II. LA RECEVABILITÉ AU TITRE DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES
La recevabilité des amendements s'examine également au regard des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), et notamment de son article 34248(*).
Selon une application classique du contrôle de la recevabilité au titre de la LOLF, les initiatives249(*) ayant trait aux collectivités territoriales doivent respecter deux principes pour être recevables : appartenir au domaine des lois de finances (domaine exclusif, obligatoire ou partagé) et être déposées dans la bonne partie de la loi de finances (principe de bipartition).
S'agissant du premier point, les finances locales se distinguent par le fait que les amendements ne relèvent pas, en grande majorité, du champ exclusif des lois de finances et peuvent donc être examinés dans le cadre d'autres textes. La principale exception concerne la création d'un prélèvement sur recettes, qui relève du domaine exclusif des lois de finances (articles 6 et 34 de la LOLF).
S'agissant du second point, la réforme de la LOLF250(*) a considérablement simplifié les règles applicables à la bipartition. Pour les prélèvements sur recettes et la fiscalité locale, le principe est le suivant : les modalités de calcul relèvent de la première partie, les modalités de répartition de la seconde.
L'application de la recevabilité organique - domaine des lois de finances et bipartition - aux initiatives ayant trait aux collectivités territoriales est détaillée ci-après, en retenant quelques grandes catégories qui font l'objet de nombreux amendements lors de l'examen des lois de finances.
A. LES AMENDEMENTS RELATIFS À LA FISCALITÉ LOCALE
Avant la réforme de la LOLF251(*), la première partie de la loi de finances ne pouvait comporter que des dispositions relatives aux ressources de l'État susceptibles d'affecter son équilibre budgétaire. Dès lors, aucun dispositif ni aucun amendement portant sur la fiscalité locale ne pouvaient relever de la première partie, puisqu'ils n'avaient par définition aucun impact sur le solde budgétaire de l'État. Ils devaient donc être déposés en seconde partie.
Depuis le projet de loi de finances pour 2023, la première partie de la loi de finances « peut comporter des dispositions relatives à l'assiette, au taux, à l'affectation et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à une personne morale autre que l'État »252(*), ce qui inclut les impositions affectées aux collectivités territoriales. Ainsi rédigée, cette disposition de l'article 34 implique que les initiatives ayant trait au calcul et au recouvrement des impôts locaux :
- relèvent du domaine partagé des lois de finances. Elles peuvent donc également être déposées sur un projet de loi ordinaire ;
- relèvent le cas échéant de la première partie de la loi de finances. Pour être recevable au titre de la LOLF, tout amendement créant une exonération, un dégrèvement ou un abattement de fiscalité locale ou encore modifiant l'encadrement des taux d'imposition ensuite fixés par les collectivités territoriales doit donc être déposé en première partie.
En revanche, l'article 34 de la LOLF dispose également que la seconde partie de la loi de finances « peut [...] définir les modalités de répartition [...] des recettes fiscales affectées à ces dernières et à leurs établissements publics ». Cette disposition implique que toute initiative, parlementaire ou gouvernementale, tendant à modifier la répartition des recettes fiscales affectées aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics :
- relève du domaine partagé des lois de finances. Une disposition d'une loi ordinaire peut donc modifier la répartition d'une recette fiscale ;
- relève obligatoirement de la seconde partie de la loi de finances.
Le président de la commission des finances a donc dû déclarer irrecevables au titre de la LOLF des amendements déposés lors de l'examen de la première partie de la loi de finances prévoyant de modifier les modalités de répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) entre les communes et les ECPI. Il avait toutefois indiqué aux auteurs, ainsi que cela est fait systématiquement s'agissant du contrôle du respect du principe de bipartition, que ces amendements pourraient être redéposés pour l'examen de la seconde partie de la loi de finances.
Il convient enfin de noter que relèvent du domaine exclusif des lois de finances les initiatives affectant totalement ou partiellement à une autre personne morale que l'État les ressources établies à son profit (article 2 de la LOLF).
Affecter une nouvelle ressource à une collectivité territoriale hors d'une loi de finances est donc contraire à la LOLF et n'est pas recevable. Consulté par un président de commission lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience », le président de la commission des finances avait indiqué qu'un amendement prévoyant d'affecter une part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux collectivités ayant conclu un plan climat-air-énergie était irrecevable au titre de la LOLF.
Pour résumer La recevabilité organique des initiatives
portant · Les initiatives ayant trait à la fiscalité locale relèvent du domaine partagé des lois de finances. Elles peuvent donc également être examinées dans le cadre de textes « ordinaires ». · Les amendements portant sur les modalités de calcul (taux et assiette) et le recouvrement des impôts locaux doivent être placés en première partie de la loi de finances. A contrario, les amendements tendant à modifier la répartition des recettes fiscales affectées aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics doivent être placés en seconde partie. · En revanche, relèvent du domaine exclusif des lois de finances l'affectation aux collectivités de recettes établies au profit de l'État, tout comme la création d'un prélèvement sur les recettes de l'État établi au profit des collectivités territoriales. |
* 248 Pour davantage de détails sur la recevabilité au regard des dispositions de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, se reporter à la deuxième partie.
* 249 Parlementaires comme gouvernementales.
* 250 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
* 251 Ibid.
* 252 Article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.