effet désastreux sur l'implication des pays en
développement dans la lutte contre le changement climatique ;
- enfin, le MDP requiert une bonne
administration
dans les pays du Sud
"
car ce que l'on vend, c'est finalement du
vent
"
(Olivier GODARD).
La mise en oeuvre du mécanisme de développement propre est
toutefois hautement
souhaitable
.
En effet, ce mécanisme favoriserait la
diffusion
de technologies
propres. Surtout, le MDP est le seul instrument prévu pour
infléchir efficacement les choix énergétiques des pays en
développement.
La mise en oeuvre du MDP pourrait en outre conduire à des
mesures
très
rapides
, puisque les réductions d'émissions
certifiées durant la période 2000-2007 pourront être
utilisées pour les obligations de la période 2008-2012.
Enfin, ce mécanisme est potentiellement source d'efficience collective
puisque les gisements de réduction d'émissions les moins
coûteux se trouvent aujourd'hui dans les pays en
développement : le MDP pourrait donc être fortement
gagnant-gagnant
.
Il est donc nécessaire d'encourager les
expériences
de
projets de développement propre, afin d'établir au plus tôt
une " banque " d'expériences facilitant la définition
de scénarios de référence, renforçant la confiance
des investisseurs dans le système et abaissant les coûts de
traitement des dossiers
67(
*
)
.
La
Banque mondiale
met ainsi sur pied un "
fonds prototype
carbone
", qui est destiné à tester les
mécanismes de mise en oeuvre conjointe et de développement
propre. Ce fonds sera ouvert aux pays intéressés, moyennant une
mise de fond initiale de 10 millions de dollars, ainsi qu'aux entreprises
internationales, moyennant un ticket d'entrée de 5 millions de
dollars. La Norvège, la Finlande, la Suède, la Suisse, les
Pays-Bas et un certain nombre d'entreprises ont d'ores et déjà
décidé d'y participer
68(
*
)
.
Il conviendrait d'inciter les
entreprises françaises
à
participer à ce type d'expérience afin de se bâtir une
expertise en matière de projets de développement propre. Cette
expertise leur permettrait en effet de participer à
l'
élaboration des règles
de calcul des réductions
d'émissions et leur faciliterait à long terme l'accès aux
marchés publics des pays en développement, qui intégreront
de plus en plus une composante liée au mécanisme de
développement propre.
La Commission européenne suggère par ailleurs d'accroître
l'efficacité et la rentabilité du mécanisme de
développement propre en instaurant la
négociabilité
des certificats issus des projets.
VI. LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHANGES DE PERMIS D'ÉMISSION SOULÈVE DES INQUIÉTUDES LÉGITIMES
1. Les marchés de permis pourraient constituer une désincitation à la maîtrise des émissions pour les pays industrialisés
Le
recours aux marchés de permis par les pays industrialisés
pourrait réduire leurs
incitations
à développer des
technologies propres, d'une part, à infléchir leurs choix publics
pour maîtriser les émissions de gaz à effet de serre,
d'autre part. Il pourrait en résulter des choix intertemporels
sous-optimaux : en édifiant aujourd'hui des infrastructures voraces
en énergie et en ralentissant les progrès d'efficacité
énergétique, on accroîtrait d'autant le
coût
futur
de maîtrise des émissions.
Le fait que les principaux pays industrialisés puissent pour partie
remplir leurs engagements sur la période 2008-2012 en achetant des
quotas
excessivement
généreux
alloués aux
pays en transition
est en outre de nature à renforcer cette
désincitation et à décrédibiliser le processus
international de lutte contre le changement climatique.
Le choix de l'année 1990 comme période de référence
est en effet très favorable aux pays en transition, en particulier
à
l'Ukraine
et à la
Russie
: cette
année correspond à un moment où ces pays consommaient et
gaspillaient beaucoup d'énergie. Depuis lors, leurs émissions de
CO
2
ont beaucoup baissé. Les objectifs qui leur ont
été accordés à Kyoto (0 % pour la Russie sur la
période 2008-2012 par rapport à 1990) sont donc très
laxistes
: même si la Russie et l'Ukraine ne prennent aucune
mesure pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre, il
est probable que ces pays disposeront de l'ordre de 100 millions de tonnes
de carbone de quotas excédentaires (soit l'équivalent des
émissions actuelles de la France).
Au total, la signature par ces pays du protocole de Kyoto a ainsi
été obtenue au prix d'un "
cadeau
" dont la
valeur pourrait atteindre 5 à 20 milliards de dollars par an
à partir de 2008
69(
*
)
.
Cet " Air chaud "
70(
*
)
réduit
la crédibilité du processus de Kyoto. Cependant, en permettant
aux pays de l'OCDE d'acheter des permis ne correspondant pas à des
réductions effectives des émissions, cela ne résulte pas
du principe des échanges, mais de l'inéquité de la
répartition initiale des quotas.
En effet, si on limitait les échanges et que la Russie et l'Ukraine ne
pouvaient vendre en 2008-2012 leurs quotas excédentaires, ces pays
pourraient en reporter le bénéfice sur les périodes
postérieures à 2012, c'est-à-dire réduire d'autant
leurs efforts ultérieurs de maîtrise des émissions. A long
terme, cela reviendrait au même pour la concentration de gaz à
effet de serre dans l'atmosphère.
2. La mise en place de marchés internationaux de permis d'émissions pourrait s'accompagner de conflits et de distorsions de concurrence
Compte
tenu des difficultés pratiques évoquées
précédemment, les marchés de permis d'émission
seront inévitablement
imparfaits
, ce qui pourrait occasionner des
conflits et des litiges de nature à favoriser les pays les plus
" forts " à l'échelle internationale. En particulier,
si le nombre de vendeurs ou d'acheteurs effectifs était réduit,
il est à craindre que les échanges de permis ne soient
utilisés comme " arme politique ".
Par ailleurs, certains États pourraient être tentés de
manipuler
l'
allocation
interne des permis négociables pour
donner un avantage à leurs entreprises nationales.
Les modalités d'allocation interne des permis peuvent en effet exercer
un impact sensible sur les
coûts de production
de certaines
unités industrielles, comme l'illustre l'exemple ci-dessous;
emprunté à Olivier GODARD
71(
*
)
.
MODALITÉS D'ALLOCATION DES PERMIS ET COÛTS DE PRODUCTION
On
considère deux unités sidérurgiques fictives soumises
à des régimes différents pour la même contrainte de
réduction des émissions (- 10 %) : la première
doit acheter ses permis aux enchères, la seconde reçoit ses
permis gratuitement.
|
||
|
||
|
Unité (A)
|
Unité (B)
|
Régime national : |
Permis négociables domestiques
Allocation initiale aux enchères
|
Permis
négociables
Allocation initiale gratuite
|
Surcoûts totaux |
L'entreprise doit acheter 500000 t de permis
|
L'entreprise doit baisser de 10 % ses émissions ou
acheter 50000 t de permis
|
Surcoûts/tonne d'acier (hypothèse de prix : 417 $/tonne d'acier) |
+ 8 % |
+ 0,8 % |
|
||
Le surcoût direct pour l'entreprise qui achète tous ses permis est donc de 7,2 % par rapport à sa concurrente. |
Olivier
GODARD souligne ainsi que "
la non harmonisation des règles
d'allocation initiale pour la mise en oeuvre de permis négociables
domestiques pourrait affecter les conditions de la concurrence entre firmes.
L'anticipation de cet impact pourrait conduire chaque pays à s'aligner
sur les règles les plus avantageuses pour les firmes émettrices,
c'est-à-dire l'allocation gratuite, alors que cette solution
présente deux
inconvénients
majeurs :
- elle favorise les entreprises en place contre les nouveaux
entrants ;
- elle prive l'État du produit de la vente des permis, au
détriment des secteurs moins polluants (un État qui donne
gratuitement des permis négociables aux entreprises polluantes ne peut
opérer de redéploiement global au profit des secteurs non
polluants, c'est-à-dire ne peut bénéficier de
double
dividende)
".
En outre, certains États pourraient être tentés de vendre
les permis aux entreprises en place, tout en les accordant gratuitement aux
nouvelles installations, ce qui constituerait une
subvention
déguisée
aux investissements étrangers.
Enfin, des distorsions de concurrence pourraient survenir si certains
États recourraient aux marchés de permis pour leurs entreprises,
tandis que d'autres préféraient instaurer une écotaxe,
comme l'illustre ce nouvel exemple d'Olivier GODARD.
72(
*
)
|
INSTRUMENTS NATIONAUX DE MAÎTRISE DES ÉMISSIONS ET COÛTS DE PRODUCTION
De
manière analogue à l'illustration précédente,
soient deux usines sidérurgiques situées l'une en France, l'autre
aux États-Unis, qui émettent chacune 500 000 tonnes de
carbone.
|
|
||||||||
|
|
France
|
États-Unis
|
|
||||||
|
|
Objectif uniforme : réduction de 10 % |
|
|||||||
|
Régime national : |
Taxe à 600 F/tC + compensation sous la forme de baisses de charges sur les bas salaires |
Permis
négociables
|
|
||||||
|
Coûts totaux : |
500000t x 600 FF = 300 MF |
50000 t x 70 $ = 3,5 M$ =21 MF |
|
||||||
|
Surcoûts/tonne d'acier (2500 FF) : |
300 F = + 12 % |
|
|
||||||
|
Au
total, il serait optimal que les
instruments nationaux
soient
coordonnés
à l'échelle internationale. Les
propositions présentées à cette fin par la France au
sommet de Kyoto se sont toutefois heurtées à une forte opposition
des Etats-Unis, comme de certains autres États de l'Union
européenne, qui souhaitaient que les modalités nationales de
maîtrise des émissions demeurent du ressort de leur
souveraineté
.
A défaut, il serait souhaitable que les
règles
d'assiette
des taxes ou
d'allocation
internes des permis pour les
pays qui recourraient à ces instruments soient
harmonisées
à l'échelle internationale, mais un accord à ce sujet
semble aujourd'hui encore hors de portée
73(
*
)
.
À tout le moins, une fraction minimale de permis négociables
devrait être mise aux
enchères
dans une procédure
ouverte aux opérateurs étrangers, afin que le système des
permis négociables soit "
ouvert et concurrentiel
".
Il est par ailleurs nécessaire d'adapter à l'échelle
européenne des règles d'allocations transparentes, non
discordantes et non discriminatoires, qui soient fondées sur ces
critères communs à tous les États de l'Union, comme l'y
invite la Commission européenne.
3. L'Union européenne souhaite donc limiter le rôle des mécanismes de flexibilité
Les
problèmes détaillés ci-dessus expliquent l'idée
avancée par certains chercheurs, et officiellement soutenue par la
France et l'Union européenne, de
limiter
la possibilité
pour les pays industrialisés de recourir aux mécanismes de
flexibilité, en particulier les échanges de permis.
Le Conseil européen du 6 octobre 1998 a ainsi
entériné à l'échelle de l'Union le principe de la
prépondérance " des politiques et mesures "
(c'est-à-dire des efforts nationaux) sur les instruments de
flexibilité.
L'Union propose plus précisément de
limiter
(" plafonner ") les échanges de permis à une
fraction
très réduite (de l'ordre de 5 %) des quotas
nationaux. Par exemple, la France ne pourrait acheter des permis ou
réaliser des projets de développement propre qu'à hauteur
de 5 millions de tonnes de carbone par an
74(
*
)
, soit environ un cinquième des efforts qui lui
sont demandés sur le protocole de Kyoto.
VII. LA FRANCE ET L'UNION EUROPÉENNE SERAIENT TOUTEFOIS LES PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES DES ÉCHANGES DE PERMIS, ET NE POURRONT SANS DOUTE PAS RESPECTER LEURS ENGAGEMENTS DE KYOTO SANS ACHETER DES PERMIS
1. La France aura besoin d'acheter des permis pour respecter ses engagements de Kyoto
Il
n'existe que deux manières de réduire les émissions de
CO
2
:
- améliorer l'
efficacité énergétique
de
l'économie, c'est-à-dire le ratio PIB/consommation
d'énergie ;
- ou bien
substituer
des énergies pauvres en CO
2
à des énergies riches en CO
2
, c'est-à-dire
substituer des énergies renouvelables, de l'électricité
nucléaire et de l'électricité hydraulique, à des
énergies fossiles, ou bien substituer du gaz à du pétrole
et surtout à du charbon.
|
TENEUR
EN CARBONE DE DIFFÉRENTS COMBUSTIBLES FOSSILES :
|
|
|||||||
|
Combustibles et carburants de synthèse |
39,0 |
|
||||||
|
Charbon |
25,8 |
|
||||||
|
Pétrole |
20,0 |
|
||||||
|
Gaz naturel |
15,3 |
|
||||||
Source : AIE (1991). |
|||||||||
QUANTITÉS DE CARBONE ÉMISES EN FONCTION
|
|||||||||
Centrale classique au charbon |
964.0 |
||||||||
Centrale au fuel |
726.2 |
||||||||
Centrale au gaz |
484.0 |
||||||||
Réacteurs à eau bouillante (énergie nucléaire) |
7.8 |
||||||||
Vapeur géothermique |
56.8 |
||||||||
Grosses centrales hydro-électriques |
3.1 |
||||||||
Énergie éolienne |
7.4 |
||||||||
Énergie photovoltaïque |
5.4 |
||||||||
Bois (exploitation écologiquement rationnelle) |
-159.92 |
||||||||
1. Sont comptabilité les émissions liées à l'extraction des combustibles, à la construction des installations et au fonctionnement des équipements. |
|||||||||
2. L'exploitation viable de la biomasse peut se traduire par des émissions négatives de carbone du fait que les racines et diverses parties non récoltées demeurent sur place. Les émissions de carbone provenant des engrais, pesticides et combustibles fossiles employés au stade de la production sont pris en compte dans l'analyse (voir San Martin, 1989). |
|||||||||
Source : AIE (1991). |
Or les
marges de manoeuvre
de la France en terme de substitution sont
très
faibles
. En effet, l'essentiel de notre
électricité électrique est d'ores et déjà
d'origine nucléaire ou hydraulique, donc n'émet pas de
CO
2
, et la fermeture des dernières centrales
électriques au charbon pourrait soulever des problèmes
sociaux : ces centrales sont en effet souvent situées dans des
bassins d'emplois en difficulté
75(
*
)
.
