B. LES AMENDEMENTS RELATIFS AUX CONCOURS DE L'ÉTAT

La recevabilité organique des amendements portant sur les concours de l'État aux collectivités s'apprécie selon le dispositif proposé. Trois situations peuvent être distinguées : la création, le montant et la répartition du concours de l'État.

La question se pose tout particulièrement pour les prélèvements sur recettes (PSR), qui sont le sujet des initiatives parlementaires les plus fréquentes et qui font donc l'objet, à ce titre, d'une attention particulière dans les développements suivants.

1. La création d'un concours de l'État

Ainsi que cela a été rappelé précédemment, depuis la réforme de la LOLF et le projet de loi de finances pour 2023, l'institution d'un PSR relève du domaine exclusif des lois de finances (articles 6 et 34 de la LOLF) et de la première partie.

Il n'est donc plus possible, pour un parlementaire ou pour le Gouvernement, d'instaurer un PSR dans un texte non financier. Le président de la commission des finances a ainsi déclaré irrecevable au regard de la LOLF un amendement déposé dans le cadre de l'examen de la proposition de loi relative au statut de l'élu local et instituant un PSR pour la prise en charge des indemnités des maires. Il en a été de même pour un amendement déposé lors de l'examen du projet de loi relatif à la construction de nouvelles installations nucléaires et créant un PSR en faveur des collectivités locales impliquées dans l'accueil de projets de réacteurs électronucléaires.

2. Le montant des concours de l'État

Lorsque le concours de l'État prend la forme d'une dotation, portée par une mission budgétaire, les amendements parlementaires visant à modifier le montant doivent être déposés en seconde partie, lors de l'examen des missions budgétaires, et en respectant les règles relatives à la recevabilité des amendements de crédits253(*).

L'appréciation de la recevabilité organique des amendements portant sur les modalités de calcul des prélèvements sur recettes soulève davantage de difficultés. L'article 34 de la LOLF dispose en effet que « dans la première partie, la loi de finances de l'année [...] institue et évalue chacun des prélèvements [sur recettes] ».

Le cas le plus simple a trait aux amendements qui ont un impact sur le niveau des PSR et qui doivent donc être déposés en première partie de la loi de finances. Le montant global de la DGF est par exemple déterminé en première partie et les amendements visant à en indexer le montant sur l'inflation ne sont également recevables qu'en première partie.

Ces initiatives ne relèvent toutefois pas du domaine exclusif des lois de finances. Il est dès lors tout à fait possible pour un parlementaire ou pour le Gouvernement de modifier le montant d'un PSR dans un texte ordinaire ; c'est ainsi qu'ont été déclarés recevables des amendements à la proposition de loi relative au statut de l'élu local et visant à augmenter le montant de la dotation « élu local », un PSR254(*).

Les amendements tendant à définir les modalités
de calcul d'un prélèvement sur recettes

Si les règles de la loi organique relative aux lois de finances sont claires s'agissant de l'application du principe de bipartition aux amendements instituant un PSR (première partie) ou en modifiant les modalités de répartition (seconde partie), elles sont silencieuses sur les initiatives portant sur les modalités de calcul du PSR.

Un cas concret s'est posé à la commission des finances lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024. Le Gouvernement a institué en première partie de la loi de finances un nouveau PSR au profit des communes nouvelles, prenant la forme d'une part d'amorçage destinée à accompagner la création de communes nouvelles et d'une part de garantie destinée à compenser, pour les communes nouvelles, une éventuelle baisse des attributions perçues au titre de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Il a complété ce dispositif par un article en seconde partie, qui définissait les modalités de calcul de ces deux parts. Contrairement à un PSR tel que la DGF, ces règles ne visaient pas à répartir une enveloppe fermée dont le montant était fixé de façon ferme en première partie mais à déterminer le droit à un financement de toute commune nouvelle qui remplirait les conditions posées.

