B. UN AMÉNAGEMENT DES MÉTHODES COMMUNAUTAIRES GUIDÉ PAR LE SOUCI DE LA TRANSPARENCE
1. Un renforcement du contrôle sur l'emploi des fonds communautaires
Cette orientation se traduit par deux types de mesures : un renforcement de la lutte contre la fraude, une intensification de la coopération douanière.
a) Un effort de prévention contre la fraude
La
complexité de la réglementation communautaire dans des domaines
comme la politique agricole commune a pu favoriser des fraudes
particulièrement préjudiciables aux intérêts
financiers de la Communauté. L'enjeu est d'importance car, si l'on en
croit le rapport de la Commission sur la lutte contre la fraude en 1997, les
montants en cause -pour les seuls cas connus- représentent 1 milliard
d'écus en 1997 sur un budget communautaire de l'ordre de 82 milliards
d'écus. Jusqu'à présent, il revenait aux Etats membres, en
collaboration avec la Commission, de déterminer les moyens
nécessaires à la lutte contre la fraude portant atteinte aux
intérêts financiers de la Communauté -assimilée
à la fraude contre leurs propres intérêts. Toutefois,
l'efficacité de ces actions pouvait souffrir de l'incompatibilité
entre les mesures nationales des différents Etats membres ainsi qu'entre
ces mesures et les principes communautaires.
• Le dispositif mis en place par le traité d'Amsterdam
repose-t-il sur un double principe : d'une part,
la lutte contre la fraude
ne relève pas seulement des Etats mais aussi de la
Communauté
, d'autre part, les mesures adoptées doivent
revêtir un caractère dissuasif et offrir une
protection
effective dans tous les Etats membres
(280 § 1).
Dès lors, le traité permet au Conseil, statuant en
codécision, d'adopter, après consultation de la Cour des comptes,
les mesures nécessaires à la prévention de la fraude "en
vue d'offrir une protection effective et équivalente dans les Etats
membres" -ces mesures n'affecteront pas cependant l'application du droit
pénal et l'administration de la justice dans les Etats membres (art.
280 § 4). Enfin, la mise en oeuvre du dispositif fera l'objet
d'un
rapport
remis par la Commission au Parlement et au Conseil
européen, chaque année (art. 280 § 5).
De quoi seront faites ces mesures ? Dans la mesure où le remboursement
des sommes indûment utilisées constitue avant tout une mesure
réparatrice, l'effet dissuasif reposera principalement sur la mise en
oeuvre de sanctions comparables partout en Europe.
A cet égard, la signature, dans le cadre du troisième pilier, de
la convention relative à la protection pénale des
intérêts financiers des Communautés en 1996 constitue un
premier jalon de la démarche à entreprendre. Toutefois, elle
n'est toujours pas entrée en vigueur à ce jour faute de
ratification par les Etats membres.
Enfin, le traité d'Amsterdam inscrit la lutte contre la fraude dans le
cadre plus large du principe de bonne gestion financière auquel les
Etats en coopération avec la Commission, sont tenus de veiller dans
l'utilisation des crédits budgétaires (art.
206 § 3).
b) La coopération douanière
Si la
Convention de Naples signée par les Etats fondateurs de la
Communauté en 1969 avaient déjà posé les bases
d'une coopération douanière, la complexité du partage des
compétences entre les Etats membres et la Communauté avait
limité l'efficacité des actions entreprises dans ce domaine.
Aussi, à la demande de l'Allemagne notamment, le traité
d'Amsterdam introduit un
nouveau titre
consacré à ce sujet
(titre X).
Désormais, le Conseil statuant en codécision prend les mesures
nécessaires au renforcement de la coopération douanière
entre les Etats membres et entre ceux-ci et la Commission. Les mesures prises
dans ce cadre restent bornées par une double limite : elles doivent
s'inscrire dans le champ d'application du traité, elles ne concernent
pas l'application du droit pénal national et l'administration de la
justice dans les Etats membres (art. 135).
2. Les nouveaux droits du citoyen européen vis-à-vis de l'administration communautaire
Le traité d'Amsterdam a cherché à renforcer les droits dont bénéficient les citoyens européens vis-à-vis des institutions communautaires. Si la reconnaissance d'un droit d'accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission consacre une évolution observée déjà depuis plusieurs années, le dispositif relatif à la protection des personnes vis-à-vis des données informatisées représente en revanche une avancée réelle.
a) La reconnaissance d'un droit d'accès aux documents des institutions européennes
Dans la
logique de rapprochement entre le citoyen et l'Union, le traité
d'Amsterdam maintient le principe affirmé à Maastricht de
"décisions prises le plus près possible des citoyens" et ajoute
une référence nouvelle au
"principe d'ouverture"
.
