C. L'APPLICATION AUX TEXTES FINANCIERS

1. Les lois de finances de l'année

Le domaine des lois de finances de l'année ainsi que la répartition des dispositions entre la première et la seconde partie sont principalement définis par l'article 34 de la LOLF. Ils sont retracés en détail dans le tableau figurant à la fin de la présente partie et présentés ci-après, en distinguant, dans chaque domaine, ce qui relève de la première ou de la seconde partie de la loi de finances.

a) Le domaine obligatoire

Toute loi de finances initiale doit impérativement comporter certaines dispositions qui, par ailleurs, ne peuvent figurer dans aucun autre texte185(*). Il s'agit du domaine obligatoire186(*).

Il comprend, pour l'essentiel, des dispositions proprement budgétaires, à savoir :

- pour la première partie, celles relatives à l'autorisation de perception des ressources de l'État et des impositions de toute nature, à l'évaluation des ressources budgétaires, à la détermination des plafonds de dépenses et des autorisations d'emplois rémunérés par l'État ainsi qu'à l'équilibre financier (ressources et charges de trésorerie, plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État) ;

- pour la seconde partie, celles relatives à la fixation du montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement, des autorisations d'emplois, des objectifs et indicateurs de performance ainsi que celles retraçant l'ensemble des moyens attribués à une politique publique financée par une mission.

Par conséquent, un amendement à un projet de loi « ordinaire » qui viserait à modifier la répartition des crédits entre les programmes d'une mission serait irrecevable au regard des dispositions de la LOLF. Un tel amendement est exclusivement recevable lors de la discussion d'un projet de loi de finances, en seconde partie.

b) Le domaine exclusif

Le domaine exclusif désigne les dispositions qui, sans être obligatoires, ne peuvent figurer que dans une loi de finances. Sont concernées, à titre principal :

- pour ce qui concerne la première partie, les dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l'État, les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État, l'institution d'un prélèvement sur recettes, les affectations à une autre personne morale d'une ressource perçue au profit de l'État (article 2) ;

L'affectation à une autre personne morale
d'une recette établie au profit de l'État

L'article 3 de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques abroge, à compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, l'article 36 de la LOLF. Ce dernier dispose que « L'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances. »

Toutefois, ces dispositions ne disparaissent pas. Conformément à l'article 3 précité, elles sont réintégrées au sein de l'article 2 de la LOLF. À compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, ce dernier dispose :

- que les impositions de toute nature peuvent être directement affectées aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux organismes de sécurité sociale ;

- que les impositions de toute nature ne peuvent pas être affectées à un tiers autres que ceux précités et leur affectation ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité morale et que si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. La réforme de la LOLF a donc conduit à conditionner l'affectation des impositions de toutes natures à certains tiers ;

- que l'affectation, totale ou partielle, à un tiers d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition d'une loi de finances. Il s'agit là d'une reprise des dispositions de l'article 36 de la LOLF, dans sa version avant l'entrée en vigueur de l'article 3 de la loi organique précitée.

Source : commission des finances

- pour ce qui concerne la seconde partie, l'octroi de garantie de l'État et la définition de leur régime, la prise en charge de dettes de tiers, la création d'une annexe générale au projet de loi de finances, c'est-à-dire d'un « jaune » budgétaire ou d'un document de politique transversale (article 51) ou encore la modification du dispositif de performance figurant à l'état G, qui regroupe l'ensemble des objectifs et des indicateurs présentés dans les projets annuels de performance, pour chacune des missions du budget général. Cette faculté, introduite par la réforme de la LOLF, ne permet aux parlementaires que de modifier les indicateurs : la définition et la modification des cibles associées relèvent exclusivement de la prérogative du Gouvernement.

c) Le domaine partagé

Le domaine partagé comprend les dispositions qui peuvent figurer en loi de finances, sans pour autant que ces dernières en aient le monopole187(*). Par conséquent, celles-ci peuvent également être inscrites dans une loi ordinaire.

