b) Les biocarburants : un programme à inscrire dans la durée
Le
développement de la production des biocarburants en France répond
à l'objectif prioritaire de lutte contre la pollution de l'air. En
outre, il offre de nouveaux débouchés pour les productions
agricoles et contribue à la réduction de la facture
énergétique de la France.
Deux familles de biocarburants sont actuellement développées
dans notre pays :
-
les esters d'huiles végétales (ester de colza
incorporé dans le gazole ou le fioul domestique, ester de tournesol
actuellement testé pour être incorporé dans un premier
temps au fioul) ;
- l'éthanol, produit à partir de blé et de
betteraves, incorporable dans le supercarburant sans plomb sous forme d'Ethyl
Tertio Butyl Ether (ETBE).
Au plan agricole
Au titre des semis automne 1996-printemps 1997, cette production a
concerné plus de 85 % des 234 000 hectares de cultures
pratiquées sur terres gelées dans le cadre de la réforme
de la PAC :
Colza Ester |
150 000 ha |
Tournesol Ester |
30 000 ha |
Blé éthanol |
10 500 ha |
Betteraves éthanol |
12 500 ha |
En 1995,
près de un million d'hectares de jachère étaient
consacrés aux cultures bioénergétiques. Or, elles ont
couvert seulement 350 000 ha en 1997.
Confirmant la tendance observée depuis la campagne
précédente, on note un nouveau recul des superficies
emblavées en colza ester du fait :
- du maintien à 5 % du taux de gel minimal obligatoire et de
la suppression de l'obligation de rotation des parcelles gelées,
permettant de localiser définitivement la jachère sur des terres
de moins bonne qualité ;
- de l'écart de rémunération entre graines
alimentaires et non alimentaires ; les efforts entrepris par les
filières de production ont généré une diminution de
cet écart au cours des deux dernières années.
Cette baisse des surfaces emblavées ne remet cependant pas en cause le
développement de cette filière.
Afin d'assurer sa pérennité, l'interprofession des
oléagineux s'est d'ailleurs engagée dans un schéma
prévoyant un net encouragement aux producteurs de colza
énergétique, notamment par l'amélioration progressive du
prix payé, en augmentation de 37 % par rapport à l'avant
dernière campagne.
En ce qui concerne la filière éthanol, la mise en service en 1996
de deux unités d'ETBE, construites par TOTAL et ses partenaires
agricoles à Dunkerque et à Gonfreville, s'est traduite par une
augmentation des surfaces emblavées en blé et betteraves
éthanol.
Au plan industriel
La mise en place d'un tissu industriel se réalise par l'agrément
d'unité pilotes de production.
Pour la production d'ester-carburant, sept usines sont actuellement
agréées pour un volume de 322 500 tonnes par an, dont
120 000 tonnes pour l'unité de Rouen, premier outil affecté
en totalité à la production de biocarburants.
L'éthanol est destiné à la fabrication d'ETBE (Ethyl
Tertio Butyl Ether) dont la production est assurée par les unités
suivantes :
- ELF à Feyzin pour 92 900 tonnes d'ETBE incorporant
550 000 hl d'éthanol ;
- TOTAL à Dunkerque pour 59 000 tonnes d'ETBE soit
350 000 hl d'éthanol ;
- TOTAL à Gonfreville identique à la
précédente.
Au plan fiscal
Au titre du soutien public pour l'année 1996,
le montant de
l'exonération fiscale dont ont bénéficié en France
les bio-carburants s'est élevé à 564 millions de
francs pour l'ester de colza (4 millions hl) et 250 millions de
francs pour l'éthanol-ETBE (760 000 hl).
Introduite par la loi de finances initiale pour 1992, l'exonération
fiscale de la taxe intérieure de consommation sur les produits
pétroliers (TIPP) dont bénéficient les biocarburants a
été plafonnée par la loi de finances rectificative pour
1993.
Compte tenu du coût de production des carburants d'origine agricole,
actuellement supérieur de 2F/lt à celui des carburants fossiles,
cette exonération est indispensable pour assurer l'équilibre
économique de la filière.
A terme, le niveau de défiscalisation est appelé à
décroître en fonction de l'évolution du contexte
économique et des gains de productivité réalisés
par la filière.
Au plan communautaire, le dispositif national d'exonération fiscale
des biocarburants a été mis en cause par la Commission
Européenne, qui juge que les mesures prises par la France introduisent
une discrimination entre :
-
les productions agricoles autorisées pour la production de
biocarburants et les autres productions susceptibles d'être
utilisées à de telles fins ;
- les cultures sur jachère et hors jachère ;
- les producteurs français et communautaires de biocarburants.
La Commission Européenne considère que l'avantage fiscal
constitue une aide indirecte à certaines productions agricoles,
incompatible avec les organisations communes de marché et une aide
directe à certains produits industriels, contraire à
l'article 92 du Traité de Rome.