Lors de l'examen du texte, la commission des finances a considéré qu'un tel dispositif gagnait en clarté à être rapatrié en première partie de la loi de finances, et ce pour deux raisons : l'initiative parlementaire et le respect de la lettre de la LOLF. En effet, en le laissant en seconde partie, il aurait été impossible pour un parlementaire de modifier les modalités de calcul, en rehaussant le montant de la dotation d'amorçage par exemple : une telle augmentation aurait eu pour effet d'augmenter le montant global du PSR, ce qui n'est recevable qu'en première partie.

Toutefois, le Conseil constitutionnel ne s'étant pas prononcé sur cette question dans sa décision sur la loi de finances pour 2024, un amendement tendant à prévoir les modalités de calcul d'un PSR en seconde partie ne serait pas déclaré irrecevable.

Source : Commission des finances du Sénat

Aux termes de l'article 34 de la LOLF, « dans la seconde partie, la loi de finances de l'année [...] peut définir les modalités de répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales », ce qui implique que de telles initiatives, à l'instar de celles portant sur la répartition des recettes fiscales locales :

- relèvent du domaine partagé des lois de finances. Ainsi, une initiative parlementaire ou gouvernementale peut modifier la répartition des concours de l'État dans le cadre d'une loi ordinaire ;

- relèvent obligatoirement de la seconde partie de la loi de finances.

De telles initiatives peuvent par exemple concerner les modalités de répartition de la DGF ou encore les règles d'éligibilité aux dotations d'investissement de l'État, telles que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Il convient toutefois de noter que la rédaction de l'article 34, en retenant la notion de « concours de l'État », exclut du domaine des lois de finances les modalités de répartition des fonds ou des subventions versées entre collectivités, par exemple entre un EPCI et ses communes membres, ou entre un département et le bloc communal au titre des compétences transférées aux métropoles. De telles initiatives seraient dès lors irrecevables en loi de finances. Ces « concours financiers » doivent être distinguées des fonds de péréquation horizontaux.

3. La répartition des fonds de péréquation

La question de la recevabilité en loi de finances des initiatives tendant à modifier les fonds de péréquation horizontaux pourrait se poser. Contrairement aux mécanismes de péréquation verticale, financés par l'État, les fonds de péréquation horizontaux sont financés par les collectivités elles-mêmes et ne peuvent donc pas être qualifiés de « concours de l'État ».

Cependant, force est de constater que les projets de loi de finances comportent fréquemment, parfois dès leur dépôt, des articles relatifs aux fonds de péréquation horizontaux, que ce soit pour en créer ou pour en modifier le fonctionnement, notamment par le biais des indicateurs financiers.

Si le silence du Conseil constitutionnel ne vaut pas acceptation, il convient de noter que, dans sa décision sur la loi de finances pour 2010, le juge constitutionnel avait déclaré d'office irrecevables trois dispositifs considérés comme des « cavaliers budgétaires », c'est-à-dire comme ne relevant d'aucun des domaines des lois de finances. Or, la mise en place de deux fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) n'en faisait pas partie255(*).

De plus, depuis la réforme de la LOLF, sont expressément recevables en seconde partie les amendements portant sur la répartition des recettes fiscales affectées aux collectivités territoriales, ce qui peut donc couvrir certains dispositifs de péréquation256(*).

Dès lors, le président de la commission des finances tend à considérer comme recevables en loi des finances des initiatives portant sur la péréquation horizontale, à la condition qu'elles soient déposées en seconde partie. Il a donc dû déclarer irrecevable un amendement déposé sur la première partie et modifiant les modalités de répartition du FPIC, tout en indiquant à ses auteurs qu'il pourrait être redéposé en seconde partie.


* 253 Pour davantage de détails, se reporter au I.B. de la deuxième partie.

* 254 Il appartiendra le cas échéant à la prochaine loi de finances d'en tirer les conséquences pour l'évaluation du montant du PSR, conformément au 5° du I de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances.

* 255 Conseil constitutionnel, décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010.

* 256 Par exemple le fonds de solidarité régionale, qui est adossé à la fraction de taxe sur la valeur ajoutée attribuée aux régions en compensation de la perte de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

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