En France, la maîtrise des émissions de gaz à effet de
serre reposera donc sur l'amélioration de l'efficacité
énergétique : les travaux de projection du Commissariat
général du Plan
76(
*
)
suggèrent ainsi qu'en l'absence d'achats de permis, et sous
l'hypothèse d'une croissance moyenne de 2,3 % par an d'ici 2010, la
France devait
améliorer son efficacité
énergétique
de 2,1 % par an sur la période
1997-2010 pour respecter ses engagements de Kyoto
77(
*
)
.
SCÉNARIO S3 : " ÉTAT PROTECTEUR DE
L'ENVIRONNEMENT " PERMETTANT À LA FRANCE DE RESPECTER
|
|||
Croissance du PIB |
+ 2,3 % / an |
||
Gains de substitution |
+ 0,2 % / an |
||
Gains d'efficacité énergétique |
+ 2,1 % / an |
||
Croissance des émissions de CO 2 |
0 % |
||
Source : Commissariat général du Plan, 1998. |
Or, selon les experts du ministère de l'Industrie auditionnés par votre rapporteur, il s'agit là d'un rythme de progrès de l'efficacité énergétique jamais atteint dans aucun pays sur longue période et une fois et demi plus rapide que celui réalisé après le premier choc pétrolier.
GAIN
ANNUEL D'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE EN FRANCE DEPUIS 50 ANS
|
||
1946-1959 |
+ 1,2 % |
|
1960-1973 |
0 % |
|
1974-1989 |
+ 1,4 % |
|
1990-1996 |
- 0,5 % |
|
1974-1996 |
+ 0,74 % |
|
Source : Ministère de l'Industrie, 1999. |
Par
surcroît, le contexte économique actuel est peu favorable
aux
investissements en économie d'énergie :
- les
prix
des énergies fossiles sont
très bas
. En
terme réels, le prix du pétrole est ainsi revenu au niveau
atteint durant les années 1960 (avant le premier choc pétrolier),
c'est-à-dire une période où la France n'éprouvait
aucune incitation à économiser de l'énergie ;
- le niveau des
taux d'intérêt
réels est plus
élevé en France aujourd'hui que dans les années 1970.
Au total, la
rentabilité
financière des investissements en
économie d'énergie est actuellement
réduite
,
d'autant plus que les investissements les plus pertinents ont
déjà été effectués : avec la
Suède, la France est aujourd'hui l'un des pays au monde les plus
efficaces pour l'utilisation de l'énergie.
À l'instar de la plupart des autres pays industrialisés, la
France ne pourra donc, sauf ralentissement durable de la croissance, respecter
ses engagements de Kyoto sans importer des permis grâce aux
mécanismes de flexibilité.
Cela est encore plus vrai si la France choisit de " sortir du
nucléaire
" : le parc nucléaire français
représente en effet une " économie " de
25 millions de tonnes de carbone émis par rapport à des
centrales thermiques classiques, soit près de 25 % des
émissions françaises de 1990.
A moins d'un " miracle technologique " ou d'un accident pour la
croissance économique, l'ambition de certains écologistes de
refuser le développement des mécanismes d'échange de
permis et simultanément de " sortir du nucléaire ", ne
permettrait donc sans doute pas à la France de respecter et de prolonger
ses engagements de Kyoto, sauf à un
coût
économique
déraisonnable
.
Le respect du
principe de précaution
invite donc la France
à accepter le principe des échanges de permis, dont elle pourrait
avoir besoin d'ici 2008-2012.
Comme le souligne Olivier GODARD, dans le rapport du Conseil d'analyses
économiques sur " La fiscalité de l'environnement
78(
*
)
", "
refuser ou entraver le commerce des
permis d'émission empêcherait notre pays de recouvrer la
maîtrise démocratique de ses choix énergétiques
futurs [c'est-à-dire l'enfermement dans le " tout
nucléaire "] et pourrait lui imposer une gestion difficile du
manque de maîtrise de la croissance des transports
routiers
".
2. Rationner les échanges des permis serait peu efficient, et pénaliserait surtout l'Union européenne
Les
simulations réalisées à l'aide de modèles
macroéconomiques rejoignent le diagnostic précédent en
suggérant que :
- la mise en oeuvre des mécanismes de flexibilité pourrait
diviser
d'un facteur 2 ou 3, les
coûts
macroéconomiques
des engagements de Kyoto pour les pays
industrialisés ;
- parmi les pays industrialisés, l'
Union européenne
et le
Japon seraient les principaux
bénéficiaires
des
échanges de permis. Ce résultat est d'ailleurs très
intuitif : l'Union européenne et le Japon étant
déjà très économes en énergie, il leur
serait plus coûteux de rechercher de nouvelles économies chez eux
que de financer des réductions d'émissions dans d'autres pays,
sans que cela soit plus efficace pour l'environnement ;
- enfin, les mécanismes de flexibilité seront
gagnants-gagnants
, c'est-à-dire qu'ils
bénéficieraient aussi aux pays en développement et aux
pays en transition : directement, via l'afflux de financements en
provenance des pays de l'OCDE ; indirectement parce que la mise en oeuvre
flexible du protocole de Kyoto profiterait à la croissance des pays
industrialisés :
GAINS
MACROÉCONOMIQUES POTENTIELS DES MÉCANISMES DE
FLEXIBILITÉ
|
|||||||
|
Coût des engagements de Kyoto
|
|
|||||
|
pas d'échange entre grandes zones de l'annexe I |
échanges entre pays de l'annexe I |
échanges entre tous les pays |
des échanges entre pays de l'annexe I |
des échanges à l'échelle mondiale |
||
Union européenne |
- 0,8 |
- 0,4 |
- 0,2 |
+ 0,4 |
+ 0,6 |
||
Japon |
- 0,9 |
- 0,4 |
- 0,2 |
+ 0,5 |
+ 0,7 |
||
Etats-Unis |
- 0,4 |
- 0,3 |
- 0,2 |
+ 0,1 |
+ 0,2 |
||
Russie, Ukraine, CEI, Etats Baltes |
|
|
|
|
|
||
Ensemble du Monde |
- 0,7 |
- 0,2 |
- 0,1 |
+ 0,5 |
+ 0,6 |
||
Source : Centre de développement de l'OCDE, modèle GREEN, 1998. |
Pour
fixer quelques ordres de grandeur, ces simulations suggèrent que le
coût annuel de la prévention du risque climatique pourrait
être de l'ordre de 80 milliards de francs aux alentours de 2010 en
France, si la France renonçait aux mécanismes de
flexibilité.
On peut toutefois proposer une estimation plus modérée en partant
des scénarios énergétiques pour la France
élaborés en 1998 par le Commissariat Général du
Plan : dans le scénario médian (S2), c'est 15 millions
de tonnes de carbone que la France émettrait en 2010 en excès de
ses objectifs de Kyoto. Pour un coût moyen de réduction des
émissions de 800 F/tonne, cela représenterait une
dépense annuelle de
20 milliards de francs
.
"
Si on laissait les mécanismes de flexibilité jouer
pleinement pour mettre à profit les solutions de réduction des
émissions les moins coûteuses, les coûts totaux de
maîtrise des émissions pourraient être réduits
au moins d'un facteur 3
" (c'est-à-dire limités entre
6 et 15 milliards de francs par an
79(
*
)
).
Par ailleurs, les Etats européens auraient plus à craindre des
distorsions
de concurrence
avec un système de quotas non
négociables, qu'avec un système ouvert et concurrentiel de permis
négociables. Les pays, comme la France, dont l'industrie est très
ouverte, donc très exposée à la concurrence
internationale, n'ont donc pas intérêt à
entraver
les
échanges
de permis d'émission.
Pour les mêmes raisons, la
limitation
du recours aux
mécanismes de flexibilité serait économiquement
coûteuse, et
pénaliserait
davantage l'
Union
européenne
et le Japon, que les Etats-Unis, comme le
suggèrent les simulations réalisées par le Massachusetts
Institute of Technology.
COÛT DU PLAFONNEMENT DES ÉCHANGES À
33 %
DE L'EFFORT DE RÉDUCTION
80(
*
)
DE
KYOTO
|
|||
|
En cas
d'échanges au sein
|
En cas d'échanges mondiaux |
|
Union européenne |
1 |
4 |
|
Japon |
4 |
10 |
|
Etats-Unis |
1 |
3 |
|
Total pays industrialisés et en transition |
|
|
|
Source : MIT, 1998. |
En
outre, limiter le recours aux mécanismes de flexibilité,
c'est-à-dire
rationner
les
échanges
, poserait des
problèmes techniques et administratifs : il pourrait, par exemple,
être nécessaire de mettre en place une
file d'attente
et un
système d'autorisation administrative préalable pour l'ensemble
des échanges, aussi bien entre agents privés qu'entre Etats, ce
qui semble difficile à gérer. Le rationnement des échanges
serait donc également facteur de distorsions de concurrence et
d'
incertitude
pour les entreprises.
Par surcroît, si les échanges étaient limités, la
Russie, l'Ukraine et la Roumanie pourraient être les seuls vendeurs et ne
vendre que de " l'air chaud ", c'est-à-dire les quotas en
excès
81(
*
)
qui leur ont été
accordés en cadeau lors du Sommet de Kyoto, et non des réductions
effectives d'émissions. Ces pays vendraient ainsi seulement des
réductions d'émissions qui ne leur coûteraient rien. Dans
ces conditions, le prix d'équilibre des échanges de permis
pourrait résulter de considérations politiques et n'avoir plus
aucune signification économique
. Ce prix pourrait ainsi
s'avérer très
volatile
, ce qui brouillerait les choix
d'investissements des entreprises et des collectivités publiques.
• Inversement, deux
contre-arguments
sont parfois avancés
pour justifier le rationnement des échanges de quotas
d'émission :
- le fait que la limitation des échanges de permis pénaliserait
davantage les Etats-Unis, car les Américains éprouveraient de
grandes difficultés à changer un
mode de vie
fondé
sur l'utilisation intensive de l'énergie. Le rationnement des
échanges, en pénalisant ainsi fortement les Etats-Unis, donnerait
un
avantage relatif
à l'Union européenne ;
- la nécessité que les Etats-Unis, pays leader en matière
de progrès technologique, s'engagent résolument dans la
maîtrise des émissions de CO
2
. Il serait ainsi
souhaitable que les Etats-Unis ne puissent réaliser l'ensemble de leurs
engagements de Kyoto en achetant des permis.
Ces contre-arguments sont toutefois
contestables
:
- si les Etats-Unis étaient davantage pénalisés que
l'Union européenne par le rationnement des permis, il s'agirait
là d'une victoire à la Pyrrhus, peu favorable au
développement de la
coopération
internationale en
matière d'effet de serre ;
- si les Etats-Unis éprouvaient de grandes difficultés à
maîtriser leurs propres émissions, la
crédibilité
du processus de Kyoto implique qu'ils puissent
quand même respecter leurs obligations en " payant " une
amende, sous forme d'achats de permis ;
- quoi qu'il en soit, les études
82(
*
)
de
l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) suggèrent d'une part que les
Etats-Unis disposent, en raison même de leurs gaspillages actuels, de
nombreux
gisements d'économies
d'énergie ; d'autre
part, que ces gisements sont aisément mobilisables. En effet, selon
l'AIE : "
La demande d'énergie est en
générale plus sensible aux prix en Amérique du Nord que
partout ailleurs dans l'OCDE. En effet, les prix de l'énergie y sont
très faibles au départ, c'est pourquoi toute taxe venant s'y
ajouter produit un effet marginal plus grand sur le coût total
".
- Enfin, le montant des réductions d'émissions nécessaires
aux Etats-Unis pour respecter leurs engagements de Kyoto représente
300 millions de tonnes de carbone
, soit 5 % des
émissions mondiales et près de trois fois les émissions
françaises actuelles. Il est peu probable que les échanges de
quotas d'émissions atteignent un niveau aussi élevé. Les
Etats-Unis ne pourront donc, quoi qu'il advienne, s'exonérer de mesures
nationales.
En conclusion, la
crédibilité
de long terme du processus
de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre
entamé à Kyoto est confrontée à deux
écueils :
- le développement des échanges de quotas d'émission
pourrait réduire les efforts internes des pays
industrialisés ;
- mais si ces échanges sont rationnés, les pays
industrialisés ne respecteront pas leurs engagements.
De ces deux maux, votre Rapporteur considère qu'il faut choisir le
moindre, donc
accepter
le développement des échanges de
quotas d'émissions.
VIII. L'UNION EUROPÉENNE DOIT DONC ENVISAGER AVEC PLUS D'OUVERTURE LES ÉCHANGES DE PERMIS D'ÉMISSION
1. Les échanges de permis d'émission pourraient être importants
Plusieurs équipes de modélisation ont
cherché
à
simuler
ce que pourraient être les
échanges
de permis négociables à l'horizon 2010, à partir de
différents scénarii
83(
*
)
. Ces
travaux s'appuient sur des maquettes détaillées des
économies, que les économistes appellent " modèles
d'équilibre général calculables ", et qui permettent
d'estimer l'impact à long terme de certaines mesures économiques.
Les ordres de grandeur issus de ces travaux doivent être regardés
comme des
valeurs maximales
. En effet, les modèles
utilisés ne peuvent prendre en compte les
imperfections
des
échanges, en particulier les problèmes d'information des agents
sur leurs coûts de dépollution et les comportements
stratégiques des vendeurs et des acheteurs.
