Transgéniques : pour des choix responsables
BIZET (Jean)
RAPPORT D'INFORMATION 440 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES
Table des matières
- RÉSUMÉ DU RAPPORT
- AVANT-PROPOS
-
PREMIÈRE PARTIE -
LE GÉNIE GÉNÉTIQUE, UNE RÉVOLUTION AUX MULTIPLES APPLICATIONS- I. LE GÉNIE GÉNÉTIQUE, UNE " RÉVOLUTION " SCIENTIFIQUE RÉCENTE
-
II. DE NOMBREUSES APPLICATIONS EN PERSPECTIVE
- A. UN TRÈS LARGE ÉVENTAIL D'APPLICATIONS POSSIBLES
-
B. UNE ACTUALITÉ CENTRÉE POUR L'INSTANT SURTOUT SUR LA PROTECTION
DES CULTURES
- 1. Un panorama des cultures transgéniques de par le monde
-
2. La situation française
- a) Les dossiers examinés par la Commission du génie biomoléculaire4141 Il s'agit du stade préliminaire d'examen des dossiers et non des plantes déjà autorisées. Rappelons que seulement 3 variétés d'une plante (maïs résistant à la pyrale) sont actuellement autorisées à la culture en France, voir b) ci-après.
- b) L'inscription au catalogue officiel de trois variétés de maïs génétiquement modifiées le 5 février 1998
- III. LES RISQUES QUI POURRAIENT DÉCOULER DU DÉVELOPPEMENT DE CES TECHNIQUES
-
DEUXIÈME PARTIE -
DES ENJEUX CONSIDÉRABLES -
TROISIÈME PARTIE -
L'EUROPE ENLISÉE ?- A. UNE LÉGISLATION COMMUNAUTAIRE QUI SE CHERCHE
- B. CAUSES ET MÉCANISMES D'UNE CRISE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE
- C. UNE ATTITUDE QUI CONTRASTE AVEC CELLE D'AUTRES RÉGIONS DU MONDE
-
QUATRIÈME PARTIE -
POUR DES CHOIX RESPONSABLES- I. SE DONNER LES MOYENS DE LA CONFIANCE
- II. RESPECTER LE CHOIX DU CONSOMMATEUR
-
III. METTRE EN PLACE UN PLAN FRANÇAIS DE DÉVELOPPEMENT DES
BIOTECHNOLOGIES
- A. MAÎTRISER LES OUTILS DE LA RÉUSSITE : POUR UN RÉSEAU NATIONAL DE RECHERCHE EN GÉNOMIQUE VÉGÉTALE
- B. AMÉLIORER L'ÉQUITÉ DES CONDITIONS DE LA CONCURRENCE : POUR UNE RÉFLEXION SUR LA BREVETABILITÉ EN EUROPE
- C. STIMULER L'INNOVATION : POUR UN APPEL À PROPOSITIONS POUR LES BIOTECHNOLOGIES
- D. METTRE EN PLACE LES CONDITIONS DE LA CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES POUR UNE MEILLEURE VALORISATION DE LA RECHERCHE FRANÇAISE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
-
ANNEXE N° 1 -
GLOSSAIRE -
ANNEXE N° 2 -
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES EN FRANCE
PAR LE RAPPORTEUR -
ANNEXE N° 3 -
PROGRAMME DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR -
ANNEXE N° 4 -
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE -
ANNEXE N° 5 -
LISTE DES PRODUITS AUTORISÉS OU EN COURS D'EXAMEN DANS LA COMMUNAUTÉ -
ANNEXE N° 6 -
DÉCLARATIONS ÉTHIQUES DE L'UNESCO ET DU CONSEIL DE L'EUROPE
-
ANNEXE N° 7 -
LOI DU 13 JUILLET 1992
N°
440
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mai 1998
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur les organismes génétiquement modifiés ,
Par M.
Jean BIZET,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean François-Poncet,
président
; Philippe François, Henri Revol, Jean Huchon,
Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti,
vice-présidents
; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul
Émin, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis Althapé,
Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Michel
Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques
Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre
Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard
Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel
Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut
,
Jean-Paul
Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia, François
Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges
Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi
Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond Lauret,
Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber
Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni,
Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard
Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul
Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger
Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan,
Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.
Recherche
. Agriculture - Biotechnologie.
RÉSUMÉ DU RAPPORT
I -
LE CONSTAT
Les découvertes scientifiques de ces 25 dernières
années ont rendu possible
l'utilisation du matériel
génétique
. Les gènes sont des unités
d'information, contenues dans le noyau des cellules. Or, le langage
génétique est " universel " : il est le même
pour tous les êtres vivants. En conséquence, il est devenu
possible de transférer un gène -et donc un caractère- d'un
être vivant à un autre.
Cette technologie, ou " génie génétique ",
s'inscrit dans la continuité de la sélection des
variétés agricoles, permettant l'amélioration des
qualités génétiques d'une plante ou d'un animal par
croisements, depuis des siècles. Toutefois,
deux
spécificités apparaissent
: la
" transgénèse " est plus précise que les
croisements classiques puisque seul le caractère génétique
désiré est transmis ; elle permet aussi le transfert,
jusqu'alors impossible, de gènes entre des espèces
différentes.
Les applications potentielles de cette technique sont très
nombreuses :
Pour l'agriculture
, des plantes au génome modifié
ont été mises au point, qui présentent des qualités
agronomiques inédites (résistance aux insectes ravageurs,
tolérance aux herbicides facilitant la culture, résistance aux
maladies, aux conditions climatiques extrêmes, ...).
Pour l'agro-alimentaire
, des aliments issus d'organismes
génétiquement modifiés peuvent présenter de
nouvelles propriétés en matière de composition
nutritionnelle, de conservation (fruits et légumes à maturation
retardée...), ou de saveur (teneur en sucre et en arômes) ;
Pour la santé,
il devient possible de faire produire
à moindre coût des molécules pharmaceutiques par des
plantes génétiquement modifiées qui deviennent de
véritables " usines cellulaires ". Les thérapies
géniques offrent quant à elles de nombreux espoirs pour
l'avenir ;
Pour l'industrie
, il est possible d'adapter les matières
premières végétales aux besoins de l'industrie et
d'alléger certains traitements industriels, physiques ou chimiques
(exemple : l'industrie papetière, l'amidonnerie, l'industrie des
corps gras, des cosmétiques...) ;
Dans l'immédiat, sont commercialisées
des plantes
génétiquement modifiées
, dont la culture se
développe rapidement dans certains pays. Près de 13 millions
d'hectares ont ainsi été cultivés en 1997, pour
près des deux-tiers aux Etats-Unis, mais aussi en Chine, en
Amérique du Sud et au Canada. Le soja est la première culture
transgénique en surface, suivie du maïs, même si
48 plantes transgéniques sont autorisées dans au moins un
pays du monde. La tolérance aux herbicides est le caractère
principalement conféré, suivi de la résistance aux
insectes. En France, si la consommation est autorisée depuis
février 1997, la première autorisation de culture de plante
transgénique a été délivrée en
février 1998.
Avec toute nouvelle technique, la prudence s'impose.
L'éventail
des risques
potentiellement liés
au développement de
la transgénèse, que présente le rapport, amène
à les classer en deux catégories :
Le risque pour l'environnement
: il tient à
l'éventualité d'une transmission, non désirée, du
" transgène " à d'autres espèces, en cas de
culture à grande échelle, ainsi qu'à l'apparition
d'éventuelles conséquences non souhaitées sur les insectes
ou la rhizosphère, partie du sol située dans l'environnement
immédiat des racines. Ce risque tient aussi à la
possibilité d'une accélération de l'appauvrissement actuel
de la biodiversité génétique,
Le risque alimentaire
: il est indispensable de s'assurer que
la consommation d'organismes génétiquement modifiés, ou
d'aliments qui en sont issus ne présente pas de risque toxicologique (en
cas de production de substances toxiques) ou allergène (en cas notamment
de transmission d'un gène provenant d'un aliment lui-même
allergène). Le rapport aborde également la question de la
présence de gènes " marqueurs " de résistance
aux antibiotiques dans les variétés commercialisées.
Pour évaluer ces risques, des
commissions scientifiques
ont
été mises en place, en France dès les
années 1980, chargées de formuler des avis au cours des
procédures d'instruction des demandes d'autorisations préalables,
requises tant par la loi française que par les directives
européennes, qu'il s'agisse d'activités de recherche ou de
commercialisation. Les instances qui sont chargées de cette
évaluation sont, en France, la commission du génie
biomoléculaire (CGB) et la commission du génie
génétique (CGG). Le Conseil supérieur d'hygiène
publique de France (CSHPF) et le comité technique permanent de la
sélection végétale (CTPS) peuvent également
intervenir. Les demandes d'autorisations font l'objet d'un deuxième
examen au niveau communautaire, par des comités d'évaluation
scientifique spécialisés.
L'avènement de cette technique
est lourde de remises en
cause, de mutations et d'enjeux
:
Pour l'économie
: il s'agit des distorsions de concurrence
en matière agricole entre producteurs autorisés ou non à
adopter ces techniques, mais aussi des changements, importants, en termes de
statut et de fonction de l'agriculture dans la société. Les
techniques génétiques
sont à l'origine, dans les
pays qui les ont adoptées, de la naissance d'un
nouveau secteur
industriel
, en croissance rapide ;
Pour l'avenir de l'alimentation à l'échelle
mondiale :
les projections démographiques pour le
demi-siècle à venir montrent le besoin d'une nouvelle
"
révolution verte
" pour nourrir la planète
d'ici 50 ans, à laquelle cette technologie pourrait contribuer,
même si la question de son transfert aux pays du Sud doit être
résolue ;
Pour la conception européenne de l'éthique
:
les techniques génétiques
modifient la relation au vivant
.
Elles posent donc de nombreuses questions éthiques. Toute dérive
contraire à la dignité humaine doit être absolument
écartée : l'Europe doit affirmer sa fermeté contre
tout " meilleur des mondes ". Les démarches de l'UNESCO ou du
Conseil de l'Europe contre le clonage humain vont dans ce sens. Pour les autres
applications génétiques, concernant les végétaux ou
les animaux,
le primat d'une éthique de la responsabilité doit
permettre à l'activité humaine de s'inscrire en faux contre la
" science sans conscience ".
L'analyse comparative des attitudes des différents pays du
monde
met en évidence une géopolitique
contrastée :
-
l'Amérique du Nord
dispose d'une
avance importante
,
puisqu'aux Etats-Unis et au Canada sont cultivés près des 3/4 des
surfaces transgéniques actuelles. Ce secteur y est perçu comme un
enjeu économique aussi important que les technologies de
l'information . Il fait l'objet d'une mobilisation des pouvoirs publics et
d'une bonne acceptation de la part de l'opinion ;
- la sphère pacifique s'engage dans cette voie : après
la Chine, c'est au tour du Japon et de l'Australie ;
- les pays émergents d'Amérique du Sud s'investissent
également dans ce secteur ;
-
l'attitude européenne
, plus réservée,
contraste avec la donne mondiale, même si des différences
d'appréciation s'y font jour, des refus autrichien et luxembourgeois
à la mobilisation, dans un sens plus volontariste, des pouvoirs publics
allemands.
En France, comme ailleurs en Europe, l'opinion publique est
inquiète
et partagée. Pour des raisons culturelles et
conjoncturelles, cette technologie ne suscite pas beaucoup de sympathie. Des
décisions contradictoires intervenues ces dernières
années, la maladresse des premières applications concrètes
et une certaine impuissance réglementaire, en matière
d'étiquetage des aliments issus d'OGM, n'ont pas contribué
à apaiser un débat parfois vif. Cette situation n'est pas
satisfaisante : alors que la commercialisation et la culture sont
déjà autorisées, pour certaines espèces,
le
citoyen n'a pas
, à juste titre,
le sentiment de pouvoir exercer
librement son choix
.
II - PRINCIPALES PROPOSITIONS
Se donner les moyens de la confiance
Consolider les instances d'évaluation scientifique
:
malgré la qualité incontestée de leur travail, les moyens
de ces instances ne sont pas à la hauteur de l'ampleur de leur
tâche.
La commission du génie biomoléculaire doit
être reconstituée au plus vite afin de permettre le bon
fonctionnement de cette institution. Les moyens humains de son
secrétariat doivent être étoffés afin de lui
permettre de remplir de nouvelles missions (transparence, biovigilance...).
Satisfaire au devoir de transparence
:
l'information
n'est pas qu'un désir -légitime- des citoyens. C'est aussi un
devoir essentiel des responsables publics
. La loi de 1992 a prévu
une obligation d'information du citoyen, dont les modalités de mise en
oeuvre doivent aujourd'hui être renforcées.
Les réunions des
commissions d'évaluation scientifique
françaises
, où figurent des représentants des
consommateurs et des associations de protection de l'environnement, doivent
faire l'objet de
comptes-rendus systématiques mis à la
disposition du public
; les avis rendus doivent inclure les opinions
dissidentes ou les réserves éventuellement
exprimées ; l'ensemble de ces informations doit être
immédiatement mis à la disposition du public, notamment au moyen
des sites Internet des ministères de l'agriculture, de la santé,
de la recherche et de l'environnement, dans un premier temps, avant la mise en
place de serveurs propres à ces commissions, où des forums de
discussion seraient ouverts. L'organisation de débats,
déclinés au plan régional, est également
préconisée.
Mener à son terme la logique de la vigilance : une loi
doit intervenir
pour donner une base juridique à la mise en place
d'un suivi environnemental systématique des cultures
transgéniques
par les agents de l'administration. Ce texte
doit :
- accroître les
pouvoirs de police
des agents de la
protection des végétaux ;
- systématiser la
collecte et le suivi des
informations
;
- mettre en place un
système, préventif, de retrait du
marché
.
Cette responsabilité est du ressort de l'Etat, qui doit l'assumer en
termes de moyens humains et financiers.
Respecter le consommateur
Mettre en oeuvre rapidement l'étiquetage des aliments
issus de
cette technologie. Le rapport détaille les développements actuels
d'un débat français et européen pour le moins confus. Il
rappelle la position officielle des pouvoirs publics français sur ce
sujet et souhaite
la mise en oeuvre effective d'une signalisation
,
pourtant déjà obligatoire, souhaitée par le consommateur
mais
qui, faute d'instructions précises, n'a pu jusqu'à
présent entrer dans les faits que sur la base du volontariat
de la
part des marques concernées. Seul l'étiquetage permettra
l'indispensable exercice du libre arbitre en matière alimentaire.
Constituer des filières de production " sans génie
génétique ".
Afin de laisser au consommateur le choix de
ne pas consommer, notamment pour des raisons d'éthique, d'aliments issus
de la transgénèse, les pouvoirs publics doivent
inciter
à la constitution de filières spécifiques de production et
de distribution " sans génie génétique ",
avec des produits clairement identifiés, autour des principes de
traçabilité et de certification. Cette démarche ne remet
pas en cause la sécurité des aliments issus de
transgénèse autorisés, aux termes des procédures
d'évaluation scientifiques. Elle répond seulement à la
volonté de satisfaire toutes les sensibilités qui s'expriment
dans notre société, et qui doivent être respectées.
Mieux valoriser la recherche française et européenne en
biotechnologie
Seule la mise en place du cadre plus transparent et plus respectueux des
citoyens et de l'environnement préconisé ci-dessus, permettra
à notre pays de faire valoir,
en toute responsabilité
, et
dans le respect des choix de chacun, ses propres atouts en la matière.
Pour que la France puisse valoriser l'excellence de sa recherche en sciences du
vivant, il convient de :
Doter les entreprises européennes
des conditions d'une
concurrence loyale en matière de
brevetabilité des
découvertes en biotechnologies
;
Mettre en place un réseau national de recherche en
génomique végétale,
fédérant les
ressources françaises publiques et privées en matière de
génétique végétale, pour éviter une trop
forte dépendance scientifique -et économique- vis-à-vis
d'opérateurs étrangers ;
Stimuler l'innovation
: ce rapport s'inspire des exemples
allemands et canadiens pour préconiser une incitation des pouvoirs
publics à la constitution des
pôles d'excellence
régionaux en biotechnologie
, par le lancement d'un concours, ou
" appel à propositions " ;
Lever les freins à la création d'entreprises innovantes
en France :
sur un plan
plus général,
au-delà du seul secteur des biotechnologies, le rapport dresse le
constat des obstacles juridiques et financiers à la création
d'entreprises de haute technologie en France. Il formule des propositions
(statut du chercheur, fond d'amorçage...) pour contribuer au
déblocage de cette situation.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
A un mois du débat public -ou conférence de consensus- sur
l'utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM)
en agriculture et dans l'alimentation, qui se tiendra les 20 et 21 juin
prochains, la France est à l'heure des choix. A ce moment
décisif, la Commission des Affaires économiques du Sénat
tient, sur ce sujet majeur, à apporter sa contribution au débat
public. Tel est l'objet de ce rapport d'information.
Les applications agro-alimentaires du génie génétique,
science récente -elle a moins de 25 ans-, qui repose sur
l'identification et la recombinaison des gènes, sont apparues sur le
marché dans les années 1990, sous la forme des premières
plantes transgéniques. En 1992, une loi
1(
*
)
, dite " loi OGM " a d'ailleurs
été adoptée en France pour réglementer les
utilisations et disséminations de ces organismes. Elle
définissait ainsi un organisme génétiquement
modifié : "
organisme dont le matériel
génétique a été modifié autrement que par
multiplication ou recombinaison naturelle ".
Les perspectives d'application, innombrables, de cette technologie, dans les
domaines agricole, alimentaire, mais aussi industriel, pharmaceutique et
médical, et son rythme très rapide d'adoption, parfois massive,
par certains Etats, en Amérique du Nord mais aussi en Asie et en
Amérique du Sud, laissent présager qu'une vraie révolution
est en marche.
A cette " révolution génétique ",
l'Europe a
répondu par des craintes et des hésitations.
Craintes d'une
avancée trop rapide de la science, qui laisserait de côté
l'éthique et la prudence, qu'il s'agisse d'éventuelles
conséquences sur l'environnement ou sur la santé humaine ;
hésitations des opinions et des gouvernants, durablement
traumatisés par l'actualité récente et devenus pour le
moins méfiants en matière alimentaire.
Ces doutes se sont, à force d'incompréhensions mutuelles, bien
souvent transformés en oppositions. En six mois de travail, en plus
de 90 heures d'entretiens les plus divers avec plus de 130
personnes
2(
*
)
, au Sénat mais aussi en
province et à l'étranger
3(
*
)
, votre
rapporteur a pu mesurer la force des passions, l'étendue des
incompréhensions, la violence des oppositions, l'ampleur des
incertitudes des uns et des autres sur ce sujet. Focalisé autour de
l'étiquetage des produits alimentaires issus d'OGM, ou de la mise en
place de filières exemptes d'OGM, ou encore de la culture en plein champ
de variétés transgéniques, le débat est parfois
vif. Alimentée par les indécisions, voire les contradictions des
décideurs publics, la polémique s'est avivée.
A tel
point que l'Europe apparaît aujourd'hui enlisée dans un imbroglio
juridico-scientifico-affectif dont elle tarde à se dégager.
Pourtant, les enjeux soulevés par la révolution
génétique sont de taille : enjeu éthique, enjeu
économique, les biotechnologies modernes posent aussi la question du
statut, du rôle et de la compétitivité de l'agriculture
européenne. Sur un plan plus global, elles ne peuvent être
dissociées de la problématique du développement durable.
Consciente de ces enjeux, la Commission des Affaires économiques a
souhaité éclairer le débat public à venir, par ce
rapport qui exposera tout d'abord les tenants et aboutissants de cette nouvelle
technologie, ses applications envisageables dans différents secteurs et
les risques potentiels liés à son développement, avant de
mettre en avant les enjeux sociaux, économiques, culturels, liés
à son avènement. Une analyse comparative des positions des
différentes puissances économiques mondiales mettra ensuite en
lumière la spécificité européenne. Enfin, ce
rapport formulera des propositions visant à promouvoir, pour notre pays,
des choix responsables.
PREMIÈRE PARTIE -
LE GÉNIE
GÉNÉTIQUE, UNE RÉVOLUTION AUX MULTIPLES
APPLICATIONS
L'avènement, ces dernières années, des techniques d'utilisation du matériel génétique a ouvert des perspectives jusque là insoupçonnées à de nombreux secteurs de l'activité humaine.
I. LE GÉNIE GÉNÉTIQUE, UNE " RÉVOLUTION " SCIENTIFIQUE RÉCENTE
L'objet
de ce rapport n'est pas d'entrer dans des développements scientifiques
trop poussés. Pour en savoir plus, le lecteur pourra se reporter
à la bibliographie fournie en annexe (annexe n° 4).
Il est toutefois essentiel de rendre accessible la compréhension des
techniques de base de cette science
. Ce chapitre s'efforce donc d'en faire
une présentation la plus simple mais aussi la plus précise
possible
. Pour les termes techniques, un glossaire est fourni à la
fin du rapport (annexe n° 1).
On rappellera donc ci-après, à grands traits, l'évolution
historique et les principes de la " révolution
génétique ".
A. L'AVÈNEMENT DU GÉNIE GÉNÉTIQUE
1. Une science jeune4( * )
La
découverte par Mendel en 1865 de la transmission des caractères
héréditaires
L'idée de la transmission de caractères
héréditaires, de génération en
génération, existe depuis des temps immémoriaux dans notre
civilisation. On estime d'ailleurs que, dès la préhistoire, une
forme de sélection des plantes et des animaux était
déjà pratiquée, de façon empirique.
Mais les mécanismes qui gouvernent l'hérédité n'ont
commencé à être découverts qu'en 1865, lorsque
le
moine botaniste Gregor Mendel fixa les bases de la génétique
,
en déduisant les lois de la transmission des caractères
héréditaires des résultats des croisements de deux
variétés de pois.
En dépit de leur caractère novateur, ces travaux n'eurent,
à l'époque, que peu de retentissement. Ils furent toutefois
redécouverts, à l'aube de notre siècle, par trois
botanistes : Hugo de Vries, Carl Erich Correns et Erick Tschermak von
Seysenegg, qui confirmèrent leur bien-fondé.
Ainsi allaient naître les techniques de sélection et
d'amélioration des variétés. La notion de gène,
support de l'information génétique, allait progressivement
apparaître.
La mise à jour des fondements moléculaires de la
génétique dans la deuxième moitié du XXe
siècle.
Peu à peu, les molécules contenant l'information
génétique ont été précisément
identifiées : il s'agit des acides nucléiques, -l'acide
désoxyribonucléique (ADN) et l'acide ribonucléique (ARN)-,
contenus par chaque cellule.
En 1944, les travaux d'une équipe de chercheurs ont notamment permis de
démontrer qu'un caractère particulier pouvait être
conféré à un micro-organisme par transfert d'ADN, montrant
ainsi le rôle essentiel de ce dernier.
La génétique est
dès lors devenue " moléculaire ",
c'est-à-dire que la notion de " gène " a
été précisée par la référence au
support moléculaire précis de l'information
génétique.
L'étape la plus connue des découvertes qui se
succédèrent ensuite à un rythme rapide est la
présentation, en 1953, par Watson et Crick, de la structure " en
double hélice " de l'acide désoxyribonucléique
.
Dans les années soixante, la correspondance entre l'information contenue
dans l'ADN et la nature des protéines, constitutives des organes et des
tissus et donc essentielles à la structure et à la vie de toute
cellule, était établie, de même que le rôle
" d'intermédiaire " entre l'ADN et ces protéines
joué par l'ARN messager, qui permet de décoder l'information
génétique contenue dans l'ADN et d'assurer son expression.
L'avènement des méthodes de " recombinaison "
A partir de 1975, furent mises au point les méthodes de
" recombinaison " d'ADN, sorte de chirurgie moléculaire
permettant d'obtenir puis de transférer d'une cellule à une autre
pratiquement n'importe quel gène. Il s'agissait là du
véritable acte de naissance du " génie
génétique ",
"
ensemble de pratiques et de
procédés permettant de (...) faire réaliser par un
être vivant tout ou partie du programme génétique d'un
autre être vivant
"
5(
*
)
.
Les principales étapes de cette rapide marche en avant sont
retracées dans l'encadré suivant :
DES LOIS DE MENDEL À LA PREMIÈRE TRANSGÉNÈSE VÉGÉTALE
1865 |
Gregor Mendel expose ses lois de l'hérédité lors d'un congrès de la société des sciences naturelles à Brunn en Autriche |
1900 |
Redécouverte des lois de Mendel, naissance de l'amélioration des plantes |
1950 |
Mise au point des premières techniques de culture in vitro, ouvrant la possibilité d'une multiplication en éprouvette |
1953 |
La structure en double hélice de l'ADN est élucidée par Watson et Crick |
1965 |
Découverte des enzymes de restriction, capables de découper précisément l'ADN et permettant d'établir une véritable cartographie des chromosomes |
1968 |
L'équipe de G. Morel à l'INRA, découvre la propriété de certaines bactéries du sol d'induire l'apparition de certaines caractéristiques à des espèces végétales |
1974 |
L'équipe de Jeff Schell et Marc Van Montagu en Belgique met à jour le rôle des plasmides dans ce processus |
|
Naissance du génie génétique avec la mise au point du clonage des gènes |
1977 |
L'équipe de Mary Dell Chilton, aux Etats-Unis, démontre que la transformation des cellules végétales résulte de l'intégration dans leur génome d'une partie du génome d'une bactérie. Mise au point d'une technique de transfert de gène d'une espèce à l'autre |
1983 |
Première transgénèse végétale, sur un plant de tabac. |
D'après l'article d'Anne-Lise Berthier dans la revue " Agroperformances ", numéro hors-série, octobre 1997.
2. Une science fondée sur l'identification et la recombinaison des gènes
Chez tous les êtres vivants quels qu'ils soient, l'information génétique est contenue dans les gènes, constitués d'ADN, présents dans chaque cellule de l'organisme. Ces gènes " s'expriment " en permettant la synthèse des protéines constitutives des tissus vivants.
a) Un aperçu du fonctionnement du vivant6( * )
Qu'est-ce qu'un gène ?
Le gène peut être défini comme "
un segment d'ADN
qui code une protéine et l'ensemble des séquences
régulatrices, constituant ainsi une
unité
d'information
génétique
"
7(
*
)
.
Plus précisément, les gènes sont constitués de
brins d'acides nucléiques, eux-mêmes composés d'une
succession de nucléotides, unis les uns aux autres par des liaisons
" phosphodiesters ". Chaque nucléotide se compose notamment de
" bases " qui lui confèrent une identité.
Ces bases sont au nombre de quatre, dénommées par les lettres A,
T, G, C, pour l'ADN, et A, U, G, C pour l'ARN. C'est l'ordre dans lequel se
trouvent ces bases qui constitue l'information codée des gènes.
" On peut donc comparer l'ADN à une bande magnétique :
la chaîne de phosphate-ribose
[sous-jacente]
étant
l'équivalent du support plastique et l'ordre des bases
l'équivalent de la position des petits grains magnétisés
collés sur la bande plastique "
8(
*
)
.
L'ADN est le plus souvent sous forme de double brin, s'appariant grâce
à la " complémentarité des bases ", A avec T et
G avec C.
Une caractéristique remarquable des gènes, qui mérite
d'être soulignée d'emblée, est
l'universalité du
code génétique
: en effet, quelles que soient les
espèces, les gènes sont toujours formés de cet assemblage
de nucléotides (A,T,G,C), chaque gène étant défini,
rappelons-le, par l'ordre d'enchaînement de ces nucléotides.
Il n'y a donc pas de différence fondamentale entre la nature des
gènes des différentes espèces
. Seuls le nombre et la
complexité des gènes différent : le patrimoine
génétique d'une bactérie est 100 fois plus complexe
que celui d'un virus, celui d'un mammifère 100.000 fois plus
complexe que celui d'un virus
9(
*
)
. Ce patrimoine
génétique est appelé le génome.
Le génome
10(
*
)
Au sens strict, le génome est l'ensemble des gènes d'un
organisme, rassemblés sous forme de chromosomes : les gènes sont
localisés dans le noyau des cellules chez les organismes
" eucaryotes " (levures, plantes, animaux) et dans l'espace
intracellulaire pour les cellules qui n'ont pas de noyau, les
" procaryotes " (bactéries).
Chez les organismes supérieurs à reproduction sexuée,
chaque chromosome (et donc chaque gène) est présent en double
exemplaire : l'un qui provient de la mère, l'autre du père. Les
gènes homologues sont appelés " allèles ".
La taille des génomes varie -on l'a vu- selon les organismes. Celui de
certains virus bactériens ne contient que trois gènes,
contrastant avec celui, bien plus important, des mammifères.
"
Les chaînes d'ADN renfermées dans les chromosomes de
chacune de nos cellules font plus d'un mètre de long
. Si l'on
devait écrire la formule chimique du génome humain (contenu donc
dans chaque cellule) sous sa forme la plus condensée (à l'aide
des lettres ATGC), il faudrait de nombreux volumes qui tiendraient sur une
étagère de 50 mètres de long
"
11(
*
)
.
Le génome humain contient en effet environ 100.000 gènes,
soit 3 milliards de bases (présents dans chaque cellule). Seulement
20.000 gènes sont toutefois exprimés.
Le code génétique
Le code génétique est le système de correspondance entre
les séquences de nucléotides de l'ADN et les protéines
synthétisées, composées d'acides aminés. On sait en
effet depuis une dizaine d'années environ qu'à trois bases
successives correspondent un acide aminé, comme indiqué dans le
tableau suivant :
TABLEAU DE CODE GÉNÉTIQUE :
CORRESPONDANCE
ENTRE BASES ET ACIDES AMINÉS
Base ou nucléotide initial |
Base ou nucléotide central |
Base ou nucléotide final |
|||
|
U |
C |
A |
G |
|
U |
Phe
|
Ser
|
Tyr
|
Cys
|
U
|
C |
Leu
|
Pro
|
His
|
Arg
|
U
|
A |
Ileu
|
Thr
|
AspN
|
Ser
|
U
|
G |
Val
|
Ala
|
Asp
|
Glt
|
U
|
Tableau tiré de : " génétique moléculaire ", Encyclopédia Universalis |
|||||
Ala :
alanine
|
Glu :
acide glutamique
|
Leu :
leucine
|
Ser :
sérine
|
||
Un acide aminé est codé par trois bases prises dans l'ordre suivant, de gauche à droite : la base initiale à gauche, la base centrale dans l'une des quatre colonnes du centre, et la base terminale à droite ; ainsi on voit que UUU correspond à la phénylalanine (Phe) ; CUU à leucine (Leu), etc... Les trois triplets qualifiés de " non-sens " servent de signaux de ponctuation. |
Le
code génétique est universel
12(
*
)
,
c'est-à-dire qu'il est le même dans toutes les espèces. En
conséquence, un gène d'une espèce introduit dans le
génome d'une autre espèce codera pour les mêmes acides
aminés c'est-à-dire pour la même protéine que dans
l'espèce de départ (toutefois sous certaines conditions, et
notamment l'adaptation du gène " promoteur " (cf.
ci-après).
Autour de ces " messages génétiques codés " que
constituent les associations de bases " signifiantes ", existent, sur
le brin d'ADN,
des régions régulatrices,
chargées
de régler l'expression des gènes considérés. On
trouvera ainsi, en amont d'une région codante, un gène
" promoteur ", et en aval, un gène " terminateur ",
indiquant respectivement le début et la fin du message
génétique.
L'expression génétique
Un fragment d'ADN est une information inerte tant que le message qu'il contient
n'a pas été " exprimé ", c'est-à-dire
décodé par une cellule.
L'expression génétique est "
l'ensemble des
mécanismes qui permet à un gène de délivrer son
message
"
13(
*
)
et de devenir
opérationnel, c'est-à-dire de déclencher la production de
la protéine qu'il code.
Le mécanisme très complexe qui est à l'oeuvre peut
être résumé de la façon suivante : lorsqu'un
gène doit s'exprimer,
il est préalablement copié
,
sous la forme d'une molécule d'acide ribonucléique messager, ou
ARNm, qui contient lui-même un message codé,
décrypté dans le cytoplasme des cellules, c'est-à-dire
hors du noyau cellulaire, par un système de décodage
constitué de ribosomes et d'ARN de transfert. Ce procédé
donne naissance à la protéine
, qui exécute
concrètement le programme contenu dans le gène.
De cette façon, l'information génétique contenue dans
l'ADN n'est pas altérée.
Ce mécanisme peut être ainsi schématisé :
L'EXPRESSION GÉNÉTIQUE
Gène (ADN) ARN messager protéine
b) Les techniques du génie génétique
Les
termes employés
Il peut être utile dans un premier temps d'effectuer quelques mises au
point terminologiques.
Le dictionnaire
14(
*
)
donne plusieurs
définitions du mot " génie ". En ce qui concerne le
" génie " génétique, il précise qu'il
s'agit des "
méthodes d'investigation et
d'expérimentation sur les gènes
", c'est-à-dire
d'un
ensemble de pratiques
relatives à cet objet, comme le
" génie " civil qualifie l'art des constructions, ou le
" génie " rural l'ingénierie appliquée au monde
rural.
TERMINOLOGIE
" Il faut entendre le mot " génie " de
" génie génétique " dans le sens où il
est employé dans " génie civil ", c'est-à-dire
" l'art " des constructions génétiques. Le terme de
"
méthodologie des recombinants d'ADN
" est plus
précis et probablement mieux approprié : il s'agit de l'ensemble
des techniques utilisant la recombinaison de fragments d'ADN,
c'est-à-dire la liaison entre eux de fragments d'origines
différentes. "
In : " génétique moléculaire ",
Encyclopédie Universalis, A. Kahn.
On ne peut que constater -et déplorer- que
les autres sens du mot
"
génie
"
(esprit surnaturel doté d'un
pouvoir magique, voire être maléfique) aient contribué
à jeter le doute et la suspicion sur cette discipline
, de
même que le terme de "
manipulation
"
génétique, qui laisse entendre qu'il pourrait s'agir de
prestidigitation ou de manoeuvre malhonnête, en raison là encore
des différents sens du mot "
manipulation
", de
"
maniement
" au sens propre, c'est-à-dire action
effectuée manuellement, à "
manoeuvre
",
"
tripotage
", voire "
emprise
occulte
"
15(
*
)
.
Le principe
Le génie génétique
16(
*
)
permet, en raison de l'universalité du code génétique,
d'introduire dans une cellule un gène
qu'elle ne possédait
pas à l'origine, ce qui a pour conséquence, en vertu des
mécanismes décrits ci-dessus,
la production, par la cellule
receveuse, d'une protéine
qui n'était pas
antérieurement fabriquée par cette cellule.
De même qu'il est possible de découper une bande magnétique
et d'en recoller les morceaux dans un autre ordre, il est possible de
découper l'ADN et d'associer les fragments obtenus, qui peuvent provenir
de plantes ou d'animaux. L'ADN remodelé est appelé ADN
" recombinant ".
Lorsqu'on a transféré un gène dans les cellules germinales
d'un organisme, permettant ainsi la transmission du gène
transféré à la descendance de cet organisme, on parle de
" transgénèse ".
En pratique, ce remodelage du génome s'articule en plusieurs
opérations.
Les techniques employées
Là encore, votre rapporteur se bornera à une description
très schématique de trois principales techniques
17(
*
)
.
Les enzymes de restriction et le " découpage " de l'ADN
Les enzymes de restriction sont des enzymes initialement présentes chez
les bactéries, qui ont pour propriété de
reconnaître des séquences bien particulières de
nucléotides et de les isoler,
en " clivant " l'ADN
double-brin à leur niveau, produisant ainsi des fragments de tailles
variables.
Ces enzymes peuvent être assimilés à des " bistouris
moléculaires sélectifs ", permettant de découper
proprement l'ADN, en des endroits bien précis, suivant la nature de
l'enzyme.
QUELQUES ENZYMES DE RESTRICTION UTILISÉES EN GÉNIE GÉNÉTIQUE
Enzyme |
Bactérie d'origine |
Séquence d'ADN reconnue |
Coupure effectuée par l'enzyme |
EcoRI |
Excherichia coli |
GAATTC
|
G
AATTC
|
Hind III |
Haemophilus influenzae |
AAGCTT
|
A
AGCTT
|
Bam HI |
Bacilius amyloliquefaciens |
GGATCC
|
G
GATCC
|
Hae III |
Haemophilus aegyptius |
GGCC
|
GG
CC
|
Hpae I |
Haemophilus parainfluenzae |
GTTAAC
|
GTT
AAC
|
tiré de l'article précité
" génie génétique " de l'Encyclopédie
Universalis
La découverte de cette technique a été une étape
essentielle car, jusque là, il était difficile d'isoler
précisément un gène déterminé en raison
notamment de la fréquente structure en mosaïque du génome et
de sa complexité.
La multiplication -ou clonage- des gènes
L'étape suivante, le clonage, est l'opération qui consiste
à
reproduire en grand nombre le fragment initial d'ADN
,
grâce à des " vecteurs de clonage " qui permettent leur
introduction dans des organismes chargés de la réplication.
L'opération est résumée de la façon suivante dans
le dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies
18(
*
)
:
" Les millions de fragments (d'ADN) obtenus sont insérés
dans des vecteurs (plasmides, phages, cosmides, etc..., eux-mêmes
composés d'ADN) à l'aide de
ligases
. Ces vecteurs peuvent
être introduits à l'intérieur de
bactéries (ou de
levures) où ils se répliquent
. Les bactéries qui
contiennent les vecteurs porteurs des fragments d'ADN étranger peuvent
se multiplier sous forme de colonies. Chaque colonie est issue d'une seule
bactérie n'abritant elle-même qu'un seul vecteur porteur d'ADN
étranger. Chaque colonie contient donc un fragment d'ADN étranger
et un seul. Le clonage des bactéries recombinantes (porteuses d'ADN
étranger) a donc permis d'isoler les différents fragments d'ADN
de départ. C'est cette opération qui a donné son nom au
clonage de gène qui est en fait le clonage de bactéries porteuses
de gènes étrangers. Le passage obligé par les
bactéries comporte donc deux avantages :
- l'isolement d'une multitude de fragments d'ADN par
l'intermédiaire du clonage des bactéries recombinantes ;
- l'amplification des gènes isolés. Les bactéries
issues de chaque colonie peuvent en effet être multipliées en
très grand nombre. Une opération simple permet d'isoler le
vecteur et finalement l'ADN étranger à partir de ces
bactéries. L'expérimentateur dispose dès lors de
l'ensemble des fragments d'un génome à l'état isolé
et en abondance ".
Le transfert des gènes
19(
*
)
Cette opération consiste
à introduire le gène
cloné dans la cellule receveuse
(bactérie, levure, cellule
animale ou végétale).
Pour cela, on suit diverses étapes :
-
préparation du gène
, par ajout
d'éléments (gène promoteur, gène terminateur,
gène " d'adressage "...) permettant à la cellule
receveuse de décrypter le message génétique ;
- intégration dans un "
vecteur d'expression
"
(plasmides par exemple), distinct des vecteurs de clonage décrits
ci-dessus ;
-
transfert du gène
, réalisé par
différentes méthodes suivant la nature de la cellule receveuse,
comme indiqué dans le tableau suivant :
MÉTHODES DE TRANSFERT DE GÈNE
ORGANISME RECEVEUR |
MÉTHODE DE TRANSFERT EMPLOYÉE |
Micro-organismes (bactéries, levures, champignons). |
|
Cellules végétales |
•
Des plasmides spéciaux sont utilisés pour certaines cellules
végétales : plasmide
Ti d'Agrobacter tumefaciens
et
plasmide
Ri d'Agrobacter rhizogenes
|
Cellules animales |
|
In : " Le génie génétique appliqué à la production alimentaire ", Ibid, p. 4
c) L'exemple de la transgénèse végétale
L'exemple suivant de la fabrication d'une plante transgénique , tiré d'une documentation élaborée par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), permet d'illustrer la méthodologie employée.
COMMENT OBTIENT-ON UNE PLANTE TRANSGÉNIQUE ?
Repérage d'un caractère intéressant
dans un
autre organisme vivant (plante, champignon, bactérie) et identification
de la protéine responsable de ce caractère.
Exemple : une protéine toxique pour un insecte ravageur de culture.
Identification et isolement
du gène codant pour cette
protéine, appelé " gène
d'intérêt ", grâce aux enzymes de restriction
permettant de " découper " la partie intéressante d'ADN.
Réalisation d'une " construction
génique "
contenant le gène d'intérêt
et les séquences d'ADN (promoteur, terminateur) indispensables à
son fonctionnement dans le génome de la cellule végétale.
Cette construction peut contenir un gène marqueur permettant de
repérer la construction génique.
Multiplication de cette construction
. La construction
génique est intégrée dans un " plasmide "
bactérien, qui est une mini-boucle d'ADN. Le plasmide est
multiplié, donc la construction génique aussi.
Introduction de la construction génique
dans le
génome d'une plante à laquelle on veut conférer le
caractère désiré (dans l'exemple, une toxicité
à un insecte ravageur, donc une auto-protection de la plante contre cet
insecte).
Pour ce transfert deux méthodes sont principalement
utilisées : le transfert par une bactérie du sol
(Agrobacterium tumefaciens), le transfert par " bombardement "
de la cellule végétale par des micro-billes de tungstène
enrobées de la construction génique.
Sélection des cellules végétales exprimant le
gène ajouté
. C'est notamment à ce stade que sert
le gène " marqueur ", qui permet de différencier les
cellules où la construction génique est présente des
autres cellules.
Régénération de plantes entières
à partir des cellules sélectionnées. Ces plantes expriment
le gène d'intérêt transféré et donc, dans
l'exemple ci-dessus, produisent la protéine fatale aux insectes
ravageurs. Elles peuvent alors être testées, en serre puis en
champ.
D'après la note précitée du site Internet de l'INRA :
http : //www. jouy.inra.fr/actualités/dossiers/ogm.html.
B. UNE RÉVOLUTION SCIENTIFIQUE
L'avènement du génie génétique est un des événements scientifiques les plus marquants de notre siècle, même s'il s'inscrit en partie dans la continuité de certaines techniques antérieurement pratiquées.
1. Une évolution qui s'inscrit dans une certaine continuité
Une
habitude ancienne d'utilisation du vivant
Que ce soit pour l'alimentation, puis pour la chimie ou la pharmacie,
l'ingénierie du vivant, ou " biotechnologie ", est
utilisée depuis de longues années
. On peut, par exemple,
qualifier de biotechnologies la fermentation à l'oeuvre dans la
fabrication du vin, du fromage et de la bière, mise au point,
2.000 ans avant notre ère, par les Egyptiens et les
Sumériens. Rappelons que, dès 800 avant Jésus Christ, les
panses de veau (et une enzyme, la chymosine) servaient à la fabrication
du fromage
20(
*
)
. Entrent également dans
cette catégorie les travaux entrepris par Louis Pasteur à la fin
du siècle dernier pour préparer le vaccin contre la rage.
Pour signifier cette continuité, on qualifie parfois de biotechnologie
" moderne " la biotechnologie qui fait intervenir le génie
génétique.
Une longue histoire de sélection variétale en agriculture
Depuis les débuts de l'humanité, la sélection
variétale " classique " permet d'améliorer la
qualité et le rendement des espèces. Le principe de la
sélection est de croiser des individus mâles et femelles d'une
espèce donnée et, parmi les descendants,
fruit de la loterie
de l'hérédité
, de choisir les individus ayant
hérité des caractères recherchés.
