B. LA MISE EN CAUSE DE LA PERTINENCE SCIENTIFIQUE DE L'INVENTAIRE DES SITES NATURA 2000

1. Une méthodologie de désignation des sites exclusivement fondée sur celle des inventaires ZNIEFF

Initié en 1982 par le Ministère des l'Environnement, l'inventaire des Zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) est un outil de connaissance du patrimoine naturel de France et doit constituer une des bases scientifiques de la politique de protection de la nature de l'État au cours des prochaines années.

Le suivi scientifique et technique de cet inventaire a été confié au secrétariat de la faune et de la flore du Museum National d'Histoire naturelle.

Le travail d'identification des zones a été validé, au niveau régional par les CSRPN (Conseil scientifique régional du patrimoine naturel) exclusivement composés de spécialistes choisis intuitu personae pour leur compétence scientifique et leur connaissance du terrain, dans les universités, les sociétés savantes, les museums régionaux et nommés par arrêté du Préfet de région selon les termes de la circulaire du Ministère de l'Environnement 91-71 du 14 mai 1991 relative aux ZNIEFF. Aucune disposition réglementaire ne fixant la composition exacte de ces comités, il en est résulté de très grandes disparités d'une région à l'autre.

Concrètement, les investigations ont été réalisées tant par des scientifiques que par des associations de protection de la nature. Ces dernières ont été les collaboratrices principales de l'administration de l'environnement pour l'établissement de ces inventaires.

Ceux-ci, à aucun moment, n'ont été soumis, ne serait-ce que pour avis, aux propriétaires ou aux ayant-droits des zones faisant l'objet de classement ni d'ailleurs aux autorités politiques des collectivités territoriales concernées.

Or même si l'inventaire ZNIEFF reste un outil de connaissance sans avoir en lui-même de valeur juridique directe, il indique la présence d'enjeux considérés comme importants pour la protection de la nature. De cette ambiguïté ont résulté polémiques et contentieux sur la nature exacte des ZNIEFF. Il est assez remarquable de signaler que seules des circulaires ministérielles font référence aux ZNIEFF, en précisant toutes qu'il s'agit seulement d'un inventaire scientifique, mais que des décisions de jurisprudence ont pu laisser croire qu'il s'agissait réellement d'actes administratifs opposables aux tiers, puisqu'il a été jugé à plusieurs reprises que " l'absence de prise en compte d'une ZNIEFF relève d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'établissement de l'état initial de l'environnement " 1( * ) .

De plus, dans le cadre des " porter à connaissance ", les préfets indiquent aux communes les éléments à prendre en compte lors de l'établissement de leurs documents d'urbanisme, et la présence de ZNIEFF sur leur territoire doit être mentionnée à cette occasion.

On peut donc considérer que les ZNIEFF sont des documents administratifs considérés par les juridictions administratives comme des éléments de preuve dans le contentieux de l'excès de pouvoir.

Les réactions hostiles tant des élus locaux que des acteurs du monde rural en général sont bien légitimes puisqu'en définitive des documents élaborés sans aucune concertation par des structures techniques para administratives, se voient ainsi reconnaître une valeur juridique indirecte opposable aux autorités administratives chargées de la gestion de l'espace.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne faut donc pas s'étonner que les inventaires proposés lors de la première phase de désignation des sites ayant vocation à intégrer le réseau Natura 2000 aient fait l'objet des mêmes reproches puisqu'ils ont été confiés aux mêmes structures et selon la même méthodologie que pour les inventaires ZNIEFF.

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