1.2 Les concepts de stockage commencent à être sérieusement défrichés

1.2.1 Le concept de stockage pour les déchets TFA

Un groupe de travail réunissant les grands organismes de la recherche et de l'industrie nucléaire, l'Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs, les directions concernées des Ministères de l'Industrie, de l'Environnement et de la Santé a été constitué fin 1994 dans le but d'évaluer, en terme d'impact, différentes solutions possibles pour le stockage des déchets très faiblement radioactifs.

La conclusion du rapport final établi par le groupe de travail a été reprise dans une note remise par la DSIN aux participants à l'audition du 16 novembre. Cette note inspire l'essentiel des paragraphes suivants, mais j'y ai adjoint quelques informations complémentaires tirées du document original, que m'a communiqué l'ANDRA à ma demande.

Le démantèlement des réacteurs, usines du cycle du combustible et centres de recherche d'EDF, de COGEMA et du CEA produira, au cours des 80 prochaines années, une quantité totale de 15 000 000 tonnes de déchets dont l'activité massique est inférieure à 100 Bq.g -1 . Sur cette base, le groupe de travail a établi un inventaire quantitatif et qualitatif des déchets chimiquement inertes dont l'activité massique est en moyenne de 10 Bq.g -1 . Ces déchets représentent 1 600 000 t. À cet inventaire il a été ajouté 86 000 t de déchets très faiblement radioactifs provenant de l'industrie minérale et des réhabilitations de sites, contenant des traces de radium et dont l'activité totale est comprise entre 1 et 500 Bq.g -1 . Cet inventaire complémentaire a été traité tout au long de l'étude de façon séparée afin d'en évaluer l'impact spécifique. Les "traces de radium" mentionnées par le rapport du groupe de travail correspondent à une activité spécifique moyenne de 0,310 Bq.g -1 en Ra 226 et 0,307 Bq.g -1 en Ra 228 .

Le groupe de travail, lors d'une première étape, a évalué succinctement l'impact radiologique du stockage de ces déchets sur un individu hypothétique, pour plusieurs configurations. Quatre types de stockage ont été étudiés dont trois sont des concepts de stockage en tumulus, le quatrième étant un concept de stockage enterré.

Compte tenu de la durée de rétention des radionucléides dans le milieu géologique avant leur apparition dans l'aquifère, seuls ont des impacts potentiels et ont donc été retenus dans les évaluations les radionucléides dont la période radioactive est supérieure à 10 ans. Le groupe de travail a considéré que dans le stockage 4, la couche d'argile retient entièrement les radionucléides autres que le tritium ; seul celui-ci est alors présent dans l'aquifère.

La note indique que "Les scénarios étudiés concernent, pour la situation normale, l'utilisation des eaux d'une rivière recueillant les lixiviats du stockage et pour les situations du type intrusif, l'utilisation des eaux d'un puits foré sur le site. " Ceci n'est pas tout à fait exact : deux scénarios volontairement pénalisants ont d'abord été pris en considération, de façon à fournir une évaluation des valeurs maximales envisageables du fait des quatre concepts de stockage. Deux autres scénarios (puits foré à 40 m du site, eaux de rivière) ont été étudiés en second lieu, "afin de valider les ordres de grandeur des impacts des scénarios" pénalisants ; ils sont en effet plus probables que ceux-ci.

Le premier des scénarios pénalisants concerne un individu menant une vie en totale autarcie sur le site : il utilise l'aquifère pour sa boisson et pour abreuver ses animaux domestiques ; il cultive le sol et entretient des pâturages directement sur le site, pour sa propre consommation végétale et carnée ; l'eau d'irrigation entraîne une contamination supplémentaire des végétaux consommés. Le second scénario concerne un individu vivant en autarcie au voisinage immédiat du site : les conditions sont identiques à celles du scénario précédent sauf pour les cultures, qui sont situées cette fois sur un sol non contaminé. Pour les deux scénarios, les doses dues à l'inhalation de particules contaminées et l'exposition externe ã due à l'utilisation d'eau d'irrigation contaminée sont également calculées. Les rations alimentaires de l'individu sont déterminées en fonction de données de l'INSEE, celles des animaux en fonction de diverses études de l'ANDRA.

