II. LES NOUVELLES PRIORITÉS DE L'ACTION COMMUNAUTAIRE
Le souci de mieux tenir compte des préoccupations des citoyens s'est traduit par l'introduction d'un nouveau titre consacré à l'emploi ainsi que par un renforcement des dispositifs relatifs à l'environnement et à la santé. Au-delà de ces aménagements apportés au champ d'application des politiques communes, les méthodes même de l'action communautaire s'inspirent désormais d'un plus grand souci de transparence. Une telle préoccupation s'exprime notamment à travers la reconnaissance d'un droit d'accès aux documents des institutions européennes et un plus grand souci attaché au contrôle des fonds européens.
A. DES POLITIQUES COMMUNES PLUS PROCHES DES ASPIRATIONS DES CITOYENS
1. L'emploi : la mise en place d'une nouvelle procédure destinée à promouvoir la coordination des politiques nationales
Dans des
domaines où les compétences des Etats demeurent entières,
il ne saurait y avoir de politiques communes mais seulement un effort de
coordination.
Le traité d'Amsterdam a assigné une nouvelle action à la
liste des missions dont se trouve investie la Communauté : "la promotion
d'une coordination entre les politiques de l'emploi des Etats membres en vue de
renforcer leur efficacité par l'élaboration d'une
stratégie commune pour l'emploi" (art. 3 (i)).
Il lui consacre
par ailleurs
un nouveau titre
.
Si l'emploi constitue une question
"d'intérêt commun" (art. 126 § 2), la compétence de la
Communauté se limite à encourager la coopération entre
Etats membres "en soutenant et, au besoin, en complétant leur action"
(art. 127 § 1).
Ce principe essentiel commande l'ensemble de l'action communautaire.
a) La procédure de coordination
•
La
procédure de coordination
concernant les
politiques de
l'emploi
s'organise autour de
quatre étapes
:
- l'adoption, chaque année, par le
Conseil européen
de
conclusions sur la situation de l'emploi
dans la Communauté
à partir des informations présentées dans un rapport
conjoint du Conseil et de la Commission (art. 128 § 1) ;
- sur la base de ces conclusions, la définition par le Conseil statuant
à la majorité qualifiée sur la proposition de la
Commission (après consultation du Parlement européen, du
Comité économique et social, du Comité des régions
et du Comité de l'emploi) de
lignes directrices
dont les Etats
membres tiennent compte dans leur politique de l'emploi (art. 128 § 2) ;
-
l'examen par le Conseil
de la mise en oeuvre
des politiques
nationales
de l'emploi à la suite du rapport remis par chacun des
Etats membres (art. 128 § 4) ; au terme de cet examen, le Conseil peut
adresser sur recommandation de la Commission, et s'il le juge utile, des
recommandations aux Etats membres ;
- les
actions d'encouragement
adoptées par le Conseil dans le
cadre de la procédure de codécision. Celles-ci toutefois ne
pourront pas déboucher sur une harmonisation des dispositions nationales
(art. 129). Les Etats ont voulu en fait permettre l'adoption de programmes
d'action financés sur la base des moyens budgétaires
arrêtés dans le budget communautaire chaque année. Les
propositions de la Commission dans ce domaine avaient été
bloquées jusqu'à présent par l'exigence de
l'unanimité. Par ailleurs, au terme d'une déclaration (n°
23) dans l'Acte final, les actions d'encouragement devront toujours comporter
des précisions sur les raisons de leur adoption (en justifiant en
particulier d'une valeur ajoutée pour la Communauté), sur leur
durée (inférieure à cinq ans) et sur le montant maximal de
leur financement. Cette déclaration répond à une demande
de certains Etats préoccupés par l'hypothèse d'une
utilisation du nouveau dispositif relatif à l'emploi comme base
juridique pour l'adoption de programmes financiers importants.
b) La création d'un comité de l'emploi
• Enfin, le Conseil, après consultation du Parlement européen, instituera un Comité de l'emploi à caractère consultatif appelé à formuler des avis et à suivre l'évolution de la situation de l'emploi dans les Etats membres et dans la Communauté (art. 130). A cet égard, il importe de le rappeler, le Comité sera obligatoirement consulté par le Conseil avant la définition des lignes directrices en matière d'emploi 10( * ) .
2. Le souci de la qualité de vie
Cette dimension humaine se traduit principalement, dans le cadre des politiques communes, par une attention particulière accordée à la "qualité de la vie" à travers les aménagements apportés au dispositif relatif à l'environnement et à la santé publique.
a) L'environnement : les dérogations nationales aux mesures communautaires placées sous surveillance
Le
traité d'Amsterdam apporte deux modifications principales au dispositif
relatif à l'environnement
• En premier lieu, il consacre la notion de "
développement
durable",
mentionnée parmi les nouveaux objectifs de l'Union
européenne (art. 2 TUE) comme de la Communauté (art. 2).
La Communauté doit en conséquence assurer un "niveau
élevé de protection et d'amélioration de la qualité
de l'environnement" (art. 6), mais aussi tenir compte des exigences
liées à la protection de l'environnement dans la
définition et la mise en oeuvre des politiques communautaires.
Désormais, si l'exigence d'un niveau de protection élevé
continue de s'imposer aux propositions de la Commission, le Parlement et le
Conseil européen doivent également s'efforcer d'atteindre cet
objectif (art. 95 § 3).