(1) Les mesures relatives aux impositions de toute nature

Les « dispositions relatives aux ressources de l'État » et les « dispositions relatives à l'assiette, au taux, à l'affectation et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à personne morale autre que l'État » relèvent du domaine partagé.

Selon le Conseil constitutionnel, entre dans le champ des impositions de toute nature tout prélèvement qui ne répond pas au critère de la redevance pour service rendu, ni à celui de la cotisation sociale ; sont donc inclus les impôts, taxes et autres prélèvements fiscaux proprement dit, de même que de nombreux autres prélèvements, dont, par exemple :

- les frais d'assiette et de recouvrement des impôts locaux, prélevés au titre de l'article 1641 du code général des impôts188(*) ;

- le versement destiné au financement des transports en commun189(*) ;

- les redevances perçues par les agences de l'eau190(*) ;

- la contribution pour la collecte, la valorisation et l'élimination des déchets due par les entreprises et organismes de distribution gratuite d'imprimés et de prospectus191(*) ;

- la redevance d'archéologie préventive192(*).

Ainsi, un amendement parlementaire portant sur une imposition de toute nature pourrait être déposé indifféremment dans le cadre de l'examen d'un projet de loi de finances ou d'un autre projet de loi, financier ou non - à la condition, toutefois, qu'il soit gagé s'il prévoit une diminution des ressources publiques.

À l'inverse, dans la mesure où l'article 34 de la LOLF ne mentionne, pour le domaine exclusif comme pour le domaine partagé des lois de finances, que les impositions de toute nature, les amendements parlementaires portant sur d'autres catégories de ressources ne seraient pas recevables dans le cadre d'un projet de loi de finances. À titre d'exemple, les mesures relatives aux cotisations volontaires obligatoires (CVO) ne trouvent pas leur place en loi de finances. Ne sont pas non plus recevables en loi de finances les dispositions portant sur le régime d'affectation des amendes ni sur la répartition du produit des forfaits post-stationnement entre les collectivités territoriales, ni encore sur le quantum des amendes administratives prononcées par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, ces recettes ne constituant pas une imposition de toute nature.

Ainsi que rappelé précédemment, la réforme de la LOLF a fortement simplifié la définition du domaine partagé des lois de finances. En effet, avant le projet de loi de finances pour 2023, devaient impérativement figurer en première partie de la loi de finances les dispositions relatives aux ressources de l'État « qui affectent l'équilibre budgétaire de l'année concernée ». Désormais, ces dispositions, qu'elles affectent ou non l'équilibre budgétaire de l'année en cours, relèvent du domaine partagé193(*). Une nuance doit toutefois être apportée : le Conseil constitutionnel a par le passé estimé que toute mesure qui conduirait l'équilibre initial à « s'écart[er] sensiblement des prévisions » ne pourrait avoir sa place que dans une loi de finances rectificative194(*).

Enfin, il peut être rappelé que plusieurs initiatives ont tendu à défendre, sinon en droit mais dans les faits, un « monopole » des lois de finances en matière d'impositions de toute nature, et ce afin de limiter la dispersion des dispositions fiscales et d'accroître la lisibilité de notre droit.

(2) Les dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année

Relèvent également du domaine partagé les dispositions affectant directement les dépenses budgétaires, soit de l'année, soit de l'année et d'une ou de plusieurs années ultérieures (seconde partie).

Selon le Conseil constitutionnel, pour figurer en loi de finances, de telles dispositions doivent néanmoins avoir une « incidence directe sur les charges de l'État »195(*) ou « concern[er] la détermination » de ces charges196(*). Le juge constitutionnel a toutefois pu admettre en loi de finances des « éléments indivisibles d'un dispositif financier qui a pour objet d'alléger les charges de l'État »197(*).

(3) Les modalités de répartition des concours aux collectivités territoriales

Le domaine partagé intègre également les dispositions définissant les « modalités de répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales ». Il s'agit des mesures relatives aux dotations qui sont sans influence sur le montant global à attribuer et, en particulier, celles modifiant leur ventilation entre les ayants-droits.

