Faut-il ratifier le Traité d'Amsterdam ? Les données et les enjeux du débat
VILLEPIN (Xavier de)
RAPPORT D'INFORMATION 508 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
- INTRODUCTION
-
PREMIÈRE PARTIE -
LE RISQUE DE PARALYSIE LIÉE AU STATU QUO INSTITUTIONNEL-
I. UNE CAPACITÉ D'INITIATIVE ENTAMÉE
- A. UN MOTEUR INSTITUTIONNEL SANS FORCE ?
- B. LE RENFORCEMENT DE LA FACULTÉ D'EMPÊCHER
-
II. UN POUVOIR DE DÉCISION AFFAIBLI
- A. UNE PROCÉDURE DE DÉCISION INADAPTÉE
- B. LES COOPÉRATIONS RENFORCÉES : UNE SOUPLESSE EN TROMPE L'OEIL
-
I. UNE CAPACITÉ D'INITIATIVE ENTAMÉE
-
DEUXIÈME PARTIE - DROITS FONDAMENTAUX ET POLITIQUES COMMUNES : L'UNION
EN QUÊTE D'UNE DIMENSION PLUS HUMAINE
-
I. LES DROITS FONDAMENTAUX : L'AFFIRMATION D'UN "MODÈLE
EUROPÉEN"
- A. LES DROITS FONDAMENTAUX : UNE ÉVOLUTION PLUS SYMBOLIQUE QUE RÉELLE
- B. LES SPÉCIFICITÉS DU MODÈLE EUROPÉEN
-
II. LES NOUVELLES PRIORITÉS DE L'ACTION COMMUNAUTAIRE
- A. DES POLITIQUES COMMUNES PLUS PROCHES DES ASPIRATIONS DES CITOYENS
- B. UN AMÉNAGEMENT DES MÉTHODES COMMUNAUTAIRES GUIDÉ PAR LE SOUCI DE LA TRANSPARENCE
-
I. LES DROITS FONDAMENTAUX : L'AFFIRMATION D'UN "MODÈLE
EUROPÉEN"
-
TROISIÈME PARTIE -
LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES, LA SÉCURITÉ ET LA JUSTICE : DES AVANCÉES RÉELLES- I. UNE COOPÉRATION RENFORCÉE MAIS ENCADRÉE
-
II. LA RECHERCHE D'UNE PLUS GRANDE EFFICACITÉ DANS LE CADRE DES
PROCÉDURES INTERGOUVERNEMENTALES POUR LA COOPÉRATION
POLICIÈRE ET JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE
- A. UN ÉLARGISSEMENT LIMITÉ DU CHAMP DE COOPÉRATION
- B. UNE PLUS GRANDE IMPLICATION DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES
-
QUATRIÈME PARTIE -
LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ :
UN DISPOSITIF PLUS ADAPTÉ MAIS UNE VOLONTÉ POLITIQUE INCERTAINE- I. DES AMBITIONS ENCORE MODESTES POUR LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ COMMUNE
- II. UNE RÉPONSE PARTIELLE AUX DYSFONCTIONNEMENTS LES PLUS NOTABLES DE LA PESC
- CONCLUSIONS
-
TRAVAUX DE LA COMMISSION
-
I. AUDITIONS RELATIVES AUX DISPOSITIONS DU TRAITÉ D'AMSTERDAM
- 1. M. Laurent Cohen-Tanugi, avocat international : les dispositions du traité relatives aux questions institutionnelles
- 2. M. Jean-Louis Quermonne, directeur du pôle européen de l'Institut d'études politiques de Paris : les dispositions du traité relatives aux affaires intérieures et à la justice.
- 3. M. Philippe Moreau Defarges, conseiller des affaires étrangères, chargé de mission à l'Institut français des relations internationales (IFRI) : les dispositions du traité relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
- 4. M. Jean-Marie Guéhenno, Conseiller-maître à la Cour des comptes, président du Conseil d'administration de l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense nationale) : les dispositions du traité relatives à la défense européenne
- 5. M. Ronny Abraham, membre du Conseil d'Etat : les dispositions du traité relatives aux libertés publiques et aux droits fondamentaux.
- 6. M. Dominique Moïsi, directeur adjoint de l'IFRI (Institut français des relations internationales), rédacteur en chef de la revue "Politique étrangère" : les perspectives de l'Union européenne
- II. LE DÉBAT EN COMMISSION
-
I. AUDITIONS RELATIVES AUX DISPOSITIONS DU TRAITÉ D'AMSTERDAM
-
ANNEXE n° 1 -
LA FRANCE SERA-T-ELLE LE DERNIER PAYS À RATIFIER LE TRAITÉ D'AMSTERDAM 2525 Eléments d'information communiqués par le ministère des Affaires étrangères.? -
ANNEXE n° 2 -
EXTRAITS DE LA DÉCISION n° 97-394 DC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL RELATIVE AU TRAITÉ D'AMSTERDAM
N°
508
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 1998
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) relatif aux dispositions du Traité d'Amsterdam ,
Par M.
Xavier de VILLEPIN,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, Charles-Henri de Cossé-Brissac, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Union européenne.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Faut-il ratifier le traité d'Amsterdam
? La réponse
à une telle interrogation dépend naturellement de
l'appréciation portée sur le contenu même du texte. Or,
aucune orientation majeure ne s'est dégagée au terme des travaux
de la Conférence intergouvernementale (CIG) ouverte à Turin le
29 mars 1996.
L'Acte unique européen avait jeté les bases du marché
unique ; le traité de Maastricht avait ouvert la voie à l'Union
économique et monétaire. Ces développements
-appelés de leurs voeux par certains, vigoureusement critiqués
par d'autres- ont profondément marqué la construction
européenne. Rien de tel dans le traité d'Amsterdam et c'est
là, sans doute, la première difficulté. Comment
apprécier un texte qui offre si peu de prise au jugement ?
Le débat, du reste, a quelque peu négligé le contenu
même de l'accord pour se cristalliser sur le rendez-vous manqué
avec la réforme institutionnelle ou sur les conditions de la
ratification du traité -réforme constitutionnelle et
référendum-. Or, le Parlement aura d'abord à se prononcer
sur les mérites propres du traité d'Amsterdam.
C'est pourquoi votre commission des Affaires étrangères et de la
Défense, soucieuse d'
éclairer
le choix du
Sénat
, a pris le parti de
présenter de façon
détaillée le dispositif
adopté par les Quinze à
Amsterdam et d'en analyser la portée sans esprit de vaine
polémique. Il était indispensable de procurer, en amont du
débat sur la ratification du traité, les éléments
nécessaires à la compréhension d'un texte souvent
très complexe et donner ainsi à la représentation
nationale et, au-delà, à l'opinion publique, le
temps de la
réflexion
sur un sujet décisif pour l'avenir de l'Europe.
Dans cette perspective, la commission a procédé à
l'audition de juristes et de spécialistes des questions
européennes
.
Sur la base des informations recueillies par votre commission et de l'analyse
aussi complète et objective que possible des dispositions du
traité, votre rapporteur livrera dans ses conclusions une
appréciation d'ensemble sur le contenu du traité ; il
présentera en outre plusieurs propositions sur les conditions de
ratification de ce texte ainsi que sur les contours possibles d'une
réforme institutionnelle. Ces observations constituent une
contribution
au débat que conduira d'abord notre commission des
affaires étrangères avant de rendre son avis sur le projet de loi
autorisant la ratification du traité d'Amsterdam, puis le Sénat
dans son ensemble lorsqu'il aura à se prononcer, en séance
publique, sur ce texte.
Une analyse rigoureuse du traité d'Amsterdam apparaît comme un
préalable indispensable à la réflexion sur
l'opportunité de ratifier. Elle ne saurait toutefois suffire. Certes, le
Parlement juge d'abord de la valeur d'un texte mais à l'occasion du
débat sur la ratification du traité, il sera appelé aussi
à s'interroger sur les orientations futures de la construction
européenne. La réforme institutionnelle, grande absente du
traité d'Amsterdam, apparaît dès lors comme un enjeu
déterminant pour l'avenir de l'Union européenne. Dans cette
perspective, votre rapporteur présentera dans ses conclusions les
propositions qui lui paraissent le complément indispensable de la
ratification du traité d'Amsterdam.
*
* *
LES RAISONS D'UNE DÉCEPTION
Avant de
procéder à l'analyse des dispositions du traité, il n'est
pas inutile de revenir sur
les raisons du demi échec
enregistré par la Conférence intergouvernementale
. Le
diagnostic peut en effet nous éclairer sur la démarche qu'il
conviendra de suivre, dans les mois prochains, pour réussir là
où le processus initié à Turin a failli à ses
objectifs.
Que la CIG n'ait dégagé aucune avancée profonde, notamment
dans le domaine institutionnel, on ne saurait s'en étonner : les
objectifs initiaux de la révision, la procédure de
négociation retenue et enfin, le contexte politique des discussions
n'ont guère favorisé l'aboutissement d'une véritable
ambition.
I. DES OBJECTIFS INITIAUX PLUTÔT CIRCONSCRITS
Si
l'absence de réforme institutionnelle constitue un échec
décevant, il faut reconnaître que la modification du traité
n'avait pas pour premier motif un aménagement substantiel des
institutions européennes.
A l'instar des chartes fondamentales de la plupart des pays
démocratiques, le texte du traité sur l'Union européenne
prévoit lui-même à l'article 48 (ancien article N) les
modalités selon lesquelles il peut faire l'objet d'une révision
à l'initiative de tout Etat membre ou de la Commission.
Au-delà de cette clause générale, naturellement maintenue
dans la nouvelle version du traité révisé à
Amsterdam, le traité sur l'Union européenne signé
à Maastricht en 1991 prévoyait -toujours à l'article N- la
convocation en 1996 d'une conférence des représentants des
gouvernements des Etats membres pour examiner les dispositions du traité
pour lesquelles une révision était prévue.
La réunion ne devait pas ainsi porter sur l'ensemble du traité
mais se limiter aux dispositions pour lesquelles un aménagement
apparaissait expressément envisagé. Certes, aux termes de
l'article B du traité sur l'Union européenne, la révision
pouvait concerner, de façon très large, les "politiques et formes
de coopération instaurées par le présent traité"
dans la mesure où elle cherche à assurer "l'efficacité des
mécanismes et des institutions communautaires".
Toutefois, quatre autres dispositions plus ciblées ouvraient la
perspective d'une révision relative à la politique
extérieure et de sécurité commune (art. J.4 § 6 et
J.10), à l'élargissement de la procédure de
codécision (art. 189 B § 8), à la prise en compte
éventuelle de l'énergie, du tourisme et de la protection civile
comme nouveaux titres du traité (déclaration n° 1) et enfin
à la question de la hiérarchie des actes (déclaration
n° 16).
Ce dispositif initial aurait ainsi conduit davantage à des ajustements
qu'à des bouleversements si les
perspectives
d'élargissement,
qui se sont rapidement concrétisées
après 1992, n'avaient pas replacé la nécessité de
réformes institutionnelles au coeur des priorités de la
Conférence intergouvernementale à venir.
En effet, la question institutionnelle et, au premier chef, la
repondération des voix au sein du Conseil a connu une nouvelle
acuité à la faveur de l'ouverture des négociations avec
l'Autriche et les pays nordiques. Une formule de compromis, adoptée
à Ioannina en mars 1992, permit alors de reporter une solution plus
durable à la Conférence intergouvernementale
1(
*
)
.
Ainsi, l'ordre du jour de la CIG tel que le mandat confié par le Conseil
européen de Corfou de juin 1994 au groupe de réflexion
(composé des représentants des ministres des affaires
étrangères et du président de la Commission) en fixe les
contours, s'est trouvé singulièrement élargi par rapport
aux objectifs initiaux assignés à la révision des
traité. En effet, le groupe de réflexion se voyait chargé
d'examiner non seulement les suggestions relatives aux dispositions du
traité sur l'Union européenne dont la révision est
prévue sur
"la base de l'évaluation du fonctionnement du
traité" mais il devait établir également, dans la
perspective de l'élargissement futur de l'Union,
"des options sur les
questions institutionnelles figurant dans les conclusions du Conseil
européen de Bruxelles et dans l'accord de Ioannina (pondération
des voix, seuil pour les décisions prises à la majorité
qualifiée, nombre des membres de la Commission) et toute autre mesure
estimée nécessaire pour faciliter les travaux des institutions et
garantir leur efficacité dans la perspective de
l'élargissement".
L'extension de l'ordre du jour de la CIG avait pour effet de donner une valeur
accrue aux enjeux de cette échéance et, en conséquence, de
multiplier les attentes au moment même où la difficulté
accrue de l'exercice rendait plus incertains les résultats de
l'entreprise.
De plus, la procédure de négociations retenue, adaptée
pour procéder à des aménagements limités, n'est pas
apparue la plus efficace pour surmonter l'hostilité profonde à
une réforme institutionnelle.
II. LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE : UNE PROCÉDURE LOURDE ET COMPLEXE
La
procédure de négociation a obéi aux règles
traditionnelles de la négociation internationale. Elle peut revendiquer
à son actif la transparence des discussions liées à la
volonté d'associer l'ensemble des acteurs de la construction
européenne. Cette large ouverture a eu pour contrepartie une lourdeur
inévitable. Le système des conférences
intergouvernementales apparaît, comme l'a noté un observateur,
soumis à
"la loi des rendements décroissants".
Le Conseil européen de Madrid de décembre 1995, après
avoir pris connaissance des conclusions du groupe de travail -appelé
"groupe Westendorp" du nom du secrétaire d'Etat espagnol aux affaires
européennes qui le présida- organisa les travaux de la
Conférence intergouvernementale autour de trois structures.
Au premier niveau de négociation, un
groupe des représentants
des ministres des affaires étrangères
réuni une fois
par semaine préparait les travaux des
ministres des affaires
étrangères
qui se retrouvaient une fois par mois ; enfin, la
présidence rendait compte des avancées au
Conseil
européen
à échéance régulière.
Dans les faits, l'essentiel de la négociation s'est joué lors des
réunions des représentants personnels, appuyés, dans les
derniers mois de la Conférence, par un groupe dit des
Amis de la
présidence,
chargé de la rédaction des
aménagements au traité
.
Or, la composition du groupe des représentants permanents se distinguait
par son double caractère technique et politique -certains Etats ayant
choisi de se faire représenter par leurs ministres des affaires
européennes, d'autres par leurs représentants permanents
auprès des communautés européennes. L'association de
représentants politiques en amont des négociations avait sans
doute pour mérite de conjurer le spectre d'une construction
européenne marquée par les excès d'une technocratie
administrative et de l'ouvrir davantage aux préoccupations des Etats
membres. Elle avait cependant pour inconvénient de brouiller les
conditions habituelles dans lesquelles est rendu l'arbitrage politique dans ce
genre de négociation. En effet, comment prendre le recul
nécessaire par rapport à un groupe de travail auquel on participe
et dont on doit également arbitrer les différends ?
III. UNE AMBITION SANS STRATÉGIE
La
procédure fondée sur une négociation permanente aux
différents niveaux animant la Conférence intergouvernementale n'a
pas vraiment permis l'émergence d'une force d'initiative. Ce qui a
manqué en effet au processus ouvert à Turin c'est un
véritable moteur de propositions. Ni les Etats, ni même d'ailleurs
les institutions, et au premier chef, la Commission, n'ont vraiment
cherché à jouer ce rôle.
Le couple franco-allemand n'a pas joué son rôle traditionnel de
moteur d'initiatives
. Pourtant, les prémices de la
négociation se présentaient plutôt sous des auspices
favorables. Le 6 décembre 1995 une première lettre commune du
Président de la République et du Chancelier Kohl, adressée
au Président du Conseil européen, M. Felipe Gonzales, assignait
quatre objectifs prioritaires à la CIG : la mise en oeuvre d'une
"politique étrangère et de sécurité commune plus
visible et plus déterminée", la constitution d'un "espace
homogène" où la liberté de mouvement, comme la
sécurité du citoyen, serait assurée, la mise en place
d'institutions plus efficaces pour l'Union et enfin, le renforcement de
l'ancrage démocratique.
Soucieux de faire progresser la négociation, les cosignataires
adressèrent le 9 décembre 1996 une deuxième lettre au
Président du Conseil européen afin d'exposer de manière
plus détaillée les propositions franco-allemandes dans la
perspective d'un compromis final.
Cependant, il semble que dans les mois, pourtant cruciaux, qui
précédèrent la conclusion de la Conférence, le
moteur franco-allemand se soit enrayé. Si les positions
franco-allemandes déguisaient des désaccords de fond sur certains
points, l'attitude de l'Allemagne a également évolué
progressivement dans un sens moins favorable aux réformes.
•
Incertitudes allemandes
Quatre facteurs ont sans doute contribué à placer l'Allemagne en
position de retrait. En premier lieu, le gouvernement allemand n'a pas toujours
fait preuve d'une parfaite cohésion lors de la négociation ; la
réaction des autorités aux propositions françaises
apparaît à cet égard significative. L'écho
plutôt favorable donné par la Chancellerie à la
réforme de la Commission et à la création d'un haut
représentant pour la politique étrangère et de
sécurité commune s'est trouvé contrarié par les
réticences du ministre des affaires étrangères, M. Klaus
Kinkel, soucieux sans doute, de conserver un commissaire libéral au sein
de l'institution communautaire et de conjurer par ailleurs le risque
éventuel de concurrence soulevé par la création d'un
"ministre des affaires étrangères européen".
Au-delà de ces discordances, la position allemande s'est
également trouvé neutralisée par les revendications des
länder. Jaloux de leurs compétences, ces derniers ont notamment
joué un rôle décisif dans le revirement allemand sur
l'extension du vote à la majorité qualifiée,
appuyée puis rejetée par notre partenaire d'outre-Rhin.
Par ailleurs, l'Allemagne, en fait, ne s'est pas
désintéressée des réformes. Elle a plaidé
pour le renforcement du pouvoir du Parlement européen, seule institution
à vraiment sortir gagnante de la négociation. Or, la
répartition des sièges au sein de cette institution, souvent
négligée par la France, permet -bien mieux que le Conseil- une
prise en compte de l'importance démographique de chaque Etat.
La promotion du Parlement européen permettait ainsi à l'Allemagne
de rappeler son attachement à la légitimité
démocratique de la construction communautaire tout en lui assurant en
même temps le maintien de son influence. Une fois acquis le renforcement
du rôle du Parlement européen, notamment à travers
l'extension de la procédure de codécision, l'Allemagne pouvait
accorder moins de prix à l'aboutissement des autres réformes
institutionnelles.
Enfin, il est clair que le Chancelier a donné la priorité
à la mise en oeuvre de l'Union économique et monétaire
ainsi qu'à l'élargissement.
•
Ambiguïtés françaises
La France pour sa part, s'est distinguée par une vision plus ambitieuse
de la réforme institutionnelle. Elle n'est toutefois pas allée au
terme de la logique de ses propositions.
La France a défendu l'extension du vote à la majorité
qualifiée... mais elle en a refusé l'application à des
pans pourtant essentiels du premier pilier comme la fiscalité. Notre
pays a par ailleurs consenti au renforcement des pouvoirs du Parlement
européen sans se départir d'un discours plutôt hostile et
après avoir défendu des positions de négociation rigides
-telles que le maintien de la procédure de coopération.
Ces contradictions n'ont pas permis à la France de tirer tout le parti
que lui procurait son positionnement audacieux pour relancer la dynamique de la
négociation.
Au contraire, elles ont conduit certains de nos partenaires à voir dans
la démarche du gouvernement français une volonté de
rééquilibrer les pouvoirs de décision en faveur des
"grands pays", ce qui n'était certes pas étranger aux
préoccupations françaises. Dès lors,
les débats
ont tendu à donner pour enjeu à la réforme
institutionnelle le rapport des forces entre "petits" et "grands" Etats
plutôt que l'impératif d'efficacité lié aux
prochains élargissements
. La mise en place d'un
"front
commun"
entre certains Etats traditionnellement proeuropéens mais
inquiets de la formation éventuelle d'un "directoire des Grands" et des
eurosceptiques habituels explique, pour une large part, le demi-échec de
la Conférence intergouvernementale.
Les institutions n'ont pas pris vraiment le relais de la force d'initiative
défaillante du moteur franco-allemand. Présente tout au long de
la négociation, la Commission a pourtant présenté
certaines de ses propositions à un moment où les discussions
s'étaient déjà figées sur certaines positions et
n'a pas su retrouver l'influence qui était la sienne au moment des
discussions relatives à l'Acte unique.
Le Parlement européen a su mieux se faire entendre des
négociateurs. S'il n'a pas participé directement aux discussions
-comme il l'avait fait dans le cadre des travaux du groupe Westendorp- il a
obtenu la qualité d'observateur. Ses deux représentants (Mme
Guigou et M. Broek) ont rencontré au moins une fois par mois le groupe
des représentants tandis que le Président du Parlement a pu
s'exprimer devant les conseils européens et les réunions de la
conférence au niveau ministériel. Ces efforts ne sont pas
demeurés sans écho et le traité d'Amsterdam a
étendu de façon sensible les compétences au Parlement
européen.
*
* *
D'une
façon générale, les positions des Etats dans le cadre de
la CIG ont été marquées par deux traits :
- un souci plus marqué de la
défense des intérêts
nationaux
dont témoigne l'inflation des déclarations souvent
inspirées par des motivations étroitement circonscrites
(déclaration sur les établissements de crédit de droit
public demandée par l'Allemagne, déclaration "relative aux
régions insulaires" à l'initiative de la Grèce, protocole
sur "la protection et le bien-être des animaux" souhaité par le
Royaume-Uni...).
- une
difficulté à prendre des engagements concrets
en
faveur de la construction européenne ; cette réticence se traduit
à l'inverse par la
prolifération de dispositions purement
déclaratoires
et dépourvues de force juridique.
Influence d'une opinion publique sceptique vis-à-vis de l'Union
européenne ? Repli identitaire face à la mondialisation ?
Revendication d'un "droit d'inventaire" par rapport au contenu et aux
méthodes de la construction européenne ? Ces différents
éléments expliquent sans doute la généralisation
d'un "euro-réalisme" peu propice à des réformes
ambitieuses.
Si ces circonstances ont sans doute interdit au traité d'imprimer une
orientation marquante à la construction européenne, les
résultats obtenus par la Conférence intergouvernementale ne
peuvent cependant être tenus pour négligeables. Le dispositif
retenu apporte quelques aménagements notables à des volets
essentiels de l'activité européenne. Encore convient-il de
déceler ces infléchissements sous une présentation peu
lisible et hautement complexe.
En effet, outre les cinq articles consacrés aux modifications de fond
apportées au traité sur l'Union européenne et aux
traités instituant les Communautés européennes, les six
articles dévolus à des simplifications formelles et les quatre
articles relatifs aux dispositions générales, le traité
d'Amsterdam ne comprend pas moins de
treize protocoles.
Il faut ajouter
51 déclarations adoptées par la Conférence
et 8
déclarations dont la Conférence a pris acte. Aujourd'hui, le
recul du temps, comme les excellents travaux de notre Délégation
pour l'Union européenne, permettent de porter un regard plus complet sur
les résultats d'Amsterdam et d'en mieux apprécier la
portée.
Ainsi, le présent rapport analysera successivement les dispositions du
traité d'Amsterdam consacrées :
- aux
institutions européennes
,
- aux
principes fondamentaux et aux politiques communautaires
,
- aux questions de la
libre circulation des personnes
, de la
sécurité
et de la
justice
,
- à la
politique étrangère et de sécurité
commune
.
*
* *
Nota
bene
Dans les développements qui suivent :
-
Les passages précédés d'un (
.
)signalent
les modifications apportées par le traité d'Amterdam
- Les abréviations TUE et TCE renvoient respectivement au traité
sur l'Union européenne et au traité instituant la
Communauté européenne.
PREMIÈRE PARTIE -
LE RISQUE DE PARALYSIE
LIÉE AU STATU QUO INSTITUTIONNEL
La
réforme des institutions constituait l'objectif le plus important de la
Conférence intergouvernementale. Elle présentait deux volets
essentiels : la recherche d'une plus grande efficacité
-indispensable dans la perspective de l'élargissement et du risque de
paralysie des processus de décision-, le renforcement de la
légitimité démocratique de l'Union.
Les thèmes à l'ordre du jour de la Conférence
intergouvernementale déclinaient cette double orientation sur
différents modes. L'impératif d'
efficacité
appelait
ainsi trois types d'aménagement :
- une réforme de la
présidence de l'Union
,
- la réduction du
nombre de commissaires
,
- une extension du
vote à la majorité qualifiée
.
Quant au souci de combler
le déficit démocratique
, il
conduisait à favoriser :
- un renforcement du rôle du
Parlement européen
,
- une meilleure association des
parlements nationaux
au processus
normatif.
- une prise en compte plus effective de la
subsidiarité
destinée à rapprocher le processus de décision du
citoyen ;
- une modification de la
pondération
des voix au sein du Conseil
afin de mieux tenir compte de l'importance démographique des Etats.
Bien qu'inspirés par des priorités différentes, certains
thèmes apparaissaient, dans la perspective d'un compromis,
étroitement liés. Ainsi l'extension du vote à la
majorité qualifiée avait pour contrepartie la
repondération des voix au conseil.
Sur tous ces points,
la Conférence intergouvernementale s'est
soldée par un échec
. En effet, dans bien des cas, les
négociateurs n'ont tout simplement pu trancher entre des positions
très divergentes et ont préféré reporter les
décisions, dans le cadre d'un "
protocole sur les institutions
dans la perspective de l'élargissement de l'Union
" -que votre
rapporteur commentera dans ses conclusions-, à des
échéances plus lointaines. Dans d'autres domaines comme les
" coopérations renforcées ", les avancées
s'apparentent à de faux-semblants. Enfin, la seule évolution
réelle, le renforcement du Parlement européen, risque, par son
isolement, de modifier l'équilibre institutionnel de l'Union.
I. UNE CAPACITÉ D'INITIATIVE ENTAMÉE
L'expérience des vingt dernières années le
montre, la construction européenne a progressé grâce au
rôle d'initiative joué par le couple Conseil-Commission.
L'efficacité de l'Union européenne dépend en
conséquence, pour une large part, de l'organisation de ces instances qui
réunissent à la fois capacité d'initiative et de
décision. Or, faute d'un consensus sur les améliorations à
apporter dans ce domaine, la Conférence intergouvernementale a choisi de
renforcer les institutions investies principalement d'un pouvoir de
contrôle (les organes juridictionnels de l'Union) ou, surtout, d'une
faculté d'empêcher (le Parlement européen).
Si l'extension de la procédure de codécision au
bénéfice du Parlement européen ne soulève pas
d'objection de principe, elle apparaît en revanche plus contestable dans
un contexte marqué par le statu quo pour le Conseil et la Commission. Ce
déséquilibre institutionnel risque en effet d'être source
de blocages dans les années à venir.
A. UN MOTEUR INSTITUTIONNEL SANS FORCE ?
1. Le Conseil : une initiative politique menacée
a) Une organisation de la présidence inadaptée
L'efficacité du Conseil apparaît aujourd'hui
entravée par l'organisation de la présidence du Conseil, soumise
au principe d'une rotation tous les six mois, peu propice à la prise en
charge des dossiers toujours plus complexes et au rôle d'impulsion qui
revient à la présidence.
Les propositions n'ont pas manqué pour surmonter ces obstacles. Aucune
n'a pu réunir l'accord des Quinze.
Les formules avancées pour la mise en place d'une présidence plus
efficace comportent souvent, il est vrai, autant d'inconvénients que
d'avantages : l'allongement de la durée du mandat
entraînerait un espacement du tour de rôle pour chacun des Etats
difficilement acceptable dans la perspective d'une Europe élargie ;
l'association de plusieurs Etats au sein d'un collège
présidentiel en place pour une période de douze mois, ne convainc
pas davantage, faute de garantir la " visibilité "
nécessaire à l'action de la présidence ; la
fragmentation de la présidence par l'attribution à certains Etats
membres d'une responsabilité éminente dans un domaine particulier
encourt le même reproche.
b) Des aménagements d'une portée très limitée
Faute
d'accord sur une réforme de la présidence, les
aménagements retenus à Amsterdam présentent une
portée très limitée et se bornent principalement à
alléger quelque peu l'ordre du jour du Conseil.
• En effet, des
décisions de pure procédure pourront
désormais être prises par le Comité des
représentants permanents
(COREPER) dans les cas prévus par le
règlement intérieur du Conseil (art. 207 § 1).
Le règlement intérieur, il faut le rappeler, est
arrêté par le Conseil à la majorité simple.
Le Conseil pourra ainsi se décharger des décisions de
procédures sur le COREPER, instance unique de préparation du
Conseil.
•
La création d'un poste de secrétaire
général adjoint
désigné selon la même
procédure que le secrétaire général du Conseil
(décision unanime du Conseil) permettra de décharger celui-ci
appelé à exercer les fonctions de Haut-représentant pour
la politique étrangère et de sécurité commune (art.
207 § 3).
Dans les faits, le secrétaire général adjoint assurera
l'essentiel des tâches aujourd'hui confiées au Secrétaire
général du Conseil -en particulier l'assistance aux
différents conseils.
• La mise en place de nouvelles règles de procédure en
matière de transparence sera évoquée plus loin par votre
rapporteur.
2. La Commission : une cohésion incertaine
Une composition inadaptée
Aujourd'hui, les grands Etats sont représentés au sein de la
Commission par deux nationaux et les autres par un national. Jusqu'en 1995, la
Commission comprenait 17 membres ; après l'adhésion de
l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, elle en compte aujourd'hui
vingt. Cet effectif apparaît excessif. Mais qu'en sera-t-il lorsque
l'Union passera à vingt ou vingt-cinq Etats-membres ? Les
règles de la composition actuelle de la Commission présentent
aujourd'hui au moins trois conséquences fâcheuses :
- elle
fragilise
encore davantage
l'homogénéité
d'un organisme que les pères
fondateurs avaient souhaité indépendant des Etats-membres ;
- dès lors, elle
complique le processus de décision
dans
la mesure où les différents commissaires peuvent parfois
être tentés de se prononcer en fonction de considérations
nationales ;
- enfin, elle conduit à un
morcellement du rôle des
commissaires
peu conforme avec le souci d'efficacité ; votre
rapporteur avait déjà relevé à titre d'exemple la
dispersion des tâches pour les relations extérieures
réparties entre quatre commissaires.
L'échec de la proposition française
C'est pourquoi la France avait défendu au cours de la Conférence
intergouvernementale une réduction importante des effectifs de la
Commission ramenés à 15 voire à 10 membres. Elle avait
même indiqué qu'elle pourrait renoncer à être
représentée par l'un de ses nationaux au sein de la Commission.
Notre pays s'était acquis le soutien de Bonn comme en témoigne le
double principe rappelé dans la lettre franco-allemande du 9
décembre 1996 :
- la composition de la Commission doit correspondre aux fonctions qui lui sont
assignées ;
- elle doit compter de toute manière un nombre de commissaires
inférieur à celui des Etats membres.
La proposition française avait pour double mérite de
réaffirmer de façon radicale l'indépendance de la
Commission tout en restaurant la cohérence de son action. Cette audace
institutionnelle n'a, on le sait, pas réuni de consensus, l'Allemagne,
elle-même, revenant, malgré les termes de la lettre commune avec
la France, au principe d'un commissaire par Etat membre sur lequel il sera sans
doute difficile de revenir.
Aussi, en l'absence d'une véritable réforme, les
négociations se sont-elles satisfaites de quelques aménagements
dont l'impact apparaît douteux.
a) Le rôle du président de la Commission : un renforcement symbolique
Faute d'une réduction du nombre de commissaires, le
souci d'efficacité a conduit à renforcer le rôle du
président de la Commission à travers trois nouvelles dispositions.
•
L'approbation de la désignation du président de la
Commission par le Parlement européen
-simplement consulté
dans le système actuel (art. 214 § 2).
Destinée avant tout à renforcer l'influence du Parlement
européen, cette mesure aura aussi pour effet de mieux asseoir
l'autorité du président de la Commission.
•
L'accord du président
-auparavant simplement
consulté-
pour la désignation des membres de la Commission
(art. 214 § 2).
L'instance collégiale ainsi formée par le président et
les autres membres de la Commission est ensuite soumise -comme c'est le cas
aujourd'hui- à un vote d'approbation par le Parlement européen.
•
Le
respect par la Commission des orientations politiques
définies par son président
(art. 219)
Enfin, une déclaration (n° 32) jointe au traité traduit un
certain consensus pour confier au président de la Commission un
large
pouvoir discrétionnaire dans l'attribution des tâches
au sein
du collège, ainsi que dans tout remaniement de ces tâches en cours
de mandat.
Ces aménagements concourent tous à un seul objectif : le
renforcement de l'autorité d'un président
. Le rôle
joué dans la désignation des commissaires et dans la
définition de la politique de la Commission lui donne les moyens de
dépasser le statut de
primus inter pares
et de favoriser ainsi la
cohésion de cette institution et sa capacité à
délibérer.
b) Une rationalisation repoussée à une échéance plus lointaine
Les
négociateurs ne sont pas parvenus à un accord sur une
répartition plus efficace des attributions au sein de la Commission et
la rationalisation du travail de cette institution.
Ils se sont bornés à prendre acte de l'intention de la
Commission, dans la perspective de la constitution d'une nouvelle commission
pour l'an 2000
2(
*
)
de préparer d'une part
une
réorganisation des tâches au sein du collège
,
et, d'autre part, une
restructuration correspondante des services
(déclaration n° 32)
.
La réorganisation des tâches au sein du
collège
Dans sa contribution à la Conférence intergouvernementale, la
Commission s'était prononcée en faveur d'une organisation des
tâches autour d'une dizaine de portefeuilles. Les commissaires non
détenteurs d'un portefeuille se verraient confier des missions
spécifiques ou des tâches d'appui. Le renouvellement de la
Commission permettrait une alternance équitable entre titulaires de
l'une ou l'autre de ces catégories. Enfin, tous les commissaires
participeraient aux délibérations et aux votes du collège.
Une telle orientation pourrait se concrétiser sans difficulté de
principe dans la mesure où il revient au collège des commissaires
de se prononcer sur la répartition des portefeuilles et où la
déclaration jointe au traité d'Amsterdam
plaide pour une
solution inspirée des propositions de la Commission à travers
" une répartition optimale entre les portefeuilles traditionnels et
les tâches particulières ".
Une telle évolution permettra-t-elle de mettre fin à
l'inflation des directions générales
liée au souci
de confier à chaque commissaire un domaine d'action propre ? Il
importe aujourd'hui de mettre fin au fractionnement excessif des services de la
Commission dont les effets apparaissent très négatifs pour la
cohérence de l'action communautaire.
Par ailleurs, la même déclaration prend position pour
l'attribution d'une vice-présidence au commissaire en charge des
relations extérieures
.
L'intérêt d'une telle proposition ne paraît pas
évident. Il existe déjà en effet aujourd'hui deux
vice-présidents en charge des relations extérieures,
M. Manuel Marin et Sir Leon Brittan. S'agit-il dès lors de
concentrer la responsabilité des relations extérieures entre les
mains d'un seul commissaire au risque d'en faire un concurrent du
président de la Commission dont le traité a
précisément cherché à renforcer le
rôle ? Il est regrettable que la déclaration ait retenu ce
seul élément du schéma -plus équilibré-
proposé par la Commission dans lequel le vice-président pour les
relations extérieures prenait place aux côtés de deux
autres vice-présidents responsables de " l'économie et des
finances " et des " politiques d'intégration et de
l'intérêt des citoyens ".
Les modalités de l'exercice des compétences
d'exécution conférées à la Commission restent en
débat.
Une déclaration (n° 31) invite la Commission à
présenter au Conseil, au plus tard à la fin de 1998, une
proposition
modifiant la décision du Conseil du 13 juillet
1987
fixant les conditions suivant lesquelles la Commission assure les
compétences d'exécution qui lui sont conférées
.
Sous une formulation assez technique se dissimule un enjeu politique relatif au
partage des responsabilités entre le Conseil et la Commission.
En effet, la décision du 13 juillet 1987 (dite dans le jargon
européen " décision de
comitologie
")
définit les conditions dans lesquelles la Commission applique les
décisions dont le Conseil lui a confié l'exécution
après leur adoption.
Comités " consultatifs ", de " gestion " ou encore
de " réglementation " :
tous ont en commun d'associer
les représentants des Etats membres.
La Commission et le Parlement européen souhaitaient une modification de
ce dispositif : la première pour obtenir un allégement de
procédures jugé entraver l'exercice de ses compétences, le
second pour obtenir d'être représenté lorsqu'il s'agit de
définir les conditions de mise en oeuvre des mesures adoptées
selon la procédure de codécision.
L'une et l'autre plaidaient pour l'application de la règle à la
majorité qualifiée et de la procédure de codécision
à la définition des procédures de mise en oeuvre des
décisions du Conseil. Les Etats soucieux de conserver leurs
prérogatives au niveau de l'exécution des décisions n'ont
pas accepté d'évolution dans ce domaine. Reverront-ils leur
position à la faveur d'une proposition de la Commission ? On peut
en douter.
B. LE RENFORCEMENT DE LA FACULTÉ D'EMPÊCHER
1. Une vision partielle des moyens de remédier au déficit démocratique
Le
thème du déficit démocratique recouvre souvent en fait
deux préoccupations distinctes :
- l'insuffisance du contrôle parlementaire sur le couple
Conseil-Commission,
- les excès de la bureaucratie communautaire.
Ces deux préoccupations appellent des réponses de nature
différente. La seconde peut trouver une solution dans une meilleure
prise en compte de la subsidiarité. Il en sera question plus loin. La
première invite à explorer deux voies
complémentaires : un renforcement des pouvoirs du Parlement
européen, une plus grande implication des parlements nationaux dans la
construction européenne. Compte tenu du mode d'élection, en
France, du Parlement européen, et de la proximité entre les
parlementaires nationaux et leurs électeurs, notre pays a souvent
marqué sa préférence pour la deuxième formule. Or
le traité d'Amsterdam a clairement tranché en faveur de
l'Assemblée de Strasbourg.
a) Le Parlement européen : principal bénéficiaire des évolutions institutionnelles.
Le
Parlement européen apparaît comme le principal
bénéficiaire des modifications apportées par le
traité d'Amsterdam. En effet, sa place dans le système
institutionnel se trouve confortée et ses pouvoirs renforcés.
Une assise plus solide dans le système institutionnel
Trois mesures concourent à conférer au Parlement européen
une assise plus solide dans les structures institutionnelles, même si
leur portée reste en pratique assez limitée.
•
Le nombre des membres du Parlement européen ne pourra
dépasser sept cents
(art. 189).
Aujourd'hui, le Parlement européen compte 626 parlementaires ;
cependant, les prochains élargissements conduiront nécessairement
à une progression des effectifs certainement excessive au regard des
conditions nécessaires au bon déroulement du travail
parlementaire aussi bien en séance publique qu'en commissions. C'est
pourquoi les négociateurs ont repris le principe d'un
plafond
proposé par l'Assemblée de Strasbourg. La mise en oeuvre de
ce plafonnement
appellera une réévaluation du nombre de
sièges
pour chacun des Etats membres et en conséquence une
adaptation des lois nationales relatives à l'élection du
Parlement européen. Quels seront les critères utilisés
dans cette perspective ? Le traité se borne à mentionner
" une représentation appropriée des peuples des Etats
réunis dans la communauté ". En d'autres termes, en la
matière rien n'a été tranché.
•
L'élection du Parlement européen obéira
à des principes communs à tous les Etats membres
ou
à une procédure uniforme
dans tous les Etats-membres (art.
190 § 4). Cette dernière formule, seule, figurait dans l'ancien
dispositif mais elle s'avérait peu réaliste car elle
requérait une harmonisation totale. Or, les procédures
applicables dans presque tous les Etats-membres apparaissent aujourd'hui
extrêmement diverses. Enfin, l'adoption d'une procédure commune
exigeait un degré de consensus très élevé
-unanimité du Conseil après avis conforme du Parlement
européen, puis adoption par les Etats-membres conformément
à leurs règles constitutionnelles respectives. Aussi bien, le
principe de subsidiarité comme le simple pragmatisme rendaient
nécessaire un assouplissement de la rédaction de cet article .
La référence nouvelle aux " principes communs à tous
les Etats-membres " offre une nouvelle marge de souplesse au Parlement
européen, désigné par le traité pour
préparer un projet relatif à son mode d'élection. La
Commission institutionnelle de cette assemblée a déjà
préparé un document de travail relative à
" l'élaboration d'un projet de procédure électorale
uniforme ou comprenant des principes communs pour l'élection des membres
du Parlement européen ".
• Le Parlement européen se voit reconnaître le
droit de
fixer son statut
ainsi que les conditions générales
d'exercice des fonctions de ses membres (art. 190 § 5).
Cette disposition s'est avérée nécessaire car,
jusqu'à présent, aucun statut unique n'avait été
défini ; or, certaines règles ou pratiques méritaient
un éclaircissement, qu'il s'agisse du régime des
indemnités ou des cas de déchéance de mandat de
parlementaire européen. Toutefois, l'initiative du Parlement
européen demeure
encadrée
dans la mesure où non
seulement l'avis de la Commission mais aussi l'approbation unanime du Conseil
sont nécessaires.
Un rôle accru dans la procédure de décision
Outre le droit d'investiture du président de la Commission dont il
dispose désormais, le Parlement européen bénéficie
également du renforcement de la procédure de codécision
-dans le cadre de laquelle une décision ne peut être prise sans
son accord- au terme d'une double évolution.
•
Une simplification des différentes procédures
au profit de la codécision
La procédure de
codécision
se substitue à la
procédure de coopération (dont l'application se limite
désormais aux dispositions relatives à l'Union économique
et monétaire). Elle concerne donc désormais les domaines
suivants : la non discrimination (art. 12),
le droit de circulation et
de séjour
sauf si le traité des Communautés
européennes en dispose autrement (art. 18), les règles
coordonnées relatives à la
sécurité sociale des
travailleurs migrants
de la Communauté (art. 42), la politique
des
transports
(art. 71 et 80), plusieurs aspects de la
politique
sociale
, les règles relatives au
Fonds social européen
(art. 148) à la
formation professionnelle
(art. 150), certaines
mesures concernant les
réseaux européens
(art. 156), les
décisions relatives aux
Fonds européen de développement
régional
(art. 162), la mise en oeuvre du programme-cadre
pluriannuel en matière de
recherche
et la définition des
programmes complémentaires (art. 172), certaines mesures relatives
à l'
environnement
(art. 175) et celles concernant la
coopération au développement
(art. 179).
La procédure d'
avis conforme
continue de s'appliquer à la
plupart des dispositions pour lesquelles le traité de Maastricht l'avait
prévue (à l'exception, désormais, du droit de circulation
et de séjour des citoyens de l'Union qui relèvera dans un
délai de 5 ans, si le Conseil en décide ainsi, de la
codécision) et prévaut également pour le
déclenchement d'une procédure de sanction contre un Etat membre
responsable de violations graves et persistantes des droits de l'homme (art.
