VI. UNE CAPACITÉ LIMITÉE DU SECTEUR BANCAIRE À FINANCER LES INVESTISSEMENTS RISQUÉS, DANS LES ACTIFS IMMATÉRIELS ET DANS LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

A. UNE AVERSION DES BANQUES AU RISQUE ?

Au-delà des enjeux d'accès au financement bancaire, les travaux des rapporteurs démontrent un questionnement plus fondamental sur la capacité du secteur bancaire à participer pleinement au financement des grandes transitions au cours des prochaines années.

Il ressort des auditions que le secteur bancaire est souvent perçu par les chefs d'entreprise comme privilégiant une logique fondée sur la rentabilité financière de l'investissement et sur la limitation du risque, peu compatible avec le haut degré d'incertitude qui caractérise les transitions écologique et technologique. Ces incertitudes ne permettent en effet pas toujours d'entrevoir à court terme la rentabilité ultime des investissements importants devant être consentis par les acteurs économiques.

Souvent, les banques ont été décrites par les personnes entendues par les rapporteurs comme intervenant « tardivement lors des tours de table » ou « uniquement lorsque d'autres financeurs se sont déjà engagés ».69(*) Si cette recherche de co-financement peut être fructueuse lorsque des investisseurs privés sont prêts à s'engager, elle limite de facto l'action des banques auprès des TPE-PME, qui accèdent moins facilement au capital-investissement ou aux financements de marchés, et ne disposent donc pas de l'effet de levier nécessaire. Elle entretient également une forme de dépendance aux éventuelles aides publiques ou garanties publiques pouvant être accordées.

En réponse à ces critiques, les établissements bancaires ont fréquemment mis en avant trois explications :

· le fait que les investissements risqués aient, par nature, vocation à être financés plutôt par les fonds propres et le capital-risque ;

· la responsabilité des banques vis-à-vis des dépôts des épargnants français : la culture « prudente » de ces derniers, privilégiant la sécurité à la rentabilité, oriente effectivement l'épargne vers des investissements moins risqués ;

· la forte contrainte réglementaire pesant sur l'activité des établissements bancaires, notamment en comparaison avec les législations anglo-saxonnes, exigeant de hauts ratios prudentiels qui limitent les volumes investis ainsi que le risque acceptable. Le Medef a par exemple indiqué que « les réglementations Bâle70(*), Solvabilité71(*) ou MIFID72(*) ont toutes été pensées avec une préoccupation que nous partageons tous de protéger les épargnants d'une part et de limiter les conséquences systémiques [...] d'autre part. Mais nous pensons que ces réglementations ont trop négligé la dimension du financement de l'économie dans leur approche, au prix d'une frein à la croissance : il y a un équilibre à trouver ».73(*) L'impact de la réglementation prudentielle, qui renforce encore la culture « prudente » des épargnants européens, a effectivement été cité par de nombreuses personnes entendues par les rapporteurs, comme un obstacle au financement des entreprises.


* 69 Propos tenus lors des auditions menées par les rapporteurs.

* 70 Accords de Bâle III publiés le 16 décembre 2010 par le Comité de Bâle, transposés dans le droit de l'Union européenne par plusieurs paquets bancaires dont les derniers règlements et directives révisés ont été finalisés en 2024.

* 71 Directive dite « Solvabilité 2 » adoptée en 2009 et entrée en vigueur en 2016. Elle a fait l'objet d'une révision, finalisée en 2024 par les institutions européennes et qui devrait entrer en vigueur en 2026.

* 72 Directive concernant les marchés financiers dite « MIFID », adoptée en 2004 et entré en vigueur en 2007, puis révisée en 2014 (par une directive « MIFID II » et un règlement « MIFIR ») pour une entrée en vigueur en 2018.

* 73 Réponses au questionnaire transmis par les rapporteurs.

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