B. L'ENJEU ENVIRONNEMENTAL : LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
La
" révolution verte " ne s'est pas faite sans dommage pour
l'environnement. Les remarquables progrès agronomiques des
décennies passées sont en partie dus à l'utilisation
accrue des pesticides et des herbicides.
On estime que la quantité d'engrais utilisés a
été multipliée par 3,6 en 20 ans, entre 1970 et 1990,
tandis que celle des produits phytosanitaires a été
multipliée par 4,2.
L'agriculture est donc devenue fortement consommatrice d'intrants.
Les biotechnologies peuvent contribuer à développer une autre
logique, plus respectueuse de l'environnement, plus préservatrice des
ressources à moyen terme de notre planète : c'est la logique
du développement durable.
Les applications agricoles du génie génétique permettent
en effet de diminuer massivement l'utilisation des herbicides et insecticides,
en instaurant par exemple des " autoprotections " contre les
ravageurs dans le génome des plantes.
Ainsi, le professeur Jeff Schell, pionnier européen de la
transgénèse végétale, écrivait-il
récemment à ce sujet dans la revue
" Biofutur "
62(
*
)
.
"
Or, cette agriculture est grosse consommatrice d'intrants et nous en
connaissons aujourd'hui le coût : l'épuisement rapide des sols et
de l'environnement en général. De telles pratiques culturales,
notamment celles qui concernent la protection des cultures contre les maladies
et les parasites, sont impossibles à poursuivre sans détruire
irrémédiablement la terre qui nous nourrit (...). On peut donc
prévoir que les biotechnologies végétales contribueront
à rendre
l'agriculture intensive à la fois plus productive et
plus respectueuse de l'environnement
. Les espèces de grande culture
comme le riz, le blé, le maïs, le soja et la pomme de terre, ou
celles cultivées plus localement comme le manioc, devraient en
être les premières bénéficiaires
".
Les avantages environnementaux que l'on peut attendre des plantes
résistantes aux insectes et tolérantes aux herbicides
63(
*
)
, ainsi que des futures cultures qui
résisteront à la sécheresse et aux autres stress
climatiques sont en effet les suivants :
-
diminution significative des traitements insecticides et
herbicides
, avec des conséquences sur la qualité du sol, des
eaux, de la faune, mais aussi des aliments consommés. Certains exemples
existants de cultures transgéniques actuelles montrent que le nombre
d'applications de ces produits chute sensiblement, suivant le degré
d'infestation des zones concernées ;
-
changement des pratiques culturales
: la culture du soja
modifié génétiquement pour résister au glyfosate,
depuis 1996 aux Etats-Unis, a, par exemple, permis, sur 30 % de la sole de
soja
64(
*
)
, de n'effectuer qu'un
travail simplifié du sol
. Économiser l'étape du
labour a réduit l'érosion et a permis, dans certaines zones,
d'améliorer la qualité des eaux, de préserver l'habitat de
la faune du sol (le nombre de vers de terre utiles à la
régénération et à l'oxydation du sol aurait
été multiplié dans certains cas par 2 ou 3), et
d'éviter les phénomènes de ruissellement d'eau. Notons que
cette technique de culture permet de faire l'économie d'infrastructures
coûteuses et qu'elle est donc particulièrement adaptée aux
pays en développement ;
-
meilleur contrôle de la déforestation et de la
désertification
par l'augmentation possible de la
productivité des plantes et le contrôle des métabolismes
végétaux ;
-
économie d'utilisation de l'eau pour l'irrigation
,
notamment en ce qui concerne les transformations génétiques
visant à accroître la résistance à la
sécheresse. Rappelons que
la consommation d'eau a triplé entre
1950 et 1990
et que l'approvisionnement durable en eau devient un enjeu
crucial pour l'agriculture de demain.
Les disponibilités en eau par habitant auront en effet selon les
estimations internationales, tendance à se raréfier dans les
décennies à venir, comme le montre le tableau suivant.
LA
RARÉFACTION DES RESSOURCES DISPONIBLES EN EAU
(en millions de m3 par habitant par an)
|
Afrique |
Asie |
Europe |
Amérique du Nord |
Amérique latine |
1950 |
20,6 |
9,6 |
5,9 |
37,2 |
105,0 |
2000 |
5,1 |
3,3 |
4,1 |
17,5 |
28,3 |
Source : Sommet mondial de l'Alimentation - Rome 1996
Les biotechnologies ne représentent donc pas pour l'environnement la
menace, brandie parfois, du développement de "
plantes
folles
", essaimant des gènes chimères aux quatre vents.
Car si elles comportent des risques potentiels pour l'écosystème,
décrits au chapitre précédent, elles sont aussi une
opportunité à saisir pour mieux concilier les pratiques de
cultures et le respect de l'environnement.
Le " risque " environnemental des OGM doit donc être
appréhendé dans sa globalité, c'est-à-dire en
tenant compte de leur capacité -étonnamment peu mise en avant par
certains- à diminuer les nuisances environnementales actuelles.
Un récent rapport de la commission de l'agriculture et du
développement rural du Parlement européen, présenté
par Mme Hedwig Keppelhoff-Wiechert, a souligné les
avantages
environnementaux dont peut être porteuse une utilisation raisonnée
des OGM :
EXTRAIT DU RAPPORT 65( * ) DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LES CONSÉQUENCES DE LA BIOTECHNOLOGIE SUR L'AGRICULTURE
" Les activités humaines sont dans tous les
domaines, y
compris l'agriculture synonymes d'atteintes à l'environnement (...).
Les variétés résistantes à la maladie peuvent
permettre de
réduire de manière draconienne les mesures
phytosanitaires.
Le génie génétique permet
également d'améliorer la capacité d'appropriation de la
substance nutritive des plantes (efficacité nutritive) ce qui permet
d'économiser les engrais et de réduire le lessivage des
substances nutritives dans les eaux souterraines. La culture de
variétés tolérant les herbicides permet l'utilisation
ciblée et parcimonieuse d'herbicides à large bande respectueux de
l'environnement.
C'est la sélection des plantes qui s'efforce d'obtenir en
priorité le maintien de la diversité génétique.
Cet objectif n'est pas compromis par l'utilisation de méthodes
modernes comme le génie génétique.
Aujourd'hui,
6,1 millions de modèles des principales variétés sont
stockés dans des banques et des collections génétiques
privées et publiques. Ces modèles servent de base au
développement de nouvelles variétés dotées de
nouvelles propriétés afin qu'elles soient utilisées
ultérieurement. De nouveaux potentiels de résistance utiles
à la production durable pourront être découverts. "