A cet égard, la différence entre la sélection classique et
le génie génétique réside dans la maîtrise
qu'apporte ce dernier à la technique développée par la
première, comme indiqué ci-dessous :
COMPARAISON ENTRE LA SÉLECTION CLASSIQUE ET LE GÉNIE GÉNÉTIQUE
Sélection classique
:
o
_ _
_
o
o
_ _ _
_
o o
_ _
o o
x o
_ _
x o
o
croisement _ résultat _ _
_
Gène désiré Variété commerciale
Nouvelle variété (certains gènes
non désirés
o
sont
transférés avec le
x
)
Génie génétique
:
_ _ _
_ _ _ _
_ _
x
_
x
_ _ _ _
transfert _ résultat _
Isolation du gène désiré Variété
commerciale Nouvelle variété
(seul le gène désiré
x
est
transféré)
Le
mouvement de sélection génétique " classique "
n'a fait que s'accélérer dans la deuxième moitié du
XXe siècle, avec un accroissement sans précédent de
la productivité agricole, qualifiée de " révolution
verte ". Est-il nécessaire de rappeler que, pour le blé par
exemple, on ne récoltait en 1920 que 15 quintaux à
l'hectare, soit guère plus qu'au Moyen-Age
21(
*
)
et à peine 20 quintaux en 1950. Aujourd'hui,
le rendement approche 70 quintaux à l'hectare, voire
130 quintaux dans certaines zones.
La filière du maïs a récemment dressé un constat
semblable pour le maïs français
22(
*
)
, dont elle rappelle qu'il a les meilleurs rendements
du monde : "
La recherche génétique a joué un
rôle décisif dans l'accroissement spectaculaire des rendements
français en maïs (...). En France, le rendement moyen est
passé de 12,5 quintaux par hectare en 1950 à
84 quintaux par hectare en 1996. Il a été multiplié
par 7 entre ces deux dates. Ce résultat remarquable a été
possible grâce à la diffusion de " familles " de
maïs hybrides de plus en plus performants (...).
"
On
estime en général que la génétique (avant
même l'introduction du génie génétique) a
été à l'origine de
la moitié des gains de
productivité
réalisés pendant la
" révolution verte ".
Ces progrès obtenus par la génétique
" classique ", ne se sont pas faits, il est important de le
mentionner, sans ruptures. En particulier pour le maïs,
l'hybridation
, introduite en France après la seconde guerre
mondiale, a fait figure de "
première révolution du
maïs
"
23(
*
)
.
L'HYBRIDATION DU MAÏS, " PREMIÈRE RÉVOLUTION GÉNÉTIQUE "
Au
début du siècle, des agriculteurs américains
semèrent sur une même parcelle des grains de maïs provenant
de variétés différentes, favorisant ainsi des
fécondations croisées dont les grains issus de ces croisements
utilisés comme semences donnèrent des plantes bien plus
productives : les principes de l'hybridation étaient nés.
Pour obtenir des hybrides, il faut d'abord parvenir (par
autofécondation) à des " lignées pures ",
d'origines différentes qui sont ensuite croisées : les semences
ainsi obtenues sont plus productives et vigoureuses que leurs géniteurs.
Les caractères sélectionnés sont :
productivité, précocité, composition du grain,
résistance à la verse, aux maladies et aux parasites.
L'introduction des hybrides en France après la seconde guerre mondiale
a permis une augmentation spectaculaire des rendements.
In : Dossier précité de " Maïs avenir ".
Il existe donc une certaine continuité entre des pratiques anciennes de
biotechnologie et d'agronomie et le génie génétique.
Pourtant, ce dernier est marqué par certaines caractéristiques
qui font de son introduction une véritable "
révolution
biologique
"
24(
*
)
.
2. Des spécificités qui en font toutefois une vraie révolution
La
description des techniques mises en oeuvre par le génie
génétique ayant déjà été
développée ci-dessus, on se contentera de dégager ici les
ruptures majeures introduites par son avènement.
Le franchissement de la " barrière " d'espèces
La nature chimique du matériel génétique étant la
même dans toutes les espèces, il devient possible d'introduire le
gène d'une espèce donnée dans le génome d'une autre
espèce, quelle qu'elle soit.
La puissance et la précision de la transgénèse
Contrairement au brassage génétique naturellement
opéré par la reproduction, le génie
génétique permet de limiter la modification
génétique à un caractère étudié, sans
que plusieurs gènes soient transférés comme c'est le cas
en sélection classique, suivant le hasard de
l'hérédité.
Cette technique est donc considérablement plus précise et plus
rapide que les méthodes traditionnelles. Elle ouvre un champ bien plus
vaste de variabilité des caractères en donnant accès
à un grand nombre de gènes.
C'est pourquoi cette technologie est susceptible d'un nombre
considérable d'applications, qui toucheront sans doute demain de
très nombreux secteurs de l'activité humaine.
II. DE NOMBREUSES APPLICATIONS EN PERSPECTIVE
A. UN TRÈS LARGE ÉVENTAIL D'APPLICATIONS POSSIBLES
La
technologie génétique qui vient d'être décrite peut
paraître bien éloignée à nombre de nos concitoyens.
Pourtant, il est probable qu'elle soit un jour, si la société en
décide ainsi, partie intégrante de l'agriculture, de la
médecine, de la pharmacie et de l'alimentation, comme c'est
déjà en partie le cas aujourd'hui.
Un bref survol des principales applications envisagées dès
aujourd'hui permettra au lecteur de mieux se rendre compte des
potentialités nombreuses de l'ingénierie génétique
:
1. Les OGM en agriculture
a) La protection des cultures
Les
modifications actuelles du génome des plantes visent à
améliorer leurs caractéristiques agronomiques afin de rendre leur
culture plus aisée, moins consommatrice d'intrants, plus adaptée
à différentes conditions climatiques ou d'améliorer le
rendement des cultures.
Quatre principales voies d'amélioration
25(
*
)
sont actuellement explorées :
La résistance des plantes aux insectes
Les insectes ravageurs sont de véritables fléaux des cultures,
qui nécessitent des traitements insecticides et occasionnent des pertes
importantes de rendement. Ces traitements insecticides ont d'ailleurs des
limites : nuisible à l'environnement, leur utilisation
répétée suscite des populations d'insectes
" résistants ", c'est-à-dire devenus insensibles
à l'action de l'insecticide. En outre, ces produits s'avèrent
parfois inefficaces, suivant le stade de développement de l'insecte
(larves et insectes foreurs s'abritent à l'intérieur des tiges).
Il est possible de permettre à la plante, par modification
génétique, de se défendre elle-même contre les
insectes
en lui faisant synthétiser des protéines toxiques
pour ces dits insectes.
La tolérance des plantes aux herbicides
Il existe aujourd'hui des herbicides relativement peu toxiques, peu
persistants, actifs à faible dose et biodégradables (comme par
exemple le glufosinate, le glyphosate ou le bromoxynil).
Rendre une plante de culture " tolérante " à ces
herbicides permet de
les répandre sur les cultures pour agir sur les
plantes sauvages indésirables, tout en étant assuré que la
plante cultivée soit protégée
contre l'action de
l'herbicide, par l'introduction d'un " gène de
tolérance " dans son génome, dont l'expression empêche
la matière active de détruire la plante.
Cette technique a été appliquée avec
succès
26(
*
)
à de très
nombreuses espèces végétales : soja, betterave, laitue,
melon, pomme de terre, blé, colza, tournesol...
La résistance aux maladies
27(
*
)
Virus, champignons, bactéries phytophathogènes provoquent aussi
des dégâts dans les cultures.
La résistance aux maladies
est donc une voie essentielle d'amélioration des rendements
. Des
plantes transgéniques résistantes à des virus, par
exemple, ont déjà été développées
(pomme de terre, melon, concombre, betterave, tomate...).
Signalons qu'avec les méthodes traditionnelles, la lutte contre les
maladies virales est la plus problématique puisque, contrairement
à la plupart des maladies fongiques ou bactériennes, il n'existe
ni traitement préventif ni curatif à leur encontre (même
s'il est possible de lutter contre les vecteurs que représentent les
pucerons, ceux-ci peuvent avoir le temps de viroser la plante avant de mourir).
La résistance aux conditions climatiques extrêmes
Créer des
espèces résistantes par exemple au froid,
à la sécheresse ou à la salinité des sols
représente un immense intérêt pour les pays en
développement comme pour le monde industrialisé. La recherche est
déjà engagée dans cette voie d'avenir.
b) L'amélioration des conditions d'élevage
Les
biotechnologies végétales et animales pourraient améliorer
les conditions d'élevage des animaux de plusieurs
manières
28(
*
)
.
L'amélioration de la santé animale
La lutte contre les maladies animales est un problème capital de
l'élevage. Il est théoriquement possible d'accroître son
efficacité grâce aux OGM par la
mise au point soit d'anticorps,
soit de
vaccins dits
"
recombinants
", directement
produits par des aliments composant la nourriture du bétail, aliments
modifiés génétiquement. Est également envisageable
la modification transgénique des lignées animales, pour
accroître leur résistance aux agressions.
Une meilleure nutrition animale
L'amélioration par génie génétique des
qualités nutritionnelles des aliments
destinés à
l'élevage est une piste intéressante. En effet, les rations des
animaux d'élevage sont complétées en
éléments nutritifs : méthionine, lysine, thréonine
et tryptophane, notamment, acides aminés qui ne sont présents
qu'en trop petite quantité chez les plantes. L'augmentation par
génie génétique de la teneur en ces acides aminés,
ou encore en certaines huiles, des aliments du bétail peut
s'avérer très intéressante sur le plan nutritionnel. En
outre, la
digestibilité des aliments
peut être
améliorée par transgénèse végétale,
si l'accumulation dans les plantes de certaines enzymes (notamment la phytase)
est favorisée.
2. Les OGM et l'alimentation
a) L'amélioration de la qualité des aliments
L'introduction d'un gène nouveau peut aussi viser
à
améliorer la qualité des aliments. Cet axe de
développement concerne davantage le consommateur. Il est appelé
à prendre une importance accrue à l'avenir.
La modification de la teneur en certains nutriments
Il est par exemple possible de modifier la composition des huiles en acides
gras afin de diminuer le risque
d'accidents cardio-vasculaires
, ou
d'inhiber l'expression du gène responsable, pour le riz, de l'expression
d'une protéine provoquant des
allergies alimentaires
.
Mentionnons également, à titre d'exemple, les recherches visant
à rendre le lait de vache plus proche du lait maternel, en vue de sa
consommation par les nourrissons.
Une meilleure conservation des produits
Il s'agit du volet qui, s'agissant de l'amélioration de la
qualité des aliments, en est au stade le plus avancé. En effet,
des légumes transgéniques à
maturation
retardée
ont déjà été
commercialisés dans les pays anglo-saxons.
Il s'agit notamment de la célèbre tomate " flavr-savr "
de la société Calgene, commercialisée depuis 1994 aux
Etats-Unis, génétiquement modifiée pour exprimer en plus
faible quantité une enzyme provoquant le ramollissement de la tomate au
moment de la maturation, ce qui lui permet de conserver pendant une plus longue
durée que la tomate conventionnelle une texture ferme. Depuis 1996, au
Royaume-Uni, sont commercialisés des concentrés de tomates
réalisés à partir de tomates transgéniques.
Ce contrôle de la maturation permet, certes, d'améliorer les
conditions de transport et de stockage et, dans le cas du concentré de
tomates, de faciliter le processus de production, mais il peut s'accompagner
également, notamment pour les fruits frais, d'un accroissement de la
saveur du fruit qui peut être récolté à un stade de
maturation plus avancé, ce qui est le troisième objectif en
matière de qualité des produits alimentaires.
L'amélioration des qualités organoleptiques des aliments
(goût, odeur, aspect, couleur, consistance, ...)
La maturation des fruits
29(
*
)
correspond
à un ensemble de modifications physiologiques, biochimiques et
structurelles qui rendent le fruit agréable à consommer. Ces
modifications sont dues à l'expression des gènes impliqués
dans les
changements de couleur, l'augmentation de la teneur en sucres, la
diminution de l'acidité, la synthèse d'arômes et le
ramollissement
. Ces gènes constituent donc des voies potentielles
d'amélioration de la saveur des fruits.
Lors des entretiens
30(
*
)
qu'a eus votre
rapporteur, le cas de la tomate de Marmande a été cité
à plusieurs reprises. La commercialisation de cette
variété savoureuse se heurte actuellement à sa trop faible
résistance aux conditions de distribution et de stockage. L'introduction
d'une modification génétique en vue de retarder sa maturation
permettrait au consommateur français, d'après certaines personnes
entendues, de retrouver la saveur de ce produit de notre terroir dont les
qualités organoleptiques sont sans conteste supérieures à
la tomate de la société Calgene...
Le tableau suivant détaille quelques unes des applications
orientées sur l'amélioration de la qualité, nutritionnelle
ou gustative, des aliments :
L'AMÉLIORATION DES ALIMENTS : QUELQUES EXEMPLES
Blé |
|
Huiles végétales (colza, tournesol) |
• Modification de la composition en acides gras pour répondre aux besoins nutritionnels (maladies cardio-vasculaires) et pour faciliter la fabrication de margarine à partir de certaines huiles |
Pomme de terre |
• Augmentation de la teneur en amidon pour des utilisations industrielles (purée, fécule, frites absorbant moins d'huile de friture), réduction du brunissement (frites), amélioration des propriétés organoleptiques |
Laitue, épinard |
• Réduction de la teneur en nitrates en augmentant l'expression de nitrate-réductase |
Tomate, melon, brocoli |
• Augmentation de la durée de conservation des fruits et légumes. En France, l'INRA développe des recherches pour tenter de réguler la production d'éthylène, substance qui participe à la maturation du fruit. Aux USA, une tomate transgénique a été commercialisée en 1994. Un procédé similaire a permis à une équipe de recherche Ensat-Inra d'obtenir un melon dont la conservation et la teneur en sucre sont augmentées, mais qui n'est pas encore commercialisé |
Riz |
• Diminution des propriétés allergisantes |
Soja |
• Enrichissement en acide aminé essentiel (méthionine) |
In : " Le génie génétique appliquée à la production alimentaire ", CNERNA, CNRS, 1997.
b) L'intervention dans le processus de transformation alimentaire
Les
organismes génétiquement modifiés peuvent intervenir
directement ou indirectement dans la transformation alimentaire.
Les substances alimentaires fabriquées grâce à des
micro-organismes génétiquement modifiés
Des auxiliaires technologiques sont utilisés dans le processus de
fabrication des denrées alimentaires. Les enzymes en sont un bon
exemple. Elles sont présentes dans le nombreux procédés de
fabrication (produits laitiers, brasserie, production d'alcool, boulangerie,
fabrication du vin, de l'amidon, ...).
Certaines de ces enzymes peuvent elles-mêmes être
produites par des micro-organismes ayant subi une modification
génétique
. Ce ne sont donc pas les enzymes qui sont des OGM,
mais bien les micro-organismes qui ont servi à leur fabrication. Le
tableau suivant recense les applications actuelles de cette technique :
ENZYMES UTILISÉES DANS L'INDUSTRIE ALIMENTAIRE
PRODUITES
PAR LA TECHNOLOGIE GÉNÉTIQUE
PRINCIPALE ENZYME ACTIVE |
APPLICATION |
Alpha-acétolactate décarboxylase |
Bière |
Alpha-amylase |
Boulangerie-pâtisserie, bière, distillation, amidon |
Catalase |
Mayonnaise |
Chymosine |
Fromage |
Bêta-glucanase |
Bière |
Alpha-glucanotransférase |
Amidon |
Glucose-isomérase |
Boulangerie-pâtisserie, mayonnaise aux oeufs |
Hémicellusase |
Boulangerie-pâtisserie |
Lipase |
Matières grasses, huiles |
Amylase maltogène |
Boulangerie-pâtisserie, amidon |
Présure microbienne |
Produits laitiers |
Phytase |
Amidon |
Protéase |
Boulangerie-pâtisserie, bière, produits laitiers, distillation, poisson, viande, amidon, légumes |
Pullulanase |
Bière, amidon |
Xylanase |
Boulangerie-pâtisserie, amidon |
Source : Association of Manufacturers of fermentation enzyme
products, cité par : " Les biotechnologies dans
l'alimentation ", EFIC, 1995.
L'enzyme alpha-amylase, par exemple, produite par une souche de bactérie
"
bacillus subtilis
" génétiquement
modifiée peut d'ores et déjà être utilisée en
France pour la
fabrication de la bière, du sirop de chocolat, du
sirop de maltose, ou dans la panification
(antirassissant).
De même, la chymosine
, enzyme utilisée dans
l'industrie fromagère
, peut être produite par des souches
génétiquement modifiées de "
Escherichia coli
K12
", "
Aspergillus Niger
" et "
Kluy
veromices lactis
". Plus de trente pays dans le monde -parmi lesquels
ne figure pas la France, où le dossier est encore en cours
d'instruction- ont autorisé son utilisation (Belgique, Irlande,
Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, Allemagne, Etats-Unis, Australie, Canada, ...).
LA CHYMOSINE PRODUITE PAR DES MICRO-ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS
La chymosine
est une enzyme qui a la propriété de
coaguler le lait. Elle se trouve à l'état naturel dans le
4ème estomac du tout jeune veau nourri au lait, de même que la
pepsine (toutes deux extraites sous forme de présure).
La chymosine
peut être produite, grâce au
génie génétique, par des micro-organismes
génétiquement modifiés : le gène de la
prochymosine, isolé initialement dans une cellule de l'estomac de veau,
est introduit dans le génome du micro-organisme, qui produit alors la
prochymosine, transformée en chymosine.
Le produit final est
totalement purifié
et ne contient pas de trace de la souche qui a
servi à sa production. La chymosine produite n'est donc pas une enzyme
" recombinante " au matériel génétique
modifié. D'après l'entreprise Gist Brocades (fabricant notamment
de la chymosine MAXIREN obtenue par ce procédé), la chymosine
ainsi obtenue dispose de bonnes propriétés coagulantes et est
moins chère que la chymosine classique.
En matière d'alimentation
animale
, des enzymes issues de
la fermentation de souches de micro-organismes recombinés sont
également utilisées. La phytase, par exemple, enzyme
présente à l'état naturel chez certains
végétaux, peut être obtenue par ce moyen. Elle est
utilisée
31(
*
)
pour l'alimentation des
porcs et des volailles et contribue à accroître la
digestibilité du phosphore d'origine végétale, contribuant
ainsi à réduire la
pollution phosphatée
causée par les rejets animaux.
Les aliments dont la fabrication pourrait faire directement intervenir des
organismes génétiquement modifiés
Les micro-organismes génétiquement modifiés pourraient
aussi à l'avenir être présents directement, et non plus
indirectement comme c'est déjà le cas avec la production
d'enzymes, dans la fabrication de certains aliments.
Dans le cas de la fabrication du pain et de la bière, des
micro-organismes sont en effet traditionnellement utilisés (levures),
mais sont détruits
32(
*
)
par la chaleur et
éliminés par la filtration. Pour les produits laitiers en
revanche, les bactéries lactiques restent présentes dans
l'aliment, surtout pour les yaourts et les laits fermentés.
La présence de ces micro-organismes, rend théoriquement possible
d'appliquer le génie génétique à ces domaines de
l'industrie agro-alimentaire, même s'il est pour l'instant question
de
recherche expérimentale et non pas d'application pratique
en France.
Des recherches sont notamment en cours pour développer
33(
*
)
:
- des bactéries lactiques améliorant la
régularité de la production des produits laitiers
fermentés ;
- des levures permettant d'obtenir des bières plus
légères, de réduire la variabilité de la microflore
due aux conditions climatiques lors de la vinification, d'éliminer les
saveurs indésirables (vin, bière), de réduire le temps de
fermentation de la pâte à pain et en obtenir le blanchiment ;
- des bactéries lactiques et des levures adaptées à
la production de légumes fermentés (olives,
choucroute).
3. Les OGM et le secteur de la santé
Les
thérapies géniques
Sans s'étendre sur un sujet qui dépasse le champ du
présent rapport et qui a déjà fait l'objet, à la
commission des affaires sociales du Sénat, d'une réflexion
approfondie
34(
*
)
, il est impossible de ne pas
citer
les thérapies géniques
comme une application, en
devenir, du génie génétique à la médecine.
Ces méthodes ont été réglementées en France
par les lois dites " bioéthiques " de 1994.
LES THÉRAPIES GÉNIQUES
"
Une thérapie génique peut se
définir
comme une intervention médicale qui consiste à insérer, de
manière délibérée, du matériel
génétique dans l'organisme d'un patient. Cette intervention doit
permettre soit d'apporter un nouveau gène pour pallier l'insuffisance
d'un gène résident altéré, soit de moduler
l'expression génétique endogène, cellulaire ou virale, ou
encore de corriger l'anomalie structurale d'un gène(...). A l'origine
imaginée pour le traitement des seules maladies
héréditaires, la thérapie génique a vu la
perspective de son application s'élargir à d'autres pathologies :
cancer, maladies neurodégénératives et SIDA (...). Ainsi
la thérapie génique peut-elle s'envisager pour traiter aussi bien
des maladies héréditaires que des affections acquises. Mais, ni
pour les unes, ni bien sûr pour les autres, elle ne constitue la seule
approche thérapeutique
".
On distingue les thérapies géniques
ex vivo
(sur des
cellules prélevées chez un patient et réintroduites, il
s'agit alors d'une autogreffe de cellules génétiquement
modifiées) et
in vivo
(transfert direct dans l'organisme de la
séquence non opérante). La thérapie génique
somatique
consiste à traiter par modification
génétique l'organisme d'un malade (organe, système
cellulaire) sans modification de son hérédité, tandis que
la thérapie génique
germinale
intervient sur les cellules
reproductrices ou l'embryon et entraîne la transmission de la
modification qu'elle opère de génération en
génération.
D'après le dictionnaire permanent bioéthique et
biotechnologie, op. cité, p. 2455.
La production de molécules pharmaceutiques par les plantes
Avec l'avènement de la transgénèse,
les plantes peuvent
devenir de véritables " usines à
médicament
", lorsque leur génome est modifié de
telle sorte qu'il conduise à l'expression de protéines
d'intérêt pharmaceutique. On parle alors de "
molecular
farming
", ou agriculture moléculaire. Si des cellules de
mammifères en culture ou des souches bactériennes permettent
déjà de produire des protéines à usage
thérapeutique, les plantes transgéniques représentent
toutefois un mode de production
moins coûteux et plus sûr
de
ces mêmes molécules (les plantes sont dépourvues d'agents
pathogènes et notamment de virus dangereux pour l'homme).
Votre rapporteur a eu l'occasion de visiter les installations de la
société MERISTEM Therapeutics, du groupe Limagrain, à
Clermont Ferrand, où sont développés des
procédés permettant, notamment, d'extraire, à partir de
plants de tabac transgénique, de la
lipase
(enzyme qui joue un
rôle dans la digestion alimentaire, utilisée comme traitement des
troubles alimentaires des enfants atteints de mucoviscidose), ainsi que de
l'hémoglobine
(protéine contenue dans les hématies
du sang, qui assure le transport de l'oxygène).
Des montants importants sont actuellement investis dans la recherche, par le
groupe Limagrain mais aussi par de nombreuses autres entreprises notamment aux
Etats-Unis, en Suisse, au Japon et au Royaume-Uni, pour développer des
molécules issues de plantes transgéniques et disposant d'un fort
intérêt pharmaceutique (comme par exemple l'albumine, l'insuline,
l'érythropoiétine, le facteur VIII et le facteur IX), qui
interviennent dans le traitement de nombreuses affections.
La consommation directe de plantes contenant des molécules
d'intérêt pharmaceutique
La transgénèse appliquée à l'agriculture permet de
concevoir qu'il soit possible de " vacciner " des animaux, comme cela
a déjà été évoqué ci-dessus, mais
aussi des personnes en introduisant dans les végétaux qu'ils
consomment des gènes conduisant à la synthèse de certaines
molécules dont l'ingestion conduit à une vaccination orale.
Certains chercheurs
35(
*
)
y voient une promesse
d'avenir pour les pays de développement, permettant de surmonter le
problème du coût des campagnes de vaccination : "
Ainsi,
puisque la vaccination traditionnelle contre le choléra et d'autres
germes responsables des entéropathies est trop coûteuse pour
être généralisée dans les pays en
développement
, la production de vaccins oraux dans les
végétaux utilisés en alimentation humaine pourrait
permettre, pour un coût très faible, la vaccination active
de
populations à bas revenus, souvent les plus touchées par des
diarrhées d'origine bactérienne "
36(
*
)
.
Les " xénogreffes "
Le génie génétique permet d'envisager que, demain,
des
animaux génétiquement modifiés puissent servir de donneurs
d'organes
, contribuant ainsi à résoudre la tragique
insuffisance du nombre de personnes donnant des organes pour une
transplantation chez leurs semblables, même si les obstacles
immunologiques à la réalisation sur l'homme de ces
" xénogreffes " demeurent importants.
4. Les usages industriels des OGM37( * )
Avec
l'émergence d'OGM de plus en plus nombreux, la palette des utilisations
industrielles des matières premières végétales
s'élargit.
La modification des peupliers destinés à l'industrie
papetière
Les "
lignines
" sont des polymères présents
chez certains végétaux qui, déposés sur les parois
de leurs cellules, renforcent la solidité de ces dernières, mais
constituent un handicap à l'utilisation industrielle de la biomasse
végétale. Par exemple, la qualité d'une pâte
à papier dépend en grande partie de l'élimination des
lignines qui, particulièrement coûteuse, est en outre une source
non négligeable de pollution des cours d'eau.
Les enzymes impliquées dans la formation des lignines ont
été identifiées et des peupliers transgéniques ont
été obtenus
38(
*
)
, permettant de
fabriquer expérimentalement du papier présentant une
quantité de lignine résiduelle très faible. Les avantages
attendus sont les suivants :
- augmentation de la capacité de production avec le même
volume d'intrants ;
- économie de produits chimiques d'extraction ;
- baisse des quantités de réactifs chimiques de blanchiment
du papier ;
- baisse de la pollution des eaux.
Si la diffusion de ce procédé aux espèces
forestières majeures s'opère, l'impact à l'échelle
de l'industrie papetière mondiale pourrait être
considérable.
La modification de la qualité des amidons
L'optimisation des qualités des amidons en vue de leur utilisation
industrielle est une autre perspective d'utilisation importante des OGM. Les
travaux dans cette direction sont déjà avancés, en ce qui
concerne, notamment, le maïs. En effet, l'amidon du grain de maïs
" normal " contient 25% d'amylose et 75% d'amylopectine. Les
modifications génétiques permettent de modifier ces proportions
(soit en augmentant la teneur en amylose, soit, au contraire, en amylopectine)
et donc de contrôler la qualité de l'amidon (taille des
granulés, viscosité, liant, notamment) et de le rendre le plus
proche possible des caractéristiques requises par ses applications
industrielles, ce qui diminue d'autant les traitements intermédiaires de
l'amidon, coûteux et polluants.
Rappelons que l'amidon de maïs est utilisé, en tant qu'agent de
texture, tant dans l'alimentation humaine, que dans la chimie, la pharmacie, la
papeterie, la cartonnerie, l'industrie des colles et adhésifs, le
textile, le bâtiment, la fonderie...
L'optimisation des oléagineux pour l'industrie
La transgénèse des oléagineux est une source potentielle
de
fabrication de lipides " sur mesure " pour diverses
industries
: cosmétiques, agro-alimentaire, carburants,
lipochimie.
Il s'agit d'induire dans la plante une " surexpression " ou une
" extinction " de certaines synthèses lipidiques. L'acide
éructique, par exemple, est un enjeu de taille, puisque ce corps gras
utilisé notamment pour la fabrication des lubrifiants, des
matières plastiques et des films, représente un marché
annuel de 150 millions de dollars aux Etats-Unis.
Mentionnons, par exemple, une transformation génétique
déjà réalisée du soja qui a permis d'obtenir une
plante riche à 85 % d'acide oléique, contre 15 % pour
la lignée parentale, grâce à la maîtrise des
gènes gouvernant le métabolisme lipidique de la plante (la
transformation génétique a permis d'éteindre l'expression
de l'enzyme qui " déssature " l'acide oléique en acide
linoléique). La conséquence industrielle de cette modification
est une production facilitée de l'huile de soja (meilleure
résistance à l'oxygénation, propriétés
émulsifiantes et gélifiantes améliorées) sans
parler de l'amélioration des qualités nutritionnelles (notamment
au regard des problèmes cardio-vasculaires).
La production de matières plastiques biodégradables par les
plantes
Il serait désormais possible de faire fabriquer des plastiques
biodégradables par les végétaux.
D'après l'article précité du n° 70 de la lettre
des départements scientifiques du CNRS : "
Parmi les
quelques polymères biodégradables, les polyhydroxyalkanoates
(PHAs) sont des polyesters qui s'accumulent sous forme d'inclusions chez des
espèces bactériennes. L'introduction chez Arabidopsis thaliana de
deux gènes importants pour la synthèse de cette molécule a
permis de démontrer
la possibilité de leur production par la
plante
(dont le développement est cependant affecté). Ces
travaux n'en sont qu'à leur début. Ils requièrent un
approfondissement des problèmes de compétition entre voies
métaboliques, de compartimentation, d'extraction... mais ils
ouvrent
une voie originale de production de nouveaux biopolymères par la
plante
. "
Les potentialités de développement des organismes
génétiquement modifiés sont donc très nombreuses,
même s'il est aujourd'hui difficile de recenser toutes les
possibilités offertes par cette technologie, ainsi que de prédire
quelles sont celles des applications du génie génétique
qui dépasseront le stade expérimental.
L'analyse des dossiers d'OGM déjà autorisés montre en
effet que le champ des applications qui se sont, pour l'instant,
concrétisées, est moins large que le tableau qui vient
d'être fait.
B. UNE ACTUALITÉ CENTRÉE POUR L'INSTANT SURTOUT SUR LA PROTECTION DES CULTURES
1. Un panorama des cultures transgéniques de par le monde
Une récente publication 39( * ) sur l'état des cultures transgéniques en 1997 dans le monde donne la mesure de l'ampleur de la révolution en marche, et du décalage qui existe, sur ce point, entre les différents continents.
a) Une augmentation très rapide des surfaces cultivées, surtout en Amérique du Nord
En 1997 en effet, d'après cette source, la surface cultivée en plantes transgéniques a atteint 12,8 millions d'hectares , contre 2,8 millions en 1996, soit une multiplication par 4,5 en un an . La répartition par pays fait apparaître l'avance américaine :
SURFACES DE PLANTES TRANSGENIQUES PAR PAYS EN 1997
PAYS |
SURFACES DE PLANTES
TRANSGENIQUES
|
% DU TOTAL |
ETATS-UNIS |
8,1 |
64 |
CHINE |
1,8 |
14 |
ARGENTINE |
1,4 |
11 |
CANADA |
1,3 |
10 |
AUSTRALIE |
<0,05 |
<1 |
MEXIQUE |
0,03 |
<1 |
Source : ISAAA, 1997
En 1998 , l'augmentation des surfaces cultivées devrait se poursuivre à un rythme très rapide. L'hypothèse du doublement des surfaces, couramment avancée, pourrait même se révéler en deçà de la réalité.
b) Les espèces et les caractères les plus concernés
Par espèce , la plus importante surface de culture transgénique a concerné en 1997 le soja, suivi par le maïs, comme le détaille le graphique suivant :
SURFACES CULTIVÉES EN 1997 PAR ESPÈCE TRANSGÉNIQUE
Source : ISAAA, 1997
Par caractère conféré , c'est la tolérance aux herbicides qui est arrivée en tête par les surfaces cultivées pour ces plantes, suivie par la résistance aux insectes puis aux virus, comme indiqué ci-dessous :
SURFACES CULTIVÉES EN 1997 PAR CARACTÈRE
GÉNÉTIQUE INTRODUIT
Source : ISAAA, 1997
Au total, en 1997, le soja, le maïs, le coton et le colza transgéniques ont représenté 86 % des surfaces cultivées, dont 75 % en Amérique du Nord, le soja tolérant à l'herbicide étant la première culture concernée, suivie par le maïs résistant aux insectes.
c) Les produits autorisés
Quarante-huit plantes transgéniques étaient autorisées à la commercialisation dans au moins un pays en 1997 40( * ) , impliquant 12 espèces développées par 20 entreprises du secteur privé. La liste des plantes autorisées à la commercialisation ou dont le dossier est en cours d'instruction dans l'Union européenne (et des entreprises concernées) est fournie en annexe du présent rapport.
2. La situation française
a) Les dossiers examinés par la Commission du génie biomoléculaire41( * )
Les dossiers examinés par la Commission du génie biomoléculaire 42( * ) (CGB) depuis 10 ans portent au premier chef sur des plantes transgéniques , et ne concernent que minoritairement les thérapies géniques, les micro-organismes recombinés sur les vaccins recombinés, comme le montre le graphique suivant :
NOMBRE ET TYPES DE DOSSIERS EXAMINES PAR LA CGB DEPUIS 1987
Source : Rapport annuel 1996 de la CGB graph1
Au point de vue des
espèces concernées
, il s'agit surtout
du colza et du maïs, mais aussi du tabac, de la betterave et de la pomme
de terre, même si on observe ces dernières années un nombre
croissant d'autres espèces pour lesquelles un examen est en cours
(melon, tomate, peuplier, laitue, tournesol, chicorée, vigne, soja,
courgette...), comme indiqué ci-dessous :
NOMBRE DE DOSSIERS DE PLANTES EXAMINES PAR LA CGB PAR ESPECES DEPUIS 1987
Source : rapport annuel 1996 de la CGB graph2
En ce qui concerne la nature de
la modification génétique
introduite
, c'est la résistance aux herbicides qui est la plus
fréquente, suivie de la résistance aux pestes et aux virus, comme
le montre le graphique suivant :
NOMBRE DE DOSSIERS DE PLANTES EXAMINÉS PAR LA CGB PAR CARACTÈRE INTRODUIT DEPUIS 1987
Source : Rapport annuel 1996 de la CGB graph3
b) L'inscription au catalogue officiel de trois variétés de maïs génétiquement modifiées le 5 février 1998
Les
processus réglementaires ayant conduit à l'autorisation
récente de la mise en culture en France de 3 maïs
génétiquement modifiés seront détaillés plus
loin. A ce stade, il paraît toutefois utile de décrire, afin
qu'elles soient appréciées à la lumière des
développements qui précèdent,
les
caractéristiques de ces premières plantes transgéniques
autorisées à la culture en France
depuis leur inscription,
pour une durée de 3 ans, par arrêté
43(
*
)
du ministre de l'agriculture en date du 5
février dernier, au catalogue officiel des espèces et
variétés de plantes cultivées en France.
Les variétés de maïs concernées,
"
César CB
" "
Eurio CB
", et
"
Occitan CB
" développées par Ciba-Ceigy
(société Novartis), sont des variétés plus
tolérantes à la pyrale, insecte ravageur, que la forme normale.
LE
MAIS DE NOVARTIS RÉSISTANT A LA PYRALE :
PRINCIPE ET EFFET
RECHERCHÉ
La
pyrale
est, avec la sésamie, le principal insecte ravageur du
maïs en France. Papillon d'une envergure moyenne de 25 millimètres,
la pyrale s'installe dans la tige et les épis du maïs où
elle creuse des galeries qui perturbent la circulation de la sève. La
plante se dessèche prématurément, les tiges affaiblies
cassent, parfois les épis se détachent et tombent au sol.
En France, infestant 70 % des surfaces de maïs grain, pyrale et
sésamie occasionnent des dégâts qui fluctuent localement
entre 5 et 30 % des cultures
, engendrant 300 millions à 1
milliard de francs de perte par an pour la filière.
Le principe du
maïs " autorésistant "
à la
pyrale est le suivant : on introduit dans le génome de la plante un
gène présent chez une bactérie (
Bacillus
thuriginsis
ou Bt), qui code pour la fabrication d'une protéine
toxique pour la pyrale car provoquant la perforation de son intestin. Le
maïs transgénique synthétise alors cette protéine
insecticide et " s'autoprotège " contre le ravageur.
Deux gènes marqueurs
44(
*
)
ont
également été transférés au maïs
Novartis : le gène " bla " de résistance à un
antibiotique, l'ampicilline, et le gène " bar " codant pour la
résistance à un herbicide, le gluphosinate ammonium. Ils ont
servi à sélectionner les cellules porteuses de la construction
génique transférée.
D'après " Le livre vert du maïs cb ",
société Novartis, 1997.
D'après les informations obtenues par votre rapporteur, en raison
notamment de la date d'inscription de ces variétés au catalogue,
trop proche de celle des semis, la surface cultivée en 1998 en maïs
transgénique en France devrait être quasiment négligeable
ou en tous cas très peu importante.
Rappelons, en outre, que certaines plantes transgéniques
importées ont été, dès février 1997,
autorisées à la commercialisation. Il s'agit, notamment, du
maïs (surtout destiné à l'alimentation animale), mais aussi
du soja.
* *
*
Au terme
de ce chapitre consacré aux applications des organismes
génétiquement modifiés, on ne peut qu'être
frappé par le contraste qui existe entre les potentialités,
immenses, du génie génétique et les réalisations
actuelles qui, en Europe surtout, ne sont guère significatives pour
l'instant que dans le domaine de l'amélioration de la protection des
cultures de certaines plantes.
Faut-il dès lors considérer cette technique comme probablement
utile, dans certains cas, mais somme toute relativement marginale ? Votre
rapporteur ne le pense pas. Il a été frappé par la
comparaison employée par une des personnes
45(
*
)
rencontrées pour la préparation du
présent rapport, suivant laquelle les
biotechnologies modernes se
trouveraient dans la même situation que l'électricité
à ses débuts
. Ne servant qu'à éclairer, cette
dernière pouvait apparaître comme accessoire, alors que le
développement ultérieur de cette forme d'énergie a permis
un nombre considérable d'applications techniques, industrielles et
domestiques, qui ont profondément remodelé nos
sociétés.
S'il doit en être de même pour le génie
génétique, il importe que les risques qui peuvent découler
de son utilisation, comme c'est le cas de toute technique nouvelle, soient
identifiés et maîtrisés.
III. LES RISQUES QUI POURRAIENT DÉCOULER DU DÉVELOPPEMENT DE CES TECHNIQUES
Toute
technologie nouvelle est susceptible d'entraîner des risques directs ou
induits. Il importe de les connaître et de les maîtriser.
Au préalable, il convient de rappeler que le présent rapport n'a
pas pour objet de trancher telle ou telle question scientifique, mais bien
d'apporter à nos concitoyens un éclairage le plus objectif et le
plus complet possible sur un sujet majeur pour leur avenir et celui de notre
pays.
Aussi se limitera-t-il à décrire, dans leurs grandes
lignes
46(
*
)
, les risques potentiels liés
à l'avènement des OGM, ainsi que le système
d'évaluation de ces risques pratiqué dans notre pays.
A. DEUX TYPES DE RISQUES POTENTIELS
Il existe deux grands types de risques dont on pense qu'ils pourraient être occasionnés par le développement du génie génétique et, notamment, des plantes transgéniques. D'une part, le risque environnemental lié à la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, d'autre part le risque alimentaire lié à l'ingestion d'aliments contenant des organismes génétiquement modifiés ou des produits issus d'organismes génétiquement modifiés.
1. Le risque environnemental
a) Les flux de gènes et la dissémination des gènes de tolérance aux herbicides
La
culture de plantes transgéniques entraîne la possibilité de
diffusion des gènes introduits par transgénèse aux
variétés non modifiées de la même espèce ou
aux espèces apparentées. Cette dissémination de
gènes -qui existe d'ailleurs déjà entre les plantes
à l'état naturel- est appelé " flux de
gènes ".
Les flux de gènes sont fréquents entre plantes de la même
espèce. Ils s'opèrent par le croisement sexuel : le pollen est,
d'une façon générale, le vecteur privilégié
de dissémination des gènes, et donc potentiellement, d'un
transgène -dans le cas d'une espèce génétiquement
modifiée- via le vent ou les insectes pollinisateurs. Cette transmission
peut également se faire en direction d'espèces sauvages
apparentées.
Précisions d'emblée que la probabilité de
réalisation d'un flux de gènes
se pose différemment
selon les espèces et l'écosystème concernés
. En
la matière, l'approche au cas par cas est la seule raisonnable. On
considère, en effet, que le maïs, la pomme de terre, le tabac ou le
soja, qui ne sont pas originaires d'Europe, ne posent dans l'ensemble pas de
problème de transmission aux espèces sauvages apparentées
car il n'existe dans l'écosystème européen aucune
espèce sauvage avec laquelle ces plantes soient susceptibles de se
croiser. Le maïs, notamment, est à ce point domestiqué qu'il
ne peut survivre sans l'intervention de l'homme : il est peu vraisemblable que
des graines issues de fertilisations croisées aient une descendance.
Pour ces plantes, la probabilité d'un flux de gènes vers une
variété spontanée est infime.
Il semble que pour d'autres espèces, comme le colza, la betterave ou la
chicorée, le problème se pose différemment, en Europe
surtout, terre d'origine de ces plantes, et la probabilité d'un flux de
gène au sein de l'espèce et avec des espèces proches n'est
pas nulle.
Certains travaux, concernant
le colza
, par exemple, montrent qu'il peut
s'hybrider avec d'autres crucifères sauvages comme la ravenelle, la
roquette bâtarde ou, plus rarement, la moutarde des champs. Les
échanges intervariétaux sont également probables pour le
groupe
endive/chicorée
, ainsi que pour la
betterave
sucrière
dont les cultures sont d'ailleurs largement
contaminées par des betteraves mauvaises herbes, résultant d'une
hybridation entre betteraves cultivées et sauvages (betterave maritime),
ce qui indique la forte probabilité du transfert d'un gène vers
les mauvaises herbes.
Cette question de flux de gènes prend toute son ampleur lorsque l'on
considère que la principale application actuelle de la
transgénèse est l'introduction d'une
tolérance aux
herbicides dans les plantes
. Un éventuel transfert de ce
transgène de résistance vers les mauvaises herbes pourrait donc
entraîner une perte d'efficacité desdits herbicides sur ces
plantes indésirables. S'agit-il alors, comme cela est parfois
avancé, d'un risque seulement économique, pour le fabricant du
produit phytosanitaire considéré, de perte de valeur marchande de
son herbicide et, partant, de la plante transgénique elle-même
(d'autant que ce sont parfois les groupes agrochimistes qui développent
les plantes transgéniques résistantes à leur
herbicide) ? Votre rapporteur estime que l'enjeu est également
environnemental, puisque la perte d'efficacité de ces produits actifs
priverait l'agriculture d'herbicides " totaux "
considérés comme les moins polluants du marché, et
entraînerait le retour à l'utilisation des produits
sélectifs, à la toxicité supérieure.
b) L'apparition d'insectes résistants aux plantes transgéniques
Les
plantes génétiquement modifiées pour s'autoprotéger
contre un insecte (comme le maïs résistant à la pyrale
précédemment décrit) pourraient susciter
l'apparition
d'insectes résistants à ces plantes transgéniques
,
à la suite d'une mutation génétique
" naturelle " de cesdits insectes, comme cela se produit dans
certains cas de figure. L'intérêt desdites plantes serait alors
considérablement amoindri, puisque l'autoprotection ne fonctionnerait
plus
Il existe des indices de probabilité de réalisation de ce risque,
qui ne découlent pourtant pas des plantes génétiquement
modifiées, mais bien des méthodes utilisées classiquement
en agriculture. En effet, la toxine produite par la bactérie Bacillus
thurigensis, (dont la synthèse est par ailleurs obtenue par génie
génétique dans le "
maïs Bt
") est
utilisée dans différents pays, dont la France, notamment en
agriculture biologique, sous forme de bio-pesticide. Or, dans certains pays
(Malaisie, Japon, Hawaï), son application répétée,
sous forme de pesticide, a entraîné la sélection de
populations de ravageurs capables de résister à l'action de ce
produit.