Si le premier volet de cette double orientation n'a reçu aucun
développement notable faute d'une réelle réflexion sur la
subsidiarité, le second a connu une application plus significative
à travers la reconnaissance d'un droit d'accès aux documents des
institutions européennes.
Le traité d'Amsterdam pose désormais pour principe des
décisions prises dans "le plus grand respect possible du principe
d'ouverture" (art. premier TUE). Il faut prêter attention à la
formulation retenue -"le plus grand respect possible". La volonté de
transparence doit composer avec le souci de sauvegarder l'efficacité du
processus de décision et, partant, d'une certaine confidentialité
dans certains cas. Cette double exigence commande l'équilibre retenu
dans le traité.
• Le traité reconnaît le principe d'un
droit
d'accès de tout citoyen de l'Union
et de toute personne physique ou
morale installée dans un Etat membre
aux documents du Parlement
européen, du Conseil et de la Commission
(art. 255 § 1).
Le Conseil définit, à la majorité qualifiée, selon
la procédure de codécision, dans les deux années qui
suivent l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, les conditions
de mise en oeuvre de ce droit et de ses limites -inspirées notamment par
des raisons d'intérêt public et privé (art. 255 §
2). Dans ce cadre, chaque institution élabore dans son règlement
intérieur les dispositions particulières concernant
l'accès à ces documents.
Aux termes des précisions apportées par le traité (art.
207 § 3), les documents du Conseil peuvent être communiqués,
"tout en préservant l'efficacité de son processus de
décision", lorsque cette institution intervient comme
législateur. Le traité précise lui-même la liste
minimale des documents rendus publics dans le cadre de la fonction
législative du Conseil : les résultats et explications de vote,
les déclarations inscrites au procès verbal. Ces documents ont,
en fait, déjà fait l'objet d'une publicité comme le montre
la pratique du Conseil depuis la modification de son règlement
intérieur en 1993.
Il est essentiel, cependant, que le règlement du Conseil s'inspire
également de la réserve qu'observe aujourd'hui cette institution
pour la communication des documents relatifs à des
délibérations en cours. Dans la mesure en effet où ces
textes peuvent révéler la position des parties en
présence, leur communication est généralement
refusée.
La confidentialité apparaît en effet comme une
condition essentielle de l'efficacité du processus
de
décision comme l'avait d'ailleurs souligné un arrêt de la
Cour de justice (Carrel c/Conseil) : les positions nationales doivent rester
confidentielles "particulièrement si les membres sont contraints de s'en
écarter afin qu'un accord puisse se dégager, au point parfois de
ne pas suivre les instructions qui leur ont été données au
niveau national sur un aspect particulier. Ce processus de négociation
(...) vital pour l'adoption de la législation communautaire, serait mis
en péril si les délégations devaient en permanence tenir
compte du fait que leurs positions, telles que consignées dans les
procès verbaux du Conseil peuvent à tout moment être
rendues publiques par la possibilité d'avoir accès à ces
documents".
Ces précautions apparaissent d'autant plus nécessaires que
le
droit d'accès s'applique aux deuxième et troisième
piliers
(en vertu des articles 28 et 41 du traité sur l'Union
européenne). Les négociations relatives à la politique
étrangère et de sécurité comme les sujets
liés à la coopération policière requièrent
naturellement la plus grande discrétion. Jusqu'à présent,
d'ailleurs, la publicité des résultats des votes dans ces
matières supposait un vote à l'unanimité du Conseil.
Enfin, quand un Etat membre remet un document au Conseil et à la
Commission, il peut -comme une déclaration (n° 35) de la
Conférence lui en reconnaît le droit- manifester son souhait que
les institutions de Bruxelles n'en donnent pas communication à un tiers
sans son accord préalable.
*
* *
Le
traité d'Amsterdam manifeste également une volonté de
renforcer la qualité de la législation communautaire
considérée comme l'un des éléments essentiels d'une
plus grande transparence de l'action des institutions. Une déclaration
(n°39) de la Conférence invite ainsi le Conseil et la Commission
à arrêter d'un commun accord
les lignes directrices relatives
à la qualité rédactionnelle de la législation et de
favoriser l'effort de codification
.
Les intentions sont louables. Il n'est pas sûr toutefois en la
matière que le traité d'Amsterdam ait lui-même
montré l'exemple.
b) La protection des personnes à l'égard du traitement des données à caractère personnel
•
Aux termes d'un nouvel article (art. 286),
les actes communautaires relatifs
à la protection des personnes physiques à l'égard du
traitement et de la circulation des données à caractère
personnel s'appliquent aux institutions communautaires à partir du 1er
janvier 1999
.
En outre, avant cette date, le Conseil statuant en codécision devra
instituer un
organe indépendant de contrôle
chargé
de l'application de ces actes aux institutions.