7). Le Parlement européen n'a toutefois pas obtenu le pouvoir de donner
un avis conforme à toute nouvelle révision des traités.
Au total, les nouveaux domaines de la procédure de codécision
concernent essentiellement les matières du marché
intérieur (les Quinze articles concernés remplacent dans onze cas
la procédure de coopération, dans trois cas la procédure
de consultation, et dans un cas la procédure d'avis conforme). Si l'on
excepte la procédure de coopération -maintenue pour l'UEM- il
n'existe plus que trois procédures : avis conforme, consultation,
codécision.
• Une
meilleure maîtrise de la procédure
législative
dans le cadre de la codécision grâce
à la
suppression de la troisième lecture
qui permettait au
Conseil, en cas de désaccord avec le Parlement européen
après la réunion du comité de conciliation,
d'arrêter à la majorité qualifiée l'acte
concerné sauf si le Parlement européen décidait
d'intervenir une dernière fois pour rejeter le texte à la
majorité absolue de ses membres (art. 251 § 6)
Désormais, en cas d'échec de la conciliation ou de rejet, par
le Conseil ou le Parlement européen, de l'accord obtenu par le
Comité de conciliation, le texte est réputé non
adopté.
L'égalité entre le Parlement et le Conseil se trouve ainsi
rétablie.
Au terme des autres simplifications qui lui ont été
apportées, la
procédure de codécision
s'organise
désormais de la façon suivante :
- Le Conseil peut adopter l'acte législatif dès la
première lecture quand il accepte tous les amendements
présentés dans l'avis du Parlement ou lorsque celui-ci n'en a
déposé aucun (art. 251 § 2).
Dans les autres cas, il adopte une position commune.
Dans le régime actuel, même si l'avis du Parlement est positif, le
Conseil établit systématiquement une position commune qui est de
nouveau soumise au Parlement européen (art. 251 § 2). Le nouveau
système invitera peut-être le Parlement européen à
modérer les amendements présentés dans son avis pour
obtenir un accord du Conseil et éviter ainsi les délais
liés à la seconde lecture.
- Au stade de la seconde lecture, le Parlement peut rejeter directement,
à la majorité absolue, une position commune sans être tenu
d'abord, comme c'est le cas aujourd'hui, de laisser au Conseil la
possibilité de convoquer une réunion de conciliation (art. 251
§ 2).
Si le Conseil n'a pas accepté tous les amendements du Parlement sur la
position commune, il convoque un Comité de conciliation dans un
délai de
6 semaines
. Ce Comité se prononce, comme le
spécifie le traité, sur la base des amendements proposés
par le Parlement européen (251 § 4).
Une déclaration (n° 34) à l'Acte final souligne par ailleurs
que le délai réel entre la deuxième lecture du Parlement
européen et l'issue des travaux du Comité de conciliation ne doit
en aucun cas dépasser 9 mois.
Le
droit d'information
du Parlement européen connaît une
extension dans le nouveau titre VI du TUE (coopération policière
et judiciaire pénale) : outre l'information régulière
-dont le principe est maintenu- de l'Assemblée de Strasbourg, celle-ci
est consultée avant l'adoption par le Conseil des
décisions-cadre, des décisions et des conventions.
Confirmation de Strasbourg comme siège du Parlement
européen
Un protocole (n° 12) annexé aux traités confirme Strasbourg
comme siège du Parlement européen. Les douze périodes de
sessions plénières mensuelles -y compris la session
budgétaire- se tiennent dans cette ville. Ces précisions
satisfont les préoccupations de la France et permettent de mettre un
terme -espérons-le définitif- au débat récurrent
sur l'opportunité de regrouper à Bruxelles -où se
réunissent déjà les commissions du Parlement et les
parlementaires en période de sessions plénières annuelles-
l'ensemble des activités du Parlement (aujourd'hui dispersées sur
trois lieux puisque le Luxembourg abrite le secrétariat
général du Parlement et les services).
Des instances de consultation renforcées
Deux autres institutions paraissent bénéficier de la dynamique
favorable au Parlement européen : le Comité
économique et social et le Comité des régions.
•
L'extension du rôle consultatif du Comité
économique et social
Celui-ci pourra en effet désormais être consulté par le
Parlement européen et non plus seulement par le Conseil et la Commission
(art. 262). En outre son champ de consultation sera étendu à de
nouvelles matières introduites dans le traité d'Amsterdam
(emploi, questions sociales, santé publique).
•
Une place mieux affirmée pour le Comité des
régions
Il bénéficiera d'abord d'une plus grande autonomie à
travers trois séries de mesures : il disposera de ses propres services,
qu'il devait auparavant partager avec le Comité économique et
social (protocole n° 16) ; il pourra élaborer son règlement
intérieur sans le soumettre à l'approbation du Conseil (art.
264) ; enfin la qualité de membre du comité des
régions devient incompatible avec celle de parlementaire européen
(art. 198). Par ailleurs, le Comité peut être consulté par
le Parlement européen (art. 263) tandis que le champ de sa
compétence consultative s'étend à de nouveaux domaines
(emploi, questions sociales, santé publique, environnement,
coopération transfrontalière ...).
b) Le rôle des parlements nationaux : une reconnaissance de l'acquis plutôt que de réelles avancées
Le
Parlement français a plaidé, à maintes reprises, pour une
meilleure association des parlements nationaux à l'activité des
institutions européennes. Notre Gouvernement a tenu compte de ces
préoccupations et les résultats, certes modestes, obtenus au
cours de la Conférence intergouvernementale sont à porter
à son crédit.
Le
protocole n° 13
sur le rôle des parlements nationaux dans
l'Union européenne, annexé au traité, indique le souhait
des parties " d'encourager une participation accrue des parlements
nationaux aux activités de l'Union européenne et de renforcer
leur capacité à exprimer leur point de vue sur les questions qui
peuvent présenter pour eux un intérêt particulier ".
Le protocole se limite plutôt, en fait, à reconnaître des
acquis mais il leur confère une assise institutionnelle qui confortera
à l'avenir le rôle des parlements nationaux. Le protocole comprend
deux volets : les informations destinées aux parlements nationaux,
la consécration de la Conférence des organes
spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC).
•
Une meilleure information
L'obligation d'une transmission rapide des documents de consultation de la
Commission
(livres verts, livres blancs et communications) aux parlements
nationaux. Ces documents n'entrent pas actuellement dans le champ d'application
de l'article 88.4 de notre Constitution, qui permet au Parlement de voter des
résolutions sur les propositions d'actes communautaires. Or, comme le
rappelait notre collègue M. Pierre Fauchon, " si cette disposition
a été inscrite dans le traité, c'est à
l'évidence pour que les parlements nationaux puissent, en fonction des
pratiques constitutionnelles nationales, exprimer leurs
préoccupations " à ce stade de l'élaboration des
politiques communautaires
3(
*
)
.
Elle pourrait
justifier en conséquence une révision de l'article 88.4 à
la faveur de la révision constitutionnelle de toute façon
indispensable à la ratification du traité d'Amsterdam
.
En outre, l'organisation de la procédure législative doit
permettre une information satisfaisante des parlements nationaux : un
délai de 6 semaines
, en particulier, s'écoule entre la
présentation officielle d'une proposition législative ou d'une
proposition de décision prise en application du titre VI du
traité sur l'Union européenne est mise par la Commission à
la disposition du Conseil et la date à laquelle elle est inscrite
à l'ordre du jour du Conseil en vue d'une décision.
•
La reconnaissance de la Conférence des organes
spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC)
Le protocole consacre la COSAC et dote d'une base conventionnelle cet organe
informel, institué à Paris en novembre 1989. La COSAC comporte
des représentants des organes spécialisés des parlements
nationaux dans les affaires européennes. Elle se réunit en
principe deux fois par an.
La COSAC constitue une
instance consultative
dont le rôle s'exerce
de façon privilégiée dans les questions liées
à la mise en place d'un espace de liberté, de
sécurité et de justice.
Dans ce domaine, elle peut
examiner
toute proposition d'acte
législatif qui pourrait avoir des incidences sur les droits et
libertés.
En outre, elle peut adresser toute
contribution
sur les activités
législatives de l'Union, notamment pour l'application du principe de
subsidiarité et pour les questions relatives aux droits fondamentaux.
Toutefois, ces contributions ne lient pas les parlements nationaux.
2. Un contrôle juridictionnel et comptable mieux assuré
a) Une progression mesurée des compétences de la Cour de justice
Votre
rapporteur reviendra en détail sur les nouvelles attributions de la Cour
de justice, à l'occasion de l'examen des modifications apportées
par le traité d'Amsterdam au pilier communautaire et au troisième
pilier.
Il présentera ici de façon synthétique les trois
principales évolutions constatées dans ce domaine.
•
Une compétence de la Cour pour les dispositions du titre IV
du TCE
(visas, asile, immigration et autres politiques liées
à la libre circulation des personnes) dans des conditions
différentes, toutefois, du droit commun -recours préjudiciel
réservé aux juridictions internes dont les décisions ne
sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel, recours en constatation des
manquements étatiques limité (exclusion des mesures nationales
prises pour le maintien de l'ordre public ou de la sécurité
intérieure), mise en place d'un recours spécifique en
interprétation des dispositions et des actes pris pour l'application du
titre IV ouvert au Conseil, à la Commission ou à un Etat membre.
•
Une extension de la juridiction de la Cour au volet non
communautaire du troisième pilier
(coopération
policière et judiciaire en matière pénale) avec certaines
spécificités ici encore relatives au mécanisme des
questions préjudicielles, à la réserve
d'incompétence de la Cour pour les mesures d'ordre public, à la
mise en place d'un recours en annulation de certains actes sur la seule saisine
des Etats ou de la Commission et, enfin, à l'organisation d'un recours
pour régler les différends de nature interétatique.
•
Un contrôle de l'action des institutions dans le domaine du
respect des droits fondamentaux
(art. 6 § 2 TUE) dans la mesure
où la Cour est compétente en vertu du TUE et du TCE.
b) L'affirmation du rôle de la Cour des comptes
La Cour
des comptes prend désormais sa place aux côtés du Parlement
européen, du Conseil de la Commission et de la Cour de justice parmi les
institutions " généralistes " de l'Union (art 5 TUE).
Il y a là réparation d'un oubli fâcheux.
• La Cour peut intenter des
recours en annulation
tendant
à la sauvegarde de ses prérogatives sur la base de l'article 230
du traité CE.
• Par ailleurs, la
déclaration d'assurance
relative
à la fiabilité des comptes fournis au Parlement européen
et au Conseil bénéficie désormais d'une
publication
au journal officiel de la Communauté (art. 248 § 1), cette
déclaration figure parmi les documents examinés par le Parlement
européen pour donner décharge à la Commission de
l'exécution du budget.
• Le
contrôle
de la Cour peut s'effectuer dans les
locaux de tout organisme gérant des recettes ou des dépenses
au nom de la Communauté
, y compris dans les locaux de toute personne
physique ou morale bénéficiaire de versements provenant du budget
communautaire. Dans le même esprit, tout document nécessaire
à l'accomplissement de la mission de la Cour des comptes lui est
communiqué, sur sa demande, par les organismes gérant des
recettes ou des dépenses au nom de la Communauté et par les
personnes physiques et morales précitées (art. 248 §
3).
II. UN POUVOIR DE DÉCISION AFFAIBLI
A. UNE PROCÉDURE DE DÉCISION INADAPTÉE
Permettre au Conseil de se prononcer à la majorité qualifiée sur un plus grand nombre de questions, laisser aux Etats, dans le cadre de la subsidiarité, le soin de régler eux-mêmes les questions qui les touchent de près : ce sont là les deux volets, non pas contradictoires mais complémentaires, d'une réforme destinée à renforcer l'efficacité de l'Union, que le traité d'Amsterdam n'a pas su conduire.
1. Une unanimité paralysante
L'extension du vote à la majorité qualifiée constitue le moyen le plus sûr de surmonter les blocages, déjà nombreux dans une Union de quinze Etats membres mais encore appelés à se multiplier dans une Europe élargie. Toutefois le calcul de la majorité doit représenter de façon significative la majorité de la population, sans quoi la légitimité des décisions prises apparaîtrait sérieusement compromise. Il existe donc un lien étroit entre les modalités de vote et la pondération des voix. Or le décalage n'a cessé de se creuser entre la majorité qualifiée et la représentativité en termes démographiques.
a) Une pondération des voix devenue inadéquate
Une
certaine
sur-représentation
des " petits " Etats a
toujours été admise au sein du Conseil. Elle permet de corriger
le déséquilibre auquel conduirait une stricte prise en compte des
critères démographiques.
Cependant, les élargissements successifs ont entraîné une
accentuation de cette tendance. Si le poids des " grands " Etats au
sein de la population de l'Union s'est légèrement
érodé -de 87 % à 79 % entre 1957 et 1995-, le poids de
leurs voix s'est sérieusement réduit au cours de cette
période -de 70,59 % à 55,17 % du total des voix
4(
*
)
. La majorité qualifiée -fixée
à 70 % des voix- ne représente aujourd'hui que 58 % de la
population totale. Sans modification du régime actuel, la
majorité qualifiée représenterait 50,29 % de la
population dans une Union élargie à 26 Etats. Dans ces
conditions, des décisions pourraient être adoptées ou
bloquées contre l'avis de certains des Etats les plus peuplés de
l'Union.
C'est pourquoi il convient de procéder au réaménagement de
la pondération ou, à défaut, à l'instauration d'un
système de double majorité fondé d'une part sur le nombre
d'Etats et d'autre part, l'importance démographique de chaque
Etat-membre. La France avait plaidé dans ce sens, sans succès.
Les " petits " Etats, soucieux avant tout de conjurer le risque d'un
" directoire des Grands", ont défendu en effet pour leur part
pour le maintien de l'actuelle pondération, formule
équilibrée entre l'égalitarisme qui prévaut en
principe dans la représentation des Etats au sein du système
international et la prise en compte du facteur démographique. Pour ces
pays, c'est au Parlement européen d'assurer une représentation
démographique équilibrée.
b) Une extension très limitée du vote à la majorité qualifiée
Si le
vote à la majorité qualifiée se développe, aux
termes du traité d'Amsterdam, à la faveur de l'ouverture du champ
communautaire à de nouveaux domaines, il ne se substitue que dans des
cas exceptionnels à l'unanimité pour les dispositions existantes
du traité.
•
Le vote à la majorité qualifiée prévaut
pour les nouveaux domaines de la politique communautaire
:
orientations et actions d'encouragement en matière d'emploi, exclusion
sociale, égalité des chances entre les hommes et les femmes,
santé publique, transparence, lutte anti-fraude, statistique, mise en
place d'une autorité indépendante pour la protection des
données, coopération douanière, régime
dérogatoire pour les régions ultrapériphériques.
•
L'unanimité continue de prévaloir pour l'ensemble des
domaines placés sous ce régime dans le système
antérieur
(l'industrie, la culture, les fonds structurels, certaines
dispositions relatives à l'environnement, l'accès aux
activités salariées lorsqu'une modification des principes
législatifs s'avère nécessaire et, naturellement, la
fiscalité ou l'harmonisation dans le domaine de la
sécurité sociale). Quelques
exceptions
méritent
cependant une mention en particulier dans le domaine de la
recherche
où les
programmes-cadre annuels seront adoptés à la
majorité qualifiée et non plus à l'unanimité
.
• Le principe de l'unanimité peut aussi subsister en fait dans
certains domaines où il paraissait avoir pourtant reculé, comme
la politique étrangère et de sécurité commune avec
la notion d'abstention constructive ou les premier et troisième piliers
avec la mise en place des coopérations renforcées. En effet, un
Etat peut toujours, dans le premier comme dans le second cas, faire valoir
des
" raisons de politique nationale importantes "
et renvoyer
ainsi la décision au
Conseil européen
appelé
dès lors à se prononcer à l'unanimité.
Cette disposition, dont l'inspiration paraît l'écho
codifié du fameux compromis de Luxembourg de janvier 1966
5(
*
)
, constitue un nouveau mécanisme de vote
à deux temps. Il n'y a pas lieu, du reste, de penser que la
" clause d'appel " remette en cause la validité de l'accord
politique obtenu en 1966 dont la portée est naturellement beaucoup plus
large.
• La politique commerciale commune pourra s'étendre aux
négociations et accords internationaux concernant les
secteurs des
services
et
les droits de la propriété intellectuelle
après un vote à l'unanimité du Conseil sur proposition de
la Commission et après consultation du Parlement européen (art.
133 § 5). L'application du vote à la majorité
qualifiée, de droit dans la politique commerciale se trouve ainsi,
après un vif débat lors de la conférence
intergouvernementale, subordonnée à une décision à
l'unanimité. Le régime antérieur est donc, en fait,
maintenu. Il y a lieu de s'en féliciter au regard des positions
contestables prises par la Commission -sans réelle concertation avec les
Etats membres- sur le marché transatlantique unifié au
début de l'année 1998.
2. La subsidiarité : un principe difficile à concrétiser
Si le thème de la subsidiarité n'a pas reçu de traduction concrète dans le cadre du traité d'Amsterdam, du moins les négociateurs se sont-ils montrés plus sensibles à une certaine "différenciation" des politiques communautaires pour les territoires périphériques de l'Union.
a) La simple codification de principes déjà acquis
Le
principe de subsidiarité a pour objectif de
rapprocher le processus
de décision du citoyen
. Reconnu pour la première fois dans le
traité de Maastricht (art. 5), il conduit à réserver les
interventions de la Communauté -dans les domaines où elle ne
dispose pas d'une compétence exclusive- aux seules mesures dont les
dimensions ou les objectifs recherchés requièrent
l'échelle communautaire. Cette formulation très
générale n'était pas en mesure d'apaiser les craintes
soulevées par les risques d'un empiètement communautaire dans les
domaines de compétence nationale.
Le thème figurait donc en bonne place parmi les questions
discutées dans le cadre de la réforme institutionnelle. La
défense de la subsidiarité recouvrait cependant des motivations
diverses : l'Allemagne cherchait à défendre les
compétences de ses Etats fédérés, le Royaume Uni
voulait promouvoir la déréglementation, la France, quant à
elle, s'attachait à conforter la compétence des autorités
nationales en matière de transposition de la réglementation
communautaire, afin notamment de donner au Parlement la possibilité de
contribuer au débat sur la subsidiarité à l'occasion de
l'examen des différents textes.
La diversité des points de vues, les réticences de certains
Etats, sensibles aux préoccupations d'une Commission placée sur
la défensive, à entrer dans un débat sur la
répartition des compétences a conduit les Quinze à s'en
tenir à un quasi statu quo.
Le traité d'Amsterdam se borne à reprendre dans un
protocole
les conclusions des deux Conseils européens sous
présidence britannique (Birmingham, 16 octobre 1992 et Edimbourg, 11 et
12 décembre 1992) ainsi que l'accord interinstitutionnel conclu en
octobre 1993 entre le Parlement, le Conseil et la Commission pour la mise en
oeuvre du principe de subsidiarité.
Dès lors le protocole, loin de procéder à un
" bornage " rigoureux des compétences communautaires et de
déterminer les conditions de contrôle d'un tel partage, se
satisfait de quelques orientations générales. Il s'articule en
effet autour de quatre principes.
-
Le respect du principe de subsidiarité incombe à chaque
institution
dans l'exercice de ses compétences. Mais ces
institutions consentiront-elles volontiers à une limitation de leurs
pouvoirs ? On peut en douter.
- L'application du principe de subsidiarité respecte le
maintien
intégral de l'acquis communautaire et de l' "équilibre
institutionnel"
ainsi que les principes mis au point par la Cour de justice
en ce qui concerne la relation entre le droit national et le droit
communautaire.
- Toute
proposition de texte législatif communautaire
doit
justifier sa pertinence au regard du principe de subsidiarité par des
indicateurs qualitatifs et, dans la mesure du possible, quantitatifs.
- Une action à l'échelle communautaire se justifie lorsqu'elle
réunit
trois conditions
: la question examinée
comporte des aspects transnationaux, une mise en oeuvre, au niveau national,
serait contraire aux exigences du traité et présenterait,
à l'inverse, des avantages manifestes à l'échelle
communautaire.
Ce dispositif laisse en fait une très large marge d'appréciation
au principal moteur des initiatives communautaires : la Commission. En
fait, et c'est là la principale modification apportée par le
traité d'Amsterdam, le protocole
codifie
l'ensemble du dispositif
relatif à la subsidiarité et le place ainsi sous le
contrôle de la Cour de justice. Celle-ci n'a toutefois jamais fait
montre, dans sa jurisprudence, d'un soin jaloux de sauvergarder les
compétences nationales ...
b) Une meilleure prise en compte des spécificités régionales
Le traité cherche à donner un contenu plus
concret au
principe de différenciation
à travers le
dispositif consacré aux régions ultrapériphériques
et aux pays et territoires d'outre mer.
On le sait, l'application du droit communautaire aux Etats membres
connaît une série d'exceptions pour les régions dites
" ultrapériphériques " (les départements
d'outre-mer français -DOM-, les Açores, Madère et les
Canaries) et les pays et territoires d'outre-mer (PTOM).
Une meilleure reconnaissance de la spécificité des
régions ultrapériphériques
Le Conseil peut dans le dispositif actuel des traités exclure les
régions ultrapériphériques du champ d'application du droit
communautaire ou adapter à leur situation particulière le
traité ou le droit dérivé. Afin de mieux tenir compte des
spécificités de ces régions et au premier chef de leur
éloignement et de leur " dépendance économique
vis-à-vis d'un petit nombre de produits " le traité
d'Amsterdam a apporté deux modifications principales à ce
régime :
• les mesures spécifiques prises par le Conseil pour fixer les
conditions d'application du traité peuvent porter sur
tous les
domaines
, y compris les politiques communes -certains secteurs ne pouvaient
faire l'objet d'une adaptation sous l'empire des dispositions
précédentes ;
• les mesures spécifiques sont adoptées à la
majorité qualifiée
par le Conseil et non plus à
l'unanimité.
Le traité supprime par ailleurs le délai spécifique de
deux ans pendant lequel le Conseil pouvait apporter certaines adapations au
droit communautaire en faveur des régions
ultrapériphériques. Cependant ces mesures ne doivent pas nuire
à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre
juridique communautaire (art. 299 § 2).
Les régions insulaires
• Dans le cadre de la cohésion économique et sociale, la
Communauté vise également à
réduire le retard
des régions insulaires
et plus seulement celui des régions
les moins favorisées (art.158). En outre, aux termes d'une
déclaration à l'Acte final, la législation communautaire
doit tenir compte des handicaps structurels des îles.
Cette attention particulière accordée aux îles
répond à une préoccupation de la Grèce. Elle
pourrait sans doute justifier une certaine priorité dans le cadre de la
répartition des ressources affectées au fond structurel.
Les pays et territoires d'Outre-mer
• Enfin, une déclaration (n° 36) à l'Acte final
ouvre
la perspective d'un réexamen du régime spécial
d'association des PTOM
d'ici à février 2000. En effet, ce
régime n'a pas réellement permis d'assurer le
" décollage " économique des territoires en question.
Aussi convient-il d'en améliorer le dispositif dans un quadruple
objectif :
- une promotion plus efficace du développement économique et
social des PTOM,
- le développement des relations économiques entre les PTOM et
l'Union européenne,
- une meilleure prise en compte de la diversité et de la
spécificité de chaque PTOM, y compris en ce qui concerne la
liberté d'établissement,
- l'amélioration de l'efficacité de l'instrument financier.
A cette fin, le Conseil pourra adopter à l'unanimité des
dispositions relatives aux modalités et à la procédure de
l'association entre les pays et territoires d'outre-mer et la communauté
(art. 187).
B. LES COOPÉRATIONS RENFORCÉES : UNE SOUPLESSE EN TROMPE L'OEIL
Une
coopération renforcée a pour objectif de permettre à un
nombre limité d'Etats, désireux d'aller de l'avant, de renforcer
leurs liens dans des domaines jugés indispensables sans se heurter
à l'opposition des autres Etats membres. Avec la reconnaissance des
coopérations renforcées dans le traité d'Amsterdam, les
négociateurs de la Conférence intergouvernementale ont-ils fait
montre d'une véritable audace en rompant pour la première fois
avec le dogme de l'égalité des droits et des obligations
vis-à-vis des règles européennes ?
N'ont-ils pas plutôt été tentés de tirer parti de
l'ambiguïté d'une notion à même de satisfaire à
la fois les partisans d'un " noyau dur " de l'Union -défendu
notamment dans une optique fédérale par le document
Lamers-Schaüble de septembre 1994- mais aussi les tenants de la
" flexibilité " ou de " l'Europe à la carte "
revendiquée par les conservateurs britanniques ?
A coup sûr, cette ambiguïté répondait mieux à
la recherche d'un compromis que l'extension du vote à la majorité
qualifiée. Du reste, si les coopérations renforcées
trouvent désormais leur place dans le dispositif institutionnel,
c'est
au prix de restrictions qui en limitent considérablement la
portée
.
1. Un dispositif étroitement encadré
Le
mécanisme des coopérations renforcées ne s'applique que
pour le " pilier " communautaire et le " troisième
pilier ". Il est en revanche implicitement exclu pour la politique
étrangère et de sécurité commune (deuxième
pilier) qui fait l'objet de dispositions spécifiques.
Le dispositif s'organise autour de
principes communs
présentés dans un nouveau titre (VII) du traité sur
l'Union européenne et de dispositions spécifiques respectivement
adaptées au pilier communautaire et au troisième
pilier.
a) Les dispositions communes
•
Le recours aux coopérations renforcées
doit
répondre à
six exigences
(art. 43 du traité de
l'Union européenne) :
- favoriser la réalisation des objectifs de l'Union,
- respecter les principes des traités et le cadre institutionnel unique
de l'Union,
- n'être utilisé qu'en dernier ressort,
- concerner au moins une
majorité d'Etats membres
,
- n'affecter ni l'acquis communautaire, ni les droits et obligations des Etats
qui n'y participent pas,
- être
ouverte à tous les Etats membres.
•
Les conséquences sont de deux ordres
:
-
seuls les Etats participant à la coopération
renforcée prennent part aux décisions
(art. 44 § 1du
traité de l'Union européenne),
- à l'exception des coûts administratifs occasionnés pour
les institutions, les
dépenses
liées aux
coopérations renforcées
incombent aux seuls Etats
participant
, sauf si le Conseil, à l'unanimité, en
décide autrement (art. 44 § 2 du traité de l'Union
européenne).
•
Les conditions de mise en oeuvre (art. 40 TUE, art. 2 TCE) :
- la mise en oeuvre d'une coopération renforcée résulte
d'une
décision du Conseil à la majorité
qualifiée
;
- cependant, un Etat peut s'opposer à l'autorisation de recourir
à une coopération renforcée en arguant de
" raisons de politique nationale importantes ".
Dans ce cas,
il n'est pas procédé au vote ; le Conseil peut simplement
à la majorité qualifiée renvoyer la décision au
Conseil européen appelé dès lors à se prononcer
à l'
unanimité
.
La
mise en oeuvre
d'une coopération renforcée est
placée sous le
contrôle de la Cour de justice des
Communautés européennes
. Son
fonctionnement
relèvera également de la Cour dans les conditions qui sont
respectivement propres au titre VI du traité de l'Union
européenne et au traité instituant la Communauté
européenne.
b) Une différenciation selon les domaines concernés
Les
dispositions particulières
au troisième pilier comme
celles qui valent pour le traité communautaire ajoutent de
nouvelles
conditions
à ce cadre général
pourtant déjà restrictif. Cependant, assez logiquement, le
système mis en place pour la coopération policière et
judiciaire en matière pénale laisse plus de marge aux Etats que
le dispositif relatif au pilier communautaire.
Les différences portent principalement sur les conditions de recours aux
coopérations renforcées et le rôle joué par la
Commission.
• Si le traité fixe
deux conditions supplémentaires
pour le troisième pilier
(respecter les compétences de la
Communauté et permettre à l'Union de devenir plus rapidement un
" espace de liberté, de sécurité et de justice -art.
40 § 1 TUE-, il en ajoute
cinq autres pour les coopérations
renforcées mises en oeuvre dans le cadre communautaire
(ne pas
concerner les domaines relevant de la compétence exclusive de la
Communauté, ne pas affecter les actions de la Communauté, ne pas
entraîner de discriminations entre les ressortissants des Etats-membres,
demeurer dans les limites des compétences communautaires et enfin, ne
pas apporter d'obstacles aux échanges).
• La deuxième grande différence tient au
rôle de
la Commission
, simplement
consultée dans le cadre du
troisième pilier, maître de la procédure dans le premier
pilier
. En effet, dans le domaine communautaire, il revient à la
Commission de soumettre au Conseil, à la demande des Etats-membres, une
proposition de coopération renforcée. Elle peut bloquer toute
proposition à condition toutefois d'en indiquer les motifs (art. 11
§ 2). De même, c'est à la Commission de statuer sur la
demande de participation d'un Etat à une coopération
renforcée dans un délai de 4 mois à compter de la
notification d'une telle demande (art. 11 § 3). En revanche, dans le
troisième pilier, cette responsabilité incombe au Conseil :
la demande de l'Etat est réputée approuvée sauf si le
Conseil décide à la majorité qualifiée de la "tenir
en suspens" (art. 40 § 3).
2. Des mécanismes incompatibles avec l'expression d'une capacité d'initiative
a) Un système marqué en fait par la logique de l'unanimité
Parmi les
conditions
nécessaires à la
mise en oeuvre d'une coopération, trois paraissent injustifiées
et
risquent de rendre inopérant
l'instrument institué par
le traité d'Amsterdam.
- L'exigence d'une majorité d'Etats -8 dans la situation
présente- pour mettre en place une coopération renforcée
suppose dès le départ un accord assez large sur l'action qu'il
convient d'entreprendre. Or, les initiatives les plus novatrices sont le fait
d'un
nombre réduit
d'Etats -rarement plus de six- et elles ne
produisent d'effet d'entraînement qu'après avoir
démontré, dans la pratique, leur intérêt. A cet
égard, l'expérience des
accords de Schengen
apparaît
éclairante. Au noyau initial formé par l'Allemagne, la France et
les pays du Benelux, ce sont en effet successivement joints la quasi
totalité des pays de l'Union ;
elle n'aurait en tout cas jamais
pu se concrétiser dans le nouveau cadre posé par le traité
d'Amsterdam
.
- La possibilité pour un Etat de soulever une "raison de politique
nationale importante" pour s'opposer à la mise en place d'une
coopération renforcée constitue un véritable
droit de
veto
. Il appartient en effet alors au Conseil européen de se
prononcer en dernier ressort sur une décision dans ce domaine et
l'unanimité requise alors permettra à l'Etat
intéressé de faire prévaloir sa position, même si
elle reste minoritaire parmi les Quinze.
La formule retenue s'éloigne du schéma proposé par la
contribution franco-allemande à la Conférence
intergouvernementale le 18 octobre 1996 qui écartait tout droit de veto.
La restriction apportée par le traité d'Amsterdam contredit en
effet l'objectif même des coopérations renforcées
destinées précisément à surmonter les
réticences de certains Etats membres pour poursuivre l'oeuvre
d'approfondissement de la construction européenne. En outre, la notion
de " raison nationale importante " ouvre une
marge
d'appréciation assez large
pour les Etats qui souhaitent l'invoquer
-le compromis de Luxembourg dont l'inspiration est voisine apparaît
lui-même
plus strict
et mentionne un intérêt
"
très"
important.
-
Le droit de veto reconnu à la Commission pour les
coopérations renforcées dans le domaine communautaire
ne
correspond pas à l'esprit qui doit présider à ces
coopérations. Certes, la Commission joue un rôle majeur dans le
premier pilier -la contribution franco-allemande du 18 octobre 1996 proposait
du reste de lui permettre de s'exprimer par un avis conforme sur la
compatibilité des coopérations renforcées avec les
objectifs du traité mais lui refusait en revanche le droit de se
prononcer en opportunité.
La possibilité de soumettre au Conseil des propositions de
coopérations renforcées aurait dû relever de
l'initiative partagée
de la Commission et des Etats membres. Une
telle solution serait apparue particulièrement opportune au moment
où le traité d'Amsterdam opérait le transfert du
troisième au premier pilier des compétences en matière de
libre circulation des personnes. Or ce domaine -champ privilégié
de la coopération conduite dans le cadre des accords de Schengen-
justifie encore des approfondissements et le recours éventuel aux
coopérations renforcées. Dans cette perspective et compte tenu de
la nature même d'un sujet si étroitement lié aux
intérêts souverains des Etats, l'exclusivité
réservée à la Commission n'a aucun véritable
fondement.
Certes, la Commission n'engagera sans doute pas d'épreuve de force avec
un groupe d'Etats résolus à aller de l'avant. Un certain
pragmatisme finira sans doute par prévaloir. Cependant, dans son
principe, le traité sur ce point n'est pas satisfaisant.
Dans ces conditions, quels domaines pourront faire l'objet de
coopérations ?
b) Le champ d'application des coopérations renforcées
Cette
question se pose avec d'autant plus d'acuité que la politique
étrangère et sécurité commune a été
exclue du champ de la coopération renforcée alors même que
ce domaine se prête par excellence à des actions conduites en
cercle restreint.
Rien n'interdit cependant aux Etats de s'affranchir du système
institutionnel européen pour renforcer leur coopération dans un
domaine particulier. Toutefois le traité d'Amsterdam aura alors, par
excès de précautions, manqué son but qui était
précisément de réintégrer dans un cadre
institutionnel unique des initiatives apparues aux marges du
traité.
DEUXIÈME PARTIE - DROITS FONDAMENTAUX ET POLITIQUES COMMUNES : L'UNION EN QUÊTE D'UNE DIMENSION PLUS HUMAINE
Si le
processus de construction européenne reste encore soutenu par une large
partie de l'opinion publique au moins en France, il ne rencontre plus ni la
même faveur, ni le même enthousiasme. Incontestablement, l'
"euroscepticisme" s'est développé au cours des dernières
années. Certes, il entre dans cette évolution des facteurs
étrangers au projet européen : la crise économique, le
mouvement de "mondialisation", creuset d'un certain désarroi et du repli
identitaire. En outre, la position de certains gouvernements tentés de
se défausser sur Bruxelles, et singulièrement sur la mise en
place de l'Union économique et monétaire, de l'indispensable
effort de rigueur budgétaire, n'a pas manqué
d'ambiguïté. Il n'en reste pas moins que l'Europe a donné
d'elle-même l'image d'une construction excessivement bureaucratique,
interventionniste et peu soucieuse de respecter les identités des
peuples qui composent l'Union. Les débats soulevés par la
ratification du traité de Maastricht ont représenté
à cet égard un premier avertissement.
Les travaux de la Conférence intergouvernementale traduisent
incontestablement une volonté de "recadrer" le processus de construction
européenne dans une double perspective :
- l'affirmation d'un "modèle européen" dont la dimension sociale,
notamment, est clairement affirmée,
- l'ouverture des politiques communes, marquées jusqu'à
présent par des priorités économiques, sur des
préoccupations plus proches des citoyens (l'emploi, l'environnement, la
santé, la transparence).
Certes ces thèmes n'étaient pas étrangers à
l'esprit qui animait les "pères fondateurs" de la Communauté.
Leur écho, toutefois, s'était progressivement affaibli, face au
défi du marché commun, du marché unique et enfin de
l'Union économique et monétaire.
I. LES DROITS FONDAMENTAUX : L'AFFIRMATION D'UN "MODÈLE EUROPÉEN"
Le
traité d'Amsterdam dessine les contours d'un "modèle
européen"
fondé à la fois sur l'attachement aux
principes fondamentaux et aux droits sociaux
. Certes, il n'y a en la
matière aucune innovation réelle. L'Union a toujours
constitué un "club" des démocraties. Ce principe se trouve
dès l'origine au coeur du projet européen. Quant aux droits
sociaux, leur reconnaissance, certes plus tardive, a trouvé son
expression dans le protocole sur la politique sociale et l'accord sur la
politique sociale signés à Maastricht en 1992 par tous les Etats
membres à l'exception du Royaume-Uni.
Le traité consacre ainsi des principes déjà largement
admis. Il leur apporte cependant des infléchissements dignes
d'intérêt.
A. LES DROITS FONDAMENTAUX : UNE ÉVOLUTION PLUS SYMBOLIQUE QUE RÉELLE
Si les Etats ont continué de s'opposer à l'adhésion de la Communauté européenne à la convention européenne des droits de l'homme, ils ont toutefois confirmé l'ancrage de l'Union à une communauté d'Etats de droit.
1. Le refus maintenu d'une adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'homme
a) Les enjeux d'une adhésion
Les
traités communautaires ne comportaient pas, à l'origine, de
dispositions relatives à la protection des droits fondamentaux. Il
s'agissait en quelque sorte, selon l'heureuse expression de M. Ronny Abraham,
d'
une "Constitution sans préambule".
Cette lacune est apparue
d'autant plus regrettable que les compétences communautaires se sont
étendues au fil des années. Dès lors, la
possibilité pour un acte communautaire d'enfreindre un droit fondamental
ne constituait plus une simple hypothèse d'école. La Cour
constitutionnelle allemande a été ainsi conduite à
contrôler le droit communautaire au regard des droits fondamentaux
inscrits dans la Loi fondamentale allemande.
Cette prise de position qui contredisait le principe de la
supériorité des normes internationales sur le droit interne,
ainsi que les lacunes du droit communautaire, ont poussé la Cour de
justice des communautés européennes à dégager des
principes généraux du droit
inspirés, au premier
rang, par la convention européenne des droits de l'homme. Cette
construction jurisprudentielle s'est trouvée consacrée par le
traité de Maastricht avec l'article F2 (ancienne numérotation)
"l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950,
et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux
Etats membres, en tant que principes généraux du droit
communautaire".
Une adhésion de la Communauté à la Convention
européenne des droits de l'homme n'aurait-elle pas constitué une
solution plus simple ? Cette formule soulevait plusieurs difficultés
d'ordre juridique. Elle rendait nécessaire une modification de la
Convention européenne elle-même qui n'admet pas en effet, en
l'état, l'adhésion d'organisations internationales. Surtout,
comme l'a indiqué la Cour de justice dans un avis du 28 mars 1996, cette
adhésion "revêtirait une envergure constitutionnelle" et "ne
saurait être réalisée que par la voie d'une modification du
traité". Sans doute la position de la Cour avait été
inspirée, dans une certaine mesure, par la crainte de se trouver
subordonnée à une autre juridiction, la Cour européenne
des droits de l'homme, sise à Strasbourg.
Aucune de ces difficultés ne paraissait toutefois insurmontable.
L'ouverture de la Conférence intergouvernementale permettait au
contraire de placer ce thème à l'ordre du jour d'une
révision du traité.
L'adhésion de la Communauté à la Convention
européenne des droits de l'homme présentait un
intérêt certain dans la mesure où elle limitait les risques
de contradiction entre les jurisprudences de la Cour de justice des
Communautés européennes et de la Cour européenne des
droits de l'homme. Le cas ne s'est pas encore présenté mais on
voit bien les difficultés soulevées par l'application d'une
directive qui aurait été validée par les juges de
Luxembourg et jugée contraire aux droits fondamentaux par les juges de
Strasbourg.
b) Le statu quo
Ces
risques n'ont toutefois pas amené les Quinze à revenir sur leur
opposition à une adhésion de la Communauté à la
Convention européenne des droits de l'homme
. Le dispositif du
traité de Maastricht se trouve donc maintenu même si -et c'est
là la seule modification apportée par le traité
d'Amsterdam sur ce point- la clause du respect des droits de l'homme
posée à l'article 6 (ancien article F2) entre désormais
dans la compétence de la Cour de justice. Cette évolution n'a
toutefois de valeur que symbolique : la Cour, rappelons-le, avait
déjà élargi sa compétence dans ce domaine et
l'article 6 lui-même n'est que la codification de sa jurisprudence.
Le statu quo s'explique sans doute par une double raison, politique et
juridique :
- une adhésion de la Communauté à la Convention
européenne des droits de l'homme aurait eu pour conséquence
fâcheuse de permettre à des juges issus d'Etats n'appartenant pas
à l'Union de traiter des affaires mettant en cause la Communauté
européenne ;
- la possibilité de porter des recours devant deux juridictions
internationales aurait allongé les délais nécessaires
à l'adoption d'une décision définitive ; la
sécurité de l'ordre juridique communautaire en aurait souffert et
ce risque a finalement paru plus lourd de conséquences qu'une
contradiction hypothétique de jurisprudences.
2. Un double infléchissement
Le
traité d'Amsterdam a ajouté au titre premier du traité sur
l'Union européenne un nouveau paragraphe sur les
valeurs fondatrices
de l'Union européenne
(art. 6 § 1 TUE)
"L'Union est
fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie,
du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi
que de l'Etat de droit".
De façon significative, cette nouvelle
disposition se substitue, au premier rang des principes communs à
l'Union, à la référence au respect des identités
nationales, désormais placée en troisième position
après la mention des principes démocratiques et du respect des
droits de l'homme, et après la référence à la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et aux
traditions constitutionnelles communes aux Etats membres.
La référence à ces valeurs fondatrices cherche à
aller au-delà d'une simple déclaration de principe. Elle emporte
d'abord deux séries de conséquences à travers la
définition des conditions d'adhésion de nouveaux Etats à
l'Union européenne et la mise en oeuvre d'un mécanisme de
sanctions. Elle conduit par ailleurs à conférer de nouvelles
compétences au Conseil en matière de lutte contre les
discriminations.
a) L'ancrage confirmé de l'Union européenne à une communauté de droit
Une condition explicite de l'adhésion à
l'Union
Que le respect des droits de l'homme ait constitué depuis les
débuts de la construction européenne une condition de la
participation des Etats à ce processus, la chronologie des
adhésions de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal suffirait
à le démontrer. Ces trois pays, en effet, n'ont été
admis au sein de la Communauté qu'après la chute des
régimes autoritaires sous lesquels ils avaient été, les
uns et les autres, gouvernés.
Cependant, la chute du mur de Berlin a conduit la quasi-totalité des
pays d'Europe centrale et orientale à demander leur adhésion
à l'Union européenne. Or ces Etats ne disposent encore que
d'institutions démocratiques récentes et fragiles. C'est pourquoi
les Quinze ont souhaité souligner de façon plus explicite le lien
entre Etat de droit et appartenance à l'Union européenne.
• Au terme de la modification apportée par la Conférence
intergouvernementale au traité,
toute candidature à l'Union
européenne doit être subordonnée au respect par l'Etat
concerné des principes démocratiques et des droits de l'homme
rappelés à l'article 6
(art. 49 TUE). Cette précision
a pour objet principal d'introduire un lien formel qui n'innove en rien par
rapport à la pratique antérieure.
Une telle clause ne constitue certes pas en soi une garantie suffisante. Le
statut du Conseil de l'Europe et l'exigence d'une vérification
préalable de la capacité d'un Etat candidat de respecter les
principes de base du Conseil, n'a pas empêché l'institution
d'accueillir plusieurs pays dont la pratique en la matière
n'apparaissait pas toujours au dessus de tout soupçon. Toutefois, dans
le cadre d'une institution qui n'est pas seulement régie par les
règles du système intergouvernemental mais
bénéficie aussi d'importants transferts de souveraineté,
la plus grande vigilance continuera certainement à s'imposer.
