CHAPITRE 2 -
RENFORCER LES FONDS PROPRES
POUR SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT
DES
ENTREPRISES FRANÇAISES
VII. LE NIVEAU DES FONDS PROPRES, UN ENJEU MAJEUR POUR L'INVESTISSEMENT DES ENTREPRISES
Le faible niveau de fonds propres des entreprises françaises a, de longue date, été identifié comme un handicap à leur développement et leur solidité financière. Il s'explique en partie par la composition du tissu économique national, constitué en très grande majorité de TPE et PME, moins enclines à renforcer leurs capitaux propres et ayant un accès moins diversifié aux diverses sources de financements.
Or, les fonds propres sont un marqueur de solidité financière de l'entreprise et sont indispensables à leur développement, en ce qu'ils offrent un financement stable et durable pouvant soutenir l'investissement de long terme ; et qu'ils permettent d'accéder plus facilement à la dette.
La dernière décennie a été marquée, selon la Banque de France, par une amélioration globale de la situation des entreprises françaises en matière de fonds propres. Ce renforcement était particulièrement notable pour les TPE-PME, dont les fonds propres ont cru d'environ 6 % par an entre 2009 et 2019 (contre 2,6 % pour les grandes entreprises et 4,3 % pour les ETI). Au premier chef, il a été permis par la mise en réserve des résultats dans une conjoncture favorable.85(*)
En 2019, avant la pandémie de Covid-19, le ratio de fonds propres des TPE-PME françaises avait ainsi retrouvé des niveaux comparables à celui de leurs homologues allemandes et italiennes.
Poids des capitaux propres appelés dans le
total des ressources
par catégorie d'entreprise entre 2006 et 2019
(en %)
Source : Rapport
de l'Observatoire du financement des entreprises,
« Les fonds propres
des TPE et PME », mai 2021.
Mais ces chiffres globaux cachent d'importants écarts. En 2018, selon la Banque de France jusqu'à 20 % des PME restaient sous-capitalisées au regard de leur niveau d'endettement86(*), dont 9 % présentant des capitaux propres négatifs. Un tiers des TPE se caractérisait par des structures financières très dégradées, tandis qu'une sur cinq présentait des fonds propres négatifs. Or, ces indicateurs sont des facteurs majeurs de défaillance.
La période récente s'est donc caractérisée par une divergence croissante entre une majorité de TPE-PME ayant réussi à renforcer leurs fonds propres au cours des dernières années, et une minorité d'entre elles rencontrant d'importantes difficultés (notamment dans les secteurs de l'hébergement-restauration, de l'immobilier et des services aux particuliers).
De surcroît, la perte importante de revenu et l'accroissement significatif de la dette enregistrés par les entreprises françaises durant la crise sanitaire et économique liée au Covid-19 ont renversé la tendance à l'amélioration des ratios de fonds propres. Selon un baromètre Bpifrance Rexecode de février 2021, « 43 % des dirigeants de TPE/PME font état d'un recul du niveau de leurs fonds propres depuis le début de la crise » et « 16 % des chefs d'entreprise ayant répondu déclarent que le niveau des fonds propres de leur entreprise constitue une contrainte forte pour aborder la phase de reprise et pour leurs éventuels projets de développement ».
En mai 2021, la Banque de France estimait ainsi à 50 milliards d'euros environ le besoin de fonds propres des entreprises françaises, évaluant que 20 milliards d'euros (à destination notamment des ETI non cotées et des PME) devraient être accompagnés d'un soutien public ciblé pour être mobilisés efficacement.87(*) Dans son rapport relatif aux fonds propres des TPE et PME, l'Observatoire du financement des entreprises estimait « nécessaire de renforcer les fonds propres pour conforter la solvabilité des TPE et PME profitables sur le long terme mais fragilisées par une hausse de leur endettement, préserver la capacité d'endettement des entreprises potentiellement atteintes par un taux d'endettement élevé qui réduit leur accès aux financements et regarnir les coussins pour pouvoir absorber des chocs futurs. »88(*)
Soutenir les fonds propres des entreprises, de la TPE active dans l'économie de proximité des territoires à l'ETI en recherche de développement international sera donc un enjeu clef au cours des prochaines années. Il permettra de renforcer la solidité financière des entreprises, d'accroître leur capacité d'endettement et d'autofinancement, et d'assumer les investissements conséquents qui s'annoncent nécessaires pour mener les grandes transitions.
La question des fonds propres est aussi une question de souveraineté : à défaut d'une offre française et européenne de capitaux, et d'un environnement réglementaire - notamment fiscal - permettant aux entreprises de procéder au renforcement leur capital, elles seront contraintes de se tourner vers des investisseurs extra-européens, au prix souvent d'une modification de leur gouvernance ou de leurs orientations stratégiques. C'est donc également l'ancrage de long terme de ces activités en France et en Europe, en particulier pour les PME de croissance et pour les ETI, qui est en jeu.
* 85 Rapport de l'Observatoire du financement des entreprises, « Les fonds propres des TPE et PME », mai 2021.
* 86 La Banque de France définissant une entreprise sous-capitalisée comme une entreprise dont les dettes représentent plus du double des fonds propres.
* 87 Rapport de l'Observatoire du financement des entreprises, « Les fonds propres des TPE et PME », mai 2021.
* 88 Ibid.