Malgré leurs limites, ces modèles fournissent des indications sur
les
ordres de grandeur
potentiels des échanges de permis à
l'horizon 2010, quelles qu'en soient les modalités pratiques (permis
négociables, mise en oeuvre conjointe, bulles et mécanisme de
développement propres).
PRIX
DES PERMIS EN 2010 SELON DIVERS MODÈLES MACROÉCONOMIQUES
|
||||
|
Echanges restreints
|
Echanges entre les pays de l'annexe I |
Echanges mondiaux |
|
Modèle GEMINI-E3 1 |
214 $ |
- |
- |
|
Modèle du M.I.T 2 . |
240 $ |
133 $ 3 |
25 à 108 $ selon le comportement stratégique des vendeurs |
|
Modèle GREEN de l'OCDE |
|
|
|
|
1. Etude
d'Alain BERNARD (Ministère de l'Equipement) et Marc VIELLE (Commissariat
à l'Energie Atomique)
|
Le
prix théorique
des quotas échangés,
c'est-à-dire le prix des permis ou bien la valeur des investissements
pour les mécanismes de mise en oeuvre conjointe et de
développement propre, s'étagerait ainsi selon les modèles
entre
20 $ et 133 $
par tonne de carbone, dès lors que
les échanges sont étendus aux pays hors OCDE, ce qui paraît
vraisemblable.
Les experts auditionnés par votre rapporteur estiment toutefois que le
prix effectif
des permis pourrait plutôt s'établir dans une
fourchette inférieure (de l'ordre de 20 à 70 $ par tonne de
carbone), sauf
collusion
entre pays vendeurs, susceptible de multiplier
ces prix d'un facteur 1 à 4.
Les
transferts financiers
internationaux liés aux diverses
modalités d'échange de permis (négoce pur, mise en oeuvre
conjointe, mécanisme de développement propre), pourraient ainsi
atteindre des montants financiers très élevés :
- de l'ordre de 10 à 50 milliards de dollars par an en 2010 selon
les simulations ci-dessous ;
- compte tenu des difficultés prévisibles de développement
des échanges, de l'ordre de
3 à 15 milliards de dollars
par an
en 2010, selon les dires d'experts.
Ces transferts que l'on peut rapporter au montant actuel de l'aide annuelle au
développement apportée par les pays de l'OCDE - de l'ordre de
50 milliards de dollars par an -
bénéficieraient
avant tout à la Russie, à l'Ukraine, à l'Inde et à
la Chine.
FLUX
FINANCIERS EN 2010 LIÉS AUX ÉCHANGES DE PERMIS
|
||||||||||||
|
Echanges limités aux pays de l'annexe 1 |
Echanges mondiaux |
||||||||||
|
Modèle GREEN (OCDE) |
Modèle du MIT 1 |
Modèle GREEN (OCDE) |
Modèle du MIT |
||||||||
Union européenne |
- 7 |
- 13 |
- 4 |
- 6 à - 13 |
||||||||
Etats-Unis |
- 8 |
- 8 à - 13 |
- 5 |
- 10 à - 16 |
||||||||
Japon |
- 2,5 |
- 12 à - 13 |
- 1 |
- 3 à - 11 |
||||||||
PECO |
- 1 |
- 1,5 à - 3 |
- 1 |
- 2 à - 4 |
||||||||
Russie, Ukraine |
+ 21 |
+ 40 à + 47 |
+ 5 |
+ 5 à + 18 |
||||||||
Chine |
- |
- |
+ 4 |
+ 11 à + 19 |
||||||||
Inde |
- |
- |
+ 1 |
+ 3 à + 5 |
||||||||
Reste du Monde |
- |
- |
+ 2 |
+ 5 à + 8 |
||||||||
1. Plusieurs scénarii. |
Compte
tenu de l'évolution prévisible des émissions des autres
gaz à effet de serre et de la prise en compte des puits, la
France
pourrait pour sa part acquérir, sous forme de droits
à émettre, de
10 à 20 millions de tonnes de
carbone
par an en 2010, selon que les progrès de notre
efficacité énergétique retrouvent d'ici là leur
rythme de l'après choc pétrolier (+ 1,3 % par an), ou
bien leur tendance de très longue période (+ 0,7 % par an).
Sur la base d'une fourchette de prix de 20 à 100 $ par tonne de
carbone, la
France
pourrait ainsi payer de 200 millions à
2 milliards de dollars par an pour acquérir des quotas
d'émission, soit
1,2 à 12 milliards de francs par
an
84(
*
)
.
2. Les mécanismes d'échanges seront imparfaits
La
construction de mécanismes d'échanges efficients sera lente et
difficile. Les marchés des permis seront ainsi inévitablement
imparfaits
: ils risquent d'être instables,
spéculatifs ou technologiquement contrôlés par les pays qui
disposent d'une ingénierie financière performante.
Il en est toutefois de même de l'ensemble des marchés des
matières premières, notamment du marché du pétrole.
" Les imperfections des marchés de produits
énergétiques ne rendent pas les échanges eux-mêmes
immoraux. Nul n'en réclame aujourd'hui l'interdiction et défend
l'idée d'une autarcie complète
.
Tous les pays de la
planète trouvent aujourd'hui avantage à ce qu'il existe un
marché international de produits comme le pétrole, le gaz et le
charbon. Or, il ne s'agit là que de carbone sous une autre forme. Ce
dernier ne change pas de statut moral quand il se trouve dans des
molécules de CO
2
"
85(
*
)
.
Plutôt que d'interdire ou de limiter le commerce des quotas de
CO
2
, il est donc préférable de l'
organiser
de
manière équitable, avec des règles communes
empêchant certains Etats d'en profiter pour distordre la concurrence
internationale.
3. L'Union européenne doit s'investir étroitement dans la définition des règles de fonctionnement des mécanismes d'échange
Les
imperfections des mécanismes d'échange ne doivent donc pas
conduire l'Union européenne à s'en désengager.
Au contraire, les
négociateurs européens
doivent
s'investir étroitement dans la définitions des règles de
fonctionnement des mécanismes de flexibilité, afin que les
systèmes d'échange de permis soient transparents, ouverts, non
discriminatoires et concurrentiels, donc équitables.
Pour ce faire, il serait notamment nécessaire que l'
expertise
économique
des délégations européennes soit
renforcée lors des sommets internationaux relatifs au changement
climatique. Au contraire des Etats-Unis, les pays européens envoient en
effet à ces sommets de nombreux diplomates et des spécialistes en
environnement, mais trop peu
d'économistes
, de
spécialistes des marchés financiers ou d'experts en droit
économique international. En outre, les délégations
européennes sont conduites par les ministres de l'environnement, alors
que les représentants américains sont dirigés par
M. Stuart EIZENSTADT, Sous-Secrétaire d'Etat en charge des
négociations financières internationales.
CHAPITRE IV
A L'ÉCHELLE NATIONALE,
ASSOCIER
VOLONTARISME POLITIQUE ET UTILISATION PRAGMATIQUE DES INSTRUMENTS
ÉCONOMIQUES
I. COMBINER LES INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES AVEC PRAGMATISME
1. Pour des politiques graduelles, prévisibles et crédibles
Le rapport efficacité/coût des politiques nationales de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre sera d'autant plus élevé que ces politiques seront judicieusement échelonnées dans le temps, c'est-à-dire que leur calendrier sera adapté à la durée de vie des équipements .
DURÉE DE VIE MOYENNE DE QUELQUES ÉQUIPEMENTS
L'influence du temps |
Durée de vie moyenne |
Taux de renouvellement moyen/an |
Ampoules électriques à incandescence |
|
|
Télévision |
5 à 7 ans |
15 à 20 % |
Réfrigérateur |
8 à 10 ans |
10 à 12 % |
Voiture automobile |
8 à 10 ans |
10 à 12 % |
Chaudière domestique |
10 à 15 ans |
7 à 10 % |
Procédé industriel |
10 à 20 ans |
5 à 10 % |
Chaudière industrielle |
10 à 20 ans |
5 à 10 % |
H.L.M. |
30 à 40 ans |
2,5 à 3 % |
Maison individuelle |
50 à 100 ans |
1 à 2 % |
Réseau d'eau, d'Elec ou de gaz |
50 à 100 ans |
1 à 2 % |
Route, chemin de fer |
> 100 ans |
> 1 % |
1 voie d'eau 1 port |
100 à 300 ans |
0,3 à 1 % |
Source : B. Dessus "
Energy strategies for
sustainable
development
", FPH, 1994.
D'un côté, il serait coûteux - et irréaliste -
d'exiger des entreprises qu'elles installent instantanément des
dispositifs de dépollution ou de demander aux ménages de changer
immédiatement leurs fenêtres au profit de modèles plus
économes en énergie ; de l'autre, il serait inefficace de ne
pas inciter les agents privés à prendre en compte leurs
émissions de CO
2
lorsqu'ils modernisent leurs techniques de
production, renouvellent leurs véhicules, rénovent des
bâtiments ou en construisent de nouveaux.
Les mesures de réduction des émissions doivent donc s'inscrire
dans la durée et être
annoncées à l'avance
,
suivant un calendrier prévisible, afin que les ménages et les
entreprises puissent intégrer efficacement la maîtrise des
émissions dans leurs choix d'investissement. L'OCDE souligne
ainsi
86(
*
)
que "
c'est en supprimant
l'effet de surprise des mesures anti-pollution que l'on réduit les
coûts d'ajustement, et non pas en retardant simplement leur
instauration
"
.
Les politiques de maîtrise des émissions doivent en outre
systématiquement
préparer le long terme
. Les objectifs de
Kyoto ne constituent en effet qu'un "
point de passage
" (F.
MOISANS) : à long terme, nos émissions de gaz à effet
de serre devront sans doute converger vers des niveaux plus faibles que ceux
d'aujourd'hui, alors même que la France aura à faire face entre
2010 et 2030 à l'échéance du remplacement de son parc
électronucléaire, qui risque de se traduire par une hausse des
émissions liées à la production
d'électricité (à moins que les centrales nucléaires
en fin de vie ne soient intégralement remplacées par de nouvelles
centrales nucléaires).
Les politiques de maîtrise des émissions seront par ailleurs
d'autant plus lisibles, crédibles et efficientes qu'elles s'appuieront
en priorité sur des
instruments de marché
ou sur des
mesures utiles en tout état de cause
(en particulier la
suppression des distorsions fiscales), plutôt que sur des dispositifs
administratifs (réglementations, subventions), qui s'avèrent
souvent instables.
2. Pour des politiques coordonnées à l'échelle européenne
Le
bilan
de la coordination internationale en matière de politiques
de maîtrise des émissions est pour l'heure très
décevant
: le protocole de Kyoto n'engage ainsi les Etats
qu'à s'échanger de l'information sur leurs actions respectives,
ce qui relève davantage de la surveillance mutuelle que de la
coordination.
La coordination, voire l'harmonisation, des politiques nationales de lutte
contre l'effet de serre répond toutefois à un triple
objectif
87(
*
)
:
- minimiser les
coûts
économiques de maîtrise des
émissions, notamment en favorisant la diffusion des meilleures
pratiques ;
- limiter les distorsions de
concurrence
;
- prévenir les
délocalisations
d'activités et les
" fuites de carbone " vers les pays les plus permissifs, qui
obèrent l'efficacité environnementale des politiques de
maîtrise des émissions.
Au total, la coordination internationale de la maîtrise des
émissions en favoriserait l'efficacité écologique,
l'efficience économique et
l'acceptabilité
sociale.
Il serait donc souhaitable, d'une part que les grandes lignes (" les
lignes directrices ") des politiques nationales de lutte contre le
changement climatique soient coordonnées entre les pays
industrialisés ; d'autre part, que ces politiques soient
étroitement coordonnées au sein de l'Union européenne,
sous peine de perturber le fonctionnement du
marché
unique.
3. Réduire les distorsions fiscales et réglementaires
Le
Comité interministériel de l'évaluation des politiques
publiques
88(
*
)
et le Commissariat
Général du Plan
89(
*
)
ont
identifié de nombreuses distorsions fiscales ou réglementaires
qui concourent, parfois insidieusement, à accroître nos
émissions de gaz à effet de serre.
• En premier lieu, la fiscalité des énergies primaires est
déconnectée de leur contenu en CO
2
:
- le
charbon
, qui constitue pourtant la forme d'énergie la plus
polluante pour le climat, n'est pas taxé ;
- le
gaz
est relativement peu taxé ;
Fiscalité des combustibles
|
|
White spirit (combustible) |
771 |
Pétrole lampant (combustible) |
749 |
Fuel domestique |
743 |
FOL (teneur en soufre > 2 %) |
205 |
FOL (teneur en soufre < 2 %) |
151 |
Gaz naturel à usage industriel |
135 |
Gaz
naturel à usage domestique
|
|
Charbon |
0 |
-
l'électricité hydraulique
est surtaxée. Le
Commissariat général du Plan
90(
*
)
rappelait ainsi que "
la taxe sur les ouvrages concédés
des voies navigables d'une puissance installée supérieure
à 8 000 kVA à été doublée en 1997 (de 4,24
centimes par KWh à 8,48 centimes par kWh). Cette taxe vient grever les
coûts des centrales hydroélectriques alors même que ce moyen
de production est le moins coûteux et le plus respectueux de
l'environnement. A ce niveau de taxes, et compte tenu de la surcapacité
actuelle du parc de production, il devient intéressant pour EdF
d'arrêter la production hydroélectrique
".