Il n'est pas impensable qu'un phénomène identique se produise
avec les plantes transgéniques, même si le taux de présence
de cette protéine est inférieur lorsqu'elle est
" intériorisée " dans la plante transgénique,
par rapport à la concentration plus forte en cette protéine du
pesticide utilisé actuellement en épandage sur les
végétaux.
Il est donc concevable qu'un jour les pyrales, par exemple, puissent
résister au "
maïs Bt
". Ce risque est, là
encore, parfois analysé comme un risque de nature plutôt
économique, puisque sa réalisation aurait pour principal effet de
diminuer l'intérêt des plantes transgéniques
concernées et de revenir à la situation actuelle, où les
moyens de lutte contre ces insectes ne sont pas totalement efficaces.
Toutefois, la dimension environnementale n'est pas non plus absente de cette
problématique puisque l'éventualité de l'apparition de
telles résistances pourrait aussi conduire sur les populations
d'insectes concernées, à la perte d'efficacité du
bio-pesticide considéré, ce qui aurait des conséquences
pour les filières qui l'utilisent actuellement.
Des plans de production incluant
des zones de plantes
" refuges ",
non transgéniques, et donc non
résistantes aux insectes ravageurs, sont d'ailleurs actuellement mis en
place pour la culture de ces plantes. Ils ont pour objet de conserver,
grâce au brassage des populations d'insectes, le caractère
"
homozygote
" d'un éventuel gène de
résistance à la toxine
Bt
qui serait apparu chez l'insecte
concerné, ce qui diminuerait sa diffusion dans l'espèce.
("
l'homozygotie
" signifie que le gène n'est
porté que par un seul des chromosomes de l'insecte, par opposition
à "
l'hétérozygotie
").
c) L'éventuel impact sur les insectes utiles comme l'abeille
Des
insectes utiles comme les abeilles, pollinisatrices, risquent d'être
affectés par le développement des plantes transgéniques.
On parle alors d'effet sur les insectes " non cible ",
c'est-à-dire sur ceux qui ne sont pas visés par la modification
génétique, mais sur qui pourrait néanmoins influer le
changement de métabolisme de la plante. Des études portant sur
des colzas résistants à un herbicide ont été
menées à l'INRA depuis 1990
47(
*
)
et n'ont pas permis de mettre en évidence, pour l'instant, d'effets sur
la mortalité des abeilles, non plus que sur leur comportement de
butinage.
Un industriel qui développe un "
mais Bt
" a en outre
indiqué à votre rapporteur qu'il avait étudié les
conséquences de cette transformation du mais, notamment chez l'abeille,
le ver de terre et la coccinelle. Les résultats de ces tests n'avaient
pas montré d'impact sur les insectes " non cibles ", alors
que, rappelons-le, l'utilisation actuelle des insecticides réduit
considérablement leur nombre.
Toutefois, même s'il n'est pas encore apparu clairement, surtout en
comparaison des effets actuels des insecticides, ce risque d'impact sur les
insectes des plantes transgéniques ne peut être a priori
écarté.
d) Le risque de réduction de la biodiversité
Certains
auteurs estiment que la diffusion des biotechnologies pourraient renforcer la
tendance, déjà présente dans nos agricultures, à
l'appauvrissement de la diversité génétique, par la
possibilité de conférer un même gène à de
nombreuses espèces. Cet appauvrissement de la diversité serait un
facteur de vulnérabilité accrue des cultures.
Notons que d'autres pensent au contraire que le génie
génétique peut être un moyen d'accroître la
diversité génétique.
Le lecteur intéressé par cette question pourra se reporter,
notamment, aux développements qu'avait consacré à cette
question l'excellent rapport de notre collègue député
M. Daniel Chevallier, en 1990
48(
*
)
.
e) L'impact sur la Rhizosphère
La
Rhizosphère est la partie du sol qui est située dans
l'environnement immédiat des racines des plantes. Elle est très
riche en micro-organismes et en substances biologiques.
Il ne peut être exclu que soit démontré un jour un impact
des plantes modifiées sur cet environnement sub-terrestre.
Néanmoins, tout biotope, y compris le rhizosphère, est un milieu
évolutif. Les populations de micro-organismes, par exemple, y
évoluent de façon réversible, en fonction des hôtes
présents et des conditions ambiantes.
Le deuxième type de risque potentiel découle de l'ingestion de
produits alimentaires génétiquement modifiés ou issus
d'organismes qui le sont.
2. Le risque alimentaire
La
consommation d'aliments issus directement ou indirectement du génie
génétique est susceptible d'entraîner, comme toute
modification d'habitude alimentaire, des risques nouveaux pour la santé
humaine.
Rappelons, tout d'abord, que l'ingestion de gènes n'est pas, en soi,
lié à l'avènement de la biotechnologie moderne, puisque de
nombreux aliments qui composent traditionnellement notre alimentation
contiennent déjà des gènes ou des morceaux de
gènes.
a) Le risque toxicologique49( * )
L'ajout
d'un gène nouveau dans une plante peut provoquer une perturbation non
désirée de son métabolisme : l'insertion du
transgène (on parle de " mutagénèse
insertionnelle ") peut rendre d'autres gènes inactifs, ou au
contraire stimuler le fonctionnement de certains autres gènes.
Un risque toxicologique peut apparaître lorsque la
transgénèse conduit à la
production de substances
toxiques
nouvelles ou à la stimulation de la production des toxines
naturellement présentes mais en faible quantité dans les aliments
traditionnels, comme c'est le cas de la solanine de la pomme de terre, de la
tomatine des tomates ou de l'acide érucique du colza.
b) Le risque allergène
Ce
risque existe déjà, de par la consommation courante de certains
aliments, indépendamment des OGM.
Mais, on peut concevoir qu'un gène introduit par
transgénèse provoque la synthèse de protéines
allergéniques, c'est-à-dire déclenchant des allergies chez
certaines personnes seulement, en raison d'une sensibilité
particulière. Ce cas peut se produire soit lorsque ce gène
provient d'une espèce elle-même connue pour ses
propriétés allergisantes (comme l'arachide par exemple), soit
lorsque l'introduction dans la cellule hôte du transgène
détermine la synthèse d'une protéine allergisante.
Un exemple, bien connu, de transgénèse végétale
réalisée à partir de Noix du Brésil, aliment
allergène déjà couramment consommé, illustre la
nature de ce risque. Dans ce cas précis, le gène
d'intérêt, sélectionné pour sa faculté
à permettre la synthèse de la méthionine, avait
été transféré de la noix du Brésil,
espèce où il existait à l'état naturel, à
une variété de soja.
Or, la noix du Brésil provoque des allergies chez certaines personnes.
La séquence d'ADN transférée aurait pu ne pas être
impliquée dans ces allergies, c'est-à-dire ne pas coder pour la
synthèse des protéines provocatrices d'allergies. Tel n'a pas
été le cas : le soja génétiquement modifié
contenait lui aussi les protéines allergènes. Pour cette raison,
il n'a pas été commercialisé et, malgré ce qui est
parfois affirmé ici ou là,
cette expérience n'a jamais
dépassé le stade des travaux de laboratoire
50(
*
)
.
c) Un risque théorique mais symbolique : les transferts de gènes de résistance aux antibiotiques aux micro-organismes du tube digestif
Au cours
des multiples opérations qui conduisent à la
transgénèse, la construction génique
transférée contient des gènes dits
" marqueurs ", cités ci-dessus, qui sont utilisés comme
instrument de laboratoire pour trier les cellules transformées par
rapport à celles où la transgénèse n'a pas
correctement abouti. Or, certains de ces gènes marqueurs sont des
gènes de résistance à un antibiotique (ampicilline ou
kanamycine), ce qui permet de trier, à un certain stade
opératoire, les cellules (seules les cellules à transformation
réussie survivant à l'application de l'antibiotique
considéré).
En ce qui concerne le gène de résistance à l'ampicilline,
qui est déjà présent dans le monde bactérien
à une fréquence élevée, il ne reste souvent dans
les constructions géniques que sous forme de fragments non fonctionnels,
c'est-à-dire qu'il ne conduit pas à l'expression dans la plante
de la protéine de résistance à l'antibiotique (notamment
en raison de la nature de son gène promoteur -promoteur
bactérien-, inadapté au règne végétal). En
revanche, le second gène de résistance (kanamycine) s'exprime
parfois dans la plante transgénique.
Quel est le risque que ces gènes de résistance aux
antibiotiques se transmettent à d'autres organismes ?
Même si ce risque est considéré comme très faible et
de conséquence négligeable par de nombreux scientifiques, votre
rapporteur, soucieux de sa forte portée symbolique, souhaite en faire
ici la brève présentation.
Certaines bactéries sont capables d'intégrer de l'ADN cellulaire
dans leur génome par " transformation génétique
spontanée ". Il est donc théoriquement concevable qu'un
transgène végétal par exemple puisse être
transféré vers des micro-organismes (on pense notamment à
la flore microbienne du tube digestif et, aussi, aux micro-organismes du sol).
Cette éventualité apparaît, dans l'état actuel des
connaissances, hautement improbable
51(
*
)
. Sa
possibilité de réalisation n'a, en tous cas, pas
été démontrée. Elle suppose, entre autres, la
persistance dans le tube digestif de fragments d'ADN suffisamment longs pour
contenir la totalité du transgène, la présence effective
de bactéries spontanément transformables et la levée de
barrières s'opposant à cette intégration, tous
événements à très faible probabilité de
réalisation. Il est souvent souligné que la réalisation de
ce risque n'aurait que peu de conséquence puisque la résistance
des micro-organismes du système digestif animal et humain aux
antibiotiques existe déjà d'une façon assez massive,
à cause des prescriptions thérapeutiques actuelles des
antibiotiques et de leur utilisation en nutrition animale.
Si minime qu'il semble être, ce risque, parce qu'il revêt une
forte portée symbolique pour nos concitoyens, doit être
écarté le plus vite possible, s'agissant de gènes
" de construction ", qui sont de simples outils de fabrication en
laboratoire du transgène, et n'ont pas en soi d'autre
intérêt.
Les industriels doivent s'efforcer de trouver une autre solution pour leur
travail de laboratoire.
Les avis des experts recueillis le 5 septembre dernier par le
Comité de prévention et de précaution formulent d'ailleurs
sur ce sujet la recommandation suivante :
" Etant donné le risque d'augmentation de la diffusion de ces
gènes de résistance, et comme il est techniquement faisable
d'enlever ces gènes indicateurs avant mise sur le marché, il faut
recommander, à l'avenir, l'interdiction de toutes les constructions
transgéniques qui en contiendraient "
.
B. LES PRINCIPES D'ÉVALUATION DE CES RISQUES
L'avènement -récent- précédemment
décrit du génie génétique s'est accompagné
de la mise en place d'instances et de procédures d'évaluation des
risques potentiels liés à cette technologie.
Dès 1974, la Conférence d'Azilomar, aux Etats-Unis,
réunissant des chercheurs qui, des deux côtés de
l'Atlantique, entrevoyaient les applications possibles de leurs
découvertes, avait donné lieu à la création de
comités de surveillance.
En France, dès cette date, un groupe de réflexion s'est
constitué à la délégation générale
à la recherche scientifique et une " commission de classement et de
contrôle des expériences de génie
génétique " a examiné dès mai 1975 les
premiers dossiers concernant les activités de recherche. Cette
commission a pris en 1980 le nom de " commission du génie
génétique ". En 1986, un arrêté du
ministère de l'agriculture crée une commission
d'évaluation scientifique des risques pour l'homme et pour
l'environnement liés à l'utilisation des organismes
génétiquement modifiés, la commission d'étude de la
dissémination des produits issus du génie biomoléculaire
(CGB).
Le contrôle des biotechnologies n'a depuis cessé de renforcer, au
point que certains acteurs du secteur estiment qu'il s'agit
d'une des
activités humaines les plus réglementées
. Les
procédures réglementaires d'autorisation seront décrites
plus loin dans le présent rapport, mais on peut à ce stade
souligner que le délai d'aboutissement d'un dossier OGM, entre le
laboratoire et la mise sur le marché se compte en années et que
de très nombreuses expertises scientifiques sont exigées par les
différents comités d'évaluation.
Sans parler du travail réalisé par les comités
scientifiques de l'Union européenne
52(
*
)
,
cette évaluation est principalement réalisée en France par
la commission du génie génétique (CGG) et la commission du
génie biomoléculaire (CGB), dont l'existence a été
institutionnalisée par la loi n° 92-654 du
13 juillet 1992
53(
*
)
relative au
contrôle de l'utilisation et de la dissémination des OGM (texte de
la loi reproduit en annexe du présent rapport).
1. Les instances françaises d'évaluation des risques
Il est frappant de constater que l'opinion publique a souvent le sentiment d'un certain laxisme de la réglementation en matière d'OGM, alors que les procédures d'autorisation sont longues et très encadrées, tant au niveau français qu'au niveau communautaire (voir troisième partie).
a) La commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire (CGB)
La
commission du génie biomoléculaire (CGB), créée en
1986 par le ministre François Guillaume, a vu son rôle
renforcé par les dispositions de la loi n° 92-654 du
13 juillet 1992 précitée.
Cette instance intervient en amont de la délivrance des autorisations.
Elle est chargée aux termes de l'article 3 de cette loi, de
l'évaluation des risques liés à la dissémination
volontaire d'OGM. Elle contribue en outre à l'évaluation des
risques liés à la mise sur le marché de produits
composés d'OGM.
Ses attributions
sont très vastes et concernent l'ensemble des
produits issus du génie génétique. Plusieurs
décrets sectoriels intervenus depuis 1992
54(
*
)
en ont délimité le champ. L'ouvrage
collectif publié en 1997, sous la direction d'Axel Kahn : "
Les
plantes transgéniques en agriculture, 10 ans d'expérience de
la CGB
", illustre son intense activité. On peut résumer
ainsi son secteur de compétence :
-
évaluation des risques liés à la
dissémination volontaire d'OGM
(c'est-à-dire à leur
introduction dans l'environnement), dans un autre but que la mise sur le
marché ;
-
évaluation des risques liés à
la mise sur
le marché
des produits composés en tout ou partie d'OGM ;
-
consultation
en cas d'utilisation éventuelle de la
procédure simplifiée, (possible dans certains cas) et pour
l'habilitation des personnes pouvant rechercher et constater par
procès-verbal les infractions à la réglementation sur les
disséminations dans l'environnement ;
-
consultation facultative
par tout ministre ou toute personne
concernée de droit public ou privé (décret du
23 février 1993).
Un récapitulatif des dossiers examinés par la CGB a
déjà été dressé ci-dessus (1ère
partie, B, 2) : il illustre l'ampleur de son travail et de son éventail
d'attributions.
La composition de la CGB
associe, depuis son origine, les experts
scientifiques et des représentants de la société
civile
. Les dix huit membres titulaires sont en effet les suivants :
- 11 experts scientifiques dans le domaine du génie
biomoléculaire ;
- un membre de l'office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques ;
- un représentant des industries mettant en oeuvre les OGM ;
- un représentant de la production agricole ;
- un représentant d'une association de défense des
consommateurs ;
- un représentant d'une association de protection de
l'environnement agréée ;
- un représentant des salariés des industries mettant en
oeuvre les OGM ;
- une personnalité qualifiée désignée en
raison de ses compétences juridiques.
Le secrétariat de la commission est assuré par le
ministère chargé de l'agriculture, assisté du
ministère chargé de l'environnement.
Pour chaque dossier, de très nombreuses informations sont requises afin
de mener à bien l'examen à la CGB et deux rapporteurs internes y
sont nommés par le Président. De plus, un rapporteur externe est
choisi par l'entreprise pétitionnaire sur une liste de trois
scientifiques proposée par le Président lorsque la construction
génétique n'a pas encore été examinée par la
CGB.
Le débat entre le pétitionnaire et la Commission est
contradictoire. Les avis de la CGB sont généralement
adoptés par consensus, exceptionnellement par vote.
La procédure d'autorisation
préalable est
nécessaire pour toute dissémination d'OGM. Cette procédure
fait intervenir un avis scientifique de la CGB. Elle est décrite
ci-après (descriptif du contenu de la directive 90-220 dans la
troisième partie).
b) La commission de génie génétique (CGG)
Cette
Commission
55(
*
)
a elle aussi vu son existence
confirmée par l'article 3 de la loi de 1992. Elle est placée
auprès du ministre chargé de la recherche, ainsi que du ministre
chargé de l'environnement. Aux termes de la loi, elle est chargée
d'évaluer les risques que présentent les OGM et les
précodés utilisés pour leur obtention ainsi que les
dangers potentiels liés à l'utilisation du génie
génétique.
Elle établit des classes de risques et
propose les mesures de confinement
souhaitables
. Les projets
étudiés par la CGG émanent tant d'organismes de recherche
publics que d'entreprises privées.
La CGG est composée de 19 scientifiques, dont un tiers au moins
compétent en matière de protection de l'environnement et de la
santé publique, et d'un représentant de l'office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Rappelons que toute utilisation d'OGM, même confinée, même
à des fins de recherche ou de développement, est
subordonnée à un
agrément préalable
délivré par l'autorité administrative après
consultation de la CGG.
c) Les autres instances
La
procédure d'évaluation des risques liés aux OGM fait
également systématiquement intervenir l'expertise des
comités scientifiques placés auprès de l'Union
européenne
, ainsi que, selon le cas, le
conseil supérieur
d'hygiène publique de France (CSHPF)
ou le comité
technique permanent de la sélection végétale (CTPS).
Signalons également la saisine, récemment effectuée par le
ministre chargé de l'environnement,
du comité de
prévention et de précaution
(CPP), qui a publié un
recueil d'avis au sujet des OGM le 5 septembre dernier.
2. L'exemple de l'évaluation de la sécurité alimentaire
L'exemple de l'évaluation des risques liés
à
l'ingestion d'OGM permet de mieux cerner la méthodologie, rigoureuse,
qui est employée.
L'évaluation de la sécurité des produits alimentaires
contenant des OGM ou issus d'OGM repose sur des principes fixés
dès le début des années 1980 par l'Organisation de
Coopération et de Développement Économique (OCDE), la FAO
(Food and Agriculture Organization) et l'Organisation Mondiale de la
Santé (OMS). La démarche est la suivante
56(
*
)
: les aliments déjà consommés
sont considérés comme ayant, sur la base d'une longue
expérience, fait la preuve de leur innocuité. Ils servent donc de
référence pour évaluer la salubrité des aliments
nouveaux contenant des OGM ou issus d'OGM. La comparaison entre un aliment
nouveau et un aliment traditionnellement consommé permet de
déterminer s'il y a ou non " équivalence de substance ".
La détermination de cette éventuelle équivalence se fait
de la façon suivante :
ÉVALUATION DE LA SÉCURITÉ DES ALIMENTS ISSUS DE PLANTES TRANSGÉNIQUES
Le
concept d'équivalence en substance
prend en compte :
- la composition nutritionnelle d'un produit (nutriments
caractéristiques, facteurs antinutritionnels, toxiques naturels)
comparée à celle d'un produit traditionnel de
référence ;
- la caractérisation de l'ADN inséré et la
protéine produite ;
- les caractéristiques phénotypiques et agronomiques
habituellement évalués pour l'inscription d'une
variété végétale au catalogue des semences.
L'évaluation de l'équivalence en substance
peut aboutir
à trois situations
:
- l'équivalence peut être démontrée : aucune
différence entre le produit traditionnel et l'OGM n'a pu être
démontrée (C'est le cas pas exemple lorsque la transgène
ne s'exprime pas dans la partie comestible de la plante). Ces produits sont
considérés comme alimentaires au même titre que les
aliments traditionnels, aucune autre démonstration de salubrité
ne s'impose ;
- l'équivalence est démontrée à l'exception de
la protéine exprimant le transgène. Il convient alors de
démontrer l'innocuité de ses produits et des métabolites
résultant de leur dégradation ou de leur action ;
- l'équivalence ne peut pas être établie. Une approche
séquentielle au cas par cas doit être établie, avec tests
toxicologiques et expérimentation animale.
Un exemple : le soja tolérant au glyfosate
-
analyse nutritionnelle
: analyse des graines, sucres,
protéines, acides aminés, acides gras, fibres et cendres ; dosage
des composés antinutritionnels naturellement présents dans le
soja (composés antitrypsiques par exemple), analyse de la composition de
farines dégraissées, de l'huile, de la lécithine,
d'isolats et de concentrés de protéines.
Conclusion
: la composition est équivalente sauf en ce qui
concerne la protéine codée par le gène de
résistance au glyfosate, qui a fait l'objet d'une évaluation
supplémentaire.
-
évaluation de la nouvelle protéine
:
caractéristiques physique et fonctionnelle ; test in vitro de
dégradation par les sucs gastriques et digestifs ; gavage de souris
à des doses 1.000 fois supérieures à celles qu'un
consommateur est capable d'ingérer ; comparaison avec les
protéines allergénisantes connues.
-
évaluation de la valeur nutritive
: tests d'alimentation
chez des rats, des vaches laitières, des poulets et des poissons-chats
pour analyser l'indice et la vitesse de croissance des animaux, ainsi que la
composition du filet du poisson et le poids des muscles de la poitrine et des
graisses du poulet.
Source : Article de Jocelyne Rajnchapel - Messaï dans
" Agroperformances " et ouvrage précité du CNERNA.
Pour revenir sur le
risque de provocation d'allergies alimentaires
par
les protéines qui seraient éventuellement codées par un
gène transféré, rappelons qu'en dehors de toute
intervention du génie génétique, d'après les
spécialistes
57(
*
)
, environ
1 à
2 % de la population adulte souffre aujourd'hui d'allergie
alimentaire
, le plus souvent à l'oeuf, au lait, au poisson, aux
crustacés ou à l'arachide.
Au total, ce seraient plus de 160 aliments qui auraient été
associés à une réaction allergique, même si
90 % des allergies sont causées par les quelques aliments
cités ci-dessus.
En ce qui concerne les aliments issus du génie génétique,
votre rapporteur souhaite insister sur :
-
la nécessité
de ne pas accroître par la
transgénèse le risque allergénique, qui,
déjà présent dans l'alimentation traditionnelle, tue
chaque année plusieurs dizaines de personnes. En particulier, il semble
raisonnable, dans l'état actuel des connaissances,
de ne pas
transférer de gène provenant d'une espèce connue pour ses
propriétés allergéniques
;
-
le devoir
de poursuivre les recherches sur les allergies
conférées par les aliments, (en particulier les aliments
traditionnellement consommés) : la
banque de données des
protéines allergisantes
, déjà importante, doit
être complétée ;
-
l'espoir que pourraient représenter,
en matière
d'allergie, les biotechnologies : la recherche sur le génome du riz,
notamment, permettra sans doute un jour d'évacuer les
propriétés allergisantes de cet aliment.
*
* *
Au terme
de ces développements consacrés aux risques potentiels
liés à l'avènement du génie
génétique, on peut formuler deux observations.
D'abord, il faut souligner que les
biotechnologies peuvent constituer un
facteur de diminution des risques et des nuisances de notre
société.
Maîtrisée, cette technologie pourrait accroître notre
sécurité. Il est permis de penser, par exemple, que la
tragédie de la transfusion de sang contaminé par le virus HIV
aurait pu être évitée si avait été
utilisé du plasma sanguin produit par des végétaux
transgéniques, de même que le drame de l'hormone de croissance
contaminée.
En matière
nutritionnelle
, il est envisageable de diminuer, par
le génie génétique, les risques de maladies
cardio-vasculaires, ou au contraire d'enrichir notre alimentation en nutriments
essentiels.
Pour
l'environnement
, les biotechnologies sont un outil puissant pour
réduire l'utilisation des pesticides et des herbicides, dont les
nuisances, bien connues, ne sont plus à démontrer.
La deuxième observation porte sur le décalage qui existe entre
le sérieux, l'ampleur et la longueur des procédures
d'évaluation scientifique des risques mises en place avant même le
développement de cette technologie dans notre pays et
certaines
affirmations très alarmistes
58(
*
)
sur le
danger des OGM
.
En aucun cas votre rapporteur ne s'estime à même de trancher
entre telle ou telle prise de position scientifique. Il a d'ailleurs
personnellement veillé, au cours des travaux préparatoires
à la rédaction du présent rapport, à rencontrer le
plus grand nombre de sensibilités les plus variées
59(
*
)
et à prendre connaissance des positions des
uns et des autres sur ce sujet.
Mais il semble vraiment urgent qu'un vrai débat, c'est-à-dire un
échange rationnel, s'instaure entre la communauté scientifique,
les associations et le grand public, afin de permettre à ce dernier de
démêler le vrai du faux, l'argumentation raisonnée de
l'affabulation.
Que n'entend-on pas dire en effet sur les organismes
génétiquement modifiés ! Certaines campagnes
" d'information " du public n'hésitent pas à diffuser
l'image d'une tomate contenant un embryon humain et à assortir cette
illustration d'un commentaire relatif à la libération dans
l'environnement des organismes génétiquement manipulés !
Des sites Internet parlent de " Tomate de la mort " ou de
" Tomate Frankestein " à propos de la tomate Calgène.
La campagne électorale en Suisse pour le vote du 7 juin prochain
utilise des affiches montrant les ravages opérés par la
catastrophe de Tchernobyl sur des enfants, en appui de son opposition aux OGM.
L'amalgame est ainsi devenu pratique courante.
Comment, dès lors, la société pourrait-elle se
déterminer sereinement sur ce sujet d'importance ? Car les enjeux
liés à cette technique sont considérables pour notre
économie, notre société, notre culture.
DEUXIÈME PARTIE -
DES ENJEUX
CONSIDÉRABLES
Mis
à part certains cercles très avertis, on ne perçoit que
peu, en France, l'ampleur des changements dont est potentiellement porteur le
génie génétique. Ce sujet a en effet tendance à
être considéré comme purement technique et en marge des
préoccupations quotidiennes, sans que la société en
perçoive vraiment l'enjeu.
Le débat est d'ailleurs confiné à un petit nombre de
spécialistes. Ou alors, peu informé, le corps social
n'exprime-t-il, dans le meilleur des cas, qu'un rejet a priori, bien habituel,
vis-à-vis d'une nouvelle technique dont il ne ressent pas le besoin et
pour laquelle il n'a pas, compte tenu de circonstances sur lesquelles nous
reviendrons, de sympathie naturelle. Les biotechnologies apparaissent souvent,
à tort, comme un sujet mineur, abscons, voire obscur, bardé de
sigles et, semble-t-il parfois, de polémiques scientifiques.
Comment ne pas être méfiant ?
Il apparaît donc utile de rappeler succinctement ce qu'il y a à
gagner ou à perdre, dans le court terme, mais aussi dans le moyen terme,
à adopter ou à refuser ce tournant majeur.
Cinq principaux enjeux apparaissent liés au développement du
génie génétique : la sécurité
alimentaire du prochain siècle, le respect de l'environnement, la
croissance de l'économie, le statut de l'agriculteur et le respect de
principes éthiques fondamentaux.
A. LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE MONDIALE
En
matière de sécurité alimentaire dans les prochaines
décennies, c'est-à-dire d'accès aux ressources
alimentaires, le constat dressé par des organisations internationales
comme la FAO -Organisation des Nations unies pour l'alimentation et
l'agriculture- ou la banque mondiale est le suivant : la
sécurité alimentaire de la planète devrait diminuer au
XXIe siècle, sous l'effet conjugué de l'accroissement de la
population et de la diminution des surfaces cultivées.
La population mondiale devrait quasiment doubler d'ici à 2050, selon
la tendance suivante :
LES
PERSPECTIVES D'ACCROISSEMENT DE LA POPULATION MONDIALE
(en milliards d'habitants)
Source :
FAO
On estime que l'augmentation de la population mondiale devrait atteindre en
moyenne 83 millions par an entre 2020 et 2025. Les augmentations les plus
fortes auraient lieu en Afrique de l'Ouest, de l'Est et du Centre.
Pour permettre de nourrir, avec la productivité agricole actuelle ce
surplus de population mondiale, les surfaces cultivées devraient en
conséquence être considérablement augmentées.
Pour donner un ordre de grandeur de l'augmentation nécessaire, si on
estime aujourd'hui que la surface agricole utile équivaut environ
à la superficie du continent nord-américain, il faudrait qu'elle
s'étende, pour permettre une production agricole susceptible de nourrir
les générations futures, à une surface équivalant
à l'Amérique du Nord et du Sud réunies !
Or c'est à une réduction, relative et absolue, des surfaces
cultivées, que l'on est susceptible d'assister, plutôt qu'à
une augmentation.
Les surfaces cultivables par habitant devraient diminuer dans le même
temps.
Les terres cultivables n'étant pas infinies et tendant même
à se réduire du fait de l'augmentation démographique, la
surface de terre arable disponible par habitant -même en prenant
l'hypothèse d'une mise en culture des terres actuellement en
jachère- devrait diminuer dans les prochaines décennies, comme le
montre l'estimation suivante :
LA
DIMINUTION PRÉVISIBLE DES SURFACES CULTIVABLES PAR HABITANT
(en hectare par habitant)
Source :
FAO
En conséquence, la sécurité alimentaire devrait
diminuer dans les cinquante prochaines années.
Vers une nouvelle révolution verte " ?
Depuis la deuxième guerre mondiale, l'augmentation considérable
des rendements et de la productivité agricole, ou
"
révolution verte
", a pu répondre aux nouveaux
besoins alimentaires grâce, notamment, à la sélection
variétale, à l'utilisation des produits phytosanitaires et
à la mécanisation. Ce mouvement doit être poursuivi pour
que l'approvisionnement alimentaire mondial soit assuré pour les
générations futures.
Le génie génétique pourrait donner un nouveau souffle
à l'amélioration des rendements agricoles.
Tel est l'avis
d'un groupe d'experts de la banque mondiale
60(
*
)
qui a récemment publié des conclusions sur ce sujet et qui a
montré l'apport que peut constituer la biotechnologie à la
résolution des problèmes alimentaires mondiaux à venir.
L'accroissement de la
productivité, à la
résistance à la sécheresse et aux conditions climatiques
extrêmes
sont, par exemple, des perspectives porteuses de solutions
pour l'avenir.
Le transfert de cette technologie vers les pays en développement
Votre rapporteur estime que la communauté internationale doit s'efforcer
de développer des modes de transfert de cette technologie aux pays en
développement et encourager la recherche sur les espèces
végétales autochtones.
Comme l'a précisé à votre rapporteur le Directeur
général de la FAO, la commission de la FAO chargée des
ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture
(à laquelle appartiennent actuellement 156 pays et la
Communauté européenne) travaille à l'élaboration
d'un
Code de conduite pour les biotechnologies végétales
,
dont l'un des objectifs sera de promouvoir l'application de
"
biotechnologies appropriées
" (c'est-à-dire
encourageant le développement d'une agriculture durable) pour la
"
conservation et l'utilisation durable des ressources
phytogénétiques dans la production vivrière et le
développement agricole
",
visant à
optimiser les effets des biotechnologies, surtout pour les pays en
développement.
Plusieurs documents
61(
*
)
retracent
l'évolution des discussions depuis 1991, date à laquelle la
commission des ressources génétiques de la FAO a
recommandé l'élaboration de ce code.
En la matière, un représentant de la FAO a précisé
à votre rapporteur que parce qu'elle est coûteuse, la recherche
biotechnologique tend à concentrer ses efforts sur les espèces de
culture de rente et les produits les plus intéressants au plan
économique. Si aucune mesure n'est prise à cet effet, certaines
espèces des pays en développement, importantes au plan local et
social, risquent de perdre encore du terrain.
En conséquence, estime
la FAO, la recherche sur les biotechnologies appropriées a besoin
d'être encouragée par des incitations économiques et des
accords institutionnels
.
Votre rapporteur partage ce point de vue. A cette condition seulement, les
biotechnologies peuvent être une chance pour les pays les moins
développés.
Une enquête, qui a été lancée par la FAO
auprès de 400 experts internationaux, a permis d'identifier les
quatre préoccupations principales suivantes concernant l'introduction
des biotechnologies dans les pays en développement :
sécurité biologique, propriété intellectuelle,
remplacement des produits agricoles traditionnels (qui menacent certaines
productions comme le cacao, la vanille...) et adéquation des
biotechnologies aux besoins des pays en développement.
B. L'ENJEU ENVIRONNEMENTAL : LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
La
" révolution verte " ne s'est pas faite sans dommage pour
l'environnement. Les remarquables progrès agronomiques des
décennies passées sont en partie dus à l'utilisation
accrue des pesticides et des herbicides.
On estime que la quantité d'engrais utilisés a
été multipliée par 3,6 en 20 ans, entre 1970 et 1990,
tandis que celle des produits phytosanitaires a été
multipliée par 4,2.
L'agriculture est donc devenue fortement consommatrice d'intrants.
Les biotechnologies peuvent contribuer à développer une autre
logique, plus respectueuse de l'environnement, plus préservatrice des
ressources à moyen terme de notre planète : c'est la logique
du développement durable.
Les applications agricoles du génie génétique permettent
en effet de diminuer massivement l'utilisation des herbicides et insecticides,
en instaurant par exemple des " autoprotections " contre les
ravageurs dans le génome des plantes.
Ainsi, le professeur Jeff Schell, pionnier européen de la
transgénèse végétale, écrivait-il
récemment à ce sujet dans la revue
" Biofutur "
62(
*
)
.
"
Or, cette agriculture est grosse consommatrice d'intrants et nous en
connaissons aujourd'hui le coût : l'épuisement rapide des sols et
de l'environnement en général. De telles pratiques culturales,
notamment celles qui concernent la protection des cultures contre les maladies
et les parasites, sont impossibles à poursuivre sans détruire
irrémédiablement la terre qui nous nourrit (...). On peut donc
prévoir que les biotechnologies végétales contribueront
à rendre
l'agriculture intensive à la fois plus productive et
plus respectueuse de l'environnement
. Les espèces de grande culture
comme le riz, le blé, le maïs, le soja et la pomme de terre, ou
celles cultivées plus localement comme le manioc, devraient en
être les premières bénéficiaires
".
Les avantages environnementaux que l'on peut attendre des plantes
résistantes aux insectes et tolérantes aux herbicides
63(
*
)
, ainsi que des futures cultures qui
résisteront à la sécheresse et aux autres stress
climatiques sont en effet les suivants :
-
diminution significative des traitements insecticides et
herbicides
, avec des conséquences sur la qualité du sol, des
eaux, de la faune, mais aussi des aliments consommés. Certains exemples
existants de cultures transgéniques actuelles montrent que le nombre
d'applications de ces produits chute sensiblement, suivant le degré
d'infestation des zones concernées ;
-
changement des pratiques culturales
: la culture du soja
modifié génétiquement pour résister au glyfosate,
depuis 1996 aux Etats-Unis, a, par exemple, permis, sur 30 % de la sole de
soja
64(
*
)
, de n'effectuer qu'un
travail
simplifié du sol
. Économiser l'étape du labour a
réduit l'érosion et a permis, dans certaines zones,
d'améliorer la qualité des eaux, de préserver l'habitat de
la faune du sol (le nombre de vers de terre utiles à la
régénération et à l'oxydation du sol aurait
été multiplié dans certains cas par 2 ou 3), et
d'éviter les phénomènes de ruissellement d'eau. Notons que
cette technique de culture permet de faire l'économie d'infrastructures
coûteuses et qu'elle est donc particulièrement adaptée aux
pays en développement ;
-
meilleur contrôle de la déforestation et de la
désertification
par l'augmentation possible de la
productivité des plantes et le contrôle des métabolismes
végétaux ;
-
économie d'utilisation de l'eau pour l'irrigation
,
notamment en ce qui concerne les transformations génétiques
visant à accroître la résistance à la
sécheresse. Rappelons que
la consommation d'eau a triplé entre
1950 et 1990
et que l'approvisionnement durable en eau devient un enjeu
crucial pour l'agriculture de demain.
Les disponibilités en eau par habitant auront en effet selon les
estimations internationales, tendance à se raréfier dans les
décennies à venir, comme le montre le tableau suivant.
LA
RARÉFACTION DES RESSOURCES DISPONIBLES EN EAU
(en millions de m3 par habitant par an)
|
Afrique |
Asie |
Europe |
Amérique du Nord |
Amérique latine |
1950 |
20,6 |
9,6 |
5,9 |
37,2 |
105,0 |
2000 |
5,1 |
3,3 |
4,1 |
17,5 |
28,3 |
Source : Sommet mondial de l'Alimentation - Rome 1996
Les biotechnologies ne représentent donc pas pour l'environnement la
menace, brandie parfois, du développement de "
plantes
folles
", essaimant des gènes chimères aux quatre vents.
Car si elles comportent des risques potentiels pour l'écosystème,
décrits au chapitre précédent, elles sont aussi une
opportunité à saisir pour mieux concilier les pratiques de
cultures et le respect de l'environnement.
Le " risque " environnemental des OGM doit donc être
appréhendé dans sa globalité, c'est-à-dire en
tenant compte de leur capacité -étonnamment peu mise en avant par
certains- à diminuer les nuisances environnementales actuelles.
Un récent rapport de la commission de l'agriculture et du
développement rural du Parlement européen, présenté
par Mme Hedwig Keppelhoff-Wiechert, a souligné les
avantages
environnementaux dont peut être porteuse une utilisation raisonnée
des OGM :
EXTRAIT DU RAPPORT 65( * ) DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LES CONSÉQUENCES DE LA BIOTECHNOLOGIE SUR L'AGRICULTURE
" Les activités humaines sont dans tous les
domaines, y
compris l'agriculture synonymes d'atteintes à l'environnement (...).
Les variétés résistantes à la maladie peuvent
permettre de
réduire de manière draconienne les mesures
phytosanitaires.
Le génie génétique permet
également d'améliorer la capacité d'appropriation de la
substance nutritive des plantes (efficacité nutritive) ce qui permet
d'économiser les engrais et de réduire le lessivage des
substances nutritives dans les eaux souterraines. La culture de
variétés tolérant les herbicides permet l'utilisation
ciblée et parcimonieuse d'herbicides à large bande respectueux de
l'environnement.
C'est la sélection des plantes qui s'efforce d'obtenir en
priorité le maintien de la diversité génétique.
Cet objectif n'est pas compromis par l'utilisation de méthodes
modernes comme le génie génétique.
Aujourd'hui,
6,1 millions de modèles des principales variétés sont
stockés dans des banques et des collections génétiques
privées et publiques. Ces modèles servent de base au
développement de nouvelles variétés dotées de
nouvelles propriétés afin qu'elles soient utilisées
ultérieurement. De nouveaux potentiels de résistance utiles
à la production durable pourront être
découverts. "
C. L'ENJEU ÉCONOMIQUE
L'enjeu
économique lié à l'utilisation des OGM dépasse
largement la seule question des échanges agricoles internationaux (et
notamment des importations de maïs et de soja américain en Europe).
Ce sont en effet de nombreux secteurs de l'économie qui pourraient
être affectés par la révolution génétique. Le
nombre des applications, décrites dans la première partie, de
cette technique, confronté à l'avance de certains pays en la
matière laissent entrevoir l'ampleur des conséquences que les
biotechnologies pourraient avoir sur la compétitivité
européenne.
Car dans l'économie mondiale, la biotechnologie est en passe de devenir
un facteur essentiel de croissance et d'emplois. L'Europe doit prendre
conscience de ce changement majeur qui est à l'oeuvre et pourrait avoir
des répercussions économiques aussi fortes que l'introduction des
nouvelles technologies de l'information. D'ailleurs, il s'agit là, ne
nous y trompons pas, de deux priorités essentielles des pouvoirs publics
américains.
1. L'enjeu agricole transatlantique
L'autorisation en Europe des OGM représente tout d'abord un fort enjeu
en termes de commerce agricole international.
En effet,
le montant des exportations américaines vers l'Europe
de blé, maïs et soja, par exemple, dépasse les
3 milliards de dollars par an, comme le montrent les chiffres suivants,
fournis à votre rapporteur par les services du ministère du
commerce à Washington :
QUELQUES EXPORTATIONS AGRICOLES AMÉRICAINES
VERS
L'EUROPE
(en milliers de dollars)
Produit |
1996 |
1997 |
||
|
Europe des 15 |
France |
Europe des 15 |
France |
Soja et dérivés |
2 492 311 |
75 841 |
2 725 729 |
129 209 |
Maïs |
84 237 |
11 308 |
71 636 |
11 355 |
Corn Gluten Feed |
673 183 |
26 231 |
540 917 |
17 277 |
Blé |
135 825 |
6 980 |
197 460 |
124 |
Farine de blé |
1 001 |
47 |
1 857 |
5 |
Total |
3 386 479 |
120 407 |
3 537 599 |
157 970 |
Source US Department of commerce
Or, la
proportion de surfaces transgéniques emblavées en Amérique
du Nord (comme en Amérique du Sud), s'accroît très
considérablement, amenant ainsi les OGM sur le devant de la scène
agricole.
Il est fort probable que la pression américaine sur l'Europe
s'intensifie : la menace d'une plainte à l'organisation mondiale du
commerce, sur le modèle du différend sur la viande aux hormones,
est parfois évoquée.
Plusieurs interlocuteurs américains ont d'ailleurs fait part à
votre rapporteur de leur ferme volonté d'inscrire les biotechnologies au
programme des prochaines négociations multilatérales agricoles,
à venir en 2000.
L'Europe ne doit en aucun cas se déterminer sur un sujet aussi important
en fonction de cette seule contrainte commerciale. Mais force est de constater
que ce sujet risque d'être évoqué avec détermination
par nos partenaires américains.
La dépendance protéique européenne
Un facteur augmente encore l'acuité du sujet des OGM en matière
de relations agricoles transatlantiques : c'est celui de la forte
dépendance européenne vis-à-vis des protéines
végétales (contenues dans le soja notamment) produites
principalement en Amérique. Le volume des exportations
américaines de soja en Europe ont atteint en 1997 le montant de
2,7 milliards de dollars.
Le taux déjà élevé, de dépendance
européen risque en effet de s'accroître dans les prochaines
années.
Le document de synthèse élaboré à l'issue de la
journée européenne sur les protéines
végétales à Strasbourg le
10 décembre 1996 a dressé le constat suivant :
LE CONSTAT D'UNE DÉPENDANCE QUI S'ACCROÎT
[... La
tendance évolue désormais défavorablement : le
déficit de l'Union européenne en matières riches en
protéines dépasse aujourd'hui 70 % ;
il est de
80 % pour les seules protéines végétales
.
En effet, comme la demande mondiale, la demande européenne augmente
régulièrement de 3 % par an.
Or, la production de protéines végétales de l'Union
européenne est stable, voire en diminution... [...]
Les protéagineux ont régressé de 1,6 millions de
tonnes depuis 1993. Et les perspectives ne sont pas favorables non plus en ce
qui concerne les fourrages déshydratés riches en protéines
comme la luzerne.
Surtout, les surfaces d'oléagineux sont limitées à moins
de 5 millions d'hectares dans le cadre des accords de Blair House.
Le marché mondial des protéines connaît depuis 20 ans
un rythme de croissance de l'ordre de 3 % par an, ce qui est remarquable.
Cette tendance est soutenue, voire renforcée par la forte augmentation
de la demande asiatique que l'on observe dès à présent.
Par ailleurs, l'offre disponible à l'exportation reste, comme il y a
20 ans, limitée à 75 % au soja et à trois pays
(Etats-Unis, Brésil, Argentine).
Votre rapporteur est préoccupé par cette évolution.
Rappelons nous que, dès 1974, l'embargo américain sur le soja
avait mis en évidence la fragilité de la situation
européenne. Aussi a-t-il récemment attiré l'attention du
Gouvernement sur ce point, lors d'une question orale discutée en
séance publique au Sénat
66(
*
)
.
Cette dépendance politique de l'Europe rend incontournable la question
des OGM, d'autant que la discrimination entre les récoltes contenant des
plantes transgéniques et celles n'en contenant pas apparaît
impossible.