La note présentée lors de l'audition indique que "l'impact radiologique, qui est sensiblement du même niveau quel que soit le type des stockages en tumulus considérés, est de l'ordre du mSv/an ; [...]" Cette présentation mathématiquement exacte masque le fait que l'impact des scénarios pénalisants montre des doses toujours supérieures à 1 mSv par an, sauf pour le stockage 4 (enterré) ; elles peuvent parfois dépasser 10 mSv par an. Ces évaluations sont récapitulées dans le tableau ci-dessous.

Les calculs ont été effectués avec le logiciel AQUABIOS 2.0 mis au point par l'ANDRA dans les années 80. Quelques remarques peuvent être émises sur ces résultats :

- conformément à ce qui est écrit dans la note remise lors de l'audition, "l'impact radiologique du radium à lui seul est comparable à celui résultant de l'impact total des autres radionucléides étudiés", d'une part ; "le stockage enterré conduit, du fait de sa position enterrée et de la nature argileuse des terrains choisis, à des impacts négligeables" d'autre part ;

- les impacts des scénarios pénalisants n'ont été calculés que pour les dates 100 ans et 500 ans, ce qui est effectivement pénalisant au regard de la mémoire du site (71 ( * )) mais peut-être pas au regard de l'impact des radionucléides à vie longue ; le rapport du groupe de travail reconnaît d'ailleurs que "les doses obtenues à partir des scénarios 1 et 2 sont calculées à 100 et 500 ans et ne permettent pas d'avoir une vision des évolutions de l'impact en fonction du temps ".

Les deux scénarios plus réalistes (puits foré à 40 m, utilisation des eaux de rivière) permettent de mettre en évidence les effets de dilution dans la nappe phréatique et dans les eaux courantes de surface. Les résultats obtenus montrent que :

- les impacts maximaux sont observables à des dates bien postérieures à 500 ans, du fait des radionucléides à vie longue : quelques milliers d'années pour Ra 226 présent à l'origine et ses descendants, 10 000 ans pour U 238 et U 234 , 200 000 ans pour le processus de filiation U ? Th ? Ra ;

- pour le scénario « puits », l'impact maximal se situe aux alentours de 1 mSv/an pour les déchets radifères et 0,2 mSv/an pour les déchets relevant du spectre principal ;

- Pour le scénario « rivière », l'impact se situe au voisinage de 1 ìSv/an.

Il est regrettable que ces deux derniers scénarios ne soient pas directement et complètement comparables avec les scénarios pénalisants : 1/ les banques de données numériques utilisées pour les calculs ne sont pas les mêmes ; 2/ les dates retenues pour les scénarios pénalisants ne s'accordent pas avec les enseignements principaux des scénarios réalistes.

Dans une seconde étape, le groupe de travail a étudié la sensibilité des estimations à divers paramètres dont l'importance avait été révélée au cours de la première étape.

Deux types de configuration de stockage ont été retenus : 1/ stockage en tumulus caractérisé par une couverture de 1 m, une épaisseur de déchets de 20 m et une sous couche hôte de 5 m d'épaisseur ; 2/ stockage enterré en subsurface caractérisé par une couverture de 5 m, une épaisseur de déchets de 5 m et une sous couche hôte de 20 m d'épaisseur.

Le groupe de travail a ainsi une façon extrêmement « pudique » d'informer son lecteur que les concepts de stockage les plus sophistiqués (n° 1 et 2 : utilisation de géomembranes, protections multicouches...) ont été abandonnés parce que, est-il dit dans le texte complet, les concepts 3 et 4 sont "à la fois plus simples et plus prometteurs". Le concept n° 4 est certes plus "prometteur" au plan de la protection sanitaire et de la sûreté puisqu'il conduit aux impacts les plus faibles et repose uniquement sur les propriétés du terrain naturel (grande épaisseur d'argile). Le concept n° 3 est assurément plus "simple" puisque la protection est assurée par une seule couche placée au-dessus du stockage ; conclure qu'il est également "prometteur" suppose que l'on accorde une certaine importance aux paramètres économiques dès cet instant de la démarche.

N'y a-t-il d'ailleurs pas quelque contradiction à se priver ainsi de la protection apportée par les moyens « artificiels » (complexité des couches, utilisation de matériaux spéciaux...) ? Si l'impact radiologique à court terme (une centaine d'années) est prédominant, la mise en place de ces barrières renforce de façon significative la protection, même si elles sont relativement plus « périssables » que les matériaux naturels retenus dans la seconde étape. Si l'on estime en fait que l'on peut s'en passer, doit-on en déduire que l'impact radiologique est essentiellement observé à long terme ? Doit-on en déduire que les dates 100 ans et 500 ans retenues dans la première étape ne sont réellement pertinentes ?

