b) La réforme de 1992
Les
principes
C'est dans ce contexte que la Commission a fait part, dès
février 1991, de sa volonté de changer plus
profondément le mode de fonctionnement de la PAC. Le
21 mai 1992, le Conseil des ministres Européen parvenait
à un accord, concrétisé le 30 juin 1992 par
l'adoption formelle des premiers règlements communautaires
entérinant la réforme.
Les trois principales innovations proposées par le Commissaire Mac
Sharry, puis adoptées par le Conseil, étaient les suivantes :
-
une baisse importante des prix des produits agricoles
afin de les
rendre plus compétitifs sur les marchés intérieurs et
extérieurs ;
-
une compensation intégrale et durable
des effets de cette
baisse par des montants compensatoires ou des primes non liées aux
quantités produites ;
-
une maîtrise de la production
par le recours à des
mesures limitant l'utilisation des moyens de production (gel des terres
arables, charge des animaux à l'hectare de surface fourragère...)
à côté du maintien de réglementations plus
drastiques, telles que les quotas.
Les nouvelles orientations de la PAC ont introduit un changement important dans
les modalités du soutien Européen au secteur agricole,
qui
n'est plus assuré essentiellement par une politique des prix, mais
repose aussi sur des aides directes aux producteurs
(compensations,
primes...).
Parallèlement, des
mesures d'accompagnement
,
décidées par le Conseil, visent à mieux protéger
l'environnement, à favoriser la cessation d'activité de certaines
catégories d'agriculteurs âgés et à
développer l'utilisation des terres agricoles pour la forêt ou les
loisirs.
Les outils utilisés
Ces principes d'action ont été concrètement
déclinés par secteurs de production.
Dans le secteur des grandes cultures
:
Un
gel des terres
conditionne l'accès aux paiements
compensatoires des baisses de prix. Les producteurs de céréales,
d'oléagineux, de protéagineux (et, à la suite de la
décision du Conseil de mai 1993, de graines de lin) ne
bénéficient des paiements compensatoires qu'à condition de
retirer de la culture une partie de leurs terres, fixée à
15 % à partir de 1993/94. Cette condition ne s'applique pas aux
petits producteurs, pour lesquels est prévu un régime
simplifié. Les paiements compensatoires sont effectués à
l'hectare et régionalisés en fonction des rendements
constatés au cours de la période 1986/87-1990/91.
Il reste toutefois possible de cultiver les hectares retirés, à
condition qu'il s'agisse d'une production à usage non alimentaire, (par
exemple pour les bio-carburants).
La politique des prix
est modifiée : une baisse
significative des prix d'intervention, étalée sur trois ans,
est décidée, corrélativement à la suppression des
prélèvements de " coresponsabilité ",
destinés à faire participer les producteurs au coût de
l'écoulement des excédents.
- Pour les céréales
,
la baisse
décidée des prix d'intervention a été la
suivante
:
LA
BAISSE DU PRIX DES CÉRÉALES DÉCIDÉE EN 1992
Source : Commission, DGVI graph1
Le paiement compensatoire à cette baisse des prix varie suivant le
rendement régional historique et un montant de base (de 25,35 puis
45 écus par tonne sur les trois années de transition).
-
Les graines oléagineuses
ne
bénéficient plus de prix garantis mais uniquement d'une aide
à l'hectare, fixée au niveau communautaire, puis
régionalisée en tenant compte des rendements historiques moyens.
S'agissant de la mise en oeuvre de la réforme à partir de
1993/94, le Conseil a décidé d'une aide de
359 écus/hectare, payée en deux parties, l'une en
début de campagne, l'autre à la fin, cette aide étant
ajustable selon l'évolution des prix constatée sur le
marché mondial.
Si la moyenne des prix mondiaux relevés pour les trois principales
graines oléagineuses (colza, tournesol, soja) variait de plus ou moins
8 % autour du prix de référence prévisionnel
(163 écus/tonne), aucun ajustement ne serait effectué. En
revanche, si les hausses ou les baisses de prix dépassaient ce
pourcentage, il y aurait diminution ou augmentation de la compensation
accordée à l'hectare.
-
En ce qui concerne les protéagineux
,
le
régime qui leur était antérieurement applicable est
remplacé par une aide compensatoire, à l'hectare cultivé,
égale au rendement régional, en tonnes par hectare,
multiplié par 65 écus.
Le régime des graines de lin était également
modifié, tout comme celui des fourrages séchés et du tabac.
Dans les productions animales
-
Pour le lait
, le régime des quotas, introduit en
1984, constitue toujours " la pièce principale " de la
politique laitière Européenne après 1992. Ceux-ci devaient
baisser de 2 %, de façon échelonnée, sur les
campagnes 1993/94 et 1994/95.
Cependant, dans le cadre du compromis pour " le paquet prix "
1993/94, ils ont été augmentés de 0,6 %, à
l'exception de l'Espagne, de la Grèce et de l'Italie où ils ont
été augmentés selon les conclusions d'un rapport sur
l'application effective du régime des quotas laitiers dans ces Etats
membres.