• En second lieu, la fiscalité des carburants est
déséquilibrée :
Fiscalité des carburants
|
|||
Supercarburant |
6 302 |
||
Essence auto |
6 049 |
||
Super sans plomb |
5 887 |
||
Pétrole lampant |
3 494 |
||
Gazole |
3 467 |
||
Gaz carburant |
823 |
||
Source : Observatoire de l'Energie d'après Dhyca, janvier 1998. |
•
Par ailleurs, le chauffage électrique fait
concurrence
déloyale
à l'usage individuel du
bois
dans les zones
rurales, où les mécanismes du fonds d'amortissement des charges
d'électrification (FACE) subventionnent fortement les renforcements de
réseaux nécessités par l'utilisation thermique de
l'électricité
91(
*
)
.
• De même, les mécanismes de péréquation
tarifaire pour l'électricité dans les départements
d'Outre-mer conduisent à y
évincer les énergies
renouvelables
, qui seraient pourtant compétitives, compte tenu des
conditions de production locales
92(
*
)
. Il ne
s'agit bien sûr pas de revenir sur le principe des mécanismes de
solidarité et de péréquation, mais de privilégier
les modalités qui ne biaisent pas les choix des consommateurs finaux et
n'éliminent pas les solutions techniques les plus souhaitables du point
de vue de la maîtrise des émissions.
• Enfin, plusieurs mécanismes favorisent le développement
d'un
habitat périurbain
éloigné des services
collectifs,
peu dense
(l'organisation de transports en commun rentables
y est ainsi impossible), donc impliquant le recours systématique
à la voiture individuelle pour les déplacements quotidiens :
- les écarts de
pression fiscale
entre les villes (qui financent
les grands services collectifs), d'un côté, les communes
périurbaines, de l'autre, incitent les ménages à
s'établir assez loin des agglomérations, dans des
habitats
dispersés
;
- le fait que les frais de transport ne soient pas pris en compte pour la
détermination des
taux d'effort
lors de l'accession à la
propriété : pour pouvoir emprunter, certains ménages
sont ainsi contraints de construire loin des villes où ils travaillent,
dans des communes où le prix du terrain est plus faible, alors
même que le cumul des charges d'emprunt et des coûts de transport
s'y révèle à la longue beaucoup plus
élevé ;
- le développement de la
ségrégation
fonctionnelle
de l'
espace
et de la concentration de l'emploi sur quelques zones
d'activité.
Il en résulte un allongement et une multiplication des
trajets
subis
(domicile-travail, pour aller faire ses courses, pour conduire les
enfants à l'école). En particulier, les trajets domicile-travail
ont doublé en vingt ans, sans que cela corresponde à une
évolution des préférences individuelles.
Au total, en réduisant les incitations à s'établir
très loin des centres villes, le renforcement de l'intégration
fiscale intercommunale et la prise en compte des frais de transports pour
l'évaluation de la solvabilité des accédants à la
propriété, favoriseraient la maîtrise des émissions
de gaz à effet de serre.
4. Différencier les politiques de maîtrise des émissions selon les secteurs d'activité
Parmi
les principales activités émettrices de CO
2
(l'industrie lourde, la production d'électricité, le
bâtiment, les transports), il convient d'opérer une double
distinction :
- entre le secteur
abrité
et le secteur
exposé
à la concurrence internationale : les charges imposées aux
activités ouvertes à la concurrence internationale ne doivent pas
être excessivement augmentées ;
- entre les
gros émetteurs
(en particulier les industries
intensives en énergie) et les
émissions
"
diffuses
" : compte tenu des coûts de
transaction, les instruments comme les accords volontaires ou les permis
d'émissions négociables ne sont en effet utilisables que pour des
émetteurs importants et bien identifiés.
NIVEAU
ET PROJECTION DES ÉMISSIONS DE CO
2
PAR SECTEUR
|
||||||
|
1990 (niveau de référence pour le protocole de Kyoto) |
1997 |
|
2010 1 Scénario (S2) " Etat industriel " |
|
|
Industrie
|
32,2
|
28,6
|
21,4
|
29,6
|
33,3
|
|
Résidentiel-tertiaire |
30,0 |
29,2 |
31,1 |
32,7 |
37,5 |
|
Agriculture |
2,6 |
2,5 |
2,6 |
2,7 |
2,7 |
|
Transports |
39,7 |
43,3 |
46,1 |
54,0 |
57,5 |
|
TOTAL |
104,5 |
103,6 |
101,3 |
119,0 |
131,1 |
|
1.
Sur la base d'une durée de vie de 40 ans pour les centrales
nucléaires.
|
Ces considérations invitent schématiquement à combiner les instruments économiques de maîtrise des émissions de la manière suivante :
|
Gros émetteurs :
unités industrielles importantes
|
Petits émetteurs :
PME
|
Secteur exposé
|
Engagements volontaires
|
Aide
au diagnostic
|
Secteur abrité
|
Permis
négociables
|
Aide au diagnostic
|
5. Privilégier la vérité des prix dans le secteur des transports
Ciblées sur l'amélioration de l'efficacité
énergétique des véhicules, les politiques
antérieures de maîtrise de l'énergie dans le secteur des
transports se sont avérées peu
efficaces
.
En effet, les émissions de CO
2
liées au secteur des
transports
sont actuellement en forte croissance :
l'amélioration des moteurs est plus que compensée par
l'allongement des trajets domicile-travail, par la désaffection pour les
transports en commun, par le développement de la puissance et de
l'équipement moyen des véhicules, par l'augmentation de la
vitesse moyenne des automobilistes, enfin par la diffusion du " juste
à temps " (ce qui multiplie les livraisons). Les progrès des
moteurs sont ainsi neutralisés par l'évolution des comportements.
Au total, l'efficacité énergétique (c'est-à-dire le
ratio production de services/consommation d'énergie), se dégrade
continûment dans les transports, alors qu'elle stagne dans le
bâtiment et qu'elle s'améliore de 3 % par an dans l'industrie.
Pour maîtriser la hausse des émissions dans le secteur des
transports, il sera donc indispensable d'agir de manière
cohérente sur l'offre et la demande de transport.
Le tableau ci-après
1
montre l'importance du choix modal sur
la consommation d'énergie :
Voyageurs interurbains |
Voyageurs km/kep 2 |
Automobiles (2,45 voyageurs/véhicule)
|
40
|
Voyageurs intraurbains |
Voyageurs km/kep |
Automobile (1,25 voyageur/véhicule)
|
16,7
|
Marchandises |
Tonnes km/kep |
Route : charge utile inférieure à 3
t
|
2,7
|
1.
Source : Commission d'enquête du Sénat sur la politique
énergétique de la France, rapport du Sénat n° 439,
1997-1998
|
Il est
ainsi souhaitable de promouvoir
l'offre
de transports économes en
énergies fossiles :
- en réduisant les distorsions de
concurrence
au
détriment des transports ferroviaires et fluviaux, qui résultent
de l'inobservation de la
réglementation
relative au transport
routier, notamment en matière de sécurité et de droit du
travail ;
- en développant les transports collectifs urbains, en particulier les
tramways ;
- en accélérant la construction du réseau de TGV
94(
*
)
;
- en facilitant la circulation à vélo ;
- en subventionnant les véhicules électriques.
Il convient aussi d'agir sur la
demande
, en restituant au consommateur
final un " signal de prix ", c'est à dire un niveau de
taxation qui intègre graduellement l'ensemble des externalités
négatives pour la collectivité liées au choix de son mode
de transport :
- en
modulant la fiscalité
des véhicules selon leurs
émissions de gaz à effet de serre. Parmi les pays
développés, la France se singularise en accordant des abattements
de vignette aux véhicules anciens (qui sont plus polluants), et aux
véhicules diesel ;
Consommation des voitures particulières selon
l'année de mise en circulation
1
|
|||
Age des véhicules |
Tous carburants |
Essences |
Gazole |
1 an |
7,1 |
7,9 |
6,6 |
2 ans |
7,4 |
8,1 |
6,6 |
3 ans |
7,3 |
8,1 |
6,6 |
4 ans |
7,7 |
8,3 |
6,5 |
5 ans |
7,7 |
8,4 |
6,4 |
6 ans |
7,7 |
8,5 |
6,4 |
7 ans |
7,8 |
8,4 |
6,7 |
8 ans |
8,0 |
8,3 |
6,9 |
9 ans |
8,4 |
8,7 |
6,5 |
10 - 11 ans |
8,5 |
8,9 |
6,9 |
12 - 14 ans |
8,9 |
9,2 |
7,0 |
15 ans et plus |
9,6 |
9,8 |
8,2 |
Source : Commission d'enquête du Sénat sur la politique énergétique de la France. |
- en
réduisant l'écart de taxation entre l'essence et le
diesel
;
- en s'efforçant d'imputer aux consommateurs le
coût
collectif
(bruit, congestion, pollution urbaine) de l'usage de
l'
automobile
en ville, au travers des frais de stationnement notamment.
Cette évolution fiscale devra être
coordonnée
au
niveau européen. Elle ne devra pas se faire au gré des besoins
budgétaires, ni servir de prétexte à une hausse des
prélèvements obligatoires : le produit des taxes
supplémentaires devra être ristourné. Enfin, les
professionnels
(transporteurs routiers, agriculteurs) devront
bénéficier d'un traitement
différencié
.
LES PRINCIPES D'UNE FISCALITÉ DES CARBURANTS EFFICACE 95( * )
Des
principaux rapports concernant la prise en compte des effets environnementaux
des carburants (rapports " Brossier ", " Boiteux " et
" Orfeuil "), on doit retenir quelques conclusions simples.
Les évaluations des coûts environnementaux du transport ne font
pas l'objet d'un consensus. De nombreuses études donnent des
résultats très divers et difficilement conciliables quant
à l'importance des coûts à prendre en compte.
Certaines grandes conclusions restent cependant valables quelles que soient les
études :
• le coût social du gazole est sensiblement égal (voire
légèrement supérieur) à celui de l'essence sans
plomb. Il n'y a donc aucune justification économique à
l'écart de taxation entre le gazole et le super sans plomb.
• les coûts du transport (environnement, congestion) sont
très différents selon que la circulation a lieu en zone urbaine
ou en rase campagne.
• le progrès technique sur la conception des véhicules
automobiles est tel que les coûts sociaux sont différents en
fonction de l'âge des véhicules.
Ces conclusions nous fournissent des guides pour une évolution des
différentes taxes qui existent sur les carburants et de façon
plus générale sur le transport.
Les instruments fiscaux auxquels on peut songer sont nombreux :
fiscalité sur les carburants, vignette automobile, prix des parkings,
péages urbains, etc. Tous ne permettent pas de traiter les mêmes
questions et ne présentent pas les mêmes caractéristiques
(la TIPP a l'avantage d'être approximativement proportionnelle à
la pollution émise et est simple à mettre en oeuvre. En revanche,
contrairement au péage urbain, elle ne peut être
différenciée selon le lieu - ou même l'heure - de
circulation). Seul un mélange adapté des différentes
mesures fiscales permettra de prendre en compte aussi parfaitement que possible
l'ensemble des coûts sociaux de la circulation automobile.
Les axes de réflexion que l'on peut dégager sont les
suivants :
• les coûts liés aux nuisances environnementales et
à la congestion étant en partie au moins proportionnels à
la consommation d'essence, la TIPP est un bon moyen de prendre en compte une
grande partie des coûts sociaux de la route.
• les coûts sociaux du super sans plomb et du diesel étant
sensiblement identiques, il convient d'aligner progressivement la
fiscalité du gazole sur celle de l'essence sans plomb.
• plusieurs pistes sont ouvertes pour prendre en compte l'écart de
coûts sociaux entre la circulation en ville et la circulation en dehors
des zones urbaines (liés à la fois à l'effet des
pollutions locales et à la présence en un endroit, et non
à l'importance de la circulation) : la limitation des
possibilités de parking en ville ou l'augmentation du prix sur les
parkings, la vignette donnant le droit de circuler en ville, etc.
• la vignette paraît être l'instrument le mieux adapté
pour prendre en compte l'écart de coûts sociaux entre les
véhicules anciens et les véhicules plus récents. Ainsi, en
Allemagne, le prix de la vignette est largement différencié en
fonction des caractéristiques polluantes des véhicules
(âge, type de carburant, utilisation d'un pot catalytique, etc). En
France, les grilles tarifaires actuelles sont favorables aux véhicules
les plus anciens, fonctionnant comme une subvention implicite à la
détention de véhicules polluants. Ce biais a été en
partie seulement redressé, en supprimant l'abattement de 50 % pour
les véhicules de plus de 5 ans.
6. Privilégier les incitations publiques et la réglementation pour le secteur résidentiel-tertiaire
Les
émissions de CO
2
du secteur résidentiel-tertiaire
(habitations, bureaux) sont très
inertes
. En effet, le taux de
renouvellement du parc immobilier est de l'ordre de 1 % par an. Dans ce
secteur, les mesures de maîtrise des émissions de CO
2
relatives aux
bâtiments neufs
exercent donc un
impact
très
lent
. Cet impact est toutefois
cumulatif.
En outre, il existe dans le
bâtiment ancien
un
gisement
important d'économies d'énergie (donc de réduction des
émissions de CO
2
). L'exploitation de ce gisement serait riche
en
emploi
: le contenu en emploi des opérations de
rénovation et de réhabilitation est en effet
particulièrement élevé. Par surcroît, la
rénovation énergétique des bâtiments anciens
réduirait dans des proportions significatives les charges qui
pèsent sur les ménages les plus démunis.
Pour mobiliser efficacement ces gisements de réduction des
émissions, les politiques publiques devront combiner l'ensemble des
instruments économiques et fiscaux disponibles.