En outre, et c'est là la principale innovation du traité
d'Amsterdam dans ce domaine, la situation des Etats membres au regard du
respect des droits de l'homme fait désormais l'objet d'un contrôle
et de sanctions.
Une nouvelle procédure de sanctions en cas de violation des
droits
Une violation des droits de l'homme apparaît une hypothèse
hautement improbable dans l'Union européenne d'aujourd'hui. Le
sera-t-elle moins dans une Europe élargie à 20 ou 25 ? En fait,
l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale
constitue en soi un acte de confiance dans l'évolution
démocratique de ces Etats. Toutefois, aucun pays ne se trouve à
l'abri de dérives surtout lorsqu'il ne possède pas une longue
tradition de respect de l'Etat de droit.
C'est pourquoi les négociateurs de la CIG se sont accordés sur la
nécessité de mettre en place un
mécanisme de
sanctions
en cas de violation des principes inscrits à l'article 6.
Cette innovation n'est pas avant tout l'expression d'une défiance ; elle
a surtout une
vocation dissuasive
: les avantages de l'appartenance
à l'Union européenne ne sauraient valoir de façon
définitive une fois l'adhésion acquise. L'avertissement s'adresse
avant tout aux adversaires du processus démocratique ; il doit
également permettre aux opinions publiques, au moment des
échéances électorales, d'apprécier les
conséquences de leur choix politique dans une perspective
européenne.
Cependant, une telle valeur dissuasive dépend de la
crédibilité du dispositif envisagé. Une procédure
excessivement rigide et rigoureuse risquait de ce point de vue de se
révéler contre-productive. Les conditions de recours au
mécanisme prévu par le traité d'Amsterdam comme la
portée des sanctions envisagées paraissent, de ce point de vue,
répondre à l'équilibre nécessaire.
• En premier lieu, le recours aux sanctions revêt un
caractère exceptionnel.
Il faut en effet une
"violation grave
et persistante par un Etat membre des principes énoncés à
l'article 6, paragraphe 1"
pour déclencher la procédure.
• En outre, l'initiative dans ce domaine doit relever de
la
responsabilité politique
. C'est pourquoi la compétence de la
Cour de justice a été exclue sur ce point. C'est au
Conseil
européen
qu'il revient de constater l'existence d'une telle
violation, sur la proposition d'un tiers des Etats membres ou de la Commission,
après avis conforme du Parlement européen donné à
la majorité de ses membres. Le Conseil statue à
l'unanimité
sans tenir compte du vote du représentant du
gouvernement de l'Etat membre concerné
(art. 7 § 1 TUE).
De même, il incombe au Conseil de décider, dans un second temps,
des sanctions à mettre en oeuvre.
• Ensuite, le régime des
sanctions
apparaît tout
à la fois souple -il laisse une large marge d'appréciation au
Conseil- et réaliste.
En effet, il prévoit des sanctions suffisamment pénalisantes pour
apparaître dissuasives : la
suspension de certains droits, y compris
du droit de vote,
tandis que l'Etat sanctionné demeure lié
par les obligations souscrites dans le cadre du traité. Cependant le
traité n'envisage pas de sanction plus radicale, comme une
procédure d'exclusion de l'Etat intéressé
6(
*
)
. Le Conseil peut, par la suite, décider de
modifier ou d'annuler ces mesures si la situation a évolué (art.
7 § 3 TUE).
• Enfin, le
mode de décision du Conseil
apparaît
tout à la fois contraignant pour les Etats membres et dissuasif
vis-à-vis de l'Etat sanctionné. Contraignant, dans la mesure
où l'
unanimité
est requise pour constater une violation
des principes démocratiques ou des droits de l'homme. Dissuasif, car les
abstentions ne font pas obstacle à l'adoption d'une telle
décision
, mais aussi parce que les sanctions sont
décidées à la majorité qualifiée et qu'enfin
et surtout, dans tous les cas,
le Conseil statue sans tenir compte du vote
des représentants du gouvernement de l'Etat membre concerné
(art § 4 TUE).
Le mécanisme des sanctions et en particulier la suspension du droit de
vote représente-t-il une atteinte à la souveraineté
nationale ? Une telle préoccupation doit être relativisée
à la lumière de plusieurs observations.
Cette procédure, si elle innove dans le dispositif institutionnel de
l'Union européenne, s'inscrit dans la ligne de plusieurs traités
constitutifs d'organisations internationales comme la charte de l'ONU (art. 5)
ou le statut précité du Conseil de l'Europe (art. 3). Le respect
des principes démocratiques et des droits de l'homme ont par ailleurs,
faut-il le rappeler, leur fondement dans notre Constitution à travers la
référence du premier alinéa du préambule "aux
droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels
qu'ils sont définis par la déclaration de 1789 confirmée
et complétée par le préambule de la Constitution de 1946".
Le Conseil constitutionnel n'a d'ailleurs pas contesté la
conformité de cette disposition du traité d'Amsterdam au regard
de notre Constitution.
b) Une compétence reconnue de l'Union en matière de lutte contre les discriminations
•
Le traité d'Amsterdam ouvre au Conseil la possibilité, sur
proposition de la Commission et après consultation du Parlement
européen, de
prendre à l'unanimité les mesures
nécessaires pour combattre toute discrimination
fondée sur le
sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les croyances, un handicap,
l'âge ou l'orientation sexuelle (art. 13 TUE).
Les trois derniers motifs de non-discrimination (handicap, âge et
orientation sexuelle) n'étaient couverts ni par la Convention
européenne des droits de l'homme, ni par le Pacte des Nations unies sur
les droits civils et politiques de 1966.
Cette disposition ne risque-t-elle pas de donner des compétences
excessives au Conseil aux dépens du principe de subsidiarité ?
Cependant, il convient de le rappeler, le Conseil statue dans la limite des
compétences qui lui sont dévolues par les traités.
En outre, d'après les commentaires recueillis par votre rapporteur
auprès du gouvernement français, les mesures prises en
application du principe de non discrimination devraient être
privées d'effet direct dans le droit interne des Etats membres .
Dès lors, un citoyen de l'Union ne pourrait se prévaloir de cet
article du traité en l'absence d'un texte de droit dérivé.
*
* *
La
Conférence n'a pas, par ailleurs, résisté à la
tentation de préciser certains des droits qui forment le fond commun des
valeurs de l'Union. L'exercice n'est pas sans vanité car il n'emporte
pas de conséquences juridiques concrètes. Il se traduit par deux
déclarations jointes à l'acte final.
La première déclaration (n° 1) porte sur
l'abolition de
la peine de mort
et se borne à un constat : une large
majorité d'Etats membres a adhéré au protocole n° 6
à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
-qui prévoit l'abolition de la peine de mort- et depuis lors, "la peine
de mort a été abolie dans la plupart des Etats membres de l'Union
et n'a plus été appliquée dans aucun d'entre eux".
A ce jour, en effet, seuls la Belgique, la Grèce et le Royaume-Uni n'ont
pas ratifié le protocole n° 6. La France, pour sa part, a accompli
cette procédure le 17 février 1986.
Cependant si, au Royaume-Uni, la peine de mort pour assassinat a
été définitivement abolie le 18 décembre 1969, la
peine capitale reste en vigueur, même en temps de paix, en cas de haute
trahison, en vertu d'une loi de 1914 (et -en Angleterre et au pays de Galles-
pour les actes de piraterie avec violence en application d'une loi de 1837). La
Belgique a récemment adopté un projet de loi abolissant la peine
de mort mais, depuis 1963, toutes les condamnations à la peine capitale
prononcées pour des crimes de droit commun avaient été,
à une exception près, commuées.
Une seconde déclaration (n° 11) relative au
statut des
Eglises
rappelle les principes de neutralité observés par
l'Union européenne ; celle-ci, en effet, "respecte et ne préjuge
pas le statut, dont bénéficient en vertu du droit national les
Eglises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats
membres" ; à la demande de la Belgique, la déclaration concerne
également "le statut des organisations philosophiques et non
confessionnelles".
B. LES SPÉCIFICITÉS DU MODÈLE EUROPÉEN
L'ouverture du traité d'Amsterdam vers une dimension plus sociale n'a pas seulement pour objectif de procurer une manière de contrepartie à la mise en place de l'Union économique et monétaire. Elle constitue un trait essentiel d'un "modèle européen" auquel se rattache également la notion de "services d'intérêt économique général". L'orientation ainsi donnée n'est pas entièrement nouvelle ; les réseaux transeuropéens, la recherche communautaire, la politique des consommateurs ... autant d'actions destinées à asseoir les bases d'un modèle social européen.
1. La dimension sociale
Une
préoccupation plus grande accordée aux droits sociaux a conduit
les négociateurs à compléter le préambule par un
nouveau paragraphe destiné à confirmer l'attachement des Quinze
"aux droits sociaux fondamentaux tels qu'ils sont définis dans la Charte
sociale européenne signée à Turin le 18 octobre 1961,
et dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des
travailleurs de 1989".
La dimension sociale se traduit par l'intégration du protocole social de
1992 au corps même du traité communautaire et par une extension
limitée des compétences du Conseil pour la défense de
certains droits sociaux.
a) L'intégration du protocole social au traité communautaire.
Compte
tenu des réticences du Royaume-Uni à donner quelque rôle
que ce soit à l'Europe dans le domaine social, les onze Etats membres
convaincus, malgré tout, de ne pas laisser ce vaste domaine à
l'écart de la construction européenne, s'étaient
résignés à signer en 1992 un texte séparé,
annexé sous la forme d'un protocole au traité de Maastricht.
L'évolution de la position britannique à la suite du changement
de gouvernement en mai 1997, a permis à la faveur de la CIG, d'abroger
le protocole social et d'en reprendre les principales dispositions dans le
traité communautaire.
Cette transposition n'a entraîné
aucune modification quant
à la répartition
des matières entre décisions
à la majorité qualifiée ou décisions à
l'unanimité.
De même
toute mesure d'harmonisation demeure exclue
pour les
rémunérations, le droit d'association, le droit de grève
ainsi que le droit de "lock out".
D'une façon générale, au delà des affirmations de
principe, les Quinze ont observé une grande
prudence
pour la mise
en oeuvre concrète des objectifs affichés à
l'échelle européenne :
- les actions dans le domaine social reposent sur la
coopération
et la
coordination
entre Etats membres sous l'impulsion de la Commission
(art. 140) ;
- le Conseil se borne à "arrêter, par voie de directives, des
prescriptions minimales
applicables progressivement, compte tenu des
conditions et des réglementations techniques existant dans chaque Etat
membre" (art. 137, § 2) ;
- enfin, une déclaration annexe du traité permet de ranger les
dépenses liées aux actions dans le domaine social dans la
catégorie des
dépenses au titre des politiques internes de la
Communauté
(dépenses regroupées dans la rubrique 3 des
perspectives financières) ; les actions dans ce domaine ne peuvent ainsi
servir de base juridique à des programmes financiers
supplémentaires non prévus dans le budget communautaire comme
pouvaient le craindre certains Etats membres.
b) Une extension des compétences du Conseil
La seule
innovation
, dans le domaine social, tient à l'extension des
compétences du Conseil dans
deux domaines
:
- l'égalité du traitement entre hommes et femmes en
matière d'emploi,
- la lutte contre l'exclusion sociale
• Le Conseil peut statuer, dans le cadre de la procédure de
codécision, pour assurer l'application du principe de
l'égalité des chances et de l'égalité de
traitement entre les hommes et les femmes en matière d'emploi et de
travail
(art. 141 § 3).
Jusqu'à présent, le traité reconnaissait seulement le
principe de l'égalité des rémunérations et laissait
aux Etats membres la responsabilité d'en assurer l'application.
Toutefois, dans les faits, le Conseil n'était pas resté inactif :
il avait adopté, dès le 9 février 1976, une directive
relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de
traitement entre hommes et femmes pour l'accès à l'emploi,
à la formation et à la promotion professionnelle. Le
traité d'Amsterdam consacre cette évolution.
Le traité laisse également aux Etats membres la faculté de
prévoir des avantages spécifiques pour faciliter l'exercice d'une
activité professionnelle par le sexe sous-représenté. Le
principe de "discrimination positive" (bien connu sous sa formulation
anglo-saxonne d'"affirmative action"), interprété jusqu'à
présent de façon stricte par la Cour de justice
7(
*
)
devrait désormais recevoir ainsi une
application plus large.
• En second lieu, le Conseil peut adopter en codécision des
mesures destinées à encourager la coopération dans le
domaine de l'exclusion
.
2. L'équilibre entre la recherche de la compétitivité et la défense de l'intérêt général
Le
traité d'Amsterdam a cherché à instaurer un
équilibre entre les considérations liées, d'une part, au
libéralisme économique et, d'autre part, à la
défense d'un "modèle social européen". C'est pourquoi il a
introduit deux notions apparemment contradictoires : la mention d'un
"haut
degré de compétitivité"
parmi les nouvelles missions
de la Communauté et -comme le souhaitait la France- la reconnaissance
des
"services d'intérêt économique
général"
parmi les valeurs communes de l'Union. Est-ce
là une incohérence, fruit habituel de la culture de compromis
propre à la négociation européenne ? Ou faut-il y voir
plutôt deux traits complémentaires du modèle
économique européen ?
Cette dernière interprétation mérite sans doute de
prévaloir.
a) La reconnaissance des "services d'intérêt économique général" parmi les valeurs communes de l'Union
Que
recouvre cette notion de "service d'intérêt économique
général".? La jurisprudence de la Cour de justice
8(
*
)
permet d'en mieux préciser les contours ; il
s'agit
d'entreprises publiques ou privées auxquelles l'Etat confie
par un "acte de puissance publique" la mission de procurer un service
destiné à satisfaire les besoins collectifs du public
.
•
La reconnaissance de ces services parmi les valeurs communes
s'explique par leur rôle essentiel pour "la cohésion territoriale
de l'Union".
Elle justifie dès lors l'obligation faite à la
Communauté et à ses Etats membres -"chacun dans la limite de ses
compétences"- de garantir à ces services les conditions
nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Comment ce
principe peut-il se conjuguer avec le respect des règles de concurrence
?
b) La prise en compte des règles de concurrence
La
recherche d'un haut degré de compétitivité,
mentionnée à la demande des Allemands, doit inspirer l'ensemble
des politiques et actions communautaires.
En fait, aux termes d'une disposition déjà inscrite dans le
traité communautaire (art. 86 § 2), l'application des règles
de concurrence ne devait pas faire échec à l'accomplissement, en
droit ou en fait, de la mission impartie aux entreprises chargées de la
question de service d'intérêt économique
général. Il faut prêter attention à la formulation
rigoureuse employée par le traité. Il ne suffit pas que les
règles de concurrence gênent la mission d'intérêt
général, elles doivent la rendre impossible.
Le respect de la mission d'intérêt général peut,
à cette condition, dicter, comme le montre la jurisprudence de la Cour
de justice
9(
*
)
, non seulement des restrictions,
mais aussi
l'exclusion de toute concurrence
de la part d'autres
opérateurs économiques. Une déclaration à l'Acte
final (n° 13) souligne du reste la nécessité de respecter la
jurisprudence de la Cour de justice relative aux principes
d'égalité de traitement, de qualité et de
continuité de ces services.
*
* *
Par
ailleurs, la reconnaissance générale de la notion
d'intérêt économique général trouve deux
applications précises dans le traité sous la forme d'un protocole
et d'une déclaration consacrés respectivement au service public
de radiodiffusion et aux établissements de crédit de droit public
en Allemagne.
Le service de radiodiffusion
Au terme d'un protocole (n° 9), les Quinze ont souhaité confirmer
la compétence des Etats membres pour pourvoir au financement des
services publics de radiodiffusion pour l'accomplissement de leur mission de
service public, en précisant cependant que ce financement ne doit pas
altérer les échanges et la concurrence dans la Communauté
dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
Les établissements de crédit de droit public en
Allemagne
Une déclaration (n° 37) de la Conférence prend acte de
l'avis de la Commission selon lequel les établissements de crédit
de droit public en Allemagne assurent une fonction de "service
d'intérêt économique général" tandis que les
avantages dont ils disposent -en contrepartie des coûts inhérents
à leurs prestations- ne sont pas incompatibles avec les règles de
concurrence en vigueur. Le Luxembourg et l'Autriche ont également
souhaité que leurs établissements de crédit dotés
d'une structure comparable soient considérés de la même
façon.
II. LES NOUVELLES PRIORITÉS DE L'ACTION COMMUNAUTAIRE
Le souci de mieux tenir compte des préoccupations des citoyens s'est traduit par l'introduction d'un nouveau titre consacré à l'emploi ainsi que par un renforcement des dispositifs relatifs à l'environnement et à la santé. Au-delà de ces aménagements apportés au champ d'application des politiques communes, les méthodes même de l'action communautaire s'inspirent désormais d'un plus grand souci de transparence. Une telle préoccupation s'exprime notamment à travers la reconnaissance d'un droit d'accès aux documents des institutions européennes et un plus grand souci attaché au contrôle des fonds européens.
A. DES POLITIQUES COMMUNES PLUS PROCHES DES ASPIRATIONS DES CITOYENS
1. L'emploi : la mise en place d'une nouvelle procédure destinée à promouvoir la coordination des politiques nationales
Dans des
domaines où les compétences des Etats demeurent entières,
il ne saurait y avoir de politiques communes mais seulement un effort de
coordination.
Le traité d'Amsterdam a assigné une nouvelle action à la
liste des missions dont se trouve investie la Communauté : "la promotion
d'une coordination entre les politiques de l'emploi des Etats membres en vue de
renforcer leur efficacité par l'élaboration d'une
stratégie commune pour l'emploi" (art. 3 (i)).
Il lui consacre
par ailleurs
un nouveau titre
.
Si l'emploi constitue une question
"d'intérêt commun" (art. 126 § 2), la compétence de la
Communauté se limite à encourager la coopération entre
Etats membres "en soutenant et, au besoin, en complétant leur action"
(art. 127 § 1).
Ce principe essentiel commande l'ensemble de l'action communautaire.
a) La procédure de coordination
•
La
procédure de coordination
concernant les
politiques de
l'emploi
s'organise autour de
quatre étapes
:
- l'adoption, chaque année, par le
Conseil européen
de
conclusions sur la situation de l'emploi
dans la Communauté
à partir des informations présentées dans un rapport
conjoint du Conseil et de la Commission (art. 128 § 1) ;
- sur la base de ces conclusions, la définition par le Conseil statuant
à la majorité qualifiée sur la proposition de la
Commission (après consultation du Parlement européen, du
Comité économique et social, du Comité des régions
et du Comité de l'emploi) de
lignes directrices
dont les Etats
membres tiennent compte dans leur politique de l'emploi (art. 128 § 2) ;
-
l'examen par le Conseil
de la mise en oeuvre
des politiques
nationales
de l'emploi à la suite du rapport remis par chacun des
Etats membres (art. 128 § 4) ; au terme de cet examen, le Conseil peut
adresser sur recommandation de la Commission, et s'il le juge utile, des
recommandations aux Etats membres ;
- les
actions d'encouragement
adoptées par le Conseil dans le
cadre de la procédure de codécision. Celles-ci toutefois ne
pourront pas déboucher sur une harmonisation des dispositions nationales
(art. 129). Les Etats ont voulu en fait permettre l'adoption de programmes
d'action financés sur la base des moyens budgétaires
arrêtés dans le budget communautaire chaque année. Les
propositions de la Commission dans ce domaine avaient été
bloquées jusqu'à présent par l'exigence de
l'unanimité. Par ailleurs, au terme d'une déclaration (n°
23) dans l'Acte final, les actions d'encouragement devront toujours comporter
des précisions sur les raisons de leur adoption (en justifiant en
particulier d'une valeur ajoutée pour la Communauté), sur leur
durée (inférieure à cinq ans) et sur le montant maximal de
leur financement. Cette déclaration répond à une demande
de certains Etats préoccupés par l'hypothèse d'une
utilisation du nouveau dispositif relatif à l'emploi comme base
juridique pour l'adoption de programmes financiers importants.
b) La création d'un comité de l'emploi
• Enfin, le Conseil, après consultation du Parlement européen, instituera un Comité de l'emploi à caractère consultatif appelé à formuler des avis et à suivre l'évolution de la situation de l'emploi dans les Etats membres et dans la Communauté (art. 130). A cet égard, il importe de le rappeler, le Comité sera obligatoirement consulté par le Conseil avant la définition des lignes directrices en matière d'emploi 10( * ) .
2. Le souci de la qualité de vie
Cette dimension humaine se traduit principalement, dans le cadre des politiques communes, par une attention particulière accordée à la "qualité de la vie" à travers les aménagements apportés au dispositif relatif à l'environnement et à la santé publique.
a) L'environnement : les dérogations nationales aux mesures communautaires placées sous surveillance
Le
traité d'Amsterdam apporte deux modifications principales au dispositif
relatif à l'environnement
• En premier lieu, il consacre la notion de "
développement
durable",
mentionnée parmi les nouveaux objectifs de l'Union
européenne (art. 2 TUE) comme de la Communauté (art. 2).
La Communauté doit en conséquence assurer un "niveau
élevé de protection et d'amélioration de la qualité
de l'environnement" (art. 6), mais aussi tenir compte des exigences
liées à la protection de l'environnement dans la
définition et la mise en oeuvre des politiques communautaires.
Désormais, si l'exigence d'un niveau de protection élevé
continue de s'imposer aux propositions de la Commission, le Parlement et le
Conseil européen doivent également s'efforcer d'atteindre cet
objectif (art. 95 § 3).
Le principe du développement durable s'est imposé lors de la
Conférence des Nations unies sur l'environnement et le
développement réunie à Rio de Janeiro en 1992 : il vise
à promouvoir une croissance capable de satisfaire les besoins actuels
des populations sans remettre en cause les intérêts des
générations à venir ; dans cette perspective, les Etats
doivent, en particulier, réduire et éliminer les modes de
production non viables.
La procédure de codécision se substitue à la
procédure de coopération et permet un renforcement de
l'intervention du Parlement européen dans ce domaine. En outre, le
Comité des régions devient un organe de consultation obligatoire
avant l'adoption de décisions en matière d'environnement.
•
L'introduction de dispositions nationales après l'adoption
par le Conseil ou la Commission d'une mesure d'harmonisation obéit
désormais à des conditions strictement définies
: la
mesure nationale en cause doit se fonder sur des "preuves scientifiques
nouvelles" et répondre à un "problème spécifique"
survenu après l'harmonisation communautaire ; enfin, la Commission
dispose d'un délai de 6 mois -éventuellement prolongé
d'une nouvelle période d'une même durée- pour rejeter ou
approuver cette mesure après avoir vérifié sa
conformité aux principes du fonctionnement du marché
intérieur. Par ailleurs, si une disposition nationale dérogatoire
est ainsi acceptée dans le cadre de cette procédure, la
Commission examine "immédiatement" s'il apparaît nécessaire
de modifier la mesure d'harmonisation communautaire.
Par ailleurs, la Commission prend l'engagement, inscrit dans une
déclaration de la Conférence, de préparer, selon les
besoins, des études évaluant l'impact sur
l'environnement.
b) La santé : les conséquences des crises du sang contaminé et de la "vache folle"
Le
traité d'Amsterdam a également apporté, dans le domaine de
la santé, deux aménagements au dispositif existant :
• En premier lieu, les
exigences liées à un niveau
élevé de protection de la santé publique
doivent
désormais être
systématiquement prises en compte dans la
définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques ou actions
communautaires
(art. 152). Du reste, si un Etat membre soulève un
problème particulier de santé publique dans un domaine qui a fait
l'objet d'une harmonisation, la Commission doit examiner immédiatement
s'il y a lieu de proposer des mesures appropriées au Conseil (art. 95
§ 8).
• Ensuite, le
Conseil
dispose désormais de
pouvoirs
plus étendus
; au-delà des actions d'encouragement, il peut
en effet adopter à la
majorité qualifiée
dans le
cadre de la
procédure de codécision
(art. 152 § 4) :
- des mesures fixant des
normes élevées de qualité et
de sécurité des organes et substances d'origine humaine,
du
sang et des dérivés du sang -tout en laissant aux Etats la
liberté de maintenir ou de prendre des dispositions plus strictes ;
- des
mesures dans le domaines vétérinaires et
phytosanitaires
"ayant directement pour objectif la protection de la
santé publique" ; dans ce domaine, la procédure de
codécision représente une dérogation notable au mode de
décision qui prévaut pour la politique agricole commune pour
laquelle le Parlement européen est simplement consulté.
Le choix des deux domaines où le Conseil se trouve investi d'une
compétence plus large n'est naturellement pas le fruit du hasard. Il
fait écho aux deux crises successives du sang contaminé et de
l'encéphalopathie spongiforme bovine (ou crise de la "vache folle") qui
ont bouleversé les opinions publiques au cours des dernières
années. Distincte dans leur nature comme dans leurs effets, ces deux
crises ont toutefois mis en évidence non seulement les faiblesses des
pouvoirs publics nationaux mais aussi les failles du contrôle
communautaire et, peut-être, l'irresponsabilité de certains
services de la Commission.
A cet égard, le rôle désormais dévolu au Conseil
constitue moins une extension de ses compétences qu'une
réappropriation par l'autorité politique
de mesures dont
l'importance justifie en effet un contrôle renforcé.
Du reste, comme le précise le nouveau dispositif du titre XII ,"l'action
de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte
pleinement les responsabilités des Etats membres en matière
d'organisation et de fourniture de services et de soins médicaux". Si
l'harmonisation demeure ainsi exclue (152 § 5 (e)), l'avancée
permise par Amsterdam se traduit par la recherche de "normes minimales" dans
des domaines précisément définis.
*
* *
Les
aménagements apportés par le traité d'Amsterdam aux
dispositifs relatifs à d'autres politiques communes présentent
une portée plus modeste, mais s'inspirent également d'une
préoccupation plus grande de la qualité de vie du citoyen
européen. Il convient à cet égard de mentionner
la
protection des consommateurs
(art. 153) ; dans ce domaine, la
Communauté n'a plus seulement vocation à maintenir un niveau
élevé de protection : elle s'attache également à
promouvoir les intérêts des consommateurs
dont les droits
sont par ailleurs complétés (notamment avec la reconnaissance de
la possibilité de s'organiser pour la défense des
intérêts communs).
De même, une attention nouvelle est accordée au sport : une
déclaration reconnaît son importance sociale et invite les
institutions de l'Union à consulter les organes représentant les
milieux sportifs lorsque des questions importantes relatives au sport sont
évoquées et mentionne, enfin, la nécessité de tenir
compte tout spécialement des particularités du
sport
amateur.
B. UN AMÉNAGEMENT DES MÉTHODES COMMUNAUTAIRES GUIDÉ PAR LE SOUCI DE LA TRANSPARENCE
1. Un renforcement du contrôle sur l'emploi des fonds communautaires
Cette orientation se traduit par deux types de mesures : un renforcement de la lutte contre la fraude, une intensification de la coopération douanière.
a) Un effort de prévention contre la fraude
La
complexité de la réglementation communautaire dans des domaines
comme la politique agricole commune a pu favoriser des fraudes
particulièrement préjudiciables aux intérêts
financiers de la Communauté. L'enjeu est d'importance car, si l'on en
croit le rapport de la Commission sur la lutte contre la fraude en 1997, les
montants en cause -pour les seuls cas connus- représentent 1 milliard
d'écus en 1997 sur un budget communautaire de l'ordre de 82 milliards
d'écus. Jusqu'à présent, il revenait aux Etats membres, en
collaboration avec la Commission, de déterminer les moyens
nécessaires à la lutte contre la fraude portant atteinte aux
intérêts financiers de la Communauté -assimilée
à la fraude contre leurs propres intérêts. Toutefois,
l'efficacité de ces actions pouvait souffrir de l'incompatibilité
entre les mesures nationales des différents Etats membres ainsi qu'entre
ces mesures et les principes communautaires.
• Le dispositif mis en place par le traité d'Amsterdam
repose-t-il sur un double principe : d'une part,
la lutte contre la fraude
ne relève pas seulement des Etats mais aussi de la
Communauté
, d'autre part, les mesures adoptées doivent
revêtir un caractère dissuasif et offrir une
protection
effective dans tous les Etats membres
(280 § 1).
Dès lors, le traité permet au Conseil, statuant en
codécision, d'adopter, après consultation de la Cour des comptes,
les mesures nécessaires à la prévention de la fraude "en
vue d'offrir une protection effective et équivalente dans les Etats
membres" -ces mesures n'affecteront pas cependant l'application du droit
pénal et l'administration de la justice dans les Etats membres (art.
280 § 4). Enfin, la mise en oeuvre du dispositif fera l'objet
d'un
rapport
remis par la Commission au Parlement et au Conseil
européen, chaque année (art. 280 § 5).
De quoi seront faites ces mesures ? Dans la mesure où le remboursement
des sommes indûment utilisées constitue avant tout une mesure
réparatrice, l'effet dissuasif reposera principalement sur la mise en
oeuvre de sanctions comparables partout en Europe.
A cet égard, la signature, dans le cadre du troisième pilier, de
la convention relative à la protection pénale des
intérêts financiers des Communautés en 1996 constitue un
premier jalon de la démarche à entreprendre. Toutefois, elle
n'est toujours pas entrée en vigueur à ce jour faute de
ratification par les Etats membres.
Enfin, le traité d'Amsterdam inscrit la lutte contre la fraude dans le
cadre plus large du principe de bonne gestion financière auquel les
Etats en coopération avec la Commission, sont tenus de veiller dans
l'utilisation des crédits budgétaires (art.
206 § 3).
b) La coopération douanière
Si la
Convention de Naples signée par les Etats fondateurs de la
Communauté en 1969 avaient déjà posé les bases
d'une coopération douanière, la complexité du partage des
compétences entre les Etats membres et la Communauté avait
limité l'efficacité des actions entreprises dans ce domaine.
Aussi, à la demande de l'Allemagne notamment, le traité
d'Amsterdam introduit un
nouveau titre
consacré à ce sujet
(titre X).
Désormais, le Conseil statuant en codécision prend les mesures
nécessaires au renforcement de la coopération douanière
entre les Etats membres et entre ceux-ci et la Commission. Les mesures prises
dans ce cadre restent bornées par une double limite : elles doivent
s'inscrire dans le champ d'application du traité, elles ne concernent
pas l'application du droit pénal national et l'administration de la
justice dans les Etats membres (art. 135).
2. Les nouveaux droits du citoyen européen vis-à-vis de l'administration communautaire
Le traité d'Amsterdam a cherché à renforcer les droits dont bénéficient les citoyens européens vis-à-vis des institutions communautaires. Si la reconnaissance d'un droit d'accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission consacre une évolution observée déjà depuis plusieurs années, le dispositif relatif à la protection des personnes vis-à-vis des données informatisées représente en revanche une avancée réelle.
a) La reconnaissance d'un droit d'accès aux documents des institutions européennes
Dans la
logique de rapprochement entre le citoyen et l'Union, le traité
d'Amsterdam maintient le principe affirmé à Maastricht de
"décisions prises le plus près possible des citoyens" et ajoute
une référence nouvelle au
"principe d'ouverture"
.
Si le premier volet de cette double orientation n'a reçu aucun
développement notable faute d'une réelle réflexion sur la
subsidiarité, le second a connu une application plus significative
à travers la reconnaissance d'un droit d'accès aux documents des
institutions européennes.
Le traité d'Amsterdam pose désormais pour principe des
décisions prises dans "le plus grand respect possible du principe
d'ouverture" (art. premier TUE). Il faut prêter attention à la
formulation retenue -"le plus grand respect possible". La volonté de
transparence doit composer avec le souci de sauvegarder l'efficacité du
processus de décision et, partant, d'une certaine confidentialité
dans certains cas. Cette double exigence commande l'équilibre retenu
dans le traité.
• Le traité reconnaît le principe d'un
droit
d'accès de tout citoyen de l'Union
et de toute personne physique ou
morale installée dans un Etat membre
aux documents du Parlement
européen, du Conseil et de la Commission
(art. 255 § 1).
Le Conseil définit, à la majorité qualifiée, selon
la procédure de codécision, dans les deux années qui
suivent l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, les conditions
de mise en oeuvre de ce droit et de ses limites -inspirées notamment par
des raisons d'intérêt public et privé (art. 255 §
2). Dans ce cadre, chaque institution élabore dans son règlement
intérieur les dispositions particulières concernant
l'accès à ces documents.
Aux termes des précisions apportées par le traité (art.
207 § 3), les documents du Conseil peuvent être communiqués,
"tout en préservant l'efficacité de son processus de
décision", lorsque cette institution intervient comme
législateur. Le traité précise lui-même la liste
minimale des documents rendus publics dans le cadre de la fonction
législative du Conseil : les résultats et explications de vote,
les déclarations inscrites au procès verbal. Ces documents ont,
en fait, déjà fait l'objet d'une publicité comme le montre
la pratique du Conseil depuis la modification de son règlement
intérieur en 1993.
Il est essentiel, cependant, que le règlement du Conseil s'inspire
également de la réserve qu'observe aujourd'hui cette institution
pour la communication des documents relatifs à des
délibérations en cours. Dans la mesure en effet où ces
textes peuvent révéler la position des parties en
présence, leur communication est généralement
refusée.
La confidentialité apparaît en effet comme une
condition essentielle de l'efficacité du processus
de
décision comme l'avait d'ailleurs souligné un arrêt de la
Cour de justice (Carrel c/Conseil) : les positions nationales doivent rester
confidentielles "particulièrement si les membres sont contraints de s'en
écarter afin qu'un accord puisse se dégager, au point parfois de
ne pas suivre les instructions qui leur ont été données au
niveau national sur un aspect particulier. Ce processus de négociation
(...) vital pour l'adoption de la législation communautaire, serait mis
en péril si les délégations devaient en permanence tenir
compte du fait que leurs positions, telles que consignées dans les
procès verbaux du Conseil peuvent à tout moment être
rendues publiques par la possibilité d'avoir accès à ces
documents".
Ces précautions apparaissent d'autant plus nécessaires que
le
droit d'accès s'applique aux deuxième et troisième
piliers
(en vertu des articles 28 et 41 du traité sur l'Union
européenne). Les négociations relatives à la politique
étrangère et de sécurité comme les sujets
liés à la coopération policière requièrent
naturellement la plus grande discrétion. Jusqu'à présent,
d'ailleurs, la publicité des résultats des votes dans ces
matières supposait un vote à l'unanimité du Conseil.
Enfin, quand un Etat membre remet un document au Conseil et à la
Commission, il peut -comme une déclaration (n° 35) de la
Conférence lui en reconnaît le droit- manifester son souhait que
les institutions de Bruxelles n'en donnent pas communication à un tiers
sans son accord préalable.
*
* *
Le
traité d'Amsterdam manifeste également une volonté de
renforcer la qualité de la législation communautaire
considérée comme l'un des éléments essentiels d'une
plus grande transparence de l'action des institutions. Une déclaration
(n°39) de la Conférence invite ainsi le Conseil et la Commission
à arrêter d'un commun accord
les lignes directrices relatives
à la qualité rédactionnelle de la législation et de
favoriser l'effort de codification
.
Les intentions sont louables. Il n'est pas sûr toutefois en la
matière que le traité d'Amsterdam ait lui-même
montré l'exemple.
b) La protection des personnes à l'égard du traitement des données à caractère personnel
•
Aux termes d'un nouvel article (art. 286),
les actes communautaires relatifs
à la protection des personnes physiques à l'égard du
traitement et de la circulation des données à caractère
personnel s'appliquent aux institutions communautaires à partir du 1er
janvier 1999
.
En outre, avant cette date, le Conseil statuant en codécision devra
instituer un
organe indépendant de contrôle
chargé
de l'application de ces actes aux institutions.
TROISIÈME PARTIE -
LA LIBRE CIRCULATION DES
PERSONNES, LA SÉCURITÉ ET LA JUSTICE : DES AVANCÉES
RÉELLES
L'ensemble des questions liées à la justice et
aux
affaires intérieures relevaient d'une coopération
intergouvernementale que le traité de Maastricht, pour bien en souligner
la spécificité, avait présentée dans un dispositif
distinct, constituant le
troisième pilier
de la construction
communautaire.
Le traité d'Amsterdam assigne à l'Union européenne un
nouvel objectif,
la mise en place d'un espace de liberté, de
sécurité et de justice
(art. 5 TUE). Cet ajout
présente trois mérites principaux :
- il tire les conséquences du principe de la liberté de
circulation et de séjour posé par le traité de Maastricht,
- il institue un
lien
entre une double exigence : la libre circulation
des personnes et les "mesures appropriées en matière de
contrôle des frontières extérieures, d'asile, d'immigration
ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce
phénomène",
- il consacre ainsi les avancées acquises dans le cadre plus restreint
des Etats signataires des
accords de Schengen.
Le principe d'un espace de liberté, de sécurité et de
justice admis, il restait à déterminer les conditions de mise en
oeuvre de cet objectif. Fallait-il poursuivre dans le cadre de la
coopération intergouvernementale fixé par le troisième
pilier au risque de demeurer paralysé par la règle de
l'unanimité ? Convenait-il au contraire de revenir au régime
commun des procédures communautaires (initiative de la Commission,
décision à la majorité qualifiée au sein du
Conseil, codécision du parlement européen) dans un domaine qui
touche si étroitement aux souverainetés nationales ?
Le débat entre tenants de la logique intergouvernementale et partisans
de la procédure communautaire a pu parfois revêtir un tour
dogmatique et masquer la vraie question :
comment garantir la libre
circulation des personnes tout en luttant de la façon la plus efficace
contre le développement d'une criminalité
transfrontalière
?
L'expérience a montré qu'une
action concertée et coordonnée s'avérait plus efficace que
l'isolement. C'est pourquoi, dans le domaine des affaires intérieures et
de la justice, l'impératif d'efficacité interdisait le statu quo.
Ce souci, associé à la volonté de ménager les
souverainetés nationales, a inspiré la solution retenue par le
traité fondé sur un
triple compromis
:
-
une partie des questions relevant du troisième pilier a
été "communautarisée"
pour former le nouveau titre IV
du traité instituant la Communauté européenne (visas,
asile, immigration, franchissement des frontièrees extérieures,
coopération judiciaire civile)
tandis que la coopération
policière et judiciaire en matière pénale continue de
relever de la coopération intergouvernementale dans le cadre d'un
troisième pilier maintenu
;
- la "communautarisation" organisée par le nouveau titre IV
apparaît à la fois
progressive et partielle
;
- le Danemark, le Royaume-Uni et l'Irlande, résolument hostiles à
la "communautarisation" ou, pour les deux derniers pays, au principe même
d'une coopération renforcée dans les domaines concernés
ont obtenu des
statuts dérogatoires.
Malgré ses limites sur lesquelles votre rapporteur reviendra,le
traité d'Amsterdam permet, à ses yeux, dans ce domaine trois
avancées notables :
- la mise en place de
procédures de décision plus efficaces
-à travers la "communautarisation"- pour réaliser cet espace
de liberté ;
-
l'intégration dans le cadre de l'Union européenne de
"l'acquis de Schengen"
et, partant, la reconnaissance d'un socle minimal de
règles préalables à la libre circulation ;
-
l'amélioration du dispositif de coopération
intergouvernemental
pour les matières demeurées sous le
régime du troisième pilier.
I. UNE COOPÉRATION RENFORCÉE MAIS ENCADRÉE
A. L'INTÉGRATION DE L'ACQUIS DE SCHENGEN À L'UNION EUROPÉENNE : UN LIEN GARANTI ENTRE LIBRE CIRCULATION ET MESURES D'ACCOMPAGNEMENT NÉCESSAIRES
Le
traité d'Amsterdam institue un
lien que votre rapporteur juge
essentiel entre la libre circulation des personnes et les mesures
d'accompagnement relatives aux contrôles aux frontières
extérieures, à l'asile et à l'immigration
(art. 2
TUE)
.
La France, la première, avait subordonné la suppression des
contrôles aux frontières communes de l'Union à la mise en
oeuvre des mesures d'accompagnement nécessaires dans le domaine des
contrôles aux frontières extérieures notamment. Notre pays
avait même suggéré que la décision de lever les
contrôles aux frontières intérieures soit prise par le
Conseil, à l'issue d'un délai de cinq ans, au vu de la
réalisation des mesures d'accompagnement nécessaires, sur la base
d'un rapport détaillé de la Commission.
Si cette proposition n'a pas été retenue, le traité
organise cependant une mise en oeuvre parallèle des mesures relatives
à la suppression des contrôles aux frontières
intérieures et des mesures d'accompagnement communes sur le
contrôle aux frontières extérieures, dont la logique
répond aux préoccupations françaises.
Le traité fixe en outre un
délai butoir de cinq ans
à l'harmonisation des mesures dans les domaines déterminés
par le titre IV afin de favoriser la dynamique de la négociation, comme
le souhaitait d'ailleurs le gouvernement français.
Cependant, le traité n'a pas établi un lien formel entre la
levée des contrôles et la mise en oeuvre des mesures relatives
à la sécurité. En outre, la lutte contre la toxicomanie
n'a pas été reprise parmi les "mesures compensatoires"
liées à la libre circulation et il faut le regretter.
Toutefois
l'intégration de "l'acquis de Schengen" à l'Union
européenne apporte en principe la garantie d'un lien entre libre
circulation et sécurité
.
En effet, l'abolition décidée dans le cadre des accords de
Schengen des contrôles fixes aux frontières intérieures des
Etats signataires de ces textes avait pour contrepartie nécessaire un
renforcement de la coopération en matière de
sécurité, en particulier pour la surveillance des
frontières extérieures.
Si le bilan des accords de Schengen en la matière apparaît encore
insuffisant, du moins le dispositif définit
un socle minimal de
règles
qui ont vocation à s'appliquer désormais aux
premier et troisième piliers.
Une déclaration (n° 15) de la Conférence tire toutes les
conséquences de l'intégration de l'acquis de Schengen et rappelle
ainsi que les mesures adoptées par le Conseil pour prendre la suite des
dispositions relatives à l'abolition des frontières communes
contenues dans la convention de Schengen de 1990 maintiendront
un niveau
identique de protection et de sécurité.
*
Le
dispositif mis en place, dans le cadre des accords de Schengen, pour
supprimer progressivement les contrôles aux frontières
communes
entre les Etats-membres de l'Union européenne -à
l'exception du Royaume-Uni et de l'Irlande- a été
intégré aux traités européens sous la forme d'un
protocole annexé au traité d'Amsterdam.
Cette intégration permet, selon votre rapporteur, de rétablir une
plus grande cohérence dans la mise en oeuvre de la libre circulation des
personnes mais elle soulève aussi plusieurs incertitudes compte tenu des
particularités du dispositif Schengen.