Doivent être déposés en seconde partie des projets de loi de finances les amendements qui modifient les critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF), alors que ceux relatifs au montant global de la DGF doivent figurer en première partie.

(4) L'information et le contrôle du Parlement sur les finances publiques

À n'en pas douter, la définition du champ des « dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques » est délicate. En effet, souvent, le e du 7° de l'article 34 de la LOLF offre une base juridique aux parlementaires qui souhaitent inscrire dans une loi de finances une demande de rapport au Gouvernement leur permettant de s'exprimer, notamment en séance publique, sur un sujet coûteux sans que puisse leur être opposé l'article 40 de la Constitution.

Les inscriptions de demandes de rapport dans les lois de finances font néanmoins l'objet d'un contrôle de plus en plus sévère de la part du Conseil constitutionnel et ces dispositions constituent une grande partie des cavaliers budgétaires censurés chaque année par le juge constitutionnel. Il a ainsi jugé que n'étaient pas relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques les dispositions portant demandes de rapport :

- sur l'opportunité de réviser les capacités d'emprunt de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ;

- sur l'activité d'accompagnement et d'insertion des étudiants ultramarins par l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité ;

- sur les moyens d'encourager les dépenses de partenariat sportif des entreprises dans la perspective de l'accueil des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ;

- sur les moyens mis en oeuvre pour surveiller les flux financiers avec les établissements situés dans les « paradis fiscaux » ;

- sur la gestion des ressources humaines dans les établissements publics muséaux nationaux ;

- sur les conditions d'éligibilité des personnes morales au bonus-malus accordé lors de l'achat de véhicules hybrides.

Pour tenir compte du contrôle accru du Conseil constitutionnel, le président de la commission des finances a lui aussi renforcé sa vigilance, en tenant compte de l'abondante jurisprudence du Conseil en la matière. Ont ainsi été déclarés irrecevables des amendements demandant des rapports sur le chèque alimentaire ou sur la péréquation financière entre les services départementaux d'incendie et de secours.

Les décisions du Conseil constitutionnel laissent supposer que le juge constitutionnel se livre à un contrôle des « cavaliers budgétaires » classique, consistant à s'assurer que l'objet des rapports demandés se rattache bien au domaine des lois de finances. Il englobe en effet les demandes de rapport dans les dispositions censurées au motif et selon le considérant de principe, qu'elles ne « concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties de l'État, ni la comptabilité publique. Elles n'ont pas trait à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État. Elles n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières. Elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. Elles ne portent pas sur le transfert de données fiscales, lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d'accroître les ressources de l'État. »198(*)

Cette restriction du champ des dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur les finances publiques peut paraître rigoureuse, voire sévère. La notion de « finances publiques » recouvre en effet les finances de l'État, des collectivités territoriales, de la sécurité sociale et de tous les établissements qui leur sont liés.

Il n'en demeure pas moins que l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans ce domaine invite nécessairement le juge de la recevabilité organique à se montrer plus attentif aux amendements tendant à inscrire des demandes de rapport dans les lois de finances. Pour être recevable en loi de finances, l'objet du rapport doit porter sur une disposition relevant du domaine des lois de finances (évaluation d'un dispositif fiscal ou d'une mesure de soutien budgétaire par exemple) et non sur une politique publique ou sur un organisme public de manière générale. Par ailleurs, et à l'exception des demandes de rapport portant directement sur des dispositions inscrites en première partie, les amendements portant de telles demandes doivent être déposés en seconde partie.

Cependant, en matière de contrôle des finances publiques, une évolution favorable à l'initiative parlementaire est intervenue avec la réforme de la LOLF. Appartiennent désormais au domaine partagé des lois de finances, et peuvent donc figurer dans ces textes, les dispositions relatives à la comptabilité publique (seconde partie). Auparavant, relevaient seulement du domaine partagé des lois de finances les dispositions relatives à la comptabilité de l'État, alors même que le champ de la loi de finances excède celui du seul budget de l'État.