Le prix d'intervention du beurre était baissé de 5 %, sur
deux campagnes.
-
Pour la viande bovine
, la réforme a touché
à la fois le prix de la viande et le régime des primes et des
interventions. Elle a, en outre, tendu à encourager à
l'extensification des élevages.
Extensification
: pour l'octroi des primes, une nouvelle norme de
charge maximale de bétail à l'hectare de surface
fourragère a été imposée rapidement : elle est
passée de 3,5 unités de gros bétail (UGB) par hectare
fourrager en 1993 à 2 UGB en 1996.
Baisse des prix
: la baisse du prix d'intervention de la viande de
boeuf, échelonnée sur trois ans, a atteint 15 %, comme
détaillé ci-dessous :
BAISSE
DU PRIX D'INTERVENTION DE LA VIANDE BOVINE
Source : Commission, DG VI
graph1
Primes octroyées :
la prime aux bovins mâles, qui
était déjà instituée (pour maximum 90 animaux
par producteur), a été maintenue et augmentée à 60
et 75 écus respectivement pour 1993 et 1994, et à
90 écus à partir de 1995, payables au maximum deux fois dans
la vie de l'animal, lorsqu'il atteint l'âge de dix mois et lorsqu'il
atteint vingt-deux mois d'âge.
La prime à la vache allaitante a été également
maintenue, mais dorénavant limitée, pour chaque producteur, au
nombre de primes payées au titre de 1990, 1991 ou 1992. Son montant
était fixé à 70 et 95 écus par vache pour
respectivement 1993 et 1994 et à 120 écus à partir de
1995.
Afin de favoriser la production extensive, ces deux primes ont
été augmentées de 30 écus par tête dans
les exploitations où le taux de charge à l'hectare de fourrage
est inférieur à 1,4 UGB.
Enfin, les Etats membres, en fonction de leurs structures de production,
pouvaient instituer soit une prime à la transformation des veaux, soit
un régime d'intervention pour les animaux légers.
Il s'agissait, par ces moyens, de freiner une production de viande de boeuf
excédentaire lors des années précédentes, en
octroyant 100 écus par jeune veau mâle de race
laitière abattu avant l'âge de 10 jours ou, seconde
possibilité autorisée, en pratiquant, suivant des
modalités à déterminer et pendant une période
transitoire de trois ans, l'intervention sur des animaux présentant un
poids de carcasse compris entre 150 et 200 kg.
Régime d'intervention :
le régime des interventions sur
le marché de la viande bovine a également été
modifié, avec :
- la fixation de plafonds d'achat à l'intervention (de
750.000 tonnes en 1993 à 350.000 en 1997) ;
- la mise en place d'un filet de sécurité (en cas de prix de
marché inférieur à 60 % du prix d'intervention) ;
- la limitation de l'intervention aux bonnes qualités
bouchères.
-
Pour la viande ovine
, le système de primes en
vigueur a été maintenu mais, au-delà de plafonds par
producteur, seulement 50 % du montant unitaire des primes est
octroyé.
Les autres productions animales (volailles, porc, oeufs...) n'ont pas subi de
modification.
Les mesures d'accompagnement
Elles ont concerné l'environnement, ainsi que l'aide à la
restructuration des exploitations.
Le régime de préretraites
Les Etats membres peuvent accorder aux exploitants et travailleurs agricoles
âgés d'au moins 55 ans une aide à la
préretraite, sous forme de primes de départ, ou
d'indemnité annuelle non liée à la superficie, de prime
annuelle par hectare ou de complément de retraite, lorsque le montant de
celle-ci est trop faible pour inciter à la cessation d'activité.
Les dépenses liées à la mise en place des régimes
de préretraite sont financées à 50 % par le budget
communautaire, pourcentage porté à 75 % pour les zones
éligibles à l'objectif 1 (régions en retard de
développement).
L'aide au boisement
Pour les Etats membres qui mettent en place des programmes d'aide au boisement,
le financement communautaire atteignait les mêmes proportions que
ci-dessus.
Les mesures agri-environnementales
Dans une optique de meilleure protection de l'environnement, les Etats membres
ont pu mettre en place en faveur des exploitations agricoles des régimes
ouverts à la souscription pour 5 ans. Les exploitants
reçoivent, en contrepartie, des primes annuelles, financées par
la Communauté, dans les mêmes proportions que celles
évoquées ci-dessus.
Ces aides sont destinées à compenser les actions tendant à
un meilleur respect de l'environnement, telle que la protection des eaux,
l'extensification des cultures, mais aussi les mesures d'amélioration de
la gestion des terres pour l'accès du public et les loisirs.
Force est de constater, cinq ans après sa mise en oeuvre, que la
réforme de 1992 a permis de remédier à certains des
dysfonctionnements de l'ancienne PAC.