Le principe du développement durable s'est imposé lors de la
Conférence des Nations unies sur l'environnement et le
développement réunie à Rio de Janeiro en 1992 : il vise
à promouvoir une croissance capable de satisfaire les besoins actuels
des populations sans remettre en cause les intérêts des
générations à venir ; dans cette perspective, les Etats
doivent, en particulier, réduire et éliminer les modes de
production non viables.
La procédure de codécision se substitue à la
procédure de coopération et permet un renforcement de
l'intervention du Parlement européen dans ce domaine. En outre, le
Comité des régions devient un organe de consultation obligatoire
avant l'adoption de décisions en matière d'environnement.
•
L'introduction de dispositions nationales après l'adoption
par le Conseil ou la Commission d'une mesure d'harmonisation obéit
désormais à des conditions strictement définies
: la
mesure nationale en cause doit se fonder sur des "preuves scientifiques
nouvelles" et répondre à un "problème spécifique"
survenu après l'harmonisation communautaire ; enfin, la Commission
dispose d'un délai de 6 mois -éventuellement prolongé
d'une nouvelle période d'une même durée- pour rejeter ou
approuver cette mesure après avoir vérifié sa
conformité aux principes du fonctionnement du marché
intérieur. Par ailleurs, si une disposition nationale dérogatoire
est ainsi acceptée dans le cadre de cette procédure, la
Commission examine "immédiatement" s'il apparaît nécessaire
de modifier la mesure d'harmonisation communautaire.
Par ailleurs, la Commission prend l'engagement, inscrit dans une
déclaration de la Conférence, de préparer, selon les
besoins, des études évaluant l'impact sur
l'environnement.
b) La santé : les conséquences des crises du sang contaminé et de la "vache folle"
Le
traité d'Amsterdam a également apporté, dans le domaine de
la santé, deux aménagements au dispositif existant :
• En premier lieu, les
exigences liées à un niveau
élevé de protection de la santé publique
doivent
désormais être
systématiquement prises en compte dans la
définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques ou actions
communautaires
(art. 152). Du reste, si un Etat membre soulève un
problème particulier de santé publique dans un domaine qui a fait
l'objet d'une harmonisation, la Commission doit examiner immédiatement
s'il y a lieu de proposer des mesures appropriées au Conseil (art. 95
§ 8).
• Ensuite, le
Conseil
dispose désormais de
pouvoirs
plus étendus
; au-delà des actions d'encouragement, il peut
en effet adopter à la
majorité qualifiée
dans le
cadre de la
procédure de codécision
(art. 152 § 4) :
- des mesures fixant des
normes élevées de qualité et
de sécurité des organes et substances d'origine humaine,
du
sang et des dérivés du sang -tout en laissant aux Etats la
liberté de maintenir ou de prendre des dispositions plus strictes ;
- des
mesures dans le domaines vétérinaires et
phytosanitaires
"ayant directement pour objectif la protection de la
santé publique" ; dans ce domaine, la procédure de
codécision représente une dérogation notable au mode de
décision qui prévaut pour la politique agricole commune pour
laquelle le Parlement européen est simplement consulté.
Le choix des deux domaines où le Conseil se trouve investi d'une
compétence plus large n'est naturellement pas le fruit du hasard. Il
fait écho aux deux crises successives du sang contaminé et de
l'encéphalopathie spongiforme bovine (ou crise de la "vache folle") qui
ont bouleversé les opinions publiques au cours des dernières
années. Distincte dans leur nature comme dans leurs effets, ces deux
crises ont toutefois mis en évidence non seulement les faiblesses des
pouvoirs publics nationaux mais aussi les failles du contrôle
communautaire et, peut-être, l'irresponsabilité de certains
services de la Commission.
A cet égard, le rôle désormais dévolu au Conseil
constitue moins une extension de ses compétences qu'une
réappropriation par l'autorité politique
de mesures dont
l'importance justifie en effet un contrôle renforcé.
Du reste, comme le précise le nouveau dispositif du titre XII ,"l'action
de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte
pleinement les responsabilités des Etats membres en matière
d'organisation et de fourniture de services et de soins médicaux". Si
l'harmonisation demeure ainsi exclue (152 § 5 (e)), l'avancée
permise par Amsterdam se traduit par la recherche de "normes minimales" dans
des domaines précisément définis.
*
* *
Les
aménagements apportés par le traité d'Amsterdam aux
dispositifs relatifs à d'autres politiques communes présentent
une portée plus modeste, mais s'inspirent également d'une
préoccupation plus grande de la qualité de vie du citoyen
européen. Il convient à cet égard de mentionner
la
protection des consommateurs
(art. 153) ; dans ce domaine, la
Communauté n'a plus seulement vocation à maintenir un niveau
élevé de protection : elle s'attache également à
promouvoir les intérêts des consommateurs
dont les droits
sont par ailleurs complétés (notamment avec la reconnaissance de
la possibilité de s'organiser pour la défense des
intérêts communs).
De même, une attention nouvelle est accordée au sport : une
déclaration reconnaît son importance sociale et invite les
institutions de l'Union à consulter les organes représentant les
milieux sportifs lorsque des questions importantes relatives au sport sont
évoquées et mentionne, enfin, la nécessité de tenir
compte tout spécialement des particularités du
sport
amateur.