(5) Les conventions financières et le transfert de données fiscales

L'approbation des conventions financières, qui doivent être distinguées des conventions fiscales199(*), appartient au domaine partagé des lois de finances. Depuis la réforme de la LOLF, y figurent également les dispositions autorisant le transfert de données fiscales, lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d'accroître les ressources de l'État. Ces dispositions relèvent toutes de la seconde partie.

Avant cette modification de l'article 34, de telles dispositions encourraient le risque d'être censurées par le Conseil constitutionnel au titre des « cavaliers budgétaires », selon l'analyse que pouvait faire le juge constitutionnel de leurs effets directs sur le budget de l'État, avec parfois quelques divergences d'interprétation.

Domaine et structure des lois de finances de l'année
(article 34 de la LOLF)

 

Domaine obligatoire

Domaine exclusif

Domaine partagé

Première partie

Autorisation de perception des ressources de l'État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'État (1° du I)

×

×

 

Dispositions relatives aux ressources de l'État (2° du I)

   

×

Affectations de recettes au sein du budget de l'État (3° du I)

 

×

 

Dispositions relatives à l'assiette, au taux, à l'affectation et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature affectées à une personne morale autre que l'État (3° bis du I)

   

×

Institution et évaluation des prélèvements sur recettes (4° du I)

 

×

 

Évaluation de chacune des recettes budgétaires (5° du I)

×

×

 

Présentation de la liste et du produit prévisionnel de l'ensemble des impositions de toutes natures dont le produit est affecté à une personne morale autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale et décision d'attribuer totalement ou partiellement ce produit à l'État (5° bis du I)

 

×

 

Fixation des plafonds de dépenses du budget général et de chaque budget annexe, des plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que des plafonds des autorisations des emplois rémunérés par l'État (6° du I)

×

×

 

Données générales de l'équilibre budgétaire, présentées dans un tableau d'équilibre (7° du I)

×

×

 

Autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État et évaluation des ressources et des charges de trésorerie concourant à la réalisation de l'équilibre financier (tableau de financement) (8° du I)

×

×

 

Fixation du plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État et, pour chaque budget annexe, du plafond de l'encours total de dette autorisé (9° du I)

×

×

 

Fixation des modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations initiales, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'État (10° du I)

 

×

 

Affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État200(*)

 

×

 
 

Domaine obligatoire

Domaine exclusif

Domaine partagé

Seconde partie

Fixation, pour le budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement par mission (1° du II)

×

×

 

Fixation des autorisations d'emplois par ministère et par budget annexe (2° du II)

×

×

 

Fixation du plafond des autorisations des emplois des opérateurs de l'État, des établissements à autonomie financière et des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale (2° bis du II)

 

×

 

Fixation, par budget annexe et par compte spécial, du montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement (3° du II)

×

×

 

Fixation du plafond des reports (4° du II)

 

×

 

Définition des objectifs de performance et des indicateurs associés à ces objectifs (4° bis du II)

×

×

 

Présentation, pour chaque mission, du montant des crédits de paiement (en distinguant les dépenses d'investissement) et des montants des dépenses fiscales, des ressources affectées, des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en oeuvre des politiques publiques financées par la mission (4° ter du II)

×

×

 

Autorisation de l'octroi des garanties de l'État et fixation de leur régime (5° du II)

 

×

 

Autorisation de prise en charge des dettes de tiers et fixation de leur régime (6° du II)

 

×

 

Dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année ou de l'année et d'une ou plusieurs années ultérieures (b du 7° du II)

   

×

Définition des modalités de répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales ou des recettes fiscales qui leur sont affectées (c du 7° du II)

   

×

Approbation des conventions financières (d du 7° du II)

   

×

Dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques (e du 7° du II)

   

×

Dispositions relatives à la comptabilité publique et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics (f du 7° du II)

   

×

Dispositions autorisant le transfert de données fiscales lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d'accroître les ressources de l'État (g du 7° du II)

   