La
taxation
des émissions de CO
2
pourrait ainsi donner
un signal de prix et accroître la rentabilité des investissements
d'économie d'énergie, mais elle ne sera efficace que si elle
s'accompagne :
- de
subventions
aux efforts de maîtrise de l'énergie des
bailleurs
sociaux
;
- d'
incitations ciblées
à l'amélioration de
l'efficacité énergétique des logements et des
bâtiments, au développement de la
cogénération
, à la promotion de la
filière bois
;
- de la suppression des
distorsions de prix
au détriment de
l'usage du bois ou des formes locales de production
d'électricité ;
- l'accentuation des
déductions fiscales
pour gros travaux sur
les opérations de rénovation et de réhabilitation qui
présentent une utilité collective manifeste, et plus
particulièrement sur les travaux qui réduisent la consommation
d'énergie ;
- du
contrôle de la réglementation
existante dans le
secteur
résidentiel
. Le Comité interministériel de
l'évaluation des politiques publiques
96(
*
)
relevait que pour engager dans la voie de l'accession
à la propriété des ménages aux revenus très
faibles, les autorités publiques donnent aujourd'hui la priorité
à la maîtrise des coûts de construction au détriment
du contrôle de l'application de la réglementation, quand bien
même le surcoût d'investissement correspondant se traduirait par
une réduction du coût d'usage global du logement. Il en
résulte que plus des deux tiers de ces ménages ne respectent pas
les règles d'isolation lorsqu'ils construisent une maison individuelle
dont ils sont maîtres d'ouvrage, au risque d'être mis en
difficulté par la facture ultérieure d'énergie. Le
Comité d'évaluation recommandait notamment que
" soit
instauré un mode de contrôle systématique simplifié
lors de la construction de maisons individuelles bénéficiant
d'une aide à l'accession à la propriété (à
l'instar du label Qualitel, nécessaire pour accéder à des
financements privilégiés dans le logement locatif
social) ".
- de la
simplification
et du
renforcement
de la
réglementation relative aux
bâtiments
tertiaires
. Le
Comité interministériel de l'évaluation des politiques
publiques
97(
*
)
remarquait ainsi que d'un
côté, "
il existe un décalage injustifié
entre les normes affichées pour les logements et celles (moindres) qui
s'appliquent au tertiaire
" ; de l'autre, "
les exigences
réglementaires concernant les équipements ne paraissent
appliquées complètement que dans 5 % des cas
". Au
total, la réglementation relative aux performances
énergétiques des bâtiments tertiaires est ainsi à la
fois insuffisamment exigeante et peu appliquée. Ce paradoxe ne
résulte pas selon le Comité interministériel
"
d'une volonté d'économiser sur l'investissement, mais
d'une mauvaise compréhension de la réglementation ou d'une
négligence dans son application
". Il est vrai que nombre
d'exigences actuelles sont peut-être inutiles. Il convient donc
simultanément de
renforcer
et de
simplifier
la
réglementation applicable aux bâtiments tertiaires, tout en
développant les
contrôles
, non pas tant pour sanctionner
les contrevenants, que pour expliquer les avantages de l'application des
prescriptions réglementaires ;
- de la généralisation, par voie réglementaire, des double
vitrages faiblement émissifs ;
- de l'établissement de
normes minimales
pour la performance
énergétique des appareils électroménagers, afin
d'exclure du marché les produits les moins performants, qui constituent
souvent un " piège " pour les consommateurs les plus
modestes ou les moins avertis : parfois peu onéreux à l'achat,
ils peuvent se révéler beaucoup plus coûteux à la
longue (le coût d'usage d'un congélateur dépend davantage
de ses performances énergétiques et de sa durée de vie,
que de son prix d'achat) ;
7. Privilégier les engagements volontaires et l'accès aux marchés de permis pour les industries à haut contenu énergétique
•
Pour les émissions
diffuses
du secteur industriel, le recours
à la taxation des émissions de CO
2
et, dans une
moindre mesure, à la réglementation et aux incitations publiques,
pourrait favoriser à long terme la maîtrise des émissions
sans coûts pénalisants pour les entreprises, surtout si celles-ci
se voient par ailleurs redistribuer le produit d'une taxe sur le CO
2
sous la forme d'
allégements de charges sociales
.
Il serait par ailleurs souhaitable que les PME bénéficient
d'aides au
diagnostic
énergétique et de mécanismes
de
garantie
pour les emprunts afférents à leurs
investissements de maîtrise de l'énergie.
• En revanche, ces instruments seraient peu adaptés à la
maîtrise des émissions des entreprises industrielles très
intensives en énergie (sidérurgistes, cimentiers, chimistes,
pétroliers, producteurs d'électricité,
déchetiers...).
Il est préférable que ces entreprises, qui concentrent sur
quelques centaines de sites près de 80 % des émissions de
CO
2
du secteur industriel, puissent accéder à un
marché national ou communautaire
de
permis
d'émission, interconnecté à terme avec les marchés
internationaux de permis.
Ce marché pourrait d'ailleurs être ouvert à d'autres gros
émetteurs, comme des
collectivités
locales
ou des
groupements locaux (SIVOM, SIVU)
98(
*
)
.
Cet accès pourrait être la contrepartie d'
engagements
volontaires
chiffrés de maîtrise des émissions.
Certes,
l'allocation initiale
des permis soulèverait des
difficultés (et des enjeux financiers) considérables, qui donnent
par avance le " tournis " aux administrations concernées. Des
quotas " laxistes " alloués gratuitement pourraient en effet
donner à nos industriels un avantage compétitif, mais au
détriment des autres activités économiques et des
consommateurs, comme de l'allocation optimale des ressources : cela
s'analyserait en effet comme une subvention à l'exportation pour les
activités polluantes, financée par prélèvement sur
les consommateurs ou sur les autres entreprises. En outre, une allocation trop
généreuse pourrait susciter des contentieux à l'O.M.C. et
avec la Commission européenne (dans le cadre du contrôle des aides
d'Etat).
Ces remarques plaident en faveur d'échanges de permis coordonnés
au niveau
communautaire
.
Quoi qu'il en soit, à défaut d'une taxe sur les émissions
de CO
2
coordonnée à l'échelle des pays de
l'OCDE, le développement d'un marché national ou européen
de permis constitue le seul instrument qui concilie
l'efficience
économique, la nécessité
d'inciter
ces gros
émetteurs à maîtriser leurs émissions, et la
volonté légitime de ne pas
pénaliser
nos
entreprises industrielles par rapport à leurs concurrents internationaux.
L'existence d'un marché national ou communautaire de permis pourrait en
outre " révéler des prix ". Cela faciliterait la
prise de décision
publique en matière d'effet de serre.
Par ailleurs, la France et la Communauté européenne ont vivement
intérêt à mettre sur pied leur propre régime de
marchés de permis, afin de démontrer leur détermination
à maîtriser leurs émissions de gaz à effet de serre,
et surtout d'acquérir une
expérience précieuse
en
matière de négoce de droits d'émissions.
L'Union et les entreprises européennes seraient ainsi
mieux
préparées
au démarrage des échanges
internationaux de permis en 2008.
L'Union bénéficierait surtout d'un poids plus grand pour
l'élaboration des règles et des modalités pratiques de
fonctionnement de ces échanges.
Enfin, le développement de marchés de permis au sein de l'Union
européenne favoriserait à terme
l'Europe
comme
place
d'échange
, avec pour avantages des créations
d'activités et
d'emplois
, d'une part ; une capacité
de
contrôle
de ces échanges renforcée, d'autre
part.
II. INFLÉCHIR LES CHOIX COLLECTIFS
1. Informer les citoyens
La
maîtrise des émissions de gaz à effet de serre affectera
des choix privés sensibles en termes de
liberté
individuelle
, comme ceux relatifs à l'habitat et au transport :
le choix des caractéristiques de son domicile ou de son mode de
déplacement est moins la résultante d'un calcul économique
que l'expression d'une liberté. La lutte contre l'effet de serre ne se
décrétera donc pas, et les instruments économiques de
maîtrise des émissions ne seront vraiment efficaces que s'ils
s'accompagnent d'une
prise de conscience
collective des enjeux
liés au changement climatique.
Or, le changement climatique est peu visible, donc peu mobilisateur, et les
citoyens sont insuffisamment sensibilisés pour accepter
d'infléchir certains comportements. Le renforcement de l'information des
citoyens est donc un
préalable
nécessaire à la mise
en oeuvre d'instruments économiques. Cette information doit porter sur
les causes du changement climatique, sans pour autant stigmatiser les pollueurs
contraints. Elle doit également attirer l'attention sur les
conséquences prévisibles du changement climatique, notamment pour
certains espaces naturels appartenant à notre patrimoine national, comme
la Camargue.
Il reviendra ensuite aux pouvoirs publics de faciliter
l'identification
des possibilités
d'économies
d'énergie
par
les entreprises, comme par les particuliers.
En effet, la maîtrise de l'énergie est un thème qui a
très largement disparu du
débat public
, et
l'énergie est redevenue pour la très grande majorité des
entreprises et des consommateurs un poste budgétaire relativement faible
ou " diffus ", si bien qu'ils ne sont pas spontanément
incités à rechercher les
informations
nécessaires
pour réduire leur facture énergétique.
Le rapport de la Commission d'enquête du Sénat sur la politique
énergétique de la France
99(
*
)
remarquait ainsi "
qu'en dix ans, la température moyenne des
logements est passée de 19 à 21 degrés, soit une
augmentation de la consommation de 14 %, qui a annulé l'effet des
économies d'énergie résultant des travaux d'isolation. Il
faut y voir les conséquences de la crise économique, mais aussi
le manque d'information et de motivation
"
100(
*
)
.
Il convient donc de promouvoir énergiquement :
- la diffusion des
ampoules
les plus
efficientes
pour
l'éclairage résidentiel et l'éclairage commercial. Il ne
s'agit pas là d'une mesure anecdotique : l'Agence internationale de
l'énergie (AIE) souligne que cette diffusion pourrait réduire de
plus de 4 % les émissions de CO
2
des pays
industrialisés, tout en étant économiquement rentable.
Dans le cadre du contrat d'entreprise signé entre l'État et EDF
pour la période 1997-2000, qui demande à EDF de
"
proposer à ses clients des
équipements et des
solutions électriques plus performantes assortis de conseils
d'utilisation... ",
EDF et l'ADEME ont ainsi conduit une campagne
nationale de promotion de l'éclairage performant. Mais ces efforts
demeurent modestes : ils doivent être poursuivis, étendus et
amplifiés ;
- la sensibilisation du grand public aux
consommations inutiles
. Le
développement de la formation et de l'information des collégiens
et des lycéens pourrait à cet égard s'avérer
très efficace : en effet, au contraire de la
génération précédente, les jeunes d'aujourd'hui
n'ont encore jamais été invités à maîtriser
l'énergie ;
- l'appui au
diagnostic énergétique
pour les
collectivités
locales
, les
PME
et les
ménages
. Votre Rapporteur ne peut que regretter la modestie des
moyens dont dispose l'ADEME pour ces actions (10 millions de francs en 1997,
contre 146 millions de francs en 1985, ce qui a conduit à la quasi
disparition des ingénieurs-conseil en matière d'économies
d'énergie), alors même qu'elles présentent un
effet de
levier
considérable. Bien plus que des mesures réglementaires
et fiscales imposées " d'en haut ", l'aide au diagnostic
permet en outre aux citoyens de devenir des
acteurs
de la maîtrise
de l'énergie. Cela favorise à terme le développement d'une
culture
des économies d'énergie ;
- la mise à disposition, via le réseau
internet
ou sous
forme de CD-Roms
d'autodiagnostics énergétiques
destinés aux collectivités locales, aux PME et aux
particuliers : ces autodiagnostics pourraient sensibiliser aux
consommations inutiles, et permettre, sous une forme éventuellement
ludique, l'identification d'économies d'énergie
potentielles ;
- la mise en oeuvre de l'article 22 de la loi sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996, qui rend
obligatoire
l'information
des locataires ou des acquéreurs de
logement
sur les dépenses énergétiques qu'ils
peuvent s'attendre à acquitter annuellement, mais dont le décret
d'application est toujours en cours de rédaction. A terme, cette
disposition pourrait favoriser l'émergence d'un marché de
services
énergétiques
aux usagers ;
- l'application du système
d'étiquetage
informatif qui a
été rendu obligatoire pour certains appareils
électroménagers
101(
*
)
(réfrigérateurs, congélateurs, sèche-linge), afin
d'orienter les consommateurs vers les appareils les plus économes. Ce
système pourrait être progressivement
étendu
à d'autres appareils électroménagers. L'étiquetage
devrait porter notamment sur la consommation en
veille
des
téléviseurs ou des magnétoscopes (en moyenne ces appareils
consomment parfois plus en veille que durant leur utilisation effective).
Enfin, tous les appareils électroménagers devrait être
équipés d'un interrupteur de veille ;
- la
certification
de composants (vitrages, fenêtres,
chaudières notamment), ainsi que le développement de labels
attestant de bonnes performances énergétiques ;
- la
formation
des concepteurs de bâtiments, notamment pour
promouvoir la construction de
bâtiments
" bioclimatiques
"
(orientation, vitrages, serres). Une
première enquête réalisée par le Comité
interministériel de l'évaluation des politiques
publiques
102(
*
)
sur 50 permis de construire
délivrés pour des maisons individuelles révélait en
effet que 14 seulement avaient été volontairement bien
orientées, tandis que 28 autres étaient mal orientées
alors qu'elles auraient pu l'être (compte tenu du parcellaire) ;
- la Commission d'enquête du Sénat sur la politique
énergétique de la France
103(
*
)
préconisait en outre la présence, au moins dans les
véhicules
d'apprentissage
de la
conduite
, de
dispositifs indiquant la consommation instantanée de carburants
(" économètres "), afin d'encourager l'apprentissage de
la conduite économique.
2. Rétablir la notion de maîtrise de l'énergie
A long
terme, la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre
passe par le
renouveau
des politiques publiques de maîtrise de
l'énergie. Très prégnante dès la fin des
années 1970, la notion "
d'économie
d'énergie
" s'est en effet progressivement estompée au
cours des dix dernières années, en raison de la baisse des prix
de l'énergie, mais aussi de la contraction des moyens spécifiques
dévolus à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie (ADEME
)
.