1. Une plus grande cohérence
a) Les conséquences de l'intégration
L'intégration se traduit par deux séries de
mesures :
•
l'application immédiate aux Etats-membres de l'"acquis de
Schengen"
qui comprend non seulement les textes fondateurs de la
coopération Schengen (accord de Schengen du 14 juin 1985 et
convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990) et les
accords d'adhésion, mais aussi l'ensemble des décisions
adoptées par le Comité exécutif Schengen,
•
la substitution du Conseil de l'Union européenne au
Comité exécutif, instance de décision des accords de
Schengen
.
L'intégration de "l'acquis de Schengen" met ainsi un terme à la
dualité des structures intéressées à la mise en
place d'un espace voué à la libre circulation des citoyens. En
effet, les Quinze, dans le cadre du troisième pilier, abordaient des
sujets très proches des thèmes traités par les
États signataires des accords de Schengen: coopération dans le
domaine des visas, mise en place d'un système d'information
européen... En fait, seuls certains aspects de la coopération
policière propre à Schengen, comme le droit d'observation et de
poursuite transfrontalière, échappaient aux initiatives des
Quinze. Aussi, la proximité des préoccupations de deux instances
dont la composition se recoupe, par ailleurs, très largement,
n'aurait-elle pas manqué à terme de poser des problèmes de
redondance même si, jusqu'à présent, les
négociations poursuivies à Quinze marquaient le pas par rapport
aux avancées enregistrées par les Etats Schengen.
b) Le maintien de garanties propres à Schengen.
Si
l'intégration revêt la
forme d'une coopération
renforcée
, elle n'en conserve pas moins plusieurs traits propres au
dispositif Schengen.
- En premier lieu, comme le précise l'article 2 de la
déclaration, l'application du dispositif Schengen n'est immédiate
que pour les Etats signataires des accords de Schengen qui ont
déjà rempli les
conditions d'adhésion
; les autres
ne prendront une part entière au dispositif que lorsqu'ils auront
satisfait aux critères fixés par la convention.
- De même, le principe d'une
ouverture automatique
de la
coopération renforcée à tout Etat-membre de l'Union
européenne à condition qu'il respecte la décision initiale
et les décisions prises dans ce cadre plus restreint, n'est pas de mise
ici.
La participation d'un nouvel Etat est en effet subordonnée à un
accord unanime du Conseil (composé pour la circonstance des Etats
parties à la coopération renforcée et de l'Etat candidat).
Le Conseil pourra ainsi veiller au respect par l'Etat demandeur des conditions
fixées par la convention d'application de l'accord de Schengen.
La Cour de justice exercera sur les dispositions et décisions
constituant l'acquis de Schengen les compétences que lui confère
le traité en fonction de la base juridique retenue. Elle ne pourra pas
statuer, ici encore, sur les mesures relatives au maintien de l'ordre public.
En conséquence,
le contrôle de la Cour de justice ne pourra pas
s'appliquer à la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde
prévue à l'article 2 de la convention d'application de l'accord
de Schengen (possibilités de rétablir des contrôles aux
frontières intérieures pour des raisons d'ordre public ou de
sécurité nationale, après consultation des autres Etats
signataires et pour une période limitée).
2. Les incertitudes
Plusieurs incertitudes pèsent encore sur l'application du dispositif Schengen.
a) La définition de la base juridique applicable
En
premier lieu, le Conseil devra déterminer, à l'unanimité,
la base juridique pour chacune des dispositions qui constituent l'acquis de
Schengen (art. 2).
Il conviendra ainsi de faire le partage entre les décisions
appelées à prendre leur place au sein du pilier communautaire
(nouveau titre IV du TUE sur la libre circulation des personnes, l'asile et
l'immigration) ou au sein du troisième pilier (titre VI du TUE). Dans
l'attente de cette ventilation,
l'ensemble des dispositions relève de
la coopération intergouvernementale du titre VI.
Une déclaration (n° 44) à l'acte final précise que
les travaux préparatoires seront entrepris en temps utile pour permettre
au Conseil, dès la date d'entrée en vigueur du traité,
d'adopter toutes les mesures relatives à la définition des bases
juridiques pertinentes.
Un groupe de travail du Conseil a été créé pour
examiner la ventilation de l'acquis de Schengen entre les différentes
bases juridiques du premier et du troisième piliers. Les travaux
progressent même si certaines difficultés subsistent en
particulier sur le Système d'Information Schengen (SIS).
b) La multiplication des statuts particuliers
L'intégration de l'acquis Schengen soulève
la
question des relations entre l'Union européenne, d'une part, et la
Norvège et l'Islande, d'autre part
, devenues membres associés
des accords de Schengen le 19 décembre 1996. Le protocole appelle
en conséquence (art. 6) à la signature d'un accord destiné
à fixer les obligations financières des deux Etats
concernés ainsi que les conditions de leur participation aux instances
de Schengen désormais fondues au sein des institutions
européennes.
L'entrée en vigueur d'un tel accord et du traité d'Amsterdam
devraient intervenir à une date rapprochée afin de faire
concorder les engagements des Etats membres au sein des deux instances.
Enfin,
les statuts particuliers réservés au Danemark, au
Royaume-Uni et à l'Irlande
constituent à coup sûr un
point supplémentaire de complexité. Le premier pays participe
à la totalité des activités conduites dans le cadre de
l'acquis Schengen mais sur la seule base d'une coopération
intergouvernementale. Comment, dès lors, s'organisera
concrètement la participation du Danemark pour les mesures relevant du
pilier communautaire ? Quant au Royaume-Uni et à l'Irlande, s'ils
n'ont pas souscrit à l'acquis de Schengen, ils pourront participer
à tout ou partie des dispositions de cet acquis. Cette "participation
à la carte" -certes subordonnée à un accord unanime du
Conseil (art. 4)- a été refusée aux Etats candidats
appelés, comme c'était du reste souhaitable, à accepter
l'intégralité de l'acquis Schengen (art. 8).
Malgré ces incertitudes, l'intégration de l'acquis Schengen
constitue, selon votre rapporteur, une garantie très appréciable
pour la mise en place d'un espace de libre circulation qui s'inscrira ainsi
dans le cadre des normes et des principes éprouvés de
Schengen.
B. UN TRANSFERT DE COMPÉTENCES PROGRESSIF ET LIMITÉ DES ETATS VERS LA COMMUNAUTÉ
La
"communautarisation" prévue par le traité d'Amsterdam touche cinq
grands domaines : la suppression du
contrôle aux frontières
intérieures
de l'Union, en liaison avec des mesures d'accompagnement
directement liées à cette libre circulation ; la mise en oeuvre
de règles communes pour le
franchissement des frontières
extérieures
, les questions relatives à l
'asile
et
l'
immigration
, la
coopération judiciaire en matière
civile
.
La communautarisation procède d'une démarche progressive :
l'adoption à
l'unanimité
dans un délai de cinq ans
de mesures communes dans plusieurs domaines, la mise en oeuvre au-delà
du délai de cinq ans d'une procédure de décision
communautaire.
C'est précisément ce volet du traité d'Amsterdam -et les
nouveaux transferts de compétence qu'il prévoit- qui, aux termes
d'une décision du Conseil constitutionnel français, requiert une
révision de notre constitution.
1. Une méthode progressive
a) Une période transitoire de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du traité
Le
traité d'Amsterdam fixe aux Etats-membres un délai de cinq ans
pour concrétiser la libre circulation des personnes et la mise en oeuvre
des mesures d'accompagnement nécessaires. Pendant cette période
transitoire de cinq ans,
il statue à l'unanimité sur
proposition de la Commission ou à l'initiative d'un Etat membre
après consultation du Parlement européen
(art. 67 § 1).
Toutefois, la mise en place d'un dispositif commun ne touche pas au même
degré l'ensemble des questions concernées par la libre
circulation des personnes. En outre, un volet essentiel, la coopération
judiciaire en matière civile, échappe quant à elle au
délai de cinq ans.
Libre circulation des personnes et dispositif de contrôle aux
frontières communes : le degré d'intégration le plus
poussé
Dans un délai de cinq ans, le Conseil devra adopter quatre séries
de mesures :
•
la suppression de tout contrôle aux frontières
intérieures
de l'Union pour les citoyens de l'Union mais aussi pour
les ressortissants des Etats tiers (art. 62 § 1) ;
• des
règles communes
pour la mise en oeuvre du
contrôle des personnes aux frontières extérieures
(art. 62 § 2) ;
• la mise en place d'un
dispositif commun relatif aux visas
pour
les séjours de moins de trois mois (procédures et conditions de
délivrance des visas par les Etats-membres, modèle-type de visa,
règles en matière de visa uniforme) ;
• la définition des
conditions dans lesquelles les
ressortissants des pays tiers pourront circuler librement sur le territoire des
Etats-membres
pendant une durée maximale de trois mois (art. 62
§ 3).
L'asile, les réfugiés, l'immigration : un socle de
règles communes minimales
La mise en place de règles communes
dans les autres volets
relatifs à la libre circulation des personnes porte sur des aspects plus
limités :
• pour
l'asile
: les critères de détermination de
l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ainsi que les "normes
minimales" relatives à l'accueil des demandeurs d'asile et aux
conditions d'obtention du statut de réfugié (art. 63 § 1).
Un protocole consacré au droit d'asile
pour les ressortissants
des Etats membres de l'Union européenne a été
annexé au traité d'Amsterdam à la demande de l'Espagne. Il
se fonde sur le constat suivant lequel les Etats de l'Union apparaissent comme
des pays d'origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes
les questions liées à l'asile. Dès lors, un Etat membre se
refusera à instruire une demande présentée par un
ressortissant d'un autre Etat membre sauf si :
- l'Etat d'origine du demandeur d'asile a pris des mesures dérogeant aux
obligations imposées par l'article 15 de la Convention européenne
des droits de l'homme (situation de guerre ou cas de danger public
menaçant la vie de la nation) ;
- la procédure de sanction prévue par le nouvel article 7 du
traité sur l'Union européenne (violation grave et persistante des
libertés fondamentales et principes démocratiques) a
été enclenchée ou conduite à terme à
l'encontre de l'Etat dont est originaire le demandeur d'asile ;
- un Etat membre en a décidé unilatéralement ainsi, auquel
cas le Conseil est immédiatement informé (dans cette
hypothèse, la demande d'asile devra être examinée sur la
base de la présomption qu'elle est manifestement non fondée sans
que le pouvoir de décision de l'Etat membre soit affecté d'aucune
manière).
En outre, la Belgique a choisi pour sa part, comme le précise une
déclaration (n° 5) au protocole, dont la Conférence a pris
note, de procéder à un examen individuel de toute demande d'asile
présentée par un ressortissant d'un autre Etat membre Cette
déclaration revient en fait, pour la Belgique, à écarter
pour son compte l'application du protocole.
Cependant, une déclaration de la Conférence (n° 48) rappelle
que le protocole ne préjuge pas du droit de chaque Etat membre de
prendre les mesures d'organisation nécessaires pour remplir une
obligation au titre de la Convention de Genève de 1951 relative au droit
d'asile.
• pour
l'immigration
: la mise en place de règles communes
portera sur l'immigration clandestine (art. 63 § 3).
• pour
les
personnes déplacées
: les
règles communes s'appliqueront aux conditions d'octroi d'une protection
temporaire (art. 63 § 2)
L'absence de délai
Les Etats sont affranchis du délai de cinq ans pour les mesures qui
doivent être adoptées :
- pour assurer l'équilibre entre les efforts consentis par les Etats
membres pour accueillir les
réfugiés
(art. 63 § 2-b-)
- pour fixer les
conditions d'entrée et de séjour des
étrangers
ainsi que les procédures de délivrance par
les Etats membres de
visas
et de
titres de séjour de longue
durée
(art. 63 § 3-a-)
- pour déterminer les
droits des ressortissants des pays tiers en
situation régulière
, de séjourner dans les autres
Etats membres (art. 63 § 4).
Dans
le domaine de l'immigration
, les Etats membres peuvent maintenir ou
introduire des dispositions compatibles avec le traité.
La coopération judiciaire en matière civile
Dans ce domaine, le traité fixe principalement des objectifs (art. 65) :
- amélioration et simplification (signification transfrontalière
des actes, coopération en matière d'obtention des preuves,
reconnaissance et exécution des décisions)
- favoriser la compatibilité des règles nationales en
matière de conflits de lois et de procédure civile.
*
* *
Aucune des mesures adoptées dans le cadre du nouveau titre ne doit porter atteinte à l'exercice des responsabilités qui incombent aux Etats membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure (art. 64). En outre, comme le prévoit une déclaration (n° 18) annexe au traité d'Amsterdam, les Etats membres continueront à conclure des accords avec des pays tiers (notamment aux fins du regroupement familial). Inspiré par des préoccupations comparables, un protocole (n° 8) confirme la possibilité laissée aux Etats membres de continuer à conclure des accords internationaux définissant les modalités de contrôle lors du franchissement des frontières extérieures.
b) Le verrou d'une décision unanime du Conseil
Au terme
du délai de cinq ans, le traité prévoit le passage
à une procédure inspirée des règles
appliquées aux politiques communes. Il fixe les conditions de cette
évolutiion et pose également des exceptions.
Le principe
•
Au-delà de la période de cinq ans
, le
Conseil
statue sur les seules propositions de la Commission
. Les Etats membres
perdent ainsi leur capacité d'initiative même si, par ailleurs, la
Commission
doit examiner toute demande de proposition d'un Etat
sans
obligation, cependant de la reprendre devant le Conseil (art. 67 § 2).
La France souhaitait que les Etats continuent de partager avec la Commission
l'initiative dans ce domaine. Elle n'a pas été entendue sur ce
point.
• Les
autres éléments de la communautarisation
(vote à la majorité qualifiée, codécision du
Parlement européen)
restent subordonnés à une
décision du Conseil
dont l'intervention apparaît doublement
limitative :
- d'une part, le Conseil se prononce
à l'unanimité
après consultation du Parlement européen ;
- d'autre part, le Conseil peut
moduler le champ d'application
de la
procédure à un double titre, en définissant les domaines
auxquels s'appliquent la communautarisation et en adaptant les dispositions
relatives aux compétences de la Cour de justice.
Les exceptions
Dans le
domaine des visas
, le traité fixe deux catégories
d'exceptions relatives, d'une part, à la période de transition de
cinq ans, et d'autre part, aux conditions de mise en place de la
procédure communautaire complète.
- Le mode de décision à la majorité qualifiée sur
proposition de la Commission, et après consultation du Parlement
européen, s'applique
dès l'entrée en vigueur du
traité
pour la mise en place d'une
liste commune des pays
tiers
soumis à l'obligation de visa et pour la définition
d'un modèle type de visa.
-
Au terme du délai de cinq ans
, la procédure de l'article
251(majorité qualifiée et codécision) s'applique
automatiquement
pour la
mise en oeuvre des procédures de
délivrance de visa
ainsi que pour les règles en
matière de visa uniforme.
2. Une communautarisation incomplète
a) Une compétence limitée pour la Cour de justice
Le
contrôle juridictionnel sur les matières traitées dans le
cadre du titre IV constitue à la fois une nécessité et un
risque.
La question de la liberté de circulation intéresse directement
les libertés publiques. La protection des droits fondamentaux appelle en
conséquence l'intervention du juge communautaire. A cet égard,
l'intégration de l'acquis Schengen dans le cadre de l'Union
européenne satisfait certains des Etats signataires de la convention
d'application de Schengen, soucieux de placer cette construction sous le
contrôle d'une juridiction commune.
Cependant, l'abondance potentielle du contentieux, en particulier pour le droit
d'asile, risquait de paralyser l'activité de la Cour. En outre, la place
dévolue aux droits fondamentaux dans le traité pourrait conduire
la Cour à développer son contrôle au risque, pour le
présent titre, de déséquilibrer le compromis auquel les
négociateurs sont parvenus. L'expérience a en effet
souligné l'interprétation extensive à laquelle la Cour se
livre parfois dans son interprétation.
C'est pourquoi, sans remettre en cause les conditions du contrôle de la
Cour de justice sur le titre IV, le traité procède à
plusieurs aménagements relatif à la compétence
d'interprétation de la Cour.
S'agissant des recours préjudiciels (lorsqu'une juridiction nationale
saisit la Cour pour interpréter ou apprécier la validité
d'une disposition communautaire),
l'intervention du juge communautaire est
limitée aux demandes des juridictions nationales dont les
décisions ne sont pas susceptibles de recours.
En outre, la saisine
de la Cour de justice reste une faculté alors qu'elle est une obligation
dans le droit commun communautaire (art. 68 § 1).
Par ailleurs, le Conseil, la Commission ou un Etat membre, mais non le
Parlement européen, peuvent demander à la Cour de justice
d'interpréter un aspect du traité ou une mesure prise sur le
fondement du titre IV. L'arrêt rendu dans cette circonstance n'est
toutefois pas applicable aux décisions des juridictions nationales qui
ont force de chose jugée (art. 68 § 3).
Si la compétence d'interprétation de la CJCE reçoit ici un
nouveau point d'application, elle demeure, comme dans le cas
précédent, soumise à une initiative qui échappe
à sa maîtrise.
Enfin,
la compétence de la Cour a été
écartée pour les mesures relatives au maintien de l'ordre public
et à la sauvegarde de la sécurité intérieure
prises dans le cadre de la suppression des contrôles aux personnes (art.
68 § 2).
b) Une construction à "géométrie variable"
Le
cas danois : le refus de la communautarisation
Si le Danemark n'est pas hostile à une coopération plus
approfondie dans le domaine de la justice et des affaires intérieures,
comme le montre son
adhésion aux accords de Schengen
, il
récuse en revanche toute forme de "communautarisation" dans ce domaine.
Cette position ne surprendra personne. Les négociateurs danois se sont
souvenus du désaveu exprimé par les électeurs de leur pays
lors du premier référendum surle traité de Maastricht et
revendiquent depuis lors un statut particulier pour plusieurs volets de la
construction communautaire.
Le rejet du système communautaire pour les questions liées aux
affaires intérieures a ainsi conduit à la mise au point d'un
protocole particulier
pour le Danemark annexé au traité
d'Amsterdam.
Aux termes de ce protocole, le Danemark
ne prend pas part aux
décisions adoptées par le Conseil
sur la base du titre IV. Il
en résulte trois conséquences :
- institutionnelle, avec une adaptation des conditions de vote et des
modalités de pondération des voix (art. 1er)
- juridique, dans la mesure où aucune disposition prise en application
de ce titre ni aucune décision d'interprétation de la Cour de
justice ne s'appliquent au Danemark (art. 2).
- financière, enfin, dans la mesure où le Danemark ne supporte
pas le coût éventuel des mesures prises sur la base du nouveau
titre.
Le dispositif souffre une exception : les mesures relatives au visa
-déjà largement communautarisées en vertu de l'ancien
article 100 c du traité de Maastricht- pour lesquelles le Danemark
accepte les procédures posées par le titre IV.
La position du Danemark connaît en outre deux éléments
d'assouplissement.
D'une part, le Danemark peut à tout moment faire savoir à ses
partenaires qu'il ne se prévaudra plus de la totalité ou d'une
partie du protocole. Il subordonnera cette initiative à ses exigences
constitutionnelles, autrement dit à l'accord des électeurs. Le
cas échéant, il appliquera alors toutes les mesures pertinentes
prises par l'Union européenne en son absence (art. 7)
D'autre part, le Danemark peut décider de transposer dans un
délai de 6 mois une décision adoptée par le Conseil pour
développer l'acquis de Schengen sur la base du titre IV (art. 5).
La position du Royaume-Uni et de l'Irlande : le refus d'une approche
commune pour la libre circulation des personnes
Les traits particuliers d'une position insulaire ont conduit le Royaume-Uni et,
dans son sillage, l'Irlande à récuser le
principe
même
d'une
approche commune
de la libre circulation des
personnes.
Si ce refus répond à une inspiration plus radicale que celle qui
a motivé la position danoise, le dispositif applicable à ces
trois Etats apparaît largement commun.
Cependant, les éléments d'assouplissement se distinguent
cependant du régime accordé au Danemark :
- Dans un délai de trois mois à compter de la présentation
au Conseil d'une proposition, le Royaume-Uni ou l'Irlande peuvent notifier au
président du Conseil leur souhait de participer à l'adoption de
la mesure concernée. Dans ce cas, les deux pays seront pleinement
liés par la règle adoptée. Toutefois, afin d'éviter
tout
risque d'obstruction,
aucun des deux Etats ne peut faire obstacle
à l'adoption d'une décision : dans un "délai raisonnable"
la mesure peut en effet être adoptée sans la participation des
deux Etats. Il restera à délimiter précisément la
marge ouverte par ce "délai raisonnable"(art. 3) ;
- Après l'adoption d'une mesure, le Royaume-Uni ou l'Irlande peuvent
notifier au Conseil ou à la Commission leur décision de
l'appliquer selon la procédure fixée par les coopérations
renforcées plus étroite fixée par l'article 11 du
traité.
L'Irlande a joué de son influence pour introduire ces
éléments de souplesse dans un dispositif auquel elle a
adhéré en raison de sa zone de voyage commune avec le
Royaume-Uni. L'article 8 du protocole prévoit d'ailleurs, explicitement
la possibilité pour l'Irlande de ne plus relever du régime
dérogatoire.
La flexibilité introduite par les protocoles a sans doute
été la condition nécessaire pour permettre aux autres
Etats membres d'approfondir leur coopération ; elle n'en contribue pas
moins à compliquer à l'excès le dispositif du
traité.
Un autre protocole (n° 3) habilite en outre le Royaume-Uni à
maintenir des contrôles sur les personnes à ses frontières
avec d'autres Etats membres. Il permet en outre au Royaume-Uni et à
l'Irlande de conclure entre eux des arrangements relatifs à la
circulation des personnes envers leurs territoires dans le cadre d'une "zone de
voyage commune". En contrepartie, les autres Etats membres peuvent continuer
à exercer des contrôles sur les personnes en provenance du
Royaume-Uni et de l'Irlande.
II. LA RECHERCHE D'UNE PLUS GRANDE EFFICACITÉ DANS LE CADRE DES PROCÉDURES INTERGOUVERNEMENTALES POUR LA COOPÉRATION POLICIÈRE ET JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE
A. UN ÉLARGISSEMENT LIMITÉ DU CHAMP DE COOPÉRATION
Des objectifs inchangés
L'objectif du troisième pilier -la mise en place d'un "niveau
élevé de protection"- n'a pas été modifié,
même s'il fait une mention spécifique à la
nécessaire prévention du
racisme
et de la
xénophobie
et à la
lutte contre la traite d'êtres
humains et les crimes contre les enfants
(art. 29). La rédaction
traduit la préoccupation des Quinze à l'égard d'actes
criminels recouverts, dans le traité de Maastricht, sous la formule plus
générale de "formes graves de la criminalité
internationale"- auxquelles l'actualité récente a
conféré, hélas, une singulière acuité.
Trois instruments ont été mis au service de cet objectif : la
coopération entre les forces de l'ordre et les douanes des
différents Etats membres, la coopération entre les
autorités judiciaires et, enfin, le rapprochement "en tant que de
besoin" des règles du droit pénal des Etats membres.
1. La coopération policière et le développement des activités d'Europol
Le traité de Maastricht avait déjà posé le principe d'une coopération policière. Sur ce point, les négociateurs ont seulement détaillé les domaines de cette coopération. Ils ont, en revanche, davantage innové pour les compétences d'Europol.
a) Des méthodes de coopération marquées par le choix de la technicité
Le
traité d'Amsterdam permet de mieux ordonner et d'encadrer une
coopération policière qui a connu de nombreux
développements au cours des dernières années.
Sans doute le champ ouvert à la coopération policière
demeure-t-il très large puisqu'il couvre la prévention et la
détection des infractions pénales et l'ensemble des
enquêtes dans ce domaine. Toutefois, il précise mieux les
méthodes fondées sur trois instruments privilégiés
(art. 30 § 1) :
- la collecte, l'échange et le traitement d'informations ;
- les échanges d'officiers de liaison et les initiatives conjointes pour
l'utilisation des documents et la recherche en criminalistique ;
- l'évaluation en commun de techniques d'enquête
particulières.
L'énoncé de ces méthodes n'est pas indifférent, il
traduit
la place prépondérante accordée au traitement
et à l'analyse scientifique des données par des criminologues.
La quête d'une plus grande technicité rencontre une faveur
certaine dans certains pays, en Allemagne et aux Pays Bas notamment ; les pays
latins tendent à privilégier, pour leur part, les contacts
personnels et la lente infiltration des milieux.
• Enfin, les négociateurs ont ouvert
la possibilité
pour les autorités d'un Etat membre d'intervenir sur le territoire d'une
autre partie avec leur accord
et dans les conditions et les limites
fixées par une décision du Conseil (art. 32). Le traité
reprend ainsi une faculté déjà reconnue dans le cadre de
la Convention d'application de Schengen de 1990 à travers le droit de
suite (droit pour les agents des Etats parties de poursuivre leur observation
sur le territoire d'un autre Etat partie) et le droit de poursuite (droit de
continuer sur le territoire d'une autre Partie la poursuite des personnes
prises en flagrant délit de commission d'infractions
déterminées). Cette nouvelle disposition permet ainsi de
rattacher à une base juridique les dispositions de la convention de
Schengen. Par ailleurs, elle rend possible l'intervention d'équipes
conjointes sur le territoire de plusieurs Etats membres.
b) Un rôle renforcé pour Europol
La
coopération policière a pour instrument privilégié
l'Office européen de police.le traité d'Amsterdam confirme cette
orientation.
Il invite en effet le Conseil, dans un
délai de cinq ans
,
à étendre les compétences de cet organisme à
travers une
triple série de mesures
(art. 30 § 2) :
- la possibilité pour Europol d'
appuyer la mise en oeuvre
d'activités spécifiques d'enquêtes
conduites par les
autorités compétentes des Etats membres, y compris des
actions
opérationnelles
d'équipes conjointes comprenant des
représentants d'Europol ;
- la possibilité pour Europol de demander aux autorités
compétentes des Etats membres de mener et de
coordonner leurs
enquêtes
dans des affaires précises ;
- la capacité pour Europol de
développer des
compétences
spécialisées
au service des Etats
membres pour les enquêtes conduites sur la criminalité
organisée.
En outre, le Conseil doit favoriser le rapprochement entre magistrats et
enquêteurs et permettre la mise en place d'un réseau de recherche,
de documentation et de statistiques sur la criminalité
transfrontalière.
L'élargissement des compétences d'Europol soulève
deux
incertitudes
:
- Les procédures de ratification de l'accord fondateur d'Europol,
signé le 26 juillet 1995, n'ont été conduites à
leur terme par tous les pays signataires que très récemment. La
Convention entrera en vigueur le ler octobre 1998 seulement. Seule
l'
Unité drogue Europol
(UDE), créée par un accord
ministériel du 2 juin 1993, fonctionne aujourd'hui avec des
compétences, il est vrai très proches des attributions d'Europol.
Dans ces conditions, n'est-il pas prématuré d'ajouter de
nouvelles missions à un organisme qui n'a pas encore pu faire valoir
tous ses mérites ?
- Cette question revêt d'autant plus d'acuité que
l'élargissement des compétences d'Europol ne porte pas sur des
aspects mineurs. Ne conduira-t-il pas en effet, à travers, d'une part,
la présence de représentants d'Europol au sein d'équipes
conjointes et, d'autre part, le pouvoir reconnu à cet organisme de
demander aux Etats membres de conduire des enquêtes sur des sujets
précis, à conférer à Europol une compétence
opérationnelle ? Or, la convention avait précisément
borné les attributions d'Europol à la collecte, l'analyse et
l'échange d'informations.
Une
interprétation rigoureuse
des compétences d'Europol
apparaît
nécessaire
. L'intervention d'Europol dans le cadre
d'équipes conjointes doit se limiter à l'analyse d'informations
sur les filières et la mise à disposition de données
collectives par Europol.
En outre, les risques éventuels pour la souveraineté des Etats
paraissent bornés par
deux garde-fous
:
- les "autorités compétentes" des Etats membres constituent un
point de passage obligé pour la coopération policière :
elles pourraient bloquer le cas échéant toute initiative
jugée inopportune ;
- au delà, l'extension des attributions d'Europol reste
subordonnée à une décision du Conseil appelé, en la
matière, à se prononcer à l'unanimité.
L'expérience montrera peut-être l'intérêt de
développer le rôle d'Europol et de lui conférer de
véritables compétences opérationnelles. Dans ce cas, une
modification de la convention qui régit Europol s'avérera de
toute façon nécessaire.
Enfin, une déclaration (n° 7) de la Conférence
prévoit que les actions dans le domaine de la coopération
plénière sont soumises à un contrôle juridictionnel
approprié par les autorités nationales compétentes
conformément aux règles applicables dans chaque Etat
membre.
2. Aucune avancée notable pour la coopération judiciaire
a) Un champ d'action aux contours mieux précisés
Comme
pour la coopération policière,le traité d'Amsterdam
n'apporte pas de novation importante dans le domaine de la coopération
judiciaire et se borne à détailler les volets
privilégiés de cette coopération (art. 31) :
- procédure et exécution des décisions ;
- extradition entre Etats membres.
Toutefois comment espérer une coopération judiciaire efficace
sans rapprochement des législations des Etats membres ? Le traité
se contente dans ce domaine d'une
approche minimaliste
.
La coopération judiciaire dont le principe avait été
posé parle traité de Maastricht, a marqué le pas au cours
des dernières années. Elle rencontre deux obstacles principaux.
En premier lieu, dans ce domaine, la plupart des décisions
relèvent du législateur, voire dans certains pays du pouvoir
constituant ; dès lors, les Etats ont dû recourir à
l'instrument des conventions, prévu par le troisième pilier.
Cependant, les ratifications requièrent une procédure souvent
longue. Aussi bien, aucune convention -en matière d'extradition, de
protection des intérêts financiers des Communautés ou de
corruption- n'a pu entrer en vigueur.
Les impératifs institutionnels n'expliquent pas, seuls, cette situation
; le rapprochement des législations rencontre en effet un second
obstacle, plus profond sans doute : les divisions des partenaires sur des
sujets qui mettent en jeu des cultures et des conceptions de la
société profondément différentes.
b) Un rapprochement des législations sous un angle minimaliste
Le
traité envisage de façon très prudente un rapprochement
des législations.
En effet, il vise à instaurer des règles
minimales
. En
outre, ces dernières concernent un domaine
délimité
aux
éléments constitutifs des infractions pénales
et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité
organisée, du terrorisme et du trafic de drogue
.
Enfin, cette harmonisation, comme l'indique une déclaration (n° 8)
jointe à l'accord,
n'a pas pour effet d'obliger un Etat membre dont
le système judiciaire ne prévoit pas de peine minimale de les
adopter
.
Cette déclaration ne traduit pas seulement les réticences des
Quinze à s'engager sur le voies de l'harmonisation. Elle répond
aussi à une préoccupation française d'ordre juridique : le
nouveau code pénal français, entré en vigueur le 1er mars
1996, a supprimé la notion de minima dans la définition des
peines ; le rapprochement des législations ne devrait donc pas avoir
pour effet de réintroduire en France le principe des peines minimales.
La prudence des négociateurs s'explique surtout par les divergences des
Etats membres sur des questions essentielles telles que la politique à
conduire en matière de toxicomanie. Ce point constitue, on le sait, un
sujet de désaccord profond entre la France et les Pays-Bas. Ce pays
tolère la consommation de cannabis pour usage personnel dans les points
de vente appelés "coffee-shops". Certes, les efforts pour rapprocher les
points de vue n'ont pas été vains. Ainsi, une action commune sur
le rapprochement des législations et des pratiques en matière de
lutte contre la toxicomanie et le trafic illicite de drogue, proposée
par la France, a été adoptée par le Conseil
européen de Dublin. Elle prévoit plusieurs actions
concrètes contre la toxicomanie.
Rapprochement ne signifie pas
toutefois harmonisation
; il est ainsi douteux que les Pays-Bas reviennent
sur la dépénalisation du fait de la possession de drogues douces
pour consommation personnelle.
Le rapprochement des législations ne risque-t-il pas de rester lettre
morte ? L'expérience, certes, n'invite pas à l'optimisme.
Cependant,le traité d'Amsterdam trace un nouveau cadre plus favorable
à une dynamique de rapprochement. En effet, la mise en place d'un socle
commun de règles en matière pénale participe de la
construction d'un espace de liberté, de sécurité et de
justice dont les éléments relèvent du premier pilier.
Dès lors, au moment où le Conseil sera appelé,
après un délai de cinq ans, à se prononcer à
l'unanimité sur le passage à la majorité qualifiée
et à la codécision pour tout ou partie des domaines couverts par
le titre IV du traité communautaire, le Conseil pourrait
légitimement prendre en compte l'état de l'harmonisation en
matière pénale. La France pourrait dès lors
conditionner
son accord à des progrès dans ce
domaine.
B. UNE PLUS GRANDE IMPLICATION DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES
1. Un léger infléchissement de la logique intergouvernementale
Sile traité d'Amsterdam maintient le troisième pilier sous le régime de la coopération intergouvernementale caractérisée d'une part par le rôle prépondérant du Conseil et, d'autre part, par la règle de l'unanimité , il innove sur deux aspects : la place reconnue à la Commission et au Parlement européen et la recherche de procédures de décisions plus efficaces.
a) Un nouveau rôle pour le Parlement européen et la Commission
La
Commission
• La Commission retrouve, pour la coopération policière et
judiciaire en matière pénale, une
capacité d'initiative
que lui avait déniéle traité de Maastricht dans ces
deux domaines (art. 34 § 2).
En outre, la Commission, il convient de le rappeler, est appelée
à présenter un avis sur une demande de coopération
renforcée (art. 40 § 2).
Le Parlement européen
Dans le dispositif précédent, la présidence devait
simplement informer régulièrement le Parlement européen et
le consulter sur les développements de la coopération
prévue par le troisième pilier.
• Désormais,
le Parlement doit être consulté par
le Conseil avant l'adoption des décisions cadre, décisions et
conventions
dans le domaine de la coopération policière et
judiciaire en matière pénale. Le Conseil détermine le
délai imparti au Parlement européen pour rendre son avis mais ce
délai, aux termes mêmes du traité, ne saurait être
inférieur à
trois mois
(art. 39 § 1).
b) L'assouplissement du processus décisionnel
La
France avait plaidé au moment de la Conférence
intergouvernementale pour une extension du vote à la majorité
qualifiée aux matières du troisième pilier pour
définir les règles minimales relatives aux éléments
constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans
les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du
trafic de drogue. Une évolution aurait sans doute pu se dessiner si
l'Allemagne n'avait, sous la pression des länder, refusé tout
passage à la majorité qualifiée.
Faute de modifier les procédures de décision, les
négociateurs ont cherché à donner une
plus grande
portée
aux différentes expressions des initiatives
européennes et aussi à favoriser
l'application des accords
internationaux
dans les domaines du titre VI.
Une plus grande portée pour les décisions du Conseil
Au delà de la
clarification
de certains instruments (comme la
position commune destinée à définir l'approche de l'Union
sur une question déterminée), le traité confère une
plus grande portée aux décisions qui continuent d'être
prises par le Conseil à l'unanimité.
Il supprime l'"action commune" dont le caractère obligatoire
prêtait à controverse et la remplace par
deux types d'actes
(art. 34 § 2) :
• une nouvelle catégorie d'actes,
les décisions-cadre
destinées à favoriser le rapprochement des dispositions
législatives et réglementaires des Etats membres, très
proches des directives communautaires dans la mesure où elles fixent une
obligation de résultat tout en laissant aux Etats le choix des moyens.
•
les décisions obligatoires
utilisées pour les
autres aspects de la coopération du titre VI (et ne pouvant donc avoir
pour objet le rapprohcement des dispositions nationales). Elles sont
sans
effet direct
dans les pays membres et leur mise en oeuvre repose sur des
mesures adoptées par le Conseil à la
majorité
qualifiée
.
Ces décisions auront principalement vocation à organiser des
opérations coordonnées de police, douane et justice sur le
territoire d'un ou de plusieurs Etats membres.
Les mesures d'application de ces décisions auront-elles un effet
direct ou impliqueront-elles le truchement de décisions de
caractère national ? Le gouvernement français récuse
la première interprétation : une mesure d'application ne saurait
conférer à une décision l'effet direct qui lui a
précisément été refusé par le traité.
La mise en place d'instruments plus rigoureux devrait contraindre les Etats
à s'affranchir des facilités de la rhétorique pour
progresser réellement dans la voie de la coopération. Il faut
prendre garde cependant au risque d'une double dérive :
- d'une part, dans le passé, des actes au caractère obligatoire
ont en fait servi de base à de simples déclarations ou
recommandations ;
- d'autre part, la formule des décisions-cadres peut prêter
à controverse ; la souplesse prêtée à cet instrument
peut aussi se retourner en moyen de blocage à l'échelle
nationale. L'hypothèse n'est d'ailleurs pas théorique ; ainsi, en
Allemagne, le Bundesrat a souhaité, au moment du débat sur la
ratification du traité d'Amsterdam, disposer d'un droit de veto sur les
projets pris sur la base d'une décision-cadre. Cette demande a
été repoussée par le gouvernement fédéral au
motif qu'elle pouvait conduire à effacer la distinction posée par
la loi fondamentale entre les intérêts éventuels des
länder -pris en compte par le gouvernement avant l'adoption d'un projet
européen et ceux qui ne le sont pas.
L'assouplissement des conditions d'application des conventions.
Dans le cadre d'une coopération intergouvernementale sur des domaines
relevant, pour de nombreux pays, des compétences du législateur
ou du constituant, l'instrument de la convention avait été
naturellement privilégié.
Toutefois, compte tenu de l'unanimité requise pour leur adoption comme
pour leur ratification, aucune convention, on le sait, n'est pour l'heure
appliquée faute de ratification par tous les Etats membres.
Ainsi, le traité innove-t-il d'une double manière :
• le Conseil fixe un
délai
aux Etats membres pour
engager les procédures de ratification
;
• surtout, les conventions entrent en vigueur dans les Etats membres qui
les ont adoptées à compter de leur ratification par la
moitié des Etats de l'Union européenne
.
Le verrou de l'unanimité n'est levé que pour la ratification ; il
continue de s'appliquer en revanche pour l'adoption des conventions au sein du
Conseil.
En revanche, le principe de la majorité des deux tiers continue de
s'appliquer aux mesures d'application de ces conventions.
Aux termes d'une déclaration (n° 9) de la Conférence
à l'Acte final, les initiatives et actes pris dans le cadre du
troisième pilier doivent être publiés au Journal officiel
des Communautés européennes.
*
Les dépenses opérationnelles entraînées par la mise en oeuvre du titre VI sont désormais à la charge du budget des Communautés européennes, sauf si le Conseil, statuant à l'unanimité, en décide autrement. Quand une dépense n'est pas mise à la charge du budget des Communautés, elle incombe alors aux Etats membres selon la clé du PNB, à moins que le Conseil, à l'unanimité n'en décide autrement (art. 41).
2. Une compétence reconnue mais encadrée de la Cour de justice
L'intervention de la Cour de justice dans les domaines
couverts par
le troisième pilier paraît soumise à des
préoccupations contradictoires
. D'un côté, elle
répond au souci d'apporter les garanties nécessaires aux droits
individuels dans un domaine sensible par un contrôle juridictionnel et
ainsi assurer le respect de leurs obligations par les Etats membres. De
l'autre, elle se heurte au souci des Etats de se prémunir d'un
contrôle -par ailleurs entendu souvent de façon extensive- sur des
sujets qui intéressent si étroitement les souverainetés
nationales.
Ces préventions avaient dominé au moment de la signature du
traité de Maastricht et la reconnaissance de la compétence de la
Cour de justice avait été étroitement circonscrite
à l'interprétation des conventions dans le cadre du
troisième pilier, dans la mesure, du moins, où celles-ci
prévoyaient un tel contrôle. Même dans de telles limites, la
compétence de la Cour avait constitué un point de divergence
majeur entre les parties en présence en raison notamment de l'opposition
forte du Royaume-Uni à quelque rôle que ce soit de la Cour dans
les matières du troisième pilier. Ainsi l'adoption de la
convention Europol s'était heurtée longtemps à
l'hostilité de Londres avant que la question de la compétence de
la Cour de justice pour l'interprétation de la convention Europol ne
finisse par trouver une solution de compromis dans le cadre d'un protocole
séparé.
Cette solution de compromis a d'ailleurs inspiré directement le
dispositif du traité d'Amsterdam : une reconnaissance d'une
compétence de principe de la Cour de justice assortie de nombreuses
exceptions.
a) Le recours à titre préjudiciel sur les mesures prises dans le cadre du troisième pilier : une faculté ouverte aux Etats membres
Le
dispositif retient trois principes (art. 35 § 3).
• En premier lieu,
la reconnaissance de la compétence de la
Cour
de justice pour statuer sur la validité ou
l'interprétation des actes liés au troisième pilier
demeure une
simple faculté
ouverte à tous les Etats
membres au moment de la signature du traité d'Amsterdam et après
cette date.
• En second lieu, la reconnaissance de cette compétence laisse le
choix entre deux options : la possibilité de saisir la Cour de justice
est ouverte à toutes les juridictions de chaque Etat-membre
ou
réservée aux
seules juridictions nationales dont les
décisions ne sont pas susceptibles d'un recours
juridictionnel de
droit interne.
• Enfin, tout Etat-membre a le droit, qu'il ait ou non fait une
déclaration reconnaissant la compétence de la Cour de justice, de
déposer devant cette instance un mémoire ou des observations
écrites dans les affaires sur lesquelles elle doit se prononcer dans le
cadre d'un recours à titre préjudiciel.
La France, notamment, a choisi la formule selon laquelle seules les
juridictions suprêmes peuvent saisir la Cour de justice d'un recours
à titre préjudiciel.
Pour notre gouvernement, cette position, conforme du reste à celle
adoptée à l'égard de la convention Europol, permet de
limiter le nombre de questions préjudicielles soumises à la Cour
de justice aux seuls problèmes de principe. Dans cette perspective, il a
paru préférable de laisser aux plus hautes juridictions
françaises le soin de sélectionner les questions dont la
complexité appelle la saisine de la CJCE.
L'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Grèce et le Luxembourg ont,
pour leur part, non seulement choisi la deuxième option, mais
indiqué également qu'ils se réservaient le droit de
prévoir dans leur droit interne que les juridictions dont les
décisions ne sont pas susceptibles d'un recours n'ont pas la
faculté mais l'
obligation
de saisir la Cour de justice.
D'autres pays, comme les Pays-Bas, s'ils reconnaissent la compétence de
la Cour de justice, n'ont pas encore opté pour l'une ou l'autre des
formules proposées par le traité.
b) Les spécificités des conditions d'intervention de la Cour de justice par rapport aux principes du droit commun
La Cour
de justice exerce par ailleurs sur le troisième pilier les
compétences qui lui ont été reconnues pour l'ensemble des
traités. Mais ce principe de base souffre de nombreuses exceptions.
• En premier lieu, la Cour assure le
contrôle de la
légalité des décisions-cadre et des décisions
lorsqu'elle est saisie d'un recours en annulation formé par les
Etats-membres ou la Commission dans un délai de deux mois à
compter de la publication de l'acte. En revanche les
recours
formés par une personne physique ou morale (art. 35 § 5)
prévus par le traité communautaire (art. 230)
ne sont pas
recevables.