×

Création d'annexes générales destinées à l'information du Parlement (7° de l'article 51)

 

×

 

Source : commission des finances du Sénat

2. Les lois de finances « modificatives »

Le Gouvernement peut prendre l'initiative de modifier, en cours d'année, les équilibres définis dans la loi de finances initiale. Pour ces lois de finances « modificatives », les mêmes principes de bipartition et de domaines obligatoire, exclusif et partagé s'appliquent pour examiner la recevabilité organique des amendements déposés à l'occasion de leur examen. Deux textes peuvent être distingués : les lois de finances rectificatives et les lois de finances de fin de gestion.

a) Les lois de finances rectificatives

Le contenu des lois de finances rectificatives est défini par l'article 35 de la LOLF, et retracé en détail dans le tableau ci-après.

Les règles en matière de bipartition et de domaine sont similaires à celles applicables aux lois de finances initiales, sous réserve d'ajustements pour ce qui relève du domaine obligatoire. Ce dernier est en effet plus restreint et ne comprend que la fixation des plafonds de dépenses et des autorisations d'emplois, de même que les données générales de l'équilibre budgétaire.

Le domaine exclusif est identique, puisque seules des dispositions d'une loi de finances rectificative peuvent modifier les dispositions relevant des domaines obligatoire et exclusif de la loi de finances initiale. Le domaine partagé est également le même.

Comme pour les projets de loi de finances, les amendements parlementaires aux projets de loi de finances rectificative ne sont recevables que s'ils relèvent de l'un des trois domaines précités - obligatoire, exclusif ou partagé - et qu'ils respectent les règles de bipartition.

Domaine et structure des lois de finances rectificatives
(article 35 de la LOLF)

 

Domaine obligatoire

Domaine exclusif

Domaine partagé

Première partie

Autorisation de perception des ressources de l'État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'État (1° du I)

 

×

 

Dispositions relatives aux ressources de l'État (2° du I)

   

×

Affectations de recettes au sein du budget de l'État (3° du I)

 

×

 

Dispositions relatives à l'assiette, au taux, à l'affectation et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature affectées à une personne morale autre que l'État (3° bis du I)

   

×

Institution et évaluation des prélèvements sur recettes (4° du I)

 

×

 

Évaluation de chacune des recettes budgétaires (5° du I)

 

×

 

Présentation de la liste et du produit prévisionnel de l'ensemble des impositions de toutes natures dont le produit est affecté à une personne morale autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale et décision d'attribuer totalement ou partiellement ce produit à l'État (5° bis du I)

 

×

 

Fixation des plafonds de dépenses du budget général et de chaque budget annexe, des plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que des plafonds des autorisations des emplois rémunérés par l'État (6° du I)

×

×

 

Données générales de l'équilibre budgétaire, présentées dans un tableau d'équilibre (7° du I)

×

×

 

Autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État et évaluation des ressources et des charges de trésorerie concourant à la réalisation de l'équilibre financier (tableau de financement) (8° du I)

 

×

 

Fixation du plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État et, pour chaque budget annexe, du plafond de l'encours total de dette autorisé (9° du I)

 

×

 

Fixation des modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations initiales, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'État (10° du I)

 

×

 

Affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État201(*)

 

×

 
 

Domaine obligatoire

Domaine exclusif

Domaine partagé

Seconde partie

Fixation, pour le budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement par mission (1° du II)

 

×

 

Fixation des autorisations d'emplois par ministère et par budget annexe (2° du II)

 

×

 

Fixation du plafond des autorisations des emplois des opérateurs de l'État, des établissements à autonomie financière et des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale (2° bis du II)

 

×

 

Fixation, par budget annexe et par compte spécial, du montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement (3° du II)

 

×

 

Fixation du plafond des reports (4° du II)

 

×

 

Définition des objectifs de performance et des indicateurs associés à ces objectifs (4° bis du II)

 

×

 

Présentation, pour chaque mission, du montant des crédits de paiement (en distinguant les dépenses d'investissement) et des montants des dépenses fiscales, des ressources affectées, des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en oeuvre des politiques publiques financées par la mission (4° ter du II)