Tout en contestant les critiques adressées par Bruxelles à son
dispositif passé et afin de poursuivre le développement de la
filière biocarburant,
la France a engagé avec la Commission
des discussions qui l'ont conduite à proposer aux autorités
communautaires un dispositif amendé en février 1996.
Ce dispositif consiste :
- d'une part, à autoriser tout type de biocarburant
répondant à des critères techniques objectifs, sans
référence à une matière première
précise ou à un mode de culture déterminé (sur
jachère ou hors jachère) ; en pratique, le dispositif serait
ouvert aux esters d'huiles végétales et à l'ETBE ;
- d'autre part, à procéder à un appel de candidatures
publié au Journal officiel des Communautés Européennes
pour les unités de production de biocarburants, qui se verraient alors
agréées dans le cadre d'une enveloppe fiscale fixée par la
France.
Parallèlement à sa décision en date du
29 janvier 1997 de demander à la France de supprimer
l'avantage fiscal actuellement accordé, la Commission Européenne
a donné son aval à la mise en place d'un nouveau dispositif.
A cet effet, le Gouvernement a présenté au Parlement à la
fin de l'année 97, les dispositions législatives
nécessaires à sa mise en oeuvre. Le régime fiscal est
maintenu avec un appel à candidatures permettant à tous les
opérateurs d'avoir accès au marché national des
biocarburants.
Ce schéma permet notamment d'assurer une continuité indispensable
entre le dispositif ancien et le nouveau afin d'éviter tout arrêt,
même momentané, de l'exonération fiscale, qui
compromettrait gravement l'équilibre financier des unités de
biocarburants dont la production s'effectue sur toute l'année.
La mission d'information considère anormal que la TIPP soit
appliquée aux biocarburants alors qu'ils ne sont pas des produits
pétroliers. Elle souligne que le gaz et l'électricité,
bientôt concurrents des carburants verts sur le marché des
carburants propres, ne sont soumis à aucune TIPP ou taxe
équivalente.
L'impact de la loi sur l'air et de la modification du taux de gel
Adoptée par le Parlement le 30 décembre 1996, la loi
sur l'air vise à définir les principes devant guider la
prévention, la réduction ou la suppression des pollutions
atmosphériques, odeurs et radiations ionisantes ainsi que l'utilisation
rationnelle de l'énergie.
Au titre des mesures techniques nationales de prévention de la pollution
atmosphérique,
la loi sur l'air prévoit notamment
:
- l'incorporation obligatoire d'un taux minimal d'oxygène dans les
carburants et combustibles liquides avant le 1er janvier 2000
(article 21-III) ;
- la redéfinition des spécifications (ou reformulation) des
carburants avant le 1er janvier 2000 (article 21-IV) ;
- l'utilisation de carburants superoxygénés dans les flottes
spécifiques urbaines (article 24-III).
Ces dispositions sont de nature à élargir le marché des
biocarburants, étant précisé que les mesures en cause
concernent l'introduction d'oxygène quelle que soit l'origine -fossile
au végétale- des composants utilisés.
Un taux d'incorporation de 2 %, proche de la limite maximale qui pourrait
être autorisée au niveau communautaire dans la directive sur la
composition des essences de l'an 2000 impliquerait, en faisant
l'hypothèse d'un marché alimenté à 50 % par
l'ETBE, la production de près de 800 000 tonnes d'ETBE
incorporant 365 000 tonnes d'éthanol mobilisant
41 000 hectares de betteraves et 76 000 hectares de
blé.
S'agissant de la filière ester, l'introduction d'un taux renforcé
d'oxygène (2,2 à 3,3 % soit entre 20 et 30 % d'ester)
dans le gazole utilisé par les flottes spécifiques urbaines
visées à l'article 24-III de la loi constituerait une
solution optimale en matière de réduction des émissions
polluantes et impliquerait la production de 80 000 tonnes d'ester
soit 70 000 ha de colza et de tournesol.
La faculté ouverte aux agriculteurs de pratiquer des cultures
destinées à des usages non alimentaires sur les terres
gelées au titre de la réforme de la PAC a incontestablement
favorisé l'émergence de la filière biocarburants.
Toutefois, la fluctuation du taux de gel, conçue par Bruxelles comme un
instrument de régulation des marchés alimentaires ne permet pas
de répondre totalement au besoin des outils industriels de disposer d'un
approvisionnement régulier en matières premières agricoles.
La mission d'information préconise la mise en place de
mécanismes permettant d'assurer la sécurité des
approvisionnements, indépendamment des décisions communautaires
relatives à la jachère.
Tel est le cas de l'accord interprofessionnel, initié par la
filière oléagineuse française, relatif à la gestion
des surfaces d'oléagineux conclu pour la récolte 1997 et
reconduit pour la récolte 1998. Cet accord engage les agriculteurs
à affecter 12 % de leurs surfaces cultivées en
oléagineux à des usages non alimentaires afin de consolider
l'approvisionnement des nouvelles filières industrielles (biocarburants
en particulier) et de minimiser les risques de pénalités sur les
aides compensatoires " spécifiques oléagineuses "
versées aux producteurs français.