Trois scénarios ont été choisis pour leur caractère pénalisant : vie en autarcie à proximité du site (tel que déjà étudié), chantier routier, jeux d'enfants. Ces hypothèses ne préjugent pas des scénarios qui pourraient être retenus dans une étude de sûreté à venir. Elles permettent de calculer pour un individu hypothétique les expositions les plus contraignantes. "Notamment, en ce qui concerne les scénarios « chantier routier » et « jeux d'enfants », les doses sont calculées à 0 et 100 ans alors que la mémoire du site ne pourra être perdue" (rapport du groupe de travail).

Trois types de géologie ont également été étudiés afin d'analyser la sensibilité au choix du terrain hôte. Ils ont été représentés par le coefficient de perméabilité du milieu : terrain sableux (perméabilité supérieure ou égale à 10 -6 m.s -1 ), terrain sablo-argileux (perméabilité égale à 10 -8 m.s -1 ), terrain argileux (perméabilité égale à 10 -10 m.s -1 ).

Le scénario de vie en autarcie est le même que le scénario n° 2, c'est-à-dire une vie à proximité immédiate du site et non sur le site lui-même (pas de culture de végétaux sur les déchets). Les paramètres numériques utilisés dans les différents scénarios proviennent soit du rapport de sûreté du Centre de Stockage de l'Aube, soit des valeurs moyennes proposées par les banques de données internationales. Les calculs ont été conduits pour 4 radionucléides du spectre de référence considérés comme principaux : Sr 90 et tritium pour les éléments à vie courte, U 238 et Pu 239 pour les éléments à vie longue. Ra 226 était ajouté, pour le spectre complémentaire. Les calculs ont été effectués avec les codes RELACHE (transfert des radionucléides du site vers l'aquifère) et AQUABIOS 2.0.

Selon la note remise lors de l'audition de l'Office "les résultats des calculs réalisés avec ce s hypothèses permettent d'aboutir aux principales conclusions suivantes :"

"- toutes les configurations étudiées conduisent à des doses inférieures à 1 mSv/an ;"

"- pour le spectre de référence, l'impact est dû principalement au Sr 90 les 100 premières années ;"

"- pour le spectre complémentaire, on constate que l'impact reste de l'ordre de la dose limite pour le public, la contribution du radium restant importante au regard des quantités relativement faibles de déchets contenant des traces de radium ;"

"- la structure du stockage en tumulus ou enterré a une influence faible ;"

"- l'épaisseur de la couche sous-jacente et la nature du sol peuvent conduire à une réduction importante de la dose due aux radionucléides à vie courte, et ont un effet de retard sur les radionucléides à vie longue, sans modifier significativement le niveau de l'impact."

La première appréciation est surprenante, compte tenu du tableau récapitulatif des impacts calculés dans toutes les configurations envisagées, pour la vie en autarcie. Dans son texte intégral, le rapport indique d'ailleurs dans la conclusion de cette deuxième partie que " l'impact ( vie en autarcie) d'un centre de stockage de déchets très faiblement radioactifs peut atteindre plusieurs mSv/an pour les configurations les moins favorables. " Il relève cependant que "en revanche, un milieu géologique correctement choisi peut garantir un impact quasi nul sur une très longue période. "

En fait l'appréciation présentée lors de l'audition de l'Office s'explique aisément-le scénario évoqué suppose la perte de la mémoire du site ; or les impacts potentiellement supérieurs à 1 mSv ne surviennent qu'à des dates antérieures à 100 ans, pour lesquels on peut être quasiment certain que la mémoire du site a été conservée. Donc ces situations, techniquement envisageables, sont extrêmement improbables du fait même de l'organisation de notre société.

Pour les scénarios « chantier routier » et « jeux d'enfants », les impacts annuels calculés sont toujours de l'ordre de grandeur du ì Sv au maximum.

Le groupe de travail considère que certaines hypothèses complémentaires devraient, lors d'une étude de sûreté ultérieure, conduire à une réduction des doses maximales présentées dans ce rapport : 1/ l'étalement sur près d'un siècle de l'arrivée des déchets contenant du Sr 90 devrait conduire à une réduction de la dose d'environ 50 % ; 2/ le remplacement du scénario « vie en autarcie », "très pénalisant", par un scénario plus réaliste devrait conduire à une réduction significative de l'impact.