La réduction, après le premier choc pétrolier, des moyens
publics affectés à la maîtrise de l'énergie, n'est
pas propre à la France, mais elle y a pris une ampleur
particulière.
Alors que l'ADEME
104(
*
)
avait fait la preuve de
sa capacité à agir efficacement sur les comportements, les
crédits
d'intervention
en faveur de la maîtrise de
l'énergie ont ainsi été
divisés par 40
entre
1983 et 1993. En outre, l'ADEME a dû mettre en oeuvre en 1987 un
plan
social
qui a réduit ses effectifs de 30 %, puis en 1991 une
fusion avec l'Agence nationale pour la récupération et
l'élimination des déchets et avec l'Agence pour la qualité
de l'air, qui s'est traduite par un
transfert
massif de personnels et de
compétences de la maîtrise de l'énergie vers la protection
de l'environnement. Le rapport du Comité interministériel de
l'évaluation des politiques publiques relatif à la maîtrise
de l'énergie
105(
*
)
soulignait ainsi que
la stabilité des missions et des moyens indispensables à l'ADEME
pour constituer des équipes capables d'animer les politiques d'aide
à la R&D et la diffusion des technologies les plus efficientes, ne
lui avait jamais été accordée jusqu'ici.
Par ailleurs, la contraction des moyens publics consacrés à la
maîtrise de l'énergie s'est prolongée plus longtemps en
France que dans les autres pays industrialisés, notamment aux
Etats-Unis, où les efforts publics de R&D en matière
d'économie d'énergie ont réaugmenté dés la
fin des années 1980.
Au total, la Commission d'enquête du Sénat relative à la
politique énergétique de la France
106(
*
)
concluait ainsi à la nécessité
de
conforter
l'ADEME dans ses
missions
de maîtrise de
l'énergie et de
renforcer
les
moyens
budgétaires
consacrés à la maîtrise de l'énergie. Votre
rapporteur ne peut donc que se féliciter des
inflexions
récentes en ce sens, qu'il conviendrait de prolonger.
Mais la
légitimité
des politiques publiques de
maîtrise de l'énergie doit également être
repensée
. En effet, ces politiques ne peuvent plus, comme par le
passé, reposer sur l'ambition de réduire notre dépendance
et notre facture énergétiques. La maîtrise de
l'énergie doit être
refondée
à partir du
principe de précaution
, qui nous invite à réduire
nos émissions de gaz à effet de serre pour freiner le changement
climatique, d'une part ; à économiser les énergies
fossiles et à diversifier notre approvisionnement pour réduire la
vulnérabilité énergétique de l'humanité,
d'autre part.
Il conviendrait aussi de réorienter les efforts publics de R&D vers
le développement des énergies d'avenir pauvres en CO
2
(comme la pile à combustibles), et surtout vers la maîtrise de
l'énergie, au détriment de l'amélioration des techniques
d'exploitation des énergies fossiles non renouvelables et riches en
CO
2
107(
*
)
.
LES
DÉPENSES D'INTERVENTION ET DE R&D
|
||||
Années |
Intervention |
Recherche |
Total |
|
1974 |
0 |
0 |
0 |
|
1975 |
132 |
0 |
132 |
|
1976 |
473 |
0 |
473 |
|
1977 |
447 |
0 |
447 |
|
1978 |
494 |
0 |
494 |
|
1979 |
1 541 |
202 |
1 743 |
|
1980 |
1 378 |
257 |
1 635 |
|
1981 |
1 255 |
308 |
1 563 |
|
1982 |
1 100 |
318 |
1 418 |
|
1983 |
2 760 |
469 |
3 229 |
|
1984 |
3 128 |
374 |
3 502 |
|
1985 |
1 637 |
358 |
3 995 |
|
1986 |
963 |
289 |
1 252 |
|
1987 |
639 |
195 |
834 |
|
1988 |
410 |
172 |
582 |
|
1989 |
348 |
158 |
506 |
|
1990 |
446 |
218 |
664 |
|
1991 |
397 |
173 |
573 |
|
1992 |
372 |
198 |
570 |
|
1993 |
194 |
193 |
387 |
|
1995 |
150 |
120 |
271 |
|
1996 |
150 |
120 |
270 |
|
1997 |
75 |
120 |
195 |
|
1998 |
75 |
120 |
195 |
|
1999 |
400 |
200 |
600 |
3. Donner l'exemple dans les administrations
Les
autorités publiques ont un triple devoir d'
exemplarité
en
matière de maîtrise de l'énergie.
• En premier, les administrations publiques ont à tout le moins
un devoir d'exemplarité en matière de
respect de la
réglementation
.
Or, le rapport du Comité interministériel de l'évaluation
des politiques publiques relatif à la maîtrise de l'énergie
relevait notamment
108(
*
)
que la
réglementation qui limite à 19° C la température
dans les locaux publics habités ou recevant du public n'est pas
contrôlée et n'est, le plus souvent,
pas respectée
.
L'immeuble emblématique du ministère des Finances à Bercy
a même été conçu pour réguler avec une grande
précision la température de chaque bureau à
21° C. Il s'agit là d'une observation d'autant plus
regrettable que ce bâtiment abrite désormais le ministre en charge
de faire respecter ladite réglementation.
• En second lieu, les administrations publiques ont un devoir
d'exemplarité en matière de prise en compte du
long terme
,
et de mise en oeuvre des
investissements
d'économies
d'énergie rentables. En effet, les administrations publiques disposent
de temps devant elles, et construisent des bâtiments dont la durée
de vie est particulièrement longue.
Or, s'agissant des
bâtiments de l'État
, le rapport du
comité interministériel de l'évaluation des politiques
publiques relatif à la maîtrise de l'énergie, relève
"
que l'on est loin d'être parvenu à mettre sur pied une
politique qui permette de détecter et de réaliser les
investissements rentables de maîtrise de l'énergie, en raison de
la séparation des échelons qui décident de l'affectation
des crédits d'investissement et de fonctionnement
".
Pour optimiser le budget énergie des bâtiments de l'État,
le rapport d'évaluation suggérait donc ou bien de créer
une
caisse de financement
des investissements d'économie
d'énergie qui se rémunérerait sur les économies
réalisées, ou bien de lever les obstacles réglementaires
et culturels au recours au
crédit-bail
. Cette dernière
formule permettrait en effet d'effectuer un calcul coût/avantages au
niveau de décision administratif le plus décentralisé.
Il conviendrait par ailleurs que les coûts de fonctionnement des
bâtiments soient systématiquement pris en compte au même
titre que les coûts d'investissement pour l'attribution des
marchés publics.
• Enfin, les bâtiments publics peuvent constituer des vitrines
technologiques vis à vis des citoyens qui s'y rendent.
La diffusion dans les bâtiments publics de technologies performantes,
comme les vitrages faiblement émissifs, pourrait également en
stimuler la production à grande échelle, ce qui en abaisserait
considérablement le coût.
Au total, une impulsion politique renouvelée en matière
d'économies d'énergie dans les administrations publiques pourrait
être un
signal fort
pour les citoyens, et les entreprises, et
surtout les autres Etats qui se sont engagés à Kyoto à
maîtriser leurs émissions de gaz à effet de
serre.
4. Prendre en compte l'effet de serre dans les choix publics
Les
instruments économiques de maîtrise des émissions
fonctionnent mal si les marchés sont incomplets, par exemple si les
agents économiques ne disposent pas d'alternative en matière de
transport.
L'impératif de maîtrise des émissions doit donc être
pris en compte dans les
choix publics
en matière de transport,
d'aménagement du territoire et d'urbanisme, et ce, dès
aujourd'hui : tout retard en matière de choix publics
accroîtra d'autant le coût des permis que la France devra acheter,
et surtout les ajustements pour les agents privés.
En effet, le scepticisme ou l'indifférence de certaines administrations
envers la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre
reporterait
les
coûts
de la maîtrise des
émissions vers les ménages et les entreprises : selon
M. J.-.C. HOURCADE, à défaut d'inflexion des choix
publics dans les activités inertes (urbanisme, transports), les
coûts de réduction des émissions pourraient ainsi
être multipliés par trois pour les entreprises industrielles.
La prise en compte du changement climatique dans les choix publics peut
d'ailleurs être " sans regret ", si elle permet de
réduire des
externalités négatives
:
congestion urbaine, pollution de l'air, bruit, insécurité, temps
perdus dans les transports " subis ".
5. Evaluer et coordonner les choix publics
Dans un
rapport d'évaluation de la politique française de
l'environnement
109(
*
)
, l'OCDE soulignait en
1996 que la France manquait de "
stratégie centrée sur la
planification à long terme
" et estimait que les politiques
affectant l'environnement étaient insuffisamment intégrées.
Ce diagnostic rejoint celui dressé par le Commissariat
Général du Plan
110(
*
)
:
"
Par le passé, la politique de maîtrise de
l'énergie s'est focalisée sur l'amélioration de
l'efficacité des usages de l'énergie sans pouvoir assurer une
cohérence d'ensemble des interventions publiques au regard des enjeux de
maîtrise des énergies ; ainsi les politiques conduites
vis-à-vis d'autres objectifs que la maîtrise des émissions
d'énergie (transport, aménagement urbain...) ont bien souvent
contrecarré les gains obtenus au niveau des consommations
unitaires
".
La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre requiert
donc de mieux
coordonner
les
décisions publiques
en amont
des décisions privées et de développer
l'
évaluation
systématique de l'impact des choix publics au
regard des émissions de gaz à effet de serre.
En particulier, la quantité des émissions de gaz à effet
de serre évitées ou suscitées par les grands projets
d'infrastructure devrait être désormais systématiquement
intégrée (avec la valeur du temps ou des vies humaines
économisés) dans l'évaluation de leur
rentabilité
pour la collectivité (leur rentabilité
" socio-économique "), en utilisant une valeur de
référence de la tonne de carbone.
Il appartiendrait au
Commissariat général du Plan
111(
*
)
de fixer cette valeur de référence
du carbone émis, en se fondant sur les techniques disponibles, ainsi que
sur les prix révélés par les échanges de permis.
Cette référence commune aurait pour avantage d'établir une
" limite économique " homogène pour le coût des
différentes mesures de réduction des émissions qui sont
envisagées.
6. Associer les collectivités locales
Les
collectivités territoriales
seront des acteurs essentiels de la
maîtrise des émissions de gaz à effet de serre
112(
*
)
.
En effet, les collectivités locales assurent la gestion, donc le
chauffage, d'un
patrimoine
public important (écoles,
collèges, lycées, bâtiments sportifs et culturels) et
peuvent engager des opérations de rénovation de l'
habitat
ancien.
Les choix des collectivités locales influencent les émissions de
gaz à effet de serre liées à l'éclairage public et
surtout aux
transports
, au travers des schémas d'occupation des
sols, de la gestion des transports publics et du stationnement urbain, ou plus
simplement de leur parc de véhicules.
Les collectivités locales sont également souvent autorités
concédantes ou opérateurs (en régie) en matière de
distribution
d'énergie
. Enfin, elles jouent
également un rôle prépondérant en matière de
valorisation des déchets, de cogénération, de promotion de
la filière bois (au travers des chaufferies en bois pour les
bâtiments publics).
Au total, selon le Commissariat Général du Plan, les
collectivités locales pourraient très largement contribuer
à la maîtrise de l'énergie et des émissions de gaz
à effet de serre, via :
- la maîtrise des
déplacements
quotidiens, grâce
à un urbanisme plus adapté. Ces déplacements ont en effet
crû de 7 à 11 kilomètres en moyenne au cours des 15
dernières années.
La Commission d'enquête du Sénat
113(
*
)
sur la politique énergétique de la
France suggérait à cet égard que "
la
compétence en matière de transport collectif, de circulation
automobile et d'urbanisme soit confiée à une autorité
unique au niveau de l'agglomération, afin d'infléchir les actions
publiques qui, involontairement, poussent à un urbanisme de moins en
moins dense et à la croissance des émissions de gaz à
effet de serre
" ;
- le développement des transports collectifs et la désincitation
(via les règles de stationnement) à l'usage urbain de la
voiture
, ce qui concourrait par ailleurs à l'amélioration
de la qualité de l'air ;
- le développement de l'incinération, de la méthanisation
des
déchets
organiques et de la récupération des
gaz de décharge du méthane produits par les stations
d'épuration : à titre d'exemple, on estime que les
déchets de 7 familles peuvent en chauffer une huitième ;
- la promotion des
énergies locales
: filière
bois
, cogénération, géothermie, éolien,
petit hydraulique, voire solaire (pour les piscines) ;
- la régulation des feux (cf. encadré) ;
LA RÉGULATION DES FEUX 114( * )
L'instance d'évaluation de la politique de maîtrise de
l'énergie révèle que la loi de décentralisation a
conduit à l'arrêt de la mise en place de systèmes de
régulation du trafic en zone urbaine " pour l'amélioration
du rendement énergétique des déplacements des
véhicules en ville ", actions qui avaient été
entreprises à partir de 1973. 70 % des carrefours à feux ne
sont ainsi pas coordonnés entre eux. Un tel abandon résulte de la
dispersion des responsabilités entre les différents
échelons des collectivités et de l'incompatibilité des
systèmes élaborés par un trop grand nombre de fournisseurs
différents.
Or, de telles opérations, dont le coût est chiffré pour la
ville de Caen à 6.000 F par tep/an économisée, sont
éminemment rentables et pourraient engendrer de
500.000 à
700.000 tep par an d'économies d'énergie
. Elles contribuent
en outre à réduire la pollution, le bruit et la congestion du
trafic.
Il conviendrait donc d'encourager les actions de régulation des feux
dans le cadre du regroupement communal. De telles actions ne peuvent en effet
être efficaces que si elles sont menées à l'échelon
de l'agglomération, et non à celui des seules communes. En outre,
de tels investissements méritent autant le soutien financier de l'Etat
et de l'ADEME que les investissements tendant à améliorer le
réseau routier et la sécurité.
