D. L'AVENIR DE LA FILIÈRE SEMENCIÈRE ET LE STATUT DE L'AGRICULTEUR
De
fortes restructurations des filières semencières et agricoles
pourraient être induites par les conditions actuelles de l'arrivée
des biotechnologies.
Si l'industrie semencière est concernée par ce mouvement, le
statut de l'agriculteur, sa fonction, sa place dans la chaîne de la
valeur entre l'amont et l'aval de sa production, pourraient également
être modifiés par l'avènement du génie
génétique.
1. L'émergence de conglomérats " agro-chimico-semenciers "
L'industrie des semences
représente
70(
*
)
, au niveau mondial, un chiffre
d'affaires de l'ordre de 30 milliards de dollars, à comparer aux
300 milliards de dollars environ de chiffre d'affaires de l'agriculture et
aux 3.000 milliards de dollars de l'industrie agro-alimentaire.
Ce secteur est relativement fragmenté, comparativement à d'autres
industries de l'agro-fourniture, puisque les 10 premières
entreprises semencières mondiales ne représentent que 18 %
du marché. Il existe d'ailleurs en France plusieurs centaines de
" petits" semenciers.
D'après le rapport annuel 1996-1997 du GNIS (Groupement national
interprofessionnel des semences et plants), la profession semencière
française, dont le chiffre d'affaires représente
11,1 milliards de francs, est organisée de la façon
suivante :
LA PROFESSION SEMENCIÈRE FRANÇAISE
|
OBTENTEURS |
PRODUCTEURS |
AGRICULTEURS MULTIPLICATEURS |
DISTRIBUTEURS |
NOMBRE |
108 |
284 |
26 650 |
21 478 |
Source : GNIS
Le chiffre d'affaires des semenciers français se répartit, par groupes d'espèces, de la façon suivante :
LE
CHIFFRE D'AFFAIRES SEMENCIER FRANÇAIS
Source : GNIS
La constitution de conglomérats
Ce secteur est marqué sur le plan mondial par une forte évolution
ces dernières années, liée à l'avènement des
biotechnologies : l'implication croissante dans l'activité
semencière de
grands groupes pharmaceutiques et agro-chimistes
mondiaux.
La conséquence qui en résulte est une tendance
marquée à la concentration de ce secteur.
Des fusions, des rapprochements, des prises de contrôle récents
ont entraîné l'apparition de
vastes conglomérats
répondant à une logique d'intégration verticale de plus en
plus poussée.
Le raisonnement de l'intégration est
conforté par la logique actuelle en matière de
propriété intellectuelle, qui donne un avantage décisif au
" propriétaire " de telle ou telle technologie ou application
du génie génétique.
Quelques exemples de cette évolution récente sont donnés
dans l'encadré ci-dessus :
LA
CONCENTRATION DU SECTEUR SEMENCIER ET L'ÉMERGENCE
DES GROUPES
AGRO-CHIMISTES
La
société Monsanto
a acquis en 1996 les sociétés
de biotechnologie Calgène et Agracetus, les sociétés
semencières américaines Asgrow, Holden, ainsi qu'une
minorité de la société Dekalb. Le groupe serait ainsi
devenu le 4ème semencier mondial.
La société Dupont de Nemours s'est alliée avec
Pionneer, premier semencier mondial
, dans le courant de
l'été 1997, par une prise de participation de 20 %
à son capital. Dupont a également acquis Proteins Technologies
International (PTI), leader mondial des ingrédients à base de
soja, poussant ainsi à son terme la logique de l'intégration
verticale.
D'autres groupes développent la même logique : la
société
Novartis
est issue de la fusion, engagée en
1996, des sociétés Ciba et Sandoz : premier agro-chimiste
mondial, elle est devenue le deuxième semencier ; la
société
Zeneca
est le deuxième agro-chimiste et le
cinquième semencier mondial ; la société
Dow
agrosciences
, le huitième agro-chimiste et le onzième
semencier, la société
Agrevo
(filiale de Hoechst et de
Schering, qui contrôle la firme belge de biotechnologie Plant Genetic
Systems) la quatrième agro-chimiste et le seizième semencier
mondial.
Classements mondiaux d'après la société LIMAGRAIN
Ce phénomène de concentration pose la question de l'indépendance des firmes semencières traditionnelles, même si ces dernières ont un argument de taille à faire valoir face aux agro-chimistes -qui est aussi la principale cause des convoitises qu'elles attisent- : leur savoir-faire et la qualité de leurs fonds génétiques.