• La compétence de la Cour pour
statuer sur tout
différend entre Etats-membres
ne s'exerce qu'en l'absence d'une
solution de compromis qu'il incombe d'abord au conseil de promouvoir dans un
délai de six mois à compter de la saisine par l'un des Etats
membres. Dans le droit commun, la compétence de la Cour se fonde sur un
simple accord entre Etats membres.
• Par ailleurs, la compétence de la Cour pour régler les
différends entre Etats membre et Commission porte sur la
seule
interprétation et application des conventions
et non sur les autres
instruments.
Ensuite, la Cour de justice n'a
pas le pouvoir de constater le manquement
d'un Etat
à ses obligations à la demande de la Commission
comme cette faculté lui est donnée dans le traité
communautaire (art. 226).
Enfin, la Cour de justice n'a pas de compétence pour contrôler les
opérations menées par la police ou d'autres services
répressifs d'un Etat membre ou se prononcer sur l'exercice des
responsabilités assurées par les Etats pour le maintien de
l'ordre public (art. 35 § 5). Une déclaration (n° 7) jointe au
traité le confirme, les Etats placent les actions de coopération
policière sous le contrôle juridictionnel prévu par leurs
règles nationales.
*
* *
Malgré le maintien de la passerelle instaurée parle traité de Maastricht permettant au Conseil, à l'unanimité, de placer sous le régime communautaire les actions relevant de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (art. 42), aucun Etat n'envisage vraiment aujourd'hui de sortir pour ces matières du cadre intergouvernemental. L'extension du vote à la majorité qualifiée pourrait cependant favoriser des progrès certains au moment où le développement d'une criminalité internationale rend plus que jamais nécessaire un effort mieux coordonné. Aujourd'hui, seul l'instrument des coopérations renforcées, malgré ses limites, ouvre la possibilité d'évolutions plus rapides à l'image des avancées accomplies dans le cadre de Schengen.
QUATRIÈME PARTIE -
LA POLITIQUE
ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ :
UN DISPOSITIF
PLUS ADAPTÉ MAIS UNE VOLONTÉ POLITIQUE INCERTAINE
La
multiplication des crises en Europe dans le contexte plus instable lié
à la dislocation de l'Empire soviétique, les divisions des
Européens qui ont laissé aux Américains le rôle de
médiateur dans les conflits survenus sur le Vieux continent :
autant d'arguments qui ont souligné
l'intérêt pour
l'Union européenne d'agir de façon plus concertée
pour
peser davantage sur des questions qui intéressent sa
sécurité.
Certes, le principe même d'une politique étrangère commune
pourrait aboutir à des résultats opposés aux effets
recherchés s'il conduisait les diplomaties nationales à s'aligner
sur le plus petit dénominateur commun.
On ne saurait dire d'ailleurs que l'Europe ait conjuré ce risque depuis
la signature du traité de Maastricht et la mise en place, dans le cadre
du deuxième pilier, d'une politique étrangère et de
sécurité commune (PESC) -le manque d'initiative ou, autre aveu
d'impuissance, les excès d'une diplomatie déclaratoire, en
témoignent.
Faut-il dès lors se résigner aux méthodes traditionnelles
de la diplomatie nationale au risque de n'exercer qu'une influence
réduite ? N'y aurait-il d'autre choix qu'entre l'impuissance
à plusieurs ou l'isolement ?
Comment sortir de ce dilemme ?
Pour votre rapporteur, deux principes permettent de garantir
l'efficacité d'une action diplomatique.
En premier lieu, il s'agit de conduire une politique étrangère et
de sécurité
commune
et non pas
unique
. En d'autres
termes, les Etats membres doivent agir ensemble lorsqu'ils ont des
intérêts communs et que leur action conjuguée peut
présenter un réel impact. Tel est le cas quand les moyens
financiers mis en oeuvre par la Communauté ou les accords commerciaux
qu'elle négocie offrent aux Quinze une véritable capacité
d'influence politique. Les relations avec Israël, l'aide accordée
aux pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP)... constituent
à cet égard autant de champs d'intervention possibles et mal
utilisés. En revanche, l'Union doit-elle intervenir partout et en toute
occasion sous le seul prétexte d'afficher une présence ? On
peut en douter. Il y va en effet de la crédibilité de l'Union
européenne.
En second lieu, dans les domaines où se dégagent un
intérêt commun à agir, l'Union doit faire le choix
d'une
procédure de décision efficace
.
De ce point de vue, la mise en oeuvre du " deuxième pilier " a
déçu. Comme votre rapporteur a essayé de le montrer dans
un précédent rapport, le dispositif institutionnel, au terme de
quatre années d'application
11(
*
)
, n'avait
pas permis, malgré quelques initiatives, l'émergence, d'une
véritable politique étrangère commune.
Les articles J 4§6 et J 10 (supprimés par le traité
d'Amsterdam) avaient toutefois prévu eux-mêmes le principe d'une
révision de ce dispositif, en particulier dans le domaine de la
défense, " sur la base d'un rapport que le Conseil soumettra en
1996 au Conseil européen, et qui comprend une évaluation des
progrès réalisés et de l'expérience acquise jusque
là " (art. J 4-6) tandis que " lors d'une révision
éventuelle des dispositions relatives à la sécurité
(...) la conférence qui est convoquée à cet effet examine
également si d'autres amendements doivent être apportés aux
dispositions relatives à la politique étrangère et de
sécurité commune "(J 10).
Si le traité d'Amsterdam n'a pas fixé de nouvelles ambitions
à la politique étrangère et de sécurité
commune, il a toutefois apporté des améliorations importantes au
processus de décision dont certaines correspondent
précisément aux aménagements souhaités par votre
rapporteur.
Cependant, il faut le répéter, un dispositif institutionnel aussi
adapté soit-il, ne saurait se substituer à une volonté
politique, seul véritable ressort d'une politique
étrangère et de sécurité commune.
I. DES AMBITIONS ENCORE MODESTES POUR LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ COMMUNE
Les
principaux objectifs de la PESC avaient été définis de
façon très générale par le traité de
Maastricht (sauvegarde des valeurs communes et de l'indépendance de
l'Union, renforcement de la sécurité, maintien de la paix,
promotion de la coopération internationale, développement de la
démocratie). Le champ ainsi défini paraissait suffisamment large
pour recouvrir les développements futurs de la PESC. Il n'appelait donc
pas de modification particulière. De façon inédite,
cependant, le traité fait mention de l'
intégrité
de
l'Union (art. 11). Dans le même esprit, le traité d'Amsterdam
précise que la référence à la Charte de
Paris
12(
*
)
vise également les objectifs
cités par ce texte dans le domaine des frontières
extérieures. Ces éléments ont été
ajoutés au traité à la demande de la Grèce pour des
raisons liées sans doute aux relations conflictuelles que ce pays
entretient avec la Turquie. Ils n'ont pas de portée pratique. Cependant
le principe d'intégrité dont la garantie n'a pas encore
trouvé droit de cité dans le dispositif relatif à la
sécurité européenne obtient ainsi, même de
façon marginale, une forme de reconnaissance qui n'est pas tout à
fait indifférente.
Si les principaux espoirs dans le domaine de la PESC portaient sur une ambition
renouvelée pour le volet de la sécurité, ils ont
été déçus, même si quelques
infléchissements positifs méritent d'être
relevés.
A. LA PERSPECTIVE ENCORE LOINTAINE D'UNE DÉFENSE EUROPÉENNE
1. Un contexte plus favorable
a) La prudence du traité de Maastricht
Le
traité de Maastricht prévoyait la définition
" à terme " d'une politique de défense commune pouvant
conduire " le moment venu " à une défense commune.
Que la perspective d'une " défense commune " figure dans le
traité pouvait sans doute déjà apparaître pour
certains comme un progrès notable. Cependant cette perspective demeurait
une simple possibilité et aucun calendrier ni aucune procédure
particulière n'était fixé.
b) Des évolutions positives
Toutefois, le principe même d'une défense
européenne a connu certains progrès au cours des années
récentes.
Quatre éléments en témoignent.
En premier lieu,
la réforme de l'OTAN
, liée à la
nouvelle configuration stratégique européenne, est apparue
également comme une occasion de mieux reconnaître le rôle
des acteurs européens en matière de défense. Ainsi, le
Conseil de l'Atlantique Nord, réuni à Berlin le 3 juin 1996,
s'est attaché à concrétiser la reconnaissance d'une
identité européenne de sécurité et de
défense
à travers le concept des
Groupements de forces
interarmées multinationales
(GFIM). Ces forces doivent permettre
à une coalition d'Etats européens d'engager seuls une
opération de gestion de crise tout en bénéficiant des
moyens de l'OTAN notamment dans les domaines de la logistique et des
communications.
En second lieu,
l'Union de l'Europe occidentale
(UEO) a cherché,
parallèlement, à l'occasion de la réunion du Conseil de
l'UEO à Petersberg le 19 juin 1992, à développer ses
missions aux opérations humanitaires, de maintien de la paix et de
gestion de crise -dites "missions de Petersberg". A cette fin, elle a
également cherché à développer ses capacités
opérationnelles à travers la création de nouvelles
structures (une cellule de planification, un centre satellitaire chargé
d'interpréter les données provenant des satellites d'observation
ou de renseignements, un centre de situation responsable de la surveillance des
zones de crise) et enfin, la mise à disposition par les Etats membres de
" forces relevant de l'UEO ", parmi lesquelles plusieurs forces
multinationales telles que le Corps européen (Eurocorps), la force
opérationnelle rapide (Eurofor) ou encore la force maritime
européenne (Euromarfor).
Par ailleurs,
les positions des Etats européens
ont mieux pris en
compte la dimension européenne de la sécurité.
Attachée à la construction européenne mais consciente des
réticences de nos partenaires à s'affranchir du cadre de l'OTAN,
la France s'est rapprochée de certaines structures de l'OTAN (le Conseil
atlantique au niveau des ministres de la défense et le Comité
militaire), afin d'agir au sein même de l'Alliance en faveur des
intérêts européens. Par ailleurs, l'Allemagne de son
côté, a choisi de surmonter ses réserves traditionnelles
pour participer à des opérations de gestion de crise hors de ses
frontières. Elle a ainsi témoigné d'une
disponibilité nouvelle pour des engagements proprement européens.
Enfin, la concurrence aiguisée avec une industrie de défense
américaine entièrement restructurée a encouragé les
Européens à renforcer leur
coopération en
matière d'armement
à travers certains développements
institutionnels comme le groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO),
créé en décembre 1992, ou les regroupements de certains
industriels.
2. Aucune avancée réelle
Malgré ce contexte favorable, le traité d'Amsterdam n'enregistre aucune avancée notable dans le domaine de la défense. Le statu quo l'a, en définitive, emporté sur deux points essentiels : la mise en place d'une défense commune et l'intégration de l'UEO au sein de l'Union européenne.
a) La mise en place d'une défense commune demeure hypothétique
Par
rapport à la formulation du traité de Maastricht, il convient de
noter deux infléchissements seulement :
• la PESC implique la
définition
" progressive "
et non plus " à terme "
d'une
politique de défense commune
(art. 17 § 1) -les
négociateurs ont ainsi voulu affirmer l'ouverture d'un processus et
d'une dynamique de rapprochement ;
• la dernière étape, la mise en place d'une
défense commune, demeure encore de l'ordre de l'hypothèse comme
en témoigne le maintien du conditionnel (la définition d'une
politique de défense commune "
pourrait
"
conduire
à une défense commune
). Cependant tandis que le traité
de Maastricht repoussait cet objectif à un horizon
indéterminé (le " moment venu "), le présent
traité a le mérite de préciser
la procédure
nécessaire à la concrétisation d'une défense
commune
en la subordonnant à une
double décision du
Conseil et des Etats membres
appelés à se prononcer selon
leurs exigences constitutionnelles respectives.
Ces modifications relèvent sans doute principalement de la
rhétorique, mais elles peuvent constituer une assise utile pour des
progrès à venir dans ce domaine quand, comme il faut
l'espérer, les esprits auront mûri en faveur d'une défense
européenne.
b) L'intégration de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) à l'Union européenne demeure " éventuelle "
Soumise
aux mêmes conditions que la mise en oeuvre d'une défense commune,
l'intégration de l'UEO à l'Union européenne requiert
une
décision unanime du Conseil puis l'accord de chaque Etat
membre
(art. 17§1). Aucun calendrier n'a été
fixé.
Pour notre pays, l'UEO a vocation à devenir l'instrument de
l'identité européenne de sécurité et de
défense dans une Alliance atlantique rénovée et
l'instrument militaire de l'Union européenne. La France avait
plaidé pour une intégration de l'UEO dans l'Union
européenne en plusieurs étapes, la première
débutant à l'entrée en vigueur du nouveau traité et
le passage aux suivantes relevant d'une décision du Conseil
européen. Elle s'était ralliée à cinq autres
pays
13(
*
)
pour proposer l'intégration de
l'UEO dans l'Union européenne en trois phases, à condition que la
garantie de défense collective instituée par l'UEO devienne
facultative.
Toutefois, même réduite à une ambition plus modeste, cette
proposition n'a pu aboutir.
Comment en aurait-il été autrement tandis que la mise en place
d'une défense européenne sous la forme d'une UEO dotée de
véritables capacités opérationnelles se heurte à un
faisceau d'oppositions : d'une part, les préventions du Danemark et,
surtout, de l'une des principales puissances militaires européennes, le
Royaume-Uni, à la prise en charge par l'Union européenne de
responsabilités que ces pays jugent mieux assurées par
l'OTAN ; d'autre part, les réticences des Etats neutres dont il
importe de rappeler qu'ils représentaient le tiers des pays participant
à la CIG.
B. DES INFLÉCHISSEMENTS LIMITÉS MAIS POSITIFS
1. Un élargissement des objectifs de la coopération en matière de défense
Le traité d'Amsterdam s'efforce de donner un contenu plus précis à la coopération en matière de défense : il intègre en effet les missions dites de Petersberg et la coopération dans le domaine de l'armement.
a) La prise en compte des missions de Petersberg
L'Union européenne élargit ses
responsabilités aux missions définies par l'UEO dans sa
déclaration de Petersberg
du 19 juin 1992
(art. 17§2) :
- les missions humanitaires et d'évacuation,
- les missions de maintien de la paix,
- les missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les
missions de rétablissement de la paix.
Tous les Etats membres de l'Union européenne désireux d'apporter
une contribution aux missions menées par l'UEO dans ce domaine, à
la demande de l'Union européenne, pourront " participer pleinement
et sur un pied d'égalité " à la planification et
à la prise de décision au sein de l'UEO.
Depuis le Conseil des ministres de l'UEO d'Erfurt de novembre 1997, les
Etats observateurs à l'UEO
(Finlande, Suède, Autriche,
Irlande, Danemark) qui sont membres de l'Union européenne peuvent
participer, sur un pied d'égalité, avec les membres pleins, aux
opérations de l'UEO conduites à la demande de l'Union
européenne.
Ainsi, les Etats observateurs participeront désormais de droit aux
réunions du Conseil de l'UEO et aux groupes de travail et comités
relatifs à la mise en oeuvre des missions de Petersberg. En outre,
l'Etat observateur qui a informé le Conseil de son
intention
de
contribuer à une opération en y engageant des forces, a
désormais le droit de participer, avec les mêmes droits et les
mêmes obligations que les membres de plein droit, à la
planification
et à la
prise de décision
, au sein de
l'UEO, concernant l'opération en question.
Si l'accord des Etats neutres de participer à ce type
d'opérations représente à coup sûr un changement
significatif et très positif, il n'en revêt pas moins un
caractère paradoxal. En effet, comme le notait judicieusement M. Maurice
Ligot dans un remarquable rapport de la Délégation pour l'Union
européenne de l'Assemblée nationale
14(
*
)
, les Etats neutres " accepteraient d'intervenir
même militairement pour aider des peuples en difficulté au nom de
la solidarité humaine mais refuseraient d'intervenir militairement pour
aider des pays européens agressés avec lesquels ils sont en train
de construire une communauté de destin, notamment au plan
économique et militaire ". Du moins, cette contradiction de
principe conduira-t-elle peut-être à terme à une
évolution progressive des positions des Etats neutres vis-à-vis
du principe d'une garantie de défense collective.
b) Une coopération dans le domaine de l'armement
La
définition progressive d'une défense commune peut s'appuyer sur
une
coopération en matière d'armements
dans la mesure
où les " Etats membres le jugent approprié " (art.
17§1).
En vérité, le traité d'Amsterdam innove moins qu'il ne
consacre, sous les auspices de l'Union européenne, plusieurs initiatives
entreprises dans d'autres cadres : l'organisation de l'armement de
l'Europe occidentale ou encore, l'organisme conjoint de coopération en
matière d'armement (OCCAR), créé le 12 novembre 1996 par
l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni sur une proposition
franco-allemande.
2. Un rapprochement entre l'UEO et l'Union européenne
A défaut de procéder à une intégration de l'UEO au sein de l'Union européenne, le traité d'Amsterdam pose les bases d'un rapprochement entre les deux institutions, même s'il ne règle pas toutes les difficultés liées à ce processus.
a) Les bases d'un rapprochement
L'UEO
assume une double vocation à l'égard de l'Union
européenne : d'une part, elle doit
donner une capacité
opérationnelle à l'Union
et lui servir ainsi de bras
armé, d'autre part, elle joue
le rôle de conseil pour le volet
défense
de la PESC (art. 17§1).
En conséquence, le
Conseil européen a autorité sur
l'UEO
pour toutes les questions pour lesquelles l'Union a recours à
cette institution (art. 17§3).
La déclaration de l'UEO, reprise dans l'une des déclarations
jointes au traité d'Amsterdam, précise les modalités de ce
rapprochement. Elle prévoit en effet des arrangements entre les deux
institutions afin d'améliorer la coordination du processus de prise de
décision dans des situations de crise, l'harmonisation de la succession
des présidences de l'UEO et de l'Union européenne, une
coordination étroite entre les secrétariats des deux institutions
avec des détachements croisés des personnels, la mise en oeuvre
d'une coopération avec la Commission européenne etc.
b) Les difficultés à surmonter
Trois
interrogations demeurent :
- L'UEO pourra-t-elle, comme le prévoient des accords entre les deux
organisations de défense, disposer des moyens (logistique,
communication) de l'OTAN, alors même qu'elle agit à l'initiative
de l'Union européenne dans le cadre d'opérations auxquelles ont
été associés des Etats membres de l'Union
européenne n'appartenant pas à l'Alliance Atlantique ? Un
accord supplémentaire pourrait à cet égard se
révéler nécessaire ;
- L'UEO conservera-t-elle une autonomie de décision dans les situations
de crise ?
- Les Etats membres de l'Union -y compris les simples observateurs à
l'UEO- pourront-ils s'accorder pour participer au renforcement des
capacités opérationnelles de l'UEO indispensable si l'on souhaite
vraiment que cette institution remplisse les missions qui lui sont
assignées ?
Malgré ces quelques avancées, le bilan de la PESC dans le domaine
de la sécurité apparaît très modeste. Il manquera
encore à la politique de défense la dimension essentielle que
seule pourrait procurer une clause de solidarité en cas d'agression. La
plupart des Etats ont refusé au moment de la CIG l'élargissement
de la clause d'assistance de l'UEO à l'ensemble des pays de l'Union
européenne. Faut-il réfléchir sur un assouplissement de
cette clause -beaucoup plus stricte en effet que celle prévue par
l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord ?
Faut-il ouvrir d'autres voies à la réflexion ? Quoi qu'il en
soit, le dispositif actuel du traité d'Amsterdam peut difficilement
servir de support à l'affirmation d'une identité
européenne de défense.
Les dispositions en matière de sécurité pourront toutefois
être révisées à l'initiative d'un Etat membre et sur
avis favorable du Conseil, après consultation du Parlement
européen, par la réunion d'une conférence des
représentants des gouvernements des Etats membres (art. 17§5). En
revanche, les Quinze n'ont pu s'accorder sur une "clause de rendez-vous"
identique à celle prévue par le traité de Maastricht
-fixant à une date déterminée la révision du volet
du traité consacré à la sécurité.
II. UNE RÉPONSE PARTIELLE AUX DYSFONCTIONNEMENTS LES PLUS NOTABLES DE LA PESC
En l'absence d'une volonté politique commune affirmée pour donner une nouvelle ambition à la PESC, les négociateurs se sont entendus sur les moyens d'améliorer le processus de décision dans ce domaine. Les aménagements marqués au sceau du pragmatisme, répondent en partie aux dysfonctionnements les plus sensibles apparus au cours des cinq années de mise en oeuvre du " deuxième pilier ", même s'ils n'apportent pas toujours des réponses satisfaisantes à des questions importantes telles que les conditions de financement de la PESC.
A. LA MISE EN PLACE D'INSTRUMENTS PLUS ADAPTÉS
1. Une capacité d'initiative renforcée
a) L'Unité de planification de la politique et d'alerte rapide : le creuset d'initiatives communes ?
• Les négociateurs se sont entendus lors de la
Conférence intergouvernementale pour mettre en place une
Unité
de planification et d'alerte rapide.
Si la création d'une Unité de planification et d'alerte rapide ne
figure pas dans le nouveau traité lui-même mais dans une simple
déclaration des Quinze, elle peut constituer un maillon essentiel de la
PESC.
Votre rapporteur avait déjà souligné
l'intérêt, en matière de politique étrangère,
d'accorder les points de vue le plus tôt possible dans le processus de
décision. Or, le dispositif institué par le second pilier ne
s'écartait pas du schéma classique de la négociation
internationale : les représentants des Etats membres venaient
à Bruxelles pour défendre des points de vue arrêtés
par chacun des gouvernements. Dès lors, la discussion d'une position
commune obéissait à une double contrainte : les
délais -nécessairement longs- pour rapprocher des positions
parfois très éloignées et le risque de l'alignement sur le
plus petit dénominateur commun imposé par la logique du
compromis. A cet égard, l'impuissance de l'Union européenne
observée dans l'ancienne Yougoslavie devait servir de
leçon ; la concertation au sein des instances de l'Union est
arrivée trop tard après que chaque gouvernement eut
élaboré, dans le secret des cabinets ministériels, des
positions difficilement conciliables.
Par ailleurs, la PESC a beaucoup souffert d'un manque d'initiative ; les
Quinze ont plus souvent réagi aux événements qu'ils n'ont
su vraiment les anticiper. Ils se sont condamnés ainsi à une
diplomatie essentiellement déclaratoire.
La création d'une unité de planification doit tout à la
fois restaurer la capacité d'initiative de l'Union tout en favorisant
une
convergence de vues au premier stade du processus de décision.
En effet l'Unité se voit confier trois fonctions principales :
- une
évaluation des intérêts communs
de l'Union et
des domaines auxquels la PESC pourrait s'attacher de façon
prioritaire ;
- une
évaluation des situations de crise
et la mise en alerte des
autorités de l'Union en cas de nécessité ;
- la présentation d'
options argumentées
sous la
responsabilité de la présidence au Conseil.
L'Unité réunira des représentants du secrétariat
général du Conseil, des Etats membres, de la Commission et de
l'UEO. En outre, les Etats membres et la Commission pourront lui fournir
" dans la mesure la plus large possible, des informations pertinentes, y
compris des informations confidentielles ".
Ainsi, par ses fonctions d'analyse et de prévision, l'unité doit
pouvoir donner à l'Union une véritable capacité
d'initiative. En second lieu, par sa composition, elle peut favoriser une
approche commune parmi les Etats-membres.
b) Les conditions de mise en oeuvre : un enjeu essentiel pour la réussite de cette structure.
A ces
deux titres, l'Unité est appelée à jouer un rôle
décisif dans la PESC. Les Etats accepteront-ils de jouer le jeu de ce
puissant ferment d'unification ? Tout dépendra des moyens humains dont
sera dotée l'Unité, et de l'intérêt des informations
dont elle pourra disposer. La réflexion en cours sur la mise en oeuvre
de l'Unité porte sur trois points principaux :
-
les effectifs de l'unité
; le Conseil a finalement
accepté de prévoir des crédits pour 1999 en vue du
recrutement de 20 agents de haut niveau -ces vingt postes seraient
répartis entre 3 agents permanents et 17 agents temporaires (la
Commission, l'UEO et les Etats membres
15(
*
)
bénéficiant chacun d'un représentant) ;
-
la place de l'unité au sein des structures existantes
de
l'Union européenne ; le débat n'est pas encore
tranché entre les tenants d'une intégration de cette cellule au
sein de la direction générale " relations
extérieures " du Conseil et les partisans (comme la France) d'une
" autonomie fonctionnelle " par rapport au dispositif existant de la
PESC ;
- plusieurs
initiatives complémentaires
comme la mise à
disposition de membres du personnel des ministères des affaires
étrangères des Etats membres et de la Commission (par le biais de
détachement ou de contrat à court terme), pour faire face
à des situations de crise ou traiter des questions
spécifiques.
2. Un processus de décision plus efficace
a) L'assouplissement des conditions de vote
L'efficacité du processus de décision reposait
sur un
assouplissement des règles à travers l'extension des
modalités de vote à la majorité qualifiée et la
reconnaissance du principe de l'abstention constructive. Une telle
évolution supposait cependant une hiérarchisation des instruments
d'intervention de l'Union. Or, l'utilisation des instruments de la PESC
-actions et positions communes- souffrait jusqu'à présent d'une
grande confusion. Une clarification, s'avérait indispensable pour
réserver l'unanimité aux décisions les plus importantes.
Une clarification des instruments d'intervention
La clarification des moyens d'action de la PESC se traduit par la
création d'un nouvel instrument, les stratégies communes. Le
traité peut dès lors fixer une hiérarchie claire entre ces
trois moyens d'action : stratégies communes, actions communes et
positions communes.
• Les stratégies communes
(art. 13§2)
définissent la politique à conduire dans des domaines où
les Etats membres ont des "intérêts communs importants". En bonne
logique, il revient au Conseil européen, chargé de définir
les principes et les orientations générales de la PESC
(art. 13§1) de décider des stratégies communes sur la
recommandation du Conseil -en l'occurrence, le Conseil "affaires
générales" formé par la réunion des ministres des
affaires étrangères des Quinze. Ce nouvel instrument vise
clairement à restaurer la crédibilité des interventions de
l'Union sur la scène internationale. En effet, la
référence aux
"intérêts communs importants"
,
apparaît comme un moyen de conjurer la tentation de la dispersion
à laquelle l'Union a trop souvent cédé. En outre, le
Conseil européen doit préciser
les objectifs, la durée
et les moyens mis à disposition des stratégies
. Il s'agit de
surmonter une autre dérive de la PESC, ce goût pour une diplomatie
déclaratoire dont l'impact demeure très faible.
• Par ailleurs, le traité d'Amsterdam
définit mieux le
champ d'application
des deux instruments précédemment
établis par le traité de Maastricht. Les
actions communes
et les
positions communes
permettent notamment au Conseil de mettre en
oeuvre des stratégies communes. Les premières concernent
" certaines situations où une action opérationnelle de
l'Union est jugée nécessaire " (art. 14§1) ; les
secondes " définissent la position de l'Union sur une question
particulière de nature géographique ou thématique "
(art. 15). Cette clarification devrait mettre un terme à la confusion
dont les années d'application de la PESC portaient témoignage.
Ainsi les actions n'étaient mises en oeuvre que pour entreprendre de
simples mesures administratives. Dès lors, cet instrument, pourtant
investi en théorie de la charge politique la plus forte, a subi une
singulière perte de substance. La remise en ordre apportée par le
traité d'Amsterdam ne doit pas seulement donner la satisfaction que
procure le bel ordonnancement d'un jardin à la française, elle
peut être l'instrument d'une cohérence retrouvée de la PESC.
L'extension du vote à la majorité
qualifiée
La clarification des moyens d'actions de la PESC et leur meilleure
hiérarchisation a permis aux négociateurs de développer le
recours au vote à la majorité qualifiée même si
l'utilisation en demeure très encadrée.
• La
majorité qualifiée
s'applique pour
l'adoption des actions communes et des positions communes prises sur la base
d'une stratégie commune,
ainsi que pour toute décision
destinée à mettre en oeuvre une action commune ou une position
commune.
La hiérarchisation des instruments permet ainsi de systématiser
la règle selon laquelle les principes continuent d'être
adoptés à l'unanimité tandis que les conditions de mise en
oeuvre relèvent d'une décision à la majorité
qualifiée. Ainsi, la mise en place d'un nouvel instrument, les
stratégies communes adoptées par le Conseil européen,
autorisent l'utilisation de la majorité qualifiée pour les
actions ou positions communes nécessaires à sa mise en oeuvre.
Selon la même logique, les actions ou positions communes adoptées
indépendamment d'une stratégie commune continuent de relever
d'une décision prise par le Conseil à l'unanimité, tandis
que les décisions nécessaires à leur mise en oeuvre sont
adoptées à la majorité qualifiée.
Il y a là une
amélioration
notable par rapport au
traité de Maastricht qui réservait le recours à la
majorité qualifiée à la mise en oeuvre des actions
communes. Encore le Conseil devait-il déterminer à
l'unanimité les questions qui devaient faire l'objet d'un vote à
la majorité qualifiée. Le recours à la majorité
qualifiée, commandée en dernier ressort par une décision
à l'unanimité, n'avait finalement presque jamais
été utilisée. Ce ne devrait plus être le cas
désormais, dans la mesure où cette modalité de vote ne
découle plus d'une décision du Conseil mais des stipulations
même du traité.
Cependant, l'utilisation de la majorité qualifiée, dans le cadre
déjà contraignant fixé pour ses conditions de mise en
oeuvre, connaît une double limite liée d'une part à des
" raisons de politique nationale importantes " et d'autre part, aux
questions de défense.
Un Etat membre peut invoquer des
" raisons de politique nationale
importantes "
pour s'opposer à l'adoption d'une décision
à la majorité qualifiée. Dans ce cas, le Conseil ne
procède pas au vote et peut saisir, à la majorité
qualifiée, le Conseil européen appelé à se
prononcer à l'unanimité sur la question en instance. En fait, la
décision, dans ce cas, n'a guère de chance d'aboutir dans la
mesure où l'unanimité retrouve tous ses droits.
• Par ailleurs,
la majorité qualifiée est exclue pour
les décisions liées à la défense et aux questions
militaires.
L'abstention constructive
• Le traité d'Amsterdam reconnaît, pour la
première fois,
le principe de l'abstention constructive
(art.
23§1). Il en précise le principe, les conséquences et enfin,
les conditions d'emploi.
- Le
principe
: l'abstention n'empêche pas l'adoption des
décisions pour lesquelles le traité requiert l'unanimité.
- Les
conséquences
: l'Etat peut assortir son abstention
d'une déclaration formelle ; dans ce cas, s'il n'est pas tenu
d'appliquer la décision, il accepte qu'elle engage l'Union et, partant,
il s'abstient de toute initiative contraire aux orientations adoptées de
concert par ses partenaires. Toutefois, l'Etat qui s'abstient
participe au
financement
de la mesure adoptée
sauf lorsque la décision
présente des implications dans le domaine de la
sécurité
ou quand le Conseil à l'unanimité
décide une modalité particulière de financement.
- Les
conditions
:
si les abstentions représentent plus
du tiers des voix pondérées, la décision n'est pas
adoptée
; l'abstention constructive se mue dès lors en
abstention-véto. En d'autres termes, on retrouve les mécanismes
de la majorité qualifiée, les deux tiers des voix étant
nécessaires pour l'adoption d'une décision.
Une conjonction d'abstentions pourrait ainsi mettre en échec une
initiative approuvée par une majorité d'Etats. Le tiers des voix
pondérées équivalant à 29 voix
pondérées, trois "grands" Etats membres ou huit parmi les plus
"petits" peuvent en effet, par le jeu de l'abstention constructive,
empêcher l'adoption d'une décision. L'abstention constructive
apparaît, de ce point de vue, moins souple que les coopérations
renforcées. Les deux procédures ne sont donc pas
équivalentes et il est dès lors regrettable que la seconde ait
été exclue pour le deuxième pilier.
Cependant, le traité d'Amsterdam a maintenu la faculté reconnue
précédemment aux Etats de développer une
coopération plus étroite dans le domaine de la défense
dans le respect toutefois des orientations fixées par la PESC (art.
17§4).
L'assouplissement des conditions de vote devrait permettre au Conseil de
surmonter sa réticence traditionnelle à recourir à une
procédure de vote -même à l'unanimité. La
préférence systématique pour le consensus -où les
responsabilités des Etats se trouvent moins engagées dans le
cadre d'un vote- avait à coup sûr favorisé cette
dérive vers une diplomatie déclaratoire et largement impuissante.
La recherche de l'efficacité dans le processus de décision n'a
pas seulement conduit à un assouplissement des conditions de vote mais
elle a également favorisé la recherche d'une plus grande
cohérence.
b) Une cohérence mieux assurée
En
effet, on le sait, la mise en oeuvre d'une orientation dans le domaine de la
PESC peut réclamer une mesure relevant du premier pilier, qu'il s'agisse
d'un aménagement des relations économiques extérieures ou
d'une action en faveur du développement.
De façon générale, la
cohérence
doit
prévaloir entre les orientations définies dans le cadre de la
PESC et les politiques communautaires
. Or, en vertu de la séparation
du traité en piliers, les premières relèvent du Conseil
tandis que les secondes relèvent de l'initiative exclusive de la
Commission. Si le traité de Maastricht réaffirmait le principe de
la cohérence, il n'en rappelait pas moins le nécessaire respect
des attributions de chaque institution. Or, la Commission a montré un
souci constant pour protéger ses prérogatives au risque d'aboutir
à ce paradoxe déjà dénoncé par votre
rapporteur : d'un côté, une volonté politique
privée de moyens et condamnée à l'impuissance, de l'autre,
un ensemble de moyens financiers laissé sans direction politique.
Le traité d'Amsterdam apporte les correctifs nécessaires.
- En premier lieu, le traité affirme
le rôle
prééminent qui revient au Conseil pour garantir la
cohérence et l'efficacité de l'action de l'Union.
En effet
le Conseil peut demander à la Commission de lui présenter
toute " proposition relative à la PESC " pour assurer la mise
en oeuvre d'une action commune
. Malgré une certaine
ambiguïté de la formulation (toute " proposition relative
à la PESC "), ces propositions doivent nécessairement avoir
des implications dans le domaine communautaire. Quel besoin autrement pour le
Conseil d'inviter la Commission à lui faire des propositions, alors
qu'en dehors du domaine communautaire, il partage avec cette institution la
capacité d'initiative (art. 14§4) ?
- Ensuite, la présidence a la possibilité de négocier des
accords internationaux dans le domaine de la PESC
(art. 24)
.
Cette faculté désormais ouverte à la présidence
peut apparaître comme un substitut au refus de conférer la
personnalité juridique à l'Union européenne. Cependant
elle reste entourée de plusieurs conditions. En premier lieu, il faut un
accord unanime
du Conseil. Ensuite, aucun accord ne lie un Etat-membre
qui se prévaut de ses propres règles constitutionnelles -les
autres Etats-membres peuvent, pour leur part, convenir que l'accord leur est
applicable à titre provisoire.
B. UNE DOUBLE INCERTITUDE
1. L'Union européenne sur la scène internationale : une représentation problématique
On cite
souvent la boutade d'Henry Kissinger : " Je veux bien parler à
l'Europe, mais donnez-moi un numéro de téléphone ".
La PESC est en effet restée une diplomatie à plusieurs
voix : celle de la présidence souvent associée à deux
partenaires dans le cadre de la troïka, celle du président de la
Commission, celle des différents commissaires en charge des relations
extérieures (ils n'y en a pas moins de cinq)... La dispersion des
centres de décision et le manque de visibilité n'ont
naturellement pas favorisé l'affirmation de l'Union européenne
sur la scène internationale.
Les négociateurs ont fait le choix de solutions pragmatiques qui ne sont
peut-être pas à la mesure des enjeux que représente une
présence renforcée de l'Union dans les relations
internationales.
a) Un haut représentant pour la PESC
La
déclaration franco-allemande de Fribourg du 27 février 1996
avait plaidé pour la création d'une nouvelle fonction qui
contribue à une meilleure visibilité et une plus grande
cohérence de la PESC. Cependant, cette formulation recouvrait en fait un
désaccord entre la France, attachée à la création
d'un haut représentant pour la PESC, personnalité politique
investie d'un véritable rôle de représentation et
d'animation, et les Allemands soucieux de ne pas déssaisir les ministres
des affaires étrangères des Quinze en confiant la PESC à
une instance concurrente.
• Le traité d'Amsterdam institue un
haut représentant
pour la PESC
(art. 18§3) qui contribue à la formulation,
à l'élaboration et à la mise en oeuvre des
décisions politiques et agit au nom du Conseil et à la demande de
la présidence, en conduisant le dialogue politique avec des tiers.
Sous un vocable qui satisfait les aspirations françaises, la
réalité de cette fonction correspond davantage aux voeux des
Allemands et d'une majorité de nos partenaires. En effet,
la charge
d'assurer la représentation des intérêts diplomatiques
européens revient au secrétaire général du
Conseil.
Certes, pour l'heure, rien n'est vraiment joué : un
secrétaire général -l'exemple d'autres organisations
internationales comme l'ONU ou l'OTAN le montre- peut avoir une dimension
politique. Cependant, faute d'une volonté politique -et force est de
constater que, pour l'heure, elle n'existe pas- la force des pratiques
passées risque de l'emporter et le profil très administratif du
secrétaire général du Conseil ne semble pas devoir
être remis en cause. Dès lors, la reconnaissance d'un haut
représentant pour la PESC innovera moins qu'elle ne consacrera le
rôle actuel du secrétaire général du Conseil dans
l'organisation des travaux liés à la PESC et la
préparation des décisions adoptées dans ce domaine.
Certes, des facteurs d'évolution existent : la mise en place d'un
secrétaire général adjoint permettra sans doute au
secrétaire général de s'investir davantage dans le domaine
de la PESC. En outre, les prochaines candidatures à ce poste lorsque
l'actuel titulaire
16(
*
)
arrivera au terme de son
mandat en août 1999 -à une date à laquelle les
procédures de ratification du traité d'Amsterdam dans les
différents Etats membres seront, du moins on peut l'espérer,
achevées- pourront revêtir un caractère plus politique.
• Aux côtés du haut représentant pour la PESC, le
traité d'Amsterdam consacre la pratique actuelle de
nommer des
représentants spéciaux pour
un problème ou une
région donnés
. Cette pratique a fait ses preuves en Bosnie,
au Proche-Orient et aussi dans la région des grands lacs. Elle
méritait de recevoir une assise plus solide dans le texte même des
traités (art. 18§5).
b) Un renforcement de la cohésion
Le
traité d'Amsterdam cherche à renforcer la cohésion de la
PESC à travers deux aménagements dont la portée reste
limitée.
La réforme de la représentation du Conseil
Afin de remédier en partie à l'absence de continuité
provoquée par les rotations (tous les six mois) des présidences
au Conseil, le traité de Maastricht avait permis d'associer à la
présidence, dans le cadre d'une " troïka ", le pays ayant
exercé la présidence précédente et celui
appelé à l'exercer ensuite. Toutefois, l'Union perdait ici en
visibilité ce qu'elle gagnait en pérennité.
Le traité d'Amsterdam simplifie la représentation de l'Union dans
le domaine de la PESC assurée désormais par
la
présidence en exercice et l'Etat membre destiné à exercer
la présidence suivante
(art. 18§4).
La nécessaire coordination des Etats-membres au sein des
organisations internationales renforcée
Au-delà du devoir d'information réaffirmé qui incombe
à ceux des Quinze qui appartiennent à des organisations
internationales ou participent à des conférences auxquels tous
les Etats membres ne sont pas associés, le traité apporte un
double complément :
• la
coordination
des Etats-membres au sein des organisations
internationales (seul le principe d'une concertation entre les Etats membres du
Conseil de sécurité avait jusqu'à présent
été posé).
• la responsabilité qui revient aux Etats-membres de
défendre des positions communes
, en particulier au sein des
instances ou réunions auxquelles l'ensemble des Quinze ne participent
pas (art. 19§1).
2. La question du financement
a) Un fonctionnement peu satisfaisant
Le
traité de Maastricht ouvrait une double possibilité pour le
financement des dépenses opérationnelles
:
- la prise en charge par les Etats membres selon une clef de répartition
non précisée,
- ou, après une décision unanime du Conseil, le financement par
le budget communautaire. Dans cette hypothèse, les dépenses
opérationnelles entrent alors dans la catégorie des
dépenses non obligatoires
pour lesquelles le
Parlement
européen dispose du dernier mot
.
Dans la pratique, la prise en charge des dépenses opérationnelles
de la PESC est revenue principalement au budget communautaire. Dès lors,
le Parlement européen, simplement consulté sur les orientations
générales de la PESC, a cherché à influencer la
PESC bien au-delà des attributions que lui reconnaissaient la lettre des
traités.
Cette pratique pouvait aboutir à cette situation paradoxale où le
Parlement européen bénéficiait pour la politique
étrangère d'un rôle plus important que celui dévolu
aux parlements nationaux.
Cette anomalie, préjudiciable aux équilibres institutionnels qui
doivent présider à une coopération d'essence
intergouvernementale, n'a pas été corrigée par le
traité d'Amsterdam.
b) Un dispositif financier déséquilibré
Le
traité d'Amsterdam inverse le principe posé par Maastricht :
la prise en charge des dépenses opérationnelles liées
à la PESC sur le budget
communautaire apparaît la
règle
. Le financement par les Etats-membres demeure une
alternative
et le traité pose comme clef de répartition le
produit national brut -à moins que le Conseil, par une décision
unanime, n'en décide autrement (art. 28§3).
La Conférence intergouvernementale avait envisagé, comme le
souhaitait la France, de ranger les dépenses liées à la
PESC dans la catégorie des dépenses obligatoires. Toutefois,
avant la conclusion des travaux de la CIG, le Parlement européen a
finalement obtenu, dans le cadre d'un
accord interinstitutionnel
(conclu
entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission) que
les
dépenses de cette nature continuent de figurer au rang des
dépenses non obligatoires
pour lesquelles l'Assemblée de
Strasbourg a le dernier mot.
L'accord interinstitutionnel prévoit certes que le Parlement et le
Conseil s'efforcent de parvenir chaque année à un accord sur le
montant global des dépenses opérationnelles et leur
répartition par article budgétaire. Faute d'accord, le montant
inscrit au budget de l'année précédente est au moins
reconduit. Si les crédits se révèlent insuffisants, la
Commission peut procéder à des virements à
l'intérieur d'un même chapitre.
Malgré ces éléments de souplesse, le maintien du statu quo
sur la nature non obligatoire des dépenses liées à la PESC
n'est pas, aux yeux de votre rapporteur, satisfaisant au regard du pouvoir
excessif qu'il assure ainsi au Parlement européen.
CONCLUSIONS
Au terme
de cette analyse détaillée des dispositions du traité,
votre rapporteur présentera plusieurs observations et propositions qui
constituent une contribution au débat qu'il reviendra à la
commission des Affaires étrangères et de la Défense, puis
au Sénat dans son ensemble, de conduire après le
dépôt par le gouvernement du projet de loi autorisant la
ratification du traité d'Amsterdam.
