E. LE QUESTIONNEMENT ETHIQUE
Le génie génétique révolutionne notre relation au vivant. En ce sens, il est incontestable que l'introduction de la biotechnologie doit s'accompagner d'une réflexion approfondie sur sa signification éthique.
1. De nombreuses questions d'ordre éthique
La
transgénèse pose en soi plusieurs questions d'ordre moral
philosophique ou éthique sur la nature du vivant, la notion
" d'espèce ", l'instrumentalisation et l'appropriation (on
pense notamment aux brevets) du vivant par l'homme, mais aussi sur le statut de
l'animal et du végétal par rapport à l'humain.
La médecine prédictive, les thérapies géniques
(surtout les thérapies géniques " germinales ") et les
xénogreffes sont sans doute les techniques qui touchent le plus
près à la question de la nature de l'homme et qui doivent faire
l'objet des réflexions les plus approfondies.
Les exemples ne manquent pas des questions éthiques soulevées par
le génie génétique au sens large :
QUELQUES PROBLÉMATIQUES ÉTHIQUES 73( * )
Problèmes liés au diagnostic prénatal
pré-implantatoire
"
Alors que faut-il en penser et peut-on considérer qu'y
recourir est un droit des couples, un droit à la responsabilité,
à l'exercice de sa liberté ? Ou bien peut-on estimer que
cela soulève de sérieuses difficultés
éthiques ? Je suis personnellement partisan de cette
deuxième lecture, pour une raison qui me semble fondamentale. Le jour
où l'on aura banalisé, accepté, intégré
l'idée selon laquelle il est légitime de décider qu'une
vie adviendra ou n'adviendra pas, sur la base d'une caractéristique
physiologique aussi peu pathologique qu'être un petit garçon ou
être une petite fille, il n'y aura plus aucune base morale ou
philosophique pour interdire que l'on décide de la survenue ou de la non
survenue d'une vie, sur la base de toute autre caractéristique non
pathologique, la couleur des yeux ou des cheveux, la taille, la force physique,
peu importe. Le pas aura été franchi. Considérer que les
couples ont le droit de décider des caractéristiques de leur
future progéniture en dehors de toute conséquence pathologique,
ce serait, je crois, franchir un pas considérable et peut-être
décisif dans l'évolution humaine
".
Tests génétiques et justice sociale
"
Et puis -et l'on atteint là probablement la question la plus
difficile- il faut aborder la question de l'utilisation des tests
génétiques dans la vie sociale, c'est-à-dire avant tout
dans l'accession à l'assurance et au travail. En France, cette
utilisation est en principe interdite par divers textes législatifs ou
réglementaires. La loi du 29 juillet 1994, dite de
" bioéthique ", stipule en particulier que les tests
génétiques ne peuvent être pratiqués qu'à des
fins médicales ou scientifiques. La réalisation de tels tests ne
peut donc être demandée ni par une assurance ni par un employeur.
L'an passé, les assurances européennes ont décidé
d'un moratoire de cinq ans concernant la pratique des tests
génétiques. Mais en fait, ces garde-fous ne sont pas solides et
tout laisse même penser qu'ils vont bientôt s'effondrer
"
[...] "
Pour ce qui est de l'embauche, l'inéluctabilité
de l'évolution m'apparaît presque aussi forte
[...] "
Thérapie génique germinale
"
La question est, là encore, philosophique et
éthique : est-il acceptable pour l'homme de se fixer comme objectif
l'amélioration germinale d'un lignage humain ?
"
" [...]
L'application à l'espèce humaine de la notion
d'amélioration génétique pose problème.
Améliorer un porc pour qu'il ait moins de gras et plus de maigre, on
voit bien ce que cela veut dire. Améliorer une vache pour qu'elle
produise davantage de lait, on voit bien aussi (même si l'on prend
aujourd'hui mieux conscience des problèmes qui sont liés au choix
des objectifs de sélection). Mais améliorer un homme, un
lignée humaine, une population, qu'est-ce que cela peut bien vouloir
dire ?
[...]
"
Je vous renvoie au respect de la dignité de la personne
humaine et au premier principe de Kant : faire en sorte que l'homme ne
soit jamais uniquement un moyen mais aussi une fin. Naturellement, créer
un homme grand pour en faire un basketteur, ce serait purement et simplement
l'instrumentaliser, et ceci représenterait de manière flagrante
une agression violente contre la dignité de la personne
humaine
".