 

×

 

Autorisation de l'octroi des garanties de l'État et fixation de leur régime (5° du II)

 

×

 

Autorisation de prise en charge des dettes de tiers et fixation de leur régime (6° du II)

 

×

 

Dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année ou de l'année et d'une ou plusieurs années ultérieures (b du 7° du II)

   

×

Définition des modalités de répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales ou des recettes fiscales qui leur sont affectées (c du 7° du II)

   

×

Approbation des conventions financières (d du 7° du II)

   

×

Dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques (e du 7° du II)

   

×

Dispositions relatives à la comptabilité publique et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics (f du 7° du II)

   

×

Dispositions autorisant le transfert de données fiscales lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d'accroître les ressources de l'État (g du 7° du II)

   

×

Création d'annexes générales destinées à l'information du Parlement (7° de l'article 51)

 

×

 

Source : commission des finances du Sénat

b) La particularité des lois de finances de fin de gestion

À l'initiative du Parlement, la réforme de la LOLF par la loi organique précitée du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a conduit à la création d'une nouvelle catégorie de lois de finances, la loi de finances de fin de gestion.

Elle vise à consacrer la pratique d'une loi de finances rectificative de fin d'année limitée aux seules mesures de gestion. La commission des finances avait soutenu la création de la loi de finances de fin de gestion en arguant que la restriction de son périmètre pouvait permettre d'assurer « une meilleure cohérence des débats » et d'améliorer « la lisibilité des débats »202(*).

Par suite, le domaine des lois de finances de fin de gestion est plus restreint que celui des lois de finances rectificatives. Elles ne peuvent en particulier comporter aucune mesure fiscale et doivent « se limiter, pour l'essentiel, au schéma de fin de gestion, c'est-à-dire à l'ajustement, en fin d'exercice, des crédits alloués afin d'éviter des impasses budgétaires »203(*).

La clarté et la lisibilité qui en résultent, au moment où le Parlement examine en parallèle le projet de loi de finances pour l'année à venir, se traduisent toutefois par une restriction du champ de l'initiative parlementaire, dans le sens où des amendements auparavant recevables dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative de fin d'année ne le sont plus si le Gouvernement a choisi de recourir au véhicule du projet de loi de finances de fin de gestion.

Dans le tableau ci-après, sont ainsi grisées les dispositions qui ne peuvent pas figurer dans une loi de finances de fin de gestion, alors qu'elles peuvent figurer dans une loi de finances initiale ou dans une loi de finances rectificative.

Domaine et structure des lois de finances de fin de gestion
(article 35 de la LOLF)

 

Domaine obligatoire

Domaine exclusif

Domaine partagé

Première partie

Autorisation de perception des ressources de l'État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'État (1° du I)

 

×

 

Dispositions relatives aux ressources de l'État (2° du I)

     

Affectations de recettes au sein du budget de l'État (3° du I)

 

×

 

Dispositions relatives à l'assiette, au taux, à l'affectation et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature affectées à une personne morale autre que l'État (3° bis du I)

     

Institution et évaluation des prélèvements sur recettes (4° du I)

 

×

 

Évaluation de chacune des recettes budgétaires (5° du I)

 

×

 

Présentation de la liste et du produit prévisionnel de l'ensemble des impositions de toutes natures dont le produit est affecté à une personne morale autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale et décision d'attribuer totalement ou partiellement ce produit à l'État (5° bis du I)

 

×

 

Fixation des plafonds de dépenses du budget général et de chaque budget annexe, des plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que des plafonds des autorisations des emplois rémunérés par l'État (6° du I)

×

×

 

Données générales de l'équilibre budgétaire, présentées dans un tableau d'équilibre (7° du I)

×

×

 

Autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État et évaluation des ressources et des charges de trésorerie concourant à la réalisation de l'équilibre financier (tableau de financement) (8° du I)

 

×

 