- la maîtrise de la consommation d'énergies fossiles dans les
flottes de véhicules publics, via la diffusion des véhicules
électriques.
PROMOUVOIR LE VÉHICULE ÉLECTRIQUE
Les
véhicules standards capables de transporter 4 à 5 personnes sur
autoroute à 130 km/h ne sont pas conçus pour la conduite en ville
qui véhicule en moyenne 1.25 passager à très faible
vitesse, à grand renfort d'énergie inutile.
A l'inverse, le véhicule électrique est non seulement silencieux
et non polluant, mais aussi économe et simple d'utilisation. Ses
performances de vitesse et d'accélération sont comparables
à celles d'un véhicule moyen dans les zones urbaines. Son
autonomie est certes très faible (autour de 100 km), mais rappelons
que 80 % des projets interurbains sont inférieurs à
50 km par jour. En outre, le véhicule électrique est bien
adapté aux parcs de voitures de fonctions.
Il convient donc aux collectivités publiques de montrer l'exemple.
Un accord-cadre signé en avril 1995 entre l'Etat, les constructeurs
automobiles et Electricité de France prévoyait ainsi que
10 % des nouveaux véhicules urbains des services de
l'administration devraient être électriques (soit au moins 1.000
véhicules). Le même accord-cadre prévoyait d'accorder une
prime de 5.000 F à chaque particulier pour l'achat d'un véhicule
électrique, EDF étant chargé de verser au constructeur une
somme de 10.000 F par véhicule vendu. Quant aux collectivités,
pour chaque véhicule électrique acheté, elles
reçoivent de l'ADEME des primes de 2.000 à 16.000 F par
véhicule selon la charge utile, ainsi que 2.000 F par deux-roues.
L'objectif de cet accord-cadre était de porter le parc de
véhicules électriques à 100.000 unités en l'an 2000.
En dépit de ces dispositifs, le nombre de véhicules
électriques n'atteignait que 3.200 unités en France au
début de 1998, dont 1.150 chez EDF, la seule entreprise qui a converti
2 % de son parc automobile à la propulsion électrique.
Il semble, en effet, que le dispositif de la prime ait été
lancé alors que l'appareil industriel n'était pas encore
prêt et que les constructeurs automobiles étaient mobilisés
sur la vente de véhicules thermiques encouragée par les primes
" à la casse ". Ils n'ont en conséquence guère
investi en information et en promotion.
Pour expliquer le faible empressement des collectivités locales, on
évoque aussi leur recours préférentiel à l'achat de
véhicules d'occasion pour constituer leur parc automobile.
Il convient donc aujourd'hui de relancer les efforts d'équipement des
administrations en véhicules électriques.
Il convient en outre de
mobiliser tous les moyens pour faire
connaître aux Français les avantages du véhicule
électrique
: sa souplesse d'utilisation, son caractère
quasi-indestructible (un moteur électrique est prévu pour tourner
pendant 1 million de kilomètres), le faible coût de son
emploi... Le véhicule électrique serait ainsi susceptible de se
positionner sur le créneau de la deuxième ou de la
troisième voiture ainsi que sur celui des très petits
véhicules de liaison.
Il revient donc à la puissance publique de
faire converger toute une
série d'avantages fiscaux
(vignette, TIP, fiscalité de la
location),
tarifaires
(stationnement) et
réglementaires
(stationnement, autorisation de circuler, normes de sécurité)
pour permettre la segmentation du marché entre véhicules
" banalisés " et véhicules spécifiquement
urbains que le marché n'opère pas spontanément
.
Enfin, il est nécessaire de multiplier les bornes de rechargement.
Certaines de ces politiques se heurtent toutefois à des problèmes
de financement, voire à des distorsions fiscales ou
réglementaires (par exemple pour les réseaux de chaleur). La
contribution des collectivités locales à la maîtrise des
émissions de gaz à effet de serre reposera donc sur la mise en
place d'
instruments financiers
adaptés, notamment par l'ADEME et
les Régions.
Il serait ainsi souhaitable que la maîtrise des émissions de gaz
à effet de serre soit prise en compte de manière cohérente
dans les
contrats de Plan Etat-Régions
et les contrats
d'agglomération.
Il est par ailleurs regrettable que les collectivités locales ne soient
pas davantage informées et conseillées, notamment via la
réalisation de diagnostics énergétiques.
Votre rapporteur estime ainsi indispensable que les
élus locaux
soient étroitement associés à la lutte contre les
émissions de gaz à effet de serre.
7. Débattre au Parlement des Plans nationaux de lutte contre l'effet de serre
Votre
rapporteur regrette que le
Parlement
n'ait pas été
associé à l'élaboration des
plans nationaux
successifs de
lutte contre l'effet de serre
, qui devraient, au minimum,
faire l'objet d'une présentation et d'un débat devant chacune des
deux assemblées.
Les modalités actuelles d'élaboration de ces plans sont en effet
en contradiction manifeste avec la nécessité de mobiliser les
collectivités locales et, surtout, d'emporter l'
adhésion
de nos concitoyens pour maîtriser nos émissions de gaz
à effet de serre.
CONCLUSION
Les
changements climatiques représentent "
la plus grande menace
pour le développement durable du monde, la santé publique et la
prospérité future
"
115(
*
)
.
Le principe de précaution nous invite ainsi à maîtriser
dès maintenant nos émissions de gaz à effet de serre, qui
constituent la principale cause de perturbation du climat.
L'équité et l'efficacité invitent par ailleurs les pays
les plus industrialisés à s'engager les premiers dans la
maîtrise des émissions.
La décision publique est toutefois malaisée en matière
d'effet de serre : il faut un certain
courage
pour infléchir
le quotidien, le local et le tangible, afin de prévenir des dangers qui
paraissent à tort abstraits ou lointains, dans le temps comme dans
l'espace, en tout cas éloignés des préoccupations
courantes de nos concitoyens.
Par surcroît, le changement climatique confronte les responsables publics
à des questions
éthiques
que l'on tend trop souvent
à esquiver : que devons-nous aux générations
futures ? Comment prendre en compte le long terme dès
aujourd'hui ? Comment concilier la mondialisation et la protection de
l'environnement ? Quelle portée donner à
l'
équité
pour les relations Nord / Sud ?
Ces difficultés ne doivent pas constituer un prétexte pour se
voiler la face : retarder les décisions nécessaires ne les
rend que plus coûteuses et moins efficaces.
De plus, le changement climatique sera inévitablement un enjeu majeur
pour les relations internationales. Source potentielle de tensions et de
conflits, la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre
pourrait à l'inverse favoriser le renouveau de la coopération
internationale, en catalysant une prise de conscience collective de la
communauté de destin de l'humanité.
Enfin, le changement climatique repose en des termes nouveaux le débat
sur l'avenir du nucléaire, que votre rapporteur n'a pas souhaité
aborder parce qu'en dehors du champ de son étude, tout en ayant du mal
à le tenir à l'écart, tant il est lié à la
maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.
Cela nous invite à fonder les politiques de lutte contre le changement
climatique sur un large
débat public
.
Votre rapporteur s'étonne et s'inquiète donc de l'absence de
débat sur les enjeux et les modalités de la maîtrise des
émissions de gaz à effet de serre.
Elle ne se décrétera pas d'en haut : l'empilement de mesures
réglementaires et de subventions
ad hoc
constituerait une
politique coûteuse, sans être pour autant efficace.
La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre suppose
au contraire une démarche globale et cohérente, combinant d'un
côté une volonté politique forte, la mise en
cohérence des choix publics, une utilisation pragmatique des instruments
économiques les plus efficients (la suppression des distorsions
fiscales, la taxation des pollutions, l'instauration des marchés de
permis), des subventions ciblées et des réglementations
simples, mais bien appliquées ; de l'autre, l'information,
l'adhésion et la mobilisation de l'ensemble des citoyens.
Il appartient en effet à chacun de nous d'inscrire dans ses actes la
notion de développement durable.
Cela ne peut résulter que d'un large débat public, auquel votre
rapporteur a l'espoir d'avoir contribué.
1
C'est-à-dire d'origine humaine.
2
Source : ministère de l'Industrie.
3
Rapport de l'atelier " Quelle politique pour la
France ", p. 70.
4
Source OCDE " Réchauffement planétaire ",
1995.
5
Le pouvoir de réchauffement de ces gaz est très
variable : le " forçage radiatif " des CFC est ainsi
plusieurs milliers de fois supérieur à celui du CO
2
.
6
Par convention, le " forcage radiatif " de l'ensemble
des gaz à effet de serre est rapporté à celui du
CO
2
. Par ailleurs, les émissions sont le plus souvent
exprimées en tonnes d'équivalent carbone (il y a 1 tonne de
carbone dans 3,66 tonnes de CO
2
).
7
partie par million en volume = 1 cm
3
par
m
3
d'air.
8
Cf. " Energie 2010-2020, rapport de l'atelier Les
défis du long terme ", Commissariat général du Plan,
1998.
9
Cf. " Impacts potentiels du changement climatique en France
au XXème siècle ", rapport de la Mission
interministérielle de l'effet de serre (MIES), novembre 1998.
10
Source GIEC (1995).
11
Il s'agit d'un phénomène déjà connu
à petite échelle entre 1968 et 1974, et lié à la
hausse de la pluviosité sur le Canada et l'Arctique.
12
Le succès de la maîtrise des émissions de
gaz à effet de serre dépendra ainsi très largement du mode
de croissance de la Chine et de l'Inde : si les Chinois et les Indiens
consomment à l'avenir autant d'énergie que les Américains
d'aujourd'hui, les émissions mondiales de gaz à effet de serre
seront multipliées dans des proportions considérables.
13
Cet ordre de grandeur est supérieur au ralentissement de
la croissance (de l'ordre de 0,01 % à 0,05 % par an selon des
simulations l'OCDE) qui pourrait résulter dans les pays
industrialisés de la mise en oeuvre et du prolongement du protocole de
Kyoto. Ces chiffres ne sont néanmoins pas directement comparables.
L'estimation des dommages résulte en effet de l'addition de coûts
microéconomiques, dont l'impact sur la croissance économique
telle que mesurée par le PIB est incertain : une catastrophe
naturelle peut ainsi accélérer le PIB à court terme (en
stimulant la construction notamment), même si elle réduit le
bien-être de la population et freine la croissance à long terme. A
l'inverse, l'évaluation des coûts du protocole de Kyoto
résulte de l'utilisation de modèles macroéconomiques, et
ces coûts seraient cumulatifs. Par ailleurs, le respect durable du
protocole de Kyoto ne ferait qu'infléchir légèrement le
changement climatique, c'est-à-dire en réduirait peu les dommages.
14
Le GIEC souligne toutefois "
qu'il arrive que des
subventions soient créées et que les distorsions dans les
structures de prix soient maintenues en raison de considérations
sociales et pour des motifs de répartition, ce qui en rend difficile
l'élimination
".
15
D'après " Energie 2010-2020, rapport de l'atelier
les défis du long terme ", Commissariat général du
Plan, 1998.
16
1 tonne de CO
2
= 0,273 tonne d'équivalent
carbone
17
D'après " Energie 2010-2020 ", Rapport de
l'atelier " Les défis du long terme ", Commissariat
général du plan, 1998, pp. 79-80.
18
Par exemple, la mise en oeuvre d'une taxe sur le CO
2
d'un montant de 800 F/tonne de carbone, compensée par des
allégements de charges sociales, accroîtrait (jusqu'à
2 %) les coûts de production de sept des branches
délimitées par la Comptabilité nationale, tout en
réduisant (jusqu'à 0,75 %) les coûts des 28 autres
branches (cf. " Fiscalité de l'environnement ", rapport du
Conseil d'analyses économiques, 1998, p. 63). A très long terme,
la valeur ajoutée des activités les plus intensives en
énergie pourrait ainsi se ralentir.
19
Si la maîtrise des émissions ralentit la croissance
des pays industrialisés, les pays en développement s'en
trouveront toutefois pénalisés.
20
C'est-à-dire que " l'élasticité
prix " de la consommation d'énergie fossile à 5 ans
serait seulement de - 0,3 en France.
21
Source : " Effets globaux de l'écotaxe
européenne ", Giuseppe NICOLETTI, Joaquim OLIVEIRA-MARTINS, Revue
Economique, mai 1994.
22
Cette date passée a été choisie comme
point de départ de la simulation pour des raisons essentiellement
techniques.
23
C'est-à-dire le ratio consommation d'énergie/
valeur ajoutée : lorsque ce ratio diminue, cela signifie que l'on
utilise moins d'énergie pour la même production, donc que
l'efficacité énergétique s'améliore.
24
" Fiscalité et environnement ", 1998, p .
22.
25
" Le prix implicite " de ces émissions
résulte des prix des différentes énergies.
26
Rapport du Sénat n° 439, 1998.
27
Cf. la proposition de directive du Conseil du
30 juin 1992 visant à instaurer une taxe sur les
émissions de dioxyde de carbone et sur l'énergie.
28
On peut d'ailleurs remarquer qu'entre 1984 et 1994,
"
pour une augmentation de 7 % du salaire net médian en
francs constants, les taxes sur le supercarburant ont augmenté de
12 %, mais elles ont baissé pour les utilisateurs de sans plomb et
de diesel (- 8 %), qui constituent les carburants dominants, tandis
que l'écart entre le salaire brut et le salaire net croissait de
26 %
" (cf. Conseil d'analyses économiques, " La
fiscalité environnementale ", 1998, p. 58).
29
C'est-à-dire si l'évolution des salaires est
supposée s'infléchir par rapport aux comportements
observés dans le passé.
