c) Les enseignants-chercheurs dans l'encadrement pédagogique des premiers cycles : une faible mobilisation
Contrairement à une idée parfois
répandue, les enseignants-chercheurs constituent encore le pivot de
l'encadrement pédagogique des premiers cycles même si une
diversification des personnels enseignants s'est développée au
cours des dernières années en faveur notamment d'enseignants
à statut précaire et surtout des professeurs
agrégés du secondaire.
La présence des enseignants-chercheurs reste ainsi indispensable pour
diriger et animer les DEUG et pour y maintenir la place de la recherche
universitaire, sauf à courir le risque d'une secondarisation rampante et
d'une " ghettoïsation " des premiers cycles.
Il reste que le recours à d'autres catégories ne saurait
être écarté du fait notamment de la massification de
l'enseignement supérieur ; c'est le cas notamment pour les
professeurs agrégés du secondaire qui ont une vocation
évidente, en raison de la qualité de leur formation, à
compléter l'encadrement pédagogique assuré par les
enseignants-chercheurs.
Ces derniers doivent cependant rester de façon pleine et entière
les véritables concepteurs et les principaux acteurs des premiers et des
deuxièmes cycles universitaires. Toutefois, alors que beaucoup de
nouveaux étudiants considèrent la première année en
université comme une année initiatique et de tâtonnements
leur permettant d'affiner leur orientation en l'absence d'un projet individuel
de formation, la plupart des enseignants-chercheurs considèrent encore
que cette première année doit rester la première marche
vers l'excellence universitaire.
A cet égard, la récente étude menée par
l'Inspection générale de l'administration de l'éducation
nationale
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*
)
confirme que
" les universitaires s'identifient par la recherche et les
particularités de leur discipline où s'exprime leur
professionnalisme " et rappelle que " le rôle que tous les
enseignants-chercheurs acceptent est d'enseigner leur discipline à des
étudiants aptes à la comprendre et à travailler par
eux-mêmes ".
S'agissant des responsabilités administratives, ceux qui assurent un
rôle d'encadrement et de soutien pédagogique le font sur la base
du volontariat, en accord avec la politique de l'université, avec ou
sans décharges de service ou heures spécifiques, selon des
modalités fixées par l'article 55 de la loi du 26 janvier 1984
sur l'enseignement supérieur et par le décret n° 84-431
du 6 juin 1984.
D'après l'étude de l'IGAEN, les primes pédagogiques et les
possibilités locales de promotion ne sont pas réellement de
nature à faire évoluer cette situation et le rôle
pédagogique des enseignants-chercheurs n'est pris en compte que pour une
faible part dans ces promotions : il n'est pas admis qu'un enseignant-chercheur
fasse carrière uniquement par l'enseignement, sans se préoccuper
de la recherche, ce qui d'ailleurs ne serait pas souhaitable, et d'une
manière plus générale, ces universitaires s'estiment
incompétents pour orienter les étudiants alors que la loi de 1984
sur l'enseignement supérieur le leur impose.
Selon la même enquête de nombreux universitaires considèrent
en outre que les taux d'accès du premier au deuxième cycle
(52 % en droit et sciences économiques, 61 % en lettres et
sciences humaines, 63 % en STAPS...), qui ont d'ailleurs progressé
toutes disciplines confondues de près de 5 % au cours des cinq
dernières années, sont normaux et force est de constater que les
incantations relatives au niveau important des taux d'échec restent sans
effets réels sur les enseignants.
Le même rapport nous indique que la mobilisation pédagogique en
faveur de la réussite des étudiants de premier cycle semble ne
pas être prioritaire pour de nombreux professeurs d'université qui
apparaissent essentiellement préoccupés par leurs
activités de recherche et la qualité de leurs thésards.
Cette attitude peut s'expliquer du fait que l'activité de soutien aux
étudiants n'est pas valorisée dans le cadre de leur
carrière universitaire, à la différence des publications
et des communications dans des colloques internationaux. Ceci conduit nombre
d'enseignants-chercheurs à se décharger de leurs travaux
dirigés de premier cycle sur leurs jeunes collègues, sur les
assistants et les chargés de cours alors qu'ils ne sont astreints
statutairement, il convient de le rappeler, qu'à un service de six
heures de travaux dirigés par semaine pendant les trente-deux semaines
que compte l'année universitaire.
Par ailleurs, leur formation à la différence de celle des
enseignants du secondaire qui empruntent désormais la filière des
IUFM, ne comporte pratiquement pas de volet pédagogique et leur
recrutement universitaire reste fondé sur la qualité de leurs
activités de recherche.
Afin de remédier à cette situation, certains universitaires
éminents, tels les professeurs Lavroff et Laurent, ont
préconisé que l'activité pédagogique soit
désormais prise en compte dans l'évolution de leur
carrière. Cet objectif a par ailleurs été repris par le
ministre en conclusion des états généraux de
l'université qui a annoncé que les enseignants-chercheurs
devraient accepter d'exercer une part de leur service en premier cycle, et que
leur carrière devrait être définie en tenant compte de
leurs missions d'enseignement, de recherche et d'animation.
Cette attitude générale de nombre d'enseignants-chercheurs
appelle ainsi des mesures nouvelles qui devraient avoir pour objectif de les
impliquer davantage dans le soutien pédagogique aux étudiants de
premier cycle : un tel objectif suppose d'abord un aménagement de leurs
règles de promotion, une diversification de leur carrière entre
la recherche et l'enseignement et une plus grande disponibilité.
S'il ne saurait être question de leur imposer une condition de
résidence sur le campus universitaire comme au Etats-Unis, ou même
dans la ville qui accueille l'université de rattachement pour ceux qui
exercent également dans des antennes universitaires, il conviendrait
pour le moins que des bureaux soient réservés aux enseignants
titulaires dans les locaux universitaires afin que ces derniers puissent
recevoir et conseiller leurs étudiants selon des horaires
déterminés.