Les représentants de l'association américaine des producteurs
de soja situés à Saint-Louis, dans le Missouri, que votre
rapporteur a rencontrés, ont exprimé à ce sujet une
position ferme :
- les producteurs de soja américains adoptent très
massivement les biotechnologies ;
- leurs méthodes de production ne permettent pas actuellement de
séparer le soja transgénique du soja non transgénique
puisqu'en cinq points, le long de la filière de récolte et de
distribution, un telle ségrégation est jugée, dans
l'état actuel des équipements, impossible. L'instauration
éventuelle d'une ségrégation devrait être
extrêmement coûteuse ;
- les autres producteurs mondiaux (l'Argentine notamment) sont dans la
même situation.
Les distorsions de concurrence entre producteurs
Plus fondamentalement, les OGM sont aussi un facteur de
diminution
potentielle des coûts de production agricole
:
dans ce
sens, ils contribuent à la compétitivité des productions
et donc des exploitations agricoles. Certaines organisations professionnelles
craignent ainsi que l'approche européenne ne laisse durablement
s'installer une distorsion de concurrence entre producteurs de part et d'autre
de l'Atlantique.
A ce sujet, un récent rapport
67(
*
)
faisait état de résultats impressionnants constatés dans
les exploitations chinoises et nord américaines suite à
l'utilisation des cultures transgéniques.
QUELQUES EXEMPLES DE GAINS POUR L'EXPLOITATION AGRICOLE DE L'UTILISATION DES PLANTES TRANSGÉNIQUES
D'après l'ISAAA, les résultats suivants auraient
été obtenus :
Accroissement de 5 à 7 % du rendement du tabac chinois
résistant aux virus, économie de 2 à 3 applications
d'insecticide ;
70 % du coton " Bt " américain n'a requis aucune
application d'insecticide en 1996 ; l'accroissement moyen du rendement
s'élevant à 7 %, soit un bénéfice de
33 dollars à l'acre (60 millions de dollars gagnés au
total).
Le maïs Bt planté en 1996 et 1997 a vu son rendement
s'accroître de 9 % en moyenne.
Les gains totaux liés à l'utilisation d'un colza tolérant
à un herbicide au Canada ont été évalués
à 6 millions de dollars.
La pomme de terre résistante aux insectes cultivée aux
Etats-Unis a permis d'accroître le rendement de 14 $ par acre et de
diminuer le coût des insecticides de 5 $ par acre, soit un
bénéfice de 19 $ par acre (170.000 $ par an).
Les gains totaux pour l'agriculture américaine sont estimés
à 80 millions de dollars pour le maïs, la pomme de terre et le
coton en 1996, et 190 millions de dollars en 1997 pour le seul maïs
Bt.
Les chiffres fournis sont édifiants et montrent toute l'attention qui
doit être portée à cette question en Europe, au moment
où de grandes échéances s'annoncent :
négociations agricoles, internationales, élargissement de l'Union
européenne, réforme de la politique agricole commune...
La compétitivité de notre agriculture doit être un
objectif essentiel : il y va de la survie du monde agricole et de
l'identité européenne.
S'il est essentiel pour l'agriculture, pour l'aménagement du territoire
et pour l'industrie alimentaire (principale source du commerce extérieur
français avec un solde net positif de 56,5 milliards de francs en
1997 !), l'enjeu économique lié aux OGM touche aussi, plus
directement, l'industrie des biotechnologies : la question se pose de savoir si
l'Europe profitera ou non de l'essor actuel de ce secteur
d'activité.
2. Un secteur riche en croissance et en créations d'emplois
Les
biotechnologies ont moins de 20 ans. Malgré ce jeune âge,
elles deviennent un des moteurs de la croissance économique dans les
pays qui se sont, comme l'Amérique du Nord, résolument
engagés dans cette voie.
A titre d'exemple, depuis les années 1980 ont été
créées aux Etats-Unis, d'après l'organisation des
entreprises de biotechnologie :
- 1.287 entreprises ;
- 118.000 emplois directs, sans compter les emplois induits dans
d'autres secteurs d'activité ;
- le salaire moyen de ces emplois, qualifiés, est de
50.000 dollars (plus de 310.000 francs) ;
- la majorité des entreprises créées sont des PME,
les deux-tiers ayant moins de 135 employés ;
- le montant dépensé en recherche et développement
s'est élevé aux Etats-Unis à 7,9 milliards de dollars
en 1996.
Les perspectives d'accroissement des marchés des biotechnologies
sont importantes
. Pour les seules plantes transgéniques,
certaines estimations
68(
*
)
font état d'un
accroissement rapide du marché mondial : de moins d'un demi
milliard de dollars en 1996, il passerait à 2 ou 3 milliards en
2000, à 6 milliards en 2005 et 20 milliards en 2010.
Le retard européen est déjà réel.
Une étude a récemment été commandée par
l'association des bio-industries européennes, Europabio
69(
*
)
, pour évaluer la compétitivité
européenne en matière de biotechnologie.
Cette étude rappelle le potentiel de croissance que représentent
les biotechnologies : d'un marché global européen de
l'ingénierie génétique au sens large (agriculture,
santé, alimentation, chimie), évalué à
40 milliards d'écus et à 300.000 emplois en 1995, on
devrait passer à 250 milliards d'écus et 3 millions
d'emplois en 2005. Cette étude détaille également, secteur
par secteur, le retard européen en la matière, dont les auteurs
estiment qu'il risquerait de s'accroître à l'avenir.
Force est de reconnaître que la différence d'échelle, entre
l'Europe et les Etats-Unis est frappante. Une autre étude sur les
biotechnologies (qui ne retient sans doute pas le même
périmètre délimitatif des " biotechnologies "
que l'étude précédente) donne une idée de la
disproportion entre Europe et Etats-Unis :
LE POIDS DES SECTEURS AMÉRICAIN ET EUROPÉEN DES BIOTECHNOLOGIES
|
EUROPE |
ETATS-UNIS |
CHIFFRE
D'AFFAIRES
|
1 158 |
9 663 |
DEPENSES DE
R & D
|
605 |
5 859 |
NOMBRE D'ENTREPRISES |
584 |
1 308 |
NOMBRE D'EMPLOIS |
17 200 |
108 000 |
Chiffres tirés d'une étude d'Ernst & Young (citée par le magazine Usine nouvelle, n° 2586)
Le
paradoxe du secteur européen des biotechnologies est que certaines
entreprises européennes créent des emplois outre-Atlantique,
estimant ne pas disposer sur leur marché domestique de conditions
satisfaisantes pour leur développement !
Certaines délocalisations (on pense notamment à celle des
laboratoires de recherche de la société HOECHST il y a quelques
années) ont d'ailleurs mis avec force l'accent sur cette situation.
Au delà de l'enjeu économique proprement dit, les biotechnologies
apportent des changements au rôle et à la fonction de
l'agriculteur.
D. L'AVENIR DE LA FILIÈRE SEMENCIÈRE ET LE STATUT DE L'AGRICULTEUR
De
fortes restructurations des filières semencières et agricoles
pourraient être induites par les conditions actuelles de l'arrivée
des biotechnologies.
Si l'industrie semencière est concernée par ce mouvement, le
statut de l'agriculteur, sa fonction, sa place dans la chaîne de la
valeur entre l'amont et l'aval de sa production, pourraient également
être modifiés par l'avènement du génie
génétique.
1. L'émergence de conglomérats " agro-chimico-semenciers "
L'industrie des semences
représente
70(
*
)
, au niveau mondial, un chiffre d'affaires de l'ordre
de 30 milliards de dollars, à comparer aux 300 milliards de
dollars environ de chiffre d'affaires de l'agriculture et aux
3.000 milliards de dollars de l'industrie agro-alimentaire.
Ce secteur est relativement fragmenté, comparativement à d'autres
industries de l'agro-fourniture, puisque les 10 premières
entreprises semencières mondiales ne représentent que 18 %
du marché. Il existe d'ailleurs en France plusieurs centaines de
" petits" semenciers.
D'après le rapport annuel 1996-1997 du GNIS (Groupement national
interprofessionnel des semences et plants), la profession semencière
française, dont le chiffre d'affaires représente
11,1 milliards de francs, est organisée de la façon
suivante :
LA PROFESSION SEMENCIÈRE FRANÇAISE
|
OBTENTEURS |
PRODUCTEURS |
AGRICULTEURS MULTIPLICATEURS |
DISTRIBUTEURS |
NOMBRE |
108 |
284 |
26 650 |
21 478 |
Source : GNIS
Le chiffre d'affaires des semenciers français se répartit, par groupes d'espèces, de la façon suivante :
LE
CHIFFRE D'AFFAIRES SEMENCIER FRANÇAIS
Source : GNIS
La constitution de conglomérats
Ce secteur est marqué sur le plan mondial par une forte évolution
ces dernières années, liée à l'avènement des
biotechnologies : l'implication croissante dans l'activité
semencière de
grands groupes pharmaceutiques et agro-chimistes
mondiaux.
La conséquence qui en résulte est une tendance
marquée à la concentration de ce secteur.
Des fusions, des rapprochements, des prises de contrôle récents
ont entraîné l'apparition de
vastes conglomérats
répondant à une logique d'intégration verticale de plus en
plus poussée.
Le raisonnement de l'intégration est
conforté par la logique actuelle en matière de
propriété intellectuelle, qui donne un avantage décisif au
" propriétaire " de telle ou telle technologie ou application
du génie génétique.
Quelques exemples de cette évolution récente sont donnés
dans l'encadré ci-dessus :
LA
CONCENTRATION DU SECTEUR SEMENCIER ET L'ÉMERGENCE
DES GROUPES
AGRO-CHIMISTES
La
société Monsanto
a acquis en 1996 les sociétés
de biotechnologie Calgène et Agracetus, les sociétés
semencières américaines Asgrow, Holden, ainsi qu'une
minorité de la société Dekalb. Le groupe serait ainsi
devenu le 4ème semencier mondial.
La société Dupont de Nemours s'est alliée avec
Pionneer, premier semencier mondial
, dans le courant de
l'été 1997, par une prise de participation de 20 %
à son capital. Dupont a également acquis Proteins Technologies
International (PTI), leader mondial des ingrédients à base de
soja, poussant ainsi à son terme la logique de l'intégration
verticale.
D'autres groupes développent la même logique : la
société
Novartis
est issue de la fusion, engagée en
1996, des sociétés Ciba et Sandoz : premier agro-chimiste
mondial, elle est devenue le deuxième semencier ; la
société
Zeneca
est le deuxième agro-chimiste et le
cinquième semencier mondial ; la société
Dow
agrosciences
, le huitième agro-chimiste et le onzième
semencier, la société
Agrevo
(filiale de Hoechst et de
Schering, qui contrôle la firme belge de biotechnologie Plant Genetic
Systems) la quatrième agro-chimiste et le seizième semencier
mondial.
Classements mondiaux d'après la société LIMAGRAIN
Ce phénomène de concentration pose la question de l'indépendance des firmes semencières traditionnelles, même si ces dernières ont un argument de taille à faire valoir face aux agro-chimistes -qui est aussi la principale cause des convoitises qu'elles attisent- : leur savoir-faire et la qualité de leurs fonds génétiques.
2. Le statut de l'agriculteur
L'agriculture est la porte d'entrée actuelle des
biotechnologies. Ce secteur ne saurait donc être épargné
par les mutations en cours et ce d'autant moins que, n'ayant pas suscité
l'avènement du génie génétique, le monde agricole
reste, avec l'agro-alimentaire, un de ses principaux acteurs aux yeux de
l'opinion publique.
Votre rapporteur a pu, lors de ses entretiens divers avec des
représentants de ce secteur, mesurer la qualité de la
réflexion engagée dans le monde agricole sur le sujet des
biotechnologies.
Ainsi, la plupart des organisations professionnelles ont élaboré
une position sur cette question. Le Conseil de l'agriculture française a
constitué un groupe de travail
71(
*
)
qui a
procédé à des consultations et a adopté un rapport
technique à ce sujet le 1er juillet dernier. Une position commune
de l'APCA, du CNJA, de la CNMCCA et de la FNSEA a été
élaborée. Notons que le Conseil national de l'alimentation,
où siègent des représentants du monde agricole, au
collège de la production agricole, a quant à lui adopté un
avis le 17 juin dernier sur l'étiquetage des OGM. Certaines
organisations professionnelles
72(
*
)
ont, quant
à elles, pris des positions hostiles à la biotechnologie.
Certes, les biotechnologies s'intègrent dans une certaine
continuité, puisque l'agriculture est depuis toujours intégrateur
d'innovation et manipulateur du vivant : la révolution verte de ces
dernières décennies a montré sa capacité à
intégrer le progrès, notamment au travers de la sélection
variétale classique. Mais l'introduction des OGM est aussi source de
ruptures et de changements -bons ou mauvais- en ce qui concerne le rôle
de l'agriculture dans la cité, son indépendance par rapport
à l'amont agricole et sa responsabilité vis-à-vis de
l'opinion publique.
a) L'indépendance de l'agriculteur vis-à-vis des conglomérats agro-chimistes
Avec le
développement par des grands groupes des technologies de
transgénèse, sous protection juridique, grâce au
système des brevets, l'agriculture ne risque-t-elle pas de devenir un
marché captif pour ces sociétés ? Pensons que
certaines d'entre elles développent en même temps la plante
transgénique résistante à un herbicide et ce même
herbicide, le marché de l'un des produits développant l'autre...
En outre, certaines firmes contractualisent leurs relations avec l'agriculteur
à qui elles font payer, sur chaque sac de semences transgéniques
une " prime de technologie ", susceptible d'instaurer un lien entre
l'agro-chimiste et l'agriculteur.
Ajoutons que, sur le continent américain où deux campagnes de
culture ont déjà eu lieu, la quasi totalité des
agriculteurs ayant utilisé des semences transgéniques une
année en ont recommandé l'année suivante, certaines
sociétés indiquant même que leur capacité à
fournir le marché avait été le seul frein à la
pénétration très rapide de leur technologie.
Tous ces éléments n'indiquent-ils pas une possible perte
d'indépendance du monde agricole vis-à-vis des
agro-fournisseurs ?
Un article du numéro spécial de mai 1997 de la revue des
chambres d'agriculture sur les OGM illustrait ainsi cette inquiétude du
monde rural :
" Dans le cas de la résistance au glyfosate,
[une société]
fait signer au producteur américain
un contrat par lequel ce dernier s'engage à acheter des semences
certifiées chaque année, à utiliser
[tel]
produit
commercial et à acquitter un droit d'utilisation qui est partagé
entre
[la société]
, le semencier et le distributeur. Les
producteurs français craignent que ce système, s'il était
appliqué, n'entraîne une dépendance accrue vis-à-vis
de l'agro-fourniture. "
Votre rapporteur a interrogé à ce sujet des
représentants d'une grande organisation professionnelle agricole
américaine
(American Farm Bureau). La réponse
apportée, aux termes de deux ans d'expérience, a
été la suivante : en dépit des craintes initiales des
exploitants de l'instauration d'un contrôle économique -mais aussi
physique, par une présence sur l'exploitation-, des firmes
agro-chimiques, il ne semble pas que les agriculteurs américains aient
ressenti un tel phénomène. On peut trouver deux explications
à cette situation : la montée rapide de la concurrence sur
ce marché aux Etats-Unis et le nombre élevé de
distributeurs semenciers (qui intègrent dans leurs lignées
propres la technologie développée par les grandes firmes) lorsque
la firme agro-chimiste n'assure pas elle-même la distribution finale du
produit. Soulignons à cet égard que la " prime
technologique ", c'est-à-dire le surplus payé, est, dans
certains cas, perçue par le semencier qui fournit habituellement
l'exploitant, puis rétrocédée après coup par ce
fournisseur à la firme agro-chimiste.
Toutefois, le risque de dépendance reste présent et il faut
veiller à ce que l'introduction des biotechnologies en agriculture ne
fragilise pas les exploitants en les rendant captifs de telle ou telle
technologie.
b) Les problèmes de distorsion de concurrence au niveau mondial
Comme
cela a déjà été dit, les biotechnologies sont
susceptibles de baisser significativement les coûts de production
agricole, mais aussi de
modifier les propriétés et les zones
de culture de certaines plantes
.
A l'heure de la mondialisation des échanges, tous ces facteurs peuvent
conduire à des chocs sectoriels pour les différentes agricultures
de la planète, en modifiant la compétitivité des
écosystèmes et des variétés de plantes.
En particulier, de nouvelles distorsions de concurrence peuvent
résulter du rythme plus ou moins rapide d'adoption de cette technologie
par les différents pays.
c) Les nouvelles fonctions de l'agriculture
Avec le
développement de plantes fabriquant des molécules
d'intérêt industriel ou pharmaceutique à moindre
coût, avec l'optimisation des métabolismes végétaux
en vue des utilisations industrielles, ce sont des perspectives nouvelles qui
s'ouvrent à l'agriculture.
Cette dernière pourrait augmenter considérablement,
grâce à la transgénèse, la valeur ajoutée de
ses productions.
L'agriculture moléculaire promet en effet une
importante récupération, à l'avenir, de valeur
ajoutée par la production agricole.
Ne doit-on pas voir, comme le font certains, dans le génie
génétique
la porte d'entrée pour l'agriculture dans le
troisième millénaire ?
Cette perspective de récupération de valeur ajoutée par la
production agricole est prometteuse en termes de revenus agricoles et de valeur
de la production bien sûr, mais aussi en termes d'aménagement du
territoire et d'occupation de l'espace.
Ce mouvement s'intégrerait, en outre, dans la continuité de
l'effort important de l'agriculture française pour améliorer
toujours plus la qualité de ses productions.
E. LE QUESTIONNEMENT ETHIQUE
Le génie génétique révolutionne notre relation au vivant. En ce sens, il est incontestable que l'introduction de la biotechnologie doit s'accompagner d'une réflexion approfondie sur sa signification éthique.
1. De nombreuses questions d'ordre éthique
La
transgénèse pose en soi plusieurs questions d'ordre moral
philosophique ou éthique sur la nature du vivant, la notion
" d'espèce ", l'instrumentalisation et l'appropriation (on
pense notamment aux brevets) du vivant par l'homme, mais aussi sur le statut de
l'animal et du végétal par rapport à l'humain.
La médecine prédictive, les thérapies géniques
(surtout les thérapies géniques " germinales ") et les
xénogreffes sont sans doute les techniques qui touchent le plus
près à la question de la nature de l'homme et qui doivent faire
l'objet des réflexions les plus approfondies.
Les exemples ne manquent pas des questions éthiques soulevées par
le génie génétique au sens large :
QUELQUES PROBLÉMATIQUES ÉTHIQUES 73( * )
Problèmes liés au diagnostic prénatal
pré-implantatoire
"
Alors que faut-il en penser et peut-on considérer qu'y
recourir est un droit des couples, un droit à la responsabilité,
à l'exercice de sa liberté ? Ou bien peut-on estimer que
cela soulève de sérieuses difficultés
éthiques ? Je suis personnellement partisan de cette
deuxième lecture, pour une raison qui me semble fondamentale. Le jour
où l'on aura banalisé, accepté, intégré
l'idée selon laquelle il est légitime de décider qu'une
vie adviendra ou n'adviendra pas, sur la base d'une caractéristique
physiologique aussi peu pathologique qu'être un petit garçon ou
être une petite fille, il n'y aura plus aucune base morale ou
philosophique pour interdire que l'on décide de la survenue ou de la non
survenue d'une vie, sur la base de toute autre caractéristique non
pathologique, la couleur des yeux ou des cheveux, la taille, la force physique,
peu importe. Le pas aura été franchi. Considérer que les
couples ont le droit de décider des caractéristiques de leur
future progéniture en dehors de toute conséquence pathologique,
ce serait, je crois, franchir un pas considérable et peut-être
décisif dans l'évolution humaine
".
Tests génétiques et justice sociale
"
Et puis -et l'on atteint là probablement la question la plus
difficile- il faut aborder la question de l'utilisation des tests
génétiques dans la vie sociale, c'est-à-dire avant tout
dans l'accession à l'assurance et au travail. En France, cette
utilisation est en principe interdite par divers textes législatifs ou
réglementaires. La loi du 29 juillet 1994, dite de
" bioéthique ", stipule en particulier que les tests
génétiques ne peuvent être pratiqués qu'à des
fins médicales ou scientifiques. La réalisation de tels tests ne
peut donc être demandée ni par une assurance ni par un employeur.
L'an passé, les assurances européennes ont décidé
d'un moratoire de cinq ans concernant la pratique des tests
génétiques. Mais en fait, ces garde-fous ne sont pas solides et
tout laisse même penser qu'ils vont bientôt s'effondrer
"
[...] "
Pour ce qui est de l'embauche, l'inéluctabilité
de l'évolution m'apparaît presque aussi forte
[...] "
Thérapie génique germinale
"
La question est, là encore, philosophique et
éthique : est-il acceptable pour l'homme de se fixer comme objectif
l'amélioration germinale d'un lignage humain ?
"
" [...]
L'application à l'espèce humaine de la notion
d'amélioration génétique pose problème.
Améliorer un porc pour qu'il ait moins de gras et plus de maigre, on
voit bien ce que cela veut dire. Améliorer une vache pour qu'elle
produise davantage de lait, on voit bien aussi (même si l'on prend
aujourd'hui mieux conscience des problèmes qui sont liés au choix
des objectifs de sélection). Mais améliorer un homme, un
lignée humaine, une population, qu'est-ce que cela peut bien vouloir
dire ?
[...]
"
Je vous renvoie au respect de la dignité de la personne
humaine et au premier principe de Kant : faire en sorte que l'homme ne
soit jamais uniquement un moyen mais aussi une fin. Naturellement, créer
un homme grand pour en faire un basketteur, ce serait purement et simplement
l'instrumentaliser, et ceci représenterait de manière flagrante
une agression violente contre la dignité de la personne
humaine
".
2. Une approche européenne à conforter
Les
applications du génie génétique doivent être
encadrées par des principes d'ordre éthique.
La France en
particulier et l'Europe en général ont acquis une certaine
expérience du dialogue entre la science et l'éthique.
C'est
au prix de l'approfondissement de ce dialogue que pourra être
relevé le défi éthique lié aux biotechnologies.
Il convient d'abord de fixer clairement les limites de
l'inacceptable.
a) La ferme interdiction des pratiques contraires à la dignité humaine
Au
niveau national
, un nombre croissant de pays se dote de législations
dites " bioéthiques ". En France, pays
considérés comme disposant de l'un des dispositifs les plus
complets, sont intervenues, entre 1988 et 1994, plusieurs lois
réglementant certaines pratiques biomédicales, de recherche ou de
diagnostic prénatal.
Il s'agit de :
- la loi du 28 décembre 1988 sur la protection des
personnes qui se prêtent à des recherches
biomédicales ;
- la loi du 1er juillet 1994 sur le traitement des
données nominatives dans le domaine de la santé ;
- la loi du 29 juillet 1994 sur le respect du corps humain ;
- la loi du 29 juillet 1994 sur le don et l'utilisation des
éléments et produits du corps humain, l'assistance à la
procréation et le diagnostic prénatal.
Au niveau communautaire
, la discussion sur la directive relative
à la protection juridique des inventions biotechnologiques a
été l'occasion d'un débat d'ordre éthique,
principalement au Parlement européen, qui a conduit à limiter le
champ des pratiques brevetables.
Dans les organisations internationales, deux textes fondamentaux ont
été adoptés en 1997 : le protocole portant
interdiction du clonage d'êtres humains, adopté dans le cadre du
Conseil de l'Europe et la déclaration universelle sur le génome
humain et les droits de l'homme adoptée par l'UNESCO en
novembre 1997.
Ces textes sont reproduits en annexe du présent rapport.
On ne peut que souhaiter que cette approche responsable d'encadrement des
progrès scientifiques -la seule qui préserve la dignité de
l'être humain- soit approfondie en ce qui concerne des pratiques qui ne
sauraient être acceptées.
Mais la réflexion éthique doit, plus largement, s'appliquer
à l'ensemble des technologies génétiques, même
celles qui ne touchent pas au génome humain. L'Union européenne
s'est récemment engagée dans cette voie par
l'institutionnalisation d'un groupe européen d'éthique.
b) La réflexion éthique sur les autres applications du génie génétique
La
Commission européenne s'est dotée, le 20 novembre 1991,
d'un organe consultatif " le groupe de conseillers pour l'éthique
et la biotechnologie ", ayant pour mission de :
- identifier et définir les questions éthiques
soulevées par la biotechnologie ;
- évaluer, d'un point de vue éthique, l'impact des
activités de la communauté en matière de
biotechnologie ;
- conseiller la commission en ce qui concerne les aspects éthiques
de la biotechnologie.
Le champ de compétence de cette instance a été
récemment étendu, et sa composition élargie. Elle a pris
le 19 février dernier le nom de " groupe d'éthique des
sciences et des nouvelles technologies ".
De son installation en 1992 à la fin de 1997, le groupe a rendu
10 avis. Son activité est résumée dans
l'encadré ci-après :
LES AVIS DU GROUPE EUROPÉEN D'ÉTHIQUE 74( * )
Ces
avis ont notamment porté sur :
- l'utilisation d'améliorateurs de performance dans les secteurs de
l'agriculture et de la pêche (mars 1993) ;
- la fabrication des médicaments dérivés du sang ou du
plasma humains (mars 1993) ;
- la directive concernant la protection juridique des inventions
biotechnologiques (deux avis : octobre 1993 et
septembre 1996) ;
- la thérapie génique (décembre 1994) ;
- l'étiquetage des aliments dérivés de la
biotechnologie moderne (octobre 1994) ;
- le diagnostic prénatal (février 1996) ;
- les techniques de clonage (mai 1997) ;
- le cinquième programme-cadre de recherche
(décembre 1997).
Exemple de l'avis sur la modification génétique des
animaux
*
Problématique
On peut modifier génétiquement un animal en transférant ou
en supprimant un gène dans son génome. Cela peut servir en
recherche fondamentale : pour améliorer la connaissance en
génétique et en physiologie ; à modéliser les
maladies humaines, à fabriquer des protéines, à des fins
thérapeutiques ; à constituer une source de tissus et
d'organes pour des " xénotransplantations " chez
l'homme ; à améliorer certaines caractéristiques des
animaux d'élevage, telles que la résistance aux maladies et la
qualité de la production alimentaire.
Ces techniques suscitent des craintes, notamment en ce qui concerne :
- la santé et le bien être des animaux ;
- leurs effets sur la santé humaine ;
- leur caractère non naturel du fait qu'elles abolissent les
frontières entre espèces ;
- les risques qu'elles comportent pour l'environnement .
*
Avis du 21 mai 1996
Extrait : " [....] Les modifications génétiques
d'animaux peuvent contribuer au bien être de l'homme. Toutefois,
elles
ne sont acceptables que si elles sont strictement justifiées sur le plan
éthique et qu'elles sont réalisées dans des conditions
éthiquement convenables
[...] eu égard aux
conséquences que ces techniques peuvent avoir pour la santé
humaine et animale, pour l'environnement et la société. Une
extrême prudence s'impose [...]. Ce principe de prudence doit
s'appliquer : à l'obtention d'animaux génétiquement
modifiés ; à l'utilisation et aux soins de ces
animaux ; à leur mise en liberté ; à la
commercialisation éventuelle de ces animaux et de leurs produits (y
compris importation et exportation) [...] "
Cette réflexion éthique est nécessaire. Elle doit
être approfondie et doit permettre d'éclairer les choix de la
société et des décideurs publics.
*
* *
L'avènement des biotechnologies est donc lourd d'enjeux pour l'économie, l'environnement, la société. Ce défi nouveau nécessite une réponse claire de la part du corps social et des responsables. Pourtant, l'Europe peine à trouver sa cohérence sur ce sujet.
TROISIÈME PARTIE -
L'EUROPE
ENLISÉE ?
Une
analyse comparative de l'approche des différents Etats fait
apparaître une spécificité européenne en
matière d'acceptation de la biotechnologie, même si les Etats
eux-mêmes divergent, au sein de l'Europe, dans leur appréciation.
En effet, la législation communautaire, notamment en ce qui concerne
l'étiquetage, peine à trouver sa voie et l'opinion publique
semble divisée sur ce sujet.
A. UNE LÉGISLATION COMMUNAUTAIRE QUI SE CHERCHE
Depuis
1990, plusieurs textes sont intervenus en droit communautaire pour encadrer,
avant même leur développement réel, les pratiques des Etats
membres en matière d'organismes génétiquement
modifiés et prévenir l'apparition des risques potentiels que
cette nouvelle technique était susceptible d'entraîner.
Pourtant, sur certains sujets, l'Europe peine à trouver sa
voie.
1. Un cadre réglementaire général qui ne cesse d'évoluer
a) Un cadre communautaire global fixé dès 1990
Les
dispositions communautaires applicables aux OGM résultent principalement
de deux directives communautaires du conseil du 23 avril 1990 :
- la directive n° 90-219 relative à l'utilisation
confinée de micro-organismes génétiquement
modifiés ;
- la directive n° 90-220 relative à la
dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement.
En ce qui concerne la dissémination volontaire d'OGM dans
l'environnement
, à des fins de recherche ou de mise sur le
marché, les procédures à suivre sont fixées par la
directive 90-220, prise sur la base de l'article 100 A du
traité instituant la communauté européenne.
Le champ d'application de la directive
La directive s'applique aux organismes dont le matériel
génétique a été modifié autrement que par
multiplication ou recombinaison naturelle.
L'autorisation pour les disséminations liées aux
activités de recherche et de développement (Partie B de la
directive) :
Pour ce type d'autorisation, le dossier de demande (conforme à
l'annexe II de la directive) doit être envoyé à
l'autorité nationale pour évaluation et, éventuellement,
autorisation. Un dossier résumé est envoyé aux autres
Etats membres.
L'autorisation pour la mise en marché (partie C de la
directive)
Cette procédure, qui est gérée par la Commission
européenne, organise un aller-retour entre les autorités
nationales et communautaire :
- l'entreprise pétitionnaire envoie un dossier technique à
l'autorité compétente d'un Etat membre
(au choix du
demandeur). Le dossier doit comporter les informations figurant aux
annexes II et III de la Directive ;
- l'autorité nationale évalue le risque pour l'homme et
l'environnement et adopte
un avis dans un délai de 90 jours
à compter de la réception du dossier ;
- si cet avis est favorable, l'autorité nationale transmet le
dossier à la
commission
, puis l'envoie aux autres Etats
membres ;
- si
les autres Etats membres
ne soulèvent pas d'objection,
l'autorisation sera accordée par l'autorité compétente
dans un délai de 60 jours ;
- dans le cas contraire, l'autorisation ne peut être
délivrée qu'après avoir été
votée
à la majorité qualifiée
, soit du comité sur la
dissémination d'OGM dans l'environnement, soit en cas de défaut
de majorité qualifiée, du Conseil des ministres, qui dispose de
trois mois pour se prononcer, faute de quoi la décision adoptée
est celle de la Commission.
Le schéma suivant résume les grandes lignes de ces
procédures d'autorisation :
Dossier
partie B :
dissémination volontaire à des fins
expérimentales
Dossier partie C :
mise en marché
Information
des autres
Etats membres
Commission européenne
LES PROCEDURES D'AUTORISATIONS
Défavorable
Favorable
Vote
Autorisation européenne
Aucune objection
Objection
Consultation
des autres
Etats membres
Si avis favorable
Commission européenne
Autorisation
de mise en marché
Inscription
au catalogue des variétés
Ministère de l'agriculture
Ministère de l'environnement
Saisine
CGB
Examen
Avis
Saisine
CSHPF
Examen
Saisine
CTPS
Procédure d'inscription au catalogue
Autorisation annuelle d'expérimentation
Ministère de l'agriculture
Ministère de l'environnement
Saisine
CGB
Examen
Avis
Saisine CGG
- examen
- avis sur l'objet de la recherche,
les installations et les mesures de confinement
Milieu confiné
Partie communautaire
Partie française
Autorisation
b) Les révisions de cette réglementation
Dans le
contexte du traumatisme créé, au sein des institutions
européennes, par l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), pour
la gestion de laquelle la commission a été mise sous le coup
d'une motion de défiance suspensive de la part du Parlement
européen, la révision de ces deux directives a été
entreprise.
La directive 90-219
avait déjà fait l'objet d'une
adaptation au progrès technique par la directive 94-151.
La nouvelle modification proposée par le Conseil part de la même
volonté de l'adapter, en constatant les défauts de l'actuelle
législation (4ème considérant de la proposition de
modification) :
"
Considérant [...] que le système de classification
n'est pas conforme à la pratique internationale, que les
procédures administratives et les exigences de notification ne sont pas
liées au risque réel des opérations, que les
procédures administratives pour certains types d'opérations
impliquant des micro-organismes génétiquement modifiés
sont inutilement restrictives, que les mesures de confinement et de
contrôle qui doivent être appliquées en vue de sauvegarder
la santé des personnes et l'environnement ne sont pas suffisamment
précises, que la directive 90/219/CEE ne permet pas une adaptation
rapide au progrès technique et que les parties techniques de ladite
directive doivent être adaptées au progrès
technique
".
La principale innovation proposée consiste en la définition de
4 classes de risques (aucun risque ; faible risque ; risque
modéré ; risque élevé) et 4 niveaux de
confinement adaptés à ces classes de risques. L'adoption de cette
proposition de directive suit la procédure dite de
" coopération " : adoptée en 2e lecture par le
Parlement en avril, elle devrait être adoptée
définitivement en septembre prochain.
La directive 90-220
fait elle aussi l'objet d'une révision
actuelle, après deux modifications intervenues en 1994 (directive
94-15), puis en 1997. En 1997, a été adoptée la directive
97-35 de la commission du 18 juin 1997, portant deuxième
adaptation au progrès technique de la directive 90-220, qui modifie
l'annexe III de cette directive relative aux informations
complémentaires à fournir par le requérant en cas de
demande d'autorisation de mise sur le marché,
en y ajoutant notamment
une obligation d'indication de l'étiquetage prévu.
Les principaux objectifs de la proposition de modification
présentée le 23 février dernier sont les
suivants :
- introduire un objectif de suivi obligatoire après la mise sur le
marché du produit ;
- introduire le principe d'autorisations temporaires (7 ans) avec une
possibilité de procédure simplifiée pour le
renouvellement ;
- confirmer la possibilité pour la commission de consulter
n'importe quel comité créé par elle en vue de se faire
conseiller sur des préoccupations d'ordre éthique ;
- énoncer des principes pour l'évaluation des risques ;
- prévoir l'obligation de la consultation des comités
scientifiques (qui était systématique mais non obligatoire
jusqu'à présent) ;
- mettre à la disposition du public le texte de la notification de
mise sur le marché et les rapports d'évaluation
scientifique ;
- renforcer la procédure administrative d'autorisation.
Cette proposition de modification va dans le sens du renforcement de la
législation actuelle. Signalons que l'Allemagne a officiellement
critiqué l'alourdissement des procédures administratives
d'autorisation.
Cette proposition de modification suit la procédure (lourde) dite de
" codécision " (article 189.B du Traité). Elle
devrait être soumise au Parlement européen en première
lecture en septembre 1998. Son adoption définitive n'est pas
attendue avant au moins un an.
c) L'avis d'une entreprise utilisatrice de la réglementation européenne
Au
delà de la simple description des procédures
réglementaires, votre rapporteur a souhaité interroger quelques
entreprises " utilisatrices " de cette législation, qui
demandent des autorisations européennes pour leurs produits issus du
génie génétique.
Ce point de vue -certes subjectif- est intéressant : il montre que
la principale " faiblesse " du dispositif européen par rapport
aux autres systèmes mondiaux est la longueur et l'incertitude du
délai nécessaire pour obtenir une autorisation, alors que les
examens scientifiques requis sont jugés relativement proches dans les
différents systèmes d'autorisation.
LE POINT DE VUE D'UNE ENTREPRISE SUR LA PROCÉDURE D'AUTORISATION EUROPÉENNE COMPARÉE AU RESTE DU MONDE
Les
entretiens avec des responsables d'une entreprise américaine de
biotechnologie chargés de l'autorisation, de par le monde, de produits
transgéniques, ont fait ressortir l'analyse suivante :
Les informations
requises des industriels par les autorités
réglementaires chargées de l'évaluation de la
sécurité des produits sont identiques dans toutes les
régions du monde. Les mêmes analyses sont requises, qu'il s'agisse
de l'environnement ou de la santé humaine.
La principale différence réside dans le délai
nécessaire pour obtenir une autorisation
:
- aux Etats-Unis, le temps d'instruction par chaque agence est le
suivant :environ 6 à 8 mois pour l'USDA, 6 mois pour la FDA et
12 à 16 mois pour l'EPA, mais les trois instructions sont menées
simultanément. Le système d'autorisation se caractérise
par la prévisibilité des délais. Une trentaine de produits
sont déjà approuvés ;
- au Japon, deux périodes d'examen annuel ont été
mises en place par le ministère de la santé et le
ministère de l'agriculture. Le délai d'examen est d'environ six
mois ; une vingtaine de produits ont été
approuvés ;
- au Canada, la procédure se rapproche du système
américain et le délai d'instruction est de 6 à
9 mois ; environ 25 produits ont été déjà
approuvés ;
- en Europe, "
L'entreprise sait quelles informations elle aura
précisément à fournir mais elle ignore quel sera le
délai nécessaire pour obtenir son autorisation
".
"
Le temps d'instruction des dossiers est très
variable
". Il serait en moyenne supérieur à 2 ans.
Du point de vue d'une entreprise pétitionnaire, la principale
caractéristique de la procédure européenne est donc
l'
absence de prévisibilité des délais d'instruction
.
Source : Entretiens avec le département chargé de
l'homologation, chez Monsanto, à Saint-Louis, Missouri.
Votre rapporteur a pu constater que l'administration communautaire
était avertie de cette appréciation.
Force est de constater que le délai qui sépare la mise au point
en laboratoire de l'autorisation de commercialisation est parfois long. La
chronologie des différentes étapes d'autorisation du maïs de
la société Novartis en est un bon exemple :
-
1989
première transformation du maïs ;
-
1991
introduction du gène de résistance
à la pyrale dans le maïs et premiers tests en plein champ à
Colmar, mais aussi aux Etats-Unis et en Argentine ;
-
1993
poursuite des tests en plein champ,
expérimentation avec l'AGPM et avec l'INRA de Versailles ;
-
novembre 1994
dépôt en France du dossier de
demande d'autorisation de mise sur le marché par la
société CIBA (Novartis) ;
-
1995
autorisation de mise en marché aux USA ;
-
28 février 1995
avis favorable adopté par la
Commission du Génie Biomoléculaire, signé le 1er mars ;
-
3 mars 1995
début de la procédure
d'autorisation et de notification de la demande à la Commission
européenne ;
- 1996
autorisation d'importation au Japon
-
11 avril 1996
projet de décision favorable de la
Commission mais absence de majorité qualifiée pour l'adopter ;
-
24 juillet 1996
dépôt auprès de la
Commission d'éléments scientifiques présentés comme
nouveaux par l'Autriche. Nouvelle saisine de trois comités scientifiques
européens ;
-
13 décembre 1996
opinions favorables des trois
comités scientifiques confirmant l'évaluation française ;
-
8 décembre 1996
adoption par la Commission
européenne du projet de décision d'autorisation de mise sur le
marché ;
-
24 janvier 1997
notification officielle de la décision
à la France ;
-
27 novembre 1997
conférence de presse du Gouvernement
français indiquant sa volonté d'autoriser la culture du maïs
Novartis ;
-
8 février 1998
parution au Journal Officiel de
l'arrêté du 5 février 1998 inscrivant au Catalogue
officiel des espèces et variétés de plantes
cultivées en France les trois variétés de maïs
résistant à la pyrale de la société Novartis.
Les deux directives européennes n°s 90- 219 et 90-220 sont
dites " horizontales " par opposition aux législations
" sectorielles " qui concernent plus particulièrement des
secteurs précis issus de la biotechnologie comme par exemple les
médicaments (règlement 2309-93) ; les produits
phytopharmaceutiques (directive 91-414) ; les additifs dans
l'alimentation des animaux (directive 93-1141). Pour les textes sectoriels en
discussion, citons les règlements alimentation animale et semences, qui
devraient être prochainement adoptés.
Ces textes sectoriels répondent à la volonté d'avoir
"
une clé, une porte
" pour l'introduction des produits
transgéniques. Ils intègrent donc le dispositif de la directive
90-220 dans leur secteur réglementaire particulier. Le règlement
sur les nouveaux aliments est un de ces textes dits sectoriels. Il traite,
notamment, de l'étiquetage des produits alimentaires issus
d'OGM.
2. L'imbroglio communautaire de l'étiquetage
Avant
d'entrer dans les méandres de la négociation communautaire sur
l'étiquetage, il est utile de s'arrêter d'abord sur le dispositif
général du règlement nouveaux aliments.
Le règlement (CE) n° 258-97 du 27 janvier 1997
relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires
est une législation dite " sectorielle " qui a pour but de
définir les modalités d'évaluation de la
sécurité alimentaire des nouveaux aliments et de mettre en place
une procédure d'autorisation communautaire et d'étiquetage de ces
produits.
Ce règlement, dit " nouveaux aliments " (ou " novel
food " dans la version anglaise), est entré en vigueur le 15
mai 1997. En ce qui concerne l'étiquetage de certains produits
issus du maïs et du soja transgéniques, il a été
complété par le règlement (CE) n° 1813-97 du
19 septembre 1997 concernant l'étiquetage de certaines
denrées alimentaires produites à partir d'organismes
génétiquement modifiés, entré en vigueur le
1er novembre 1997.
Ces textes sont directement applicables en
droit français, sans transposition législative.
a) La réglementation " nouveaux aliments " pose le principe de l'étiquetage sans en régler les modalités.
Le
champ d'application
Le règlement " nouveaux aliments " s'applique à la mise
sur le marché dans la communauté d'aliments "
pour
lesquels la consommation humaine est jusqu'ici restée
négligeable
" (d'où l'appellation aliments
" nouveaux ") et qui sont notamment :
- les aliments ou ingrédients qui sont des
OGM ou qui
contiennent des OGM
( au sens de la directive 90-220) ;
- les aliments et ingrédients
issus de tels organismes
mais
qui n'en contiennent pas (tous les problèmes d'interprétation
sont liés à cette catégorie) ;
- les aliments et ingrédients qui ont une
structure
moléculaire
primaire modifiée ou nouvelle.
Sont exclus du champ d'application du règlement les
additifs
alimentaires
(comme par exemple la lécithine de soja) qui
relèvent d'une directive spécifique ; les
arômes
, pour la même raison, ainsi que les
solvants
d'extraction.
La procédure d'autorisation de mise sur le marché de nouveaux
aliments
Le règlement " nouveaux aliments " prévoit d'inclure la
procédure d'autorisation de la directive 90-220 dans son propre
dispositif. Les articles 4 et 6 du règlement,
complétés par une recommandation de la commission du
29 juillet 1997, fixent en effet la procédure suivante en vue
de l'obtention d'une autorisation :
- le demandeur soumet une demande à l'Etat membre dans lequel le
produit doit être mis sur le marché pour la première fois.
Le dossier doit comporter des éléments scientifiques
précis sur la composition nutritionnelle, les essais de toxicité
effectués, le potentiel allergisant... ;
- l'Etat membre fait effectuer une évaluation initiale, dans un
délai de trois mois, et détermine si une évaluation
complémentaire est nécessaire ;
- l'Etat membre transmet le rapport d'évaluation à la commission,
qui le transmet aux autres Etats membres ;
- la Commission et les autres Etats membres ont 60 jours pour
présenter une objection à la commercialisation du nouvel
aliment ;
- s'il n'y a pas d'objection, l'autorisation peut être
délivrée. Elle définit les conditions d'utilisation,
la dénomination et l'étiquetage du produit ;
- en cas d'objection, c'est la procédure décrite par
l'article 13 du règlement qui s'applique : le comité
permanent des denrées alimentaires est saisi par un Etat membre ou par
son Président : il vote à la majorité
qualifiée sur une proposition présentée par la Commission.
