C. LE CAS PARTICULIER DES TRANSFERTS DE CHARGES
Les transferts de charges entre personnes publiques292(*) ainsi qu'entre personnes publiques relevant de la « sphère sociale » (entre branches ou régimes de sécurité sociale par exemple) constituent des cas d'irrecevabilité.
1. Les transferts de charges entre la sécurité sociale, l'État et les collectivités territoriales
Les transferts de charges entre la sécurité sociale et l'État ou la sécurité sociale et les collectivités territoriales ne sont pas recevables. Comme cela a été rappelé, l'article 40 de la Constitution ne permet pas de compenser la création d'une charge pour une personne publique par la suppression d'une charge pour une autre personne publique. La recevabilité financière s'apprécie à l'échelle de chaque personne publique.
Ainsi, a été déclaré irrecevable un amendement abaissant la part minimale des ressources issues de l'assurance chômage pour le financement de France Travail, ce qui aurait mécaniquement induit une hausse de la contribution de l'État via la subvention pour charges de service public versée à cet opérateur, et donc un transfert entre une administration de sécurité sociale et l'État.
2. Les transferts de charges entre personnes publiques relevant de la « sphère sociale »
a) Le transfert de charges entre régimes de sécurité sociale et entre branches du régime général
Le transfert de charges entre régimes de sécurité sociale ainsi qu'entre branches du régime général est également irrecevable.
En effet, les régimes de sécurité sociale sont pilotés par des caisses nationales distinctes, dotée chacune de la personnalité juridique. Elles constituent donc des personnes publiques distinctes au sens de l'article 40 de la Constitution. Par exemple, le régime de retraite des agriculteurs est géré par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), tandis que celui des professions libérales est géré par la Caisse autonome d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL).
A ainsi été déclaré irrecevable un amendement prévoyant d'affilier au régime général d'assurance vieillesse des salariés rattachés à un régime spécial.
S'agissant des six branches du régime général, elles sont également distinctement identifiées sur le plan comptable et financier et sont gérées par cinq caisses nationales toutes dotées de la personnalité juridique : la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), l'Urssaf-caisse nationale pour le recouvrement et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) - qui gère deux branches distinctes, la branche « maladie » et la branche « accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) »293(*).
Le président de la commission des finances a donc déclaré irrecevable un amendement prévoyant que les Ehpad puissent recevoir un financement complémentaire financé par un versement de la branche « maladie » à la branche « autonomie » ainsi qu'un amendement prévoyant que la branche » AT-MP » contribue au financement de la prise en charge par la branche « maladie » des dépenses engagées en cas de diagnostic de saturnisme.
b) Le transfert de charges entre autres organismes relevant de la sphère sociale
Le transfert de charges entre les autres organismes relevant des administrations de sécurité sociale est également irrecevable.
Un amendement prévoyant que l'assurance maladie prenne en charge les médicaments bénéficiant du régime de l'accès précoce a ainsi été déclaré irrecevable, puisque cette prise en charge relève des établissements de santé. Il y aurait donc eu un transfert de charges entre deux administrations de sécurité sociale distinctes.
c) Le cas des organismes locaux et régionaux
Les organismes locaux et régionaux (caisses primaires d'assurance maladie, caisses régionales d'assurance vieillesse, caisses d'allocations familiales, caisses d'assurance retraite et de la santé au travail)294(*) sont considérés comme des organismes privés chargés d'une mission de service public et bénéficiant à ce titre de concours publics. Ils sont donc inclus dans le champ de l'article 40.
Tout transfert de charges entre ces organismes et les caisses nationales ou toute autre personne publique est donc irrecevable. Ainsi, le président de la commission des finances a déclaré irrecevable un amendement qui transférait le service des prestations maladie en espèces des professionnels libéraux aux caisses de leur régime invalidité-décès, alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoyait que ce service soit assuré par les caisses primaires d'assurance maladie.
Pour résumer L'irrecevabilité de tout transfert de charges des administrations de sécurité sociale vers une personne publique ou entre administrations de sécurité sociale · Tout transfert de charges ou de compétences entre administrations publiques est irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, ce qui inclut donc les administrations de sécurité sociale. · L'irrecevabilité s'impose même aux initiatives parlementaires qui transfèrent une charge entre deux administrations de sécurité sociale, y compris entre régimes de sécurité sociale et, à l'intérieur du régime général, entre les différentes branches qui le composent. |
* 292 Pour davantage de détails, se reporter au II.A.2.f de la première partie.
* 293 Chacune de ces branches dispose d'un mode de financement et de gestion distinct, même si elles sont désormais regroupées sous l'égide de la Caisse nationale d'assurance maladie.
* 294 Articles L. 211-1 à L. 217-8 du code de la sécurité sociale.