30
En sens inverse, les taxes sur le CO
2
présentent un effet vertueux que ces résultats ne prennent
guère en compte : en présence d'incertitudes sur les
débouchés et de rigidité de l'emploi, des taxes assises
sur l'énergie, facteur de production flexible, sont
a priori
plus
favorables à l'emploi et à la croissance, à recette
budgétaire moyenne constante. En effet, les taxes sur l'énergie
sont bien corrélées au cycle des affaires (leur poids diminue
lorsque la production baisse), alors que cela n'est pas le cas des charges
sociales (l'emploi ne s'ajustant pas instantanément à la
production, le coût des charges sociales pour les entreprises est
proportionnellement plus important lorsque l'activité est ralentie). Au
contraire des écotaxes, les charges sociales incitent donc les
entreprises à licencier davantage lorsque la conjoncture est ralentie,
et les dissuadent d'embaucher lorsque la reprise est peu assurée. Au
total, remplacer des cotisations sociales par une écotaxe
transfère le risque lié aux aléas de la conjoncture des
entreprises vers les finances publiques (les recettes d'une écotaxe
seraient plus volatiles), ce qui améliore le bien-être
général, car le Trésor public est moins fragile (donc
moins averse au risque) que les entreprises.
31
En théorie, ces pertes de compétitivité
pourraient être compensées par des taxes à l'importation ou
des détaxes à l'exportation. En pratique, la mise en oeuvre de
ces mesures serait toutefois problématique, car il est difficile de
déterminer le contenu en énergie des biens et services
échangés, c'est-à-dire l'assiette de la taxe ou le montant
de la détaxe.
32
La Suède a aussi mis en place une taxe de
0,653 F/litre d'essence et de 0,8 F/litre de diesel, ce qui, selon le
Conseil d'analyse économique, équivaut, après exemptions,
à une taxe d'environ 600 F/tonne de carbone. Le prix des produits
pétroliers domestiques s'est ainsi accru de 10 à 15 %,
favorisant notamment le développement de la cogénération.
33
Ainsi, dans une moindre mesure, qu'à l'Espagne, riche en
électricité hydraulique.
34
Cet avantage aurait été à
double
tranchant
. En effet, la France émettant pour les mêmes raisons
moins de CO
2
, le produit d'une taxe harmonisée assise sur le
CO
2
aurait été proportionnellement beaucoup moins
élevé en France qu'en Allemagne, en Italie ou au Royaume-Uni, si
bien que les allégements de charges permis par l'instauration de
l'écotaxe auraient été également moins importants.
Au total, le "
double dividende
" escompté de la
réforme fiscale aurait été plus faible en France que dans
les autres pays européens.
35
Cf. " Les permis d'émission négociables et la
lutte contre la pollution atmosphérique ", Olivier GODARD,
Séminaire Économie de l'environnement du Commissariat
général du Plan. 14 octobre 1998.
36
Cf. " Le commerce de permis d'émission de gaz
à effet de serre et les enjeux de la concurrence industrielle
internationale ", Olivier GODARD, À paraître dans le cadre du
colloque " Réforme fiscale verte et instruments économiques
pour une coopération internationale : le contexte
post-Kyoto ", organisé par le ministère de l'Environnement.
Université de Toulouse, mai 1998.
37 Cf. " Un marché qui sent le soufre ", Fiona MULLINS, in
courrier de la Planète/Global Chance, mars-avril 1998.
38
Cf. " Le marché de permis négociables sur les
émissions de dioxyde de soufre aux Etats-Unis : Quels
enseignements ? " ; Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, note de la
Direction de la Prévison, novembre 1997.
39
Ibid.
40
Cf. " La fiscalité de l'environnement ",
Conseil d'analyses économiques, 1998, p.128.
41
Les centrales thermiques rejetant du SO
2
ont ainsi
dû équiper chaque chaudière d'un dispositif
d'enregistrement en continu.
42
Cf. " Les instruments des politiques de
l'environnement " X. DELACHE et JP. GASTALDO, in Economie et Statistique
n° 258-259, octobre-novembre 1992.
43
La Documentation française, 1998.
44
Ibid.
45
Cf. " Les instruments des politiques de
l'environnement " . X. DELACHE et JP. GASTALDO, in Economie et Statistique
n° 258-259, octobre-novembre 1992.
46
Augmenter l'efficacité des moteurs n'engendre toutefois
par une baisse proportionnelle des émissions : les consommateurs
peuvent en effet profiter de la baisse du coût au kilomètre pour
voyager plus, acheter une plus grosse cylindrée ou choisir des
équipements de confort qui consomment beaucoup d'énergie, comme
la climatisation.
47
Commissariat général du Plan, 1998,
résumé du rapport, p. 3.
48
Ibid. p. 122.
49
Source : " Energie 2010-2020 ", Commissariat
général du Plan, 1998.
50
Entre les pays concernés, c'est-à-dire les pays
industrialisés + l'Inde et la Chine.
51
Cf. " Réchauffement planétaire ", OCDE,
1995.
52
" Le réchauffement planétaire ", 1995.
53
Cf. " La fiscalité environnementale ", Conseil
d'analyses économiques, 1998, p. 98.
54
CO
2
, méthane, N
2
O, HFC, CFC,
SF
6
.
55
En fait, au choix par rapport au niveau de 1990 ou au niveau de
1995 pour les HFC, PFC et le SF
6
.
56
Un sort particulier est toutefois fait aux pays pour lesquels
les changements d'utilisation des sols (urbanisation, déforestation)
constituaient une source nette d'émissions en 1990 : ces parties
calculeront leurs émissions globales d'origine, en tenant compte des
émissions dues aux changements d'affectation des sols en 1990.
57
En signant le protocole, les pays en développement ont
toutefois accepté implicitement ces quotas.
58
Cf. " Énergie 2010-2020, rapport de l'Atelier le
contexte international " Commissariat général du Plan, 1998.
59
Il s'agit là d'un objectif moitié moins
contraignant que les engagements pris à Kyoto par les pays
industrialisés.
60
in " La fiscalité de l'environnement ", 1998.
p. 110.
61
Cf. " Changement climatique - vers une stratégie
communautaire post-Kyoto ", Communication de la Commission au Conseil et
au Parlement européen, COM(98)353 du 3 juin 1998, p. 21.
62
Cf. " Les instruments des politiques internationales de
l'environnement : la prévention du risque climatique et les
mécanismes de permis négociables ", Olivier GODARD et Claude
HENRY, in " La fiscalité de l'environnement ", rapport du
Conseil d'analyses économiques, 1998, p. 136.
63
Cf. ibid.
64
ibid, pp. 109-110.
65
Cf. dossier de presse réalisé par la Mission
interministérielle de l'effet de serre, à l'occasion d'une
conférence de presse du 16 octobre 1998.
66
Les économistes parlent alors " d'aléa
moral ".
67
Cf. " Le réchauffement planétaire ",
OCDE, 1995, p. 51.
68
Cf.
Les Échos
, 10 mars 1999.
69
Sur la base d'un prix du permis d'émission de 50 à
200 $/tonne de carbone.
70
" Hot Air ".
71
Cf. " Les permis négociables et la convention sur le
climat ", Olivier GODARD, in Revue de l'énergie, octobre 1997.
72
Ibid.
73
Cf. " La lutte contre l'effet de serre : la raison des
règles et les règles de la raison ", Nathalie
KOSCIUSKO-MORIZET et Henri LAMOTTE, document de travail de la Direction de la
prévision, octobre 1998.
74
105 millions de tonnes (objectif de Kyoto) x 5 %.
75
Il est par ailleurs indispensable de conserver en appoint des
centrales électriques au gaz ou au fuel, car leur mise en route pour les
périodes de pointe est beaucoup plus aisée que celle des
centrales nucléaires.
76
Cf. Rapport " Énergie 2010-2020 ", 1998.
77
Compte tenu des évolutions défavorables de
l'efficacité énergétique et des émissions de
CO
2
en 1997-1998, cet objectif devrait en outre être
aujourd'hui réévalué.
78
p. 166.
79
Cf. " Effet de serre : la controverse sur
l'échange international de quotas d'émission ", Olivier
GODARD, in Transversale Science/Culture, novembre-décembre 1998.
80
67 % des efforts de réduction doivent donc
résulter de mesures nationales. Ce plafonnement est beaucoup moins
restrictif que celui envisagé par l'Union européenne.
81
A Kyoto, la Russie et l'Ukraine ont en effet obtenu un objectif
d'émissions pour 2008-2012 qui serait de 90 à 150 millions
de tonnes supérieur à leurs projections d'émissions
à cette échéance dans un scénario " au fil de
l'eau ".
82
Cf. L'énergie dans le monde d'ici à 2020 :
perspectives et défis ", Maria AEGIRI et Fatih DIROL, Agence
Internationale de l'Energie, in L'Observateur de l'énergie,
n° 215, janvier 1999.
83
Cf. Note de la Direction de la Prévision du
20 août 1998.
84
Soit l'équivalent de 2 à 24 centimes par
litre de carburant, si ce coût était intégralement
répercuté sur les consommations de véhicules automobiles
et utilitaires légers.
85
Plaidoyer d'Olivier GODARD in Transversales Science/culture,
novembre-décembre 1998.
86
In " Le réchauffement planétaire ",
OCDE, 1995.
87
Cf. " contribution de la direction de la Prévision
pour la conférence de Kyoto ", direction de la Prévision,
1997.
88
" La maîtrise de l'énergie ", La
documentation française, 1998.
89
" Energie 2010-2020 ", Rapport de l'atelier
" Quelle politique énergétique pour la France ",
Commissariat général du Plan, 1998.
90
Ibid., note de Laurent GUILLOT (Direction de la
Prévision), p. 147.
91
Ibid, résumé, p. 3.
92
Ibid, p. 84.
93
Dans le cadre de l'exercice prospectif 2010-2020, le
Commissariat général du Plan a construit trois images du futur,
à partir de logiques politiques, économiques et sociologiques
distinctes, supposées assurer une cohérence globale à
chacun des scénarios :
• le scénario " société de marché "
(S1) décrit un futur dans lequel l'Etat réduirait son implication
dans le champ de l'énergie ; ceci suppose que l'énergie ne
soit pas considérée comme un enjeu très important, soit en
termes d'approvisionnement, soit en termes d'impacts sur l'environnement ;
l'énergie deviendrait un bien - presque - comme un autre, en France
comme dans les autres pays ;
• le scénario " Etat industriel " (S2) construit une
image du futur dans laquelle l'Etat intervient pour consolider la place des
industries françaises actives dans le domaine de l'énergie ;
si ce scénario correspond à une logique d'intervention assez
traditionnelle en France, on ne peut pour autant le qualifier de
scénario tendanciel, compte tenu des évolutions de ces
dernières années ;
• enfin, le scénario " Etat protecteur de
l'environnement " (S3) s'inscrit dans un avenir sans doute davantage
contrasté par rapport au passé ; les interventions de l'Etat
portent davantage sur la maîtrise des consommations
d'énergie ; ce scénario supposerait un contexte
européen favorable. Il comporterait notamment l'instauration graduelle
d'une écotaxe européenne, ainsi que des mesures très
ambitieuses en matière d'infrastructure de transport, d'urbanisme, de
rénovation et de réhabilitation de logements. Enfin, l'ensemble
des réglementations relatives aux économies d'énergie
seraient renforcées.
94
A titre d'exemple, il a été estimé que le
TGV Paris-Rennes permettait une économie d'énergie
équivalente à 50 000 tonnes de pétrole par an. Par
surcroît, le TGV substitue au carburant des véhicules de
l'électricité essentiellement nucléaire et hydraulique
(dont la production n'émet pas de CO2), ce qui contribue à la
maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.
95
Source : Energie 2010-2020, Rapport de l'Atelier
" Quelle politique énergétique pour la France ",
Commissariat général du Plan, 1998.
96
Ibid.
97
Ibid.
98
A plus long terme, l'accès à ce marché
pourrait être étendu à l'ensemble des producteurs et
importateurs d'énergie primaire, à charge pour eux de
répercuter l'effet de rareté des permis sur leurs prix de vente
aux consommateurs. Cette mesure unifierait le système des permis et la
taxation des émissions diffuses.
99
Rapport du Sénat n° 439, 1997-1998, p . 191.
100
Source : enquête annuelle sur les travaux
d'isolation et de maîtrise de l'énergie réalisée par
la SOFRES pour le compte de l'ADEME.
101
La part des appareils ménagers dans la facture
électrique des ménages est passée de 10 % en 1973 à
près de 40 % aujourd'hui.
102
" La maîtrise de l'énergie ", 1998.
103
" La politique énergétique de la
France : passion ou raison ? ", Rapport du Sénat
n°439, 1997-1998.
104
Agence française de maîtrise de l'énergie
jusqu'en 1991.
105
La Documentation française, 1998.
106
Rapport du Sénat n° 479, 1997-1998.
107
Comme le souligne B. DESSUS, l'amélioration des
techniques d'extraction du pétrole n'accroît pas
indéfiniment les ressources de l'humanité ; elle
accélère seulement le moment où ces ressources seront
épuisées.
108
La Documentation française, 1998, page 290.
109
" L'examen des performances environnementales de la
France ", rapport de l'OCDE commandité par le ministère de
l'Environnement, 1996.
110
Energie 2010-2020 : " Rapport de l'Atelier :
Quelles politiques pour la France ? ", Commissariat
général du Plan, 1998.
111
Le Commissariat général du Plan avait de
même déterminé, dans le cadre du Rapport
" Boîteux " (1994) une valeur de référence
s'imposant aux administrations pour le temps ou les vies humaines
économisés par un projet routier.
112
Cf. Energie 2010-2020, " Rapport de l'Atelier :
quelles politiques pour la France ?", Commissariat général
du Plan, 1998, pp. 86-89.
113
" La politique énergétique de la
France : Passion ou raison ", Rapport du Sénat n° 439,
1997-1998.
114
Ibid.
115
Communiqué du G8 du 5 avril 1998.