En cas d'absence de majorité qualifiée, le dossier est
renvoyé au Conseil des ministres, qui a trois mois pour se
déterminer, à la majorité qualifiée, sur la
proposition, modifiée ou non, de la Commission, faute de quoi la
décision est arrêtée par la Commission.
Signalons que l'article 3 du règlement prévoit
qu'une
procédure de simple notification
(ou procédure d'autorisation
simplifiée)
s'applique aux ingrédients substantiellement
équivalents à des aliments traditionnels
en ce qui concerne
leur composition, leur valeur nutritive, leur métabolisme, leur usage et
leur teneur en substances indésirables. (Notons que cette notion
d'" équivalence " est différente de celle
utilisée à l'article 8 du règlement (voir ci-dessous)
en ce qui concerne l'étiquetage).
Le principe de l'étiquetage
Il a concentré l'essentiel des débats -longs et
passionnés- au niveau communautaire comme à celui des Etats
membres.
L'article 8 du règlement " nouveaux aliments " fixe le
principe d'une obligation d'étiquetage en vue d'informer le consommateur
final dans quatre cas (a, b, c, d).
Il est reproduit ci-dessous :
L'ARTICLE 8 PARAGRAPHE 1 DU RÈGLEMENT " NOUVEAUX ALIMENTS "
Sans
préjudice des autres exigences de la législation communautaire
sur l'étiquetage des denrées alimentaires, les exigences
spécifiques supplémentaires suivantes en matière
d'étiquetage s'appliquent aux denrées alimentaires pour informer
le consommateur final de :
a) toute caractéristique ou propriété alimentaire, telle
que :
- la composition,
- la valeur nutritive ou les effets nutritionnels,
- l'usage auquel l'aliment est destiné,
en raison de laquelle
un nouvel aliment ou ingrédient alimentaire
n'est plus équivalent à un aliment ou ingrédient
alimentaire existant.
Un nouvel aliment ou ingrédient alimentaire est réputé ne
plus être équivalent au sens du présent article si
une
évaluation scientifique fondée sur une analyse appropriée
des données existantes peut démontrer que les
caractéristiques évaluées diffèrent de celles d'un
aliment ou ingrédient alimentaire classique
, compte tenu des limites
admises des variations naturelles de ces caractéristiques.
Dans ce cas, l'étiquetage doit porter le mention de ces
caractéristiques ou propriétés modifiées
accompagnées de l'indication de la méthode selon laquelle cette
caractéristique ou propriété a été
obtenue ;
b) la présence dans le nouvel aliment ou ingrédient alimentaire
de
matières qui ne sont pas présentes
dans une
denrée alimentaire équivalente existante et qui peuvent avoir des
incidences sur la santé
de certaines catégories de la
population ;
c) la présence dans le nouvel aliment ou ingrédient alimentaire
de
matières qui ne sont pas présentes
dans la
denrée alimentaire équivalente existante et qui suscitent une
réserve d'ordre éthique ;
d) la présence d'un
organisme génétiquement
modifié
selon des techniques de modification génétique
dont la liste non exhaustive figure à l'annexe 1 A partie 1 de la
directive 90/220/CEE.
Ajoutons que le règlement précité n° 1813-97 du
19 septembre 1997 étend cette obligation d'étiquetage
aux aliments et ingrédients fabriqués à partir du soja et
du maïs transgéniques dont la mise en marché avait
été autorisée par la Commission préalablement
à l'entrée en vigueur du règlement " nouveaux
aliments ", palliant ainsi les effets de la
non-rétroactivité de ce règlement.
Cette obligation de principe de l'étiquetage, qui s'impose d'ores et
déjà en droit, n'a pas pu, faute de précisions suffisantes
quant à ses modalités d'application, entrer en application dans
les faits. Elle donne toujours lieu à de vifs débats et à
des interprétations contradictoires.
Certaines questions demeurent en effet sans réponse, alimentant ainsi la
polémique.
b) Les incertitudes qui demeurent sur l'application de cette obligation sont préjudiciables au consommateur, à la distribution et aux industries agro-alimentaires
La
question de la mise en application de l'obligation d'étiquetage,
pendante au niveau communautaire depuis des mois, est complexe et
évolutive. Les principaux débats en cours qui portent sur les
aliments issus d'OGM sont les suivants :
Que signifie la " non équivalence " à un aliment
existant ?
L'article 8 du règlement répond qu'un aliment qui
"
diffère
" d'un aliment classique n'est plus
équivalent ! Cette phase, ambiguë, est le résultat de
mois (voire d'années !) de négociations.
En particulier, quel doit être le fait générateur de
l'étiquetage :
- la présence d'ADN recombiné dans l'aliment ?
- l'expression protéique du transgène dans l'aliment ?
A partir de quel seuil, de quelle concentration devra-t-on
étiqueter ? Faut-il instaurer une liste positive (ou
négative) d'ingrédients dont la présence entraînera
(ou n'entraînera pas) l'apposition d'une mention
particulière ?
Signalons que le règlement " nouveaux aliments " part du
principe d'un étiquetage de l'aliment, sur la base de sa composition. Il
exclut donc un étiquetage du procédé technologique
intervenant dans la fabrication de l'aliment : par exemple, un sucre issu de
betterave transgénique, rigoureusement identique à un sucre issu
de betterave traditionnelle, ne sera pas étiqueté.
Quelle approche les industries agro-alimentaires doivent-elles retenir pour
étiqueter ?
Deux approches sont possibles : celle fondée sur l'origine des
ingrédients utilisés (qui implique une traçabilité
des matières incorporées) ou celle de l'analyse au cas par cas
des lots d'ingrédients utilisés (qui implique une
détection systématique). Le règlement européen
retient l'approche d'une évaluation scientifique. Est-elle toujours
possible ? A quel coût ? Satisfait-elle le consommateur ?
Toutes ces questions doivent en outre être traitées en tenant
compte des méthodes de contrôle des mentions portées sur
l'étiquetage, c'est-à-dire des méthodes de
détection analytiques disponibles, de leur fiabilité et de leur
coût.
Quid du " peut contenir " ?
En l'absence de séparation des approvisionnements (notamment
américains, argentins et canadiens) selon leur nature (issu ou non du
génie génétique), et en l'absence d'informations fiables
sur la nature exacte de chaque lot, la mention " susceptible de contenir
des OGM " ou " peut contenir " peut-elle être
apposée ?
En cas de réponse négative, faut-il mettre :
" contient " dès que la preuve qu'il n'y en ait pas n'est pas
faite et dans ce cas, que penser de produits étiquetés
" issus d'OGM " alors qu'ils auraient la même composition que
des aliments traditionnels ?
Le neuvième considérant du règlement nouveaux aliments
prévoit quant à lui, que, dans le doute soit apposée la
mention : " est susceptible de contenir " ou " peut
contenir " des OGM.
Que préciser sur l'étiquette ?
- Jusqu'à quel point de détail préciser la nature de
la modification génétique apportée à l'aliment
(farine dérivée de soja génétiquement
modifié pour résister au glyfosate) ?
- Comment signaliser la modification de telle sorte qu'elle soit lisible
pour le consommateur : faut-il ajouter " génétiquement
modifié " ou " issu d'OGM " à l'ingrédient
considéré, ou peut-on dire " modifié par les
biotechnologies modernes " ? Faut-il créer un logo
européen ?
- Peut-on préciser sur les aliments conventionnels qu'ils ne
contiennent pas d'OGM ? Et dans ce cas, doit-on se baser sur la
composition réelle de l'aliment ou sur son mode de fabrication (absence
de génie génétique dans la filière) ?
Les réponses à ces questions n'ont toujours pas
été apportées.
Les méandres de la procédure d'adoption, complexe, (dite
procédure de " comitologie 3A ") n'ont toujours pas
permis d'aboutir à une décision réellement
opérationnelle.
La proposition de la Commission du 3 décembre 1997
préconisait de définir la non équivalence par la
présence d'ADN modifié, ou, en cas d'absence de transgène,
par la détection de la présence de protéines qui en
seraient issues. La Commission proposait également de retenir, en cas
d'incertitude sur la nature de l'ingrédient, la mention :
" est susceptible de contenir des OGM ".
Le 6 mars dernier, la présidence britannique du Conseil
européen
a fait une contre-proposition tendant à imposer
l'étiquetage en cas de présence de protéines, excluant la
mention " peut contenir ", établissant une liste
négative d'ingrédients raffinés considérés
comme équivalents et ne devant donc pas être
étiquetés, et prônant la détermination d'un seuil
déclenchant l'obligation d'étiquetage.
La discussion s'est poursuivie au COREPER (Comité des
représentants permanents) le 11 mai, dans la perspective du Conseil
" marché intérieur " du 18 mai, la procédure
donnant à la Commission, en l'absence de décision, la
possibilité, à compter du 26 mai, d'imposer sa propre
décision.
Bien qu'il n'y soit pas juridiquement expressément invité,
le
Parlement européen
a proposé à la Commission des
amendements au projet de règlement, adoptés le 14 mai.
Le 18 mai, le Conseil " Marché intérieur " des
différents ministres des Quinze a examiné cette question.
Sans
aboutir à une décision formelle
, la Commission ne se ralliant
pas à la proposition du Conseil, les débats ont toutefois permis
une avancée significative puisque
tous les Etats membres sauf
l'Italie, la Suède et le Danemark
, ont voté
pour la
proposition de la présidence.
(Les trois pays contre souhaitant,
comme la Commission, que puisse être utilisée la mention
" peut contenir ", ce que refusent les autres Etats membres).
Si la Commission
, constatant, comme cela est probable,
l'adhésion large des Etats membres à la proposition de la
présidence du Conseil,
s'y rallie, en COREPER, le 20 mai, le Conseil
" Agriculture " du 25 mai pourrait adopter sans débat le
règlement définitif, qui exclurait la mention " peut
contenir " et serait basé sur une liste négative
d'ingrédients.
Deux questions resteraient à trancher,
par l'adoption, suivant les
mêmes règles de procédure (proposition de la Commission,
consultation des comités réglementaires, puis éventuelle
procédure de " comitologie III A " en cas de
désaccord) de nouvelles décisions européennes concernant :
- le
contenu de la liste négative
d'ingrédients
considérés comme équivalents et ne déclenchant pas
l'étiquetage ;
- le
seuil de détection analytique,
la Commission
étant invitée par le Conseil à étudier la
faisabilité de sa mise en place.
On le voit, le débat, s'il avance au niveau européen, est
toutefois loin d'être clos.
Cette incertitude est préjudiciable :
Au consommateur
Les associations représentant les consommateurs dénoncent
légitimement que l'obligation, déjà effective, de
l'étiquetage, ne soit pas appliquée. Cette question a parfois
été évoquée, lors des entretiens que votre
rapporteur a eus, avec les représentants du monde associatif, comme une
de leurs principales préoccupations.
Soulignons que certaines associations souhaitent étiqueter sur la base
du processus technologique utilisé et non pas sur la composition exacte
du produit alimentaire.
Précisons qu'outre les nombreuses prises de position officielle des
associations au sujet des OGM, un groupe de travail
75(
*
)
sur ce thème a été
constitué le 18 février 1997 au sein du Conseil
national de la consommation (CNC), qui regroupe les associations de
consommateurs et les professionnels. Le projet d'avis n'a toutefois pas
été adopté lors de la séance plénière
du CNC du 19 mars dernier, le collège consommateur s'étant
prononcé contre.
A la distribution
Confrontée à l'exigence de transparence du consommateur, la
distribution subit le caractère inopérant des textes
réglementaires en matière d'étiquetage.
Un récent communiqué de presse du 30 janvier dernier, de la
Fédération des entreprises du commerce et de la distribution
(FCD) donnait la position de cette organisation sur ce sujet :
"
Les progrès de l'étiquetage des OGM sont
insuffisants.
Les distributeurs ont pris acte, il y a plus d'un an, de la
volonté politique, au niveau français et européen,
d'étiqueter ces produits. Les dernières réunions des
3 décembre et 15 janvier 1998 à Bruxelles ont
montré que l'établissement d'une liste positive de produits
à étiqueter semblait être une meilleure solution que la
détermination du caractère non équivalent des produits. De
même, elles ont repoussé l'indication " peut contenir des
OGM ".
Même si ces deux évolutions vont dans le sens de ses souhaits, la
FCD regrette vivement qu'une solution n'ait pas encore été
trouvée (au lieu du 1er février, elle est maintenant
attendue entre mars et mai 1998) et que la mise en oeuvre de la
traçabilité de l'origine n'ait pas avancé. "
Précisons que certaines enseignes, comme Carrefour ou Casino, ont, en
outre, indiqué leur volonté de ne pas utiliser d'OGM dans leurs
produits de marques propres.
Aux industries agro-alimentaires
Les industries agro-alimentaires européennes sont dans une situation
délicate car le blocage actuel, qui retarde la mise en oeuvre de
l'étiquetage, jette la suspicion sur leurs productions. On se souvient
notamment des mésaventures d'un lot de chocolat suspecté de
contenir des aliments transgéniques, et des nombreux articles
76(
*
)
, qui paraissent sur le thème de la
présence non signalée d'OGM dans certains aliments.
L'industrie agro-alimentaire est une des premières forces de
l'économie, représentant un chiffre d'affaires en 1997 de
792 milliards de francs et 398.000 emplois. Pour le commerce
extérieur, cette industrie est la première part de marché
française (11 %) en terme de produits transformés et le principal
excédent commercial (60 milliards de francs, soit la moitié
du solde français du commerce extérieur). Elle est en outre le
premier client de l'agriculture française dont elle
" consomme " 70 % de la production.
Interface entre le consommateur et l'amont agricole, exposées par le
biais de leurs marques, les industries agro-alimentaires sont
identifiées par l'opinion comme l'un des principaux acteurs -si ce n'est
le principal- de l'irruption dans nos assiettes d'aliments
transgéniques. Dans ce contexte, l'instauration d'un étiquetage
clair et précis apparaît comme une nécessité urgente
afin de respecter le besoin d'information du consommateur.
A ce sujet, tant la confédération des industries
agro-alimentaires de l'Union européenne (la CIAA) que l'Association
nationale des industries agro-alimentaires (l'ANIA) ont exprimé des
recommandations à l'usage du public et de leurs adhérents visant
à promouvoir un étiquetage des produits sur la base de leur
interprétation de la notion d'équivalence dans l'attente de la
fixation d'un cadre réglementaire européen plus
opérationnel.
POSITION DE L'ANIA SUR L'ÉTIQUETAGE DES
DÉRIVÉS DU SOJA
ET DU MAÏS GÉNÉTIQUEMENT
MODIFIÉS - 20 NOVEMBRE 1997
" L'industrie alimentaire, soucieuse de répondre
aux
demandes d'information des consommateurs et de respecter les principes
établis dans le règlement " nouveaux aliments, nouveaux
ingrédients ", s'est toujours prononcée
en faveur de
l'étiquetage
des dérivés du soja et du maïs
génétiquement modifiés
dès lors qu'ils ne sont
pas équivalents
à leurs homologues conventionnels [...].
Face à l'impossibilité d'obtenir, jusqu'à ce jour, une
interprétation européenne harmonisée, les industriels
réunis au sein de la CIAA
ont défini une interprétation
de ce critère d'équivalence (présence de protéine
nouvelle).
Afin d'aider les industriels confrontés à ces textes,
désormais applicables alors qu'aucune réglementation ne
définit de manière claire les modalités
d'étiquetage, l'ANIA préconise l'application des principes
exposés ci-dessous.
1. L'ANIA recommande aux industriels de modifier l'étiquetage de leurs
produits contenant des dérivés non équivalents de soja et
de maïs, dès lors qu'il est impossible d'assurer raisonnablement
qu'ils proviennent uniquement de soja ou de maïs conventionnel.
2. Sur la base de cette interprétation, certains ingrédients, ne
contenant pas de protéine issue du transgène sont reconnus
équivalents et ne nécessitent donc par d'étiquetage. En
revanche,
les ingrédients protéiques suivants,
sauf
à établir par analyse selon une méthode reconnue que le
produit ne contient pas la protéine issue du transgène,
sont
soumis à un étiquetage :
- farine, protéines de soja et de leurs dévirés ;
- extraits de fèves de soja contenant des protéines
(ex : tonyu, tofu...) ;
- farine ou semoule de maïs, gluten de maïs.
Sont exemptés de cette obligation d'étiquetage les additifs, les
solvants d'extraction et les arômes, qui sont exclus du champ
d'application du règlement .
3. Afin d'apporter aux consommateurs une information homogène et
cohérente, la présence de l'ingrédient concerné
devrait être signalée dans la liste d'ingrédients à
l'aide d'une des mentions suivantes :
Exemple : protéine de soja :
modifié par les biotechnologies modernes
ou génétiquement modifié
ou issues d'OGM
ou (OGM).
[...]
5. Conformément aux positions déjà prises, tant par l'ANIA
que la CIAA :
- l'emploi de la formule " susceptible de contenir... " est vivement
déconseillé ;
- l'emploi éventuel de la formule " ne contient pas... "
doit être strictement limité au cas où il peut être
démontré, grâce à une traçabilité
totale, qu'à aucun moment du processus de production ou
d'élaboration du produit et de ses composants il n'y a eu recours aux
techniques du génie génétique. Cette mention est
prohibée lorsque le même produit, issu d'une modification
génétique, est équivalent.
6. Les méthodes d'analyse et les critères de contrôle (y
compris les seuils) utilisés par les laboratoires officiels des pouvoirs
publics doivent être validés le plus rapidement possible en
concertation avec l'industrie et être portés à la
connaissance des opérateurs.
[...]
Cette recommandation n'engage pas la responsabilité de l'ANIA. Il ne
devra plus en être tenu compte, dès lors qu'une
réglementation définira les modalités d'étiquetage
de ces produits.
Source : ANIA
Sur la base de cette recommandation, la filiale française de
Nestlé a d'ores et déjà publiquement indiqué avoir
étiqueté une soixantaine de produits destinés à la
restauration collective et aux hôpitaux : la mention
" protéines issues de soja génétiquement
modifié " a été apposée lorsque l'entreprise
n'avait pas la garantie expresse qu'il s'agissait de soja conventionnel. Cette
politique devrait se généraliser aux produits vendus en grande
surface avec l'épuisement des stocks de protéines de soja
conventionnel.
Saluons le sens des responsabilités de cet industriel et
déplorons qu'il soit nécessaire de pallier l'insuffisance de la
réglementation par le volontariat !
Le dernier volet de la réglementation communautaire sur les
biotechnologies, qui concerne la propriété intellectuelle, a lui
aussi connu une procédure d'élaboration longue et
heurtée.
3. L'élaboration de la directive sur la protection des inventions biotechnologiques
Depuis
1988, date de la première proposition de la Commission sur le sujet,
l'Union européenne tente de mettre en place un système
communautaire de protection juridique des inventions biotechnologiques.
Malgré l'urgence de parvenir, dans ce domaine essentiel, à une
législation européenne, les débats n'ont toujours pas
abouti.
Après un premier
rejet par le Parlement européen, pour la
première fois dans l'histoire des institutions européennes,
dans le cadre de la procédure de codécision,
instituée par le Traité de Maastricht, du projet de directive
en mars 1995, la discussion avait été relancée par
une conférence inter-institutionnelle le 11 janvier 1996. A
l'issue d'une longue procédure, au cours de laquelle un vote favorable
au Parlement est intervenu en juillet 1997, la position commune du Conseil
des ministres de l'Union européenne a finalement été
adoptée le 26 février dernier, à la majorité
qualifiée.
Le texte a refait l'objet d'une nouvelle lecture au Parlement européen
en séance plénière le 12 mai. Il doit encore être
formellement adopté par les Quinze, puis être ensuite
transposé en droit national, avant d'entrer en vigueur dans
deux ans
au plus tôt.
Dix ans après le début des négociations, on ne dispose
donc toujours pas d'un texte applicable.
Ce projet de directive vise à l'instauration d'une procédure
harmonisée de brevetabilité des inventions
biotechnologiques :
PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA POSITION COMMUNE DU CONSEIL SUR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE " PROTECTION JURIDIQUE DES INVENTIONS BIOTECHNOLOGIQUES "
Selon
les termes de la position commune du Conseil, les Etats membres devront
protéger les inventions biotechnologiques, et adapter si
nécessaire leur droit national des brevets à cet effet. Les
critères liés à la brevetabilité sont les
mêmes que pour les autres domaines technologiques, à savoir :
nouveauté, activité inventive et application industrielle.
Selon le texte approuvé par les Quinze, ne sont pas brevetables :
- les variétés végétales et les races
animales ;
- les procédés essentiellement biologiques pour l'obtention
de végétaux ou d'animaux ;
- le corps humain aux différents stades de la constitution et de
son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses
éléments, y compris la séquence ou la séquence
partielle d'un gène ;
- les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à
l'ordre public ou aux bonnes moeurs, et notamment : les
procédés de clonage des êtres humains ; les
procédés de modification de l'identité
génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des
souffrances sans utilité médicale pour l'homme ou l'animal ainsi
que les animaux issus de tels procédés.
En revanche, les inventions portant sur des végétaux ou des
animaux sont brevetables si la faisabilité technique de l'invention
n'est pas limitée à une variété
végétale ni à une race animale déterminée.
Sont donc brevetables :
- les inventions impliquant une activité inventive et susceptible
d'application industrielle, même lorsqu'elles portent sur un produit
composé de matière biologique ou en contenant, ou sur un
procédé permettant de produire, de traiter ou d'utiliser de la
matière biologique ;
- une matière biologique isolée de son environnement naturel
ou produite à l'aide d'un procédé technique peut
être l'objet d'une invention, même lorsqu'elle préexistait
à l'état naturel. Un élément isolé du corps
humain, ou produit par un procédé technique, peut donc constituer
une invention brevetable, pour autant que l'application industrielle soit
clairement exposée dans la demande du brevet.
Autre élément important : si l'invention a pour objet une
matière biologique d'origine humaine, ou si elle utilise cette
matière, la personne sur laquelle le prélèvement est
effectué doit pouvoir exprimer son consentement.
Enfin, le texte prévoit la création d'un Comité
d'éthique indépendant chargé d'examiner tous les aspects
éthiques de la biotechnologie et de son utilisation.
Source : revue " europolitique ", n° 2295,
Février 1998.
*
* *
La
complexité de toute cette réglementation communautaire et son
caractère très rapidement évolutif reflètent,
certes, la crise des institutions européennes dans un contexte
d'après ESB, mais illustrent également la perplexité des
sociétés européennes face aux biotechnologies.
Nulle part ailleurs dans le monde ne sont aussi fortes les réactions,
violentes les oppositions, vives les passions sur le sujet des OGM qu'en
Europe.
B. CAUSES ET MÉCANISMES D'UNE CRISE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE
Des raisons de fond, de nature culturelle, mais aussi des raisons de circonstance, liées au contexte de l'arrivée des biotechnologies, expliquent la méfiance des Européens vis-à-vis de cette technique.
1. Les raisons culturelles de certaines oppositions
Sans trop s'étendre sur ce sujet, on peut relever, dans l'histoire et la culture européenne, plusieurs facteurs qui contribuent à expliquer le rejet du génie génétique.
a) La collusion historique de la génétique, de l'eugénisme et du racisme
Un bref
survol de l'histoire de la génétique montre qu'elle s'est
manifestée, au début du XXe siècle, sous le pire des
jours : un outil au service de l'eugénisme, puis du racisme.
Malheureusement, historiquement : "
Dans les pays anglo-saxons,
germaniques et nordiques, la rencontre directe du darwinisme, de
l'eugénisme et de la génétique donne naissance au courant
dominant de l'eugénisme génétique. Sa définition
recouvre l'ensemble des actions dont le but est d'éviter que ne
s'accommodent dans les races humaines les " mauvais gènes ",
et parallèlement de faire en sorte que l'on puisse assurer la
sélection et la promotion des " bons "
gènes. "
77(
*
)
Cette logique, poussée à son terme, a donné lieu à
des actes inhumains, tels que la stérilisation de dizaines de milliers
de malades mentaux en Suède, Norvège, Allemagne, Etats-Unis.
Puis, la génétique a été utilisée par les
théoriciens des idéologies racistes et a servi d'alibi à
l'élimination cruelle de races jugées porteuses de " mauvais
gènes " par l'Allemagne hitlérienne.
En matière de génétique, l'Europe a donc
commencé avec le pire. Comment ne pas comprendre que ces
atrocités -qui n'ont, fort heureusement, aucun rapport avec les
biotechnologies actuelles- aient laissé des traces dans la
mémoire collective ? Le spectre d'une dictature de la science sans
conscience est en effet toujours vivace.
b) La fragilisation du statut de l'expert
Face
à un génie génétique qui fait parfois peur,
l'expertise scientifique ne dispose plus, aux yeux de l'opinion, d'une
crédibilité suffisante pour constituer une réponse :
elle est soupçonnée d'irresponsabilité, d'imprudence,
voire de manque d'indépendance par rapport aux intérêts
économiques. En un mot : elle est parfois discréditée
aux yeux du grand public.
Pourtant, signe des temps et de l'impuissance des politiques, les consultations
d'experts n'ont jamais été aussi nombreuses ! En France ou
à Bruxelles, les comités se multiplient, les demandes d'avis
abondent et se superposent, aboutissant d'ailleurs aux mêmes
évaluations. Quel paradoxe !
Cette attitude de défiance, fréquente dans l'opinion
européenne, contraste fortement avec la confiance dont jouissent les
agences d'évaluation scientifique dans un pays comme les Etats-Unis.
Elle résulte de la survenue, ces dernières années, de
plusieurs tragédies (sans aucun rapport entre elles ni avec les
biotechnologies) : la transfusion sanguine, l'hormone de croissance
contaminée, l'amiante et l'encéphalopathie spongiforme bovine,
qui ont entamé la confiance du public dans les systèmes
d'évaluation scientifique des risques et des prises de décision
collectifs.
c) Le rôle de l'alimentation dans la culture européenne
Au-delà de la méfiance vis-à-vis de la
science,
le statut particulier de l'alimentation en Europe est une autre donnée
qui contribue à expliquer l'accueil mitigé des biotechnologies.
Les sociologues de l'alimentation ont mis en évidence l'existence, dans
toutes les civilisations, du principe dit " d'incorporation " qui
explique les interdits et les habitudes alimentaires. Ce principe est à
peu près le suivant : en ingérant un aliment, on s'identifie
à lui par l'incorporation de ses valeurs symboliques. En
conséquence, les habitudes alimentaires découlent non seulement
de la valeur nutritionnelle et de la saveur des aliments, mais aussi de la
représentation de ces différents aliments dans l'imaginaire
collectif.
Par exemple, la différence de consommation d'insectes, de rongeurs ou de
tortues de par le monde s'expliquerait par les différences de symboles
attachés à ces animaux.
Si l'approche affective, symbolique, de l'alimentation existe donc dans toutes
les cultures, il semble qu'elle soit plus présente dans certaines. Des
études montrent que les pays européens, en particulier,
accorderaient davantage d'importance que le reste de la planète à
la dimension culturelle, gustative et culinaire de l'alimentation plutôt
qu'à ses seules qualités nutritionnelles.
Ainsi, une étude d'opinion portant sur de petits groupes de
consommateurs français a mis en évidence l'existence d'une
" barrière " entre l'aliment et le médicament bien plus
étanche que dans d'autres pays, soulignant ainsi le statut très
particulier de l'alimentation.
Cette analyse est confortée par la différence de perception, par
l'opinion européenne, des applications du génie
génétique : en ce qui concerne la santé
(thérapies géniques, production de médicaments...), les
biotechnologies bénéficient d'une bonne acceptation (qu'on pense
aux fonds collectés, en France, par le Téléthon) ; en
revanche, les aliments transgéniques sont appréciés tout
autrement.
d) Le refus du caractère inéluctable de la mondialisation
Votre
rapporteur a pu le constater lors des entretiens préparatoires à
la rédaction de ce rapport : le refus de l'introduction des OGM est
parfois la manifestation du refus des conditions actuelles de
l'internationalisation des échanges, les deux apparaissant comme
intimement liés. Plus encore que celui du maïs, l'exemple du soja
(qui, importé des Etats-Unis où il a déjà presque
1 chance sur 2 d'être transgénique, entre dans la composition
des 2/3 environ des aliments) permet de nourrir cette critique. Le
fonctionnement actuel du commerce international rendrait inéluctable
l'introduction de plantes transgéniques américaines en Europe,
malgré la volonté des consommateurs de les rejeter.
Le refus des OGM exprime alors le refus de cette logique commerciale qui ne
laisserait pas la place à une alternative.
e) L'écologie profonde et la personnification de la nature
Un autre
facteur d'opposition au génie génétique, qui se retrouve
plus dans les pays d'influence germanique que dans le sud européen, est
l'existence des mouvements d'écologie dite
" profonde "
78(
*
)
, pour lesquels toute
atteinte de l'homme à l'équilibre naturel est néfaste.
Certains mouvements qui revendiquent la reconnaissance de droits pour les
animaux, voire les végétaux, s'opposent au principe de la
transgénèse végétale et animale.
Mais à ces facteurs culturels qui peuvent expliquer les divisions
européennes face aux biotechnologies se sont ajoutés des facteurs
conjoncturels qui n'ont pas contribué à accroître la
réceptivité de l'opinion à leur égard.
2. Une affaire " mal engagée " en Europe
Les
circonstances n'ont pas été très favorables aux
biotechnologies, qui ont occupé subitement le devant de
l'actualité, à l'automne 1996, lorsque les importations de
cultures transgéniques américaines furent bloquées dans
les ports européens.
A cette date, l'opinion et les institutions européennes étaient
encore secouées par la traumatisme de l'encéphalopathie
spongiforme bovine. Surtout, le consommateur n'avait pas été
suffisamment informé de l'existence de cette technologie, qu'il a
découverte brutalement, alors que son avènement était
prévisible depuis une décennie environ. Sans doute industriels
comme décideurs portent-ils une part de responsabilité dans cette
situation.
Enfin, la maladresse du discours tenu par certains industriels et le choix peu
pertinent des premiers produits transgéniques commercialisés
n'ont sans doute pas arrangé les choses : sans s'appesantir
à nouveau sur la présence malheureuse de gènes marqueurs
de résistance aux antibiotiques, soulignons que les produits
autorisés ne comportent pas de bénéfice direct pour le
consommateur et que, développés par des firmes agro-chimistes
étrangères -et, intervenant surtout dans l'alimentation animale-,
ils ont été ressentis comme un pas de plus en direction d'un
productivisme à tous crins, incriminé par l'inconscient collectif
comme le principal responsable des accidents sanitaires.
Mais l'appréciation de l'opinion est, bien sûr, plus
nuancée que le tableau schématique qui vient d'en être
fait.
3. Une opinion publique européenne divisée
Décrypter l'état de l'opinion publique
européenne vis-à-vis des OGM est un exercice périlleux,
source de vives controverses, tellement complexes sont les réactions des
Européens.
Une appréciation globale des biotechnologies par l'opinion publique
dans les quinze pays de l'Union européenne
La Commission européenne a financé une enquête d'opinion
sur ce thème,
l'étude " Eurobaromètre "
,
qui s'est déroulée en octobre et novembre 1996, auprès de
16.000 personnes, soit plus de 1.000 par pays.
La Commission commentait ainsi les résultats de cette enquête :
" LES EUROPÉENS ET LA BIOTECHNOLOGIE : UNE RELATION COMPLEXE "
" Un Européen sur deux estime que la
biotechnologie
améliorera notre mode de vie dans les vingt prochaines années.
Plus de 80 % des Européens estiment que la biotechnologie est utile
pour améliorer la détection de maladies
héréditaires et la production de médicaments. Mais trois
Européens sur dix seulement seraient prêts à acheter des
fruits génétiquement modifiés s'ils avaient meilleur
goût.
[...]
D'une façon générale, l'opinion publique européenne
considère les développements de la biotechnologie comme
relativement importants :
sur une échelle allant de 1
(" pas du tout important ") à 10 (" extrêmement
important "), la moyenne s'établit, pour l'échantillon de
personnes interrogées, à 6,45. Ce score est le plus
élevé en Suède, aux Pays-Bas et en Grèce.
[...]
Dans tous les Etats membres,
les deux applications jugées les plus
utiles
sont l'exploitation de la biotechnologie moderne pour la production
de médicaments et pour le développement de tests
génétiques en vue de détecter certaines maladies. A
l'inverse, les deux développements jugés en moyenne les moins
utiles sont l'application de la biotechnologie moderne dans la production
d'aliments et l'introduction de gènes humains dans des animaux pour
produire des organes en vue de leur transplantation à l'homme.
[...]
Moins d'un Européen sur quatre estime que la
réglementation
actuelle
est suffisante pour protéger les gens de tout risque
lié à la biotechnologie moderne.
C'est aux partis politiques, à l'industrie et aux organisations
religieuses que les Européens font le moins confiance pour " leur
dire la vérité en ce qui concerne la biotechnologie
moderne ".
Source : Communiqué de presse de la DG XII
Les résultats de cette enquête ont fait l'objet d'une
interprétation
79(
*
)
, publiée dans
la revue " Nature " en juin 1997. Cette analyse
(controversée) aboutit au classement suivant des opinions publiques des
différents pays :
CLASSEMENT GLOBAL DES OPINIONS PUBLIQUES DES ETATS EUROPÉENS
Opposition forte |
Opposition |
Opinion partagée |
Soutien |
Soutien fort |
Autriche
|
Luxembourg
|
France
|
Finlande
|
Espagne
|
Source : D'après l'analyse coordonnée par
M. Bauer, J. Durant et G. Gaskell, Nature, 1997, citée dans la
revue " Biofutur ", nov. 97.
Le degré d'adhésion aux biotechnologies dépend cependant
des applications considérées. Ainsi, parmi les quinze Etats
membres, la même analyse établissait-elle le classement
suivant :
CLASSEMENT DES OPINIONS PUBLIQUES DES ETATS EUROPÉENS PAR SECTEUR
|
Réticence |
Soutien mitigé |
Soutien décidé |
Secteur médical |
Aucun Etat |
2 Etats |
13 Etats |
Secteur agricole et agro-alimentaire |
5 Etats |
6 Etats |
4 Etats |
Animaux transgéniques |
11 Etats |
1 Etat |
3 Etats |
Source : Ibid
En France
Une enquête d'opinion
80(
*
)
réalisée en mai 1997 auprès d'un échantillon
représentatif de 1.004 personnes, à la demande des
professionnels du maïs
81(
*
)
, a donné
les indications suivantes sur l'état de l'opinion :
- une connaissance limitée du sujet :
. Les biotechnologies : 41 % n'en ont pas entendu parler, 63 % ne
savent pas ce dont il s'agit et 52 % ne savent pas comment les juger.
. Les OGM : 93 % n'en ont jamais entendu parler.
. Les plantes génétiquement modifiées sont mieux
identifiées que les OGM : 22 % déclarent ne pas en
avoir entendu parler, mais 44 % des sondés savent qu'en
introduisant un gène dans la plante, on obtient des plantes
génétiquement modifiées avec de nouvelles qualités.
- des craintes et une contradiction :
. 54 % des sondés pensent que les biotechnologies présentent
des risques (39 % quelques risques et 15 % beaucoup de risques).
. Mais 56 % estiment qu'elles sont importantes pour l'avenir (38 %
assez importantes, 18 % très importantes).
Un autre sondage
82(
*
)
, réalisé les
27 et 28 février dernier, indiquait, quant à lui, que :
. 27 % des personnes interrogées se déclarent
prêtes à consommer des aliments génétiquement
modifiés ; 2 % ne se prononcent pas et 71 % ne sont pas
prêts à en acheter pour leur consommation personnelle ;
. 60 % pensent que la consommation d'aliments transgéniques est
dangereuse pour la santé, 25 % ne le croient pas, 15 % ne se
prononcent pas.
4. Un parallèle historique instructif : l'introduction du maïs hybride dans la France de l'après-guerre
Toute
nouvelle technique suscite des peurs et des incertitudes.
Il est intéressant, à cet égard, de se remémorer
les divisions qui ont agité les maïsiculteurs français au
moment de l'introduction des nouvelles lignées hybrides, mises au point
aux Etats-Unis.
Henri Mendras, dans son essai sur "
La fin des paysans
",
consacre un chapitre à cette rupture essentielle et aux controverses
qu'elle a provoquées dans le sud-ouest de la France. On peut y
lire :
"
Un changement technique si inoffensif en apparence mais dont les
effets indirects risquent d'être si révolutionnaires, ne pouvait
apparaître sans une escorte de rumeurs et d'affabulations mythologiques,
traduisant les anxiétés profondes des agriculteurs et les
tensions sociales et politiques qu'il ravivait. [...]
Certains n'ont pas craint d'affirmer qu'il " n'engraisse pas les cochons
par ce qu'il n'y a que du son " ou mieux encore qu'il " donne la
peste aux cochons ". D'autres croient qu'il " détruit la
terre ". Brodant sur le mécanisme d'hybridation et sur la
pollinisation qui risque d'affecter un champ de maïs local voisin d'un
champ d'hybride, l'imagination béarnaise s'inquiète :
" Pour moi ce sera matière à procès plus tard. "
Plus simplement ce maïs qu'il faut tellement soigner
n'inspire pas
confiance
, car évidemment " l'artificiel c'est toujours
l'artificiel " et " il va y avoir une maladie qui ensuite
s'étendra au maïs du pays ".[...]
Il s'établit ainsi une comparaison qui prend parfois figure de
rivalité entre le maïs du pays auquel on s'identifie et l'autre,
étranger, qui est apporté par les " messieurs à
lunettes ", de la ville, et même d'Amérique. [...]
A ce niveau de réactions affectives et sentimentales il n'y a plus qu'un
pas à franchir pour que le débat prenne
une coloration
politique
. Ce pas se franchit d'autant plus aisément que la vie
politique est fort animée en Béarn et que, par un jeu du sort, ce
maïs " américain " a commencé à faire
problème à l'époque où l'extrême gauche
faisait campagne contre l'américanisation et la
" marshallisation " de la France. "
Faut-il encore diagnostiquer la propension de la société
française aux mutations brutales, aux révolutions plutôt
qu'aux évolutions ?
C. UNE ATTITUDE QUI CONTRASTE AVEC CELLE D'AUTRES RÉGIONS DU MONDE
Afin de
mener une étude comparative des attitudes des différents pays en
matière de biotechnologies, votre rapporteur s'est rendu aux Etats-Unis.
Il a également interrogé les ambassades de France des 15 pays de
l'Union européenne, mais aussi d'Argentine, d'Australie, du Canada, de
Chine, du Japon et des pays d'Europe centrale et orientale, qui ont fourni des
éléments de réponse fort intéressants.
Qu'elles en soient ici remerciées.
Cette enquête fait apparaître les conclusions suivantes :
GÉOPOLITIQUE MONDIALE DES BIOTECHNOLOGIES
- l'Amérique du Nord dispose d'une avance certaine
en
matière de biotechnologie ;
- la sphère Pacifique semble s'engager dans cette voie (notamment
le Japon et l'Australie) ;
- d'autres Etats émergents se sont résolument investis dans
ce secteur : ainsi l'Amérique du Sud et la Chine ;
- au sein des pays européens, des différences sensibles
apparaissent dans la politique des différents Etats, des refus
autrichien et luxembourgeois à la mobilisation des pouvoirs publics
allemands.
QUELQUES CHIFFRES ÉLOQUENTS :
SURFACES DE CULTURES TRANSGÉNIQUES PAR PAYS EN 1997
TAUX DE CROISSANCE DES SURFACES TRANSGÉNIQUES ENTRE 1996 ET 1997
(en %)
Source : rapport de l'ISAAA précité.
1. L'avance Nord-Américaine
a) L'engagement des Etats-Unis
Votre
rapporteur l'a constaté : aux Etats-Unis, les biotechnologies sont
perçues comme un enjeu économique majeur. La croissance de ce
secteur a d'ailleurs été impressionnante depuis 15 ans et elle
est considérée comme un des moteurs de la
prospérité américaine.
Les pouvoirs publics se mobilisent sur la question, d'une façon tout
à fait comparable à l'engagement du Gouvernement américain
en matière de nouvelles technologies. Un homme, que votre rapporteur a
rencontré à Washington, symbolise cet engagement : il s'agit
de M. Mickey Kantor, ancien négociateur américain dans les
discussions commerciales internationales, proche du Président des
Etats-Unis et désormais collaborateur au plus haut niveau de la
société Monsanto.
Une procédure d'agrément qui utilise la législation en
vigueur et fait intervenir trois agences fédérales
La doctrine réglementaire élaborée depuis 1987 est simple.
Les bases légales qui fondent les autorisations ne sont pas des textes
spécifiques aux biotechnologies, mais un corpus de lois existantes, dans
les secteurs sanitaires et environnementaux. L'approche est assez
pragmatique : par exemple, même si elle est systématique, la
consultation de la Food and Drug Administration (FDA) n'est pas juridiquement
obligatoire.
Le
système repose davantage sur la responsabilité de
l'industriel
entendue outre-Atlantique de façon sans doute plus
large, que sur l'autorisation préalable, qui est l'attitude
européenne, même si une évaluation scientifique rigoureuse
est menée par les autorités fédérales.
En plus des autorisations qui sont parfois nécessaires au niveau des
Etats fédérés, trois agences fédérales
interviennent en effet dans la procédure d'évaluation et
d'autorisation :
- le Département de l'Agriculture (USDA), par
l'intermédiaire de l'Animal and Plant Inspection Service (APHIS) ;
- la Food and Drug Administration (FDA), qui est un service du
Ministère de la Santé ;
- l'Environmental Protection Agency (EPA), qui ne dépend que de la
Maison Blanche.
l'APHIS
est chargée de réglementer les essais en culture,
la culture, l'importation et le commerce inter-Etats des OGM ;
la FDA
contrôle la salubrité des aliments,
réglemente l'étiquetage des denrées alimentaires, les
additifs et les nouveaux aliments (sauf la viande et les produits de
l'agriculture), ainsi que les médicaments pour animaux.
Compétente en matière
d'étiquetage
, la FDA a pris
position contre l'identification obligatoire des produits
génétiquement modifiés, car elle les considère
comme assimilables aux produits traditionnels (elle pourrait revenir sur sa
position si, par exemple, il apparaissait que certains OGM
génèrent des allergies) ;
l'
EPA
est chargée de l'autorisation des OGM à
activité phytosanitaire, car elle réglemente la distribution, la
vente, l'usage et l'évaluation des pesticides et établit des
seuils de tolérance pour les quantités de résidus de ces
pesticides dans les produits végétaux
récoltés ; considérant les OGM résistant aux
maladies ou aux insectes et tolérants aux herbicides comme autant de
pesticides, elle intervient dans leur agrément.
En pratique, les entreprises soumettent leur dossier de façon
concomitante aux trois agences.
Ce système a déjà permis, depuis 1987, l'autorisation de :
- 3.332 essais en champs, sur 14.193 sites, portant sur 48
espèces de plantes ;
- la culture de 30 variétés de plantes
transgéniques, 16 autorisations ayant été
délivrées ces derniers 26 mois ;
- la culture de 8,1 millions d'hectares en 1997 plantés en
espèces transgéniques, soit 64 % du total mondial.
Une bonne acceptation de la part du grand public
La principale caractéristique du système américain est la
confiance que la population manifeste à l'égard des institutions
chargées de l'évaluation scientifique de la salubrité et
du risque environnemental lié aux OGM.