Fixation du plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État et, pour chaque budget annexe, du plafond de l'encours total de dette autorisé (9° du I)

 

×

 

Fixation des modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations initiales, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'État (10° du I)

 

×

 

Affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État204(*)

 

×

 
 

Domaine obligatoire

Domaine exclusif

Domaine partagé

Seconde partie

Fixation, pour le budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement par mission (1° du II)

 

×

 

Fixation des autorisations d'emplois par ministère et par budget annexe (2° du II)

 

×

 

Fixation du plafond des autorisations des emplois des opérateurs de l'État, des établissements à autonomie financière et des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale (2° bis du II)

 

×

 

Fixation, par budget annexe et par compte spécial, du montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement (3° du II)

 

×

 

Fixation du plafond des reports (4° du II)

 

×

 

Définition des objectifs de performance et des indicateurs associés à ces objectifs (4° bis du II)

 

×

 

Présentation, pour chaque mission, du montant des crédits de paiement (en distinguant les dépenses d'investissement) et des montants des dépenses fiscales, des ressources affectées, des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en oeuvre des politiques publiques financées par la mission (4° ter du II)

 

×

 

Autorisation de l'octroi des garanties de l'État et fixation de leur régime (5° du II)

 

×

 

Autorisation de prise en charge des dettes de tiers et fixation de leur régime (6° du II)

 

×

 

Dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année ou de l'année et d'une ou plusieurs années ultérieures (b du 7° du II)

   

×

Définition des modalités de répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales ou des recettes fiscales qui leur sont affectées (c du 7° du II)

     

Approbation des conventions financières (d du 7° du II)

     

Dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques (e du 7° du II)

     

Dispositions relatives à la comptabilité publique et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics (f du 7° du II)

     

Dispositions autorisant le transfert de données fiscales lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d'accroître les ressources de l'État (g du 7° du II)

     

Création d'annexes générales destinées à l'information du Parlement (7° de l'article 51)

 

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Source : commission des finances du Sénat


* 185 Le périmètre de ces dispositions est précisé au III de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances.

* 186 Le Conseil constitutionnel le qualifie de domaine « obligatoire et exclusif » ( décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, op. cit.).

* 187 Le champ des dispositions relevant du domaine partagé est précisé par le 3° bis du I et par le 7° du II de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances.

* 188 Conseil constitutionnel, décision n° 2009-585 DC du 6 août 2009, Loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.

* 189 Conseil constitutionnel, décision n° 90-287 DC du 16 janvier 1991, Loi portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales.

* 190 Conseil constitutionnel, décision n° 82-124 L du 23 juin 1982, Nature juridique des dispositions du premier alinéa de l'article 13 et du deuxième alinéa de l'article 14 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution.

* 191 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-488 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances rectificative pour 2003.

* 192 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-480 DC du 31 juillet 2003, Loi relative à l'archéologie préventive.

* 193 Et de la première partie de la loi de finances, même si elles produisent leurs effets plusieurs années après l'année concernée par la loi de finances initiale.

* 194 Conseil constitutionnel, décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, Loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 195 Conseil constitutionnel, décision n° 93-330 DC du 29 décembre 1993, Loi de finances pour 1994.

* 196 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-457 DC du 27 décembre 2001, Loi de finances rectificative pour 2001.

* 197 Conseil constitutionnel, décision n° 85-201 DC du 28 décembre 1985, Loi de finances pour 1986.

* 198 Considérant de principe. Repris par exemple par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023 relative à la loi de finances pour 2024.

* 199 L'approbation d'une convention fiscale internationale ne relève pas du domaine des lois de finances.

* 200 Article 36 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et, à compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, article 2 de la LOLF.

* 201 Article 36 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et, à compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, article 2 de la LOLF.

* 202  Rapport n° 831 (2020-2021) de MM. Jean-François HUSSON et Claude RAYNAL sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 septembre 2021.

* 203 Ibid.

* 204 Article 36 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et, à compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, article 2 de la LOLF.

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