B. UN MONTAGE JURIDIQUE ET FINANCIER...

1. Deux phases...

Sur la base d'un besoin déterminé, d'un montant de 1,5 Md€, les conseils de la LFP ont lancé fin octobre 2021 une procédure de consultation des fonds d'investissement. Cette procédure s'est déroulée en deux phases :

Ø une première phase, au cours de laquelle des offres indicatives étaient sollicitées ;

Ø une seconde phase, conduisant à la remise d'offres fermes.

Le processus était encadré par des « lettres de process » préparées par les conseils financiers et envoyées aux candidats investisseurs pour le compte de la LFP.

Cette procédure a été lancée fin octobre 2021, après la présentation du projet au collège de Ligue 1 le 20 octobre 2021. Le 9 novembre 2021, les conseils ont présenté le projet de création d'une filiale commerciale au conseil d'administration de la LFP qui a « pris note » de la poursuite des travaux engagés un an plus tôt avec la réforme des statuts de la LFP. Le 15 novembre 2021, cette présentation a été effectuée devant le collège de Ligue 2.

Au cours de la phase 1 (de novembre à décembre 2021), des sollicitations ont été adressées par la LFP à 25 investisseurs internationaux. Une dizaine de candidats ont adressé des offres indicatives. Quatre d'entre eux ont été invités par la LFP à participer à la seconde phase de la procédure.

Au cours de la phase 2 (de janvier à mars 2022), ces quatre candidats ont été invités à soumettre une offre engageante. Sur la base du montant recherché de 1,5 Md€, les investisseurs étaient invités à présenter une offre portant, d'une part, sur le pourcentage du capital de la société sollicité et, d'autre part, sur les conditions juridiques envisagées. Au cours de cette phase, les quatre investisseurs potentiels ont procédé aux diligences usuelles. La documentation contractuelle relative à l'opération faisait l'objet d'une négociation parallèle avec le conseil juridique de la Ligue.

2. ...et trois offres

À l'issue de cette procédure, en mars 2022, la LFP a reçu trois offres engageantes (« binding offers »), transmises respectivement par les fonds d'investissement CVC, Oaktree et Silverlake.

CVC était le fonds qui proposait la participation la plus faible dans la société commerciale (13,04 %) contre l'apport demandé (1,5 Md€), soit le niveau de valorisation de la société le plus élevé (11,5 Md€), représentant près de 15 fois le chiffre d'affaires de la saison 2021-2022 (774 M€).

Dans le cadre de cette offre, CVC demandait à ce que sa part puisse augmenter de 1,25 point, à 14,29 %, si, à la sortie du fonds, l'EBITDA25(*) réalisé était inférieur de 15 % à celui prévu par le plan d'affaires de la Ligue. Cette part serait portée à 13,66 % si la sous-performance était de 7,5 %.

Oaktree et Silverlake proposaient des valorisations moins élevées que CVC. Le choix de CVC a également pris en considération les termes juridiques de l'offre, notamment les droits demandés par le fonds d'investissement, sur la gouvernance de la société, d'une part, et sur la liquidité de l'investissement, d'autre part.

Au cours du processus de sélection mené par la LFP et par ses conseils, CVC est devenu, fin 2021, partenaire du championnat espagnol. Ce partenariat s'est fait par l'acquisition d'une part minoritaire d'une nouvelle société (joint-venture), responsable de la commercialisation des droits d'exploitation domestiques et internationaux de la Liga. CVC soulignait l'absence totale de lien entre les gouvernances des deux MediaCo, et indiquait, par ailleurs, que les membres de CVC France ne siégeraient pas au conseil d'autres fonds CVC acteurs du football, ce qui aurait pu soulever un conflit d'intérêts.

Oaktree a confirmé à la mission avoir soumis une offre engageante, proposant 1,5 Md€ pour 13,25 % du capital, valorisant la MediaCo à 11,3 Md€, soit une valorisation légèrement inférieure à celle proposée par CVC. L'offre incluait également la possibilité pour Oaktree d'augmenter sa participation jusqu'à 20 % du capital au moment de la vente de ses parts (sans coût supplémentaire pour Oaktree) si le rendement financier annuel de l'investissement d'Oaktree dans la MediaCo était inférieur à 8,5 % par an.

La question pouvait se poser d'un éventuel conflit d'intérêts de ce fonds d'investissement, dans la mesure où il était alors actionnaire majoritaire du club de Caen depuis janvier 2020. Oaktree indiquait toutefois ne pas détenir de parts, ni dans des ligues sportives ni dans le domaine des droits sportifs. Quant à son investissement dans le SM Caen, il était précisé que le capital fourni dans le cadre de l'opération avec la LFP proviendrait d'un fonds différent. En outre, dans le cadre du partenariat envisagé, la relation avec les clubs avait vocation à être gérée par la LFP. Néanmoins, Oaktree indiquait être disponible pour travailler avec la LFP et prendre les mesures nécessaires notamment dans le domaine de la gouvernance et des droits économiques pour éviter toute ambiguïté à ce sujet.

Silverlake a soumis une offre engageante qui comportait deux options, proposant 1,5 Md€ pour 14 % à 14,5 % du capital, soit une valeur d'entreprise de 10,3 Md€ à 10,7 Md€, significativement moins élevée que les valeurs proposées respectivement par CVC et par Oaktree. Silverlake était alors actionnaire minoritaire du City football group, propriétaire du club de Troyes. Silverlake détenait également des participations dans deux MediaCo (ligue de football professionnel australienne et All blacks) ne paraissant pas entrer en concurrence avec le football français.

Si l'offre de Silverlake était bien une « offre engageante », de nombreux sujets, arrivés tard dans la discussion, demeuraient bloquants. L'un des sujets en discussion avec la LFP portait sur le pouvoir qu'aurait le fonds de remplacer les dirigeants de la société, dans l'hypothèse où le plan d'affaires ne serait pas tenu. Silverlake aurait souhaité que la ventilation de l'apport d'1,5 Md€ soit plus aboutie, de même que le contrat de prestation de service entre la Ligue et la société commerciale. Si l'offre soumise à la LFP par Silverlake était engageante, elle n'était pas directement exécutable.

Le fonds Hellman & Friedman a renoncé, pour sa part, à transmettre une telle offre, la LFP invoquant les incertitudes liées au déclenchement de la guerre en Ukraine le 20 février 2022 pour expliquer ce désistement.


* 25 Le Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization) est un solde permettant d'évaluer la rentabilité du cycle d'exploitation d'une entreprise.

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