Une étude de la mission scientifique et technologique de l'ambassade de
France à Washington sur la perception des biotechnologies par la
population américaine indique à quel point les Américains
sont confiants dans leur industrie des biotechnologies, comme d'ailleurs dans
tous les secteurs de pointe de leur économie et qu'ils adhèrent
aux procédures et aux exigences des organismes chargés de leur
évaluation.
Près de 8 Américains sur 10 (79 %) seraient
informés sur les biotechnologies, la majorité (54 %)
déclarant que la biotechnologie lui a déjà
été très profitable et plus des trois-quarts (78 %)
prévoyant qu'elles lui seront profitables dans les 5 prochaines
années. Les trois-quarts (78 %) approuvent la décision de la
FDA de n'exiger un étiquetage spécial que lorsque la composition
nutritionnelle a été modifiée ou qu'un caractère
allergène a été introduit.
Une forte vitalité du secteur américain des
biotechnologies
Les chiffres sont édifiants : né il y a 15 ans, le
secteur américain des biotechnologies représente
déjà plus de 1200 entreprises, 118.000 emplois et
dépense chaque année près de 8 milliards de dollars
en recherche et développement.
A côté des grands du secteur, un tissu très dense de PME
existe, autour de pôles géographiques tels que San Francisco, Los
Angeles, San Diego, en Californie, mais aussi en Nouvelle-Angleterre, dans
l'Etat de New-York, dans le Maryland, dans le Missouri.
Comme pour les technologies de l'information, les biotechnologies
bénéficient aux Etats-Unis de l'" effet Silicon
Valley ", c'est-à-dire de l'imbrication très étroite
de 3 mondes :
- celui de la recherche universitaire ;
- celui de l'entreprise ;
- celui de la ressource en capital.
b) Le dynamisme canadien
Le
Canada est, lui aussi, particulièrement actif dans le secteur des
biotechnologies, dont le développement ne suscite pas de réelle
contestation.
Une réglementation proche du modèle américain
Comme les Américains, les Canadiens n'ont pas élaboré de
texte réglementaire spécifique aux biotechnologies, non plus que
mis en place de structure administrative spécifique. Ce sont les lois
existantes en matière d'hygiène alimentaire, de protection des
végétaux et de santé animale, ainsi que l'Agence
canadienne d'inspection des aliments, les ministères de la santé
et de l'environnement, qui encadrent la procédure d'agrément, qui
fait intervenir une évaluation scientifique, qu'il s'agisse de
l'utilisation confinée ou de la dissémination en plein champ.
En matière
d'étiquetage
, le gouvernement Canadien ne
l'exige qu'en cas de risque pour la santé (par exemple en cas de
présence d'allergène) ou de changement important dans la
composition nutritionnelle, mais l'étiquetage volontaire est possible.
En 1997, 812 essais en plein champ ont été autorisés dans
ce pays, ce qui monte à
3.000 le nombre d'essais
réalisés depuis 1998.
Vingt-sept végétaux
transgéniques
ont été autorisés à la
culture et
25 végétaux
ont fait l'objet d'une approbation
pour la consommation.
D'ores et déjà, une pomme de terre transgénique
autorisée en 1995 est distribuée dans les magasins d'alimentation.
En termes de surfaces cultivées, le Canada, avec 1,3 millions
d'hectares en 1997 représente 10 % du total mondial.
Des pôles industriels qui bénéficient du soutien des
provinces
L'industrie canadienne de la biotechnologie " moderne " regroupe 120
à 150 entreprises et emploie plus de 6.500 personnes, contre 300
entreprises et 10.000 emplois pour l'ensemble du secteur canadien des
biotechnologies.
En matière d'agro-alimentaire, c'est à Saskatoon que la
concentration d'entreprises est la plus forte, où existent des centres
de recherche sur le génie génétique des cultures (surtout
le colza).
La province du Seskatchewan
est en effet particulièrement
dynamique :
-
le lien entre industrie et recherche y est étroit
: les
associations sont nombreuses entre entreprises et centres de recherches publics
(université, organismes publics) ;
-
l'accès au financement est facilité par la Province
: cette dernière emprunte aux banques à des taux
préférentiels et apporte ces fonds à des organismes de
capital-risque parapublics chargés de financer les entreprises de
biotechnologie.
2. La stratégie de la sphère Pacifique
a) Le rattrapage japonais
Une
apparition récente mais rapide des biotechnologies
En 1996, le ministère japonais de l'Agriculture, de la Forêt
et des Pêches autorisait pour la première fois la
pénétration de plantes transgéniques sur le marché
japonais.
Dès la fin de 1996, 7 plantes transgéniques obtenues aux
Etats-Unis et au Canada sont apparues sur les étals japonais.
Actuellement, 48 plantes transgéniques ont obtenu l'autorisation de
culture en champ confiné
83(
*
)
,
20 plantes ayant obtenu une autorisation de commercialisation au
Japon.
Le marché japonais des produits génétiquement
modifiés a représenté un montant de 32 milliards de francs
en 1997, en augmentation de 28 % par rapport à 96. Il s'agit
surtout d'importations, concernant le soja, le maïs, le coton, le colza,
mais aussi des oeillets transgéniques. Mais
l'industrie japonaise,
qui ne s'est impliquée que tardivement dans le développement des
produits transgéniques, est en passe de rattraper son retard.
Les
recherches actuelles des entreprises telles que Japan Tobacco, Suntory, Kirin
Brewery, Mitsui, Takii, Mitsubishi chemical, Nippon Paper, portent
principalement sur le riz, le tabac, la pomme de terre, les plantes
ornementales, les brocolis, les choux-fleurs, mais aussi les espèces
forestières utilisées dans l'industrie papetière.
Les biotechnologies sont perçues comme un enjeu de taille, approche qui
est résumée ainsi par le service pour la science et la
technologie de l'ambassade de France à Tokyo : "
En 1996, le
pays du soleil levant n'a pu assurer que 42 % de la demande calorique de
sa population. Les plantes transgéniques permettront-elles au Japon
d'augmenter son niveau d'autosuffisance ? Les décideurs nippons semblent
prêts à essayer de toutes façons ".
Des programmes de recherche publics
Le ministère de l'agriculture et les universités dépendant
du ministère de l'éducation financent des programmes de recherche
sur la transgénèse.
En particulier, le ministère de l'agriculture finance 3 projets :
- un programme de recherche sur 14 ans visant à
améliorer les techniques d'ingénierie cellulaire et
génétique et à développer de nouvelles plantes
transgéniques ;
- un programme visant à développer une nouvelle technique de
transformation génétique ;
- un programme de mise au point de plantes tolérantes à un
herbicide.
Notons que, partie en retard par rapport à la sphère
américaine, la recherche nippone est handicapée par le nombre de
brevets déjà détenus outre-Pacifique et qu'elle a
adopté une stratégie tendant à mettre au point des
nouvelles techniques, brevetables, pour s'affranchir des brevets occidentaux.
Une réglementation qui fait intervenir huit textes et trois
ministères
Au Japon, le développement d'OGM est sous le contrôle de huit
réglementations. En ce qui concerne plus spécifiquement les
plantes, il s'agit de trois directives portant respectivement sur
l'introduction dans l'environnement, l'alimentation humaine et l'alimentation
animale.
Malgré sa complexité, cette réglementation permet
d'accorder un nombre croissant d'autorisations et de faire face à
l'afflux de demandes.
Toutefois, elle est peu incitative en ce qui concerne la réalisation des
essais en plein champ, que les industriels nippons effectuent souvent à
l'étranger.
Une pression du public qui pose la question de l'étiquetage
Aucun étiquetage particulier n'est imposé pour les plantes
transgéniques au Japon, ni pour leurs produits dérivés.
Cependant, l'acceptation du public japonais est mitigée et de nombreuses
préfectures et associations de consommateurs souhaitent un
étiquetage, que le gouvernement japonais refuse pour l'instant.
Le ministère de l'agriculture a lancé dès 1995 un
programme pour la promotion de l'acceptation du public pour les OGM.
b) Le démarrage australien
Une
réglementation qui se met en place
Plusieurs agences sont impliquées dans la production et la
commercialisation des OGM en Australie, qu'un représentant du
comité consultatif sur les manipulations
génétiques
84(
*
)
décrit
comme étant encore "
dans l'enfance
".
Les instances intervenant pour l'autorisation sont, notamment :
- GMAC, le comité consultatif sur les manipulations
génétiques, qui émet un avis scientifique, notamment sur
l'aspect environnemental ;
- AQIS, le service de l'inspection et de la quarantaine ;
- ANZFA, l'autorité alimentaire commune à l'Australie et
à la Nouvelle-Zélande, qui a récemment recommandé
un étiquetage sur la base de la non-équivalence ;
- NRA, l'autorité d'enregistrement des produits chimiques agricoles
et vétérinaires, qui, en coordination avec le ministère de
la santé et l'agence de protection de l'environnement, est
chargée d'une évaluation globale (santé humaine,
environnement...).
Un dixième rang mondial en biotechnologies
D'après un récent rapport
85(
*
)
,
l'Australie est au 10ème rang des pays de l'OCDE pour les
biotechnologies, avec 69 essais en champs de plantes transgéniques
qui ont déjà été autorisés et 3 plantes
qui ont été
autorisées, parmi lesquelles un coton
résistant aux insectes en 1996, dont 30.000 hectares ont
été plantés en 1996-97 et le double en 1997-98.
3. La montée en puissance d'Etats émergents
a) L'Amérique du Sud : un acteur majeur
Le
Brésil, l'Argentine, mais aussi le Mexique, comptent désormais
parmi les principales puissances agricoles impliquées dans les
biotechnologies.
En Argentine
, par exemple, les autorisations du secrétariat
à l'agriculture, l'élevage, la pêche et l'alimentation ont
déjà porté sur
8 variétés
de
plantes transgéniques : coton, maïs, colza, tournesol, pommes de
terre, soja, tomate, blé.
Un soja tolérant au glyfosate et un maïs résistant à
la pyrale sont déjà effectivement cultivés. Coton et
tournesol seraient proches de l'exploitation.
78 essais en champs ont été autorisés en 1997 et ce
seraient 1,4 million d'hectares transgéniques qui auraient
été cultivés cette même année, soit une
croissance de 16 % par rapport à 1996.
L'Argentine représenterait à elle seule 11 % du total des
surfaces transgéniques de par le monde.
b) La Chine : une détermination ancienne
D'après le rapport précité de l'ISAAA, la
Chine
a été le premier pays à cultiver des plantes
transgéniques au début des années 1990. Sa part dans
le jeu mondial est toutefois en diminution car le taux de croissance des
surfaces transgéniques y est plus faible que dans d'autres pays.
Elle
représenterait aujourd'hui le deuxième pays en termes de
surfaces, avec 14 % du total
des surfaces cultivées, contre
64 % pour les Etats-Unis. Au total, il y aurait eu en 1997 en Chine,
1,8 million d'hectares transgéniques cultivés. En ce qui
concerne la réglementation, l'autorisation des OGM ne semble pas faire
l'objet d'une réglementation spécifique, le dispositif
chinois
86(
*
)
concernant essentiellement les
précautions générales à prendre par les
unités de recherche pratiquant des manipulations
génétiques.
En ce qui concerne la politique chinoise en la matière, il
apparaît que :
-
la recherche chinoise est étendue dans ce secteur.
Elle
concerne les végétaux (et notamment le riz) mais aussi les
poissons et les volailles. Un " programme national high-tech de recherche
et développement ", dit programme " 863 " a
été lancé en 1986 dans le secteur de la biotechnologie,
qui a également été une priorité des 7è et
8è plans quinquennaux de recherche ;
-
les biotechnologies sont considérées comme un moyen
d'accroissement de l'autosuffisance alimentaire
.
Face à ce mouvement inégal mais général,
d'adaptation des biotechnologies par les puissances agricoles mondiales,
l'Europe semble en retrait, bien qu'elle soit loin d'être unanime sur ce
sujet.
4. Les différences d'approche entre les Etats européens
a) Les tergiversations françaises
Longtemps favorable aux progrès de la
transgénèse, la France a changé son fusil d'épaule.
Les principales décisions françaises en matière de
biotechnologies, intervenues ces derniers 18 mois, révèlent
les hésitations de notre pays en la matière :
LES DÉCISIONS FRANÇAISES INTERVENUES CES DIX-HUIT DERNIERS MOIS
18
décembre 1996
: sur l'avis favorable de la France, la Commission
européenne autorise le maïs Bt Novartis
Consignation, en janvier 1997
, dans les ports français de
Lorient et de Saint-Nazaire de Corn Gluten Feed américain susceptible
d'être issu, pour partie, de maïs transgénique, le
ministère de l'Agriculture indiquant que la notification de
l'autorisation européenne du 18 décembre 1996 du maïs
Novartis (pour laquelle la France était rapporteur au niveau
communautaire) n'avait pas été reçue en France.
2 février 1997 : 2 avis parus au Journal Officiel
rendent
obligatoire l'étiquetage des aliments contenant des OGM, qu'ils soient
destinés à l'homme ou à l'animal.
Un arrêté du 4 février autorise
la mise sur le
marché
des lignées de maïs génétiquement
modifiés de Novartis résistant à la pyrale et
tolérant au glufosinate-ammonium (la consommation est donc
autorisée).
le 5 février
: déblocage des 30 000 tonnes de Corn Gluten
Feed consignées.
le 12 février
:
décision, à l'issue du Conseil
des ministres, de ne pas autoriser la mise en culture
de ce
maïs ; l'arrêté d'inscription au catalogue officiel des
semences ne serait pas signé, malgré
l'avis favorable du
CTPS, de la CGB et de l'Union européenne.
le 13 février 1997
: démission du président
de la commission du génie biomoléculaire (CGB), M. Axel Kahn, en
désaccord avec cette décision.
la FNSEA juge ce choix incohérent : "
on autorise tout ou on
interdit tout mais on ne crée pas une distorsion de concurrence
supplémentaire entre les produits importés et les produits de
notre territoire
"
87(
*
)
. D'autres
organisations (Coordination rurale, Confédération paysanne)
approuvent cette interdiction, certains souhaitant même que l'importation
soit aussi interdite.
27 novembre 1997
:
conférence de presse
annonçant les mesures que compte prendre le Gouvernement :
-
organisation future d'une " conférence de
consensus " pour promouvoir le débat public,
-
mise en place future d'un réseau de biovigilance,
- renouvellement et élargissement futurs de la CGB,
-
autorisation de la mise en culture du maïs Novartis
résistant à la pyrale
,
- aucune autre autorisation n'interviendra jusqu'au débat public.
9 décembre 1997
: Après des protestations publiques
d'élus écologistes, communiqué de presse du
ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement
précisant que "
le gouvernement n'autorisera pas de nouvelle
mise sur le marché ni de mise en culture de plantes modifiées
génétiquement contenant des gènes de résistance aux
antibiotiques
" (comme c'est le cas du maïs autorisé le 27
novembre 1997) et que le gouvernement prendra sa décision
définitive sur cette question à la lumière du futur
débat public.
8 février 1998 :
publication au Journal officiel de
l'arrêté inscrivant au catalogue officiel des espèces et
variétés, le maïs dont l'autorisation avait
été annoncée le 27 novembre.
La mise en culture d'une
plante transgénique est pour la première fois autorisée en
France.
Votre rapporteur a pu le constater : vu de l'étranger, (qu'il
s'agisse des Etats-Unis ou de la Commission européenne) l'attitude
française a parfois été perçue comme une succession
de revirements, pas toujours bien comprise de nos partenaires.
b) La mobilisation stratégique du gouvernement allemand
La
volonté d'être le premier en Europe en l'an 2000
D'un point de vue historique, l'Allemagne souffrait encore, dans les
années 1970, d'un important retard dans le domaine des biotechnologies,
conséquence de la fuite des cerveaux au temps du national-socialisme et
de l'hostilité d'une partie de l'opinion publique à la
génétique. Le renforcement de la législation sur les
recherches sur les organismes vivants en 1990 avait quant à elle
poussé certaines entreprises à délocaliser leurs
activités de recherche outre-Atlantique.
Prenant conscience de l'enjeu économique que représentent les
biotechnologies, le gouvernement allemand a fortement réagi. L'objectif
actuel est clairement annoncé, notamment par la voix de son ministre
chargé de la science et de la technologie : " devenir leader
européen dans le secteur des biotechnologies en
l'an 2000 ".
Le dispositif réglementaire mis en place en 1990 a ainsi
été assoupli en 1993 ; un conseil de la recherche, de la
technologie et de l'innovation a été mis en place auprès
du chancelier fédéral ; des programmes
fédéraux importants ont été financés pour
développer le secteur.
Un document du ministère fédéral de la science, de
l'éducation, de la recherche et de la technologie explique ainsi
(à l'attention des investisseurs étrangers ?) le raisonnement du
gouvernement allemand :
"
le marché des biotechnologies est en expansion
Le chiffre d'affaires est de 50 milliards de DM, la part du marché
américain est de 50 %. La part de marché de l'Allemagne sur
le marché européen est de 26,5 %.
le contexte réglementaire allemand a été assoupli
La loi de 1990 a été amendée, le gouvernement allemand
entend simplifier la législation communautaire et envisage de simplifier
davantage les procédures d'approbation de la dissémination des
OGM (directive 90-220).
le secteur allemand des biotechnologies est en forte expansion
Le nombre de " start-up " de biotechnologies (entreprises innovantes
en création) est passé de 40 en 1994 à 300 en 97 en
Allemagne.
Le nombre d'employés de ce secteur devrait évoluer,
d'après une étude menée en 1996, de la façon
suivante :
1985 20.000 emplois privés
1996 20.000 emplois privés + 20.000 emplois du secteur public
2000 110.000 emplois dont 20.000 emplois publics
Conclusion
: Les avantages du site allemand pour les biotechnologies
(l'économie la plus productive d'Europe ; le premier pays
européen pour le développement et la production des hautes
technologies ; un secteur des biotechnologies en expansion ; des
infrastructures scientifiques remarquables...) "
Force est de constater que les programmes publics sont à la hauteur des
ambitions allemandes dans ce secteur.
Les programmes publics de soutien au développement des
biotechnologies
Biotechnologies 2000
Ce programme fédéral, mis en place pour la période
1989-1994 et reconduit jusqu'en 1997, bénéficiait (en 1996) d'un
montant annuel de financement de 335 millions de Deutsche Mark
(1,1 milliards de francs), par le biais d'un soutien aux
établissements de recherche extra-universitaire et d'un financement de
projets de recherche.
Les axes de recherche prioritaires étaient les suivants en 1996 :
MONTANT DES FINANCEMENTS DU PROGRAMME BIOTECHNOLOGIES 2000
PAR SECTEURS
Le
concours Biorégio
En octobre 1995, le gouvernement fédéral a lancé un
concours appelé Biorégio, dont le but était
d'accélérer le développement industriel des
biotechnologies en Allemagne. Le gouvernement entendait ainsi encourager la
coordination de toutes les sources de financement de
recherche-développement et la mise en place de pôles de
biotechnologies par création d'entreprises et développement de
synergies régionales dans ce domaine.
Ce concours a été organisé de la façon suivante :
1-
Appel à candidature et aide à la soumission de
projet
Pour cette première étape, les régions devaient formuler
leur stratégie et les objectifs de leurs recherches tout en faisant
état du potentiel biotechnologique régional. Le gouvernement a
soutenu financièrement les régions dans cette préparation
de leur projet (50 % des dépenses plafonnées à
100.000 DM). A la date du 30 septembre 1996, date limite de
dépôt des dossiers de candidature, 17 zones géographiques
avaient déposé leur dossier.
2- Résultats
Trois dossiers ont été sélectionnés par le jury
constitué de membres issus de l'industrie, de la recherche scientifique
et de syndicats. Les efforts faits par les candidats pour mobiliser du
capital-risque pour les biotechnologies ont constitué un des arguments
décisifs dans le choix des lauréats. Le
20 novembre 1996, le ministère fédéral de la
science et de la technologie a annoncé les résultats du concours.
Les trois régions lauréates étaient :
- la " Bioregio " Rhénanie,
- la " Bioregio " triangle Rhin-Neckar,
- le " Cercle d'initiatives en biotechnologie " de Munich.
(plus un prix spécial du jury, attribué à la Bioregio
Iena, nouveau Land).
Les trois vainqueurs constituent des régions modèles qui auront
pendant 5 ans, à partir de 1997 un accès privilégié
au budget du programme " Biotechnologie 2000 ". Une somme de
150 millions de DM au total leur est réservée durant cette
période. Ces moyens doivent permettre de mobiliser le plus possible de
financements privés (capital -risque notamment).
L'intérêt du concours a été surtout la
mobilisation très forte qu'il a suscitée dans les 17
régions candidates, qui sont devenues autant de pôles
régionaux coordonnés en matière de biotechnologies.
Une opinion publique qui reste partagée
Si le gouvernement allemand s'est donné les moyens de profiter
pleinement des retombées économiques positives liées au
développement des biotechnologies, l'opinion publique est, quant
à elle, plutôt méfiante, voire carrément hostile (le
parti Vert et des associations environnementales y sont farouchement
opposés). Les Etats fédérés ne semblent pas non
plus toujours, partager pleinement les objectifs du Gouvernement
fédéral sur ce point.
La précision des règles européennes d'étiquetage
est, comme en France, une revendication majeure des associations de
consommateurs.
c) Les refus autrichiens, luxembourgeois (et suisse ?)
Certains
pays européens opposent un net refus aux biotechnologies.
Ainsi,
l'Autriche
a-t-elle interdit, au mois de février 1997,
toute importation et mise en culture du maïs transgénique
autorisé à la mise en marché en décembre 96 par la
Commission.
En avril 97, les organisations écologistes ont fait signer une
pétition anti-OGM à 1,2 million d'Autrichiens (21,2 %
de l'électorat), illustrant le rejet massif de cette population.
Signalons que l'agriculture autrichienne est stratégiquement
" positionnée " sur l'agriculture biologique.
Le grand duché de
Luxembourg
a également souhaité
interdire l'importation et la mise en culture de maïs transgénique
sur son territoire.
Quant à la
Confédération Helvétique
, elle
est le théâtre d'un intense débat au sujet des OGM. Si
aucune culture de plante transgénique n'est pour l'instant
autorisée en Suisse, un maïs Bt et un soja tolérant à
un herbicide sont autorisés à l'importation.
Cependant, la question est loin d'être définitivement
tranchée puisque les citoyens helvétiques devront se prononcer,
le 7 juin prochain, par un référendum, sur un texte d'initiative
populaire, " l'initiative pour la protection
génétique " déposé par 111 063
signataires, qui interdirait, de fait, une grande partie des activités
liées au génie génétique.
Ce texte viserait en effet à proscrire :
" - la production, l'acquisition et la remise d'animaux
génétiquement modifiés ;
- la dissémination d'OGM dans l'environnement ;
- l'octroi de brevets sur les plantes ou les animaux
génétiquement modifiés (...). "
La campagne électorale donne actuellement lieu à des
débats très vifs
88(
*
)
.
d) Les incertitudes italiennes
En Italie , le ministère de la santé italien a tout d'abord interdit le maïs transgénique en Italie le 4 mars 1997. Cette interdiction a été levée le 22 septembre 1997, date à laquelle le maïs Novartis a été inscrit au registre national des variétés, permettant ainsi sa mise en culture pour la campagne 1998. L'opinion publique reste divisée à ce sujet.
e) Les termes du débat au Royaume-Uni
les
biotechnologies ont fait l'objet, dès 1994, d'un débat de
société
Si aucune plante transgénique n'est encore mise en culture dans ce pays,
bien que des essais en champs aient lieu, certains produits alimentaires
composés d'OGM (des purées de tomates) sont déjà
commercialisés et bénéficient d'une bonne acceptation de
la part du public.
Rappelons que l'opinion a déjà été
sensibilisée depuis plusieurs années à cette question :
avant même l'introduction des premiers produits
transgéniques,
la biotechnologie végétale avait fait
l'objet, du 2 au 4 novembre 1994, au Regent's College, à
Londres, d'une conférence nationale de consensus sur les
biotechnologies. Cette confrontation d'experts et de citoyens profanes
organisée sur le modèle danois, avait donné lieu à
la publication d'un rapport
89(
*
)
.
L'industrie britannique des biotechnologies est bien placée, surtout
dans le domaine médical et pharmaceutique
.
D'après les renseignements fournis par l'ambassade de France à
Londres, le secteur britannique des biotechnologies se caractérise par :
-
une politique attractive vis-à-vis des investisseurs
:
Le ministère du Commerce et de l'Industrie britannique dispose d'un
service spécifique chargé d'informer les particuliers et les
entreprises sur les potentialités offertes par les biotechnologies au
Royaume-Uni en terme d'investissements. Ce service diffuse de la documentation
sur la réglementation afférente, les voies de recherche dans la
biotechnologie, et les organismes responsables pour faciliter l'approche de ces
technologies par les investisseurs potentiels.
-
une forte croissance :
25 % des compagnies de biotechnologies mondiales (dans tous les secteurs)
sont basées au Royaume-Uni,
soit plus que dans l'ensemble du reste de
l'Europe
. Le chiffre d'affaires des entreprises britanniques du secteur a
connu une croissance élevée, passant de 4,7 milliards de
francs en 1994 à 7 milliards de francs en 1996. Les
prévisions laissaient espérer un chiffre d'affaires de 15
milliards à la fin de 1998. Dans le même temps, les
dépenses de recherche-développement dans le domaine
connaîtraient une croissance de 68 %.
Les petites ou moyennes sociétés de biotechnologies, compte tenu
de leur dynamisme et de leur situation financière, forment un tissu
dense, en perpétuelle évolution, quoique fragile. Cependant, la
base du secteur de la biotechnologie au Royaume-Uni reste constituée par
des filiales de sociétés multinationales ou par des
sociétés plus anciennes et possédant une assise
financière suffisante pour attendre des retombées à long
terme des recherches engagées depuis quelques années.
-
un centre de gravité médico-pharmaceutique :
Le principal axe de recherche biotechnologique des années 90 au
Royaume-Uni porte sur le secteur médical.
La recherche médicale et pharmaceutique reste prédominante :
(médicaments, vaccins, tests issus du génie
génétique).
*
* *
La
France, on le voit, avec l'Europe, est partagée sur le sujet.
Submergés par le désarroi et l'émotion d'une opinion peu
réceptive, en ces temps d'ESB, à une technologie nouvelle qui
semble brusquement surgir dans son assiette, les décideurs
français ont-ils conscience que la situation actuelle est celle du pire
? En l'absence de risque avéré dans l'état actuel des
connaissances, les biotechnologies se développent, sans que
l'économie nationale n'en bénéficie et sans que le
consommateur français ne dispose de l'information qu'il désire.
La France doit se donner les moyens de sortir de cette situation.
QUATRIÈME PARTIE -
POUR DES CHOIX
RESPONSABLES
L'Europe
doit sortir de la situation dans laquelle elle a contribué à se
laisser enfermer par les circonstances.
En France, au-delà des voeux pieux, des choix responsables et
respectueux des citoyens sont nécessaires pour permettre, dans le
respect du consommateur et de l'environnement, de valoriser les atouts de la
recherche française en matière de sciences du vivant.
I. SE DONNER LES MOYENS DE LA CONFIANCE
A. RESTAURER LA CONFIANCE
1. Instaurer un débat public
"
L'histoire des sciences et des techniques montre que
le
développement de nouvelles technologies a souvent suscité dans
l'opinion publique craintes et oppositions. Les applications de la biologie
à l'agriculture et à l'agro-alimentaire n'échappent pas
à ce type de réactions. [...]
J'estime donc qu'il est normal qu'un tel défi suscite l'émoi et
je considère celui-ci comme étant un des éléments
du nécessaire débat démocratique que je souhaite voir
s'instaurer à propos de ces technologies. [...]
Je crains que, si un débat n'a pas lieu à brève
échéance en France sur les biotechnologies, un blocage se
produise au moment où arriveront sur le marché les premiers
produits alimentaires issus d'un processus faisant intervenir le génie
génétique.
Il est donc indispensable qu'un débat national s'instaure sur le
développement de ces technologies ".
Cette analyse, clairvoyante, vu l'indifférence quasi
générale sur le sujet à cette époque, était
formulée en 1990 par notre collègue député
Daniel Chevallier dans son rapport sur les biotechnologies appliquées
à l'agriculture et à l'industrie agro-alimentaire
90(
*
)
.
Faute de la mise en place d'un débat public d'envergure sur ce sujet,
les craintes exprimées dans ce rapport sont en passe de se
réaliser.
Dans un tel contexte, le Gouvernement précédent avait
envisagé, en 1997, le dépôt d'un rapport au Parlement sur
le sujet suivi d'un débat en séance publique, tandis que le
ministre de la recherche réfléchissait
91(
*
)
aux modalités d'acclimatation nationale et
régionale, sous le parrainage des plus hautes autorités morales
et scientifiques du pays, des formes de débat participatif des pays du
Nord de l'Europe.
La volonté du Gouvernement actuel d'organiser un débat public
-postérieur à la décision d'autorisation des
premières plantes transgéniques- va dans le même sens. La
méthode choisie est celle de la conférence de consensus, sur le
modèle danois, comme ce fut le cas au Royaume-Uni et aux Pays-Bas sur la
question des biotechnologies :
LE PROJET GOUVERNEMENTAL DE CONFÉRENCE DE CONSENSUS
Les
conférences de consensus sont une forme de débat entre des
citoyens sélectionnés et des experts.
Deux groupes d'acteurs interviennent dans le processus :
- un panel de citoyens qui n'ont aucune connaissance particulière
du sujet de la conférence. Ils sont invités à
acquérir les connaissances fondamentales sur le sujet, pendant une
période de préparation, puis à élaborer la liste
des questions essentielles qu'ils poseront aux experts.
- le panel d'experts est composé de personnes ayant une
connaissance scientifique ou professionnelle reconnue dans un domaine ou
légitimées par leur appartenance à des organisations
concernées par le thème choisi, dans toutes ses dimensions
(scientifique, juridique, éthique, économique).
La conférence se tient en public et dure trois jours selon le
schéma suivant : le premier jour est consacré aux questions
que pose le panel des citoyens et aux réponses qu'apporte le panel des
experts. Le deuxième jour permet au panel des citoyens de revenir sur
des points pour lesquels il souhaite un complément d'information de la
part des experts. A la fin du deuxième jour, le panel des citoyens se
retire et élabore un texte écrit qui rend compte de son analyse
du sujet, et donne son avis sur les questions qui lui sont apparues comme des
enjeux importants. Au cours du troisième jour, le panel des profanes
rend son avis qui est, ensuite, largement médiatisé.
Source : Conférence de presse du Gouvernement le
27 novembre 1997.
On peut se demander toutefois quelle sera la portée donnée par la
suite à " l'avis " élaboré par le groupe de
citoyens " profanes " : cet avis se verra-t-il conférer le
statut de parole d'évangile ou simplement celui de
" super-sondage " ?
En effet, si le débat est nécessaire, s'il doit être
entretenu et médiatisé, si son issue doit être un
élément pris en compte en tant qu'indicateur partiel de
l'état de l'opinion, il n'exonère pas les responsables et en
particulier la représentation nationale et le Gouvernement, de leur
obligation d'assumer les fonctions qui leur incombent.
Afin d'élargir le cercle des citoyens impliqués, votre
rapporteur suggère une déclinaison régionale des
débats publics, organisée avec la participation des
parlementaires et des élus locaux, afin d'ancrer le dialogue dans la
réalité géographique de la France et de permettre,
ensuite, des prises de décisions éclairées au niveau
national.
Mais le débat seul ne suffira pas à restaurer entièrement
la confiance perdue du consommateur. En effet, la crédibilité des
procédures françaises d'évaluation scientifique des
risques a été atteinte par les décisions contradictoires
intervenues ces dix-huit derniers mois.
2. Consolider les instances d'évaluation scientifique
Sortir la commission de génie biomoléculaire de l'impasse
La réforme de la CGB, bien qu'annoncée il y a près d'un
semestre, n'a toujours pas été menée à bien. Elle
aurait visé à renforcer la représentation des associations
environnementales et de consommateurs.
Le renouvellement de cette Commission (dont la présidence est
assurée par intérim depuis la démission du
Président titulaire en février dernier), qui devait intervenir en
décembre 1997, n'a pas eu lieu.
Cette situation n'est pas satisfaisante. Cette Commission associe, faut-il le
rappeler, depuis l'origine, des scientifiques et des représentants
d'associations d'environnement, de consommateurs, de salariés du
secteur, à des travaux dont la qualité n'est pas mise en doute.
L'urgence impose donc moins de modifier sa composition que d'assurer son bon
fonctionnement.
Elle ne doit pas faire injustement les frais de l'impuissance des responsables,
à l'heure des choix.
Votre rapporteur souhaite que la CGB soit rapidement renouvelée.
Bien plus, elle doit voir ses moyens renforcés. Le secrétariat de
la commission, actuellement peu doté en termes de postes
budgétaires, doit être substantiellement étoffé,
afin de lui permettre de faire face au mieux à l'élargissement de
ses missions (biovigilance, voir ci-après).
Satisfaire au devoir de transparence
La loi de 1992 avait prévu, largement à l'initiative du
Parlement, des procédures d'information du public passant, notamment,
par le dépôt d'un rapport annuel d'activité des deux
commissions scientifiques au Parlement, par l'accès des citoyens aux
dossiers des pétitionnaires et par un affichage systématique en
mairie des expérimentations en plein champ.
Cette exigence doit voir ses modalités de mise en oeuvre
renouvelées, dans le contexte actuel.
Votre rapporteur propose que, dans le respect du principe de la
confidentialité des secrets industriels, les débats scientifiques
au sein des deux commissions d'évaluation et les avis rendus par les
commissions soient
systématiquement mis à la disposition du
public, par la voie d'une publication écrite des comptes-rendus de
réunion et d'une mise en réseau, dans l'immédiat sur les
sites Internet des ministères de l'agriculture, de l'environnement, de
la recherche et de la santé, de ces comptes-rendus.
Toute position
dissidente par rapport à l'avis adopté, que son auteur soit un
expert scientifique ou une association de consommateurs, ou de protection de
l'environnement, associée aux travaux de la CGB, devrait pouvoir
être explicitement formulée et annexée à l'avis
rendu.
Des forums de discussion doivent être mis en place sur les sites
officiels sur le sujet. Pourquoi se priver des nouveaux outils de dialogue
entre le corps social et les experts ?
A terme, la CGB et la CGG devraient disposer de leur propre site. Les
formulaires de dépôt de demande devraient pouvoir y être
téléchargés.
B. MENER À SON TERME LA LOGIQUE DE LA VIGILANCE
La
loi de 1992 a déjà prévu une démarche prudente
d'autorisation au cas par cas des dossiers
Ce choix était le bon puisqu'en matière, notamment, de transferts
de gènes entre plantes et face au risque de diffusion des gènes
de tolérance aux herbicides, l'analyse des risques potentiels montre
qu'ils diffèrent d'une espèce à l'autre.
Rappelons en outre que, pour la mise en culture, l'inscription au catalogue des
variétés des semences transgéniques est provisoire
(trois ans) et s'assortit aujourd'hui d'un protocole de biovigilance,
imposé par l'administration ou proposé par l'industriel.
Il convient toutefois d'aller plus loin.
Une nouvelle loi est nécessaire
En France, aujourd'hui ce ne sont que 2.000 hectares environ qui sont
emblavés en maïs transgénique. Avant d'aller plus loin,
notamment pour d'autres espèces, plus " risquées " que
le maïs, un cadre légal de veille environnementale doit être
mis en place.
La vigilance environnementale doit être organisée par les
textes et ce, dès aujourd'hui, sans attendre que les cultures en plain
champ à grande échelle ne soient trop nombreuses.
Bien que les espèces autorisées soient celles qui ont
été jugées, au terme d'une longue procédure
comprenant des essais en champ, ne pas présenter, en l'état
actuel des connaissances, d'impact défavorable sur l'environnement, il
est impératif d'assurer un suivi aussi strict que possible des cultures
à grande échelle. Le plan de " biovigilance ",
annoncé par le Gouvernement (et partiellement intégré dans
la proposition de révision de la directive 90-220), doit être
formalisé au plus vite dans une réglementation française
qui :
-
accroisse les pouvoirs de police des agents de la protection des
végétaux
(ce qui est du ressort de la loi) ;
-
impose des " plans de cultures "
comportant, dans le
cas notamment de la résistance aux insectes, des " zones
refuges " ;
-
systématise la collecte et le suivi des informations
recueillies sur les cultures ;
-
mette en place un système, préventif, de retrait du
marché
.
Enfin, en matière de suivi de la santé humaine, notons qu'il
entre dans le champ de compétence de la future agence de
sécurité des aliments.
II. RESPECTER LE CHOIX DU CONSOMMATEUR
A. SORTIR DE L'IMPUISSANCE EN MATIÈRE D'ÉTIQUETAGE
1. Une question qui reste en suspens
L'obligation d'étiquetage s'impose en France depuis le
2 février 1997, date de la parution au journal officiel de
deux avis relatifs à la mention de la présence d'OGM ou
dérivés d'OGM dans l'alimentation humaine et animale et dans
toute l'Union européenne depuis le 15 mai 1997, date
d'entrée en vigueur du règlement " Nouveaux aliments ".
Tous les produits alimentaires contenant des OGM ou des ingrédients
issus d'OGM doivent donc être étiquetés depuis cette date.
Chacun peut constater la violation quotidienne de cette obligation, qui
fait, pourtant, l'objet d'un accord de principe de la quasi-unanimité
des acteurs concernés, tant est passionnel ce débat, tant sont
vives les oppositions et complexes les méandres de cette
problématique.
Revendications légitimes des consommateurs, crainte des industriels,
alarmisme de certains articles de presse, impuissance des autorités
réglementaires : le tableau tourne parfois au psychodrame sur ce
sujet.
Ne rien faire est la solution du pire, celle qui accrédite toutes les
peurs.
2. Pour une mise en oeuvre rapide et complète de l'étiquetage
Blâmer la lenteur et le processus des prises de
décisions européennes en matière de définition des
critères exacts de l'étiquetage est certes légitime. Mais
ce n'est pas suffisant.
Certains Etats membres, comme les Pays-Bas, ont remédié à
la carence communautaire par la mise en place d'une politique nationale
d'étiquetage. La France doit suivre cet exemple.
Le Gouvernement français a défini, il y a près de six
mois, une position sur ce sujet, dont il a précisé très
exactement les contours (rappelés dans l'encadré ci-dessous),
sans pourtant la mettre pleinement en application.
LES CRITÈRES RETENUS PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS
[...]
" Tout produit contenant des
protéines différentes de
celles des produits classiques,
du fait de la modification
génétique du produit de base, devra être
étiqueté.
Les mentions admises pour éviter des étiquetages ambigus sont les
suivantes :
- génétiquement modifié,
- issu d'OGM,
- OGM,
- modifié par les biotechnologies modernes.
Le critère retenu impose un étiquetage pour les produits
contenant les ingrédients suivants :
- farine, protéines de soja et de leurs dérivés,
- extraits de fèves de soja contenant des protéines (ex.
tonyu, tofu...),
- farine ou semoule de mais, gluten de mais ".
Source : dossier de presse du service du Premier ministre, conférence
de presse du 27 novembre 1997
Cette position n'est pas très éloignée de celle des
industriels de l'agro-alimentaire puisqu'elle est basée sur le
critère de la présence de protéine (et non de l'ADN
recombiné), comme fait générateur de l'étiquetage,
qu'elle tend à définir une liste précise
d'ingrédients imposant l'étiquetage, et qu'elle n'envisage pas de
mention du type " peut contenir ".
Malgré la volonté affichée par le Gouvernement, le 27
novembre 1997, de résoudre rapidement cette question, malgré une
intervention de votre rapporteur sur ce sujet lors de la séance publique
du Sénat du 11 décembre 1997, qui attirait l'attention
du Gouvernement sur l'urgence des mesures à prendre, la situation n'a
toujours pas évolué.
Il est urgent d'agir. Les pouvoirs publics doivent assumer leurs
responsabilités en la matière. La décision ne doit pas
être exclusivement renvoyée aux industriels.
Votre rapporteur souhaite qu'à partir des orientations données
par la négociation communautaire, une mise en oeuvre nationale de
l'étiquetage soit effectuée, sans plus tarder.
Pour cela, il convient de définir et de rendre publique la
politique
de détection
que compte mettre en oeuvre l'administration pour le
contrôle de l'allégation des mentions portées sur
l'étiquette.
Rappelons qu'un
fragment d'ADN modifié
peut être
repéré, d'après les experts français du sujet, par
diverses méthodes, dont la technique PCR (Polymerase Chain Reaction) qui
assureraient la détection à des taux allant
de 10
-3
(on détecte une graine transgénique dans
un lot de 1.000 graines) à 10
-
5 (une
parmi 100.000), selon la maîtrise des opérateurs. Toutefois,
cette méthode, fiable actuellement, en raison du petit nombre de
constructions géniques, le sera sans doute moins avec les OGM de
deuxième génération. Si les constructions géniques
autorisées peuvent être détectées, la certitude
n'est pas aussi forte de détecter d'éventuelles constructions
inconnues, éventuellement non autorisées.
Les techniques de
détection des protéines
sont nombreuses : les plus
sensibles sont basées sur l'application des méthodes
immunologiques (sérums réactifs spécifiques). La
détection peut se heurter toutefois au faible taux de présence
protéique, à la sensibilité de la protéine aux
conditions de son milieu (chaleur, oxydation...) qui entraînent des
déformations de sa structure. Une combinaison des deux méthodes
de détection est envisageable.
Cette question doit dans les plus brefs délais faire l'objet d'une
réflexion qui conduise à l'élaboration d'une position
publique en la matière et à la définition de ses moyens de
mise en oeuvre (réseaux de laboratoires, coût, méthodes de
contrôle par, notamment, la DGCCRF).
En outre, l'élaboration de la liste -négative d'après
les orientations communautaires- déclenchant l'obligation
d'étiquetage doit être menée à bien au niveau
national, quitte à rectifier par la suite son périmètre
quand la décision européenne sera intervenue.
B. METTRE EN PLACE LES MOYENS D'UNE SÉPARATION, LORSQU'ELLE EST POSSIBLE, DES FILIÈRES DE PRODUCTION, AFIN DE RÉPONDRE AUX BESOINS DU MARCHÉ
La
question de la constitution de filières séparées
(transgénique et non transgénique) est aussi épineuse que
celle -qui lui est liée- de l'étiquetage des produits. Elle donne
lieu aux affirmations les plus diverses quant à son coût de mise
en place.
S'il apparaît techniquement impossible, au niveau global,
d'empêcher dans l'immédiat le mélange par certains de nos
partenaires commerciaux des lots transgéniques avec ceux qui ne le sont
pas, il est en revanche possible dans certains cas de constituer des
filières de production exemptes d'OGM.
D'ailleurs, cette ségrégation sera à l'avenir une
nécessité pour les productions à forte valeur
ajoutée ou à qualité améliorée. Elle existe
déjà pour le maïs " waxy " (cireux), même si
cette filière séparée a un coût et si elle repose
sur l'existence de la filière " normale " qui offre une porte
de sortie aux producteurs quand ils n'obtiennent pas toutes les
caractéristiques voulues.
Loin des déchaînements passionnels que ce débat occasionne,
la position de votre rapporteur est basée sur une approche pragmatique :
si certains consommateurs, pour des raisons personnelles, notamment
d'éthique, souhaitent disposer d'aliments ne faisant pas intervenir le
génie génétique, ce choix doit leur être
laissé à chaque fois que cela est réalisable.
Une filière " sans transgénèse " pourrait
ainsi être constituée, autour des principes de
traçabilité et de certification des modes de production.