"Sur la base des calculs de doses réalisés et des remarques ci-dessus, le groupe de travail considère que toutes les configurations étudiées devraient conduire, pour le spectre de référence, à des impacts inférieurs à 1 mSv/an et que les configurations les plus favorables devraient conduire à des impacts inférieurs à 0,1 mSv/an. Aussi le groupe de travail considère qu' `un stockage de déchets très faiblement radioactifs, ci-avant caractérisés, sans conditionnement particulier sur un site ne comportant pas d'ouvrages spécifiques (si ce n'est les travaux de terrassement) devrait pouvoir satisfaire aux normes de sûreté et de radioprotection en vigueur. Le groupe de travail considère que l'évaluation qui lui a été demandée est suffisante pour orienter le choix d'une solution de stockage pour les déchets très faiblement radioactifs et engager l'élaboration des bases de conception" (conclusion du rapport).

1.2.2 Le concept de stockage pour les déchets radifères

Les années récentes ont mis en évidence l'absence de moyens de stockage spécifiques à certains types de déchets radioactifs, en particulier les déchets radifères Dès 1990, le chef du Service central de Sûreté des installations nucléaires demandait "d'engager les réflexions nécessaires pour pouvoir proposer à terme un concept de stockage adapté à ce type de déchets. " Plusieurs rapports ont souligné ensuite les problèmes posés par l'absence d'un tel concept de stockage (72 ( * )) .

À la demande conjointe de RHÔNE POULENC et des Ministres de l'Industrie et de l'Environnement, l'ANDRA a été chargée d'élaborer un concept de stockage adapté à ce type de résidus, et en particulier aux différents résidus radifères générés par l'usine de fabrication de terres rares de RHÔNE POULENC à La Rochelle. Cette étude a abouti en octobre 1994 à une note technique intitulée Bases de conception liées à la sûreté concernant un centre de stockage de déchets radifères (réf. RPCAS/NT/018). Je remercie l'ANDRA d'avoir bien voulu m'en faire parvenir un exemplaire. Un premier chapitre présente les principales caractéristiques du projet de centre de stockage, un second présente l'application des principes de sûreté à ce projet.

Le concept retenu est un stockage de sub-surface implanté dans une formation géologique à forte teneur en argile très faiblement perméable et à forte capacité d'absorption (73 ( * )) . Toutes les fonctions de confinement sont confiées à des matériaux naturels présentant des garanties de durabilité dans le long terme. La formation géologique est l'élément majeur du système de confinement. Elle assure la très faible migration des radionucléides vers l'écosystème du fait de ses propriétés d'imperméabilité et de sorption vis-à-vis des radionucléides stockés. Ce type de formation dont on a constaté la stabilité sur une très longue période (plusieurs millions d'années) est en mesure de garantir la stabilité du stockage pendant une période très largement supérieure à la durée de stabilité recherchée, compte tenu des radionucléides prévus dans le stockage. Un choix judicieux du site permet de se prémunir contre les phénomènes d'érosion. Une période de stabilité supérieure à 10 000 ans pourra être ainsi démontrée.

En phase d'exploitation, la plate-forme de travaux est située à une profondeur minimale de 5 m par rapport à la topographie initiale. C'est au niveau de cette plate-forme que sont réalisées les installations du site, le bassin d'orage et les voies d'accès. C'est également à partir de cette plate-forme que les alvéoles sont creusées sous forme de fosses d'environ 20 x 20 m 2 de côté et de 5 à 8 m de profondeur. Une membrane géotextile est disposée en fond d'alvéole pour réaliser une séparation physique entre les résidus et le terrain naturel. Pendant leur remplissage les alvéoles sont protégées des eaux météoriques par un toit mobile. À l'issue du remplissage une couverture d'exploitation d'environ 1 m d'épaisseur réalisée notamment avec l'argile du site est disposée sur les déchets.

Les déchets radifères ou contenant d'autres éléments (74 ( * )) émetteurs á ou â, d'activité totale supérieure à 500 Bq.g -1 , sont reçus sous forme insoluble et disposés en fond d'alvéole. Les déchets très faiblement radioactifs sont disposés en vrac préférentiellement en partie supérieure des alvéoles. D'après les figures jointes au apport, il semble que les déchets pourraient être présentés « en vrac » ou sous forme conditionnée (en colis) ; dans ce dernier cas, les colis seraient empilés sur un radier sommaire placé en fond d'alvéole. Un bâtiment de transit des déchets d'activité a supérieure à 500 Bq.g -1 est prévu afin d'effectuer la répartition des colis au fur et à mesure de la création des alvéoles. Il permet de réaliser une répartition optimale des activités sur le centre.

