2. Une affaire " mal engagée " en Europe
Les
circonstances n'ont pas été très favorables aux
biotechnologies, qui ont occupé subitement le devant de
l'actualité, à l'automne 1996, lorsque les importations de
cultures transgéniques américaines furent bloquées dans
les ports européens.
A cette date, l'opinion et les institutions européennes étaient
encore secouées par la traumatisme de l'encéphalopathie
spongiforme bovine. Surtout, le consommateur n'avait pas été
suffisamment informé de l'existence de cette technologie, qu'il a
découverte brutalement, alors que son avènement était
prévisible depuis une décennie environ. Sans doute industriels
comme décideurs portent-ils une part de responsabilité dans cette
situation.
Enfin, la maladresse du discours tenu par certains industriels et le choix peu
pertinent des premiers produits transgéniques commercialisés
n'ont sans doute pas arrangé les choses : sans s'appesantir
à nouveau sur la présence malheureuse de gènes marqueurs
de résistance aux antibiotiques, soulignons que les produits
autorisés ne comportent pas de bénéfice direct pour le
consommateur et que, développés par des firmes agro-chimistes
étrangères -et, intervenant surtout dans l'alimentation animale-,
ils ont été ressentis comme un pas de plus en direction d'un
productivisme à tous crins, incriminé par l'inconscient collectif
comme le principal responsable des accidents sanitaires.
Mais l'appréciation de l'opinion est, bien sûr, plus
nuancée que le tableau schématique qui vient d'en être
fait.
3. Une opinion publique européenne divisée
Décrypter l'état de l'opinion publique
européenne vis-à-vis des OGM est un exercice périlleux,
source de vives controverses, tellement complexes sont les réactions des
Européens.
Une appréciation globale des biotechnologies par l'opinion publique
dans les quinze pays de l'Union européenne
La Commission européenne a financé une enquête d'opinion
sur ce thème,
l'étude " Eurobaromètre "
,
qui s'est déroulée en octobre et novembre 1996, auprès de
16.000 personnes, soit plus de 1.000 par pays.
La Commission commentait ainsi les résultats de cette enquête :
" LES EUROPÉENS ET LA BIOTECHNOLOGIE : UNE RELATION COMPLEXE "
" Un Européen sur deux estime que la
biotechnologie
améliorera notre mode de vie dans les vingt prochaines années.
Plus de 80 % des Européens estiment que la biotechnologie est utile
pour améliorer la détection de maladies
héréditaires et la production de médicaments. Mais trois
Européens sur dix seulement seraient prêts à acheter des
fruits génétiquement modifiés s'ils avaient meilleur
goût.
[...]
D'une façon générale, l'opinion publique européenne
considère les développements de la biotechnologie comme
relativement importants :
sur une échelle allant de 1
(" pas du tout important ") à 10 (" extrêmement
important "), la moyenne s'établit, pour l'échantillon de
personnes interrogées, à 6,45. Ce score est le plus
élevé en Suède, aux Pays-Bas et en Grèce.
[...]
Dans tous les Etats membres,
les deux applications jugées les plus
utiles
sont l'exploitation de la biotechnologie moderne pour la production
de médicaments et pour le développement de tests
génétiques en vue de détecter certaines maladies. A
l'inverse, les deux développements jugés en moyenne les moins
utiles sont l'application de la biotechnologie moderne dans la production
d'aliments et l'introduction de gènes humains dans des animaux pour
produire des organes en vue de leur transplantation à l'homme.
[...]
Moins d'un Européen sur quatre estime que la
réglementation
actuelle
est suffisante pour protéger les gens de tout risque
lié à la biotechnologie moderne.
C'est aux partis politiques, à l'industrie et aux organisations
religieuses que les Européens font le moins confiance pour " leur
dire la vérité en ce qui concerne la biotechnologie
moderne ".
Source : Communiqué de presse de la DG XII
Les résultats de cette enquête ont fait l'objet d'une
interprétation
79(
*
)
,
publiée dans la revue " Nature " en juin 1997. Cette
analyse (controversée) aboutit au classement suivant des opinions
publiques des différents pays :
CLASSEMENT GLOBAL DES OPINIONS PUBLIQUES DES ETATS EUROPÉENS
Opposition forte |
Opposition |
Opinion partagée |
Soutien |
Soutien fort |
Autriche
|
Luxembourg
|
France
|
Finlande
|
Espagne
|
Source : D'après l'analyse coordonnée par
M. Bauer, J. Durant et G. Gaskell, Nature, 1997, citée dans la
revue " Biofutur ", nov. 97.
Le degré d'adhésion aux biotechnologies dépend cependant
des applications considérées. Ainsi, parmi les quinze Etats
membres, la même analyse établissait-elle le classement
suivant :
CLASSEMENT DES OPINIONS PUBLIQUES DES ETATS EUROPÉENS PAR SECTEUR
|
Réticence |
Soutien mitigé |
Soutien décidé |
Secteur médical |
Aucun Etat |
2 Etats |
13 Etats |
Secteur agricole et agro-alimentaire |
5 Etats |
6 Etats |
4 Etats |
Animaux transgéniques |
11 Etats |
1 Etat |
3 Etats |
Source : Ibid
En France
Une enquête d'opinion
80(
*
)
réalisée en mai 1997 auprès d'un échantillon
représentatif de 1.004 personnes, à la demande des
professionnels du maïs
81(
*
)
,
a donné les indications suivantes sur l'état de l'opinion :
- une connaissance limitée du sujet :
. Les biotechnologies : 41 % n'en ont pas entendu parler, 63 % ne
savent pas ce dont il s'agit et 52 % ne savent pas comment les juger.
. Les OGM : 93 % n'en ont jamais entendu parler.
. Les plantes génétiquement modifiées sont mieux
identifiées que les OGM : 22 % déclarent ne pas en
avoir entendu parler, mais 44 % des sondés savent qu'en
introduisant un gène dans la plante, on obtient des plantes
génétiquement modifiées avec de nouvelles qualités.
- des craintes et une contradiction :
. 54 % des sondés pensent que les biotechnologies présentent
des risques (39 % quelques risques et 15 % beaucoup de risques).
. Mais 56 % estiment qu'elles sont importantes pour l'avenir (38 %
assez importantes, 18 % très importantes).
Un autre sondage
82(
*
)
,
réalisé les 27 et 28 février dernier, indiquait,
quant à lui, que :
. 27 % des personnes interrogées se déclarent
prêtes à consommer des aliments génétiquement
modifiés ; 2 % ne se prononcent pas et 71 % ne sont pas
prêts à en acheter pour leur consommation personnelle ;
. 60 % pensent que la consommation d'aliments transgéniques est
dangereuse pour la santé, 25 % ne le croient pas, 15 % ne se
prononcent pas.