L'avis du Conseil National de l'alimentation sur l'étiquetage des
nouveaux aliments et des nouveaux ingrédients constitués ou issus
d'OGM, adopté lors de la séance plénière du
17 juin 1997 à l'unanimité sauf trois
abstentions
92(
*
)
, formulait à ce sujet la
recommandation suivante :
PROPOSITION DU CNA SUR L'ÉTIQUETAGE " SANS OGM "
Il
est important que de telles allégations [sans OGM] existent, afin de
laisser au consommateur le choix de promouvoir ou non l'utilisation de cette
technologie dans son alimentation.
Toutefois, cette allégation doit être réservée
aux produits pour lesquels une denrée analogue susceptible de contenir
des OGM est disponible sur le marché.
Puisqu'il s'agit de respecter le souhait de ne pas avoir recours à une
technologie déterminée, cette allégation doit être
totale et garantir l'absence d'organismes génétiquement
modifiés, de produits issus d'organismes génétiquement
modifiés à tous les stades de la production, même s'ils
sont équivalents, et la non-utilisation d'auxiliaires technologiques
issus d'organismes génétiquement modifiés. Dès lors
qu'il s'agit de denrée composée, aucun ingrédient, quelle
que soit sa teneur, ne devra être issu d'OGM.
Les termes à utiliser pour cette allégation sont :
" produit obtenu sans recours aux techniques de modification
génétique ".
Une mention du type " animal nourri avec des produits obtenus sans recours
aux techniques de modification génétique " pourrait aussi
être employée pour des denrées d'origine animale, à
condition que cette allégation puisse être démontrée.
L'utilisation de toute référence à une mention
négative ne doit être possible que si la preuve de
l'allégation peut être établie sans
ambiguïté
. Seule une traçabilité sans faille
permet d'apporter une garantie fiable de cette mention
. Des
démarches de contractualisation des opérateurs d'une
filière, du producteur jusqu'au transformateur, sont nécessaires
pour l'établissement de cette traçabilité. Un
système de certification, qui s'inscrirait dans les dispositions
existantes (agriculture biologique, certification de conformité, label)
assurerait une transparence et donc une crédibilité à ces
allégations.
Comme pour l'agriculture biologique, au consommateur de décider la part
qui sera celle de cette filière dans l'agriculture et l'alimentation du
futur. Aux pouvoirs publics d'aider à sa constitution.
III. METTRE EN PLACE UN PLAN FRANÇAIS DE DÉVELOPPEMENT DES BIOTECHNOLOGIES
Le
respect du consommateur et le renforcement des instances d'évaluation
sont un préalable absolument nécessaire au développement
d'un secteur des biotechnologies en France. Notre pays, et l'Europe en
général doivent en effet rester dans la course scientifique et
économique des biotechnologies.
Aux Etats-Unis, au Japon, mais aussi en Allemagne, le Gouvernement a pris
conscience que les biotechnologies sont un enjeu stratégique pour
l'économie. Gisement de croissance, gisement d'emplois, levier de
l'innovation et de la création d'entreprises, ce secteur a fait l'objet
de programmes d'action ambitieux, le plus souvent sur le mode de l'incitation
et de la mobilisation des acteurs privés.
La France a, quant à elle, récemment su se mobiliser pour les
technologies de l'information. Alarmée de son retard dans ce domaine
essentiel, elle a, en partie grâce à la mobilisation des plus
hautes autorités de l'Etat, engagé le sursaut nécessaire
à l'entrée de la France dans la société de
l'information.
Une mobilisation de cette ampleur est aujourd'hui nécessaire pour les
biotechnologies. Un " plan français pour les biotechnologies "
doit être mis en place, autour de quatre priorités :
- la mise en place d'un réseau national de recherche en
génomique végétale ;
- l'évaluation et l'amélioration des conditions de
brevetabilité en Europe ;
- le lancement d'un " appel à propositions "
régional sur le modèle allemand ;
- la levée des freins à la création d'entreprises
innovantes.
A. MAÎTRISER LES OUTILS DE LA RÉUSSITE : POUR UN RÉSEAU NATIONAL DE RECHERCHE EN GÉNOMIQUE VÉGÉTALE
1. La génomique, enjeu majeur de la compétition mondiale
La
génomique, ou science de la connaissance des gènes, est
probablement l'un des enjeux économiques les plus importants de la
décennie à venir.
Le décryptage des génomes permet en effet d'identifier les
gènes et de connaître leur fonction. En inversant la logique, et
en partant d'une caractéristique donnée que l'on cherche à
reproduire ou à éradiquer, il devient possible grâce
à ce " séquençage " du génome
d'identifier le gène qui en est responsable et de pouvoir modifier le
patrimoine génétique en vue d'obtenir la caractéristique
désirée.
Le découpage -ou séquençage- du génome humain est
certes un enjeu essentiel, notamment en ce qui concerne les thérapies
géniques. Il a d'ailleurs été perçu en France.
Mais le décryptage des génomes végétaux est lui
aussi un enjeu majeur pour la connaissance et la maîtrise des
métabolismes vivants.
Cet enjeu a été clairement perçu par certaines puissances
économiques mondiales :
Le Congrès américain a récemment mis en place un
programme de financements publics de soutien aux recherches
privées : le " Plant Genom Initiative ".
Faisant suite aux programmes de décryptage du génome humain,
cette initiative est ambitieuse, comme indiqué ci-dessous :
LE PLANT GENOM INITIATIVE AMÉRICAIN
Le Plant
Génome Initiative est un projet scientifique d'intérêt
national destiné à doter les Etats-Unis des moyens
nécessaires pour conforter leur avance en matière de
biotechnologie. Il mobilise les plus grands laboratoires universitaires
américains dans un réseau de collaboration avec les entreprises
privées.
Le Corn Genome Initiative, en particulier, qui mobilise l'ensemble de la
filière maïs américaine, prévoit d'investir
143 millions de dollars sur 5 ans. Le Sénat vient de
libérer une première tranche de 40 millions de dollars. Ces
investissements publics s'ajoutent aux efforts de recherche privés
consentis par les nouveaux conglomérats dans le domaine de la
génomique (100 millions de dollars pour le programme
Monsanto/Dekalb et de plus de 80 millions de dollars pour celui de
Dupont/Pionneer).
Un sénateur américain à l'origine du Plant Genome
Initiative n'hésite pas à affirmer : "
Etant
donnée l'importance capitale du maïs dans l'économie
américaine, il est essentiel que les intérêts
américains, dans la composition et l'amélioration du mais, soient
protégés.
Il relève de l'intérêt national
que les brevets des biotechnologies et des gènes du maïs soient
développés et détenus à l'intérieur des
Etats-Unis ".
Des partenariats privés en biotechnologie et en informatique se mettent
en place aux Etats-Unis. Hendrik Verfaillie, Président de Monsanto, a
confirmé à votre rapporteur l'engagement majeur de sa
société en matière de recherche en génomique
végétale. La société y aurait consacré
environ 200 millions de dollars en 1997 et s'apprêterait à
poursuivre les programmes mis en place par un financement annuel
supplémentaire de 100 millions de dollars. Le Président de
Mansanto prévoit que la génomique sera
le centre de
gravité essentiel de toutes biotechnologies d'ici dix ans. Il parle
à ce sujet de "
bio-informatique
".
Compte tenu de
l'immensité des informations contenues dans chaque génome, la
génomique est en effet au croisement des technologies de l'information
et de la biotechnologie, seuls les moyens informatiques les plus récents
disposant de la puissance de calcul suffisante pour donner un sens aux
informations génétiques.
Des initiatives similaires existent en Allemagne et au Japon
En
Allemagne
, le Max Planck Institute for Plant Breding vient de
conclure un partenariat de recherche avec les principaux industriels allemands,
pour étudier les fonctions d'arabidopsis. Le budget de ce programme est
de 300 millions de francs, dont 80 % de financement public.
Au
Japon
, le ministère de l'agriculture, de la forêt et de
la pêche consacrera en 1998 13 millions de dollars à la
génomique du riz, autre espèce " modèle "
stratégique.
Signalons que des financements publics existent déjà au niveau
communautaire : par exemple,
le quatrième programme cadre de
recherche de l'Union européenne
a un volet
" biotechnologie ", qui représente 4,5 % du total des
financements européens pour la recherche et un total de 40 millions
d'Ecus de 1990 à 2000. Ce programme est organisé autour de quatre
domaines : la compréhension de " l'usine cellulaire ",
l'analyse des génomes ; les biotechnologies végétales et
animales ; la communication cellulaire en neurosciences. Ce programme a
financé des recherches sur le décryptage du génome de
plantes telles qu'Arabidopsis Thaliana.
2. Pour un réseau européen de recherche en génomique végétale
La
France doit rester dans la course de la génomique
végétale, dans laquelle elle a des atouts à faire valoir,
faute de quoi l'avenir de sa recherche en biotechnologie se verrait
considérablement obscurci, surtout si les instruments juridiques de la
propriété intellectuelle " verrouillent " par la suite
les découvertes des fonctionnalités des gènes
opérées par des pays concurrents.
Dans ce domaine où la recherche fondamentale nécessite des
investissements lourds, la France dispose déjà de laboratoires
publics de grande qualité et d'une expertise en matière de
séquençage du génome humain, mais il est nécessaire
de fédérer les différentes initiatives aussi bien dans le
domaine de la recherche publique que dans celui de la recherche privée,
afin d'atteindre l'indispensable " taille critique ".
Un grand programme national de décryptage des génomes
végétaux doit être mis en place pour coordonner les
initiatives et les ressources, si possible publiques et privées.
L'initiative pourrait être élargie à l'Europe au travers,
dans un premier temps, d'une alliance franco-allemande.
Certaines entreprises françaises ont d'ailleurs déjà
entamé un mouvement de fédération de leurs ressources.
Ainsi le groupe coopératif Limagrain est-il à l'initiative de
la constitution d'un pôle français de recherche privée,
Biogemma, rassemblant plusieurs laboratoires de recherche en
biotechnologies
(Limagrain, Pau-Euralis) et bénéficiant d'un
soutien financier de plusieurs acteurs majeurs de la filière
(Sofiproteol, Unigrains). Biogemma et Rhône-Poulenc Agro ont
récemment mis en place " Rhobio ", entreprise commune dans le
domaine des biotechnologies végétales, afin de constituer un
pôle européen compétitif. Un projet de recherche
partenariale avec des organismes publics (INRA, CIRAD, ORSTOM) est actuellement
à l'étude :
le projet
" génoplante "
93(
*
)
.
Ce projet qui se veut fédérateur des ressources
européennes propose deux niveaux d'association :
-
une plate-forme technique commune
implantée sur la
génopole d'Evry, et consacrée au
décryptage
d'espèces végétales modèles
pour la recherche
(le riz, arabidopsis...). Elle rassemblerait l'ensemble des ressources et des
compétences (connaissance d'arabidopsis pour l'INRA, du riz pour le
CIRAD, expertise bio-informatique pour Rhône-Poulenc Agro, techniques
dites " de validation " pour Biogemma) ;
-
une déclinaison par programmes sectoriels
(recherche sur
le génome du blé, du colza, du maïs...).
Le Gouvernement doit soutenir cette initiative et jouer le jeu d'un
partenariat solide, dans le cadre de la mise en place de cette plate-forme
nationale -puis européenne- de décryptage des génomes
végétaux.
La génomique est d'autant plus importante que chaque nouveau
résultat (identification des gènes, connaissance de leurs
fonctions, techniques de transfert de gènes) peut aujourd'hui être
systématiquement protégé par un brevet. Avec toujours
cette conséquence : ceux qui détiendront les technologies et
la propriété intellectuelle disposeront d'avantages
décisifs pour les décennies à venir ; les autres
seront relégués au rang de sous-traitant, condamnés
à payer des licences exorbitantes ou à disparaître.
La question de la création d'un réseau de recherche
franco-allemand en biotechnologie végétale a été
évoquée lors du dernier sommet bilatéral d'Avignon, entre
le chancelier fédéral et le Président de la
République. Vu l'importance stratégique du sujet, votre
rapporteur souhaite qu'il avance rapidement.
B. AMÉLIORER L'ÉQUITÉ DES CONDITIONS DE LA CONCURRENCE : POUR UNE RÉFLEXION SUR LA BREVETABILITÉ EN EUROPE
Le
système de protection juridique de la propriété
intellectuelle, outil a priori efficace de stimulation de la recherche et de
l'innovation apparaît, en biotechnologie, comme l'instrument majeur
permettant à une entreprise d'acquérir un avantage concurrentiel
décisif, et surtout de " bloquer " les avancées de ses
concurrents.
Au-delà de la question de principe de la brevetabilité du vivant,
les conditions mêmes de son application, d'un côté ou de
l'autre de l'Atlantique, est problématique. En effet, d'après
l'analyse de certaines entreprises européennes, les firmes
américaines ont déposé, dans les années 1980,
alors que les biotechnologies n'étaient qu'une science émergente,
des demandes de brevets aux revendications très étendues,
appelés " brevets de concept " ou
" brevets-chapeaux ", à portée très large.
Ces demandes ont été instruites et auraient abouti, dans les
années 1990, à l'octroi de protections très
étendues, complétées par des brevets dits
" d'application ", qui auraient conféré, d'après
certains de leurs concurrents, à un petit nombre de
sociétés de biotechnologies des positions dominantes, ce qui
expliquerait en partie les phénomènes de rachat d'entreprises
dans le secteur, comme seul moyen -autre que le paiement de redevances, souvent
élevées- pour disposer de telle ou telle technologie ou
application particulière.
En matière de brevets, les Etats-Unis ont développé
une politique favorable aux biotechnologies.
Le système américain en matière de brevets
biotechnologiques est le fruit d'une application pragmatique de cadre
réglementaire général, basé sur :
- un corps de textes constitutionnel et législatifs :
. Art 1, section 8 de la Constitution des Etats-Unis
. Loi fédérale : 35 United Stade Code (Utility Patent),
(loi sur les brevets)
. Plant Patent Act (entrée en vigueur en 1930) limité aux
espèces à reproduction végétative
. Plant Variety Protection Act (entrée en vigueur en 1970) similaire au
Certificat d'obtention végétale
. Récemment, le président Bill Clinton a signé une loi
destinée à l'industrie des biotechnologies (biotechnologicaly
Process Patent Protection Act (S. 1111) du 1er novembre 1995.
Il existe trois types de protection pour les plantes qui peuvent se cumuler,
suivant la base légale utilisée (Plan Variety protection, Plant
patent, Utility Patent).
Mais au-delà de ces textes eux-mêmes favorables, c'est la
jurisprudence qui a permis le développement d'une protection efficace en
matière de biotechnologies.
- Une jurisprudence constructive
En 1980, la Cour suprême des Etats-Unis a rendu un arrêt majeur en
matière de biotechnologie :
l'arrêt Diamond v.
Chakrabarty
, qui a admis le principe de brevetabilité de tout
organisme produit de manière non naturelle en autorisant un brevet sur
une bactérie modifiée de façon à contenir plus d'un
plasmide commandant la dégradation des hydrocarbures.
Selon la formule célèbre de la Cour : " Everything
under the sun made by the hand of Man " devait pouvoir être
protégé (c'est-à-dire tout ce qui est fait sous le soleil
par la main de l'homme).
En 1985, dans l'affaire Ex parte Hilberd, a été admise la
brevetabilité d'une plante recombinée (un maïs
transgénique permettant une surproduction d'un acide animé :
le tryptophane).
Enfin, en 1987, le principe de la brevetabilité d'un être vivant
(dans ce cas une huître génétiquement modifiée)
était accordé, confirmé, dans le cas d'une souris (la
souris oncologique de l'université d'Harvard) en 1989.
- Une forte activité de délivrance de brevets en
matière de biotechnologies
L'Office américain des brevets a communiqué à votre
rapporteur les chiffres suivants pour l'année fiscale 1997 :
dans le seul secteur des biotechnologies, 7.238 brevets ont
été attribués, soit un taux de réussite des
demandes déposées de l'ordre de 55 % et une croissance
d'environ 10 % par an ces dernières années.
L'Europe ne dispose pas des mêmes atouts
- Pour le principe même de la brevetabilité
A l'opposé des lois américaine et japonaise, le système
européen des brevets comporte un certain nombre d'exclusions, dont la
plus célèbre est l'article 53 (b) de la Convention
européenne des brevets, qui dispose que les brevets européens ne
sont pas délivrés pour les variétés
végétales et animales et pour les procédés
essentiellement biologiques pour la production de plantes et
d'animaux
94(
*
)
. En effet, en Europe les
variétés végétales ne sont pas brevetables mais
soumises au régime de protection du certificat d'obtention
végétale
95(
*
)
, qui garantit
l'exemption de recherche, et donc l'accès au patrimoine
génétique sous protection.
-
Pour les conditions de brevetabilité, quand elle est
autorisée en Europe
Même dans les secteurs où l'Europe accepte la
brevetabilité, une entreprise européenne a communiqué
à votre rapporteur son analyse comparative des principales
différences entre les systèmes de protection européen et
américain, reproduite ci-dessous, qui montre
la disparité des
armes dont s'estiment dotées les entreprises requérantes d'un
côté et de l'autre de l'Atlantique
:
LE
POINT DE VUE D'UNE ENTREPRISE SUR LES DISTORSIONS
DE CONCURRENCE ENTRE
L'EUROPE ET LES ETATS-UNIS
POUR LA DÉLIVRANCE DES BREVETS EN
BIOTECHNOLOGIE
Le
" délai de grâce " d'un an aux Etats-Unis :
Il avantage les demandeurs qui veulent obtenir une protection par brevet aux
Etats-Unis (et donc en premier lieu les industriels américains) car il
permet
le dépôt d'une demande de brevet bien qu'une publication
sur l'invention considérée ait été
réalisée antérieurement à cette demande
.
Même si ce délai de grâce est limité à un an
avant le dépôt, il constitue un avantage par rapport à la
situation européenne où une telle publication antérieure
est destructrice du droit au brevet.
Le prix du brevet
Pour un déposant français passant par un Cabinet
spécialisé pour l'obtention d'un brevet, un brevet
européen désignant tous les pays est bien plus cher (de l'ordre
de 350.000 francs) qu'un brevet américain (de l'ordre de
70.000 francs).
La durée de la procédure
La procédure de délivrance en Europe est en moyenne plus longue
qu'aux Etats-Unis (de 4 à 5 ans au lieu de 2 à 3 ans).
La portée des revendications
Le champ des revendications des demandeurs est large dans le système
américain. En particulier, en Europe, un gène n'est brevetable
que si l'on décrit sa fonction industrielle, alors qu'aux Etats-Unis des
séquences d'ADN peuvent être brevetées même si elles
ne sont que de simples fonds de recherche : l'appréciation du
critère " d'utilité " est différente.
Le droit au brevet
C'est une des différences fondamentales entre les deux systèmes
puisque le droit américain accorde un brevet à celui qui est
le premier inventeur (first-to-invent)
alors que le reste du monde, et
donc l'Europe, donne le droit à brevet à qui
dépose en
premier (first-to-file)
. Malgré les pressions internationales pour
une harmonisation, les Etats-Unis ne semblent pas décidés
à changer le système.
La publication des demandes de brevet
Alors que les demandes de brevet sont généralement
publiées 18 mois après leur dépôt, en Europe,
elles ne sont publiées aux Etats-Unis qu'après la
délivrance du brevet
. Jusqu'à la délivrance, la
demande américaine reste secrète et ne peut donc être
contestée par un concurrent.
La question de la propriété intellectuelle en Europe vient de
faire l'objet d'une évaluation approfondie menée, à la
demande de M. Franck Borotra, alors ministre de l'Industrie, de la Poste
et des Télécommunications, par M. Didier Lombard, qui a
remis en décembre dernier un rapport intitulé : " Le
brevet pour l'innovation ", qui formule de très nombreuses
recommandations pour améliorer le système français de
protection de la propriété industrielle.
Ces recommandations, dont la mise en oeuvre relève parfois du niveau
européen, ne doivent pas rester lettre morte, notamment en ce qui
concerne :
- la
réduction du coût de la protection
européenne
(on pense notamment aux coûts de traduction du
brevet délivré par l'office européen des brevets) ;
- l'harmonisation des réglementations internationales dans le cadre
d'un "
dialogue transatlantique
" plus adapté que
d'autres procédures multilatérales ;
- l'intégration de
nouveaux champs technologiques
dans le
système européen des brevets (dont les biotechnologies).
L'ampleur de la tâche et sa dimension internationale
nécessitent une volonté forte et durable de la part du
Gouvernement pour faire évoluer, dans un sens plus favorable aux
entreprises, le système européen de protection par
brevets.
C. STIMULER L'INNOVATION : POUR UN APPEL À PROPOSITIONS POUR LES BIOTECHNOLOGIES
Compte
tenu du niveau de sa recherche, la France peut légitimement partager
l'ambition allemande d'être un des premiers pays européens en
matière de biotechnologies au tournant du siècle.
Elle aurait aussi intérêt à s'inspirer de la mobilisation
du gouvernement fédéral pour atteindre cet objectif.
Ainsi, votre rapporteur propose qu'un appel à propositions pour les
biotechnologies soit lancé, afin de sélectionner les projets les
plus innovants et de les faire bénéficier d'un soutien public.
Cette méthode avait été employée en France par le
précédent Gouvernement pour favoriser le développement des
autoroutes de l'information. Poursuivie par l'actuel Gouvernement, elle a
permis d'identifier 244 projets de recherche particulièrement
innovants, labellisés " expérimentations
d'intérêt public ", qui ont bénéficié
d'un financement public.
Une telle démarche devrait être reproduite pour les
biotechnologies, qui sont, avec les technologies de l'information, un des
principaux gisements d'emplois du siècle futur.
Sur le modèle allemand, les projets labellisés pourraient
être limités à
un petit nombre de plates-formes
géographiquement cohérentes
, à l'issue d'un concours,
sur les critères suivants :
- caractère innovant et cohérence des projets
présentés (sur le thème de l'agriculture
moléculaire, ou des modifications portant sur le goût ou la
qualité des aliments, ou des applications industrielles de la
transgénèse, ou au contraire médicales...) ;
- capacité à fédérer plusieurs acteurs,
publics mais aussi privés, en créant des synergies locales ;
- volet financier : capacité à rassembler des ressources
privées (capital-risque, investisseurs privés...).
Ces projets seraient labellisés par un jury composé d'experts
dans les domaines scientifiques concernés, de représentants du
monde de la finance et de l'industrie, de représentants des
administrations concernées (recherche, industrie, aménagement du
territoire, santé, agriculture...), à l'issue d'une
procédure de sélection permettant une présentation
publique, si possible relayée par les média, des dossiers de
candidature qui seraient diffusés sur Internet par les sites
gouvernementaux chargés de cette sélection.
Mais au-delà des initiatives visant spécifiquement à
développer ce secteur, le démarrage des biotechnologies en France
ne se fera que si sont améliorées les conditions, plus globales,
de la valorisation des résultats de la recherche française et en
particulier de la recherche publique.
D. METTRE EN PLACE LES CONDITIONS DE LA CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES POUR UNE MEILLEURE VALORISATION DE LA RECHERCHE FRANÇAISE
1. Un constat désormais rituel : l'insuffisante valorisation de la recherche française
Le
constat -tragique pour notre pays- du déficit de création
d'entreprises innovantes dans les secteurs les plus porteurs
(technologies
de l'information, biotechnologies...) et de la " fuite des cerveaux "
des créateurs d'entreprise vers des cieux étrangers, jugés
plus cléments, ne cesse d'être dressé, qu'il s'agisse des
rapports parlementaires d'information
96(
*
)
sur
les secteurs innovants, des communications en Conseil des ministres, des
projets et des propositions de loi déposés, des débats en
séance publique au Parlement
97(
*
)
, des
articles de presse... La liste est longue sur le sujet et le bilan est unanime
:
la France souffre d'une carence réelle en matière de
diffusion de l'innovation par la création d'entreprises de haute
technologie
(ou " start-up ").
Le rapport de mission sur la technologie et l'innovation de M. Henri
Guillaume, publié en mars 1998 et élaboré à la
demande de MM. Claude Allègre, Dominique Strauss-Kahn et Christian
Pierret résume ainsi la situation : "
La France n'a pas su
mettre sur pied un système-relais entre la recherche et
l'économie pour améliorer le couplage entre la recherche et
l'industrie
".
Les principaux freins généralement identifiés à la
diffusion de l'innovation par la création d'entreprise de haute
technologie sont de plusieurs ordres :
-
juridique
: il s'agit du statut légal du chercheur
public qui empêche que ce dernier ne participe simultanément au
secteur public et à la création d'une entreprise privée,
bloquant ainsi la nécessaire porosité entre ces deux mondes ;
-
financier
: l'environnement financier est jugé
défavorable pour la création d'entreprises innovantes, tant au
niveau de la rémunération des créateurs d'entreprises
(changement récent du système de taxation des " stocks
options ") que pour l'accès aux capitaux (difficulté
d'accès aux marchés boursiers, rareté du
capital-risque) ;
-
organisationnel
: il n'existe que peu de passerelles
organisées entre le monde de la recherche, de la finance et celui de
l'entreprise, en termes de structures d'accompagnement et de formation des
chercheurs (conseil, soutien logistique...), pour la création
d'entreprise innovante mais aussi pour son corollaire fréquent, le
dépôt de brevet.
En matière de biotechnologies, ces freins ont contribué à
entraîner, malgré la qualité de ses travaux de recherche,
un " décrochage " du secteur français des
biotechnologies.
L'industrie française des biotechnologies (au sens large) est
actuellement en retard sur les Etats-Unis et d'autres pays européens,
comme la Grande-Bretagne. Elle ne représenterait, d'après
l'association " France Biotech ", que 90 entreprises,
3.000 salariés et une valeur estimée à
0,6 milliard de dollars, contre une industrie homologue américaine
de 1.300 entreprises, 118.000 salariés et une capitalisation
de 83 milliards de dollars. La disproportion est frappante.
En Europe, parmi les dix premières sociétés du secteur,
une seule est française, huit sont britanniques et la dixième est
allemande.
Certes, les cris d'alarme qui se multiplient n'ont pas été sans
échos et certaines améliorations ont été
apportées, notamment, au cadre fiscal et financier
français.
2. Des progrès qui ne sont pas à la mesure de l'enjeu
Plusieurs dispositions ont été adoptées
par le
Gouvernement actuel et par le précédent, pour remédier
à cet état de fait. On peut notamment citer :
-
sur le plan de l'accès aux fonds propres
: la
création de fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) ; la
mise en place du nouveau marché financier ayant permis l'introduction de
43 sociétés innovantes pour une capitalisation totale de
3 milliards de francs ; un report d'imposition des plus-values
réinvesties dans les entreprises innovantes (pour attirer les
" business angels " ou " parrains investisseurs ") ;
le principe d'un financement public d'un fonds de capital-risque
géré par la Caisse des Dépôts pour les entreprises
de haute technologie (provenant des recettes de l'ouverture partielle du
capital de France Télécom) destiné à doter des
fonds d'investissement privés ; la création de contrats
d'assurance-vie investis en actions ;
-
sur le plan de la situation des chercheurs publics
: une
volonté d'accroître la mobilité (très faible
actuellement) des chercheurs, notamment vers l'entreprise, et un
mécanisme d'intéressement des chercheurs aux résultats de
leurs inventions (décrets du 2 octobre 1996) ;
-
sur le plan de la rémunération des jeunes
créateurs d'entreprise
: la loi de finances pour 1998 a
institué des bons de souscriptions de parts de créateurs
d'entreprise. Malgré certaines améliorations récentes
apportées à ce système, il ne privilégie pas assez,
comme l'a constaté le premier ministre lui-même lors des
" assises de l'innovation " du 13 mai dernier, où a
été annoncée une réforme prochaine du
système des " stock options ", la prise de risque.
Ces améliorations restent insuffisantes.
3. Un sursaut est nécessaire
a) Le statut du chercheur
Le
statut du chercheur, soumis aux règles de la fonction publique, est
inadapté
Le rapport particulier de la Cour des Comptes sur la valorisation de la
recherche dans les établissements publics à caractère
scientifique et technologique, publié en juin 1997, a
procédé à une analyse approfondie des règles
statutaires auxquelles sont soumis les chercheurs publics
98(
*
)
.
Ce rapport indique que malgré quelques aménagements prévus
par la loi du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour
la recherche et le développement technologique de la France,
le
statut du chercheur reste défini par les règles applicables
à l'ensemble de la fonction publique
, qui comportent des
dispositions très restrictives quant aux liens qui peuvent
s'établir entre un fonctionnaire et une entreprise.
En particulier :
L'article 25 du code de la fonction publique
dispose
"
Les fonctionnaires [...] ne peuvent exercer à titre
professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que
ce soit
. Les conditions dans lesquelles il peut être
exceptionnellement dérogé à cette interdiction sont
fixées par décret en Conseil d'Etat ".
Le décret-loi du 29 octobre 1936 a strictement limité
les exceptions aux cas suivants :
- production des oeuvres scientifiques, littéraires ou
artistiques ;
- enseignements, expertises ou consultations sur autorisations ;
- exercice de professions libérales découlant de la nature
de l'activité de certains fonctionnaires.
L'article 25 du code de la fonction publique dispose également que
"
les fonctionnaires ne peuvent prendre
, par
eux-mêmes ou par des personnes interposées, dans une entreprise
soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils
appartiennent ou en relation avec cette dernière,
des
intérêts
de nature à compromettre leur
indépendance. "
Au code de la fonction publique s'ajoutent deux articles du code
pénal,
l'article 432-12 du nouveau code pénal (ancien
article 175), qui punit "
le fait, par une personne [...]
chargée d'une mission de service public [...], de prendre, recevoir ou
conserver [...] un intérêt quelconque dans une entreprise [...]
dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la
surveillance, l'administration [...] "
, et l'article 432-13 qui
punit tout fonctionnaire ayant été chargé, à raison
même de sa fonction, "
soit d'assurer la surveillance ou le
contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de
toute nature avec une entreprise privée, soit d'exprimer son avis sur
les opérations effectuées par une entreprise
privée
" lorsqu'il s'est rendu coupable "
de prendre ou
de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de
ces entreprises avant l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la
cessation de cette fonction
. "
Enfin, le décret n° 95-168 du
17 février 1995
relatif à l'exercice
d'activités
privées par des fonctionnaires
placés en disponibilité leur interdit notamment l'exercice
d'activités "
professionnelles dans une entreprise privée
lorsque l'intéressé a été, au cours des cinq
dernières années précédant [...] sa mise en
disponibilité, chargé, à raison même de sa fonction,
[...] de passer des marchés ou contrats avec cette entreprise ou
d'exprimer un avis sur de tels marchés ou contrats.
"
Le Conseil d'Etat
99(
*
)
a d'autre part
précisé le régime des incompatibilités entre la
fonction publique et les fonctions exercées dans les organismes
directeurs des sociétés commerciales :
- un fonctionnaire ne peut être membre du conseil d'administration
d'une société anonyme, sauf si la société a un but
désintéressé ou s'il s'agit d'une société de
famille (avis du Conseil d'Etat du 9 février 1949) ;
- de même est interdite la fonction de membre du conseil de
surveillance d'une société à responsabilité
limitée, sauf si la société n'y attache aucune
rémunération ou avantage matériel (avis du Conseil d'Etat
du 24 septembre 1952) ;
- enfin, un agent public ne peut exercer les fonctions de président
d'une société anonyme, sauf si celle-ci est à but non
lucratif et si ces fonctions ne sont pas rémunérées (avis
du Conseil d'Etat du 20 juillet 1955).
Une disposition législative doit intervenir au plus vite pour
modifier ce statut.
Conscient de son caractère inadapté, le Gouvernement de
M. Alain Juppé avait proposé une évolution du statut
du chercheur, dans le projet de loi n° 3492 portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier
(dit : " DDOEF ") déposé à
l'Assemblée nationale le 2 avril 1997.
Le titre XIV du DDOEF avait trait à la valorisation des
résultats de la recherche publique.
Il tendait à permettre, dans des conditions précisément
définies et encadrées, la participation personnelle du chercheur
à la création d'une entreprise.
PROJET DE DDOEF DU 2 AVRIL 1997
L'article 25-1 s'insérant dans la loi
précitée du 15 juillet 1982 permettait au chercheur
d'être autorisé pendant une période d'un an, renouvelable
quatre fois, à participer personnellement à la création
d'une entreprise valorisant ses recherches, par apport en industrie, en
qualité d'associé, d'administrateur ou de dirigeant.
L'article 25-2 correspondait à la situation du chercheur qui veut
rester sous statut public, mais souhaite aider à la création de
l'entreprise, en lui apportant son concours scientifique, voire, dans certains
cas, souhaite en outre prendre une participation dans le capital de
l'entreprise, dans la limite de 10 % du capital.
Le rapport précité de M. Henri Guillaume sur l'innovation
proposait que soit également rendu possible un apport en nature (apport
de brevets). Cette question doit être examinée, en dehors de toute
polémique idéologique.
Votre commission souhaite que cette question fasse, dans les meilleurs
délais, l'objet d'une modification par voie législative.
Elle soutient l'initiative de notre collègue Pierre Laffitte, qui a
déposé une proposition de loi en ce sens
100(
*
)
, dont le Président Adrien Gouteyron a
été nommé rapporteur au nom de la Commission des affaires
culturelles du Sénat.
b) La mise en place de fonds d'amorçage
Une
politique de mise en place de fonds dits " d'amorçage "
(premiers fonds intervenant à un stade très précoce du
développement du projet) a été développée
avec succès par certains établissements publics de recherche
(comme l'INRIA).
Ce type d'action devrait être encouragé par les pouvoirs publics
et généralisé aux autres secteurs de recherche.
Votre rapporteur note avec intérêt que ce programme gouvernemental
d'action pour préparer l'entrée de la France dans la
société de l'information
101(
*
)
,
publié en février 1998, affirme (page 52) que :
" Des fonds d'amorçage, associant organismes publics de
recherche et investisseurs privés seront créés autour des
grands pôles technologiques publics [...].
Si la proximité de ces fonds d'amorçage avec les laboratoires
locaux doit être privilégiée, il est également
envisagé de
constituer des fonds d'amorçage nationaux
orientés vers les domaines les plus porteurs en croissance et en emplois
et, notamment, les biotechnologies et les technologies de l'information et de
la communication ".
Votre commission engage vivement le Gouvernement à mettre en oeuvre
au plus vite ce plan d'action, en partenariat avec les laboratoires publics de
recherche.
CONCLUSION
Au terme
de ce rapport, sur un sujet délicat, que votre rapporteur a tenté
d'aborder avec la plus grande objectivité,
la France apparaît
donc, aujourd'hui, à l'heure des choix :
- choix de société
, car l'inquiétude des
consommateurs est grandissante. Les pouvoirs publics ont le devoir d'assurer
une meilleure information des citoyens et de permettre une plus grande
transparence. La
liberté de choix
doit être assurée.
Dans le contexte international actuel de libéralisation des
échanges, la
sécurité alimentaire
doit demeurer un
critère intangible. La France doit rester fidèle à sa
politique de sécurité et de qualité en la matière.
-
choix de développement,
aussi, tant pour l'agriculture que
pour les industries de l'aval alimentaire ou pour le secteur des
biotechnologies. La mise en place d'un
dispositif légal et
réglementaire rigoureux
doit en encadrer le développement.
Dans ces conditions,
la France doit se donner les moyens de faire valoir ses
atouts, nombreux, dans le domaine des sciences du vivant.
Il y a en la
matière des retards qui ne se rattrapent pas.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 20 mai 1998, la
commission a procédé à l'examen du rapport d'information
de M. Jean Bizet sur les organismes génétiquement modifiés.
M. Jean Bizet, rapporteur, a tout d'abord présenté les
conclusions de son rapport. Puis, un débat s'est instauré.
Répondant à M. Jean François-Poncet, président, qui
l'interrogeait sur les modifications génétiques apportées
au tabac, M. Jean Bizet, rapporteur, a indiqué que cette espèce
faisait l'objet de plusieurs modifications, en raison de la simplicité
de son génome par rapport à d'autres espèces.
M. Francis Grignon, constatant le retard économique important de
l'Europe sur les Etats-Unis en biotechnologie, a rappelé que la
différence en termes de produit intérieur brut (PIB) par habitant
était de 30 % entre ces deux continents. Il a souhaité
savoir si ce retard touchait également le niveau de la recherche
européenne.
En réponse, M. Jean Bizet, rapporteur, a souligné la
qualité de la recherche fondamentale française en la
matière, notre pays consacrant 2,4 % de son PIB à la
recherche. Il a estimé que le retard européen résultait
d'une approche culturelle peu favorable à la symbiose entre les mondes
de la recherche, de l'industrie et de la finance.
M. Alain Pluchet a ensuite souligné l'intérêt et la
qualité du rapport présenté à la commission. Il a
rappelé que ce sujet difficile revêtait une importance toute
particulière, la France étant aujourd'hui à l'heure des
choix.
Après avoir à son tour félicité le rapporteur, M.
Louis Moinard a décrit les peurs qui se dressaient dans l'opinion
publique au sujet des OGM. Il a jugé que les contrôles
scientifiques étaient peu perçus du grand public. Il a
également estimé urgent une clarification en la matière,
les incompréhensions demeurant fortes.
M. Jean Bizet, rapporteur, a considéré que les craintes
actuellement exprimées tenaient en grande partie à l'approche
culturelle de l'alimentation qui prévalait en Europe, ainsi qu'à
l'angoisse de la société française, qu'il a
qualifiée de " société
d'inquiétude ". Il a rappelé qu'aucune explication
n'avait été proposée au grand public alors que, notamment
pour le maïs transgénique récemment autorisé en
France, la procédure d'autorisation -dont il a indiqué les
différentes étapes- avait duré plus de dix ans. Il a
souhaité que la conférence de consensus contribue à une
meilleure information du public. A ce propos, il a proposé une
" déclinaison régionale " de ce type de débat.
Revenant sur la rigueur de la procédure d'autorisation, il a
estimé que si la pomme de terre ou le kiwi devaient aujourd'hui
être autorisés comme nouveaux aliments dans l'Union
européenne, il n'était pas sûr qu'ils rempliraient
l'ensemble des critères d'évaluation scientifique requis pour les
OGM.
Revenant sur la question du transfert des biotechnologies aux pays du Sud,
M. Jean Bizet, rapporteur, a souhaité que celui-ci soit
organisé sous l'égide de la Food and agriculture organisation
(FAO), organisation des Nations unies chargée de l'alimentation et de
l'agriculture.
M. Désiré Debavelaere a rappelé les traumatismes
qu'avaient provoqués, récemment, les affaires du veau aux
hormones et de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Il a craint que
l'ingénierie génétique n'ouvre une nouvelle
" boîte de Pandore ", évoquant à ce propos les
interrogations suscitées par ces techniques, au sein même du monde
scientifique. Il a insisté sur la méfiance des consommateurs et
l'inquiétude qu'elle éveille chez les industriels de
l'agro-alimentaire. Il a indiqué, à titre d'exemple, que les
professionnels de la transformation sucrière, s'opposaient, pour cette
raison, à toute modification génétique de la betterave.
En réponse, M. Jean Bizet, rapporteur, s'est inscrit en faux contre
tout amalgame entre les organismes génétiquement modifiés
et les récentes affaires de sécurité alimentaire. Il a
rappelé que l'expérience américaine en matière de
consommation d'OGM, plus ancienne que celle de l'Europe, n'avait pas fait
apparaître des conséquences négatives avérées
sur la santé humaine.
M. Jean Pourchet a indiqué les problèmes que posait, dans sa
région, l'accroissement du nombre de campagnols terrestres. Il a
interrogé le rapporteur sur les solutions que la
transgénèse végétale serait susceptible d'apporter
en la matière.
En réponse, le rapporteur a estimé qu'il était sans doute
imaginable de mettre au point, à l'avenir, des végétaux
contenant des substances répulsives pour tel ou tel type d'animal, comme
cela était déjà le cas en ce qui concerne les maïs
résistants à la pyrale.
A ce sujet, M. Jean Bizet, rapporteur, a insisté sur
l'économie que permettaient de réaliser ces plantes en termes
d'utilisation d'herbicides et de pesticides : les plantes actuellement
autorisées permettent en effet de limiter l'utilisation des intrants
agricoles, mais aussi d'améliorer la productivité, ce qui est un
atout économique pour les producteurs, même si le grand public y
est peu réceptif. Le rapporteur a toutefois jugé que les OGM
" de deuxième génération ", concernant des
fruits ou des légumes à maturation retardée ou à
saveur améliorée, séduiraient davantage les consommateurs.
M. Jacques de Menou a souhaité qu'une approche extrêmement
prudente soit adoptée pour les produits destinés au grand public.
M. Jean Bizet, rapporteur, a rappelé à ce sujet que la
directive européenne n° 90/220, qui réglemente la
procédure d'obtention d'une autorisation en vue de la mise sur le
marché, avait fait l'objet de deux révisions, en 1994 et en
1997 dans le sens d'une rigueur accrue. En outre, il a indiqué qu'une
nouvelle réforme, actuellement en cours d'élaboration, tendait
à alourdir et à renforcer cette procédure d'autorisation.
M. Louis Althapé, rappelant l'importation massive par l'Union
européenne du soja américain destiné notamment à
l'alimentation du bétail, a interrogé le rapporteur sur les
moyens dont disposait le consommateur pour retrouver la trace d'une
éventuelle utilisation de végétaux transgéniques
dans l'alimentation animale.
M. Jean Bizet, rapporteur, a répondu que la dépendance
protéique européenne en matière végétale
était un de ses sujets de préoccupation et qu'il avait d'ailleurs
déjà interrogé le ministre de l'agriculture, en
séance publique, sur cette question. Il a souhaité que la mise en
place d'une filière " sans génie
génétique ", comme le proposait son rapport, permette au
consommateur de s'assurer de l'absence totale de transgénèse dans
une filière de production donnée.
M. Francis Grignon a souligné que toute modification de la structure du
vivant faisait naître des angoisses ; il a souhaité avoir des
exemples prouvant que de telles craintes étaient injustifiées.
M. Jean Bizet, rapporteur, a estimé que l'Europe devait être
inflexible en matière éthique. Il a rappelé et soutenu les
initiatives de l'Unesco et du Conseil de l'Europe contre le clonage humain.
M. Jean François-Poncet, président, a insisté sur le
rôle que pourrait jouer l'organisation mondiale du commerce (OMC) en
matière d'organismes génétiquement modifiés,
rappelant que toute barrière phytosanitaire non scientifiquement
justifiée était considérée par cette institution
comme une mesure protectionniste. Il a illustré son propos de l'exemple
de la bière française interdite pour un temps en Allemagne pour
des raisons soi-disant sanitaires, mais tendant en fait à la
défense des brasseurs allemands.
Considérant qu'une pression internationale forte était à
attendre sur ce sujet, M. Jean François-Poncet, président, a
souhaité que l'Europe, dans cette optique, préserve la
compétitivité de son économie. Appréciant
l'équilibre des propos du rapporteur, il a estimé indispensable
de donner toutes garanties aux citoyens quant à l'indépendance
des évaluations scientifiques, condition du rattrapage nécessaire
du retard européen. L'étiquetage lui est apparu un
élément majeur pour la reconquête pour la confiance perdue
du consommateur.
M. Jean Bizet, rapporteur, a rappelé l'émoi qu'avait
suscité dans l'opinion l'introduction, dans les années 1950,
des lignées de maïs hybrides, même s'il a convenu, à
l'invitation de M. Jacques de Menou, que cette question était
très différente de celle actuellement posée par les OGM.
Il a également abordé la question du différend
international portant sur les viandes anabolisées.
M. Jean François-Poncet, président, a jugé que les
conclusions du rapport d'information étaient bien orientées et
qu'une rigueur accrue était nécessaire, un trop grand laxisme
risquant au contraire de heurter l'opinion publique.