Votre rapporteur dressera d'abord un bilan des avancées et des
insuffisances des résultats de la Conférence
intergouvernementale. Il s'interrogera ensuite sur l'opportunité de
ratifier l'accord et le cas échéant, sur les conditions de
ratification. Enfin, il présentera plusieurs initiatives susceptibles de
relancer la réforme institutionnelle.
I. NI EXCÈS D'HONNEUR, NI INDIGNITÉ ...
Même s'il n'apporte pas de développement majeur
à la construction européenne, le traité d'Amsterdam
apporte des inflexions importantes au dispositif existant. Il est possible d'en
évaluer la portée dans quatre domaines présentés
ici dans l'ordre décroissant de leurs mérites au regard de la
construction européenne.
•
La mise en place d'un espace de liberté, de
sécurité et de justice
Il faut souligner dans ce domaine, selon votre rapporteur, trois
avancées
réelles
.
-
La "communautarisation" progressive des questions relatives à la
libre circulation des personnes
,
à l'asile et à
l'immigration
. Ces matières, jusqu'à présent
régies par les règles de la négociation
intergouvernementale, obéiront, au terme d'une période de
transition de 5 ans, aux procédures communautaires : initiative de la
Commission et, à condition que le Conseil le décide à
l'unanimité, majorité qualifiée et codécision du
Parlement européen. Dans ces domaines où la coopération
est devenue indispensable, l'efficacité passe en effet par une plus
grande souplesse de décision.
-
L'intégration de l'"acquis de Schengen" dans le cadre de l'Union
européenne
; elle n'aura pas seulement pour effet de restaurer la
cohérence d'un dispositif passablement complexe, mais aussi de donner
pour principe à la coopération à quinze
le lien
reconnu par les accords de Schengen
entre libre circulation et
sécurité
.
-
L'assouplissement des mécanismes de la coopération
intergouvernementale
le cadre du troisième pilier maintenu -mais
désormais cantonné à la coopération
policière et judiciaire en matière pénale.
Votre rapporteur fera toutefois état d'un regret et d'une
inquiétude :
- un regret, d'abord : le vote à la majorité qualifiée n'a
aucunement progressé dans le cadre du troisième pilier refondu,
alors qu'il eut été très utile pour avancer sur la voie
d'un espace judiciaire européen ;
- une inquiétude : la multiplication des statuts dérogatoires
pour le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark.
•
La politique étrangère et de sécurité
commune
Dans ce domaine, le bilan d'Amsterdam apparaît plus contrasté.
Il importe de relever la mise en place
d'une unité de planification
et d'alerte rapide,
qui plus qu'un "M. PESC" au profil administratif,
constitue une innovation prometteuse permettant d'amorcer très en amont
la concertation nécessaire.
Deux autres modifications inspirent un jugement plus nuancé :
- Les règles de vote ont été assouplies, notamment avec la
reconnaissance du principe de
l'abstention constructive
. Cependant, tout
Etat dispose d'un droit de veto quand il invoque des "raisons de politique
nationale importantes". En outre, les coopérations renforcées ne
peuvent s'appliquer à la PESC qui en constitue pourtant le champ
d'application privilégié.
- Dans le domaine de la sécurité européenne, les pays
neutres ont accepté que les
missions dites de Petersberg
,
principalement les missions humanitaires ou de maintien de la paix, soient
intégrées au traité et il y a là un
infléchissement intéressant au regard de la position
traditionnelle de ces pays. Cependant, hormis sur ce point, le statu quo
prévaut et on peut le regretter.
•
Les politiques communes
Les résultats apparaissent ici encore plus modestes. Toutefois, si les
avancées relèvent en effet plutôt de l'ordre de la
rhétorique, du moins ont-elles le mérite d'ouvrir la politique
communautaire sur des préoccupations plus proches des citoyens et cela
n'est pas indifférent au moment où l'Europe tend à
susciter plus de défiance que d'enthousiasme. Trois modifications
méritent donc d'être relevées :
-
l'intégration du protocole social au traité
communautaire
après la levée de l'opposition britannique ;
-
un nouveau titre sur l'emploi
et le renforcement de la coordination
dans ce domaine ;
- enfin,
en matière de santé
, la possibilité pour
le Conseil d'adopter à la majorité qualifiée, d'une part,
des normes élevées de qualité pour les substances
d'origine humaine et, d'autre part, des mesures dans le domaine
vétérinaire. Ces dispositions traduisent moins une extension des
compétences communautaires qu'une
réappropriation par
l'autorité politique
, incarnée par le conseil, de
responsabilités assumées jusqu'à présent à
l'échelle administrative.
•
La réforme institutionnelle
Sur ce point, le plus important, pourtant, aux yeux de votre rapporteur, le
traité d'Amsterdam a failli à ses objectifs.
Il n'a en effet apporté que deux seules modifications :
une
extension de la procédure de codécision
qui associe à
parité le Parlement et le Conseil dans la procédure de
décision ;
la mise en place des coopérations
renforcées
. Or ces deux mesures, pourtant limitées,
soulèvent bien des incertitudes.
L'extension de la codécision n'appelle pas en soi d'objection de
principe. Toutefois, elle a pour effet de faire du Parlement européen la
seule institution qui sorte renforcée du traité d'Amsterdam,
compte tenu du statu quo observé vis-à-vis du Conseil et de la
Commission. Ainsi, il faut bien le reconnaître,
elle a plutôt
favorisé la faculté d'empêcher plutôt que la
capacité d'initiative
.
Les coopérations renforcées, quant à elles, permettent
à certains Etats désireux d'aller de l'avant dans des domaines
délimités de s'associer, tout en respectant le cadre
institutionnel de l'Union. A cet égard, cette formule
représentait une véritable alternative à l'extension du
vote à la majorité qualifiée qui avait été
refusée à Amsterdam. Cependant, les conditions excessivement
rigoureuses définies pour la mise en oeuvre d'une coopération
renforcée, ainsi que la possibilité pour tout Etat de s'y opposer
affaiblissent beaucoup ce nouvel instrument.
Incapables de s'entendre à Amsterdam sur un dispositif institutionnel
réformé, les négociateurs ont décidé dans le
cadre d'un
protocole
17(
*
)
de
reporter
la question
à deux échéances plus
lointaines :
- première échéance : le premier élargissement de
l'Union
; à cette date, la Commission se composera d'un national de
chaque Etat membre, à la condition que la pondération des voix au
sein du Conseil ait été modifiée soit par une nouvelle
pondération des voix soit par une double majorité "d'une
manière acceptable pour tous les Etats membres", compte tenu notamment
d'une compensation pour ceux qui renoncent à la possibilité de
désigner un deuxième membre de la Commission
18(
*
)
;
-
Deuxième échéance : un an au moins avant que l'Union
européenne ne compte plus de vingt membres
, une Conférence
sera convoquée pour procéder à un réexamen complet
des dispositions des traités relatives à la composition et au
fonctionnement des institutions.
Certes, ces deux positions se distinguent par leur portée : la
première concerne seulement la Commission et le Conseil, la seconde
ouvre la perspective d'une réforme d'ensemble des institutions.
Cependant, elles ont toutes deux en commun de reconnaître la
primauté à l'élargissement.
La première disposition ne pose pas, en effet, de
lien entre
réforme et élargissement mais entre deux réformes de
nature différente.
La seconde définit une méthode de
révision -une conférence intergouvernementale- sans fixer
aucune obligation de résultat
.
La France avait souhaité que l'aménagement institutionnel
constitue le préalable de l'élargissement. Or,
l
'élargissement dans la configuration dessinée par la
Conférence intergouvernementale risque fort d'anticiper la
réforme.
Mais la formulation du protocole présente bien d'autres limites sur
lesquelles il convient de revenir.
En premier lieu le lien posé, dans le cadre de la première
échéance, entre la modification de la composition de la
Commission et la repondération des voix au Conseil ne présente,
de quelque point de vue -logique, procédural, politique- que l'on se
place, aucune justification :
- sur le fond, le seul lien pertinent doit s'établir entre la
repondération des voix et l'extension du vote à la
majorité qualifiée ;
- sur le plan de la procédure, la réduction du nombre des
commissaires relève d'une simple décision du Conseil (art. 213
§ 1), une nouvelle pondération requiert au contraire une
révision des traités
19(
*
)
;
- d'un point de vue politique, le lien se présente comme une concession
des "petits" Etats (sur la repondération) contre une concession des
"grands" (sur la Commission) ; ainsi c'est le clivage même entre deux
groupes d'Etats, dont on sait combien il a été paralysant pour la
Conférence intergouvernementale, qui se trouve figé dans ce texte.
Enfin, la voie choisie pour la réforme de la Commission -qui constitue
en soi un problème distinct- apparaît problématique car,
comme l'a souligné avec raison M. Laurent Cohen-Tanugi devant notre
commission, elle ne réduit pas notablement les effectifs de la
Commission européenne mais elle consacre en revanche la
"renationalisation" d'une institution que les "pères fondateurs" avaient
justement souhaité indépendante pour servir
l'intérêt commun.
Le lien posé entre une réforme institutionnelle d'ensemble et
l'élargissement de l'Union au-delà de vingt membres
soulève une autre série de difficultés.
D'une part, il reprend une formule dont la Conférence
intergouvernementale vient précisément de souligner les
défauts. D'autre part, et surtout, il recule la date limite de la
réforme institutionnelle au moment où l'Union comprendra
déjà vingt membres. Or, comment parvenir à vingt à
un accord impossible à trouver à quinze ?
Rien n'interdit cependant d'attendre le moment où l'Union aura atteint
vingt membres pour ouvrir la négociation sur la réforme. Le
protocole fixe seulement une
date limite
(l'année qui
précède la vingt et unième adhésion). Dans ce
cadre, la réforme peut s'ouvrir à tout moment. C'est du reste
peut-être le seul élément réellement positif du
protocole dans la mesure où il peut servir
dès maintenant
de base à une initiative institutionnelle de grande
ampleur.
II. UNE RATIFICATION SOUS CONDITIONS
Après avoir été signé par les
Quinze le
2 octobre 1997, le traité d'Amsterdam entrera en vigueur lorsque les
procédures de ratification auront été conduites à
leur terme dans tous les Etats membres de l'Union
européenne
20(
*
)
.
Pour la France, la procédure de ratification soulève trois
questions successives et autant de préalables à résoudre :
la
constitutionnalité
du traité, le
choix de la
procédure
de ratification -référendaire ou
parlementaire- et enfin, en dernière instance,
la décision
d'autoriser
la ratification.
Si les deux premières questions sont en voie d'être
tranchées, la dernière demeure indécise. Parce qu'elle
intéresse au premier chef le Parlement, elle retiendra toute l'attention
de votre rapporteur.
•
Le préalable constitutionnel
A la suite d'une
saisine conjointe
du Président de la
République et du Premier ministre sur la base de l'article 54 de notre
Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé indispensable une
révision de la Constitution avant la ratification par la France du
traité d'Amsterdam.
En effet, le Conseil constitutionnel a estimé que la plupart des
dispositions du traité d'Amsterdam relatives à la libre
circulation des personnes (visas, asile, immigration et franchissement des
frontières - articles 62 § 1 et 2, 63 § 1 à 4, 67
§ 2 et 4) portaient atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale dans la mesure où elles prévoient :
- le passage au vote à la majorité qualifiée, à
l'issue d'une période de cinq ans, même s'il résulte d'une
décision du Conseil à l'unanimité, pour la
définition des règles relatives à l'asile, à
l'immigration et au franchissement des frontières intérieures des
Etats membres par des ressortissants des pays tiers ;
- le passage automatique à la majorité qualifiée pour les
procédures et conditions de délivrance des visas de court
séjour et les règles applicables en matière de visas
uniformes.
Selon le Conseil Constitutionnel, la première de ces procédures
dépasse le champ de l'habilitation prévu par l'article 88-2 de la
constitution pour le transfert des compétences lié à
l'entrée en vigueur du traité de Maastricht. En outre, elle aura
pour effet d'organiser le passage à la règle de
l'unanimité sans que soit nécessaire, le moment venu, aucun acte
de ratification ou d'approbation nationale. La seconde procédure, quant
à elle, propose une "modalité nouvelle de transfert de
compétences dans des domaines où est en cause la
souveraineté nationale".
Dans ces conditions, une révision de la Constitution a été
jugée indispensable.
Elle devrait intervenir au cours du second semestre de l'année 1998
à la suite d'une décision adoptée par le
Congrès.
Il faut espérer, dans le cadre de la réforme constitutionnelle,
que le débat n'inverse pas les termes des difficultés
soulevées par le traité d'Amsterdam en se polarisant sur les
quelques
avancées
de ce texte -les transferts de
souveraineté, d'ailleurs limités- pour négliger
le
problème
essentiel
:
l'absence de réforme
institutionnelle
.
•
La procédure parlementaire, privilégiée pour
la ratification du traité
La procédure référendaire paraît aujourd'hui
écartée. Deux facteurs ont joué dans ce sens.
Dans le cadre d'une démocratie représentative, le Parlement doit
pleinement jouer son rôle dans les grandes étapes de la
construction européenne.
Les citoyens ont déjà approuvé au moment du
référendum sur le traité de Maastricht de 1992 des
transferts de souveraineté sur des questions essentielles. Les
évolutions décidées à Amsterdam s'inscrivent dans
le prolongement des modifications apportées par le traité de
Maastricht tout en revêtant une moindre ampleur : elles ne justifient
donc pas l'organisation d'un nouveau référendum.
En bonne logique, il appartiendra donc au Parlement de se prononcer sur
l'autorisation de ratifier le traité d'Amsterdam.
•
Le choix du Parlement : résolution ou article additionnel
?
Respectueux de la compétence traditionnelle reconnue au gouvernement
dans le domaine de la politique étrangère, notre système
institutionnel ne laisse en principe au Parlement d'autre choix que d'accepter
ou de rejeter l'autorisation de ratification. Or, cette alternative ne
paraît guère satisfaisante pour le traité d'Amsterdam.
Un rejet
en effet ne serait pas justifié au regard des
avancées positives apportées par le traité d'Amsterdam
dans plusieurs domaines. En outre, il risquerait d'ouvrir une grave crise sans
aucune garantie de provoquer le choc nécessaire à même de
décider nos partenaires à discuter d'un projet plus ambitieux. En
revanche, un tel rejet présenterait le risque réel de remettre en
cause les quelques acquis indéniables obtenus par la Conférence
intergouvernementale.
Faut-il pour autant approuver le traité en l'état ?
Une
telle position reviendrait à accepter l'élargissement de l'Union
sans aucune assurance d'obtenir la réforme institutionnelle
préalable. Le traité en effet n'apporte aucun progrès
réel sur les questions institutionnelles et il ne garantit pas davantage
qu'une réforme se concrétisera avant la mise en oeuvre du
processus d'élargissement. Certes, la politique du pire reste toujours
possible : les dysfonctionnements d'une Union élargie à 20
membres pourraient entraîner de tels blocages que la réforme
institutionnelle apparaîtrait alors comme la seule issue possible. Mais
une telle situation peut conduire de façon encore plus assurée
les Etats membres à se résigner à la dilution du projet
européen sous la forme d'une vaste zone de libre-échange. Une
telle perspective apparaît inacceptable et le pari trop risqué.
La réforme institutionnelle doit constituer le préalable à
l'élargissement. Le Parlement ne peut approuver l'autorisation de
ratifier le traité d'Amsterdam sans obtenir de garantie sur la positon
du gouvernement sur ce point. Certes, la France au moment de la signature du
traité, a rappelé dans une
déclaration commune avec la
Belgique et l'Italie
la nécessité de renforcer les
institutions avant la conclusion des premières négociations
d'adhésion. Cependant, un tel engagement présentera une
portée plus grande s'il se trouve réaffirmé dans le cadre
même de la procédure de ratification : il traduira alors en effet
la volonté nationale exprimée par les représentants du
peuple français.
Il apparaît donc nécessaire d'associer
le Parlement au souhait formulé par le gouvernement français
d'obtenir une réforme institutionnelle préalable à
l'élargissement de l'Union.
Comment procéder ? La voie apparaît excessivement étroite
dans la mesure où le Parlement ne dispose pas, en principe, du droit
d'amender un projet de loi tendant à autoriser la ratification d'un
accord international. Cependant, plusieurs formules ont été
avancées, certaines peuvent être retenues.
1°
L'exclusion, dans la pratique institutionnelle, du droit
d'amendement
En la matière, les dispositions du règlement de
l'Assemblée nationale sont sans équivoque :
"Lorsque l'Assemblée est saisie d'un projet de loi autorisant la
ratification d'un traité ou l'approbation d'un accord international non
soumis à la ratification, il n'est pas voté sur les articles
contenus dans ces actes et il ne peut être présenté
d'amendement"
(art. 128 alinéa 1). La formulation du
règlement du Sénat
n'exclut pas explicitement la
possibilité d'amendements
:
"Lorsque le Sénat est saisi
d'un projet de loi tendant à autoriser la ratification d'un
traité conclu avec une puissance étrangère, il n'est pas
voté sur les articles de ce traité, mais seulement sur le projet
de loi tendant à autoriser la ratification".
(art. 47).
Si la tentation a existé de tirer parti de l'ouverture ainsi faite, le
Gouvernement a régulièrement opposé
l'irrecevabilité aux amendements présentés dans le cadre
d'un projet de loi autorisant la ratification d'un traité. Le cas s'est
présenté à plusieurs reprises. Ainsi, au moment de
l'examen du traité franco-allemand du 22 juin 1963, M. Jean
Lecanuet avait souhaité déposer un amendement faisant
référence au pacte atlantique -à l'instar de l'amendement
d'inspiration "atlantiste" adopté par le Bundestag et le Bundesrat. Le
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères avait alors
opposé l'irrecevabilité et le président Monnerville avait
alors constaté que "rien, ni dans l'article 41 de la Constitution qui
définit les matières constituant le domaine de la loi, ni dans
l'article 53 qui concerne la ratification des traités internationaux ne
permet de considérer que l'amendement par son texte, entre dans le
domaine de la loi". La même interprétation prévalut
notamment lors de l'examen, le 23 juin 1977, d'un amendement au projet de
loi approuvant la décision du Conseil des Communautés
européennes relative à l'élection des représentants
à l'Assemblée des communautés européennes au
suffrage universel.
Le droit d'amendement apparaissant exclu, sinon dans son principe, du moins
dans la pratique institutionnelle, le Parlement dispose-t-il d'autres moyens
pour affirmer dans le cadre de la procédure de ratification la
nécessité d'une réforme institutionnelle ? Deux formules
ont été avancées et méritent l'examen : le vote
d'une résolution, l'adoption d'un article additionnel.
2°
Le vote d'une résolution
Une résolution a vocation à exprimer une volonté
politique. Elle n'a toutefois pas d'effet juridiquement contraignant. Ainsi
elle pourrait constituer un cadre adapté à l'expression, par le
Parlement, de l'importance du préalable institutionnel sans remettre en
cause toutefois les prérogatives reconnues à l'exécutif
dans le domaine de la politique étrangère. Cette formule a
été brillamment défendue par M. Pierre Fauchon dans un
rapport de la Délégation du Sénat pour l'Union
européenne
21(
*
)
.
Dans la situation actuelle de notre droit, le Parlement ne peut voter des
résolutions sauf dans les cas prévus par les textes
constitutionnels et organiques. Cette interdiction ne résulte pas de la
lettre même de notre constitution mais d'une décision du Conseil
constitutionnel de 1959. L'Assemblée nationale et le Sénat ont
tiré les conséquences de cette décision dans leurs
règlements respectifs et posé le principe de
l'irrecevabilité des résolutions parlementaires.
C'est pourquoi M. Pierre Fauchon a proposé une réforme du
règlement du Sénat permettant aux sénateurs de
présenter des résolutions "en liaison avec l'examen d'un projet
ou d'une proposition de loi relevant de l'article 53 de la Constitution". Cette
formule présenterait deux avantages, le premier de nature
circonstancielle, le second, plus général :
- elle donnerait au Sénat le moyen d'exprimer ses préoccupations
sur les perspectives institutionnelles au moment de l'examen du traité
d'Amsterdam ;
- elle permettrait dans la perspective de la revalorisation du rôle du
Parlement, de donner aux parlementaires une plus grande marge d'action dans un
domaine -les traités ou accords internationaux- où leur
initiative apparaît étroitement circonscrite.
Cependant, la formule des résolutions présente aussi une triple
incertitude.
-
Le choix de la méthode
pour cette extension des pouvoirs des
parlementaires : une réforme du règlement du Sénat risque
de se heurter à la censure du Conseil constitutionnel dont rien ne
permet de préjuger un renversement de jurisprudence. En outre, elle aura
pour effet de permettre au Sénat, seul, d'adopter des résolutions
alors qu'une telle faculté devrait, bien sûr
bénéficier également à l'Assemblée.
Dès lors, un tel aménagement des compétences
parlementaires trouverait mieux sa place dans une réforme
constitutionnelle -perspective qu'envisage d'ailleurs aussi M. Pierre Fauchon.
-
Le champ d'application des résolutions
: sans doute
conviendrait-il d'étendre la possibilité de présenter des
résolutions, au-delà des textes présentés en vertu
de l'article 53 de la Constitution, à l'ensemble des projets ou
propositions de loi. En effet, comme le relève d'ailleurs notre
collègue, une telle évolution permettrait de mieux séparer
les mesures dotées de réels effets juridiques des simples
dispositions déclaratoires aujourd'hui souvent confondues dans les
textes de loi, faute pour le Parlement de pouvoir exprimer des intentions
politiques par des moyens plus adaptés et dans un cadre juridique plus
adéquat. En outre, il y aurait quelque paradoxe à permettre
l'adoption de résolutions en matière de politique
étrangère et à la prohiber dans le domaine des affaires
intérieures qui relèvent, de manière plus approfondie, du
champ des compétences parlementaires.
-
Une résolution n'engage que la représentation nationale.
En effet, la résolution non seulement ne présente pas
d'effets contraignants mais elle constitue avant tout l'expression de la
volonté politique du Parlement sans engager de quelque façon le
gouvernement. Dans le domaine de la politique étrangère où
les prérogatives se concentrent entre les mains de l'exécutif,
cette limitation apparaît fâcheuse. En particulier, au regard des
enjeux soulevés par le traité d'Amsterdam, la portée d'une
résolution pourra paraître insuffisante et l'on ne discerne pas
très bien quelle notable plus-value apporterait la résolution par
rapport aux travaux de notre Commission et au débat en séance
publique lors de l'examen d'un projet de loi de ratification.
Ce dernier argument plaide pour une autre formule, l'introduction d'un article
additionnel au projet de loi de ratification.
3°
Un article additionnel au projet de loi
:
la formule la plus
adaptée pour rappeler le préalable institutionnel
.
Cette formule, dont l'idée revient à M. Valéry Giscard
d'Estaing, présente un avantage décisif.
En effet l'article additionnel a force de loi. Dès lors il engage le
gouvernement vis-à-vis du Parlement auquel il sera tenu de rendre compte
des efforts entrepris pour ouvrir le chantier de la réforme
institutionnelle. Mais il conforterait aussi la position de notre gouvernement
vis-à-vis de nos partenaires pour obtenir l'ouverture d'une nouvelle
réflexion dans le domaine institutionnel.
Certes, un tel article additionnel devrait être
introduit par le
gouvernement
, compte tenu des prérogatives limitées du
Parlement en la matière. En outre, ni l'Assemblée, ni le
Sénat ne pourraient, en principe, amender un éventuel article 2
au projet de loi de ratification. Cependant, la possibilité
donnée au Parlement de se prononcer par un vote sur un tel article
conférerait à celui-ci
valeur politique au moins
équivalente à celle de la résolution et une valeur
juridique certainement supérieure.
L'article additionnel devrait, du
reste, être élaboré en étroite concertation avec le
Parlement.
Enfin, la formule de l'article additionnel ne soulève pas de
difficultés au regard de nos principes constitutionnels ; elle peut
d'ailleurs se prévaloir du précédent
représenté par l'introduction d'un article 2 dans la loi de 1977
portant ratification de l'élection du Parlement européen au
suffrage universel.
Quelle forme pourrait revêtir un tel article additionnel ? Il devrait,
pour votre rapporteur, reprendre les termes de la déclaration commune de
la Belgique, de la France et de l'Italie et poser pour principe
le
renforcement des institutions comme une condition indispensable de la
conclusion des premières négociations d'adhésion.
Aller au-delà risquerait de lier à l'excès notre
gouvernement, alors même que le succès de la négociation
dépendra sans doute de la souplesse des solutions qui pourront
être trouvées. Redisons le, l'article additionnel a surtout
vocation à conforter la position du gouvernement français
vis-à-vis de nos partenaires tout en l'engageant à l'égard
de la représentation nationale.
S'il serait illusoire, et sans doute contreproductif, de figer les positions de
la France dans le marbre de la loi, il revient cependant au Parlement de
participer à la réflexion dans le domaine de la réforme
institutionnelle et de guider le gouvernement dans les orientations qui
pourraient être prises. Un rapport d'information constitue
précisément le cadre privilégié pour l'expression
de telles orientations. Aussi votre rapporteur souhaiterait-il maintenant
évoquer les principes qui devraient inspirer la réforme
institutionnelle nécessaire.
III. QUELLE STRATÉGIE POUR QUELLES RÉFORMES ?
Votre
rapporteur s'attachera à répondre à deux questions :
- quelles modifications apporter au fonctionnement de l'Union avant
l'élargissement?
- quelle méthode mettre en oeuvre pour réussir là
où la Conférence intergouvernementale a échoué ?
1.
L'indispensable équilibre entre efficacité et
légitimité
Les propositions avancées ici par votre rapporteur ont avant tout une
portée pratique : elles visent à permettre à l'Union
élargie à 20 voire à 25 membres de continuer non seulement
à fonctionner mais aussi d'avancer dans le processus de construction
européenne. A titre d'exemple, dans le scénario d'un
élargissement maximal, la présentation par chaque Etat de sa
position, qui est de règle au Conseil, réclamera à elle
seule, quatre heures !
Il ne s'agit donc pas ici d'étendre les compétences de l'Union
européenne. Les traités fixent déjà un large champ
de possibilités aux Etats membres qu'il convient d'utiliser pleinement.
Il importe donc de recentrer le débat sur la recherche d'une plus grande
efficacité des mécanismes institutionnels, il faut aussi combler
le fossé qui s'est creusé entre l'Union et les citoyens.
L'efficacité et la légitimité constituent ainsi les
deux maître-mots appelés à guider une réforme de
l'Union.
• L'efficacité
L'objectif d'efficacité se décline autour de deux thèmes :
la procédure de décision au sein du Conseil, la composition de la
Commission.
*
La révision des procédure de décision
pourrait
reposer sur
trois
types de mesures
:
1° L'extension du champ d'application de la majorité
qualifiée
Elle constitue une condition indispensable pour continuer de prendre des
décisions dans une Europe élargie.
Elle devrait porter sur
deux domaines :
- le pilier communautaire où le vote à la majorité
qualifiée doit devenir la règle et l'unanimité,
l'exception (la règle de la majorité devrait notamment
prévaloir dans le domaine de l'
harmonisation fiscale
, seul moyen
d'éviter la pratique du "dumping fiscal").
- la nomination du
président de la Commission
afin de faire
prévaloir les qualités de la personne plutôt que sa
capacité à s'effacer.
2° L'extension de la majorité qualifiée suppose une
révision des conditions de vote :
- soit par une
repondération des voix
en faveur des grands Etats
afin de retrouver l'équilibre originel de l'Europe des douze -comme le
préconise M. Pierre Fauchon ;
- soit par un système de
double majorité
représentant la majorité des Etats et la majorité de
la population ; il combine en effet un
principe d'égalité
propre à satisfaire les petits pays et un
principe de
représentativité démocratique
des décisions
-assurées ainsi de refléter la majorité de la population
de l'Union. Cette formule paraît la mieux à même de conjurer
le risque que se forme une minorité de blocage.
3°
Le mécanisme des coopérations renforcées
mis en place par le traité d'Amsterdam devrait être amendé
de sorte que les quatre dispositions qui en limitent l'efficacité soient
supprimées
:
- d'abord, le droit de veto (sous la forme d'une "raison de politique nationale
importante") que tout Etat membre peut opposer à la mise en place d'une
coopération renforcée ;
- en second lieu, l'exclusivité dont dispose la Commission pour proposer
au Conseil des coopérations renforcées dans le cadre du pilier
communautaire afin d'ouvrir également cette faculté aux Etats
membres ;
- la nécessité, ensuite, de réunir une majorité
d'Etats pour mettre en oeuvre une coopération renforcée afin de
laisser la
possibilité à six Etats au moins de poursuivre une
coopération renforcée
;
- enfin l'exclusion de la politique étrangère et de
sécurité commune du champ d'application des coopérations
renforcées.
*
La composition de la Commission
La proposition avancée par la France, au moment de la Conférence
intergouvernementale, de réduire les effectifs de la Commission à
une dizaine de membres apparaissait, à coup sûr, audacieuse mais
peu réaliste. Aucun Etat ne peut réellement accepter de
n'être pas représenté au sein d'une institution qui joue un
rôle aussi crucial dans la procédure de décision
communautaire. Ainsi pour votre rapporteur, le débat sur la Commission
doit cesser de se cristalliser sur le nombre des commisaires pour se recentrer
sur une réorganisation des structures.
Il convient de privilégier ainsi la mise en place autour du
président de la Commission de
vice-présidents
chargés chacun d'un grand secteur de compétences (relations
extérieures, économie, etc.) et assistés, le cas
échéant, de commissaires délégués -une
rotation pouvant être organisée au niveau des
vice-présidents entre les différents Etats dans un souci
d'équilibre ;
•
Le souci de légitimité démocratique
Le souci de légitimité démocratique constitue le pendant
obligé d'institutions plus efficaces. En effet, il ne servirait à
rien de renforcer le système de décision communautaire si ces
décisions continuent de se heurter à l'incompréhension
voire à l'hostilité de l'opinion publique. Dans cette
perspective, la
subsidiarité
comme le
rôle du Parlement
européen
apparaissent deux thèmes essentiels.
1° La subsidiarité
Le courant eurosceptique se nourrit pour une large part d'un sentiment de
dépossession dû, en particulier, à l'imprécision des
limites assignées aux compétences de l'Union. Au-delà de
ces préoccupations -qui ne manquent d'ailleurs pas de
légitimité- l'indétermination des compétences de
l'Union représente également un facteur d'incertitude juridique.
Ainsi, à titre d'exemple, dans le cas de l'Allemagne, la concurrence des
normes européennes avec les compétences des länder suscite
de nombreuses interrogations.
Le rapport Westendorp avait renoncé à dresser une liste des
compétences de l'Union. La subsidiarité n'a finalement
trouvé d'autre écho dans le traité d'Amsterdam que de
simples déclarations d'intention. Aussi convient-il de reprendre la
tâche en s'inspirant par exemple du projet Spinelli relatif au
traité sur l'Union européenne en 1984, et
distinguer entre les
compétences exclusives et les compétences partagées avec
les Etats-membres.
Cette délimitation des compétences permettrait ainsi de recentrer
l'Union sur les domaines qu'elle peut réellement assumer.
2° Revoir la position de la France vis-à-vis du Parlement
européen
La France a rarement considéré le Parlement européen avec
bienveillance. Ce désintérêt s'est traduit par une
fragmentation de la représentation française au sein de
l'institution de Strasbourg où notre influence se trouve dès lors
assez réduite. Une telle situation risque de se révéler
extrêmement négative au moment où le traité
d'Amsterdam a précisément accru les pouvoirs du Parlement
européen. C'est pourquoi il importe de conduire au plus tôt une
réflexion, qu'il appartient aux partis politiques d'ouvrir, sur la
représentation de la France au sein du Parlement européen afin
d'éviter la dispersion actuelle.
2.
Retrouver les voies d'une ambition pour l'Europe
Ces orientations prises, comment les mener à bien ? A l'exception des
aménagements souhaitables de la position française
vis-à-vis du Parlement européen qui ne relève que de
l'initiative nationale, elles requièrent toutes un consensus des Quinze.
Deux questions, dès lors, se posent :
- quel cadre mettre en place pour obtenir un accord sur la réforme
institutionnelle ?
- quelle stratégie la France doit-elle adopter dans cette perspective ?
•
La procédure souhaitable
Il faut, en amont de la révision des traités, éviter la
lourdeur d'une procédure intergouvernementale.
Le Marché commun, l'Acte unique et l'Union économique et
monétaire sont issus respectivement, il faut le rappeler, des
comités Spaak, Dooge et Delors. Un tel mandat pourrait de nouveau
être confié par les Quinze à un groupe de
personnalités européennes incontestables. Le Conseil
européen de Cardiff du mois de juin a prévu une réunion
informelle des chefs d'Etat ou de gouvernement et du président de la
Commission, les 16 et 17 octobre 1998, à Vienne, pour approfondir leurs
discussions sur la réforme institutionnelle et "pour
réfléchir aux moyens de préparer au mieux les travaux sur
ces questions en vue de leur examen lors du Conseil européen de Vienne"
en décembre prochain.
•
La
stratégie française : cohérence et
ouverture
La stratégie française doit s'appliquer :
- d'une part, à restaurer la cohérence qui a fait défaut
à nos positions défendues lors de la Conférence
intergouvernementale ;
- d'autre part, à élargir le cercle de nos soutiens et surmonter
en particulier le clivage entre "grands" et "petits" Etats.
La concordance des vues de la Belgique et de la France sur la
nécessité de la réforme institutionnelle montre qu'il n'y
a rien là d'impossible. Aussi conviendra-t-il d'abord, sans doute, de
consolider le groupe franco-italo-belge et d'établir dans ce cadre des
positions communes. Ensuite, il importe de rallier au projet d'une
réforme institutionnelle le Luxembourg et les Pays-Bas. La prudence
observée par ces deux pays à Amsterdam ne s'inscrit aucunement
dans leur tradition diplomatique, ouverte sur la construction
européenne, mais s'explique notamment par les inquiétudes
liées au débat sur la nouvelle pondération des voix. A cet
égard, le principe d'une double majorité constitue une formule de
compromis susceptible de rallier les autorités de La Haye.
Enfin, rien ne pourra se faire sans l'aval de
l'Allemagne
. Les
élections allemandes d'octobre prochain représentent une
échéance majeure non seulement pour l'Allemagne mais aussi pour
la construction européenne. Au lendemain de ce scrutin, Français
et Allemands devront s'attacher à élaborer une démarche
commune. Sans doute faudra-t-il, au préalable, dissiper les malentendus
accumulés au cours des derniers mois. L'équilibre entre la
réforme institutionnelle -souhaitée par les Français- et
la subsidiarité -thème cher aux Allemands- constitue certainement
une bonne base de départ pour aller de l'avant. La lettre
franco-allemande discutée lors du Conseil européen de Cardiff le
15 juin dernier, reprend d'ailleurs une telle démarche et
représente, à coup sûr, un signal encourageant.
*
* *
Alors
même que tous nos partenaires ont déjà engagé la
procédure de ratification du traité d'Amsterdam -et même,
pour certains d'entre eux, achevé cette procédure, la France
temporise.
Or, il apparaît indispensable d'éviter toute interférence
entre le débat sur la ratification et les élections
européennes de l'année prochaine, qui contribuerait à
brouiller les perspectives par des considérations de politique
intérieure.
Aussi, votre rapporteur conclura-t-il ces observations par le souhait que le
gouvernement dépose
le plus rapidement possible
, une fois le
préalable constitutionnel levé, le projet de loi autorisant la
ratification du traité accompagné de l'article additionnel
nécessaire.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITIONS RELATIVES AUX DISPOSITIONS DU TRAITÉ D'AMSTERDAM
1. M. Laurent Cohen-Tanugi, avocat international : les dispositions du traité relatives aux questions institutionnelles
Le
présent exposé porte sur les dispositions du traité
d'Amsterdam relatives aux questions institutionnelles et aux
"coopérations renforcées".
Ce sujet ne peut être appréhendé pertinemment sans un bref
retour en arrière. La Conférence intergouvernementale (CIG) de
1996, qui a produit le traité d'Amsterdam, avait été
initialement programmée par le traité de Maastricht en vue
d'approfondir certains sujets laissés en suspens par ce traité,
notamment en matière institutionnelle. Par la suite, les carences du
traité de Maastricht dans les domaines de la politique
étrangère et de sécurité commune (PESC) et de la
coopération judiciaire et policière ("troisième pilier"),
la montée de l'euroscepticisme dans l'opinion, l'incapacité des
Douze à réformer les institutions avant l'entrée de
l'Autriche, de la Suède et de la Finlande, et enfin la perspective du
grand élargissement vers l'Est, ont conduit à investir la CIG
d'une triple mission, de nature largement institutionnelle :
- améliorer l'efficacité des politiques européennes,
notamment dans les deuxième et troisième piliers ;
- combler le "déficit démocratique" ;
- enfin et surtout, reformer le système institutionnel de l'Union dans
la perspective d'un élargissement à vingt-cinq, voire trente
Etats membres.
Ce dernier objectif était largement considéré comme le
plus important, notamment en France, où la réforme des
institutions a toujours été un préalable indispensable
à l'élargissement.
A mesure que s'amenuisaient les chances de parvenir à une réforme
institutionnelle d'ensemble fut mis en avant, notamment par la France et
l'Allemagne, le thème des "coopérations renforcées",
destinées à permettre aux Etats souhaitant aller plus loin sur la
voie de l'approfondissement de le faire sans se heurter à l'opposition
des autres Etats membres. A défaut de réforme globale, les
coopérations renforcées apparaissaient ainsi comme l'instrument
susceptible de donner naissance à un "noyau dur" ou à une
"avant-garde" de l'Union ayant vocation à entraîner l'ensemble, ou
encore à une "Europe à géométrie variable".
A la lumière de ces objectifs, force est de constater que le
traité d'Amsterdam a totalement failli à sa mission de
réforme institutionnelle et grandement réduit la portée
des coopérations renforcées. De surcroît, les Quinze ont
arrêté dans un protocole annexé au traité un
calendrier de réforme institutionnelle contradictoire avec l'objectif
d'un renforcement des institutions préalable à
l'élargissement vers l'Est.
I
.
L'apport du traité d'Amsterdam en matière
institutionnelle et en matière de coopération renforcées
A. Dispositions institutionnelles
Comme on l'a exposé plus haut, la réforme des institutions de
l'Union -nécessaire tant dans un souci d'approfondissement et
d'efficacité plus grande des politiques existantes qu'en vue de
compenser les effets dilutifs de l'élargissement-, a été
totalement ignorée par le traité en raison de l'incapacité
des Quinze à s'entendre sur des sujets hautement conflictuels.
Parmi les questions les plus importantes dans ce domaine figuraient sur
l'agenda de la CIG :
- l'extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil
et de la procédure de codécision entre Conseil et Parlement
européen ;
- la modification de la pondération des voix des Etats membres au
Conseil, en vue de corriger le déséquilibre actuel en
défaveur des grands Etats ;
- la réduction du nombre des commissaires ;
- la réforme de la présidence de l'Union ;
- l'assouplissement de la règle de l'unanimité aux fins de
révision du traité ;
- l'association des Parlements nationaux au processus normatif ;
- la réforme des institutions juridictionnelles.
La plupart de ces sujets ont été ignorés ou traités
a minima.
• Le Parlement européen est le principal
bénéficiaire de la négociation, grâce à
l'extension très significative du champ d'application de la
procédure de codécision, qui se voit par ailleurs
simplifiée (suppression de la troisième lecture). Le Parlement se
voit par ailleurs reconnaître officiellement un droit d'investiture du
Président de la Commission.
• La réforme de cette dernière se limite au droit
accordé à son Président de désigner les
commissaires en accord avec les Etats membres.
• La réforme de la présidence de l'Union -destinée
à donner à celle-ci un "visage" dans la sphère
internationale -s'est réduite à l'institution d'un "M. PESC"
qui, contrairement au souhait français, sera un haut fonctionnaire en la
personne du Secrétaire général du Conseil.
• Enfin, le rôle des Parlements nationaux n'est traité que
dans un protocole annexe n'ajoutant pas grand chose à la situation
existante.
Les questions fondamentales -généralisation de la majorité
qualifiée, modification de la pondération des voix,
réduction du nombre des commissaires- ont été une nouvelle
fois différées aux termes d'un autre protocole sur lequel nous
reviendrons dans la seconde partie de cet exposé.
B. Les coopérations renforcées
Comme on l'a indiqué, le thème des coopérations
renforcées a progressivement été mis en avant comme une
panacée, probablement en raison de son ambiguïté, qui le
rendait compatible avec les conceptions fédéralistes du document
Lamers/Schaüble de septembre 1994 (noyau dur), comme avec la
problématique de la "flexibilité", voire de "l'Europe à la
carte", chère aux conservateurs britanniques.
En raison de cette ambiguïté, les coopérations
renforcées étaient loin de faire l'unanimité au sein des
partisans de l'approfondissement de l'Union, en raison des risques qu'elles
comportaient pour l'unité du système institutionnel et de
l'alternative illusoire qu'elles procuraient à une réforme
globale des institutions.
Les restrictions imposées par le traité d'Amsterdam à
l'utilisation de ce nouvel instrument sont plus susceptibles d'apaiser ces
inquiétudes que de satisfaire les espoirs de ceux qui y voyaient une
solution miracle.
En effet, aux termes du traité, une "coopération
renforcée" :
- doit concerner la majorité des Etats membres ;
- doit être décidée à la majorité
qualifiée du Conseil, sur proposition exclusive de la Commission ;
- ne peut concerner la PESC -pourtant généralement
considérée comme un domaine de prédilection pour ce type
de coopération- pour laquelle a été institué le
mécanisme de l'"abstention constructive" ;
- doit respecter la cohésion du Marché unique et des autres
politiques de l'Union ;
- peut faire l'objet d'un veto de tout Etat membre arguant d'un
"intérêt national important", avec pour effet l'évocation
de la décision au niveau du Conseil européen statuant à
l'unanimité.
On notera que cette dernière restriction contredit l'objectif originel
des coopérations renforcées, à savoir la liberté
d'aller plus loin à quelques-uns sans entrave des autres. Ce veto
interdit également de considérer les coopérations
renforcées comme l'instrument privilégié de
l'approfondissement de l'union économique et monétaire.
Pour conclure sur ce terrain, un constat s'impose : les coopérations
renforcées instituées à Amsterdam ne pallieront pas
l'absence d'une réforme institutionnelle d'ensemble.
II. L'articulation entre réforme institutionnelle et
élargissement
Après l'élargissement de 1995, réalisé à
institutions constantes, avec des effets notables sur l'efficacité du
fonctionnement du système, les Quinze s'étaient engagés
à ne pas renouveler cette fuite en avant. Les négociations
d'adhésion des six Etats sélectionnés par la Commission
furent ainsi programmées dans un délai de six mois après
la clôture de la CIG.
