C. RÉAFFIRMER LES PRINCIPES D'UNITÉ, DE SOLIDARITÉ ET DE MUTUALISATION
Recommandation n° 9 : Faire bénéficier le ministère des sports et l'Agence nationale du sport du dynamisme des recettes fiscales issues des paris sportifs en ligne, au moyen d'un relèvement du plafond du prélèvement sur les paris sportifs en ligne.
Le budget de l'Agence nationale du sport est abondé chaque année par une partie du produit de trois taxes affectées : le prélèvement sur les jeux exploités par la Française des Jeux hors paris sportifs, la contribution sur la cession des droits de retransmission audiovisuelle (dite taxe « Buffet ») et le prélèvement sur les paris sportifs en ligne.
En 2024, ce dernier a rapporté 35 M€ à l'Agence nationale du sport, alors que son rendement total était estimé à 182 M€. En 2025, le gouvernement propose de rehausser ce plafond à 100 M€ pour un rendement prévisionnel total de 214 M€.
Il ne s'agit toutefois que de compenser la perte de la taxe sur les activités de la Française des Jeux (hors paris sportifs) qui ne pourra plus être affectée à l'ANS mais reviendra au budget général de l'État, afin de se mettre en conformité avec les principes de la loi organique relative aux lois de finances. Cette taxe représentait 72 M€ pour l'ANS en 2024.
Pour que « le sport finance le sport », et pour compenser le risque de diminution du produit de la taxe « Buffet », en conséquence de la baisse des droits audiovisuels du football, il est nécessaire de relever le plafond du prélèvement sur les paris sportifs en ligne.
Ce relèvement est d'autant plus nécessaire qu'il faudra faire vivre l'héritage des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 dans un contexte budgétaire contraint.
Recommandation n° 10 : Renforcer le principe de mutualisation des produits revenant aux sociétés sportives (art. L. 333-3 du code du sport) en veillant à une répartition équitable des ressources afin de garantir la viabilité à long terme du championnat, grâce à la fixation d'un ratio maximal de distribution de 1 à 3 des revenus entre clubs professionnels.
L'article L.333-3 du code du sport dispose que « les produits revenant aux sociétés leur sont redistribués selon un principe de mutualisation, en tenant compte des critères arrêtés par la ligue et fondés notamment sur la solidarité existant entre les sociétés, ainsi que sur leurs performances sportives et leur notoriété ».
Il existe donc un principe de solidarité entre clubs professionnels, tempéré par la nécessité de prendre en compte leurs performances et leur notoriété afin de répartir équitablement les droits d'exploitation. Le curseur entre ces deux objectifs contradictoires est fixé librement par la ligue et donc par les clubs. En 2022, la répartition des droits audiovisuels a été modifiée afin de favoriser les « locomotives » du championnat et d'encourager, ainsi, la réalisation de performances au niveau européen.
Si les performances européennes sont gages d'attractivité pour le championnat français, l'émergence d'une Ligue 1 « à plusieurs vitesses » crée l'effet inverse en limitant l'enjeu sportif en raison d'écarts croissants de compétitivité entre les équipes. Cette évolution a un retentissement négatif sur les droits audiovisuels de la Ligue 1. Par ailleurs, les clubs « européens » sont aussi financés par les droits UEFA qui atteignent des montants significatifs.
En 2023-2024, les droits audiovisuels de la Ligue 1 s'échelonnent de 60 M€ pour le Paris Saint-Germain à 14,5 M€ pour le Havre, soit un rapport de 1 à 4. À titre de comparaisons, les revenus audiovisuels de la Premier League anglaise s'échelonnaient de 167 M£ (Manchester city) à 95 M£ (Southampton) en 2022-2023, soit un rapport de 1 à 1,8.
Il est donc proposé de fixer un ratio maximal de distribution de 1 à 3.
Recommandation n° 11 : Envisager une consolidation de la taxe « Buffet » par un élargissement de son assiette selon des modalités à déterminer pour tenir compte de la diversification nécessaire des ressources des clubs.
Il s'agit d'une proposition récurrente de la Cour des comptes.
L'article 302 bis ZE du code général des impôts institue une contribution sur la cession des droits de diffusion télévisuels de manifestations ou de compétitions sportives, au taux de 5 %. Cette contribution a été mise en place en 2000 à l'initiative de la ministre de la jeunesse et des sports Marie-George Buffet afin de tirer parti de ces recettes pour financer le développement du sport français. Aujourd'hui, cette taxe est affectée à l'Agence nationale du sport (ANS).
Cette taxe met en oeuvre un principe de solidarité entre sport professionnel et sport amateur mais aussi une mutualisation entre disciplines. En 2023, le football représentait en effet 77 % du produit de la taxe « Buffet », qui doit rapporter 59,7 M€ en 2024 et autant en 2025.
Le rendement de la taxe « Buffet » dépend de l'évolution du marché des droits sportifs. Ainsi, la défaillance de Mediapro a conduit au versement d'une compensation de 15 M€ à l'ANS en 2022 par redéploiement de crédits. D'après la Cour des comptes, « le principe d'une telle compensation, renouvelée chaque année, est discutable car le budget de l'État n'a pas vocation à couvrir les aléas de négociation ou encore les effets des évolutions de l'intensité concurrentielle dans le domaine des droits audiovisuels » 88(*).
La Cour des comptes a proposé, en 2013, deux pistes89(*) qui mériteraient d'être étudiées :
Ø Un élargissement de l'assiette de la taxe « Buffet » aux droits cédés depuis l'étranger ;
Ø Une taxation des recettes commerciales autres que celles générées par les droits TV, accompagnée de dispositions visant à éviter de pénaliser les fédérations bénéficiant de faibles ressources propres.
* 88 Cour des comptes, analyse de l'exécution budgétaire 2022, mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
* 89 Cour des comptes, « Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l'action de l'Etat », rapport public thématique de janvier 2013.