M. Roger Rinchet a insisté sur l'importance, mais également sur
la difficulté du sujet abordé par le rapporteur, qui
intéresse à la fois la science et la morale et se prête
donc malaisément à une information objective. Il a en outre fait
valoir que l'activité de chercheur impliquait par sa nature même
une forte subjectivité.
M. Jean François-Poncet, président, a considéré que
les réticences constatées aujourd'hui disparaîtront le jour
où les applications de cette technologie apporteraient de réels
bénéfices au consommateur.
La commission a ensuite adopté à l'unanimité les
conclusions du rapport.
ANNEXE N° 1 -
GLOSSAIRE
Acides nucléiques |
Substances organiques
présentes chez tous les êtres
vivants et formées par l'assemblage de maillons baptisés
nucléotides.
|
Acide aminé |
Elément constitutif des protéines. Les protéines sont construites à partir de 20 acides aminés différents. Leur enchaînement au sein de la molécule protéique constitue la séquence de la protéine |
ADN (acide désoxyribonucléique) |
Cet
article nucléique est le dépositaire de l'information
héréditaire chez de nombreux êtres vivants. La
molécule d'ADN est constituée de deux chaînes
nucléotidiques qui s'enroulent l'une autour de l'autre pour adopter la
structure d'une double hélice, les deux chaînes sont
associées par des liaisons faibles qui s'établissent entre les
bases complémentaires de l'ADN.
|
Agrobacterium tumefaciens |
Bactérie responsable de tumeurs végétales, les galles, chez les plantes dicotylédones. Lors de l'infection, Agrobacterium tumefaciens injecte un fragment de son matériel génétique, le plasmide Ti, dans la cellule végétale. L'ADN du plasmide Ti est capable de s'intégrer dans le génome de la plante hôte, opération qui se traduit par l'expression des différentes protéines qu'il code par la cellule infectée. |
Allogamie |
Fécondation croisée chez les plantes. Le colza appartient à cette catégorie. En revanche, le blé est dit autogame, c'est-à-dire capable d'autofécondation (celle-ci a lieu dans le bouton avant l'ouverture de la fleur). |
Antisens |
Les oligonucléotides synthétiques antisens sont des chaînes d'ADN simple brin, qui inhibent l'expression du gène et donc la production de protéines. |
ARN |
Deuxième catégorie d'acide nucléique présente dans les cellules d'un organisme. Les ARN interviennent dans le décodage de l'information portée par l'ADN. On distingue au moins trois catégories d'ARN dans les cellules : l'ARN messager (ARNm), l'ARN de transfert (ARNt) et l'ARN ribosomal (ARNr). |
ARN messager (ARNm) |
Molécule d'ARN élaborée à partir de l'ADN lors de la transcription du gène. Elle constitue en quelque sorte l'image en " négatif " de la séquence de l'ADN. L'ARN messager transmet le message fourni par l'ADN aux éléments de la cellule capables de le lire sous la forme d'un code à trois lettres, le code génétique. |
ARN polymérase |
Enzyme qui effectue la transcription, c'est-à-dire la copie de l'ADN en ARN |
ARN ribosomal |
Molécule d'ARN entrant dans le constitution des ribosomes |
ARN de transfert (ARNt) |
Petite molécule d'ARN capable de lier un acide animé et de se fixer à l'ARN messager. Il existe un ARNt spécifique pour chacun des vingt acides animés qui entrent dans la composition d'une protéine. |
Bacillus thuringiensis |
Bactérie du sol produisant une toxine insecticide |
Biolistique |
Introduction dans une cellule végétale d'un fragment d'ADN étranger fixé à une microbille métallique (or, tungstène, platine) projetée par un " canon à gènes " dans la cellule receveuse à travers la paroi cellulaire. L'ADN ainsi introduit s'intègre dans l'ADN des cellules. |
Clonage |
Constitution de populations de cellules (ou de fragments d'ADN) identiques issues d'un même individu. La population de cellules résultante est baptisée clone. Le clonage cellulaire consiste à isoler et à multiplier une cellule pour former une population de cellules dotées du même patrimoine génétique. le clonage moléculaire, quant à lui, est une opération qui revient à purifier à gène d'intérêt afin d'en étudier la structure et le fonctionnement. Il est généralement réalisé grâce à l'insertion in vitro (en éprouvette) du gène en question dans un vecteur capable de réplication autonome dans une cellule hôte. Le plus souvent, cette dernière est une bactérie ou une levure. Leur multiplication rapide permet en effet d'obtenir rapidement un grand nombre de colonies que l'on peut isoler et à partir desquelles on pourra récupérer le gène d'intérêt à un grand nombre d'exemplaires. |
Electroporation |
Méthode permettant d'introduire de l'ADN dans des cellules au moyen d'impulsions électriques qui augmentent la perméabilité de la membrane cellulaire |
Enzyme |
Protéine catalysant les réactions chimiques cellulaires. |
Enzyme de restriction |
Catégorie d'enzymes capables de découper l'ADN en fragments relativement longs. Présentes chez les seules bactéries, elles déterminent le site de coupure de l'ADN en reconnaissant une suite de quelques nucléotides (en règle générale, de quatre à dix). Pour une enzyme donnée, le site de coupure sera toujours le même, mais chaque enzyme de restriction sectionne l'ADN à des sites différents. Ces enzymes peuvent être assimilées à des bistouris moléculaires sélectifs permettant de découper proprement l'ADN, en des endroits bien précis (généralement répartis sur tout le chromosome). |
Expression d'un gène |
Ensemble des étapes qui permettent à un gène de devenir opérationnel, c'est-à-dire de déclencher la production de la protéine qu'il code. L'expression d'un gène intègre donc régulation, transcription et traduction du gène. |
Fusion de protoplastes |
Les cellules végétales sont protégées par une paroi rigide qu'il est possible d'éliminer par des traitements appropriés, généralement des traitements enzymatiques. Les cellules qui en résultent, les protoplastes, peuvent se maintenir plusieurs jours dans un milieu de culture adapté. Lorsque deux protoplastes entrent en contact, ils peuvent fusionner aisément, ce qui permet un mélange de leurs chromosomes. Lorsque deux plantes, telles que la tomate et la pomme de terre, ne peuvent être croisées par la voie sexuées, il est ainsi possible de donner naissance à une nouvelle variété végétale grâce à la fusion de protoplastes. |
Gène |
Unité d'information génétique contenant l'ensemble de l'information nécessaire à la production d'une protéine donnée. En termes fonctionnels, un gène ne se résume pas à la seule séquence codante spécifiant la production d'une protéine ou d'un ARN, mais comprend aussi les séquences régulatrices qui contrôlent son expression. |
Gène marqueur |
Gène conférant une propriété simple (résistance à un antibiotique ou à un herbicide) à une cellule et permettant de l'identifier par culture en milieu sélectif (c'est-à-dire un milieu contenant l'antibiotique ou l'herbicide en question). |
Nucléotide |
Unité chimique entrant dans la composition des acides nucléiques. Un nucléotide est constitué d'un sucre, d'un groupement phosphate et d'une base nucléique. Il n'existe que quatre types de nucléotiques qui se distinguent par la nature de leur base nucléique (adénine, thymine, guanine ou cytosine). |
OGM (Organisme génétiquement modifié) |
Organisme dont le patrimoine génétique a été modifié par un procédé autre que la multiplication ou la recombinaison naturelle. |
Organoleptique |
Se dit de l'ensemble des caractères permettant de porter un jugement sur la valeur gustative d'un aliment (saveur, arôme, texture...). |
Plasmide |
Molécule d'ADN circulaire extrachromosomique présente chez de nombreux micro-organismes (bactéries, levures). Les plasmides portent une information non indispensable à la survie de son hôte, par exemple, des gènes conférant une résistance aux antibiotiques. Ils sont capables de réplication autonome, propriété qui en fait un outil de choix pour le clonage et l'expression des gènes dans les bactéries. |
Promoteur |
Segment
d'ADN situé en amont d'un gène (c'est-à-dire avant le
début de la séquence codante).
|
Protéine |
Molécule essentielle à la structure et à la vie de toute cellule. Une protéine est formée par l'enchaînement linéaire d'éléments simples, les acides aminés. |
Ribosomes |
Organites intracellulaires formés de protéines et d'ARN ribosomal, sièges de la synthèse protéique dans la cellule. |
Sauvetage d'embryons |
Lors des expériences d'hybridation entre espèces végétales, l'avortement des embryons hybrides constitue une des principales barrières à surmonter. Ce phénomène peut être évité en cultivant in vitro les embryons issus des graines. |
Traduction |
Phase ultime de l'expression du gène qui conduit à la synthèse de la protéine codée par le gène. Elle correspond à l'interprétation des instructions transférées sur l'ARN messager. |
Transcription |
Processus de synthèse des ARN messagers à partir de l'ADN. La transcription s'effectue par copie d'un des deux brins de la molécule d'ADN, ce qui nécessite une séparation temporaire des deux chaînes d'ADN sur une certaine longueur. |
Transformation |
Introduction d'un fragment d'ADN exogène dans une cellule. |
Transgénèse |
Intégration stable d'un gène étranger dans un génome hôte. |
Transgénique |
Qualificatif désignant une plante ou un animal chez lequel on a transféré un gène émanant d'une espèce différente. |
Vecteur |
Agent de transmission : par exemple, molécule d'ADN capable d'autoréplication (plasmide ou virus) dans laquelle on peut introduire in vitro un ADN étranger. Le vecteur ainsi recombiné peut être multiplié dans des bactéries ou des levures et cloné. |
Vecteur d'expression |
Vecteur possédant une région permettant l'insertion d'une séquence codante d'ADN entre les signaux indispensables à sa lecture par la cellule receveuse. |
D'après " Agroperformances ", octobre 97 et " Le génie génétique appliqué à la production alimentaire ".
ANNEXE N° 2 -
LISTE DES PERSONNES
RENCONTRÉES EN FRANCE
PAR LE RAPPORTEUR
I - REPRÉSENTANTS DES CONSOMMATEURS,
ASSOCIATIONS ENVIRONNEMENTALES ET DES AUTORITÉS ÉTHIQUES
- Associations de consommateurs :
-AFOC : M. Eric Avril, secrétaire général adjoint.
- UFC Que Choisir : Mme Marie-José Nicoli, présidente,
M. Nicolas Larmagnac, responsable du secrétariat du mouvement.
- CSCV (Confédération syndicale du cadre de vie) :
M. Vincent Perrot, directeur scientifique.
- Conseil national de la consommation : Mme Nicole Zylbermann, chef
du bureau hygiène à la DGCCRF, présidente du groupe de
travail du CNC.
- Groupe d'éthique européen : Mme Noëlle
Lenoir, présidente.
- GREENPEACE FRANCE : M. Arnaud Apoteker.
- ECOROPA : M. Etienne Vernet.
- Sociologie de l'alimentation : M. Serge Michels, Société
ENTROPY CONSEIL, (études d'opinion sur les biotechnologies).
- Groupe des Belles Feuilles : M. Gilles Teisseyre,
vice-président.
II - REPRÉSENTANTS POLITIQUES ET INSTITUTIONNELS
- M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche,
M. Jean-Jacques Debacq conseiller auprès du ministre et
Mme Sophie Béranger, conseiller technique au cabinet du
ministre.
- Direction générale de l'alimentation du ministère
de l'agriculture : Mme Marion Guillou, Directeur général,
M. Eric Schoonejans, secrétaire de la Commission du génie
biomoléculaire.
- M. Claude Chereau, Conseiller technique au cabinet de M. le Premier
ministre.
- M. Jean-Yves Le Déaut, Député,
Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques.
- Représentants de l'Administration américaine
rencontrés à Paris : M. Charles Hanrahan, Senior
Specialist in Agricultural Policy, service de recherche du Congrès et
Mme Marie-Cécile Damave, économiste agricole à
l'ambassade américaine à Paris.
- M. Pierre Printz, ministère de l'éducation nationale, de
la recherche et de la technologie.
III - EXPERTS SCIENTIFIQUES
- Professeur Axel Kahn, ancien président de la Commission du
génie biomoléculaire.
- Professeur Jean-Pierre Zalta, président de la Commission du
génie génétique.
- INRA (Institut national de recherche agronomique) :
- M. Jean-Pierre Prunier, chargé de mission à la
direction scientifique de l'INRA ;
- M. Louis-Marie Houdebine, directeur de recherche ;
- M. Gérard Pascal, directeur scientifique pour la nutrition
humaine et la sécurité alimentaire, président du
CNERNA ;
- M. Alain Coleno, directeur scientifique du secteur des productions
végétales ;
- Université du Puy-de-Dôme : M. Michel Renaud,
Vice-président de l'université de Clermont-Ferrand ;
- Institut Pasteur : M. Antoine Danchin, professeur à l'Institut
Pasteur et directeur de recherche au CNRS ;
- Laboratoire d'analyse moléculaire : Société
GENOLIFE, M. Franck Chaubron, Président.
IV - ENTREPRISES
Semences et biotechnologies
- LIMAGRAIN, M. Pierre Pagesse, président, M. Alain Catala,
Directeur général, M. Renaud Leblond, chargé de
mission, Mme Tina Barsby, directeur du laboratoire Nickerson Biocem.
- PIONEER : M. Michel Paupy, directeur général,
M. Gérard Faure, directeur technique, Mme Mady Cambolive, manager
technique et affaires réglementaires.
- MONSANTO EUROPE : M. Daniel Rahier, directeur relations
extérieures biotechnologies et M. Bernard Auxenfans, responsable
Monsanto Europe.
- AGREVO FRANCE : M. Jean-Pierre Mollon, directeur général,
M. François Thiboust, responsable communication biotechnologies,
Mme Dolabjian, Mme Ghislaine Pinochet.
- NOVARTIS FRANCE : M. Christian Morin, directeur communication Europe,
Mme Carole Nahon, consultante.
- GIST BROCADES : M. Hans de Bie, directeur général,
M. Marc Jacquet, directeur commercial, Dr François Strozyk,
responsable réglementation et biosécurité,
Mme Florence Maisel, consultante.
- RHÔNE-POULENC : M. Pierre-Etienne Bost, directeur scientifique
biochimie et directeur de recherche pour l'alimentaire.
Transformation alimentaire
- DANONE : M. Jean-François Molle, directeur général
du département sécurité alimentaire, réglementation
et environnement et Mme Agnès Davi.
- NESTLÉ : M. Eric-Marie Boullet, corporate affairs.
- CARGILL FRANCE : M. François Loury, président directeur
général.
- CPC FRANCE : Olivier Desforges, administrateur, directeur
général.
V - REPRÉSENTANTS PROFESSIONNELS DE L'INDUSTRIE
- ORGANIBIO (Organisation nationale interprofessionnelle des
bioindustries) : M. Jean Lunel, Président,
- ANIA (Association nationale des industries agro-alimentaires) :
M. Benoît Mangenot, secrétaire général,
M. Thierry Geslain, chef du service scientifique et technique,
M. Bruno Jean-Noël, chargé des relations parlementaires.
- FCD (Fédération du commerce des entreprises de
distribution) : M. Jérôme Bédier, président et
Mme Véronique Etienne-Martin, chargée des relations avec le
Parlement.
- GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences et plants) :
M. Pierre Llaurens, Président et M. Philippe Gracien,
directeur.
- SNIA (Syndicat national des industriels de la nutrition animale) :
M. Yves Montécot, président et M. Bouxin.
- FRANCE-BIOTECH : M. Pascal Brandys, président et
président directeur général de la Société
GENSET.
VI - REPRÉSENTANTS DU MONDE AGRICOLE
- APCA : M. Jean-François Hervieu, président et
M. Guillaume Baugin, chargé des relations avec le Parlement.
- FNSEA : M Didier Marteau, secrétaire général
adjoint, M. Serge Tisserant, service économie
générale et Mme Nadine Normand, chargée des relations
avec le Parlement.
- AGPM (association générale des producteurs de
maïs) : M. Marcel Cazalé, Président, et M.
Daniel Bloch, directeur scientifique.
- CNJA : M. Christophe de Rycke, membre du bureau, et M. Lanthier.
- Confédération paysanne : M. René Riesel,
secrétaire national, et M. Jean-Damien Terreau.
- Confédération française de la coopération
agricole (CFCA), M. Albert Baudrin, président de l'UNCAA (union
nationale des coopératives agricoles d'approvisionnement), M. Bernard
Pons, directeur agronomie de l'UNCAA, M. Vincent Moulin Wright, directeur
du département entreprise et responsable de la qualité et
Mme Mireille Riclet.
ANNEXE N° 3 -
PROGRAMME DES
DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR
I.
LUNDI 19 JANVIER 1998 : VISITE DES INSTALLATIONS DE LA SOCIÉTÉ
LIMAGRAIN
(en compagnie de MM. Pierre PAGESSE, Président, de M. Alain CATALA,
Directeur général et de M. Renaud LEBLOND, chargé
de mission auprès de la direction)
9 h 00 Entretien avec Mme Tina L. Barsby, directeur du
laboratoire Nickerson Biocem
Thème
:
Limagrain et les biotechnologies
La réglementation
10 h 30 Visite du laboratoire de biotechnologies
NICKERSON BIOCEM au
Cambridge Science Park,
15 h 30 Visite du laboratoire de Valorisation des Céréales
" ULICE "
à Riom
17 h 30 Visite du laboratoire de MERISTEM
Therapeutics
Thème : L'agriculture moléculaire et la production de
protéines thérapeutiques
par les
végétaux
II.
DÉPLACEMENT AUX ETATS-UNIS DU 29 MARS AU 1ER AVRIL
1998
- Entretiens avec des représentants de l'Ambassade de
France :
- Son Excellence M. François Bujon de l'Estang, Ambassadeur ;
- M. Jean-François Boittin, ministre conseiller, chef des services
de l'Expansion économique aux Etats-Unis ;
- M. Jean-Christophe Paille, Attaché agricole ;
- M. Jean-Michel Poirson, Attaché agricole adjoint.
- Personnalités américaines rencontrées :
Lundi 30 mars 1998, Washington
8 h 30
BIOTECHNOLOGY INDUSTRY
ORGANISATION (BIO
)
Dr. L. Val-Giddins, Ph.D., Vice président pour l'Alimentation et
l'Agriculture
M. Carol Bolen, Vice président de Pioneer Hi-Breed
Thème
:
Structure de l'industrie américaine des
biotechnologies. Biovigilance environnementale et flux de gènes
10 h à 12 h
DÉPARTEMENT DE L'AGRICULTURE
M. Terry Medley, Administrateur de l'Animal and Plant Health Inspection Service
(APHIS) au Département de l'Agriculture
Mrs Sally Mc Cammon, science Advisor (APHIS)
M. James Mariansky, Biotechnology Strategic Manager à la Food and drug
Administration (FDA)
M. Philip Hutton, Environmental Protection Agency
(EPA)
Thème
:
Contexte législatif et réglementaire -
Approche américaine de l'évaluation scientifique
14 h - 15 h M. Mickey Kantor, membre du Board de Monsanto, ancien
administrateur au Congrès et négociateur international
à l'USTR et M. Michael Punke.
Thème : Les rapports transatlantiques en matière agricole
15 h 30 - 16 h 30
DÉPARTEMENT DE L'AGRICULTURE
M. James W. Schroeder, Sous-Secrétaire adjoint pour les programmes
agricoles et les relations internationales à l'USDA
Thème
:
Importance des biotechnologies dans la politique
agricole américaine
16 h 40 - 17 h 40
AMERICAN FARM BUREAU FEDERATION
M. Denis C. Stolte et Mme Barbara R. Spangler, Directeurs des Relations
avec le Gouvernement
Thème : Le point de vue des exploitants agricoles, selon la
principale organisation professionnelle
Mardi 31 mars 1998, Washington
9 h - 10 h
PATENT OFFICE
(Office des brevets)
Mme Mary C. Lee, Deputy Director Biotechnology
M. Richard A. Schwartz, Biotechnology specialist
M. Douglas W. Robinson, supervisor,
Thème
:
Protection intellectuelle des innovations
biotechnologiques et des gènes - Pratique des entreprises
américaines
10 h 30 - 11 h 30
US TRADE REPRESENTATIVE
M. Jim Murphy, Executive Office of the President
M. Todd Morath
Thème : Les biotechnologies agricoles et les contentieux
commerciaux
12 h - 14 h
DÉJEUNER AVEC DES REPRÉSENTANTS DES ASSOCIATIONS
DE CONSOMMATEURS
Mme Frances B. Smith, Executive Director of Consumer Alert
M. Sam Kazman, General Counsel of the Competitive Enterprise Institute
Dr David Murray, Think Tank sur la communication Scientifique
Thème
:
La perception du public américain
vis-à-vis des biotechnologies
14 h 30 - 15 h 30
ASSOCIATION DES TRANSFORMATEURS DE MAÏS
M. Charles F. Conner, président
M. Kyd D. Brennet, vice-président
Thème : Les premières campagnes de culture de mais
transgénique, les prochaines modifications génétiques et
la ségrégation des filières
16 h - 17 h
CABINET DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE
M. Paul Drazek, Conseiller spécial du Secrétaire de l'Agriculture
Thème : La position du Gouvernement américain pour les
prochaines négociation agricoles
20 h 00 Dîner à la résidence de M. Jean-François
Boittin, Ministre Conseiller pour les Affaires économiques et
commerciales, avec la participation de Mme Carole Brookins, Présidente
de l'Institut d'études agricoles " World perspective "
Mercredi 1er avril 1998, Saint-Louis, Missouri
1 - VISITE DE MONSANTO
9 h 30 - 9 h 45
Présentation du groupe
par Mme Karen Marschall,
Monsanto Public Affairs et M. Jean-Noël Mutz, Regulatory Affairs
Manager pour le maïs round-up ready
9 h 45 - 10 h 30
Visite du "
Life Research
Center
" de Monsanto avec M. Curt Elmer
12 h - 13 h
Déjeuner avec
M. Hendrik A. Verfaillie
, Président de Monsanto, M.
Jean-Noël Mutz et M. Hugh Grant, Managing director South-East Asia
13 h - 13 h 30
Entretien sur le thème des
procédures
réglementaires dans le monde
par Mme Diane Re, Director Worldwide
Regulatory Affairs
13 h 30 - 14 h
Bilan des campagnes de culture du soja round-up ready
avec Mme Nelly Nieldbalsky Cline, Director Food Industry relations
14 h - 15 h
Entretien sur le thème de la bio-vigilance et du suivi
environnemental
avec M. Roy C. Fuchs, regulatory Science
2. LES PRODUCTEURS AMERICAINS DE SOJA
15 h 30 - 16 h 30
Association des producteurs américains de soja
M. Kim Nill, Deputy Director for International Marketing
Thème : Les prochaines modifications génétiques du soja
- La ségrégation des filières OGM - non OGM
III.
DÉPLACEMENT À BRUXELLES LE 22 AVRIL 1998
- Entretiens avec les représentants permanents de la France
auprès de l'Union européenne
Son Excellence M. Philippe Etienne, représentant permanent
adjoint,
Mme Odile Roussel : chargée de l'environnement,
M. Loïc Evain : chargé des questions alimentaires
- Entretiens à la Commission
9 heures M. Martin (DG XI/Environnement), adjoint au chef
d'unité biotechnologies
Thème : Directive 90/220/CEE sur la dissémination des OGM :
bilan et perspectives d'évolution
11 heures 15 M. Cozigou (DG III/législation alimentaire), chef
d'Unité, Industrie Agro-alimentaire, Biotechnologie
Thème : les aliments génétiquement modifiés
(" novel-food ") (étiquetage, évaluation de la
sécurité)
12 heures 15 M. Dov Zerah (Chef du cabinet de Mme Cresson, commissaire
chargée de la science et de la recherche)
M. Olivier Lluansi, membre du Cabinet
Thème : Brevets et programmes européens de soutien à la
biotechnologie
13 heures Déjeuner offert par M. Philippe Etienne, représentant
permanent adjoint
Thème : La position française dans les négociations
communautaires
15 heures M. Thibeaux et Mme André (DG VI/législation agricole)
Thème
:
OGM et alimentation animale (projet " novel
feed ")
16 heures MM. Obst et Valvassori, Mme André
(DG VI/législation agricole)
Thème : Le règlement sur les semences
génétiquement modifiées
17 heures 30 M. Carsin - (DG XXIV/Direction des avis
scientifiques)
M. Walsh, Comité scientifique des Plantes.
Thème : Consultation des comités scientifiques
européens
ANNEXE N° 4 -
BIBLIOGRAPHIE
SÉLECTIVE
RAPPORTS PARLEMENTAIRES
- Daniel Chevallier : Les applications des Biotechnologies à
l'agriculture et à l'industrie agro-alimentaire, rapport pour l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
(1990-1991) ;
- Claude Huriet : Garantir les conditions du développement et
la sécurité sanitaire des produits de thérapies
génique et cellulaire, Commission des affaires sociales, Sénat
1995-96 ;
- Parlement européen : Rapport sur les conséquences de la
biotechnologie sur l'agriculture, Mme Hedwig Keppelhoff-Wiechert,
PE 224.580/déf.
- Pierre Laffitte, Sénat n°276, rapport au nom de la
Commission des Affaires Culturelles sur le projet de loi relatif au
contrôle de l'utilisation des OGM (1991-1992) ;
REVUES SPÉCIALISÉES
- Agro-Performances, Spécial OGM, hors-série, Octobre 97 ;
- BIOFUTUR, l'Europe et les Technologies végétales, n°
spécial Novembre 97 ;
- C.N.R.S, Sciences de la vie, BIO : Les plantes
transgéniques : Enjeux et risques : Avril 97 ;
- Revue des chambres d'agriculture : OGM et agriculture ; Les organismes
transgéniques, supplément au n°855, mai 1997.
CONFÉRENCES
- I.F.N, Institut Français pour la Nutrition, cycle de
conférences sur les OGM, 1997/1998 et lettres scientifiques de l'IFN
n°
s
46, 50, 52 et 54.
OUVRAGES ET AUTRES PUBLICATIONS
- Commission Européenne : rapport du groupe de conseillers
pour l'éthique de la biotechnologie ;
- Conseil d'Etat : Réflexion sur le droit de la santé,
rapport public 1998 ;
- C.F.S, Confédération Française des
Semenciers ; G.N.I.S, Groupement National Interprofessionnel des Semences
et plants ; U.I.P.P, Union des Industries de Protection des Plantes -
Livre blanc : " Les plantes Génétiquement
Modifiées : Une clef pour l'avenir ", Octobre 97 ;
- CIBA et CHIRON, Sociétés spécialisées en
biotechnologie : " Généthique ",
- CNERNA, CNRS : Le génie génétique appliqué
à la production alimentaire, Françoise Decloitre et Christina
Collet-Ribbing ;
- Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologies ;
- EUFIC, European Food Information Council : Les Biotechnologies dans
l'alimentation (3ème trimestre 95) ;
- EUROPABIO, Bruxelles : Benchmarking the Competitiveness of
Biotechnology in Europe ;
- F.A.O, Food and Agriculture Organization : Biotechnology and Food
safety, 1997, n°61 ;
- The Food and Drink Federation : dossier " Foodfuture " ;
- Henri Guillaume : Rapport sur la Technologie et l'Innovation,
- I.L.S.I, International Food Biotechnology : Food Science and
Nutrition ;
- I.S.A.A.A : Global Status of Transgenic Crops in 1997 ;
- Axel Kahn, commission du génie biomoléculaire :
" Les plantes transgéniques en agriculture ",
- Didier Lombard : Rapport : Le Brevet pour l'innovation,
- Maïs Avenir, dossier d'information, Octobre 97 ;
- Henri Mendras : La fin des paysans ;
- Ministère de l'Agriculture et Ministère de
l'environnement, Commission du Génie Biomoléculaire :
rapports annuels 1994-1995-1996 ;
- Ministère de l'environnement et secrétariat d'état
à la recherche, Commission de Génie
Génétique : rapport 1993-1994 ;
- MONSANTO'S Life Sciences Research Center : Solutions For Tomorrow's
World ;
- NOVARTIS : Le livre vert du Maïs Cb,
- O.C.D.E : Biotechnologie, Agriculture et Alimentation ;
- Jean-Marie PELT , " Génie Génétique : Des
chercheurs citoyens s'expriment ",
- UK National Consensus Conference on Plant Biotechnology, Final Report,
1994 ;
- World Bank Panel on Transgenic Crops : Bioengineering of Crops,
1997.
ANNEXE N° 5 -
LISTE DES PRODUITS
AUTORISÉS OU EN COURS D'EXAMEN DANS LA COMMUNAUTÉ
La documentation fournie par la Commission est en anglais. Votre rapporteur n'a pu disposer d'une documentation aussi actualisée en langue française.
I. DOSSIERS DÉJÀ APPROUVÉS
|
|
DATE OF COMMISSION DECISION(1)/MEMBER STATE CONSENT(2) |
1. Vaccine against Aujeszky's disease |
Vemie Veterinär Chemie GmbH |
18.12.92 |
2. Vaccine against rabies |
Rhône-Mérieux |
19.10.93 |
3. Tobacco tolerant to bromoxynil |
SEITA |
08.06.94 |
4. Vaccine agains Aujeszky's disease (further uses) |
Vemie Veterinär Chemie GmbH |
18.07.94 |
5. Oilseed rape resistant to glufosinate ammonium |
Plant Genetic Systems |
06.02.96 |
6. Soybeans tolerant to glyphosate |
Monsanto |
03.04.96 |
7. Male sterile chicory tolerant to glufosinate ammonium |
Bejo-Zaden BV |
20.05.96 |
8. Bt-Maize tolerant to glufosinate ammonium |
Ciba Geigy |
23.01.97 |
9. Oilseed rape tolerant to glufosinate ammonium |
Plant Genetic Systems |
06.06.97 |
10. Oilseed rape tolerant to flufosinate ammonium |
Plant Genetic Systems |
06.06.97 |
11. Test kit to detect antibiotic residues in milk |
Valio Oy |
14.07.97 |
12. Carnation lines with modified flower colour |
Glorigene |
01.12.97
|
(1)
where objections were raised by Member State authorities
(2) in the absence of objections by Member State authorities
Source :
Commission européenne
II - DOSSIERS OGM EN COURS D'INSTRUCTION À LA COMMISSION AU 11
FEVRIER 1998
PRODUCT NOTIFICATION DETAILS |
COMPANY |
1.
Swede rape tolerant to glufosinate ammonium
|
AgrEvo |
2.
Maize tolerant to glufosinate ammonium (T25)
|
AgroEvo |
3.
Maize expressing the Bt
cryIA(b)
gene (MON 810)
|
Monsanto |
4.
Maize expressing the Bt
cryIA(b)
gene (MON 809)
|
Pioneer |
5.
Male sterile chicory
|
Bejo-Zaden BV |
6.
Swede rape tolerant to glufosinate ammonium
|
AgrEvo GmbH |
7.
Maize tolerant to glufosinate ammomium and expressing the Bt
cryla(b)
gene
|
Novartis (formerly Northrup King) |
8.
Male sterile swede rape tolerant to gluphosinate ammonium
|
Plant Genetic Systems |
9.
Potato with a change in starch composition
|
AVEBE |
10.
Fodder beet tolerant to glyphosate
|
DLF-Trifolium, Monsanto and Danisco Seed |
11.
Tomato with reduced activity of the expression of the endogenous tomato
fruit PG gene
|
Zeneca |
12.
Cotton expressing the Bt
cryIA(c)
gene
|
Monsanto |
13.
Cotton tolerant to herbicide
|
Monsanto |
Source : Commision européenne
ANNEXE N° 6 -
DÉCLARATIONS
ÉTHIQUES DE L'UNESCO ET DU CONSEIL DE L'EUROPE
PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION POUR LA
PROTECTION
DES DROITS DE L'HOMME ET DE LA DIGNITÉ DE L'ÊTRE HUMAIN À
L'ÉGARD DES APPLICATIONS DE LA BIOLOGIE ET DE LA MÉDECINE,
PORTANT INTERDICTION DU CLONAGE HUMAIN (CONSEIL DE L'EUROPE)
DÉCLARATION UNIVERSELLE SUR LE GÉNOME HUMAIN ET LES DROITS DE
L'HOMME (UNESCO)
ANNEXE N° 7 -
LOI DU
13 JUILLET 1992
LOI N° 92-654 DU 13 JUILLET 1992 RELATIVE AU CONTRÔLE DE L'UTILISATION ET DE LA DISSÉMINATION DES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS
1
Loi n° 92-654 du 13
juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la
dissémination des organismes génétiquement modifés
- Journal Officiel du 16 juillet 1992.
2
Dont la liste est fournie en annexe du rapport.
3
Le programme des déplacements est fourni en annexe du
rapport.
4
Les développements historiques sont tirés de
l'article : " génétique moléculaire " de
l'Encyclopédia Universalis.
5
Définition donnée par A. Kahn,
" Société et révolution biologique, pour une
éthique de la responsabilité ", INRA, 1996.
6
Pour de plus amples précisions, se référer
par exemple à l'article précité de l'Encyclopédie
Universalis, dont les développements qui suivent sont inspirés.
7
Définition donnée sur le site Internet de l'INRA
http//www.jouy.inra.fr/actualités/dossiers/ogm.html.
8
Dictionnaire permanent bioéthique et biotechnologie, page
1025.
9
D'après l'article " génie
génétique " de l'Encyclopédia Universalis.
10
D'après " Dictionnaire permanent bioéthique
et biotechnologies ", p. 1025.
11
Ibid.
12
Même s'il existe de très légères
variations du code génétique dans les mitochondries et chez
certains euraryotes unicellulaires, d'après l'article
précité de l'Encyclopédie Universalis.
13
Ibid, p.1026
14
En l'occurrence le petit Robert
15
Le Petit Robert, définition de " manipulation ".
16
Définition inspirée de : " Le génie
génétique appliqué à la production
alimentaire ", CNERNA, CNRS, 1997.
17
Pour plus de détails, voir notamment l'article de Pierre
Tiollais, " génie génétique ", dans
l'Encyclopédia Universalis et l'abondante bibliographie fournie à
la fin de cet article (p. 247).
18
Feuillet n° 7, 1er octobre 1995, p. 1023.
19
Développements d'après " Le génie
génétique appliqué à la production
alimentaire ", Ibid, pages 3 et 4.
20
D'après " les biotechnologies dans
l'alimentation ", European food information council, 1995.
21
D'après Philippe Ledieu, " Planète
agricole ", collection Explora, cité des sciences et de
l'industrie, cité par le livre blanc du GNIS sur les plantes
génétiquement modifiées.
22
Dossier d'information " Maïs avenir ", octobre
1997.
23
Document précité de " Maïs avenir ".
24
D'après le titre de l'ouvrage précité d'A.
Kahn : " Société et révolution biologique ",
1996.
25
Voir notamment " Le génie génétique
appliqué à la production alimentaire ", CNERNA, CNRS, 1997.
26
Notamment par les groupes fabricants des produits phytosanitaires
concernés : Agrevo, Monsanto, etc...,
Cf. développement ci-après : une liste des plantes
transgéniques autorisées pour chaque société
commerciale est fournie en annexe du présent rapport.
27
D'après les développements du numéro
spécial du département Sciences de la vie de l'INRA, " Les
plantes transgéniques ", avril 1997, p. 1 à 5.
28
D'après l'ouvrage de l'OCDE : " Biotechnologie,
agriculture et alimentation ", 1992.
29
D'après : " Les plantes transgéniques ",
CNRS, département des Sciences de la vie, Ibid, p. 13.
30
Voir en annexe la liste des personnes entendues.
31
Autorisée en France pour l'alimentation des volailles.
32
D'après : " Le génie génétique
appliqué à la production alimentaire ", CNRS et CNERNA,
1997, p. 8.
33
Ibid
34
Voir l'excellent rapport de notre collègue Claude Huriet,
au nom de la Commission des Affaires sociales : " Garantir les conditions
du développement et la sécurité sanitaire des produits de
thérapie génique et cellulaire ", 1995-1996.
35
Voir la page 20 du n° 70 de la revue
précitée du département " Science de la vie " du
CNRS consacrée aux plantes transgéniques.
36
Op. cité.
37
Voir l'article de Alain-Michel Boudet dans la revue
précitée du CNRS, page 10 et suivantes.
38
Grâce aux travaux de l'INRA et du CNRS, voir article
précité.
39
International Service for the Acquisition of Agri-biotech
Applications, " Global status of Trangenic crops in 1997 ", Clive
James, n°5, 1997
40
ISAAA, Ibid, p.8, 1997
41
Il s'agit du stade préliminaire d'examen des dossiers et
non des plantes déjà autorisées. Rappelons que seulement 3
variétés d'une plante (maïs résistant à la
pyrale) sont actuellement autorisées à la culture en France, voir
b) ci-après.
42
Pour une description plus détaillée de son
rôle, voir ci-après, II ème partie
43
Voir Journal Officiel du 8 février, page 2037
44
Voir liste en annexe des personnes auditionnées
45
Voir liste en annexe des personnes auditionnées.
46
Le lecteur qui souhaite approfondir ce sujet peut se reporter
à la bibliographie jointe en annexe du présent rapport.
Signalons, notamment les développements de l'ouvrage collectif :
" Les plantes transgéniques en agriculture ", sous la
direction d'Axel Kahn, 1997.
47
Voir l'article de Minh-Hà Pham-Délègue et
Lise Jouanin dans la revue précitée du CNRS, p. 36 et 37.
48
Rapport au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques, Sénat n° 148,
Assemblée nationale n° 1827, 1990-1991, tome I.
49
Voir l'ouvrage précité : " Le génie
génétique appliqué à la production
alimentaire ", op, cité.
50
Cette information a été confirmée à
votre rapporteur par l'industriel concerné.
51
C'est-à-dire d'une probabilité de l'ordre de
10
-27
. A ce sujet, voir notamment l'article de Pierre Thuriaux dans
l'ouvrage précité " Les plantes trangéniques en
agriculture ", sous la direction d'Axel Kahn.
52
Il existe huit comités scientifiques d'évaluation
auprès de la Commission, dont le comité scientifique de
l'alimentation humaine. Par une décision 97/104/CE du
10 juin 1997, la Commission vient d'instituer en outre un
comité scientifique directeur chargé de coordonner leurs travaux.
53
Voir l'excellent rapport de notre collègue Pierre
Laffitte, rapporteur au nom de la Commission des Affaires Culturelles du
Sénat.
54
Pour une liste exhaustive de ses attributions et des textes
parus, voir " Dictionnaire permanent bioéthique et
biotechnologie ", p. 447, septembre 1997.
55
On trouvera une description plus complète de son
rôle dans son rapport annuel (1993/1994).
56
Pour plus de détails, voir notamment le rapport du groupe
de travail conjoint OMS/FAO tenue à Rome du 30 septembre au
4 octobre 1996 : " Biotechnology and food safety ".
57
Voir notamment l'opuscule de la revue : " Food, Science and
Nutrition ", supplément sur " Allergenicity of foods produced
by genetic modification ", ILSI and IFBC, 1996.
58
Dans la presse ou sur de nombreux sites Internet, notamment.
59
voir en annexe la liste des personnes auditionnées.
60
Voir : " Bioengineering of Crops, Report of the world bank
panel on transgenic Crops ", octobre 1997.
61
Voir notamment les documents suivants : CPGR/91/12,
Biotechnologies et ressources phytogénétiques et
éléments d'un code de conduite ; CPGR/93/9, Vers un Code de
conduite internationale pour les biotechnologies végétales ;
CPGR-6/95/15, Faits internationaux récents intéressant le projet
de Code, FAO.
62
Numéro spécial biotechnologies
végétales, novembre 1997.
63
Permettant de limiter le nombre d'application de ces derniers et
d'appliquer des produits moins toxiques et moins rémanents.
64
D'après l'étude de satisfaction
réalisée pour la société Monsanto après de
10.000 exploitants agricoles cultivant les variétés de soja
" Round-up Ready ".
65
Rapport - PE 224.580/déf. 3 février 1998.
66
Réponse du ministre au Journal Officiel des débats
(1998-02-04) page 584.
67
Rapport de l'ISAAA précité.
68
Rapport de l'ISAAA précité.
69
" Benchmarking the competitiveness of biotechnology in
Europe ", Juin 1997.
70
D'après une communication de la FID/ASSINSEL :
" L'industrie des semences et la biotechnologie, Aperçu
mondial " Août 1997.
71
Où étaient représentés la FNSEA, le
CNJA, la CNMCCA, la CFCA, la FNCA, la FNMA, avec comme membre associé
l'APCA.
72
Dont la confédération paysanne.
73
Tiré de " Société et révolution
biologique, pour une éthique de la responsabilité ", Axel
Kahn, 1996.
74
Extrait du rapport du groupe de conseillers pour
l'éthique, Commission européenne, office des publications
officielles.
75
Dont les rapporteurs sont M. Didier Marteau (FNSEA) pour le
collège professionnel et Mme Françoise Guillon (UFCS) pour
le collège consommateur.
76
Dont un récent article, publié dans la revue
" 60 millions de consommateurs ",
" Transgéniques : nous en mangeons sans le savoir, la
preuve ", assorti d'un test de détections d'OGM sur une
cinquantaine de produits alimentaires.
77
Tiré de " Société et révoution
biologique ", précité, pp.10 à 14.
78
Pour une étude plus approfondie de ces courants de
pensée, voir notamment l'ouvrage de M. Luc Ferry : " Le
nouvel ordre écologique : l'arbre, l'animal et l'homme ".
79
Elle-même contestée, voir l'article de Helen
Gavaghan dans le numéro spécial de la revue
" Biofutur ", novembre 1997.
80
Citée dans le dossier " Maïs Avenir ".
81
CFS, GNIS et UIPP.
82
Réalisé auprès d'un échantillon
représentatif de 1.004 personnes, pour la société
Ecocert et le salon " Vivez nature ".
83
Aucune plante transgénique n'est encore massivement
cultivée au Japon, même s'il existe un projet de culture de tomate
à maturation retardée.
84
Article de K. McLean in " Commercialisation of Transgenic
Crops ", Bureau of Ressource Sciences.
85
" Outlook 98: Proceedings of the National Agricultural and
Ressource Outlook Conference ", fév. 98
86
Et notamment les règlementations de décembre 1993.
87
Cité dans la presse
88
Voir l'article " Gène éthique chez les
Helvètes ", Libération, Mardi 3 février 98.
89
Voir le document " UK National Consensus Conference on
Plant Biotechnology, Final Report ", London Science Museum, 1994.
90
Rapport précité au nom de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, 1990.
91
comme l'avaient relaté plusieurs articles de presse
92
M. Orphelin (Léolagrange Consommation),
M. Phillippe (Association des nouveaux consommateurs), Mme Preisler
(Familles rurales).
93
Voir la revue Biofutur, Mai 1998
94
Pour une analyse plus approfondie, voir l'ouvrage
" Biotechnologie agriculture et alimentation ", OCDE, 1992,
Chapitre VII : la protection par brevet.
95
La révision récente de la Convention de l'Union
pour la protection des obtentions végétales fait l'objet d'un
projet de loi n° 145 déposé par le
précédent Gouvernement, dont le rapporteur au nom de votre
commission est M. Gérard César.
96
Citons notamment le plus récent : celui de
M. René Trégouët pour la commission des finances au
Sénat : "
Des pyramides du pouvoir aux réseaux de
savoir
", Sénat n° 331, 1997/1998.
97
.Notamment au moment de l'adoption des crédits
budgétaires consacrés à la recherche : voir les
interventions de MM. Jean-Marie Rausch, René Trégouët
et Pierre Laffitte au Sénat, discussion du projet de loi de finances
pour 1998, Journal officiel des débats.
98
Pages 103 et suivantes
99
Comme le précise l'étude précitée de
la Cour des Comptes.
100
Proposition de loi permettant à des fonctionnaires de
participer à la création d'entreprises innovantes, Sénat
n° 98, 20 novembre 1997.
101
Premier ministre, service d'information du Gouvernement,
février 1998.