B. ÉTABLIR UNE VÉRITABLE ÉGALITÉ DE CONCURRENCE ENTRE LES PRODUCTEURS
Nous
aborderons, lors de l'examen des propositions relatives à la
quatrième orientation, la nécessité de diminuer, au niveau
international, les distorsions de concurrence. Néanmoins, ce souhait ne
peut être exprimé que si, déjà, au niveau
Européen, on procède à une harmonisation de la
législation fiscale et sociale entre les agriculteurs.
En outre, au-delà du problème des aides nationales, les
propositions de la mission sur la modulation conduisent à s'interroger
sur l'émergence, à moyen terme, de fortes distorsions de
concurrence.
1. La nécessaire harmonisation des charges sociales et fiscales entre les agriculteurs Européens
Dès lors qu'il n'y a plus de taux de change pour compenser les disparités, l'instauration d'une concurrence équitable suppose une harmonisation sur le plan social et fiscal.
a) Des disparités sociales à réduire
Les
différences de rémunération et de niveau de charges
sociales créent d'importantes distorsions de concurrence en
matière agricole, notamment sur des produits à faible valeur
ajoutée.
Ainsi, les cotisations sociales patronales sur le salaire minimum sont, par
exemple, d'un peu plus de 38 % en France contre 12 % en Irlande.
De même, l'analyse des charges de main d'oeuvre entre la France et
l'Espagne conduit à constater d'importantes différences. En 1986,
on estimait que le coût salarial horaire minimum était de
35,15 francs en France et de 13,80 francs en Espagne. Dix ans plus
tard, d'aucuns estiment que le coût horaire dans le maraîchage
varie de 3 pour la France à 1 pour l'Espagne.
Coût total annuel
d'un ouvrier agricole salarié dans
les pays de l'Union Européenne
|
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|
Ouvrier agricole : catégorie la plus représentative des salariés agricoles de chaque pays |
||||
|
ÉCU : Taux de change annuel |
SPA : Standard de pouvoir d'achat |
|||
|
1991 |
1995 |
1996 |
1991 |
1995 |
B |
16 688 |
19 214 |
|
16 934 |
18 299 |
Dk |
18 588 |
22 360 |
|
15 077 |
17 668 |
D |
17 744 |
22 453 |
20 955 |
16 391 |
18 942 |
E |
9 963 |
9 559 |
9 826 |
10 912 |
11 584 |
F |
14 150 |
17 007 |
16 874 |
14 259 |
15 590 |
I |
22 198 |
18 950 |
21 655 |
21 902 |
23 633 |
NL |
22 983 |
28 663 |
|
22 894 |
26 930 |
P |
4 597 |
5 802 |
|
7 029 |
8 672 |
UK |
16 957 |
16 634 |
|
17 610 |
19 134 |
Fin |
19 930 |
19 742 |
19 101 |
15 824 |
17 451 |
O |
16 897 |
23 170 |
23 295 |
17 172 |
20 188 |
Swe |
26 842 |
24 255 |
27 646 |
20 176 |
21 114 |
Lors des
différentes rencontres qu'ont eues des membres de la mission
d'information qui se sont rendus en février 1998 en Espagne,
certaines organisations professionnelles et syndicales ont reconnu la
réalité du problème que soulèvent ces questions
d'emploi et de protection sociale agricole. Ainsi, malgré l'absence de
véritable salaire minimum au niveau national, la
délégation a pu constater que le niveau minimum de salaire
mensuel se situait aux alentours de 2.500 francs. En outre, certains
dirigeants syndicaux ont indiqué qu'en Andalousie, les employés
recevaient en moyenne 6.500 pesetas
45(
*
)
par jour pour 8 heures de
travail, charges salariales incluses. De l'aveu même de dirigeants
agricoles, la main-d'oeuvre saisonnière est constituée, d'une
part, de personnes qui, en fonction des récoltes, migrent d'une
région à une autre et dont les niveaux de salaires restent
très en deçà des minima. D'autre part, le recours à
la main-d'oeuvre immigrée s'avère systématique dans
certaines zones de production.
Cette réalité, que plusieurs intervenants ont
évoquée lors des entretiens avec la délégation
sénatoriale, a fait l'objet de nombreux commentaires d'articles dans la
presse espagnole. Ainsi, le journal " La Veridad " du
jeudi 5 février 1998 -journal régional de la
région de Murcie- dénonce en première page les conditions
d'acheminement de cette main-d'oeuvre immigrée -y compris clandestine-
sur les lieux de récolte. Sur un salaire de 7.000 pesetas par jour,
le journal indique qu'environ 500 pesetas sont payées par cette
main-d'oeuvre pour être transportée sur les zones de production.
Ces distorsions de concurrence en matière de
rémunérations et de charges sociales entretiennent pour certaines
productions une tension permanente sur le marché
communautaire. Un
minimum d'harmonisation en la matière est d'autant plus
nécessaire que souvent, les Etats qui ont " un avantage
comparatif " (Espagne, Portugal...), se trouvent concurrencés sur
le marché mondial parce qu'ils trouvent, en face d'eux, des pays dont
les niveaux de rémunérations et de charges sociales sont encore
plus faibles comme certains Etats du Maghreb ou du Moyen-Orient.
Afin d'éviter cette spirale qui tend à favoriser le
" moins disant ", au détriment de nos producteurs, la mission
d'information, tout en reconnaissant l'utilité d'une certaine
flexibilité, propose d'accélérer l'harmonisation de la
législation sociale au niveau Européen.