Force et de constater aujourd'hui que, non seulement ces négociations
d'adhésion sont ouvertes en dépit de l'échec
institutionnel de la CIG, mais surtout que les Quinze se sont entendus sur un
calendrier qui repoussera
de facto
la réforme institutionnelle
au-delà du processus d'élargissement, avec pour
conséquence le risque très réel de rendre toute
réforme impossible.
Aux termes de l'article premier du protocole sur les institutions dans la
perspective de l'élargissement de l'Union européenne"
annexé au traité d'Amsterdam; il est en effet prévu
qu'à la date d'entrée en vigueur du prochain élargissement
de l'Union, le nombre de commissaires sera réduit à un par Etat
membre "à condition qu'à cette date la pondération des
voix au sein du Conseil ait été modifiée (...)". Une telle
réforme de la Commission est en elle-même problématique, en
ce qu'elle n'en réduit que marginalement l'effectif tout en consacrant
une certaine "nationalisation" d'une institution incarnant par excellence
l'intérêt commun. Il est clair de surcroît qu'elle ne verra
le jour que sous réserve d'un accord (à quinze ?) sur la
pondération des voix au Conseil.
L'article second de ce protocole est encore plus problématique, qui
reporte à "un an au moins avant que l'Union européenne ne compte
plus de vingt Etats membres" la convocation de la prochaine conférence
intergouvernementale destinée à procéder à une
réforme d'ensemble des institutions.
Ceci signifie qu'en ratifiant ce protocole dans le cadre du traité
d'Amsterdam, la France acceptera que l'Union accueille jusqu'à cinq
nouveaux membres d'Europe centrale et orientale avant même qu'une
conférence intergouvernementale n'ait été convoquée
pour commencer à négocier -à vingt- une réforme des
institutions et des processus de décision. Certains commentateurs
relativisent la portée de cette disposition en misant sur
l'adhésion simultanée des six Etats retenus pour le prochain
élargissement -Hongrie, Pologne, République tchèque,
Slovénie, Estonie, Chypre-, et sur la longueur prévisible des
négociations d'adhésion. Mais cette simultanéité
n'est en rien garantie et, sans elle, c'est la paralysie institutionnelle et
décisionnelle de l'Union qui se trouve juridiquement programmée.
*
* *
Idéalement, si l'on exclut un rejet "européen" du
traité d'Amsterdam, la voie à suivre pour les Etats
"réformateurs" appellerait une double démarche :
écarter d'abord, selon une modalité juridique ou une autre, le
protocole institutionnel du champ de la ratification, pour ne pas être
lié par son calendrier ; initier ensuite, dès la tenue des
élections allemandes, un processus non intergouvernemental de
réflexion et de proposition sur l'avenir du projet politique
européen et les conséquences qui en découlent, dans la
perspective d'une union économique et monétaire relativement
vaste et de l'élargissement vers l'Est.
La première étape prolongerait la Déclaration en ce sens
annexée au traité par la France, l'Italie et la Belgique,
dépourvue toutefois d'effet juridique. Par contraste avec le "non"
danois à Maastricht, une réserve française sur la nouvelle
fuite en avant institutionnelle arrêtée à Amsterdam aurait
le triple avantage de porter sur un élément circonscrit et
entièrement détachable du traité, d'être
foncièrement "européenne", et d'adresser ainsi, sans crise
majeure, un message clair aux diplomaties nationales quant au nécessaire
rééquilibrage des progrès respectifs de
l'élargissement et de l'approfondissement. La note ci-jointe
démontre malheureusement qu'une telle voie est juridiquement
étroite, et par voie de conséquence, politiquement difficile.
Cette situation rend d'autant plus nécessaire un travail
préparatoire et indépendant sur l'avenir politico-institutionnel
de l'Union, dans la lignée de ceux réalisés par les
comités Spaak, Dooge et Delors, d'où sont issus, respectivement,
le Marché commun, l'Acte unique et l'Union économique et
monétaire. Une telle méthode, qui aurait dû être mise
en oeuvre préalablement à la Conférence
intergouvernementale de 1996, s'impose d'autant plus aujourd'hui que la
négociation conclue à Amsterdam a révélé les
points de rupture sur certains sujets sensibles, et que les Quinze sont peu
susceptibles de les dépasser avant d'avoir tranché les conflits
d'intérêts financiers et budgétaires liés à
l'élargissement.
Ce travail urgent de restauration du sens de l'entreprise européenne
aurait un triple objet :
- clarifier tout d'abord les options fondamentales qui s'offrent aux
Européens quant à la nature et la finalité politiques de
l'Union : construction d'une nouvelle entité politique
démocratique à vocation de puissance mondiale, comme
prétend le vouloir la France, instrument de pacification, d'organisation
et de modernisation du continent européen conforme à la vision de
l'Europe du Nord et depuis peu, semble-t-il, de l'Allemagne ; ou, entre les
deux, l'hypothèse hybride, mais réaliste, d'un acteur
économique et monétaire régional sans vocation politique ;
- expliciter les implications de ces choix en termes de répartition des
compétences entre l'Union et ses Etats membres, de détermination
des frontières géographiques de l'Union, d'articulation entre les
différents sous-ensembles du système européen (Union
élargie, UEM, "noyau dur" politique...) et de recomposition
éventuelle de ces sous-ensembles ;
- recentrer le débat institutionnel sur ses enjeux essentiels, à
savoir la survie du système communautaire dans une Union de plus de
vingt Etats, laquelle passe notamment par l'institution d'un véritable
exécutif européen, la généralisation de la
majorité qualifiée au Conseil ainsi que par la révision
des traités, et l'adaptation de la fonction juridictionnelle
européenne. Le renforcement de l'efficacité des institutions
communautaires dans une Union élargie s'impose au demeurant quelle que
soit l'option retenue au plan de la nature et des finalités politiques
de l'entreprise européenne : quand bien même la construction
européenne verrait ses ambitions durablement réduites à la
sphère économique et monétaire, la nécessité
d'une refonte des institutions et des procédures de décision
à la mesure des élargissements passés et à venir
serait en effet tout aussi impérieuse.
*
* *
Je
conclurai cet exposé en trois points :
- le traité d'Amsterdam est largement inadapté aux besoins de
l'Union, tant du point de vue de l'approfondissement que de celui de
l'élargissement ;
- il me paraît néanmoins devoir être ratifié à
ce stade, en raison de ses apports dans certains domaines et afin
d'éviter une crise européenne inutile, sous réserve
toutefois du protocole institutionnel, contraire au calendrier souhaité
par la France et à l'intérêt de l'Union sur une question
fondamentale ;
- la réforme des institutions de l'Union doit être mise en
chantier dès à présent à Quinze en vue d'une
conclusion préalable au prochain élargissement, par l'institution
d'un comité de réflexion et de proposition à
caractère non-gouvernemental, méthode qui a fait ses preuves dans
le passé.
*
* *
A la
suite de son exposé, M. Laurent Cohen-Tanugi a répondu aux
questions des commissaires
M. Jacques Genton a souligné la qualité de l'exposé qui
venait d'être fait et a rappelé que, de retour d'une
réunion à Londres de la Conférence des organes
spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), il avait pu
mesurer l'insuffisance des dispositions adoptées à Amsterdam.
M. Christian de La Malène s'est inquiété du
problème de la démocratisation des institutions
européennes. Une réforme institutionnelle n'avait de sens,
à ses yeux, que si elle permettait un progrès
démocratique. Or, a-t-il déploré, l'Europe trouvait
surtout des solutions technocratiques, et rien par exemple n'était fait
pour renforcer les parlements nationaux. Poursuivre sur cette voie ne
permettrait, selon lui, aucun progrès dans la construction
européenne.
Pour M. Laurent Cohen-Tanugi, la notion de déficit démocratique
comportait une réelle ambiguïté. Le problème ne
concernait pas tant les pouvoirs du Parlement européen que, au sein de
chaque Etat, les relations entre l'exécutif et le parlement national.
Sur ce point, le traité d'Amsterdam n'apportait pas
d'élément nouveau substantiel. Il importait que
l'interpénétration croissante des politiques européennes
dans la vie nationale nourrisse davantage les relations entre l'exécutif
et le Parlement au sein de chaque Etat. De même, convenait-il de mieux
expliciter la répartition des compétences entre l'Union
européenne et les Etats membres qui apparaît à ce jour,
selon M. Laurent Cohen-Tanugi, encore trop floue.
M. Claude Estier a déclaré partager l'analyse et les constats
formulés par l'orateur. Bien que largement inadapté, le
traité d'Amsterdam devait être ratifié, sauf à
créer une grave crise européenne. Il a estimé difficile
d'imaginer les modalités d'une ratification du traité sous
condition. De même, si une réforme institutionnelle était
engagée à quinze, quelles garanties aurions-nous que les
partenaires de la France soient plus décidés qu'auparavant
à aboutir ?
M. Laurent Cohen-Tanugi a confirmé que la pente naturelle allait
plutôt dans le sens d'un élargissement sans réforme
institutionnelle. Il a plaidé pour que le Parlement français
formule une déclaration solennelle concernant le calendrier de la
réforme institutionnelle par rapport à l'élargissement. Au
demeurant, M. Laurent Cohen-Tanugi a estimé que la non-ratification du
traité d'Amsterdam ne serait pas une catastrophe sur le fond, même
si elle serait susceptible de générer une crise
européenne. M. Claude Estier ayant fait valoir que la réforme
constitutionnelle serait, en tout état de cause, l'occasion d'un
débat, M. Laurent Cohen-Tanugi a fait observer que ce débat
constitutionnel porterait davantage sur les transferts de souveraineté,
au demeurant modestes, entraînés par le traité d'Amsterdam
plutôt que sur la vraie question posée par le traité :
est-il à la hauteur des enjeux ?
En réponse à M. Xavier de Villepin, président, M. Laurent
Cohen-Tanugi a précisé qu'une réserve de la France, lors
de la ratification du traité d'Amsterdam, pourrait stipuler qu'une
réforme institutionnelle d'envergure soit réalisée
à quinze, avant l'entrée en vigueur de tout prochain
élargissement.
M. Pierre Biarnès a déclaré que, selon lui, il convenait
de faire moins de juridisme et plus de politique. L'échec d'Amsterdam
était, à ses yeux, la conséquence d'une incapacité
politique à s'entendre avec l'Allemagne. L'approfondissement
européen nécessitait, selon lui, un sursaut politique.
M. Xavier de Villepin, président, s'est également
interrogé sur l'implication de l'Allemagne dans la construction
européenne, alors que ce pays se prépare à d'importantes
échéances électorales.
M. Laurent Cohen-Tanugi a reconnu que, sur ce point, l'Allemagne constituait
une inconnue pour l'avenir. Ce pays avait privilégié
l'élargissement sur l'approfondissement institutionnel. L'attitude
future de l'Allemagne dépendrait, en partie, des positions
françaises. Il a relevé, à cet égard, le silence de
la France après la publication du document "Lamers-Schaüble" qui
exprimait des conceptions fédéralistes pour l'avenir de l'Europe.
Enfin, M. Laurent Cohen-Tanugi a souligné l'importance du droit et
des textes en matière européenne.
En réponse à M. Jacques Habert, M. Laurent Cohen-Tanugi a
rappelé qu'il avait souvent, dans le passé, exprimé des
doutes sur l'opportunité du processus d'élargissement en tant que
réponse adaptée aux demandes des pays d'Europe centrale et
orientale, rappelant notamment l'échec, selon lui regrettable, de
l'idée de "Confédération européenne". Le risque
d'une non-ratification du traité d'Amsterdam serait qu'elle soit
interprétée comme un geste antieuropéen, alors qu'elle
pourrait traduire simplement la non-conformité du traité aux
enjeux fondamentaux de la construction européenne. Pour M. Laurent
Cohen-Tanugi, la pire hypothèse serait que cette ratification
intervienne sans un débat et une mise en garde sur la question
institutionnelle.
Enfin, répondant à une observation de M. Xavier de Villepin,
président, M. Laurent Cohen-Tanugi s'est dit sceptique quant
à la pertinence des gains institutionnels obtenus par le Parlement
européen. Il a cependant constaté que cette réforme
pourrait permettre à ce Parlement de constituer un levier politique face
à la Banque centrale européenne et donner matière à
une meilleure politisation du débat européen.
Annexe
22(
*
)
:
note sur le statut juridique et les conditions de ratification des protocoles
annexes aux traités communautaires
Le
"protocole sur les institutions dans la perspective de l'élargissement
de l'Union européenne" (ci-après le "protocole institutionnel")
fait partie des protocoles annexés au traité sur l'Union
européenne et aux traités instituant la CE, le CECA et l'Euratom.
L'article 14 du traité d'Amsterdam relatif à sa ratification et
à son entrée en vigueur ne contient aucune disposition
particulière concernant la ratification des protocoles. Il n'est pas non
plus fait mention de cette question dans les dispositions équivalentes
du traité de Rome (art. 247), de l'Acte unique européen (art. 33)
ou du traité sur l'Union européenne (art. R). De façon
plus générale, aucune disposition du traité d'Amsterdam ne
précise le lien entre le traité lui-même et les protocoles
qui figurent en annexe.
Toutefois, l'art. 239 du traité CE dispose que "les protocoles qui, du
commun accord des Etats membres, seront annexés au présent
traité en font partie intégrante."
Cette disposition est d'un usage fréquent dans les traités qui
renvoient à diverses annexes ou protocoles des dispositions plus
techniques pour alléger le texte principal sans pour autant vouloir leur
donner une moindre portée juridique. Elle ne fait que reprendre un
principe général du droit international illustré notamment
par l'article 2 (1) de la convention de Vienne sur le droit des traités
du 23 mai 1969 qui prévoit qu'un traité peut être
"consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs
instruments connexes". Par l'insertion de l'article 239, les auteurs du
traité CE ont voulu s'assurer que ses dispositions seraient
interprétées et appliquées en relation avec les
dispositions afférentes des protocoles annexés.
23(
*
)
Les protocoles annexés au traité CE se distinguent ainsi des
"déclarations" qui ne font pas partie intégrante du
traité, ce qui est normal car elles n'expriment que des
déclarations d'intention et n'ont pas, en tant que telles, de valeur
juridique contraignante.
L'article 239 CE ne renvoie pas à une liste
prédéterminée et limitative de protocoles, mais s'applique
à tous les protocoles annexés ultérieurement, notamment
à l'occasion d'une révision du traité, sans que soit
nécessaire une modification des termes de l'article 239 CE.
L'article 239 CE indique qu'il s'applique aux protocoles annexés au
traité CE par un
commun accord
des Etats membres. On peut
s'interroger sur la signification de cette précision. On pourrait
soutenir que le commun accord renvoie à la ratification, ce qui
signifierait que seuls les protocoles ratifiés par tous les Etats
membres seraient annexés aux traité CE et en feraient partie
intégrante. Les termes de l'article 239 CE nous semblent s'opposer
à une telle interprétation. En effet, il ressort clairement des
termes de l'article 239 CE -"les protocoles qui, du commun accord des Etats
membres, seront annexés"- que le commun accord porte sur le fait
d'annexer le protocole au traité. Dès le moment où un
protocole est annexé au traité CE du commun accord des Etats
membres, il en fait partie intégrante, sous réserve de sa
ratification. Il doit donc recevoir le même traitement, notamment aux
fins de ratification, que les dispositions révisant le traité CE
ou le traité sur l'Union européenne.
Or, le protocole institutionnel, dans son introduction, stipule
expressément que "les Hautes Parties contractantes ont adopté les
dispositions ci-après, qui sont annexées au traité sur
l'Union européenne et aux traités instituant les
communautés européennes." Le protocole a donc bien
été, d'un commun accord des 15 Etats membres, annexé au
traité sur l'Union européenne et aux traités CE, CECA et
Euratom. Si la France était en désaccord avec ce protocole, elle
aurait pu faire état de sa réserve au moment de la signature du
traité d'Amsterdam et obtenir l'accord des autres Etats membres pour
pouvoir appliquer le traité sans être liée par le
protocole
24(
*
)
. A défaut d'une telle
réserve, le protocole a, pour la France comme pour les autres Etats
membres, vocation à faire partie intégrante des traités CE
et UE au même titre que les dispositions modificatives du traité
d'Amsterdam.
Il doit donc normalement être traité aux fins de ratification de
la même façon que les articles insérés dans le corps
du traité d'Amsterdam.
Il en résulte qu'en ratifiant le traité d'Amsterdam, les Etats
membres devraient aussi ratifier le protocole. Ainsi, une fois ratifié,
le protocole possédera la même valeur juridique que le
traité
stricto sensu
et sera justiciable du contrôle de la
Cour de justice au même titre que les dispositions inscrites dans le
traité.
Il nous semble donc découler de l'article 239 CE que le projet de loi
autorisant la ratification du traité d'Amsterdam devrait
nécessairement inclure le protocole au même titre que les autres
dispositions du traité d'Amsterdam
stricto sensu.
L'autorisation
de ratifier le protocole ne paraît pas pouvoir faire l'objet d'un vote
séparé. Si néanmoins le Gouvernement décidait de ne
pas soumettre le protocole à l'autorisation de ratification, ou si le
protocole, étant soumis à un vote séparé, faisait
l'objet d'un vote négatif, et si finalement le protocole n'était
donc pas ratifié par la France, tandis que le traité d'Amsterdam
stricto sensu
et les autres protocoles le seraient, deux solutions sont
envisageables.
Premièrement, on pourrait imaginer que la France soit
présumée avoir ratifié le protocole puisqu'il fait partie
du traité CE sur l'Union européenne au même titre que les
dispositions du traité d'Amsterdam revitalisant lesdits traités
qui, elles, auront été ratifiées. Toutefois, la
ratification étant par nature un acte discrétionnaire, elle ne
saurait être présumée. Cette première
possibilité semble donc pouvoir être écartée.
Deuxièmement, étant donné que le protocole institutionnel
a vocation à faire partie des traités CE et UE comme les autres
dispositions du traité d'Amsterdam, on pourrait considérer que si
la France refusait de le ratifier, la ratification du traité d'Amsterdam
en serait elle-même affectée. Dans ce cas la France devrait
obtenir l'accord des autres Etats membres pour une dérogation
spécifique lui permettant de ratifier le traité d'Amsterdam sans
être liée par le protocole, dérogation semblable à
celle obtenue par le Danemark en 1992 pour l'application des dispositions
relatives à l'Union économique et monétaire à la
suite de l'échec du premier référendum de ratification.
Une telle dérogation serait toutefois sans effet sur la validité
juridique du protocole et manquerait donc son objet.
La seule solution satisfaisante consisterait en définitive à
considérer le protocole institutionnel comme suffisamment autonome et
détachable par rapport au traité pour pouvoir être exclu du
champ de la ratification, sans affecter la ratification du traité
lui-même. Nous n'avons pas trouvé
de précédent direct à l'appui de cette position, qui offre
donc à tout le moins matière à débat.
2. M. Jean-Louis Quermonne, directeur du pôle européen de l'Institut d'études politiques de Paris : les dispositions du traité relatives aux affaires intérieures et à la justice.
M.
Jean-Louis Quermonne a tout d'abord rappelé le contexte dans lequel sont
intervenues la réforme du troisième pilier et les dispositions
tendant à la création d'un espace de liberté, de
sécurité et de justice, qui constituent, selon lui, un
progrès par rapport au troisième pilier tel qu'il existait dans
le traité de Maastricht, en dépit de l'excessive
complexité du dispositif élaboré dans le cadre de la
Conférence intergouvernementale. Cet espace de liberté, de
sécurité et de justice créé par le traité
d'Amsterdam, a poursuivi M. Jean-Louis Quermonne, constitue le
prolongement des principes et des valeurs qui fondent l'Union européenne
et qui, pour la première fois, font l'objet d'une
référence aussi explicite dans un traité européen.
M. Jean-Louis Quermonne a, à cet égard, cité les
dispositions du futur article 8 du traité "consolidé", qui
rappellent les principes de liberté, de démocratie, de respect
des droits de l'Homme et de l'Etat de droit, communs aux Etats membres de
l'Union européenne. Le fait que le respect de ces valeurs conditionne
l'adhésion de tout nouvel Etat à l'Union européenne, et
les sanctions prévues à l'encontre des Etats qui ne
respecteraient pas ces principes illustraient, selon M. Jean-Louis Quermonne,
l'importance des valeurs communes définies par le traité
d'Amsterdam. Celui-ci permettait donc, a souligné M. Jean-Louis
Quermonne, de compenser, dans une certaine mesure, le déficit
démocratique constaté après l'adoption du traité de
Maastricht.
Abordant ensuite les dispositions du traité d'Amsterdam relatives
à la création d'un espace de liberté, de
sécurité et de justice, M. Jean-Louis Quermonne a relevé
que cette réforme visait à répondre à une carence
relative à la liberté de circulation des personnes, non encore
pleinement effective dans l'espace européen, et aux craintes
suscitées par le déficit sécuritaire observé en
Europe en matière de grande criminalité, de trafic de drogues et
de maltraitance des enfants notamment. Cette crainte a conduit, a
observé M. Jean-Louis Quermonne, à souhaiter l'adoption de
mesures européennes destinées à renforcer la
sécurité intérieure des Etats.
M. Jean-Louis Quermonne a ensuite commenté les trois séries de
dispositions du traité d'Amsterdam destinées à
résoudre ces difficultés. La communautarisation partielle et
progressive des mesures qui relevaient du troisième pilier s'appuyait
sur l'incorporation au traité d'Amsterdam des mesures relatives aux
politiques d'asile, au franchissement des frontières, à
l'harmonisation des politiques d'immigration et à la coopération
judiciaire en matière civile.
M. Jean-Louis Quermonne a distingué les dispositions pour lesquelles la
communautarisation devait être immédiate -dès
l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam- de celles qui seraient
incorporées à l'ordre juridique communautaire à
l'échéance de cinq ans après la mise en vigueur du
traité. Il a souligné que les compétences de la Cour de
justice des Communautés européennes ne s'étendraient pas
aux mesures prises par les Etats pour assurer le maintien de l'ordre public et
la sauvegarde de la sécurité intérieure. Puis il a
commenté les exemptions consenties à l'Irlande, au Royaume-Uni et
au Danemark dans ce domaine.
Le deuxième aspect de la création d'un espace de liberté,
de sécurité et de justice, a poursuivi M. Jean-Louis Quermonne,
s'appuyait sur la rénovation du processus de décision
intergouvernemental dans le cadre du troisième pilier qui, était
désormais limité à la coopération policière
et judiciaire en matière pénale, domaine dans lequel le Conseil
continuerait à statuer à l'unanimité. M. Jean-Louis
Quermonne a relevé l'innovation juridique que constituerait la
possibilité de recourir à des "décisions-cadre",
dénuées cependant d'effet direct dans l'ordre juridique des Etats.
Puis M. Jean-Louis Quermonne a abordé le "rapatriement" des accords de
Schengen dans le traité d'Amsterdam, sous la forme d'une
coopération renforcée, qui constitue le troisième aspect
de la réforme tendant à la création d'un espace de
liberté, de sécurité et de justice. Il a souligné
la très grande complexité du dispositif ainsi mis en place, du
fait de l'absence de concordance entre les quinze Etats membres de l'Union
européenne et les quinze Etats Parties aux accords de Schengen
(l'Islande et la Norvège étant associées à l'espace
Schengen sans être membres de l'Union européenne).
Evaluant enfin la portée de la réforme du troisième
pilier, M. Jean-Louis Quermonne a relevé l'"effroyable
complexité" des dispositions adoptées dans le cadre du
traité d'Amsterdam, rappelant la coexistence de sept protocoles
additionnels, de dix-sept déclarations de la Conférence
annexées à l'Acte final, et de quatre déclarations des
Etats dont la Conférence a pris acte. La réforme constitue
néanmoins, selon M. Jean-Louis Quermonne, un indiscutable
progrès, dans lequel le couple franco-allemand a joué un
rôle décisif. M. Jean-Louis Quermonne a également
mentionné l'avancée que représente, selon lui, le
renforcement d'Europol, appelé à devenir un organisme de
coopération policière entre les Etats de l'Union
européenne, sans constituer pour autant le "FBI européen" que le
chancelier Kohl avait appelé de ses voeux. M. Jean-Louis Quermonne a
ensuite estimé qu'un contrôle parlementaire et judiciaire sur
Europol permettrait d'encadrer démocratiquement la coopération
entre les polices européennes pour rendre plus efficaces les mesures de
prévention et de répression qui seront prises dans ce cadre.
M. Jean-Louis Quermonne a alors conclu en soulignant l'importance, non
seulement de la volonté politique des Etats, mais aussi de l'existence
d'"institutions cohérentes et efficaces" pour favoriser la
création d'un espace de liberté, de sécurité et de
justice.
A l'issue de cet exposé, M. Jean-Louis Quermonne est revenu, à la
demande de M. Xavier de Villepin, président, sur les risques liés
aux exemptions définies à l'égard du Royaume-Uni, du
Danemark et de l'Irlande. Il a fait observer que les exemptions
accordées à ces trois pays étaient d'intensité
variable, le Danemark étant lié par les accords de Schengen
-à la différence de l'Irlande et de la Grande-Bretagne-, et
étant habilité à appliquer au coup par coup les
décisions prises dans le cadre de la réforme du troisième
pilier. La complexité du système était donc poussée
très loin, a relevé M. Jean-Louis Quermonne, indiquant que
l'Irlande et la Grande-Bretagne pourraient de surcroît connaître
des situations différentes au regard de l'espace de liberté, de
sécurité et de justice européen.
M. Xavier de Villepin, président, s'étant interrogé sur
les perspectives ouvertes aux coopérations renforcées et sur la
portée des rapprochements éventuels des législations
pénales, M. Jean-Louis Quermonne a cité, non seulement
l'intégration de l'UEO dans l'Union européenne, mais aussi les
coopérations renforcées prévues par le premier pilier en
vue du prolongement de l'Union économique et monétaire
(coordination des politiques fiscales, sociales, macroéconomiques ...),
et surtout les coopérations renforcées prévues dans le
cadre du troisième pilier (accords de Schengen, harmonisation des
politiques pénales ...). A cet égard, M. Jean-Louis Quermonne a
rappelé la demande exprimée par les magistrats signataires de
"l'appel de Genève" en vue de la création d'un espace judiciaire
européen.
M. Jacques Genton a alors rappelé que, dans le cadre de la
18ème session de la COSAC à Londres, la création d'un
espace judiciaire européen et d'un ministère public
européen avait été mise à l'étude, le
Parlement européen ayant d'ailleurs exprimé certaines
réticences sur ce point. M. Jean-Louis Quermonne a alors fait observer
que le protocole sur les parlements nationaux intégré au
traité d'Amsterdam conférait à la COSAC un rôle
consultatif privilégié en matière de
sécurité intérieure.
A la demande de M. Xavier de Villepin, président, M. Jean-Louis
Quermonne a enfin évalué la portée du traité
d'Amsterdam. Il a déploré l'incapacité des Chefs d'Etat et
de Gouvernement à définir les contours de la réforme
institutionnelle, cruciale dans la perspective de l'élargissement. Il a
néanmoins estimé que la création d'un espace de
liberté, de sécurité et de justice constituait une
avancée certaine, que la réforme du troisième pilier
revêtait une importance non négligeable, en raison de
l'introduction éventuelle de la majorité qualifiée dans le
cadre de la communautarisation, que la réforme du deuxième pilier
constitue néanmoins un progrès, et que la COSAC pourrait devenir
un organe de coopération interparlementaire efficace.
3. M. Philippe Moreau Defarges, conseiller des affaires étrangères, chargé de mission à l'Institut français des relations internationales (IFRI) : les dispositions du traité relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
M.
Philippe Moreau Defarges a d'abord relevé que la politique
étrangère et de sécurité commune (PESC) trouvait
son origine dans le traité de Maastricht ; ce texte toutefois
présentait une double ambiguïté liée, d'une part,
à la volonté de fonder une politique commune sur la seule
concertation et, d'autre part, à la formulation retenue dans le domaine
de la défense par l'article J4 qui appelait à "la
définition à terme d'une politique de défense commune, qui
pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune". Dans
ce contexte, il a estimé que le traité d'Amsterdam ne pouvait
apporter que des aménagements limités.
M. Philippe Moreau Defarges a toutefois relevé trois apports principaux :
- la mise en place d'un nouvel instrument avec les "stratégies communes"
;
- la création d'une fonction de "haut représentant" pour la PESC
confiée en fait à un haut fonctionnaire, le secrétaire
général du Conseil ;
- l'assouplissement des conditions de vote au sein du Conseil sous la forme de
"l'abstention constructive", bien qu'un Etat puisse toujours se
prévaloir d'un intérêt national majeur pour renvoyer une
décision au Conseil européen, appelé dès lors
à se prononcer à l'unanimité.
M. Philippe Moreau Defarges a considéré que la politique
étrangère de l'Union européenne devait être
appréciée dans le cadre d'une définition large de cette
notion, entendue comme "l'ensemble des actions d'une entité lui
permettant d'exister vis-à-vis de l'extérieur". Dans le domaine
de la diplomatie au sens strict, qui ne constitue que l'un des volets de la
politique étrangère, l'Union européenne, a estimé
M. Philippe Moreau Defarges, se trouvait confrontée à trois
difficultés principales : en premier lieu, la plupart des Etats
européens aspiraient à un lien fort avec les Etats-Unis, pour
garantir leur sécurité contre le risque de résurgence de
menaces sur le vieux continent ; en second lieu, l'Europe connaissait encore
des clivages, notamment entre les pays -comme la France et le Royaume-Uni-
soucieux de conduire encore une politique de puissance mais incapables de
s'entendre entre eux, et les Etats désireux de mettre l'accent sur la
prospérité économique ; enfin, l'Europe apparaissait comme
un acteur décisif de l'organisation des échanges -volet de la
politique étrangère désormais essentiel-, comme l'a
démontré la part prise par la Communauté dans les
négociations relatives au GATT. En revanche, comme l'a souligné
M. Philippe Moreau Defarges, l'Europe ne parvenait pas à exister par
elle-même dans le domaine de la prévention et de la gestion des
crises ; en effet, si certains Etats souhaitaient doter l'Europe d'une
véritable force, d'autres estimaient préférable de
demeurer dans le cadre exclusif de l'Alliance atlantique, afin de consacrer
l'essentiel de leurs efforts à la compétition économique.
Enfin, d'après M. Philippe Moreau Defarges, l'action de l'Union
européenne se jugera fondamentalement sur sa capacité à
organiser sa périphérie (Europe centrale et
Méditerranée) en zone de prospérité et de paix.
M. Philippe Moreau Defarges a ensuite répondu aux questions des
commissaires.
Il a précisé à l'intention de M. Xavier de Villepin,
président, qui s'interrogeait sur l'absence de l'Europe sur la
scène du Proche-Orient, que les Etats-Unis constituaient un
médiateur privilégié dans cette région, compte tenu
de la nature de leurs relations avec Israël et des points d'appui dont
disposait Washington dans le monde arabe. Il a souligné par ailleurs
que, même si l'Union européenne accordait une aide
conséquente aux Palestiniens, les Quinze demeuraient divisés sur
la meilleure façon dont l'Europe pourrait intervenir sur cette question.
Par ailleurs, à propos de Chypre et du Kosovo, où l'absence de
l'Europe pouvait être encore une fois déplorée, il a
souligné que la protection américaine sur le vieux continent
répondait au souhait d'un certain nombre de nos partenaires, et en
particulier de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale appelés
bientôt à rejoindre l'Union ; en conséquence, la remise en
cause du rôle majeur de médiation joué par les
Américains apparaissait difficile.
M. Philippe Moreau Defarges a également indiqué à M.
Xavier de Villepin, président, qu'il doutait que le
haut-représentant pour la PESC puisse évoluer en prenant une
dimension plus politique ; dans ce domaine, la représentation de l'Union
incombait principalement à la présidence du Conseil, qui
n'était qu'"assistée" par le secrétaire
général du Conseil. D'après M. Philippe Moreau Defarges,
l'Union européenne constituait aujourd'hui une fédération
qui ne disait pas son nom en raison de l'importance des compétences qui
lui étaient attribuées, de la prise en compte d'une
citoyenneté européenne, et enfin de la place dévolue
désormais à la procédure de codécision associant le
Parlement européen, le Conseil et la Commission.
M. Michel Caldaguès a alors souligné que la politique
étrangère constituait l'attribut majeur de la souveraineté
et que, dans ce domaine où le bilan des Quinze apparaissait modeste,
l'Union européenne pouvait difficilement revendiquer le statut d'une
fédération. M. Philippe Moreau Defarges a indiqué
que, si l'Europe n'existait pas vraiment dans le domaine de la gestion des
crises, elle jouait un rôle considérable sur la scène
extérieure, à travers sa politique commerciale mais aussi la
négociation des futures adhésions dans la perspective de
l'élargissement de l'Union.
Il a également observé, à l'intention de M. Xavier de
Villepin, président, que le rapprochement de l'Union de l'Europe
occidentale et de l'Union européenne ne pourrait intervenir qu'au cas
par cas, compte tenu de l'hostilité du Royaume-Uni et des
réticences des Etats neutres membres de l'Union européenne ; dans
ces conditions, l'Union européenne représentait une
communauté de sécurité dans le sens, seulement, où
elle favorisait la pacification des relations entre les Etats membres -une
clause de sécurité collective propre à l'Union
européenne étant aujourd'hui exclue.
M. Jean Arthuis a souligné que l'Union européenne avait beaucoup
progressé lorsqu'elle s'était sentie menacée et que cette
situation s'était principalement produite dans le domaine
économique. Il s'est interrogé sur la représentation de
l'Union européenne au sein des institutions internationales telles que
le groupe des sept pays les plus industrialisés (G7). M. Philippe
Moreau Defarges est convenu, avec M. Jean Arthuis que les Etats
représentés au sein des instances internationales, telles que le
fonds monétaire international, hésitaient à faire toute sa
place à la Commission européenne. Il a rappelé alors la
volonté de chaque Etat européen de conserver son siège au
sein des différentes institutions internationales et en particulier au
sein du Conseil de sécurité des Nations unies.
4. M. Jean-Marie Guéhenno, Conseiller-maître à la Cour des comptes, président du Conseil d'administration de l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense nationale) : les dispositions du traité relatives à la défense européenne
M.
Jean-Marie Guéhenno a tout d'abord constaté que le traité
d'Amsterdam avait maintenu la distinction, opérée par le
traité de Maastricht, entre sécurité et défense,
tout en traçant quelques perspectives non négligeables. Si la
distinction entre sécurité et défense avait un sens
à l'époque de la guerre froide, a rappelé M. Jean-Marie
Guéhenno, quand on pouvait séparer la menace sur un territoire
des autres types de menaces, ce clivage paraît moins pertinent
aujourd'hui, l'usage de la force armée pouvant désormais
être motivé par des préoccupations de
sécurité sans nécessairement affecter la défense du
territoire.
Commentant la prise en compte, dans le traité d'Amsterdam, des missions
dites de Petersberg, M. Jean-Marie Guéhenno a jugé positive cette
tentative de créer un espace d'action pour l'UEO, tout en faisant
observer qu'une telle évolution intervenait à un moment où
l'OTAN avait conforté sa position en matière de
sécurité. Il a également mentionné les dispositions
du traité d'Amsterdam tendant à amorcer l'idée de
défense des frontières extérieures de l'Union
européenne et il a relevé que le traité d'Amsterdam
s'abstenait d'évoquer la notion d'assistance entre Etats, dans le souci,
a-t-il estimé, de ménager les relations avec les Etats-Unis. En
définitive, M. Jean-Marie Guéhenno a observé que le
traité d'Amsterdam maintient, en matière de
sécurité et de défense, une relative ambition sans
parvenir à apporter, néanmoins, une solution aux questions
posées par la défense européenne.
M. Jean-Marie Guéhenno a alors abordé les dispositions du
traité d'Amsterdam relatives à l'Union de l'Europe occidentale
(UEO). Il a noté que le traité prenait acte de
l'élargissement de l'UEO, qui comptait désormais 28 Etats,
et de l'existence de statuts très diversifiés -membres de plein
droit, Etats associés, associés partenaires. M. Jean-Marie
Guéhenno a souligné les inconvénients résultant,
sur un plan opérationnel, de cette situation, le Conseil de l'UEO
s'apparentant plus, selon lui, à la logique d'une assemblée
multilatérale -type Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe (OSCE)- qu'à celle du conseil
d'administration d'un organisme opérationnel. Il a estimé que les
réunions conjointes prévues entre l'UEO et l'Organisation du
traité de l'Atlantique-Nord (OTAN), ainsi qu'entre l'UEO et l'Union
européenne, tout en constituant un progrès, relevaient
d'exercices plus formels qu'opérationnels.
S'efforçant ensuite de préciser les modestes perspectives
d'évolution ouvertes par le traité d'Amsterdam et susceptibles de
bénéficier à la défense européenne, M.
Jean-Marie Guéhenno a commenté :
- l'intérêt "pédagogique" qui pourrait résulter,
selon lui, pour les pays neutres appartenant à l'UEO, des missions dites
de Petersberg ;
- le progrès -certes limité- que permettrait la
possibilité, pour le Conseil, de statuer à la majorité
qualifiée en matière de "stratégies communes" ;
- M. Jean-Marie Guéhenno a estimé que la composition du
comité politique ayant pour mission de conduire la politique
extérieure et de sécurité commune -et réunissant
jusqu'ici les directeurs politiques- n'étant plus précisée
par le traité d'Amsterdam, il existe une possibilité
d'évolution vers un comité composé de représentants
permanents. Selon lui, une telle transformation améliorerait le dialogue
entre les Etats et les instances de Bruxelles, et elle serait un
élément positif dans la perspective de la création d'une
véritable politique extérieure et de sécurité
commune.
En dehors de ces quelques perspectives, M. Jean-Marie Guéhenno a
relevé que les questions fondamentales qui se posaient dans le domaine
de la défense restaient sans solution, qu'il s'agisse des questions
relatives aux industries d'armement, des difficultés liées aux
relations avec l'OTAN, ou des interrogations suscitées par les
évolutions institutionnelles européennes. Sur le premier point,
M. Jean-Marie Guéhenno a constaté les intérêts
très divergents des treize Etats membres du GAEO (groupe armement de
l'Europe occidentale), en fonction de l'importance variable des industries
nationales d'armement. Il a relevé l'absence de consensus
européen sur le chapitre des relations avec l'OTAN, notant la
réticence des Etats, en période de restrictions
budgétaires, à multiplier les contributions à des
organismes qui pourraient paraître, à certains égards,
redondants. Sur le plan institutionnel, enfin, M. Jean-Marie
Guéhenno a jugé souhaitable de privilégier, dans le
domaine des industries d'armement, le cadre de l'OCCAR (organe conjoint de
coopération en matière d'armement) de préférence
à celui du GAEO, et de rendre plus souples les structures de l'OTAN en
exploitant pleinement les possibilités offertes par les GFIM
(groupements de forces interarmées multinationales).
M. Jean-Marie Guéhenno a conclu en estimant que les Européens ne
parviendront à se rapprocher en matière de défense que par
des actions concrètes. Rappelant les expériences que
constituaient le Corps européen, Eurofor et Euromarfor, il a
estimé que les questions de fond posées par la défense
européenne ne connaîtraient une issue favorable que si des
missions accomplies en commun par les Européens permettaient de faire
évoluer les mentalités. Dans cet esprit, il a estimé que
les missions de Petersberg pourraient contribuer à donner un contour
concret à la défense européenne.
A l'issue de cet exposé, M. André Dulait, soulignant la
consistance modeste des dispositions du traité d'Amsterdam, s'est
interrogé sur les chances et les moyens de parvenir à une
politique européenne d'armement forte et cohérente, compte tenu
des divergences qui opposent, sur ce point, les Etats membres de l'Union
européenne.
M. Christian de La Malène a relevé le paradoxe qui, selon lui,
caractérisait l'Europe de la défense, condition de l'existence de
l'Europe, alors même que l'Europe de la défense était
subordonnée au progrès de la construction européenne. M.
Christian de La Malène a également souhaité
connaître les perspectives ouvertes par la création d'un "haut
représentant" pour la PESC (Politique étrangère et de
sécurité commune).
M. Pierre Biarnès, soulignant l'intérêt que
présenterait l'émergence d'une véritable
coopération européenne en matière d'armement, en raison
notamment d'avantages substantiels à attendre en termes de coût
des matériels produits en coopération, a jugé
indispensable de dépasser les querelles d'ordre institutionnel pour
aborder des volets plus concrets de la construction européenne. Il a en
particulier souhaité connaître les solutions envisagées,
à ce stade, à l'égard du remplacement des matériels
d'armement d'origine soviétique des nouveaux membres de l'OTAN et des
candidats à l'Union européenne.
M. Maurice Lombard a alors relevé l'inconsistance des projets actuels de
défense européenne, faute d'adversaire désigné
comme au temps de la guerre froide. Il a estimé que le souci de recourir
à la protection américaine constituait un obstacle aux
progrès de la défense européenne, dont les objectifs
économiques paraissent aujourd'hui jouer un rôle plus important
que les objectifs strictement militaires.
M. Jacques Habert a souhaité savoir comment l'OCCAR, organisme
actuellement essentiellement technique, pourrait devenir le noyau dur de la
future politique européenne en matière d'armement.
M. Xavier de Villepin, président, s'est enfin interrogé sur
l'incidence, selon lui décisive, des récents essais
nucléaires pakistanais et indiens sur l'ensemble des questions de
défense actuellement en suspens dans le monde.
M. Jean-Marie Guéhenno a ensuite répondu aux questions des
commissaires.
Il a tout d'abord estimé que les essais nucléaires indiens et
pakistanais attestaient la permanence de menaces dans le monde de
l'après-guerre froide, et qu'ils montraient la pertinence du maintien
d'un effort de défense important, même si la défense
n'apparaît plus aujourd'hui comme un "projet mobilisateur". Constituant
une manifestation des conséquences de la montée en puissance de
la Chine, les essais nucléaires indiens et pakistanais portent atteinte
aux progrès accomplis dans le domaine de la lutte contre la
prolifération, tout en faisant de celle-ci un aspect essentiel de la
sécurité internationale à venir.
En ce qui concerne le développement, selon lui souhaitable, du
rôle de l'OCCAR, M. Jean-Marie Guéhenno a estimé que cette
organisation demeurerait un "arrangement technique", dénuée de
véritable portée tant qu'elle ne manifesterait pas son
autorité sur quelques projets essentiels pour l'édification d'une
Europe des industries de défense.
Il a également relevé que le traité d'Amsterdam
s'était abstenu de trancher sur le profil du Haut représentant
pour la PESC, notant que le rayonnement de l'institution dépendrait du
poids politique de cette personnalité. M. Jean-Marie Guéhenno a
enfin souhaité que soient affectés à l'unité de
planification, chargée de la mise en oeuvre de la politique
étrangère et de sécurité commune, des personnels
d'horizons suffisamment variés pour que cette instance contribue
effectivement à l'émergence d'une culture européenne qui
intègre la défense comme un élément positif de la
politique européenne.
5. M. Ronny Abraham, membre du Conseil d'Etat : les dispositions du traité relatives aux libertés publiques et aux droits fondamentaux.
