B. RENFORCER LA LUTTE CONTRE LA DÉSINFORMATION
1. Les tentatives de désinformation observées
Plusieurs organisations auditionnées ont souligné l'ampleur et l'audience des publications anti-avortement en ligne, ainsi que l'existence de sites internet de désinformation destinés à décourager le recours à une IVG.
D'après le « Baromètre IVG » publié par le planning familial, 41 % des femmes ayant récemment eu recours à l'IVG déclarent que « le droit à l'avortement est tabou ». Interrogées sur les freins à l'accès à l'avortement en France, 63 % d'entre elles mentionnent la peur d'être jugées et 37 % les pressions exercées sur les femmes qui souhaitent avorter58(*).
Si la « liberté garantie à la femme » d'avoir recours à une IVG est désormais élevée au rang constitutionnel, les discours anti-avortement en ligne demeurent particulièrement virulents ces dernières années. Un rapport de la Fondation des femmes souligne ainsi qu'« il semblerait que l'arrêt [de juin 2022] de la Cour suprême des États-Unis ait raffermi les groupes de lutte contre l'avortement dans leurs actions, comme le montre la recrudescence d'attaques contre les locaux d'organisations luttant pour les droits reproductifs, au premier plan desquelles le planning familial, et des opérations très médiatisées menées par des organisations anti-avortement, dont la récente campagne coordonnée d'autocollants apposés sur des Vélib' à Paris. »59(*)
Cette mobilisation se manifeste, selon la Fondation, « sous la forme de fausses informations, d'affirmations trompeuses sur l'avortement et de contenus choquants et dissuasifs », destinés « à décourager les utilisateurs de recourir à l'avortement et à semer le doute sur la sécurité des traitements médicaux utilisés ».
2. Protéger l'information des patientes
Le délit d'entrave à l'IVG, progressivement renforcé ces dernières années, ne permet qu'imparfaitement de prévenir ce type de désinformation. Si, depuis la loi du 20 mars 2017, il vise désormais le fait d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une IVG par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, le Conseil constitutionnel a toutefois jugé que la seule diffusion d'informations à destination d'un public indéterminé sur tout support, notamment sur un site de communication au public en ligne, ne saurait être regardée comme constitutive de pressions, menaces ou actes d'intimidation au sens de ces dispositions (décision n° 2017-747 DC du 16 mars 2017). Interrogé par les rapporteurs, le ministère confirme qu'aucune condamnation n'a été recensée sur le fondement de ce délit depuis 2014.
Les rapporteurs jugent indispensable, en revanche, de lutter contre la désinformation en ligne par la diffusion d'informations fiables sur l'IVG. Ils soutiennent, à ce titre, les efforts consentis ces dernières années pour améliorer le référencement et l'exhaustivité du site ivg.gouv.fr, et appellent le Gouvernement à les poursuivre. Ils jugent également souhaitable l'organisation régulière de campagnes de communication grand public sur les modalités d'accès à l'IVG, sensibilisant ses destinataires au risque de désinformation en ligne.
Proposition n° 10 : Conduire régulièrement des campagnes de communication grand public sur les modalités d'accès à l'IVG, sensibilisant les patientes au risque de désinformation en ligne.
Réunie le mercredi 16 octobre 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté le rapport et les recommandations présentés par M. Alain Milon, Mmes Brigitte Devésa et Cathy Apourceau-Poly, rapporteurs, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
* 58 Étude Ifop pour le planning familial, op. cit.
* 59 Fondation des femmes, « Mobilisation anti-avortement en France. Quand les réseaux sociaux menacent le droit à l'IVG », janvier 2024.