Toutes les eaux du site sont drainées et renvoyées dans un bassin d'orage à partir duquel l'eau est contrôlée et rejetée vers l'exutoire naturel.

Au début de l'exploitation, une Alvéole de contrôle des transferts à long terme (ACTLT) est remplie avec des déchets représentatifs de ceux qui seront stockés. Elle permet notamment de vérifier l'évolution des paramètres relatifs à la rétention des radionucléides par l'argile et le taux d'humidité en différents points au dessus et au dessous des déchets.

À l'issue de la phase d'exploitation une couverture définitive d'environ 5 m d'épaisseur est réalisée principalement à partir des matériaux déblayés pour la réalisation de la plate-forme d'exploitation. Cette couverture comporte également des dispositifs anti-intrusion et de drainage des eaux de percolation excédentaires qui sont envoyées vers le bassin d'orage, où un contrôle peut être effectué. Les mesures sur l'alvéole de contrôle (ACTLT) continuent d'être réalisées.

À la fin de la période de surveillance les bâtiments sont démantelés, le bassin d'orage est comblé, le site est remis dans son état paysager initial afin de pouvoir être réutilisé pour certaines activités.

Le second chapitre ("application des principes de sûreté" pour le concept de stockage proposé) commence par une présentation plus poussée des caractéristiques des déchets acceptés sur le site. Les origines multiples de ces déchets rendent une caractérisation globale difficile. On y relève en effet des déchets « purement » radifères (industrie du radium ou des terres rares, réhabilitation de sites contaminés, objets « reliques », etc.) et des déchets TFA contenant des émetteurs á et â (uranium et transuraniens) provenant du démantèlement, de la réhabilitation de sites contaminés ou des déchets hors procédé du cycle du combustible (75 ( * )) . Un inventaire prévisionnel est dressé, avec précaution compte tenu des incertitudes nombreuses subsistant aujourd'hui.

Inventaire prévisionnel des déchets concernés par le concept de stockage « radifère »

MATÉRIAU

MASSE

VOLUME

SPECTRE.

Résidus de procédés

320 000

210 000

2

Bétons et gravats de démantèlement

800 000

530 000

1

Terres contaminées

270 000

180 000

1 et 2

Déchets technologiques (dont objets « reliques »)

110 000

80 000

1 et 2

TOTAL

1 500 000

1 000 000

Spectre 1 : émetteurs á et â (dont transuraniens) ; spectre 2 : chaînes de Th et d'U

Compte tenu des objectifs fondamentaux de sûreté (protection immédiate et protection différée), le concept du futur centre est fondé en grande partie sur sa capacité à conserver à long terme la qualité du confinement de la barrière géologique. Dans ce cadre, les bases de conception retenues par l'ANDRA sont les suivantes :

- sûreté intrinsèque : fiabilité du système de confinement, limitation de la probabilité des intrusions humaines, limitation de l'activité spécifique des déchets, inertage physico-chimique éventuel des déchets ;

- défense en profondeur (trois lignes) : choix des systèmes de confinement de la formation géologique hôte, implantation de l'alvéole de contrôle, réversibilité du stockage ;

- seuils de prise en charge sur le centre (activités spécifiques maximales admissibles) et seuils de traitement (pour la recherche des formes les plus insolubles et les plus stables) ;

- surveillance radiologique : environnement (dispositifs classiques) et transferts (alvéole de contrôle) ;

Sont ensuite évoquées diverses options techniques relatives à la conception du stockage, au choix du site, à l'exploitation et à la surveillance radiologique.

Dans une dernière phase, l'ANDRA présente une évaluation de sûreté qui, "dans l'ignorance du site réel où le stockage pourrait être envisagé, [...] ne peut être que générique " Plusieurs scénarios sont définis, selon une grille à trois entrées : 1/ la phase de vie de l'installation (exploitation, surveillance, réutilisation) ; 2/ le caractère normal ou accidentel du scénario ; 3/ les personnes concernées, pour les scénarios normaux, ou l'origine des accidents pour les scénarios accidentels : origine naturelle (intempéries, intrusions animales ou végétales...) ou humaine (accidents d'exploitation, défauts de réalisation, réutilisation des matériaux du site, chantiers routiers, jeux d'enfants...).