M. Ronny
Abraham a d'abord rappelé que la prise en compte, par le droit
communautaire, des questions relatives aux libertés publiques et aux
droits fondamentaux relevait de quatre catégories de normes juridiques
qui avaient entre elles diverses interactions : le droit communautaire
écrit (les traités originels) ; le droit communautaire non
écrit constitué des principes généraux du droit
communautaire contenus dans la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes(CJCE) ; les principes constitutionnels de
chaque Etat membre ; enfin la convention européenne des droits de
l'homme à laquelle sont parties les 15 Etats de l'Union et d'autres
Etats non membres.
M. Ronny Abraham a présenté comme une lacune l'absence, dans les
traités fondateurs, de "préambule" relatif à la protection
des droits fondamentaux et des libertés publiques. Les institutions
communautaires ne sont, de ce fait, pas astreintes, juridiquement, au respect
de ces droits alors même que leurs capacités normatives se sont
notablement étendues. C'est en réaction à cette lacune
juridique que la CJCE a progressivement élaboré, à travers
sa jurisprudence, les principes généraux du droit communautaire
dont la valeur juridique est équivalente à celle des
traités. Ainsi retrouve-t-on, depuis le début des années
1970, dans les principes généraux du droit communautaire de la
CJCE, les grands principes protecteurs contenus dans les constitutions
nationales. Ils reposent sur les traditions constitutionnelles communes et sur
les instruments internationaux pertinents, à commencer par la convention
européenne des droits de l'homme. Ces normes jurisprudentielles, qui
s'imposent aux institutions communautaires comme aux Etats membres, ont
d'ailleurs été consacrées par les traités
européens à l'occasion de leurs aménagements successifs,
notamment dans le cadre de l'Acte unique européen et du traité de
Maastricht.
Au début des années 1980, a précisé M. Ronny
Abraham, l'idée est née d'une adhésion de l'Union
européenne, en tant que telle, à la convention européenne
des droits de l'homme, afin de clarifier l'applicabilité des normes
qu'elle édicte au droit communautaire dérivé. Cette
adhésion se heurte à certaines difficultés d'ordre
technique -l'adhésion d'une organisation internationale non
étatique n'est pas prévue par la convention elle-même- et
d'ordre juridique. Ainsi la CJCE a-t-elle estimé, dans un avis du 28
mars 1996, qu'une telle adhésion nécessiterait une
révision préalable des traités européens et
remettrait en cause les équilibres fondamentaux du système
juridique européen. Surtout, la CJCE, a estimé M. Ronny
Abraham, n'entendait pas se soumettre ainsi à une tutelle juridique de
la Cour européenne des droits de l'homme.
Sur ce point, a indiqué M. Ronny Abraham, le traité d'Amsterdam,
qui aurait pu être l'occasion de préparer cette adhésion de
l'Union européenne à la convention européenne des droits
de l'homme, n'a pas apporté d'élément nouveau. Il traduit
ainsi le refus implicite des Etats membres de toute adhésion de l'Union
européenne à la convention européenne des droits de
l'homme.
Cette non-adhésion présente -a estimé M. Ronny Abraham-
plusieurs inconvénients : en premier lieu, elle ouvre la voie à
d'éventuelles divergences de jurisprudence entre la CJCE d'une part et
la Cour européenne des droits de l'homme d'autre part ; en
deuxième lieu, ces divergences mêmes peuvent placer les Etats
membres dans des situations juridiquement insolubles : quelle attitude adopter
à l'égard d'une directive, considérée par la CJCE
comme conforme aux principes généraux du droit communautaire mais
dont l'application par un Etat serait condamnée par la Cour
européenne des droits de l'homme saisie par un ressortissant de cet Etat
?
Cela étant, a reconnu M. Ronny Abraham, le fait de reconnaître
à la Cour européenne des droits de l'homme le "dernier mot" en
matière de respect des libertés publiques et des droits
fondamentaux risquerait d'affecter la sécurité juridique, compte
tenu des délais induits par les recours successifs aux
différentes instances judiciaires compétentes.
Le traité d'Amsterdam, a précisé M. Ronny Abraham, apporte
toutefois en matière de droits fondamentaux et de libertés
publiques un aspect positif avec la reconnaissance de deux droits nouveaux des
citoyens opposables aux institutions communautaires : l'accès aux
documents administratifs émanant de la Commission, du Conseil et du
Parlement européen (modification de l'article 255 du traité de
Rome) ; et la protection des citoyens contre le traitement automatisé
d'informations individuelles (modification de l'article 298 du traité de
Rome).
Par ailleurs, a relevé M. Ronny Abraham, le nouvel article 7,
ajouté par le traité d'Amsterdam au traité sur l'Union
européenne, permet au Conseil de sanctionner une violation grave et
persistante d'un droit fondamental ou d'une liberté publique par un Etat
membre. La procédure prévue se déroule en deux temps : le
Conseil peut tout d'abord constater à l'unanimité (moins la voix
de l'Etat concerné) la violation grave et persistante d'un droit
fondamental ; il peut ensuite, à la majorité qualifiée,
sanctionner l'Etat fautif, par exemple en décidant de suspendre
l'exercice par cet Etat de son droit de vote.
M. Ronny Abraham a ensuite répondu aux questions posées par les
membres de la commission.
A l'attention de M. Jacques Genton, M. Ronny Abraham a relevé le
caractère partiel du transfert opéré dans le traité
d'Amsterdam du troisième pilier -affaires intérieures et
justice-, relevant de la coopération intergouvernementale, vers le
premier pilier, relevant des compétences communautaires. Le premier
pilier avait en effet été élargi aux questions de visas,
d'asile et d'immigration, laissant de côté la coopération
policière et judiciaire en matière pénale. M. Ronny
Abraham a d'ailleurs fait observer que ce transfert conduirait la CJCE à
examiner davantage d'affaires concernant la protection des droits fondamentaux
et des libertés publiques et la compatibilité, en la
matière, du droit communautaire dérivé avec les principes
généraux du droit communautaire. Dans ce contexte, a
estimé M. Ronny Abraham, la constitution d'un espace judiciaire
européen demeurait une perspective dont on se rapprochait sans pouvoir
jamais l'atteindre.
Répondant à M. Xavier de Villepin, président, M. Ronny
Abraham a fait observer que les pouvoirs de la CJCE étaient
déjà très importants et que le traité de Maastricht
les avait renforcés en contraignant les Etats à exécuter
ses jugements.
S'agissant enfin des questions préjudicielles relatives à
l'interprétation des textes communautaires entre les juridictions
suprêmes de chaque Etat d'une part, et la CJCE d'autre part, M. Ronny
Abraham a précisé à M. Xavier de Villepin,
président, qu'après une phase initiale de réticence de la
Cour de cassation et surtout du Conseil d'Etat, ces deux juridictions faisaient
désormais une correcte application des dispositions de l'article 177 du
traité de Rome, permettant ainsi une coopération satisfaisante
entre le juge national et le juge communautaire.
6. M. Dominique Moïsi, directeur adjoint de l'IFRI (Institut français des relations internationales), rédacteur en chef de la revue "Politique étrangère" : les perspectives de l'Union européenne
M.
Dominique Moïsi a souhaité évoquer, au-delà des
termes du traité d'Amsterdam, les trois défis majeurs
-souveraineté, identité et espace géographique- que devait
désormais relever l'Union européenne dans un contexte
international où la logique de la mondialisation a succédé
à la confrontation liée à la période de la guerre
froide.
Abordant en premier lieu le défi de la souveraineté, M. Dominique
Moïsi a estimé que les Etats acceptent plus facilement des
transferts de souveraineté dans des domaines comme la monnaie, où
leur marge de manoeuvre est déjà réduite, qu'en
matière de sécurité où ils cherchent en revanche
à sauvegarder leurs prérogatives. Ainsi, d'après le
directeur adjoint de l'IFRI, l'Europe apparaît comme une construction
hybride dotée d'une triple dimension : fédérale pour la
monnaie, intergouvernementale pour la politique étrangère et la
sécurité, régionale enfin, au regard des importantes
responsabilités dévolues à l'échelon infranational.
M. Dominique Moïsi a ensuite observé que l'identité pouvait
désormais revêtir différentes formes et que cette
évolution pouvait, à bien des égards, heurter un pays
comme la France, dont l'histoire politique était marquée par le
jacobinisme.
Le directeur adjoint de l'IFRI a enfin évoqué la notion d'espace
géographique pour relever que l'Europe n'est pas encore assurée
de ses limites et que des incertitudes pesaient en particulier sur les
relations entre l'Union européenne, d'une part, la Russie et la Turquie,
d'autre part.
Selon M. Dominique Moïsi, le triple défi que doit relever l'Union
européenne apparaît d'autant plus complexe que le processus de
construction européenne, au-delà de la mise en oeuvre de
relations pacifiques entre les Etats européens, ne s'est pas
réellement vu assigner de nouveaux objectifs communs. Le couple
franco-allemand lui-même, même s'il constitue encore un moteur
indispensable pour la construction européenne, montre cependant ses
limites compte tenu notamment des réactions divergentes des deux pays
vis-à-vis de la mondialisation, plus considérée comme un
risque par la France que par l'Allemagne.
Le directeur adjoint de l'IFRI a observé en conclusion que la
construction européenne bénéficiait encore de l'appui de
la majorité de l'opinion -même si ce soutien apparaissait
tiède et incertain- mais qu'elle suscitait en revanche les critiques
d'une minorité de plus en plus résolue et inquiète des
menaces qui affectaient l'identité nationale.
Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.
M. Jacques Genton, après avoir exprimé les réticences que
lui inspirait une vision trop dogmatique de la souveraineté, s'est
réjoui de la dynamique, sur le processus de construction
européenne, provoquée par la mise en place de l'euro. M.
Dominique Moïsi a souscrit à ces propos, tout en soulignant la
dimension nostalgique qui s'attachait encore à la défense de la
souveraineté.
M. Xavier de Villepin, président, a alors interrogé le directeur
adjoint de l'IFRI sur les conséquences prévisibles des prochaines
élections allemandes pour la construction européenne. M.
Dominique Moïsi a estimé qu'une Allemagne profondément
différente émergerait sans doute des prochaines
échéances électorales outre-Rhin ; tandis que les
responsables allemands actuels avaient connu la deuxième guerre mondiale
et avaient tiré de cette expérience la volonté politique
de faire l'Europe, les nouvelles générations, appelées
bientôt à occuper les responsabilités politiques, se
sentiraient moins obligées par les liens du passé. Toutefois,
d'après M. Dominique Moïsi, le retour à une Allemagne
bismarckienne n'est plus envisageable, compte tenu de la force du
fédéralisme dans ce pays ; en définitive, dans
l'hypothèse d'une alternance, le nouveau Chancelier pourrait se montrer
tout à la fois, à l'instar de l'actuel Premier ministre
britannique, soucieux de l'intérêt national et plus pragmatique.
M. Dominique Moïsi a enfin précisé à l'attention de
M. Xavier de Villepin, président, qu'une réforme institutionnelle
apparaissait indispensable compte tenu du risque de paralysie qui
résultait du mode de fonctionnement actuel de l'Union ; à cet
égard, M. Dominique Moïsi a estimé que les prochains
élargissements, quand ils se concrétiseront, pourraient
provoquer, à la suite des blocages qui ne manqueront pas de se produire,
la réforme indispensable.
II. LE DÉBAT EN COMMISSION
Lors de
sa séance du 17 juin 1998, la commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces armées a
examiné le présent rapport.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Michel Caldaguès a
estimé que, lors de la Conférence intergouvernementale, la France
avait défendu en matière institutionnelle des positions
très ambitieuses et, à ses yeux, peu réalistes et qu'il ne
fallait pas s'étonner, dans ces conditions, de l'échec
enregistré sur ce point. Il a, par ailleurs, observé que seule la
France attachait une importance aussi grande aux questions institutionnelles.
En outre, il n'a pas jugé opportun que le Parlement adresse au
Gouvernement un mandat impératif pour conduire des négociations
dans le domaine de la réforme institutionnelle. M. Michel
Caldaguès a ensuite estimé qu'il était inéluctable
que chaque Etat membre soit représenté au sein de la Commission.
S'il n'a pas contesté le principe d'une position plus positive
vis-à-vis du Parlement européen, il a souhaité que cette
attitude soit réciproque à l'égard des Parlements
nationaux. Quant au couple franco-allemand, M. Michel Caldaguès a
jugé qu'il devait retrouver son rôle moteur à condition de
ne pas s'afficher d'une façon qui pouvait être parfois mal
perçue par certains de nos partenaires.
M. Xavier de Villepin, président, a précisé que la France
n'était pas seule à défendre la nécessité
d'une réforme institutionnelle préalable à
l'élargissement : la Belgique, l'Italie et, dans une certaine mesure,
l'Allemagne, partageaient une telle position. A moins de se résigner
à la dilution de la construction européenne sous la forme d'une
vaste zone de libre-échange, la réforme institutionnelle
apparaissait indispensable et, d'après M. Xavier de Villepin,
président, il importait au Parlement de faire valoir cette exigence,
soit par l'adoption d'une résolution, soit par le vote d'un article
additionnel. S'agissant de la Commission, M. Xavier de Villepin,
président, a estimé qu'il serait sans doute impossible qu'un Etat
accepte de ne pas être représenté au sein de cette
instance. Il a ensuite noté que le moteur franco-allemand serait
incontestablement renforcé si le Royaume-Uni acceptait de s'y joindre.
Il a enfin observé que la représentation française au
Parlement européen souffrait d'un morcellement excessif et que ce fait
réduisait notre influence, alors que des pays comme l'Allemagne ou
l'Espagne avaient su mieux y faire entendre leurs voix.
M. Christian de La Malène a alors indiqué que l'autorisation
éventuelle d'approuver la publication du présent rapport
d'information ne saurait impliquer de sa part un accord sur des conclusions du
rapporteur qu'il ne partageait pas. Il a constaté que le traité
d'Amsterdam nous écartait d'une Europe politique au risque de nous
enfermer dans une Europe économique. Il a par ailleurs manifesté
ses réserves sur la communautarisation d'une partie du troisième
pilier, alors même que l'Europe, dans le cadre des procédures
communautaires, ne paraît pas encore prête à assumer de
telles responsabilités. Il a enfin indiqué que, s'il convenait de
montrer une plus grande ouverture sur les réformes institutionnelles, il
regrettait le déficit démocratique dont souffraient actuellement
les institutions communautaires. Il a souligné les excès de la
technocratie et noté que les pouvoirs du Parlement européen
s'étaient accrus mais que sa légitimité demeurait encore
incertaine.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné que le rapport
d'information qu'il avait préparé avait seulement vocation
à réunir des éléments d'analyse nécessaires
pour donner au Sénat le temps de la réflexion sur un débat
qu'il faudrait sans doute, le jour venu, conduire rapidement compte tenu des
contraintes du calendrier parlementaire. Par ailleurs, d'après
M. Xavier de Villepin, président, l'inefficacité des
institutions, plus encore que l'absence de démocratie, constitue
aujourd'hui un sujet de préoccupation. Il a enfin noté que les
excès de la réglementation communautaire ne doivent pas faire
oublier l'inflation législative dont souffre également
l'organisation du travail parlementaire en France.
M. Jean Arthuis a alors jugé très opportun la publication d'un
rapport d'information sur le traité d'Amsterdam. Il a aussi
souhaité que s'ouvre le débat sur les moyens pour le Parlement
d'inviter le Gouvernement à s'engager sur le terrain institutionnel,
même si la question apparaît ici délicate dans la mesure
où la politique étrangère constitue un "domaine
réservé" de l'exécutif. Il a toutefois souligné que
les questions européennes ne pouvaient plus désormais s'assimiler
aux affaires étrangères. Il a rappelé qu'avec la mise en
oeuvre de l'euro, les Etats avaient accepté de partager leur
souveraineté monétaire mais qu'ils montraient encore des
réticences pour accepter d'autres transferts de souveraineté.
Toutefois, a ajouté M. Jean Arthuis, il convenait de ne pas
s'illusionner sur les marges de manoeuvre dont disposent réellement les
Etats en matière fiscale, budgétaire ou sociale. Il a
regretté que la montée en puissance d'un pôle
monétaire n'ait pas, pour l'heure, de contrepartie sur le plan
politique. Il a, à cet égard, estimé que le Sénat
jouait un rôle pleinement conforme à sa vocation lorsqu'il
réfléchissait aux éléments d'une réforme
institutionnelle et qu'il s'interrogeait sur les moyens les plus efficaces pour
inciter le Gouvernement à combler le déficit démocratique
et politique dont souffrait l'Europe. Il a en outre observé qu'en
l'absence de concertation, les Quinze pourraient être
entraînés dans une forme de "désarmement" douanier et
fiscal et que ce risque plaçait au premier plan la
nécessité d'un débat sur une Europe politique.
Puis M. Jacques Genton a estimé que la publication d'un rapport
d'information de la commission sur le traité d'Amsterdam apparaissait
aujourd'hui particulièrement opportun et utile. Il a ensuite
souligné que l'extension des pouvoirs du Parlement européen ne
correspondait pas à sa représentativité ; il a par
ailleurs précisé que la représentation politique au sein
de l'Assemblée de Strasbourg ne reposait pas d'abord sur des
critères nationaux. Il a ajouté, s'agissant de la Commission,
qu'il n'était, à ses yeux, guère concevable de
réduire le nombre des commissaires en deçà du nombre des
Etats membres ; il a précisé en revanche que les
compétences de cette institution devraient être mieux
définies et regretté à cet égard que bien des
sujets soient actuellement traités indirectement au niveau de
l'administration communautaire. M. Jacques Genton a ensuite
déploré que le Conseil des ministres ne puisse réellement
jouer le rôle que lui assignent les traités faute de disposer du
temps nécessaire pour examiner, avec l'attention suffisante, les
dossiers qui lui sont soumis ; la préparation du Conseil européen
s'organise aussi -a-t-il estimé- dans des conditions difficiles. Il a
enfin attiré l'attention sur le rôle des Parlements nationaux en
citant l'exemple de l'influence exercée par le Bundesrat sur les
positions allemandes défendues au sein des instances bruxelloises. Il a
souhaité que le champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution
française, qui permet actuellement au Parlement de voter des
résolutions sur les propositions d'acte communautaire, puisse être
élargi.
M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé la
nécessité de mieux organiser la représentation
française, actuellement trop dispersée, au sein du Parlement
européen afin de donner plus de poids aux positions françaises
dans une institution dont les pouvoirs se sont trouvé renforcés.
Il a manifesté son accord avec les observations formulées par M.
Jacques Genton sur l'action des "länder" auprès des institutions
bruxelloises ainsi que sur les difficultés liées à
l'organisation des travaux du Conseil.
Mme Danielle Bidard-Reydet a enfin estimé opportun de rendre public un
rapport d'information sur un dossier aussi important et complexe, pour lequel
tous les éclairages pouvaient se révéler utiles.
La commission a alors autorisé la publication du rapport d'information,
présenté par M. Xavier de Villepin, président, relatif aux
dispositions du traité d'Amsterdam.
ANNEXE n° 1 -
LA FRANCE SERA-T-ELLE LE DERNIER
PAYS À RATIFIER LE TRAITÉ D'AMSTERDAM 25(
*
)?
Le
traité d'Amsterdam a été ratifié par
:
-
L'Allemagne
(dépôt des instruments de ratification au
ministère des Affaires étrangères italien le 7 mai 1998),
-
la Suède
(dépôt des instruments de ratification le
15 mai 1998),
- le
Royaume-Uni
(dépôt des instruments de ratification le
15 juin 1998).
- La ratification du traité d'Amsterdam a été
approuvée en Irlande
par référendum le 22 mai
dernier, par une majorité de 61,7 % des votants. Le Parlement irlandais
doit désormais adopter une loi introduisant dans la législation
interne les nouvelles dispositions du traité.
Elle a également été approuvée par 55,1 % des
suffrages exprimés au
Danemark
, lors du référendum
du 28 mai dernier.
- La procédure parlementaire est achevée en
Italie
. Ne
restent que les étapes purement formelles de la ratification (signature
de la loi de ratification, dépôt des instruments de ratification).
Les données suivantes présentent la situation des quatorze
partenaires de la France au regard de la procédure de ratification
à la date du
15 juin 1998.
ETATS MEMBRES |
PERSPECTIVES DE RATIFICATION DU TRAITÉ D'AMSTERDAM |
ALLEMAGNE |
Date
d'achèvement de la procédure : 7 mai 1998
|
AUTRICHE |
Date
prévue d'achèvement de la procédure : mi juillet 1998
|
BELGIQUE |
Date
prévue d'achèvement de la procédure : fin de
l'année 1998.
|
DANEMARK |
Date prévue d'achèvement de la procédure : juin 1998 |
|
Procédure parlementaire et référendum, le 28 mai 1998 |
|
Un
projet de loi de ratification a été présenté au
Folketing le 7 octobre 1997. Ce texte a donné lieu à une
première lecture le 21 octobre.
|
ESPAGNE |
Date
prévue d'achèvement de la procédure
: fin du
deuxième semestre 1998.
|
FINLANDE |
Date
prévue d'achèvement de la procédure : juin 1998.
|
GRECE |
Date
prévue d'achèvement de la procédure :
Le gouvernement
n'a pas encore fixé la date d'examen du texte du traité par le
parlement hellénique.
|
IRLANDE |
Date
prévue d'achèvement de la procédure : automne 1998
|
ITALIE |
Date
prévue d'achèvement de la procédure : juin 1998
|
LUXEMBOURG |
Date
prévue d'achèvement de la procédure : juillet 1998
|
PAYS-BAS |
Date
prévue d'achèvement du processus de ratification :
septembre/octobre 1998
|
PORTUGAL |
Date
prévue d'achèvement de la procédure : deuxième
semestre 1998
|
ROYAUME-UNI |
Date
d'achèvement de la procédure : 15 juin 1998
|
SUEDE |
Date
d'achèvement de la procédure : 15 mai 1998
|
ANNEXE n° 2 -
EXTRAITS DE LA DÉCISION
n° 97-394 DC DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL RELATIVE AU TRAITÉ
D'AMSTERDAM
Le
Conseil constitutionnel a été saisi, le 4 décembre 1997,
par le Président de la République et le Premier ministre,
conformément à l'article 54 de la Constitution, de la question de
savoir si, compte tenu des engagements souscrits par la France et des
modalités de leur entrée en vigueur, l'autorisation de ratifier
le traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union
européenne, les traités instituant les communautés
européennes et certains actes connexes, signé le 22 octobre 1997,
doit être précédée d'une révision de la
Constitution.
Le Conseil constitutionnel
[Visas]
SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE APPLICABLES :
1. Considérant que le peuple français a, par le préambule
de la Constitution de 1958, proclamé solennellement son attachement aux
droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels
qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789,
confirmée et complétée par le préambule de la
Constitution de 1946" ;
2. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen énonce que "le principe de toute
souveraineté réside essentiellement dans la nation" ; que
l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa,
que "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses
représentants et par la voie du référendum" ;
3. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946
proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République
française se "conforme aux règles du droit public international"
et, dans son quinzième alinéa, que "sous réserve de
réciprocité, la France consent aux limitations de
souveraineté nécessaires à l'organisation et à la
défense de la paix" ;
4. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958
consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence
de "traités ou accords relatifs à l'organisation internationale",
que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou
approuvés par le Président de la République qu'en vertu
d'une loi ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1, résultant de la
loi constitutionnelle du 25 juin 1992 : "La République participe aux
Communautés européennes et à l'Union européenne,
constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des
traités qui les ont instaurées, d'exercer en commun certaines de
leur compétences" ;
6. Considérant qu'il résulte de ces textes de valeur
constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait
pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions
précitées du préambule de la Constitution de 1946, la
France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des
engagements internationaux en vue de participer à la création ou
au développement d'une organisation internationale permanente,
dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de
décision par l'effet de transferts de compétences consentis par
les Etats membres ;
7. Considérant, toutefois, qu'au cas où des engagements
internationaux souscrits à cette fin contiennent une clause contraire
à la Constitution ou portent atteinte aux conditions essentielles
d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier
appelle une révision constitutionnelle ;
8. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au
Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité
signé à Amsterdam le 2 octobre 1997 ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 88-2, ajouté à
la Constitution par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 : "Sous
réserve de réciprocité et selon les modalités
prévues par le traité sur l'Union européenne signé
le 7 février 1992, la France consent aux transferts de
compétences nécessaires à l'établissement de
l'union économique et monétaire européenne ainsi
qu'à la détermination des règles relatives au
franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la
Communauté européenne" ; qu'il résulte de cette
disposition qu'appellent une nouvelle révision constitutionnelle les
clauses du traité d'Amsterdam qui opèrent, au profit de la
Communauté européenne, des transferts de compétences qui
mettent en cause les conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale, soit que ces transferts interviennent dans un
domaine autre que l'établissement de l'union économique et
monétaire européenne ou que le franchissement des
frontières extérieures communes, soit que ces clauses fixent
d'autres modalités que celles prévues par le traité sur
l'Union européenne signé le 7 février 1992 pour l'exercice
des compétences dont le transfert a été autorisé
par l'article 88-2 précité ;
10. Considérant que l'article 2 du traité d'Amsterdam
insère dans le traité instituant la Communauté
européenne un titre III A intitulé : "Visas, asile, immigration
et autres politiques liées à la libre circulation des personnes"
;
11. Considérant que, s'agissant de la libre circulation des personnes,
le nouveau titre comprend un article 73 J qui autorise le Conseil, statuant
conformément à la procédure prévue à
l'article 73 O du même titre, à prendre, dans les cinq ans qui
suivent l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, un certain
nombre de mesures, qu'il énumère, relatives au franchissement des
frontières intérieures et extérieures des Etats membres,
ainsi qu'à la libre circulation des ressortissants des pays tiers sur
leur territoire ;
12. Considérant que les mesures relatives au franchissement des
frontières intérieures comprennent des "mesures visant,
conformément à l'article 7 A, à assurer l'absence de tout
contrôle des personnes, qu'il s'agisse de citoyens de l'Union ou de
ressortissants des pays tiers, lorsqu'elles franchissent les frontières
intérieures" ;
13. Considérant que les mesures relatives au franchissement des
frontières extérieures des Etats membres fixent "les normes et
les modalités auxquelles doivent se conformer les Etats membres pour
effectuer les contrôles des personnes aux frontières
extérieures" et "les règles relatives aux visas pour les
séjours prévus d'une durée maximale de trois mois" ; que
ces dernières règles comprennent, notamment, "la liste des pays
tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa ...",
les "procédures et conditions de délivrance des visas par les
Etats membres", la définition d'un "modèle type de visa", ainsi
que les règles applicables "en matière de visa uniforme" ;
14. Considérant, enfin, que les mesures relatives à la
circulation des ressortissants des pays tiers fixent les conditions dans
lesquelles ces ressortissants peuvent circuler librement sur le territoire des
Etats membres pendant une durée maximale de trois mois ;
15. Considérant que, s'agissant des politiques de l'asile et de
l'immigration, le nouveau titre III A comprend en outre un article 73 K
énonçant que le Conseil, statuant conformément à la
procédure prévue à l'article 73 O, peut également
prendre, dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur du
traité d'Amsterdam, un certain nombre de mesures relatives à
l'asile, aux réfugiés et à l'immigration ;
16. Considérant que les mesures relatives à l'asile portent sur
les "critères et mécanismes de détermination de l'Etat
membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée
dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers", sur les
"normes minimales régissant l'accueil des demandeurs d'asile dans les
Etats membres", sur les "normes minimales concernant les conditions que doivent
remplir les ressortissants des pays tiers pour pouvoir prétendre au
statut de réfugié" ou encore sur les "normes minimales concernant
la procédure d'octroi ou de retrait du statut de réfugié
dans les Etats membres" ;
17. Considérant que les mesures relatives aux réfugiés et
aux personnes déplacées auront trait aux "normes minimales
relatives à l'octroi d'une protection temporaire" de ces personnes et
aux "mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts
consentis par les Etats membres" pour les accueillir et "supporter les
conséquences de cet accueil" ;
18. Considérant que les mesures relatives à la politique
d'immigration porteront sur "les conditions d'entrée et de
séjour", sur les "normes concernant les procédures de
délivrance par les Etats membres de visas et de titres de séjour
de longue durée, y compris aux fins de regroupement familial", ainsi que
sur "l'immigration clandestine" et le "séjour irrégulier, y
compris le rapatriement des personnes en séjour irrégulier" ;
19. Considérant, enfin, que sont également envisagées "des
mesures définissant les droits des ressortissants des pays tiers en
situation régulière de séjour dans un Etat membre de
séjourner dans les autres Etats membres et les conditions dans
lesquelles ils peuvent le faire" ; qu'il est par ailleurs précisé
à l'avant-dernier alinéa de l'article 73 K que les mesures
adoptées par le Conseil en matière d'immigration et de droit de
séjour dans les Etats membres "n'empêchent pas un Etat membre de
maintenir ou d'introduire, dans les domaines concernés, des dispositions
nationales compatibles avec le présent traité et avec les accords
internationaux" ;
20. Considérant que l'article 73 O prévoit les modalités
d'adoption, par le Conseil, des décisions qui font l'objet du titre III
A ; qu'il est stipulé, en son premier paragraphe, que "pendant une
période transitoire de cinq ans après l'entrée en vigueur
du traité d'Amsterdam, le Conseil statue à l'unanimité sur
proposition de la Commission ou à l'initiative d'un Etat membre et
après consultation du Parlement européen" ; qu'il est
ajouté, au deuxième paragraphe, qu'"après cette
période de cinq ans, le Conseil statue sur des propositions de la
Commission", celle-ci étant toutefois tenue d'examiner "toute demande
d'un Etat membre visant à ce qu'elle soumette une proposition au
Conseil", et que "le Conseil, statuant à l'unanimité après
consultation du Parlement européen, prend une décision en vue de
rendre la procédure visée à l'article 189 B applicable
à tous les domaines couverts par le présent titre ou à
certains d'entre eux et d'adapter les dispositions relatives à la
compétence de la Cour de justice" ; qu'il est précisé, au
troisième paragraphe, que, par dérogation aux règles
prévues aux deux premiers, les règles relatives à la liste
des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de
visa de court séjour et concernant le modèle type de visa seront,
dès l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam,
"arrêtées par le Conseil, statuant à la majorité
qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation
du Parlement européen" ; qu'il est enfin prévu au
quatrième paragraphe que, par dérogation au deuxième, les
mesures concernant les procédures et conditions de délivrance de
ces mêmes visas, ainsi que les règles en matière de visa
uniforme, seront, au terme d'une période de cinq ans suivant
l'entrée en vigueur du traité, "arrêtées par le
Conseil, statuant conformément à la procédure visée
à l'article 189 B" ;
En ce qui concerne les mesures relatives à l'asile, à
l'immigration et au franchissement des frontières intérieures des
Etats membres :
21. Considérant que les premier et troisième paragraphes de
l'article 73 J et l'article 73 K prévoient, ainsi qu'il a
été dit ci-dessus, des transferts de compétences au profit
de la Communauté dans les domaines de l'asile, de l'immigration et du
franchissement des frontières intérieures qui intéressent
l'exercice de la souveraineté nationale et n'entrent pas dans le champ
de l'habilitation prévue par l'article 88-2 de la Constitution ;
22. Considérant, il est vrai, que, s'agissant de domaines ne relevant
pas de la compétence exclusive de la Communauté, le respect du
principe de subsidiarité, énoncé par l'article 3 B du
traité instituant la Communauté européenne et dont les
conditions de mise en oeuvre sont précisées par un protocole
annexé au traité d'Amsterdam, implique que la Communauté
n'intervient que si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action
envisagée ne peuvent pas être réalisés de
manière suffisante par les Etats membres ; que, toutefois, la seule mise
en oeuvre de ce principe pourrait ne pas faire obstacle à ce que les
transferts de compétence autorisés par le traité soumis
à l'examen du Conseil constitutionnel revêtent une ampleur et
interviennent selon des modalités telles que puissent être
affectées les conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale ;
23. Considérant que les conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale ne seront pas affectées pendant la
période transitoire de cinq ans à compter de l'entrée en
vigueur du traité, au cours de laquelle, en application du premier
paragraphe de l'article 73 O, les décisions du Conseil seront prises
à l'unanimité et où les Etats membres conserveront le
pouvoir d'initiative ;
24. Considérant, en revanche, qu'au terme de cette période
transitoire, en vertu du deuxième paragraphe de l'article 73 O, le
Conseil statue sur proposition de la seule Commission, les Etats membres
perdant ainsi le pouvoir d'initiative ; que, surtout, sur simple
décision du Conseil prise à l'unanimité, l'ensemble des
mesures intervenant dans les domaines précités, ou certaines
d'entre elles, pourront être prises à la majorité
qualifiée selon la procédure dite de "codécision"
prévue par l'article 189 B du traité instituant la
Communauté européenne ; qu'un tel passage de la règle de
l'unanimité à celle de la majorité qualifiée et
à la procédure de "codécision" ne nécessitera, le
moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation nationale, et ne
pourra ainsi pas faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité
sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61, alinéa 2, de la
Constitution ;
25. Considérant que, dans ces conditions, et nonobstant les dispositions
de l'avant-dernier alinéa de l'article 73 K, l'application des
dispositions du deuxième paragraphe de l'article 73 O pourrait conduire
à ce que se trouvent affectées les conditions essentielles
d'exercice de la souveraineté nationale ;
26. Considérant qu'il suit de là que doivent être
déclarées contraires à la Constitution les dispositions du
deuxième paragraphe de l'article 73 O, ajouté au traité
instituant la Communauté européenne par l'article 2 du
traité d'Amsterdam, en tant qu'elles s'appliquent aux mesures
prévues par les premier et troisième paragraphe de l'article 73 J
et par l'article 73 K du traité instituant la Communauté
européenne ;
En ce qui concerne les mesures relatives au franchissement des
frontières extérieures des Etats membres :
27. Considérant que, dans sa décision du 2 septembre 1992, le
Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la
Constitution, et notamment à son article 88-2, les stipulations de
l'article 100 C du traité instituant la Communauté
européenne relatives à la liste des pays tiers dont les
ressortissants sont soumis à obligation de visa et relatives à
l'instauration d'un modèle type de visa ; que l'autorité qui
s'attache à la chose jugée par le Conseil constitutionnel
s'oppose à ce que soient remises en cause les dispositions du
troisième paragraphe de l'article 73 O qui se bornent à reprendre
les règles de décision prévues par l'article 100 C
précité ;
28. Considérant, en revanche, que le passage automatique à la
règle de la majorité qualifiée et à la
procédure de "codécision", au terme d'une période de cinq
ans après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, pour
la détermination des procédures et conditions de
délivrance des visas de court séjour par les Etats membres et des
règles applicables en matière de visa uniforme, prévu par
le quatrième paragraphe de l'article 73 O, constitue, au regard du
traité sur l'Union européenne, une modalité nouvelle de
transfert de compétences dans des domaines où est en cause la
souveraineté nationale ; que le passage de la règle de
l'unanimité à celle de la majorité qualifiée et
à la procédure de "codécision", dans de telles
matières, pourrait conduire à ce que se trouvent affectées
les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.
29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que
le quatrième paragraphe de l'article 73 O, ajouté au
traité instituant la Communauté européenne par l'article 2
du traité d'Amsterdam, doit être déclaré contraire
à la Constitution ;
30. Considérant, enfin, que le passage à la majorité
qualifiée et à la procédure de "codécision", sur
simple décision du Conseil, selon la procédure prévue au
deuxième paragraphe de l'article 73 O, s'agissant des mesures
visées au a) du deuxième paragraphe de l'article 73 J, qui fixent
les "normes et modalités auxquelles doivent se conformer les Etats
membres pour effectuer les contrôles des personnes aux frontières
extérieures", porte atteinte, pour les motifs ci-dessus
énoncés, aux conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale ; qu'il y a lieu, dès lors, de
déclarer contraires à la Constitution les dispositions du
deuxième paragraphe de l'article 73 O en tant qu'elles s'appliquent aux
mesures prévues par le a) du deuxième paragraphe de l'article 73
J ;
- SUR L'ENSEMBLE DE L'ENGAGEMENT INTERNATIONAL SOUMIS A L'EXAMEN DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL :
31. Considérant qu'aucune des autres dispositions de l'engagement
international soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la
Constitution n'est contraire à celle-ci ;
Considérant que, pour les motifs ci-dessus énoncés,
l'autorisation de ratifier, en vertu d'une loi, le traité d'Amsterdam
exige une révision de la Constitution ;
D E C I D E :
Article premier. - L'autorisation de ratifier en vertu d'une loi le
traité d'Amsterdam ne peut intervenir qu'après révision de
la Constitution.
Article 2. - La présente décision sera notifiée au
Président de la République, ainsi qu'au Premier ministre, et
publiée au
Journal officiel
de la République
française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa
séance du 31 décembre 1997, où siégeaient :
MM. Roland DUMAS, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean
CABANNES, Maurice FAURE, Yves GUENA, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR et
M. Jacques ROBERT.
1 Le compromis adopté le 27 mars 1994 à Ioannina en Grèce par une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, tend à figer la pondération des voix au Conseil selon le schéma préexistant à l'élargissement : il prévoit en effet que si des membres du Conseil représentant entre 23 (ancien seuil de la minorité de blocage) et 26 voix (nouveau seuil de la minorité de blocage) indiquent leur intention de s'opposer à la prise d'une décision par le Conseil à la majorité qualifiée, le Conseil fera tout ce qui est dans son pouvoir pour aboutir, dans un délai raisonnable, à une solution satisfaisante qui puisse être adoptée par 65 voix sur 87 au moins.
2
La durée du mandat de la Commission a
été portée de 4 à 5 ans par le traité de
Maastricht.
3
Pierre Fauchon, Le Sénat face au traité d'Amsterdam,
rapport du Sénat n° 432, 1997-1998.
4
L'article 205 fixe la pondération des voix
suivante : 10 voix pour l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Italie, 8
voix pour l'Espagne, 5 voix pour les Pays-Bas, la Grèce, la Belgique et
le Portugal, 4 voix pour la Suède et l'Autriche, 3 voix pour le
Danemark, la Finlance et l'Irlande, 2 voix pour le Luxembourg Pour qu'une
délibération soit acquise, il faut qu'elle ait rassemblé
au moins 62 voix soit 70 %. L'association de deux "grands" Etats à deux
"petits" Etats suffit pour empêcher l'adoption d'une décision en
atteignant la minorité dite de blocage calculée à 26
voix..
5
Le compromis faisait droit, de fait, à la position
française selon laquelle lorsqu'un intérêt national
très important est en cause, les discussions doivent se poursuivre
jusquau moment où l'on parvient à un accord unanime.
6
Une telle clause ne s'avère sans doute pas
nécessaire si l'on en juge par le précédent du retrait de
la Grèce du régime des colonels du Conseil de l'Europe avant
même que cette institution n'ait conduit à son terme la
procédure de sanction destinée à suspendre le droit de
représentation de la Grèce au Conseil.
7
Arrêts Kalandi du 17 octobre 1995 et Marchall
du
11 novembre 1997
8
Arrêt du 21 mars 1974, BRTC/SABAM
9
Arrêt du 27 avril 1994, commune d'Almeno
10
Un comité quelque peu comparable
-formé
des représentants des ministères des affaires sociales et de
l'emploi- assiste déjà le Conseil dans sa formation des ministres
chargés de ce secteur, sous l'autorité du COREPER.
11
Xavier de Villepin,
Une politique étrangère
commune pour l'Union européenne,
rapport Sénat n° 394,
1995-1996.
12
"Charte de Paris pour une nouvelle Europe" signée lors du
Sommet de la CSCE qui s'est déroulé à Paris du 19 au 21
novembre 1990.
13
Allemagne, Italie, Espagne, Belgique et Luxembourg
14
Maurice Ligot,
La révision des traités
européens après Amsterdam,
rapport d'information de
l'Assemblée nationale n° 39.
15
Les agents "nationaux" devant être
recrutés en tenant compte de leur expérience dans la diplomatie.
16
Le secrétaire général actuel, M. Trumpf, a
été nommé en septembre 1994 pour une durée de cinq
ans.
17
"Protocole sur les institutions dans la perspective de
l'élargissement de l'Union européenne".
18
Une déclaration (n° 49) prévoit la
reconduction jusqu'au premier élargissement du compromis de Ioannina
-prévu pourtant pour ne fonctionner que jusqu'à la CIG de 1996
censé précisément résoudre la question posée
par la repondération. D'ici là, comme l'indique également
la déclaration, une solution sera trouvée pour le cas particulier
de l'Espagne. En effet, lors du Conseil européen d'Amsterdam, le Premier
ministre espagnol, M. Aznar, a rappelé que l'Espagne s'était
résignée, au moment de son adhésion, à disposer
d'un nombre de voix inférieur à celui des autres "grands" Etats
à la seule condition de désigner deux commissaires. Aussi, au
moment où les "grands" Etats pourraient renoncer au deuxième
commissaire, l'Espagne souhaite-t-elle un réexamen de son poids au sein
du Conseil.
19
Une modification de l'article 148 § 2 dans le
cadre de la procédure de révision du traité de l'Union
européenne (art. 48).
20
Voir l'annexe du rapport "La France sera-t-elle le dernier Etat
membre de l'Union européenne à ratifier le traité
d'Amsterdam" ?
21
Pierre Fauchon - Le Sénat face au traité
d'Amsterdam. Rapport du Sénat n° 432, 1997-1998.
22
Document élaboré par M. Laurent Cohen-Tanugi.
23
L'unité formée par le
traité CE
et les protocoles qui y sont annexés a d'ailleurs été
confirmée en France par la décision du Conseil constitutionnel du
9 avril 1992, relative à la constitutionnalité du traité
de Maastricht. Le juge constitutionnel français a énoncé
dans sa décision les articles du traité de Maastricht concernant
la politique monétaire qu'il jugeait contraires à la
Constitution, mais il a également déclaré
inconstitutionnelles "les autres dispositions des chapitres II, III et IV du
Titre VI ajouté au traité instituant la Communauté
européenne
ainsi que celles des protocoles n° 3 et 10, dans la
mesure où elles sont indissociables des articles
précités
" (considérant 45). Le Conseil constitutionnel
a reconnu la complémentarité et la cohérence qui existent
entre le traité et les protocoles qui y sont annexés. Ainsi, les
dispositions juridiques relatives à la troisième phase de l'Union
économique et monétaire formant un tout indissociable, "le
Conseil constitutionnel a eu recours au concept d'inséparabilité
appliqué au sein même d'un engagement international",
étendant la solution applicable au contrôle de
constitutionnalité des engagements internationaux prévu à
l'article 54 (Décision n° 92-308 DC, JORF du 11 avril 1992, p.
5354).
24
La France aurait pu obtenir une réserve analogue à
celle accordée au Royaume-Uni et au Danemark concernant les dispositions
sur l'Union économique et monétaire ; elle s'est bornée
à une Déclaration. Voir aussi, à propos des
réserves, les articles 19 à 23 de la Convention de Vienne.
25 Eléments d'information communiqués par le ministère des Affaires étrangères.