3. Cette intuition théorique est validée par les expériences de marchés de permis conduites aux États-Unis
Les
États-Unis ont expérimenté dès 1977
différentes formules de flexibilité dans leur approche contre les
pollutions atmosphériques. Avec la réforme de la
loi sur l'air
de 1990
(" Clean Air Act "), les États-Unis ont ainsi
entrepris de créer un marché national de permis d'émission
du dioxyde de soufre (SO
2
), sur la base d'un plafond national
d'émission réparti entre les centrales thermiques
37(
*
)
. Ce programme avait pour objectif de
réduire le phénomène des
pluies acides
,
c'est-à-dire une pollution à longue distance, à l'instar
de celle due aux rejets de gaz à effet de serre. À ce titre,
cette expérience fournit des
enseignements
quant à la
possibilité de lutter contre le changement climatique au moyen de
marchés de permis d'émission :
- l'expérience du programme Acid-Rain démontre la
faisabilité
à grande échelle d'un système de
permis négociable et l'existence de
gains économiques
importants. Certes, il a fallu une longue période
d'expérimentation pour définir, et rendre acceptable aux yeux des
tutelles administratives, des ONG, de l'opinion, des firmes elles-mêmes,
un système de règles permettant des échanges fluides. Mais
les objectifs de réduction des émissions de SO
2
ont
été atteints, et même dépassés, et les
coûts moyens de dépollution ont été réduits
de 30 à 50 % par rapport à l'approche réglementaire
initialement envisagée, ces gains provenant notamment de la mise en
concurrence des différentes techniques de dépollution
38(
*
)
.
- "
l'expérience américaine démontre
également la souplesse d'un système de permis
négociables : le marché n'a pas fonctionné de la
façon qui était prévue -toutes les précisions
relatives aux prix, aux quantités échangées et à
l'évolution des technologies s'étant
révélées erronées-, mais il a su s'adapter de
façon satisfaisante, au moins en première
approximation
"
39(
*
)
.
- le programme Acid-Rain suggère par ailleurs quelques
facteurs
clefs
de
succès
40(
*
)
. En premier lieu, la
vente aux
enchères
d'une partie des permis (le reste étant
alloué gratuitement), a joué un rôle important dans le
démarrage, puis l'unification du marché, en diffusant de
l'information, en favorisant l'apparition d'un prix public et en stimulant
l'apparition
d'intermédiaires
(ou courtiers)
spécialisés. En second lieu, les tentatives initiales de greffer
les permis négociables sur les dispositifs réglementaires
existants et d'introduire les marchés de permis par phases successives,
se sont révélées source de complexité et
d'inefficacité.
Enfin, le succès du programme " Acid Rain " doit beaucoup
à la crédibilité du système de
mesure
41(
*
)
des
émissions, d'enregistrement et de mises à jour des droits de
chaque détenteur, ainsi que des systèmes de
sanction
et de
pénalités en cas de défaillance.
Il est donc clair qu'un tel système ne pourrait être
transposé
à l'identique pour les émissions de
CO
2
, que se soit à l'échelle nationale (entre grandes
entreprises), en raison de la moindre précision de la
mesure
des
émissions ; ou à l'échelle internationale (entre
États), en raison de la difficulté de mettre en place un
système de
contrôle
et de
sanction
crédible.