Les calculs d'impact (p. 39 à 52) ont été réalisés pour la phase de réutilisation seulement. Ils montrent que "seul le scénario « jeux d'enfants » volontairement associé à une intrusion dans les résidus RRA conduit à une dose significative. L'exposition principale est due à l'irradiation externe qui est très dépendante de l'utilisation des déblais en cause." Les auteurs du rapport mettent en évidence les choix de paramètres qui amènent à surévaluer en fait les doses reçues.

Expositions estimées pour les scénarios retenus (phase de réutilisation)

SCÉNARIO

DOSE

Évolution normale

7,3.10 -5

Chantier routier

8,3.10 -2

Habitation

0,24

Jeux d'enfants

1,70

doses exprimées en mSv/an ; utilisation normale = agricole

14 annexes présentent les principes fondamentaux des calculs effectués (caractérisation des résidus RHÔNE POULENC, équations diverses, tableau récapitulatif de divers paramètres de transfert, résultats du code AQUABIOS 2.0, résultats pour les divers scénarios, bibliographie...).

Les enseignements généraux de l'étude sont présentés à la fin de l'introduction. " Ce concept est justifié par une évaluation de sûreté qui aboutit, pour des scénarios normaux (probables) et accidentels, à des impacts conformes aux recommandations internationales. Ainsi ce centre peut-il compléter et simplifier la gestion des déchets radioactifs français en proposant pour les déchets de très faible et faible activité qui, de par leur forme, leur activité ou leur spectre, ne peuvent être stockés sur le Centre de Stockage de l'Aube, une solution à la fois sûre et économiquement adaptée."

La note technique de l'ANDRA a été adressée à la DSIN par courrier du 26 octobre 1994, pour obtenir un avis préliminaire sur la validité des principes de sûreté retenus, leur mise en application et les grandes options techniques envisagées. La DSIN a fait examiner ce document par le groupe permanent « déchets », sur rapport de l'IPSN. Par courrier du 1 er juin 1995, la DSIN a informé l'ANDRA qu'elle 1' "encourage à poursuivre le développement de ce concept basé sur le stockage des déchets en milieu argileux humide de nature à assurer le confinement du radon." Elle a néanmoins demandé à l'ANDRA d'apporter des précisions complémentaires, recensées dans une annexe 1, et a souhaité que, lorsque le projet serait "suffisamment avancé pour envisager une demande de création" pour un stockage, l'ANDRA prenne en compte certaines demandes énoncées dans une annexe 2.

Enfin, "dans le but d'assurer la cohérence des évaluations d'impact radiologique des différents centres de stockage de déchets radioactifs en surface et en sub-surface (CSM, CSA, déchets radifères, déchets TFA, déchets miniers...)" la DSIN a demandé à l'ANDRA "de procéder à une revue comparative des scénarios retenus dans ces évaluations et de justifier les choix retenus. " Elle a par ailleurs souhaité que l'ANDRA étende ses investigations préliminaires "vers la recherche de solutions alternatives."

L'ANDRA poursuit actuellement la définition de ce centre de stockage de déchets radifères.

Il apparaît ainsi que deux maillons essentiels de la « chaîne des déchets » offrent désormais une meilleure visibilité. À l'évidence une saine gestion des déchets passe par la bonne connaissance de leurs modes de production et suppose que l'exutoire final soit encadré par des choix techniques (et économiques) précis. Des pas importants ont donc été accomplis dans cette direction.

Est-ce à dire que la DSIN est parvenue au bout de l'effort engagé voici bientôt deux ans ? Plutôt qu'extinction le terme de réorientation me semble mieux adapté.

* 71 Rappelons que la RFS III.2 É (objectifs de sûreté pour le stockage profond) envisage que l'on peut conserver la mémoire d'un site pendant 500 ans.

* 72 Voir par exemple les rapports de F BARTHELEMY (1991), de la Commission DESGRAUPES (1991), et de l'office parlementaire (avril 1992), sous la plume de J Y LE. DEAUT.

* 73 On peut définir la sorption comme la propriété qu'a un matériau de retenir des éléments migrants (atomes, molécules...), soit dans sa masse (absorption) soit à sa surface (adsorption).

* 74 Le texte ajoute l'adjectif "naturels", mais je vois mal comment celui-ci s'accorde avec les spectres présentés par la suite.

* 75 L'ANDRA indique que "ces déchets proviennent d'interventions occasionnelles sur les installations. Les radionucléides sont le plus souvent sous forme dispersable insoluble."

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page